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1282. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Les artistes grecs s’occupent moins de toucher fort que de toucher juste. […] Soyons francs, soyons justes. […] Le roi sourit, salua, parut bienveillant ; Saint-Simon demeura à la cour, sans charge, au bon point de vue, ayant le loisir de tout écouter et de tout écrire, un peu disgracié, point trop disgracié, juste assez pour être historien. […] Le politique n’en voit qu’une qui est la vraie ; il a le tact juste, plutôt que l’imagination abondante ; d’instinct, il devine la bonne route, et la suit sans plus chercher. […] Troplong représentait l’aristocratie comme injuste et tyrannique : il la représente comme juste et bienfaisante.

1283. (1888) Études sur le XIXe siècle

Il est sceptique, mais sans aigreur, juste assez pour rester tranquillement établi dans un épicuréisme modéré. […] En politique, le juste milieu lui semble « le système le plus apte à sauver la société des deux excès qui la menacent : l’anarchie et le despotisme ». Ce qu’il entend par juste milieu, ce n’est d’ailleurs pas un système particulier ou défini, c’est un art pratique qui « consiste à céder à la nécessité des temps tout ce que la raison peut trouver juste », et à lui refuser « ce qui n’a d’autre fondement que les clameurs des partis et la violence des passions anarchiques ». […] Au fond, son juste milieu n’est autre chose que l’art de gouverner avec mesure. […] En France, le juste milieu prend racine ; en Allemagne il croît et renforce dans l’ombre.

1284. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome I

Il faudra donc exercer sur cette lettre un travail minutieux — et probablement illusoire — pour apprécier sa juste valeur. […]  » Il n’est que juste d’ajouter qu’il corrigeait cette critique par un éloge des hautes qualités de son rival en influence sur nous autres, jeunes gens. […] Cette notation, si juste et si précise, du menu trait matériel s’accompagne chez Pascal d’une notation non moins précise de la vérité psychologique. […] Pas une phrase, qu’elle sorte de la plume du tout jeune étudiant, ou de celle du quadragénaire éprouvé par la vie, qui ne rende un son juste et vrai. […] Remarque très juste de M. 

1285. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

 » Elle se moque juste comme Boileau en son temps faisait du Wahal ou du Leck, et des généraux du pays avec leurs noms tudesques : Wurts… Ah ! […] Elle trouvera bon, j’en suis sûr, que je vous rende votre place, et peut-être aura-t-elle la bonté de me dédommager. — Non, monsieur, a dit le comte ; vous êtes trop honnête, et cela n’est pas juste : je suis impardonnable de m’être fait attendre ; je suis bien puni, mais je l’ai mérité. — Mlle de La Prise a paru également contente du comte et de moi ; elle lui a promis la quatrième contredanse, et à moi la cinquième pour mon ami, et la sixième pour moi-même. […] Il y disait : « Ce n’est qu’une bagatelle, assurément ; mais c’est une très-jolie bagatelle ; mais il y a de la facilité, de la rapidité dans le style, des choses qui font tableau, des observations justes, des idées qui restent ; mais il y a dans les caractères cet heureux mélange de faiblesse et d’honnêteté, de bonté et de fougue, d’écarts et de générosité, qui les rend à la fois attachants et vrais ; il y a une sorte de courage d’esprit dans tout ce qu’ils font, qui les fait ressortir, et je soutiens qu’avec une âme commune on ne les eût point inventés ; mais il y a une très-grande vérité de sentiments : toutes les fois qu’un mot de sentiment est là, c’est sans effort, sans apprêt ; c’est ce débordement si rare qui fait sentir qu’il ne vient que de la plénitude du cœur, dont il sort et coule avec facilité, sans avoir rien de recherché, de contraint, d’affecté, ni d’enflé… » 223. […] Il avait, en causant, une singulière manière de donner raison à son interlocuteur un peu étonné : « Ce que vous dites là est si juste que le contraire est parfaitement vrai. » — Il disait encore, par manière de variante, que sur toute question il avait toujours une idée de plus qui dérangeait tout.

1286. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Pour avoir été juste, une barbare loi             Ordonne que je meure, Dieux saints ! […] Clytemnestre, en assassinant Agamemnon par un juste retour, lui avait fait expier le sacrifice d’Iphigénie immolée justement aussi188 pour le salut des Grecs. […] de belles têtes vides, à qui le poète avare n’a mesuré que la dose d’intelligence strictement nécessaire pour que les spectateurs puissent savoir au juste qui elles sont et ce qu’elles veulent215. […] Mais Tartuffe n’a d’esprit que bien juste ce qui lui en faut pour duper Orgon, puisqu’il tombe lui-même dans les grossiers panneaux d’Elmire. — À ce coquin sans grandeur je préfère don Juan de beaucoup ; par son olympienne sérénité, son ferme et beau courage, la distinction de son intelligence, sa bonne façon et ses grandes manières, il est mille fois plus comique que son confrère en hypocrisie.

1287. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

Vous avez fini par comprendre qu’avec un être aussi faible et aussi mobile que l’homme, la bienveillance faisait partie de la justice, et qu’il fallait donner aux autres cette indulgence dont nous avions besoin pour nous-même ; ainsi vous êtes devenu bon en devenant juste. […] Elle en sort et coule au pied de petites collines irrégulières qui sont couvertes de vignes ; puis, passé le château romantique qui porte aujourd’hui le nom de Valleggio, situé sur une éminence, elle descend à travers une longue vallée, et alors elle se répand dans la plaine en deux petits lacs, l’un au-dessus et l’autre juste au-dessous de la ville de Mantoue. […] Ampère, a touché, comme il sait faire, le ton juste de ce même paysage et de la teinte morale qu’on se plaît à y répandre, dans un chapitre de son Voyage dantesque : « “Tout est virgilien à Mantoue, dit-il ; on y trouve la topographie virgilienne et la place virgilienne ; aimable lieu qui fut dédié au poète de la cour d’Auguste par un décret de Napoléon. […] « À ce que je viens de dire que Virgile était décoré de pudeur, il ne serait pas juste d’opposer comme une contradiction ce qu’on raconte d’ailleurs de certaines de ses fragilités : “Il fut recommandable dans tout l’ensemble de sa vie, a dit Servius ; il n’avait qu’un mal secret et une faiblesse, il ne savait pas résister aux tendres désirs.”

1288. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

Or, cette identification de chacun avec tous, ce souci unique de la jouissance immédiate et du confort, ce soin jaloux que nous avons de nous dissimuler les uns aux autres notre personnelle originalité afin, précisément, de ne pas troubler la jouissance individuelle de la vie, tous ces signes joints à la conception basse que la science vulgaire s’est faite de la vérité, ont compromis dans la plupart des esprits le sentiment juste de la civilisation, nous ramènent à un état de barbarie paisible, satisfaite, et, dans le mouvement perpétuel de la vapeur, à la lumière brutale de l’électricité, montreront bientôt à la nature épouvantée, sous nos chapeaux ridicules, la face cruellement béate du singe ancestral. Je semble me contredire. — J’ai dit en commençant que l’évolution est la loi du monde, que la marche en avant ne s’est jamais interrompue, que tout se meut, que tout progresse : et voici que je déclare compromis le sentiment juste de la civilisation. […] En eux se conserve le sens juste de la civilisation : et quel est-il, sinon la conclusion du syllogisme humain ? […] On entrevoit mal, dans la société telle que la constitue l’éducation moderne, que la juste part soit faite aux deux naturels conducteurs du monde, le poète et le savant.

1289. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

Les hommes, ne pouvant distinguer la cause réellement juste, croyaient juste celle que favorisaient les dieux. […] Dans les républiques populaires bien ordonnées, la seule inégalité qui subsiste est déterminée par le cens : Dieu veut qu’il en soit ainsi, pour donner l’avantage à l’économie sur la prodigalité, à l’industrie et à la prévoyance sur l’indolence et la paresse. — Le peuple pris en général veut la justice ; lorsqu’il entre ainsi dans le gouvernement, il fait des lois justes, c’est-à-dire généralement bonnes. […] « Dans cette étude, il observa bientôt que la jurisprudence romaine n’était qu’un art de décider les cas particuliers selon l’équité, art dont les jurisconsultes donnaient d’innombrables préceptes conformes à la justice naturelle, et tirés de l’intention du législateur ; mais que la science du juste enseignée par les philosophes est fondée sur un petit nombre de vérités éternelles, dictées par une justice métaphysique qui est comme l’architecte de la cité ; qu’ainsi l’on n’apprend dans les écoles que la moitié de la science du droit. » La morale le ramena à la métaphysique ; mais comme il tirait peu de profit de celle d’Aristote, il se mit à lire Platon, sur sa réputation de prince des philosophes.

1290. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

Il entre quelque chose d’incomplet, même dans les idées justes que Gibbon énonce à ce sujet. […] Ce ne serait pas être juste, avant de quitter l’Histoire de ce dernier, que de n’y pas signaler encore quelques endroits tout littéraires et d’une heureuse richesse, où l’auteur est bien dans l’application de sa nature et dans l’emploi de son talent : par exemple, un passage soigné sur les écoles de philosophie grecque au moment où l’édit de Justinien les supprime ; et, tout à la fin de l’ouvrage, les considérations sur la Renaissance en Italie, sur l’arrivée des lettrés de Constantinople, sur les regrets de Pétrarque en recevant un Homère qu’il ne sait pas lire dans l’original, et sur le bonheur de Boccace, plus docte en ceci et plus favorisé.

1291. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

Au sortir de l’École centrale où, sur la fin, il avait étudié avec ardeur les mathématiques, Beyle vint pour la première fois à Paris ; il avait dix-sept ans ; il y arriva le 10 novembre 1799, juste le lendemain du 18 Brumaire : date mémorable et bien faite pour donner le cachet à une jeune âme ! […] Cela dit, il faut, pour être juste, reconnaître que le théâtre moderne, pris dans son ensemble, n’a pas été sans mérite et sans valeur littéraire ; les théories ont failli ; un génie dramatique seul, qui eût bien usé de toutes ses forces, aurait pu leur donner raison, tout en s’en passant.

1292. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — I. » pp. 413-433

L’amitié du père Lefebvre pour le jeune Daru avait commencé à Tournon dès l’année 1776, quand celui-ci n’avait que neuf ans ; elle dura jusqu’à la fin, doucement flattée et enorgueillie dans l’élévation et la juste fortune de celui à qui il écrivait en 1788 : « Votre gloire doit faire la consolation de mes cheveux blancs, ne négligez rien pour la rendre solide. » À cet effet, le père Lefebvre n’épargnait pas à son ancien élève les conseils du sage et de l’homme de goût : Voulez-vous que je tous parle franchement, mon cher Daru ? […] Il faut se reporter au temps pour être complètement juste envers l’estimable traducteur.

1293. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — II » pp. 375-394

On sait du reste que Frédéric n’était pas le philosophe tout idéal et tout à la Marc Aurèle que les gens de lettres ses amis se hâtèrent de promettre un peu témérairement au monde quand il monta sur le trône ; mais il était réellement philosophe par goût, par bon sens, parce qu’il réduisait chaque chose à la juste réalité, et que, tout en faisant vaillamment son rôle et son métier de souverain, il se séparait à tout instant de cette destinée d’exception pour se juger, pour se regarder soi-même et les autres. […] Insistant sur l’utilité dont peut être une bonne dialectique pour prémunir contre les faux jugements : « Il est certain, dit-il, que la lecture fréquente des ouvrages de Bayle donne à l’esprit une certaine volubilité sur cette matière, qu’il ne tiendra jamais uniquement des avantages de la nature. » Tout en recommandant particulièrement à son frère quelques écrits de son auteur de prédilection, il ajoute que lui-même est occupé de faire imprimer en ce moment un extrait du Dictionnaire ; il compte que cet abrégé, qui porte principalement sur la partie philosophique de l’ouvrage, se répandra dans le public et pourra être utile : Je suis persuadé que la mauvaise conduite de la plupart des hommes vient moins d’un principe de méchanceté que d’une suite de mauvais raisonnements ; et je crois par conséquent que si on pouvait leur apprendre à raisonner d’une façon plus juste et plus conséquente, leurs actions s’en ressentiraient d’une manière avantageuse.

1294. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — I » pp. 432-453

Lorsque d’Alembert venait lui demander un matin de vouloir bien lui prêter la somme de « vingt-deux livres dix sous », elle lui prêtait cette somme juste, ni plus ni moins. […] Son goût en littérature, en ouvrages d’agrément, est juste ; son jugement sur les ouvrages sérieux est solide ; son esprit a de l’étendue et de la sagacité, il voit promptement et loin.

1295. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — IV » pp. 103-122

Remarquez que les Hollandais ont adressé juste le même reproche au prince Eugène. […] Au lieu de rien demander après de tels services rendus, il n’avait qu’à s’abstenir, à se renfermer dans le sentiment de sa juste gloire ; mais alors il eût été un autre ; et il était surtout un talent, un beau zèle et une fortune.

1296. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Merlin de Thionville et la Chartreuse du Val-Saint-Pierre. »

Pour être juste envers lui, il faudrait plutôt le prendre dans ses motions contre l’étranger et contre ceux qui le favorisaient. […] Il évitait ce dernier autant que possible et se montrait extrêmement juste et humain. » Ce dom Colignon qui, on le voit, dépassait de beaucoup le Vicaire savoyard, était tout à fait un curé comme Rabelais pouvait l’être au xvie  siècle, comme bien d’autres l’étaient au xviiie , un curé à la Marmontel, un curé de Mélanie, mais plus franc et d’une touche originale.

1297. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. De Pontmartin. Causeries littéraires, causeries du samedi, les semaines littéraires, etc. »

Cuvillier-Fleury, ancien adversaire orléaniste, il s’est laissé aller au-delà du juste depuis le rapprochement qui s’est opéré entre eux, ce qui a fait dire à quelqu’un : « Cuvillier-Fleury et Pontmartin sont deux politiques sous forme littéraire, qui, même quand ils ont l’air de se faire des chicanes, se font des avances et des minauderies, et qui tendent sans cesse à la fusion sans y arriver jamais. » Tous deux hommes d’ancien régime, c’est à qui désormais rivalisera de courtoisie avec l’autre, pour montrer qu’il n’est pas en reste et qu’il sait vivre. […] Pour mon compte, je dois cependant convenir, sans prétendre faire le généreux, que sa plaidoirie en faveur de Chateaubriand, à l’occasion et à l’encontre d’un livre que j’ai publié, m’a frappé comme très-spirituelle, très bien menée, très-soutenue d’haleine, fort juste en bien des points ; et il me coûte d’autant moins de le reconnaître, qu’au fond ses conclusions à lui (sauf le ton de la chanson) ne sont pas si différentes des miennes, et qu’un abîme, quoi qu’il en dise, ne nous sépare pas.

1298. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite et fin.) »

Je n’ai pas besoin de vous dire que celle d’en bas est galante et a encore des prétentions ; celle d’en haut est très-sensible aussi et a une éloquence mesurée, qui est juste et qui plaît. […] D’autres bons témoins sont plus justes à son égard.

1299. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin (suite et fin.) »

Fromentin applique, en effet, aux figures le même mode d’expression qu’il a porté dans ses tableaux naturels ; au lieu de s’en tenir à la description pure des traits, du teint, des cheveux et de chaque partie de la personne, à ces signalements minutieux et saillants, qui, à force de tout montrer, nous empêchent parfois de voir et de nous faire une juste idée de l’ensemble, M.  […] Ces légères réserves et ces réflexions faites, on n’a que des remerciements à adresser à l’auteur pour le plaisir qu’on lui a dû ; on n’a que des éloges à lui donner pour la délicatesse des sentiments et le juste emploi des couleurs.

1300. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

M. de Talleyrand, sur tout cela, pressentait et calculait juste ; mais aux pensées trop sombres, il ne voyait à opposer que sa méthode expectante : « 20 juin (1827). […] Mais comment un esprit si net et si juste en prose pouvait-il se prendre d’une sorte d’admiration pour de tels amphigouris soi-disant lyriques ?

1301. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — Note »

Il est question de cette double lecture dans les lettres qui suivent : elle m’y loue plus que je ne le méritais, et elle se montre plus sévère pour elle qu’il n’était juste. […] C’est une bonne et rude leçon, et l’on en profite ; mais il est bien des malheureux qui ont longtemps porté leur joug avec courage, et qui un jour se sont enfin soustraits à ce joug de plomb : ceux-là, on les plaint et on les oublie, et c’est encore bien ; mais je suis sûre que, si l’on eût pu recueillir les dernières plaintes de leur agonie, on eût entendu sur leurs lèvres d’amers et justes reproches pour leurs amis. 

1302. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « GRESSET (Essai biographique sur sa Vie et ses Ouvrages, par M. de Cayrol.) » pp. 79-103

Des vers latins, des discours latins, des énigmes rimées, une traduction en vers français des Églogues de Virgile faite à vingt et un ans, je franchis d’un pas tout ce premier bagage, sur lequel le biographe, comme de juste, s’appesantit. […] Il est juste que les belles aient la préférence sur les rois. » 34.

1303. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre III. Montesquieu »

Montesquieu est tout juste apte à railler la curiosité frivole des badauds parisiens, la brillante banalité des conversations mondaines, à noter que les femmes sont coquettes, et les diverses formes de fatuité qui se rencontrent dans le monde. […] On sait la définition, juste autant que vaste, que Montesquieu a donnée de la loi.

1304. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jules de Glouvet »

La thèse que soutient ici M. de Glouvet est si juste qu’il ne faut pas lui en vouloir si ces deux romans sont un peu trop conçus comme des démonstrations. […] Les traits sont exacts, les épithètes sont justes : l’impression d’ensemble fait défaut.

1305. (1890) La fin d’un art. Conclusions esthétiques sur le théâtre pp. 7-26

Nous voyons au juste, maintenant, l’influence du milieu : il n’est pas une cause suffisante, il est un élément nécessaire. […] Lagneau, certains économistes conseillent d’insuffler quelques sangs étrangers dans nos veines appauvries, d’autres cosmopolites convaincus promettent, par la transfusion du théâtre exotique, la convalescence du nôtre : le malheur est qu’on ne veut pas comprendre les traductions, et que les adaptations ne servent à rien. — Notre esthétique est d’une triste exactitude, si la prévision négative suggérée par le séparatisme contemporain se réalise aussi juste.

1306. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XX. La fin du théâtre » pp. 241-268

Nous voyons au juste, maintenant, l’influence du milieu : il n’est pas une cause suffisante, il est un élément nécessaire. […] Lagneau, certains économistes conseillent d’insuffler quelques sangs étrangers dans nos veines appauvries, d’autres cosmopolites convaincus promettent, par la transfusion du théâtre exotique, la convalescence du nôtre : le malheur est qu’on ne veut pas comprendre les traductions, et que les adaptations ne servent à rien. — Notre esthétique est d’une triste exactitude, si la prévision négative suggérée par l’individualisme contemporain se réalise aussi juste.

1307. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XII »

Il devine juste : madame de Simerose a du sang grec dans les veines ; elle a rompu avec son mari après deux mois de mariage, et elle est sortie, la réputation intacte, de cette rupture dont le motif n’a pas été dévoilé. […] Le premier acte met en scène ces cinq personnages, sous un feu croisé de mots justes et de vives saillies, de tirades ardentes et de réparties ironiques qui les éclaire sous tous leurs aspects.

1308. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame Geoffrin. » pp. 309-329

Mme Geoffrin n’a rien écrit que quatre ou cinq lettres qu’on a publiées ; on cite d’elle quantité de mots justes et piquants ; mais ce ne serait pas assez pour la faire vivre : ce qui la caractérise en propre et lui mérite le souvenir de la postérité, c’est d’avoir eu le salon le plus complet, le mieux organisé et, si je puis dire, le mieux administré de son temps, le salon le mieux établi qu’il y ait eu en France depuis la fondation des salons, c’est-à-dire depuis l’hôtel Rambouillet. […] Ce que Mme Geoffrin eut de plus dans son gouvernement de salon bien autrement étendu et considérable, ce fut une raison plus ferme et plus à domicile en quelque sorte, qui faisait moins de frais et d’avances, moins de sacrifices au goût des autres ; ce fut ce bon sens unique dont Walpole nous a si bien rendu l’idée, un esprit non seulement délicat et fin, mais juste et perçant.

1309. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

Cette disposition, après tout, même dans son exagération, est des plus respectables ; elle est la plus juste et la plus vraie, et ce n’est pas moi qui m’aviserai d’y porter atteinte. […] Mais quand on a posé toutes ces réserves, on doit, pour être juste, reconnaître que M. 

1310. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur Bazin. » pp. 464-485

Sous ce titre un peu solennel, l’auteur ne fait autre chose que donner des esquisses morales, satiriques, ingénieuses, très fines et assez justes, le résultat de ses observations quand il se promène en flâneur dans Paris. […] Bazin aimait avant tout la concision et la discrétion, les choses justes qui ne s’adressent qu’aux esprits faits pour les sentir.

1311. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

Cette observation si fine et si juste doit servir à expliquer le procédé de Jasmin dans les divers poèmes qu’il a depuis composés : L’Aveugle (1835), puis Françounette (1840), Marthe la folle (1844), Les Deux Frères jumeaux (1845), La Semaine d’un fils (1849). […] La langue dans laquelle Jasmin écrit est le patois du Midi ; mais ce mot est bien vague et ne donnerait pas une juste idée de son doux idiome et du travail d’artiste avec lequel il l’a réparé.

1312. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Notice historique sur M. Raynouard, par M. Walckenaer. » pp. 1-22

Cette observation préalable sur le sujet, et sur la manière dont Raynouard l’a envisagé, est très juste et le paraîtra à tous ceux qui reliront la tragédie et les preuves historiques qui y font cortège. […] Supposant un concours solennel entre les poètes de toutes les nations, chaque nation n’ayant droit qu’à nommer un seul représentant : Les Grecs, s’écrie Raynouard, nommeraient Homère ; les Latins, Virgile ; les Italiens, le Tasse ou l’Arioste (il serait, je crois, plus juste de mettre Dante) ; les Anglais, Milton (lisez plutôt Shakespeare) ; et nous tous, — oui, vous-mêmes qui savez admirer Racine… ah !

1313. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

Ce sage et juste milieu qui, en France, a toujours été plutôt à l’état de vœu, de regret ou d’espérance, qu’à l’état de pratique réelle, avait pourtant quelque ombre d’effet et de coutume dans le pouvoir attribué au Parlement, et Retz montre tous les rois sages, saint Louis, Charles V, Louis XII, Henri IV, empressés à se modérer eux-mêmes et à s’environner d’une limite de justice. […] Le récit de l’auteur, dans les premiers, est semé, et même avec une certaine affectation (c’est la seule), de réflexions politiques desquelles Chesterfield disait qu’elles étaient les seules justes, les seules praticables qu’il eût jamais vues imprimées.

1314. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « M. Fiévée. Correspondance et relations avec Bonaparte. (3 vol. in-8º. — 1837.) » pp. 217-237

Arrivé en province, à Moulins, il s’aperçoit aisément que la proscription ne l’y atteindra pas : il aurait même pu se montrer sans danger et reparaître, s’il n’y avait pas vu une espèce de bravade, et par conséquent un défaut de convenance : « Mais, ajoute-t-il, il faut être poli, même avec les révolutions. » On doit déjà saisir le ton de cet esprit fin, ironique, épigrammatique, et légèrement impertinent jusque dans les choses sérieuses : son mérite est de renfermer bien du bon sens et des vues justes sous cette forme-là. […] Veut-on que j’en cite quelques-uns au hasard : « Faire du pouvoir » (6 janvier 1831). — « Le système politique qui règne aujourd’hui est tout à fait dans le genre classique, etc. » (12 janvier 1831). — « Commerce, crédit public, amortissement » (14 janvier). — « L’opposition doit vouloir rester minorité » (18 janvier). — « Juste milieu » (10 février). — « Qu’est-ce qu’un député sans mandat ? 

1315. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Michaud, de l’Académie française. » pp. 20-40

Michaud était né journaliste : aux aguets chaque matin, il excellait à faire cette guerre à l’œil, à suivre en souriant les moindres mouvements de l’ennemi, à tomber sur lui par surprise ; quand on sait si bien le point juste où il faut viser pour blesser, il est difficile, même aux moins méchants, un jour ou l’autre, de ne pas être cruels. […] « Ce n’est point, disait-il, que je recherche la vaine gloire d’avoir été prophète. » Il se flattait pourtant d’avoir prédit juste, à quelques années près.

1316. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

Lorsque son Testament politique parut en 1687, de bons juges y reconnurent le cachet du maître : Ouvrez son Testament politique, dit La Bruyère, digérez cet ouvrage : c’est la peinture de son esprit ; son âme tout entière s’y développe ; l’on y découvre le secret de sa conduite et de ses actions ; l’on y trouve la source et la vraisemblance de tant et de si grands événements qui ont paru sous son administration : l’on y voit sans peine qu’un homme qui pense si virilement et si juste a pu agir sûrement et avec succès, et que celui qui a achevé de si grandes choses, ou n’a jamais écrit, ou a dû écrire comme il a fait. […] « Il fallait, en cette occasion, s’écrie Richelieu, mépriser sa vie pour le salut de l’État ; mais Dieu ne fait pas cette grâce à tout le monde. » Il revient souvent sur cette idée, que le courage qui fait entreprendre les choses sensées et justes dans l’ordre public est une grâce spéciale de Dieu ; et ce n’est point chez lui une forme de langage : évidemment il le croit.

1317. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — I. » pp. 287-307

On n’est pas juste pour Grimm ; on ne prononce jamais son nom sans y joindre quelque qualification désobligeante : j’ai moi-même été longtemps dans cette prévention, et, quand je m’en suis demandé la cause, j’ai trouvé qu’elle reposait uniquement sur le témoignage de Jean-Jacques Rousseau dans ses Confessions. […] Ses gestes, son maintien et sa démarche annoncent la bonté, la modestie, la paresse et l’embarras… Il a l’esprit juste, pénétrant et profond ; il pense et s’exprime fortement, mais sans correction.

1318. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre quatrième. L’expression de la vie individuelle et sociale dans l’art. »

Flaubert, comprenant lui-même le caractère exclusif de cette théorie, ajoute : « Si je continuais longtemps de ce train-là, je me fourrerais complètement le doigt dans l’œil, car, d’un autre côté, l’art doit être bonhomme. » Oui, et la formule est juste, l’art doit être bonhomme, c’est-à-dire point gourmé, point tendu, point poseur, accueillant pour toutes les choses de la vie et tous les êtres de la nature. […] Ce qui fait qu’il est si difficile d’établir des règles fixes dans la critique d’art, c’est que l’objet suprême de l’art n’est pas fixe : la vie sociale est sans cesse en évolution ; nous ne savons jamais au juste ce que sera demain l’humanité.

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