/ 2869
846. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. (Suite.) » pp. 52-72

Il y a bien, au fond, un peu du souvenir de Mâtho dans ces redoublements d’inquiétude et d’exaltation de la jeune fille, qui se croit, comme beaucoup de ses pareilles, plus idéale et plus mystique qu’elle ne l’est : il y a pour elle, derrière le voile si ardemment invoqué, autre chose encore que la déesse. […] Il songeait à la senteur des pâturages par les matins d’automne, à des flocons de neige, aux beuglements des aurochs perdus dans le brouillard, et, fermant ses paupières, il croyait apercevoir les feux des longues cabanes, couvertes de paille, trembler sur les marais, au fond des bois. » C’est la contrepartie et comme la revanche de ce beau passage des Martyrs ou l’on voit le Grec Eudore, dans le camp romain, à la lisière de la Gaule et de la Germanie, regretter les paysages éclatants de la Grèce et s’ennuyer sous « ce ciel sans lumière, qui semble vous écraser sous sa voûte abaissée. […] Mais les Latins se désolaient de ne pas recueillir leurs cendres dans des urnes ; les Nomades regrettaient la chaleur des sables où les corps se momifient, et les Celtes, trois pierres brutes, sous un ciel pluvieux, au fond d’un golfe plein d’îlots… » C’est une scène de funérailles très-bien étudiée, scrupuleusement rendue : l’auteur a ainsi voulu qu’il y eût dans son livre un tableau de toutes les scènes que l’archéologie peut fournir.

847. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

faut-il que celles que l’on a le plus admirées et plaintes, le plus exaltées et célébrées, nous fassent faute à quelques années de là, nous donnent le regret, la confusion et presque le remords de nos espérances, et que cette misérable vie qui, passé une certaine heure, se compose pour nous d’une suite d’affronts secrets et d’échecs individuels, ne puisse s’achever sans que nous ayons vu coucher l’un après l’autre tous nos soleils, s’abîmer dans l’Océan toutes nos constellations, pâlir au fond du cœur toutes nos lumières ? […] qui donc suscitera cet héroïque esprit, et, s’élançant des rives de l’Eurotas, te réveillera du fond de la tombe ? […] Je marchai en avant, d’une apparence brave, au fond un peu ému, je l’avoue… Mon fusil était armé et chargé de tel plomb qu’il eût pénétré cape, mouchoir, crâne.

848. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

La première pièce est adressée à Barthélémy, dont Veyrat avait fait de loin, faute de le connaître, son oracle et son dieu : Je ne t’ai jamais vu ; mais ta voix de poëte A retenti longtemps au fond de ma retraite ; Mais dans mon cœur froissé par un maître inhumain, Je nourris un serpent échappé de ta main : J’ai voué les tyrans à toutes les furies ! […] On lit dans son Journal à cette date : « Le poëte sans fortune est le plus malheureux des hommes : la courtisane ne livre que son corps, libre de garder au fond du cœur les sentiments qui lui restent ; l’autre, au contraire, doit, pour vivre, livrer ses soupirs, ses émotions, les pensées qui lui sont chères, et jusqu’aux plus secrètes profondeurs de son âme, et cela à un public libre de noircir le tout de la plus injurieuse critique ou du mépris le plus insultant. » — C’est le Journal d’où sont tirées ces paroles si senties, qu’il serait curieux de connaître : on nous le doit. […] À ces doux noms mon âme en sursaut se réveille ; Je sens frémir mon sang et se mouiller mes yeux ; Ainsi qu’Abbadona, l’ange exilé des cieux, Le jour où je quittai les monts de la Savoie, De nos cœurs à la fois s’exila toute joie ; Au fond de nos vallons, pèlerin de malheur, Je laissai mon repos et j’emportai le leur !

849. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre 2. La littérature militante »

Au fond, Du Bartas, qui peint la nature sortant des mains du Créateur, n’est qu’un Belleau protestant. […] Pasquier donna cours à toute sa passion gallicane, et fit un plaidoyer vigoureux, mordant, parfois injurieux, qui, même pour nous, a de la chaleur et de l’intérêt : élargissant le débat, il traita de l’institution même des Jésuites, de leurs principes et de leur doctrine, de la question générale de l’enseignement laïque et de l’enseignement ecclésiastique, usant de la liberté du temps pour se lancera fond dans des discussions qui sont encore actuelles et brûlantes. […] Cette doctrine était impliquée déjà dans les harangues de L’Hôpital : Du Vair ne manquera pas une occasion de l’affirmer, et elle sera le fond solide et comme la substance de la Satire Mênippée.

850. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Alphonse Daudet  »

Mais, au fond, c’est encore le petit Chose qui tient la plume. […] Car les larmes et l’attendrissement sont au fond optimistes, impliquent des illusions et toujours un peu d’espérance. […] » — Est-ce que cette phrase : « Tais-toi, boulanger, je t’en prie », ne vous remet pas sous les yeux toute la scène de la Diligence de Beaucaire 96, le rémouleur immobile sous sa casquette pendant que ce farceur de boulanger conte les aventures de la jolie rémouleuse   Qui a pu lire le Phare des Sanguinaires 97 et oublier le gros Plutarque à tranches rouges, toute la bibliothèque du phare, et, parmi les grondements de la mer, dans le crépitement de la flamme et le bruit de l’huile qui s’égoutte et de la chaîne qui se dévide, la voix du gardien psalmodiant la vie de Démétrius de Phalère   Vous souvenez-vous de ce qu’on trouve au fond du portefeuille de Bixiou98 le vieux caricaturiste aveugle, le funèbre et féroce blagueur : « Cheveux de Céline coupés le 13 mai ? 

851. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame la duchesse d’Angoulême. » pp. 85-102

Au fond même, l’organisation si forte et si saine avait reçu des atteintes. […] Sortie de France, à Vienne, puis à Mittau où on la marie à son cousin, partout, dans les exils divers où la ballotta la fortune, elle est la même : la vie du Temple est là comme dans le fond de son oratoire, pour dominer chacune de ses journées et lui en dicter l’emploi. […] Les lettres qu’on a citées d’elle, et probablement toutes celles qu’elle a écrites, sont simples, sensées, un peu sèches au fond, et ne présentant rien de remarquable.

852. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Th. Dostoïewski »

Par un alliage aussi surprenant que celui, dans son art, du fantastique et du réel, en ses personnages il étudie à la fois, comme un virtuose variant un thème, les développements possibles de certains cas de fièvre spirituelle ; et, en même temps, il devine avec un réalisme génial toutes les forces insconscientes, ataviques et bestiales qui remuent le fond obscur des âmes balbutiantes. […] Sous la chamarrure des uniformes, en le déguenillement des souque-nilles, à travers le poli ou le débraillé des manières, ou des paroles choisies ou éructées, il sait discerner le fond même, boueux ou délicat, de l’homme, la simple créature matérielle, souffrante, transgressante, endolorie, irascible, périssable et vive. […] lis sont réfractaires à l’insulte, et simplement, avec au fond l’idée qu’ils sont bien de la même chair que les autres hommes, ils disent en d’horribles conversations toute la cruauté et la luxure de leurs âmes.

853. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre V. Mme George Sand jugée par elle-même »

Tel est le fond et même le texte du livre nouveau de Mme Sand, la romancière, comme La Fontaine était fablier. […] Elle glisse sur la thèse du mariage qui est le fond de Jacques, car Jacques, — il faut bien dire les choses par leur nom, — est un Sganarelle héroïque, qui reconnaît hardiment la légitimité du courage, et qui se tue pour donner sa place à l’amant de sa femme, dans son lit ; et elle n’insiste que sur la thèse du suicide qui n’est ni plus vraie ni plus morale, et qu’elle appelle le droit (le DROIT !!!) […] Nous rêvions donc au fond du traquenard.

854. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Maurice Rollinat »

Baudelaire, au fond de son âme révoltée et païenne, avait quelque chose d’indestructiblement chrétien. […] dans ses trois volumes, dont le second est énorme, n’a pas une seule fois écrit le nom de Dieu, même par distraction… L’auteur des Névroses est un Pascal sans Dieu, qui ne l’a jamais vu qu’une fois dans le fond de son gouffre, quand il pousse la clameur inconséquente de son De profundis qui clôt le livre. […] peut-être aussi les acteurs, dont le talent n’est au fond qu’une singerie, ont déclaré, en leur âme et conscience, que Rollinat et ses Névroses — ces Névroses (malheureusement !)

855. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Gustave Droz » pp. 189-211

Et quand ces écrits sont des articles, lus à distance les uns des autres, c’est charmant ; mais quand le tout est ramassé et massé dans un seul volume, qu’on lit d’une haleine, on finit par trouver que c’est trop de poudre comme cela, et on pense malgré soi à la fameuse anecdote du glorieux bailly de Suffren, qui avait l’habitude de fourrer de bien autres poudres que celles-ci dans son tabac d’Espagne, et qui, un jour qu’on voulut l’attraper et le corriger de ce goût étrange, en ne mettant, au lieu de tabac, que de cette poudrette dans sa tabatière, dit avec la majesté du connaisseur, après avoir aspiré fortement jusqu’au fin fond de son nez héroïque ce qu’il croyait du tabac encore : « Il est bon, mais il y en a trop !  […] Au fond, il est resté ce qu’il était. […] Le livre de Droz, c’est tout ce qui va se passer autour de cette source : toute une comédie, sinistre, au fond, de coquinerie sacrilège, mais gaie par endroits et par-dessus, comme Les Fourberies de Scapin.

856. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Hippolyte Babou »

Nous ne sommes plus à une de ces bienheureuses et virginales époques littéraires où l’on n’avait abusé de rien, et où une nouvelle, comme le Mouchoir bleu, par exemple (de la cotonnade en littérature), faisait la réputation d’un homme d’esprit qui n’avait pas, au fond, dans la tête, beaucoup plus d’invention qu’un marchand… de mouchoirs. […] … Et cependant, s’il y avait un sujet sur lequel les idées philosophiques de l’auteur pouvaient porter et déteindre, c’était le fond de ces nouvelles, qui n’est pas d’invention chez Babou, et sur lequel il a détaché des combinaisons et des personnages. […] Mais, au fond, pour les esprits qui lui font l’honneur d’être difficiles, rien de plus.

857. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre V : M. Cousin historien et biographe »

Le fond de la vraie beauté, comme de la vraie vertu, comme du vrai génie, est la force. […] Voilà le fond d’une vraie beauté. […] Cousin, jusqu’au fond.

858. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXII. »

De ce fond sortit un chant et la gloire des anciens bardes calédoniens, où brille bien mieux que dans l’Ossian de Macpherson lu flamme vraie du patriotisme et de la poésie. […] Écoutez-les du fond de la tombe ; écoute, grand Thaliessin : ils respirent une âme à ranimer ta poussière. […] Elle a eu l’orgueil de son bien-être, la joie de sa sécurité, inaccessible à l’invasion, et redisant avec Waller : « Les chênes de nos forêts ont pris racine dans les mers ; et nous marchons de pied ferme sur la vague houleuse. » Ou bien encore : « Comme les anges du ciel, nous pouvons, d’un vol rapide, descendre où il nous plaît ; mais personne, sans notre gré, ne peut arriver sur nos bords. » Quant à des créations lyriques liées seulement aux débats intérieurs de la liberté anglaise, nous n’en connaissons pas, à moins que ce ne soient les vers rudes et négligés du vieux Daniel de Foe, et cet hymne au pilori, que l’honnête et pieux auteur de Robinson, puni comme libelliste, fit jaillir du fond de sa conscience indignée.

859. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES » pp. 456-468

Ceux à qui il arrive d’exprimer quelques vérités qui peuvent sembler profondes et hardies, ne doivent pas trop s’enorgueillir ; car, il faut bien se l’avouer, arrivés à un certain âge, la plupart des hommes, je veux dire des hommes qui pensent, pensent au fond de même ; mais peu sont dans le cas de produire ouvertement et de pousser à bout leur pensée. […] Cet état de tristesse, qui a bien sa douceur, serait celui du sage, s’il ne s’y glissait encore, il faut le dire, bien des amertumes de regrets, bien des aiguillons de désirs, bien des irritations sourdes, et si la misère de notre nature ne remuait au fond.

860. (1767) Salon de 1767 « Les deux académies » pp. 340-345

Ensuite David est porté sur son char par des femmes dont une prosternée embrasse ses jambes, d’autres l’élèvent, une troisième sur le fond le couronne. […] Sur le fond, des hommes, des femmes, la bouche ouverte, les bras levés et en acclamations.

861. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le marquis de Grignan »

Mais le ton, — je ne sais pas si je me trompe, séduit par ce bonheur d’expression du livre et par le charme de Frédéric Masson, — je le trouve bien près d’être exquis… Cette histoire, faite de détails familiers et intimes, est une histoire domestique du marquis de Grignan ; mais cette histoire, au fond très touchante, si on veut bien y réfléchir, est, comme je l’ai dit, l’histoire, sous le nom de Grignan, de toute la malheureuse noblesse de France, descendue de sa hauteur féodale, et se pressant, avec un incroyable amour, — un amour de race, — autour de cette Royauté qui l’a frappée un jour avec la hache de Richelieu, mais qui n’avait pas fait couler avec son sang ce vivace royalisme qu’elle avait au fond de ses veines… Il en était resté, et Louis XIV, le vampire de cette noblesse et qui se nourrissait de ses richesses et de son sang, ne l’épuisa pas.

862. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Sand »

La Correspondance prouve jusqu’à la dernière évidence à quel point Madame Sand, cette égalitaire, avait, au fond, l’esprit commun dès qu’elle était naturelle et que la nécessité de faire du style ne l’étreignait pas. […] Cette publication, après nous avoir découvert dans le grand Écrivain, comme ses amis l’appellent encore, le prosaïsme fondamental sous la poésie de la surface le sans esprit absolu, la nullité ou la médiocrité des aperçus, le commun insupportable de ces lettres qui tuent le poète plus ou moins artificiel qui est dans ses ouvrages, mais qui ne sort jamais ni du fond de l’âme ni du fond de la vie, cette publication met à bas, tout à coup et du même coup, le masque poétique et grandiose que Madame Sand s’était composé et sous lequel on la voyait, fantaisie errante et féconde, imagination désintéressée !

863. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Tourgueneff »

Nous le disons même à sa louange, il y a, dans l’introduction qui précède le volume de sa traduction, les gênes d’un esprit honnête qui comprend au fond ce qu’il fait et qui s’inquiète avec raison de la transparence d’un procédé sur lequel il est impossible de s’aveugler : « Si le Journal d’un chasseur — dit M.  […] ce n’est pas même un livre… Ce sont des esquisses jetées d’une main vibrante et rapide sur les feuillets d’un album emporté à la chasse, et qu’on en rapporte tout parfumé de la senteur des fleurs sauvages cueillies dans les bois, des fumets du gibier et de l’odeur de cuir du carnier au fond duquel l’auteur a l’habitude de le porter.

864. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « V. Saint-René Taillandier »

Taillandier en a brodé fort bien de petites, comme on brode sur un fond de perles des perles plus fines. […] … À quel fond de choses réelles vont ces vieilles rubriques usées comme pantoufles par les sophistes du temps, et qui sont chez M. 

865. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Lefèvre-Deumier »

il avait plongé plus avant que cela dans ces sources âpres et cachées sur lesquelles la gloire ne fait pas même tomber le rayon qui dit la source au fond des bois. […] Ce livre, intense et individuel comme la passion qui l’a dicté, n’est point le plus beau que Lefèvre ait écrit (car Lefèvre n’a fait qu’une seule fois cette chose complète qu’on appelle un beau livre, et ce n’a pas été en vers) ; mais, à coup sûr, c’est celui où, malgré d’atroces bizarreries, des viols de langue dans des alliances de mots forcenées, il y a le plus de ces beautés humaines que le comble de l’art est d’imiter, et qui jaillissent parfois du fond de la vie.

866. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Th. Gautier. Émaux et Camées »

Soit que l’on blamât, en effet, ou que l’on regrettât le fond ou la forme de la poésie de M.  […] Dans ce volume d’Émaux et Camées, le poète, systématique au fond, a donné sa poétique avec le prestige de sa poésie, habile homme jusque-là !

867. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « J.-J. Ampère ; A. Regnault ; Édouard Salvador »

Ampère sur le fond même de son livre. […] Et s’il n’y avait dans cette idée que l’influence d’un patriotisme exalté, nous ne relèverions pas une telle illusion ; nous la laisserions tomber d’elle-même… Mais le livre n’est, au fond, que l’expression éloquente, et par conséquent dangereuse, de cette forte tendance que Bonald, avec son génie positif, condamnait déjà il y a une trentaine d’années22, et qui consiste à sacrifier la France interne et agricole à la France externe et commerçante.

868. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

Ses sentiments les plus justes dans leur fond appellent des atténuations de toutes sortes. […] Il y aura, à gauche et à droite de la salle, et derrière la rangée de loges du fond, de vastes promenoirs. […] … C’est qu’au fond, nos pères étaient imprégnés de croyances spiritualistes. […] Mais ce travers est, dans son fond, assez persistant à travers les âges pour que sa peinture nous intéresse encore. […] D’ailleurs, j’ai toujours pensé que, au fond, le vrai « théâtre-libre », c’était le théâtre de Meilhac.

869. (1911) Psychologie de l’invention (2e éd.) pp. 1-184

En somme c’est surtout la forme extérieure du phénomène de l’invention qui diffère dans les deux cas, le fond reste le même. […] Sardou est tout à fait semblable à celui de Poë, quant au fond des choses, et les indications données à M.  […] Au fond, dans un cas comme dans l’autre, nous trouvons une part d’invention et une part d’instinct, de routine. […] Et sans doute, au fond, la différence des deux cas fut moindre qu’elle ne le paraît d’abord. […] Au fond c’est toujours la même opération qui se produit.

870. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

Scudo s’est arrangé, au fond de ses convictions de critique, un sanctuaire, un olympe, où sont triés et collectionnés par lui les dieux majeurs de la musique. […] Cynique, sceptique, vindicatif comme une femme ; lâche comme un lazzarone, c’était au fond une raison sérieuse, un esprit calculateur et économe. […] Mais ont-ils gagné au change, depuis que, devenus pour la plupart avoués ou juges de paix, au fond de leur province, ils font leur société de trois idiots d’une sous-préfecture ? […] Il y a toujours un dévouement absolu au fond de ces natures turbulentes. […] La critique le découvrit par hasard, au fond d’un de ces établissements où la musique se fait l’entremetteuse des boissons frelatées, pour tout dire, dans un Café-Concert.

871. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

Il faut bien cependant qu’il y ait une vérité au fond de cette formule : essayons de la dégager. […] Ils aperçoivent bien d’elle tout ce qui tombe sous les sens, mais ils en sont offusqués, et leur vue ne perce pas jusqu’à ce qui fait le fond de l’être, l’âme avec ses énergies propres, le cœur, la raison et la volonté. […] Au fond des plats émaillés de B. […] Seulement l’antithèse, qui est au fond même de son génie, se fait accepter dans ses œuvres, parce qu’elle y est après tout naturelle, au moins originairement. […] Mais lorsqu’on pénètre au fond du moindre fait historique, c’est-à-dire au fond des masses où il s’est produit, on constate que la volonté d’un individu, non seulement ne guide pas ces masses, mais qu’elle-même est constamment dirigée par une force supérieure.

872. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

Vinet a-t-il bien été au fond de la pensée de Sainte-Beuve et jusqu’à son moi intime ? […] Pour ma part, je le crois, d’autant que Vinet n’était pas à double ou à triple fond. […] J’ai conservé la date du 5 juin, puisque l’intention et le fond de la lettre sont de ce jour. […] On peut encore ici varier sur les formes, mais sur le fond, c’est impossible. […] Mais, au fond, qu’avais-je à faire, tant de mois après son apparition ?

873. (1826) Mélanges littéraires pp. 1-457

La vraisemblance des mœurs, loin d’être la draperie, est le fond même du tableau. […] Au bruit des chansons et des timbales, une troupe de belles dames s’avance du fond d’un bocage de myrte. […] Voilà donc une chaîne de points connus, où l’on a vu la mer autour du pôle, sur le côté septentrional de l’Amérique, depuis le fond du détroit de Behring, jusqu’au fond de la baie d’Hudson. […] Quelle mère tendre leur a conseillé d’en couvrir le fond de matières molles et délicates, telles que le duvet et le coton ? […] Mais est-ce bien là le fond de la question ?

874. (1902) Le problème du style. Questions d’art, de littérature et de grammaire

Les deux nefs en sont au même point, toutes deux coulées au fond des océans. […] On en vient enfin, vers l’avant-dernière page, à trouver une phrase sur le fond opposé à la forme : « Le fond des choses a bien moins d’importance que la forme ; c’est la manière dont on les dit qui les rend saisissantes et en fait l’originalité. […] Décidément, et en tout, c’est le fond qui importe. […] Le fond engendre la forme comme la tortue ou l’huître l’écaillé et la nacre de sa carapace ou de sa coquille. […] La forme sans le fond, le style sans la pensée, quelle misère  !

875. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

Et là-bas, au fond de sa province, quelque jeune professeur n’y travaille-t-il point ? […] Si le drame sait qu’il doit être une action, il cou fond malheureusement encore l’action avec l’agitation. […] Ai-je besoin de faire observer que c’est ici le fond des Provinciales ? […] Ce qui est secondaire ou accessoire dans la philosophie du second, c’est ce qui fait le fond de celle du premier. […] Les formules seules en ont varié — et c’est bien quelque chose, — mais non pas la substance ou le fond.

876. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 11-15754

Abécédaire a rapport au fond de la chose, au lieu qu’Alphabétique se dit par rapport à l’ordre. […] Pendant que d’un côté les hommes en punition du péché sont abandonnés à l’ignorance, d’un autre côté ils veulent savoir & connoitre, & se flattent d’être parvenus au but quand ils n’ont fait qu’imaginer des noms, qui à la vérité arrêtent leur curiosité, mais qui au fond ne les éclairent point. […] Le f & le v sont au fond la même lettre divisée en forte & en foible ; le f est la forte, & le v est la foible : de-là naïf, naïve ; abusis, abusive ; chétif, chétive ; défensis, défensive ; passis, passive ; négatif, negative ; purgatif, purgative, &c. […] Il est vrai qu’au fond l’adjectif conserve toûjours sa nature, & qu’en ces occasions même il faut toûjours sousentendre une préposition & un nom substantif, à quoi tout adverbe est réductible : ainsi, turbidùm latatur, id est, loetatur juxta negotium ou modum turbidum : primò, secundò, id est, in primo vel secundo loco ; optatò advenis, id est, in tempore optato, &c. […] Il arrive aussi que le fond des objets n’est pas toûjours diversifié à proportion de la dissemblance extérieure.

877. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bézobrazov, Olga de (18..-19..) »

Rien de nourri, au point de vue du fond, et rien de suggestif, à celui de la forme, comme la poésie de Mlle de Bézobrazow.

878. (1857) Causeries du samedi. Deuxième série des Causeries littéraires pp. 1-402

Du fond de quel couvent ou de quel séminaire s’exhalait cette prédiction sinistre ? […] Quel éblouissement au fond des cieux sublimes ! […] Nul ne savait qu’au fond de ces sources un crocodile dormait, qu’à la lisière de ces forêts un tigre allait rugir. […] Sans doute, c’est là le fond de l’histoire des persécutions, leur grande signification dans les annales du christianisme. […] Tel est le fond, le tissu rude et brillant, couvert de broderies orientales courant sur la pourpre romaine, que M. 

879. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hubert, Paul »

Il semble que ce poète n’aurait qu’à gagner à s’abandonner davantage, à devenir plus spontané, forme et fond, et que, dégagé de quelque afféterie, il apparaîtrait plus nettement ce qu’il est, un spirituel artiste.

880. (1888) Épidémie naturaliste ; suivi de : Émile Zola et la science : discours prononcé au profit d’une société pour l’enseignement en 1880 pp. 4-93

Mais l’important est que ce nouveau marque un progrès soit par une acquisition de fond, soit par un perfectionnement de la forme. […] Tel était à peu près le fond des articles publiés par la jeune critique. […] Tant il est vrai qu’en humanité, il y a un fond bestial qu’une éducation même supérieure ne vient pas toujours à bout de faire disparaître complètement. […] Au fond du naturalisme, il y a une grande impuissance. […] Or, quand les débordements de la vie licencieuse et bestiale fournissent le fond de la littérature, la décadence n’est pas loin.

881. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

Et c’est ainsi que, du fond de la société, comme une écume, en bouillonnant, toute une lie monte à la surface, et s’y étale, et y demeure. […] Pour d’Alembert, les Préfaces de Racine sont faiblement écrites, et celles de Corneille sont aussi « excellentes pour le fond des choses que défectueuses du côté du style » [Cf.  […] C’est qu’en effet ils ont beau protester de leur admiration pour « les modèles » ; au fond, ils ne doutent pas que les « progrès » de l’esprit philosophique ne se soient étendus insensiblement de la manière de penser à la manière d’écrire. […] On ne leur dérobe point le secret de leur forme en leur abandonnant le fond de leurs idées. […] De l’esprit, Discours II, chap. 15] ; — que les questions morales ne sont que des questions sociales, —  « puisque les vices d’un peuple sont toujours cachés au fond de sa législation » (Cf. 

882. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article »

Cet Auteur prouve combien l’élocution est nécessaire quand on veut se faire lire & intéresser ; chez lui, la forme fait toujours tort au fond, parce que sa maniere de s’exprimer est infiniment au dessous de ses pensées.

/ 2869