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1300. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Les anciens savaient exprimer ce que la passion a de plus profond, sans tomber pour cela dans de froides réflexions et dans un vain bavardage. Les Français aussi sont pathétiques sous ce rapport, et leur éloquence des passions n’est pas toujours un simple fatras de paroles, comme nous le croyons souvent, nous Allemands, avec notre habitude de concentration profonde, qui nous fait presque regarder comme une injure faite à nos sentiments de les exprimer par des formes variées… L’homme dans lequel se manifeste le sentiment pathétique doit en être rempli et pénétré, mais en même temps être capable de le développer et de l’exprimer convenablement… On a apposé Voltaire à Shakespeare. […] Ces personnages expriment, pour la plupart, les motifs qui les font agir et leurs sentiments avec un grand appareil déclamatoire, et déploient tout l’art de la rhétorique.

1301. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

Cet art, qui est le propre de l’âge classique, est celui d’exprimer les idées générales moyennes. […] Mais si les idées sont médiocres, l’art de les exprimer est véritablement merveilleux ; merveilleux est le mot. « J’ai employé les vers, dit-il, plutôt que la prose, parce que je trouvais que je pouvais exprimer les idées plus brièvement en vers qu’en prose. » En effet, ici tous les mots portent ; il faut lire chaque passage lentement ; chaque épithète est un résumé ; on n’a jamais écrit d’un style plus serré ; et d’autre part, on n’a jamais plus habilement travaillé à faire entrer les formules philosophiques dans le courant de la conversation mondaine. […] Trente ans avant Rousseau, Thompson avait exprimé tous les sentiments de Rousseau, presque dans le même style.

1302. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIIe entretien. Vie du Tasse (3e partie) » pp. 129-224

Elle l’accueillit comme sa propre gloire et voulut le venger des critiques jalouses des Toscans et des Romains, exprimés avec mépris dans un jugement de l’Académie florentine de la Crusca, contre la Jérusalem. […] Son grand nom sollicitait pour lui, il l’agrandissait encore par des vers et des chants nouveaux ajoutés à loisir à son poème ; il composait, à la requête des religieux de Monte Oliveto, un poème pieux sur l’origine de leur ordre, pour leur exprimer sa reconnaissance de leur magnifique et tendre hospitalité. […] « Ces vils habits n’éclipsent point son éclat, sa fierté, sa noblesse ; la majesté brille encore sur son front au milieu des plus humbles emplois ; la houlette à la main, elle conduit les troupeaux et les ramène ; sa main exprime le suc de leurs mamelles et presse le laitage. […] Il s’exprime ainsi : « E’ d’angelico suon canora tromba Faccia quella tacer, ch’oggi rimbomba.

1303. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

J’exprimai quelques doutes ; je demandai si, par exemple, Byron réussirait à peindre une nature inférieure, animale ; son caractère personnel me semblait trop puissant pour qu’il aimât à se livrer à de pareils sujets. […] — Je ne sais pas, dit Rehbein, si je m’exprime bien, mais il y a quelque chose comme cela. […] Mais comme au parlement il a à peine parlé, il a conservé en lui tout ce qu’il avait sur le cœur contre sa nation, et pour s’en délivrer il ne lui est resté d’autre moyen que de le convertir et de l’exprimer en poésie. […] Il y a une heure, je me suis sentie toute tourmentée ; j’avais un besoin de vous voir que je ne peux vous exprimer.

1304. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre II : La psychologie »

Bref, nous arrivons à cette classification fondée sur la structure : émotions, sensations externes, sensations internes ; ou, comme s’exprime l’auteur, états de conscience centraux, épipériphériques, entopériphériques. […] L’étude synthétique part de la vie purement physiologique, et montre comment la vie intellectuelle, qui d’abord ne s’en distinguait pas, commence sa lente évolution et se constitue peu à peu par des additions successives ; comment l’activité mentale, qui ne reproduisait d’abord que les modifications les plus simples, les plus élémentaires du monde externe, en vient à exprimer d’une façon complète les rapports extérieurs les plus variés et les plus complexes L’étude analytique, qu’on pourrait aussi appeler subjective, par opposition à la précédente qui est plutôt objective, a pour but de ramener chaque espèce de connaissance à ses derniers éléments. […] Mais s’il est certain que de la simple action réflexe par laquelle l’enfant tette, jusqu’aux raisonnements compliqués de l’homme adulte, le progrès se fait chaque jour par degré infinitésimal ; il est certain aussi qu’entre les actes automatiques des êtres les plus bas et les plus hautes actions conscientes de la race humaine, on peut disposer toute une série d’actions manifestées par les diverses tribus du règne animal, de telle façon qu’il soit impossible de dire à un certain moment de la série : Ici commence l’intelligence. » Si du savant qui poursuit ses recherches avec la pleine conscience des procédés de raisonnement et d’induction qu’il emploie, nous descendons à l’homme d’une éducation ordinaire, qui raisonne bien et d’une manière intelligente, mais sans savoir comment ; si de là nous descendons au villageois, dont les plus hautes généralisations ne dépassent guère les faits locaux ; si de là nous tombons aux races humaines inférieures qu’on ne peut considérer comme pensantes, dont les conceptions numériques dépassent à peine celles du chien ; si nous mettons à côté les plus élevés des primates, dont les actions sont tout aussi raisonnables que celles d’un petit écolier ; si de là nous arrivons aux animaux domestiques ; puis des quadrupèdes les plus sagaces à ceux qui le sont de moins en moins, c’est-à-dire qui ne peuvent plus modifier leurs actions selon les circonstances et sont guidés par un immuable instinct ; puis si nous remarquons que l’instinct, qui consistait d’abord en une combinaison compliquée de mouvements produits par une combinaison compliquée de stimulus, prend des formes inférieures dans lesquelles stimulus et mouvements deviennent de moins en moins complexes ; si de là nous en venons à l’action réflexe et « si des animaux chez qui cette action implique l’irritation d’un nerf et la contraction d’un muscle, nous descendons encore plus bas chez les animaux dépourvus de système nerveux et musculaire, et que nous découvrions qu’ici c’est le même tissu qui manifeste l’irritabilité et la contractilité, lequel tissu remplit aussi les fonctions d’assimilation, sécrétion, respiration et reproduction ; et si, finalement, nous remarquons que chacune des phases de l’intelligence, énumérées ici, se fond dans les voisines par des modifications trop nombreuses pour être distinguées spécifiquement, et trop imperceptibles pour être décrites, nous aurons en une certaine mesure montré la réalité de ce fait : qu’on ne peut effectuer de séparation précise entre les phénomènes de l’intelligence et ceux de la vie en général. » L’autre base de la doctrine, c’est la corrélation nécessaire de l’être et de son milieu, que l’auteur exprime en disant que la vie est une correspondance, « un ajustement continu des rapports internes aux rapports externes. » L’être vivant quel qu’il soit, arbre, infusoire ou homme, ne peut subsister s’il n’y a harmonie entre son organisme et son milieu ; et si à la vie physique s’ajoute la vie psychique, l’ajustement deviendra plus complexe. […] On comprend à la rigueur que les changements du non moi puissent être exprimés par les changements du moi ; mais comment se peut-il que le repos objectif puisse être représenté par un mouvement subjectif.

1305. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

En 1292, au moment où Dante achève sa Vita nuova, il a déjà conçu un grand poème à la gloire de Béatrice ; il ne l’écrira que quelque vingt ans plus tard, et certes la Divina Commedia est bien différente de cette première idée de 1292 ; elle s’est enrichie d’expériences et de science ; mais enfin, la première intuition, quoique non exprimée, est certaine et nécessaire. […] Admettons que la gestation d’une œuvre d’art comprend une série d’intuitions qui se remplacent l’une l’autre et dont seule la dernière est exprimée, c’est-à-dire vivante. […] Qu’il s’agisse d’une symphonie de Beethoven, des fresques de Puvis de Chavannes, d’une tragédie de Racine ou d’un roman de Flaubert, toute œuvre d’art suppose, chez celui qui la contemple, un état d’âme qui n’est pas celui du passant dans la rue ; elle suppose une adhésion tacite (consciente ou inconsciente) à telles vérités immatérielles exprimées par certains procédés ; die implique un acte de foi. […] Quand je lis un poète lyrique, pour peu que j’aie vécu une douleur semblable à la sienne, il m’exprime moi-même et m’ennoblit par le seul moyen de quelques signes silencieux.

1306. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De l’état de la France sous Louis XV (1757-1758). » pp. 23-43

Louis XV coupa court à la difficulté par un ordre que Bernis reçut le 13 décembre et qui l’exilait dans son abbaye près de Soissons : une lettre de lui au roi écrite au reçu de l’ordre, et une autre lettre écrite dans la soirée de la même journée à Mme de Pompadour, n’expriment que des sentiments de soumission parfaite et de reconnaissance infinie pour le passé, sans un seul mouvement de plainte. […] Quant à l’état de la France en ces funestes années et en ces pires instants de Louis XV, les lettres de Bernis sont une révélation bien triste, et il est honorable pour lui d’avoir du moins ressenti et exprimé tout le premier cette profonde tristesse qu’elles sont faites pour communiquer encore aujourd’hui.

1307. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Malherbe et son école. Mémoire sur la vie de Malherbe et sur ses œuvres par M. de Gournay, de l’Académie de Caen (1852.) » pp. 67-87

On mettrait au premier rang quelques morceaux que le poète n’a point achevés, tels que le fragment Aux mânes de Damon où se trouve cette belle stance sur l’Orne et ses campagnes, le seul endroit où il ait exprimé avec vérité et largeur le sentiment de la nature champêtre. […] N’est-ce pas lui qui a fait ces vers délicieux qui expriment comme dans un regret rapide et sobre les premières grâces de la vie : Tout le plaisir des jours est en leurs matinées ; La nuit est déjà proche à qui passe midi.

1308. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — I. » pp. 413-433

[NdA] Je ne saurais assez exprimer mes remerciements à M. le comte N.  […] Daru louait son prédécesseur Collin d’Harleville et terminait ainsi sa louange : « C’est pour moi une douce satisfaction de sentir que je reste au-dessous de l’attente du public », le père Lefebvre goûtait fort cette façon de penser et de s’exprimer, qui en dit beaucoup dans sa délicatesse : « Ce n’est pas à vous que j’en ferai le commentaire, écrivait-il à M. 

1309. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

On a dit que tous ceux qui se mêlent d’enseigner les humanités devraient savoir ce livret par cœur, et je serais de cet avis si j’avais à en exprimer un en de telles matières. […] Différent d’opinion avec elle sur un point délicat qui touche à la réputation de l’antique Lesbienne, il s’exprime avec une politesse et une galanterie inusitées chez les commentateurs : « Mlle Le Fèvre, dit-il, a eu sans doute ses raisons pour n’être pas de ce sentiment, et il faut avouer qu’elle a donné au sien toute la couleur qu’il était possible de lui donner. » Enfin, de même que deux jeunes cœurs se font des signes d’une fenêtre à l’autre ou à travers le feuillage des charmilles, Mlle Le Fèvre et M. 

1310. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — I » pp. 139-158

Nulle créature ne saurait se montrer plus reconnaissante que mon pauvre malade après sa guérison : il exprimait sa gratitude de la manière la plus significative en me léchant la main, le dos de la main d’abord, puis la paume, puis chaque doigt séparément, comme s’il s’était inquiété de ne laisser aucune partie sans remerciement ; cérémonie qu’il ne renouvela jamais qu’une seule fois depuis et dans une occasion toute semblable. […] La poésie commençait à le partager ; il y recourait de temps en temps, mais seulement quand il avait quelque chose de particulier et de plus vif à exprimer, et qui lui eût paru excessif en prose : les vers alors lui semblaient « le seul véhicule convenable à la véhémence de l’expression ».

1311. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — II » pp. 316-336

que de vues et de sentiments contraires, et qui se réfléchissent même dans la manière de dire et de s’exprimer ! […] Richelieu tout le premier montra qu’au fond il jugeait mieux de Rohan lorsqu’il lui confia ensuite le corps d’armée destiné à entrer dans la Valteline, et que, dans une lettre de lui adressée à ce général victorieux, il lui dit « qu’il sera toujours très volontiers sa caution envers le roi que lui, Rohan, saura conserver les avantages acquis et ne perdra aucune occasion de les augmenter. » Mais, en ce moment de la guerre civile, ce sont deux génies, deux âmes rivales et antagonistes qui sont aux prises, et tous les défauts, toutes les complications et enchevêtrements de la conduite et du rôle de Rohan lui apparaissent : il les impute à son caractère, et il les exprime avec excès, avec injustice sans nul doute, mais avec discernement du point faible et en des termes qui ne s’oublient pas.

1312. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Mémoires ou journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guetté. Tomes iii et iv· » pp. 285-303

Il exprime bien le caractère de cette grande et familière éloquence, et comme quelqu’un qui n’était pas indigne de la sentir. […] Et, le 18 du même mois : Il y a plaisir à l’entendre parler de sa santé en des termes qui expriment l’amour de la vie, et il est assez étonnant que la méditation continuelle de l’Évangile n’ôte pas ce sentiment.

1313. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres, publiées par M. de Falloux. »

Elle n’avait pas de beauté : petite, les yeux légèrement discordants, la pointe du nez kalmouke, mais avec cela une physionomie qui exprimait la force de la vie et là pénétration de l’intelligence. […] Il s’agit d’indiquer que Mme Swetchine, retirée alors dans ses terres, manqua Mme de Staël au passage de cette dernière en Russie (1811), et que lorsqu’elle revint à Pétersbourg, elle ne l’y trouva plus ; voici comment M. de Falloux s’exprime : « Lorsque Mme Swetchine fut ramenée au centre habituelde son existence, elle n’y trouva plus qu’un brillant souvenir. » Il y en a, dit Pascal, qui masquent la nature : ils ne disent point Paris, mais la capitale du royaume ; ils ne disent point Pétersbourg, mais le centre habituel de l’existence.

1314. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers. »

Un autre témoin fort digne d’être écouté à son sujet, Dutens, un esprit sérieux et solide, le premier éditeur complet de Leibnitz, Anglais d’adoption et de jugement, qui avait visité les principales Cours d’Europe et qui avait en soi bien des termes de comparaison, a parlé de ce prince dans le même sens que le président Hénault : « M. le prince de Conti était l’un des plus aimables et des plus grands hommes de son siècle : il avait la taille parfaitement belle (il dérogeait par là notablement à la race des Conti, qui avait la bosse héréditaire), l’air noble et majestueux, les traits beaux et réguliers, la physionomie agréable et spirituelle, le regard fier ou doux, suivant l’occasion ; il parlait bien, avec une éloquence mâle et vive, s’exprimait sur tous les sujets avec beaucoup de chaleur et de force ; l’élévation de son âme, la fermeté de son caractère, son courage et sa capacité sont assez connus en Europe pour que je me dispense d’en parler ici. […] Il serait difficile pourtant de définir son genre de beauté d’après ce portrait trop petit, trop vague et d’une peinture trop légère, à peine exprimée.

1315. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite et fin.) »

Il s’était fait d’elle toute une théorie, qui est aussi celle de Mme du Deffand, et qu’il exprime de cette façon piquante ; c’est dans une lettre à son ami, le poëte Gray : « Mme de Boufflers, qui a été en Angleterre, est une savante, maîtresse du prince de Conti, et qui a grand désir de devenir sa femme. […] La délicatesse et l’esprit qui brillent dans ce morceau sont bien dignes du sujet qu’il traite ; voici comment il s’exprime : « Je dédie cet ouvrage à la personne à qui je dois le bien le plus précieux de la vie pour qui sait en jouir.

1316. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin (suite et fin.) »

qui me fera penser et parler d’honnêtes gens, des natures non gâtées, comme elles ont l’habitude de sentir et comme elles s’expriment ? […] On était en train de couper la treuillée, c’est-à-dire qu’on équarrissait de nouveau la vendange écrasée par la pression des machines, et qu’on la reconstruisait en plateau régulier pour en exprimer tout le jus restant.

1317. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [III] »

. — J’exprime le fait sans blâmer ni approuver. […] L’Empereur, mieux informé, traita si peu de niaiserie cette pensée ambitieuse du maréchal Soult qu’il lui adressa de Schœnbrunn, à la date du 26 septembre 1809, la lettre qu’on peut lire dans la Correspondance (tome XIX, page 527), et où il lui exprime son mécontentement le plus sérieux sur ce même sujet.

1318. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — M. de Sénancour, en 1832 »

Un éloquent professeur de psychologie morale exprime volontiers par une plainte mélancolique l’insuffisance de cette contemplation familière. […] Une voix lointaine, un son dans les airs, l’agitation des branches, le frémissement des eaux, tout l’annonce, tout l’exprime, tout imite ses accents et augmente les désirs.

1319. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « GRESSET (Essai biographique sur sa Vie et ses Ouvrages, par M. de Cayrol.) » pp. 79-103

. — Pour moi, en tout ceci, à l’occasion du livre de M. de Cayrol, je n’ai guère fait que commenter et développer, en l’adoucissant convenablement, l’opinion qu’avait exprimée Voltaire avec un bon sens malin et intéressé, je l’avoue, mais d’autant mieux aiguisé. […] Des deux parts le sentiment est aussi vrai ; il s’exprime chez Mme de Staël d’une manière plus piquante, et chez Cicéron plus à l’antique.

1320. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — II. » pp. 195-213

Toute âme, en avançant, subit toutes les atteintes, tout le déchet dont elle est capable. « Tous les hommes, a dit le noble et bienveillant Vauvenargues, naissent sincères et meurent trompeurs ; » il lui eût suffi de dire, pour exprimer sa pensée amère, qu’ils meurent détrompés. […] Le fleuve qui vient de la droite laisse couler paisiblement devant ma demeure ses ondes salutaires… » Voilà sans doute un harmonieux début pour exprimer le coin du quai des Lunettes ; nous regrettons que l’éditeur n’ait pas fait de nombreux retranchements dans toute cette partie élémentaire qui n’avait d’intérêt que comme échantillon ; tant d’autres peintures franches et fraîches à côté y auraient gagné.

1321. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Aloïsius Bertrand »

Voici pourtant une charmante pièce naturelle et simple, où s’exprime avec vague le seul genre de sentiment tendre, et bien fantastique encore, que le discret poëte ait laissé percer dans ses chants : LA JEUNE FILLE. […] Harel, directeur de la Porte-Saint-Martin, qui exprima le regret de ne pouvoir l’adaptera son théâtre.

1322. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre I. La littérature sous Henri IV »

Dans ce genre de la satire, qu’il a préféré aux stances, aux odes, aux élégies, aux sonnets, cc poète tout naturel et primesautier inaugure vraiment la littérature impersonnelle ; et dans l’intensité de son impression, ce n’est pas lui-même qu’il cherche à exprimer, c’est tout ce qui n’est pas lui. […] Il ne voyait pas enfin qu’entre l’idéal de la Renaissance, et l’idéal classique, ce qu’il exprimait était seulement l’idéal de sa génération, l’idéal de Bertaut et de François de Sales : Rien que le naturel sa grâce n’accompagne ; Son front lavé d’eau claire éclate d’un beau teint… Les nonchalances sont ses plus grands artifices.

1323. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Œuvres de Barnave, publiées par M. Bérenger (de la Drôme). (4 volumes.) » pp. 22-43

S’il fallait nommer à distance, parmi les membres de cette grande Assemblée, l’orateur qui la représenterait le plus fidèlement depuis le premier jusqu’au dernier jour, dans sa continuité et sa tenue d’esprit, dans sa capacité, dans son éclat, dans ses fautes, dans son intégrité aussi et dans l’œuvre de sa majorité saine, ce ne serait ni Mirabeau, trop grand, trop corrompu, enlevé trop tôt, qu’on devrait choisir, ni Maury, le Mirabeau de la minorité, ni La Fayette, trop peu éloquent, ni d’autres ; ce serait, pour l’ensemble de qualités qui expriment le mieux la physionomie de l’Assemblée constituante, ce jeune député du Dauphiné, Barnave. […] On demeure pourtant dans un réel embarras lorsqu’on entend Barnave, dans la défense qu’il prononça devant le Tribunal révolutionnaire, s’exprimer en ces termes : « J’atteste, sur ma tête, que jamais, absolument jamais, je n’ai eu avec le Château la plus légère correspondance ; que jamais, absolument jamais, je n’ai mis les pieds au Château. » Voilà qui est formel.

1324. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

Un de ceux qui l’accompagnaient et qui fut de ses secrétaires, un des écrivains les plus estimables de ce temps, Alain Chartier, a exprimé énergiquement cet état de détresse, pendant lequel il n’y avait plus pour un homme de bien et d’étude un seul lieu de paix ni de refuge dans tout le pays, hors derrière les murailles de quelques cités ; car « des champs, on n’en pouvait entendre parler sans effroi », et toute la campagne semblait devenue comme une mer où il ne règne d’autre droit que celui du fait, et « où chacun n’a de seigneurie qu’à proportion qu’il a de force ». […] Ces Fées auxquelles les juges de Jeanne d’Arc attachaient tant d’importance pour la convaincre de commerce avec les malins esprits, et qu’elle connaissait à peine de nom, expriment pourtant l’idée de mystère et de religion qui régnait en ce lieu, l’atmosphère de respect et de vague crainte qu’on y respirait.

1325. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Fontenelle, par M. Flourens. (1 vol. in-18. — 1847.) » pp. 314-335

Disciple de Descartes en philosophie, mais disciple libre et qui se permettait de juger son maître, il comprit qu’il y avait un rôle à prendre, un milieu à tenir entre les gens du monde et les savants, et que l’esprit, qui, d’un côté, servait à entendre, pouvait servir, de l’autre, à exprimer. […] Si inférieur à Pascal comme imagination et comme âme, et dans un rapport qu’on dirait incommensurable avec lui (nous sommes en style de géomètre), Fontenelle, à titre d’esprit libre et dégagé, d’esprit net, impartial et étendu, reprend lentement ses avantages, et, sur la fin de ce siècle de grandeur, mais certes aussi d’illusion et de timidité majestueuse, il ose voir en réalité et exprimer en douceur les vérités naturelles telles qu’elles sont.

1326. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Théodore Leclercq. » pp. 526-547

Cet homme lunatique, qui commence sa matinée du dimanche par contrarier femme et domestique en tout point, par se refuser au dîner périodique de famille sous prétexte qu’on ne l’a pas invité par écrit, qui ne sait qu’imaginer pour contredire les autres et lui-même, qui n’a pas plus tôt exprimé un caprice, qu’il le regrette ; que tout vient tenter et lutiner sans le fixer à un choix ; qui passe de l’envie du trictrac à celle de dîner tout seul, puis à l’idée de se purger, et qui finit, après avoir bien grondé, et sa lune déclinant vers le soir, par se laisser coiffer par sa belle-mère d’un bonnet de coton à longue mèche, et par se coucher docilement à jeun, comme un enfant honteux qui est puni d’avoir fait le malade ; tout ce portrait est délicieux, et si La Bruyère avait fait de son Distrait une petite comédie, c’est ainsi qu’il aurait voulu s’y prendre, qu’il aurait ménagé les scènes, en y semant les jolis mots. […] Dans Le Duel, il a exprimé sa doctrine d’expérience tolérante par la bouche de Mme Derville, une aimable grand-mère qui tâche de donner de la modération à son petit-fils.

1327. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

Cette manière élevée et sobre dont Jasmin conçoit l’art du poète, il l’a exprimée avec bien de la gentillesse et de l’esprit en une occasion singulière. […] Laissons de côté les improvisations obligées et les compliments en madrigaux qu’il est obligé de répandre sur son chemin, en retour de chaque hommage et de chaque hospitalité triomphale qu’il reçoit : lui-même il se juge sur ce point aussi sévèrement qu’on pourrait le faire, et quand la reconnaissance chez lui est sérieuse, il demande du temps et du recueillement pour l’exprimer : « On n’acquitte pas, dit-il, une dette poétique avec des impromptus ; les impromptus peuvent être la bonne monnaie du cœur, mais ils sont presque toujours la mauvaise monnaie de la poésie. » Prenons donc Jasmin par ses côtés charmants et sérieux, tout à fait durables.

1328. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

C’est un chant destiné à traduire et à exprimer l’ivresse publique, la gloire des vainqueurs, la pompe des noces solennelles ou le deuil des grandes funérailles, quelque sentiment général qui transporte à un moment une nation. […] Le Brun ne perd aucune occasion d’exprimer son dédain suprême pour le jargon des petits vers de société, si en vogue à son moment, « ces petits vers mièvres et délicieux dont on surcharge les sophas jonquille ».

1329. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — I. » pp. 287-307

Si Grimm disait aux Français bien des vérités dures sur la musique, il en disait d’autres très agréables sur la littérature ; la Voix ou le Génie, parlant de la France en style prophétique et en se supposant dans les temps reculés, s’exprimait ainsi : Ce peuple est gentil ; j’aime son esprit qui est léger, et ses mœurs qui sont douces, et j’en veux faire mon peuple, parce que je le veux, et il sera le premier, et il n’y aura point d’aussi joli peuple que lui. […] Ses gestes, son maintien et sa démarche annoncent la bonté, la modestie, la paresse et l’embarras… Il a l’esprit juste, pénétrant et profond ; il pense et s’exprime fortement, mais sans correction.

1330. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — II. (Fin.) » pp. 308-328

Sur Montesquieu, Grimm s’exprime avec admiration et respect, mais en peu de paroles ; il le proclame un génie plein de vertu, et le salue à ses funérailles. […] En philosophie, il le traite avec le dédain d’un homme qui n’en est pas resté aux demi-partis et dont l’incrédulité, du moins, n’est point inconséquente : Voltaire, au contraire, s’arrête à mi-chemin et, en continuant de mal faire, s’effraye par moment de sa propre audace : « Il raisonne là-dessus, dit Grimm, comme un enfant, mais comme un joli enfant qu’il est. » À partir de Tancrède, tout ce que Voltaire produit pour le théâtre lui paraît marqué du signe de la vieillesse ; mais, à sa mort, il se reprend à l’envisager dans son ensemble, et avec l’admiration qu’une telle carrière inspire ; il exprime très bien le sentiment de la décadence littéraire que, selon lui, Voltaire retardait, et qui va précipiter son cours : « Depuis la mort de Voltaire, un vaste silence règne dans ces contrées, et nous rappelle à chaque instant nos pertes et notre pauvreté. » Il écrivait cela à Frédéric (janvier 1784).

1331. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — I. » pp. 329-349

Pour exprimer que Colbert, dès sa jeunesse, s’occupait des choses publiques et qu’il échappait aux passions personnelles, M.  […] Elles s’expliquent aussi par une sorte de traînement ou de langueur dans la voix, et par un laisser-aller plus ou moins prononcé ; et, quand elles veulent montrer divers genres d’égards, elles savent tout exprimer par le mode varié de leur révérence ; mode qui s’étend par des nuances infinies, depuis l’accompagnement d’une seule épaule, qui est presque une impertinence, jusqu’à cette révérence noble et respectueuse que si peu de femmes, même de la Cour, savent bien faire.

1332. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — I. » pp. 455-475

Il a pour M. de Suhm une haute estime mêlée de sympathie et de tendresse, et, pour l’exprimer, il semble emprunter quelque chose aux dialogues des anciens : Vous savez, sans que j’aie besoin de vous le répéter, que la connaissance des perfections est le premier mobile de notre plaisir dans l’amour et dans l’amitié qui est fondée sur l’estime. […] La beauté des sentiments qu’on y voit exprimés réfléchit en partie sur Frédéric, qui savait si bien les comprendre, et qui fut digne, à cet âge, de les inspirer : Varsovie, 3 novembre 1740.

1333. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre VI. Des Livres qui traitent de la Rhétorique. » pp. 294-329

Il y a un art admirable à avoir ainsi fondu ses idées, & à les avoir exprimées avec un laconisme dont l’énergie ne nuit point à la clarté. […] Cet ouvrage dont la Poésie est foible, offre des maximes utiles, exprimées quelquefois heureusement ; mais on sçait qu’on n’a jamais rien approfondi en vers, & il faut lire sur la matiere qui fait l’objet de ce chapitre des Livres plus solidement raisonnés.

1334. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rivarol » pp. 245-272

Chateaubriand, après autant d’années, Chateaubriand, génie de rêverie, de mélancolie et de silence, n’avait pas pardonné à Rivarol cette supériorité de conversation écrasante qu’il avait eu à subir quand il le rencontra dans sa jeunesse, et le vaniteux des Mémoires d’outre-tombe, le jaloux de Napoléon et de lord Byron, associa Rivarol aux deux seules jalousies de son âme, et le grandit par ses ressentiments… Quant à nous, venus longtemps après Rivarol, le piano de Liszt ou le violon de Paganini ont pu seuls nous donner la sensation de cette conversation inspirée qu’il exécutait, a dit Sainte-Beuve, à la manière d’un virtuose ; mais les idées, ces idées qu’exprime la parole et que n’exprime pas la musique, elles ne sont plus, et rien ne saurait les rappeler !

1335. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Innocent III et ses contemporains »

Le traducteur Saint-Chéron, ancien rédacteur de l’Univers religieux, n’exprime pas d’idée qui lui soit propre. […] Grâce aux efforts d’un parti qui se croit l’Église militante, l’idée qu’exprime Saint-Chéron a pris consistance dans beaucoup d’esprits.

1336. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre v »

On peut hardiment supposer que ce petit recueil de lettres exprime une manière de penser qui fut à peu près unique dans les ravins de la Fille Morte. […] Il avait dit à son père en le quittant : « La Lorraine, je vous la rapporterai ou j’y resterai. » Les habitants l’ensevelirent et le maire a pu faire parvenir aux parents la médaille de piété trouvée sur leur fils ; elle portait l’inscription traditionnelle ; « Tu aimeras l’Éternel. » Sur le papier qu’il avait préparé avant son départ et où il exprimait ses dernières volontés, il invoquait la parole sacrée : « Il chemina avec Dieu tous les jours de sa vie.

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