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200. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre VII » pp. 278-283

Le caractère individuel d’Homère, disparaissant ainsi dans la foule des peuples grecs, il se trouve justifié de tous les reproches que lui ont faits les critiques, et particulièrement de la bassesse des pensées, de la grossièreté des mœurs, de ses comparaisons sauvages, des idiotismes, des licences de versification, de la variété des dialectes qu’il emploie ; enfin d’avoir élevé les hommes à la grandeur des dieux, et fait descendre les dieux au caractère d’hommes.

201. (1890) La vie littéraire. Deuxième série pp. -366

Ils vivent de la vie des dieux immortels. […] Assurément, les poupées et les marionnettes sont de bien petits dieux, mais ce sont des dieux encore. […] Les jouets, comme les dieux, inspirent la terreur et l’amour. […] Il appartient à la fois aux dieux invisibles et aux muses. […] L’illusion, l’éternelle illusion révèle seule le dieu caché.

202. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Werther. Correspondance de Goethe et de Kestner, traduite par M. L. Poley » pp. 289-315

Il a beau souffrir, il ne regrette point l’emploi qu’il a fait de ses derniers mois : non, ce n’est pas un mauvais génie qui l’a conduit à ce bal où il a fait la connaissance de Lotte : « Non, c’était un bon génie, s’écrie-t-il, je n’aurais pas voulu passer mes jours à Wetzlar autrement que je ne l’ai fait ; et pourtant les dieux ne m’accordent plus de tels jours, ils savent me punir et me Tantaliser. » A Francfort, où il est revenu vivre près de sa famille, il a dans sa chambre la silhouette de Lotte attachée avec des épingles au mur ; il lui dit le bonsoir en se couchant, et le matin, il prend plus volontiers ces épingles-là que d’autres pour s’habiller. […] Ordinairement ce n’est pas de bon augure pour l’heure prochaine ; mais y a-t-il quelque chose que les saints dieux ne puissent pas accorder s’il leur plaît ! […] — Allons, me voilà ôtant ma bonne pelisse chaude ; il la met, jette la queue sur son bras, et s’élance sur la glace comme un fils des dieux. […] Ma sœur vous salue, mes demoiselles vous saluent, mes dieux vous saluent, nommément le beau Pâris à ma droite et la Vénus d’or de l’autre côté, et Mercure, le messager, qui se réjouit des courriers rapides, et qui attacha hier à mes pieds ses belles et divines semelles d’or, qui le portent avec le souffle du vent à travers la mer stérile et la terre sans limites56. […] C’est peut-être ce même jour où il comparait ses rapides patins aux semelles d’or de Mercure, que sa mère aussi le comparait, lui, à un fils des dieux.

203. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « A. Grenier » pp. 263-276

Elle s’en dit, avec orgueil, issue, et de fait elle l’était… et si elle n’en prit pas les Dieux, c’est qu’elle était plus athée qu’elle ! […] Les bonshommes de l’endroit, scandalisés, diront, comme le Mercure de Molière : Avec quelle irrévérence Parle des dieux ce maraud ! Les dieux, c’est, pour l’Académie, ouverte aux professeurs, l’antiquité et le paganisme, et le maraud, c’est l’auteur du livre où l’antiquité est bernée.

204. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Taraval » pp. 282-283

Au-delà de cette table, des dieux et des déesses portés sur des nuages comme dans une décoration d’opéra, et jettant des regards d’indignation et de terreur sur ce qui se passe vers la gauche. […] Son expression est bien d’une femme enthousiaste ou ivre, mais souffrante, non comme une pythie qui se tourmente et qui cherche à exhaler le dieu qui l’agite, mais souffrante de douleur.

205. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre neuvième. Les idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Les successeurs d’Hugo »

Il y avait dans cette nouvelle Légende des siècles une conception d’un véritable intérêt philosophique et même social, puisqu’il s’agissait de faire revivre, — dans leurs pensées intimes sur le monde et sur les dieux, — les types les plus variés des sociétés humaines. […] Dans la joie ou les pleurs, montez, rumeurs suprêmes, Rires des dieux heureux, chansons, soupirs, blasphèmes ! […] Caïn devient pour lui le symbole de l’humanité ; le dieu qui l’a faite pour la douleur et pour le mal est le véritable auteur du mal comme de la douleur : c’est lui qui est le vrai meurtrier d’Abel. […] Richepin se vante ici de prophétiser et de détruire d’avance même les dieux futurs, on peut dire de lui ce qu’il a dit lui-même d’un autre poète : il est Un écho qui croit être un prophète. […] La blague a perdu son tranchant A force de frapper le nez des dieux fossiles.

206. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — II » pp. 76-92

alors la consigne tomberait à l’instant ; mais, hormis pour elle, il est invisible à l’univers : Au reste, si un dieu vouloit pour moi descendre Du ciel, ferme la porte et ne le laisse entrer. Je le crois bien, en lisant avec cette passion L’Iliade d’Homère, il est déjà avec les dieux mêmes et avec les héros fils des dieux. […] Entre Homère et Virgile, si on les veut comparer, l’auteur des Essais se récuse et avoue bonnement qu’il n’est pas juge : « Moi qui n’en connois que l’un, dit-il, puis seulement dire cela, selon ma portée, que je ne crois pas que les muses mêmes allassent au-delà du Romain. » D’Homère cependant il est très tenté de faire un des trois plus excellents hommes et presque un dieu, mais il ne le lit pas.

207. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet »

Les paroles sont prises d’Horace : Non sine Dis animosus infans (Enfant plein de courage, et non déshérité des Dieux). » Voilà le beau côté ; on sourit, on croit déjà reconnaître une allusion flatteuse ; l’amour-propre est prompt à deviner ce qui le chatouille et déjà disposé à s’épanouir ; mais toute médaille a son revers ; « Le revers est bien différent. […] Un Faune malin écoute le jeune Bacchus, que Silène instruisait, pendant qu’assis au pied d’un vieux chêne il récite ou chante des vers, et le demi-dieu folâtre marque à Silène, par un ris moqueur, toutes les fautes du dieu ; les Naïades et les autres Nymphes du bois souriaient aussi. […] Dans un bocage, au bord de l’Alphée, les deux oiseaux qui tout le jour chantaient, l’un ses anciens malheurs, l’autre ses plaisirs, aperçoivent un jeune berger qu’ils n’avaient point vu encore, et à l’instant tous deux, Rossignol et Fauvette, inspirés par les Muses, ils s’accordent à le célébrer dans un duo mélodieux : « Quel est donc ce berger, ou ce dieu inconnu, qui vient orner notre bocage ? […] Que les Dieux le modèrent et le rendent toujours fortuné !

208. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Observations générales, sur, l’art dramatique. » pp. 39-63

Ils sont, grâces aux dieux, dignes de leur patrie ; Aucun étonnement n’a leur gloire flétrie ; Et j’ai vu leur honneur croître de la moitié Quand ils ont des deux camps refusé la pitié. […] Le dieu qui vous inspire a marché devant moi. […] J’obéis à mon dieu, vous, sachez m’obéir. […] Le poète, pour sauver cette invraisemblance, fait intervenir le ministère des dieux.

209. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 79-87

Pourquoi faites-vous flageller par des Prêtres d’Eleusine, les Pénirens, & les Initiés, tandis qu’il ne s’agit dans le passage de Pausanias, que vous avez cité pour preuve, que de petites baguettes, avec lesquelles les Prêtres frappoient, dans les cérémonies, non les Initiés & les Pénitens, mais les Images des Dieux des Enfers, parce que ces Dieux retenoient Proserpine ?

210. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Cromwell » (1827) »

Ses dieux ont besoin d’un nuage pour se dérober aux yeux. […] Cette religion a des dieux et des moitiés de dieux. […] Les héros d’Homère sont presque de même taille que ses dieux. […] Polyphème est géant ; Midas est roi ; Silène est dieu. […] C’est le dieu qui se fait valet.

211. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Ce sont des statues de dieux taillées dans le pur granit. […] Et que les anciens dieux descendent de l’autel. […] Plus modestes et plus vrais les dieux grecs dans Aristophane. […] Le rossignol est dieu dans ce livre, et M.  […] Leurs dieux étaient dans le Panthéon de Rome, les statues de leurs dieux dans les villas de la Campanie.

212. (1900) La culture des idées

Boileau, avant de mourir, put se voir dieu. […] Le culte des saints et des dieux sanctifiés engendra les églises. […] C’est au dieu de juger si le marché lui convient. […] » Mais, pape romain, il est nécessairement supérieur à un dieu barbare. […] Parmi les autres dieux vicinaux, l’un des plus aimés était Silvanus.

213. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « [Appendice] » pp. 417-422

Maintenant les dieux me punissent : Je haïssois ceux qui m’aimoient, Et j’aime ceux qui me haïssent. […] Les dieux veulent vous exempter, Iris, de ce malheur extrême, Et je viens de ressusciter Pour vous en avertir moi-même.

214. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre premier. Que la Mythologie rapetissait la nature ; que les Anciens n’avaient point de Poésie proprement dite descriptive. »

L’Olympe, auquel on ne croyait plus, se réfugia chez les poètes, qui protégèrent à leur tour les dieux qui les avaient protégés. […] Libres de ce troupeau de dieux ridicules qui les bornaient de toutes parts, les bois se sont remplis d’une Divinité immense.

215. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre premier. Sujet de ce livre » pp. 101-107

Nous ferons voir d’une manière claire et distincte comment les fondateurs de la civilisation païenne, guidés par leur théologie naturelle, ou métaphysique, imaginèrent les dieux ; comment par leur logique ils trouvèrent les langues, par leur morale produisirent les héros, par leur économie fondèrent les familles, par leur politique les cités ; comment par leur physique, ils donnèrent à chaque chose une origine divine, se créèrent eux-mêmes en quelque sorte par leur physiologie, se firent un univers tout de dieux par leur cosmographie, portèrent dans leur astronomie les planètes et les constellations de la terre au ciel, donnèrent commencement à la série des temps dans leur chronologie, enfin dans leur géographie placèrent tout le monde dans leur pays (les Grecs dans la Grèce, et de même des autres peuples).

216. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juin 1886. »

Dresde aura le cycle complet des œuvres de Wagner ; on commencera par Rienzi, vers le 20 août, dès la fin des Fêtes de Bayreuth ; on suivra l’ordre chronologique, et on terminera, vers la mi-septembre, par le Crépuscule des Dieux. […] Sans doute le sombre sujet du drame — ce crépuscule des dieux. — est pour beaucoup dans cette impression inquiétante ; mais il y a autre chose encore, et c’est pour ne pas le savoir et ne pas le chercher que tant de personnes n’arrivent pas à une compréhension approfondie de la Gœtterdaemmerung. […] La mort de Siegfried expie la faute des dieux ; Brünnhilde s’écrie : « Wotan, réjouis-toi du très libre héros ! […] Dans les seules scènes se rapportant directement à Wotan, la parole apparaît de nouveau et évoque, devant nous, la vision du dieu : ce sont les passages écrits après les autres parties du Ring, et intercalés dans le texte de la Mort de Siegfried. […] Un bel et noble prince conquérant par ses forces, ou par l’aide de quelque dieu, la blonde princesse enchantée : cette histoire valait, pour vivre en ces premiers esprits, ce que valent aujourd’hui pour nous les œuvres des réalismes les plus subtils.

217. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Paroles d'un croyant »

» ils répondaient : « Nous n’aimons point, nous obéissons. » « Et quand on leur montrait les autels du Dieu qui a créé l’homme et du Christ qui l’a sauvé, ils s’écriaient : « Ce sont là les dieux de la patrie ; nos dieux à nous sont les dieux de ses maîtres, la Fidélité et l’Honneur. » « Je vous le dis en vérité, depuis la séduction de la première femme par le serpent, il n’y a point eu de séduction plus effrayante que celle-là.

218. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Armand Silvestre »

Comme un cygne émergeant D’un grand fleuve d’azur, l’Aube, parmi la brume, Secoue à l’horizon les blancheurs de sa plume Et flagelle l’air vif de son aile d’argent… Et plus loin : Luisante à l’horizon comme une lame nue, Sur le soleil tombé la mer en se fermant De son sang lumineux éclabousse la nue Où des gouttes de feu perlent confusément… Cette aube qui est un cygne, ce soleil qui est un dieu décapité, et bien d’autres images que je pourrais citer…, alors que M.  […] Vous vous rappelez ce que dit le dieu Crépitus dans la Tentation de saint Antoine : Quand le vinaigre militaire coulait sur les barbes non rasées, qu’on se régalait de glands, de pois et d’oignons crus et que le bouc en morceaux cuisait dans le beurre rance des pasteurs, sans souci du voisin, personne alors ne se gênait. […] Armand Silvestre a copieusement vengé le pauvre dieu Crépitus, et je ne m’en étonne plus : il est assez naturel qu’ayant, dans sa poésie savante, les imaginations des anciens hommes, il ait aussi leurs gaietés et se gaudisse des mêmes objets.

219. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — M. de Voltaire, et M. de Maupertuis. » pp. 73-93

« M. de Maupertuis, dans une brochure intitulée, Essais de cosmologie, prétendit que la seule preuve de l’existence de dieu est A R ✝ N R B qui doit être un minimum. […] Le docteur Akakia se moque surtout de l’idée d’établir une ville latine, du beau projet de ne point payer les médecins, lorsqu’ils ne guérissent pas les malades ; de cette comète qui viendra voler notre lune, & porter ses attentats jusqu’au soleil  ; de ces observations nouvelles sur la génération ; de l’âge de maturité qui est la mort, & non l’âge viril ; de la démonstration, par algèbre, de l’existence de dieu ; du moyen de connoître & de prédire sûrement l’avenir ; du conseil de dissequer des cervaux de géans hauts de onze pieds, & d’hommes velus portant queue, afin de sonder la nature de l’intelligence humaine . […] Akakia termine sa critique, en disant à l’ennemi juré de Kœnig, « qu’il ne compromette personne dans une querelle de néant que la vanité veut rendre importante ; qu’il ne fasse point intervenir les dieux dans la guerre des rats & des grenouilles ; qu’il n’écrive point lettres sur lettres à une grande princesse, pour forcer au silence son adversaire, & pour lui lier les mains afin de l’assassiner ».

220. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Auguste Vacquerie » pp. 73-89

Ils ne se croyaient ni des prêtres, ni des dieux. Tandis que, pour Vacquerie, le poète dramatique est le prêtre, et même le dieu du xixe  siècle. […] Comme tous les poètes dramatiques qui se sentent prêtres et dieux, Vacquerie met la main sur l’universalité des choses et parle de tout en homme qui peut jeter sur tout « la forme divine ».

221. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXI. Philosophie positive »

Les autres… les autres iront naturellement tomber dans le grand sac à marionnettes où sont tombés, successivement engloutis, tous les dieux du dix-neuvième siècle et leurs divers clergés, Le Mapah, Jean Journet, Thoureil, les phalanstériens avec leur queue, les saints-simoniens et leur tunique, et ils n’ont besoin de personne pour les pousser dans ce sac-là. II Cette séparation très marquée entre les Talapoins du positivisme et ses philosophes, sinon plus positifs, au moins plus rassis et surtout plus habiles, existait déjà du temps du prophète et du dieu : mais c’est depuis sa mort que cette séparation s’est énergiquement accusée, et on le conçoit. Tant que le dieu était là, il n’était pas prudent de parler de sa sagesse, car il pouvait se livrer à des incartades cérébrales nouvelles qui auraient tout déconcerté.

222. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVI. Des sophistes grecs ; du genre de leur éloquence et de leurs éloges ; panégyriques depuis Trajan jusqu’à Dioclétien. »

On conçoit que la plupart de ces orateurs ou sophistes, dont l’art et le talent était de s’affecter avec rapidité de tous les sujets, devaient avoir une imagination vive et un esprit enthousiaste ; l’un, nommé par la ville de Smyrne pour aller en ambassade vers un empereur, adresse sur-le-champ une prière aux dieux, pour qu’ils lui accordent l’éloquence d’un de ses rivaux ; un autre ne méditait jamais que la nuit. […] Le messager des dieux descend du ciel pour instruire ce héros, et le conduit sur une montagne inaccessible et bordée de précipices. […] Les dieux, pour récompense, lui donnent l’empire de l’univers, et il va partout combattre les malheurs et le crime.

223. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

Le suprême et impassible bon sens siégeait ainsi dans sa tête au-dessus de la féconde imagination, comme dans l’œuvre de la Providence l’homme travaillait et le dieu regardait. […] Vous ne le comprendrez jamais : c’est un Phidias qui ne sent pas dans sa chair les coups que son ciseau donne au bloc de marbre dont il fait un dieu ! […] C’est la médaille à l’endroit et à l’envers de l’humanité, l’une portant l’effigie du bien, l’autre l’effigie du mal, sans que le monde, incertain, puisse dire : J’appartiens à ce dieu : ou, Je suis la victime de ce démon. […] Suis-je devenu un dieu ? […] la force, le dieu du monde ! 

224. (1890) L’avenir de la science « V »

Les dieux ne s’en vont que pour faire place à d’autres. […] Laissons les âmes vulgaires crier avec Mika, ayant perdu ses idoles : « J’ai perdu mes dieux ! J’ai perdu mes dieux !  […] on m’a enlevé mon dieu, et je ne sais plus ce que j’adore ! 

225. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

Ce qui fait la gloire de Gœthe, c’est qu’au dix-neuvième siècle il a pu faire un poëme épique, j’entends un poëme où agissent et parlent de véritables dieux. […] La littérature classique avait entraîné dans sa chute les mannequins mythologiques, et les dieux antiques dormaient sur leur vieil Olympe, où l’histoire et l’archéologie pouvaient seules aller les réveiller. […] Comment lui montrer ses dieux, les dieux modernes ? […] Sa sorcière, ses esprits, son Ahrimane ne sont que des dieux de théâtre. […] Hommes, dieux, nature, tout le monde changeant et multiple de Goëthe s’est évanoui.

226. (1914) Une année de critique

Des dieux obscurs en conçurent-ils de la jalousie ? […] Dieux ! […] Mais son âme n’est point pareille à la nôtre, et nous n’avons pas les mêmes dieux. […] Il ferait guillotiner sa mère, s’il pensait, par ce sacrifice, être agréable aux dieux assoiffés. […] Les Dieux ont soif, roman, par Anatole France (Calmann-Lévy).

227. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre premier. Impossibilité de s’en tenir à l’étude de quelques grandes œuvres » pp. 108-111

Pourrait-il traiter les autres hommes comme Jupiter traitait les autres dieux ? […] S’il est vrai que chaque époque se forge de la sorte des dieux mortels à son image et maltraite ou ignore des hommes de valeur réservés à l’admiration des générations suivantes, il est nécessaire de réduire le rôle excessif attribué trop fréquemment à ces fortes individualités qui dominent du haut de leur gloire le siècle où elles ont vécu.

228. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Platon, et Aristote. » pp. 33-41

Quelle gloire pour l’un & l’autre Philippe, en parlant de son fils, écrivoit au philosophe : « Je rends moins grace aux dieux de me l’avoir donné, que de l’avoir fait naître pendant votre vie. » Paroles bien remarquables, ainsi que celles d’Alexandre, qui sont l’expression de la reconnoissance la plus vive : « Je dois le jour à mon père : mais, je dois à mon précepteur l’art de me conduire. […] Platon admettoit un dieu créateur, l’immortalité de l’ame, l’existence des démons, une autre vie heureuse ou malheureuse, selon nos bonnes ou mauvaises actions.

229. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIIe entretien. Poésie sacrée. David, berger et roi » pp. 225-279

Les livres sont les pyramides des pensées de l’homme, ou plutôt les livres sacrés sont les temples intellectuels qui semblent avoir poussé d’eux-mêmes et sans architectes du sol, pour contenir les idées de l’humanité sur Dieu ou les dieux. […] « Ne me confondez pas avec les femmes qui adorent les dieux étrangers, parce que dans la mer de mon angoisse j’ai prié obstinément et sans me rebuter le Seigneur !  […] Dans toutes ses odes l’artiste en gloire suit la même marche : une invocation et un récit qui paraît étranger d’abord au sujet, et auquel il rattache les plus poétiques aventures des dieux et des hommes. […] « Insensé », dit-il alors, « celui qui entreprend de lutter contre les dieux. […] « La parole qui coule avec les grâces de la profondeur du génie est plus mémorable que les grandes actions. » « La pensée nous fait dieux ! 

230. (1892) Boileau « Chapitre IV. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » » pp. 89-120

De là, chez ce naturaliste convaincu, d’étranges transactions et des contradictions fâcheuses : de là, sa définition de l’ode qui « entretient commerce avec les dieux », ou qui « ouvre la barrière aux athlètes dans Pise » : à quelle nature, pour un homme du xviie  siècle, peut s’attacher ici l’imitation poétique ? […] Dieux, déesses et tout le merveilleux païen, ne sont que des symboles, où tout le monde aperçoit immédiatement les éternelles vérités de l’ordre moral. […] Il ne s’avise pas que Virgile et Homère ont mis des dieux dans leurs poèmes parce que c’étaient leurs dieux, les dieux nationaux et populaires : un coup d’œil jeté à côté du livre, sur la réalité que l’histoire représente, l’eût averti de son erreur.

231. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — La solidarité des élites »

L’homme pousse une clameur joyeuse de révolte et s’élance devant lui en riant aux dieux qui s’effacent. […] Nous avons vu les dieux changer selon les âges et, en disparaissant graduellement, laisser la place à l’homme. […] Idéal et symbolique par son essence même, cherchant et formulant les rapports, la loi d’harmonie et d’unité qui régissent les êtres et les choses, l’Art sera la haute vie morale en son effort pour manifester les dieux que nous sommes nous-mêmes… »‌ Retrouver le « divin » en nous comme dans les choses, le sentir au fond de nos êtres comme au fond de chaque vie terrestre, voilà bien la nouvelle conception religieuse. […] Nous avons reconnu que la Nature et l’Homme étaient assez riches pour satisfaire notre idéal le plus lointain, que le divin était contenu dans la moindre parcelle, qu’il n’y avait rien, positivement rien en dehors de l’univers vivant, et nous continuons à vivre comme si le dieu passé était encore debout, nous dominant de son regard ! […]  » Oui, l’homme n’est pas un fauve pour l’homme, mais un dieu dont le cœur s’éveille ; pas plus que le monde n’est un théâtre où évoluent des formes solitaires, mais un enlacement d’organes vivants.‌

232. (1892) La vie littéraire. Quatrième série pp. -362

Les dieux, M.  […] mille dieux ! […] Les dieux ont coutume de ressembler à ceux qui les adorent. […] Les dieux vous tiennent en joie ! […] Théodore de Banville distingua surtout des dieux et des déesses.

233. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

Au lieu de confesser son dieu, il marcha dessus ; au lieu de lever son drapeau, il le foula aux pieds. […] Il me semble que nous sommes revenus à ces temps pleins d’ombre du paganisme où les dieux vermoulus tressaillaient sur leurs autels désertés, en écoutant avec terreur les vagissements du nouveau-né de Bethléem ; il me semble qu’au milieu de nous j’ai vu passer des apôtres et que l’on entend parler dans les airs les voix encore indécises d’une religion nouvelle. […] En Égypte, en Nubie, en Syrie, en Grèce, en Italie, partout enfin, j’ai vu des ruines, j’ai vu des palais et des temples, mais les rois sont morts et les dieux sont oubliés. […] » J’avoue que je n’en suis pas encore arrivé là ; mais je crois qu’il faut laisser les vieilles allégories, les vieilles histoires, les vieilles images dans la demeure vide des dieux détrônés. […] L’homme qui n’a point assez d’imagination pour inventer un dieu et qui a assez de vanité bête pour pouvoir s’en passer, ne peut être qu’un misérable ou un imbécile. — Que ferons-nous au milieu de cette lutte ?

234. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’abbé Boileau, et Jean-Baptiste Thiers. » pp. 297-306

Il s’appuye de celle de Henri IV, qui reçut la discipline sur les épaules, des cardinaux d’Ossat & du Perron ; formalité bien vaine, mais raison plus étrange encore pour vouloir qu’on admettre un usage quelquefois criminel & suggéré par la débauche ; un usage qui peut être remplacé par tant d’autres plus dignes d’un vrai pénitent ; un usage qui peut être remplacé par tant d’autre plus dignes d’un vrai pénitent ; un usage enfin que la religion ne prescrit pas, & qui rappelle ces prêtres de Baal, qui se déchiroient à coups de lancettes, ou ces insensés Brammins qui passent la plus grande partie de leur vie, nuds dans leurs cellules, occupés à s’enfoncer des clous dans les bras & dans les cuisses, en l’honneur de leur dieu Brama. […] Ci gît le caustique Aretin, Fléau de tout le genre humain ; De dieu, dit-il, j’aurois pu l’être : Mais il eût fallu le connoître.

235. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

Plût aux dieux que je pusse aussi en rappeler quelques-uns du tombeau !  […] Il semble que cette race ait été faite pour voir des dieux dans toutes les choses et des choses dans tous les dieux. […] On voit des qualités, des attributs divins, même des attributs d’attributs devenir des dieux. […] Je suis présente par les Dieux en toutes choses, et je pénètre toutes choses. […] Les brahmanes sont donc des Dieux sur la terre.

236. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

Il est devenu mythologue consommé et fait usage de tous les dieux. […] Les dieux mêmes ont chez eux ce commerce de servilité et d’arrogance. […] Aux dieux ne plaise ! […] Quand le roi des dieux leur envoie une grue « qui les tue, qui les croque, qui les gobe à son plaisir », on est presque du parti de la grue et de Jupiter. […] C’est un fromage exquis : le dieu Faune l’a fait La vache Io donna le lait.

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