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1054. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Pélisson et d’Olivet »

Les étincelles qui durent toujours, dans ce néant et dans cette cendre, c’est Corneille, La Fontaine, Racine, quatre à cinq noms, et le reste est destiné aux vents… Ludibria ventis !

1055. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Crétineau-Joly » pp. 367-380

Le plus souvent, un seul sentiment, une seule idée moule leur vie, et ce qu’un homme est au fond de son âme, il se retrouve l’être identiquement dans toutes les circonstances de sa destinée.

1056. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Μ. Eugène Hatin » pp. 1-14

Hatin suit les destinées de la Gazette de Renaudot jusqu’à l’époque de la Révolution française.

1057. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Camille Desmoulins » pp. 31-44

Nettement discerné à la lumière de ses œuvres, pris à part de l’entourage immense de tous les faits du temps groupés autour de lui, on verra mieux ce que fut ce mauvais garçon de nos jours funestes, qui ne fut pas un mauvais homme et qui fit des choses mauvaises, et ce que fut aussi cet esprit charmant, destiné peut-être, en travaillant, à laisser des livres immortels, mais qui ne fut qu’un journaliste, lequel, nonobstant l’exhumation faite de ce qu’on croit ses meilleures œuvres, comme tout journaliste qui n’est que cela, se trouve condamné à périr !

1058. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « L’abbé Galiani »

Pour lui, la destinée se retourna contre le bonheur de sa naissance.

1059. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VI. Jules Simon »

« Philosophiquement, dit-il, nous ne savons le comment de rien : mais voilà pourquoi, ajoute-t-il, il y a une religion naturelle. » Moi, je dirais plutôt : Voilà pourquoi il doit y avoir une religion positive, une religion qui, sur toutes les questions important à l’homme et à sa destinée, prend un parti net et lui impose une solution.

1060. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Francis Lacombe »

Parce que cette organisation appartenait au Moyen Âge, à une époque couchée dans la tombe, il n’a pas cru qu’elle en partageât la poussière ; il ne l’a pas cru finie, épuisée, impossible ; car une institution fondée sur la nature des choses doit échapper à la destinée de ces institutions ambulatoires que les siècles emportent avec eux.

1061. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Émile Augier, Louis Bouilhet, Reboul »

Burns avait épousé avec une insouciance vaillante sa destinée.

1062. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gérard de Nerval  »

Et le lit resta toujours vide… Symbole charmant de son intellectuelle destinée !

1063. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Auguste de Chatillon. À la Grand’Pinte ! »

C’est un sentimental et un sentimental discret, et si discret qu’il oublie de mettre son nom à son épitaphe, car c’est son épitaphe que celle-ci, qui n’est celle de personne dans son recueil, et dans laquelle on rencontre de ces traits, révélation d’une muette destinée : Arrête-toi, passant.

1064. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pécontal. Volberg, poème. — Légendes et Ballades. »

Triste destinée, mais touchante !

1065. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Corneille »

Dernier épisode de cette vie austère et toute à la gloire, et qui, sans ce malheur cruel qui l’a fait touchante, n’aurait été que majestueuse, — de cette majesté un peu monotone, il est vrai, des grandes destinées et des grands horizons, et que l’on pourrait appeler la tristesse de la grandeur et de la beauté !

1066. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

Molé, faisait remarquer que « sa destinée offre l’exemple, peut-être unique, de tout un temps qui se fait le complice et presque le compère d’un écrivain ; qui se prête au rôle emprunté que cet homme joue pendant près de cinquante ans, et cela sans le démentir un seul instant ». […] En effet, à l’endroit où nous en sommes restés, à la moitié du troisième acte, va survenir un habile épisode, destiné à faire évoluer les situations, les destinées des deux principaux personnages, et à préparer de loin le dénouement : c’est l’épisode de l’arrivée des Maures d’Afrique. […] Grâce à cette heureuse complexion, qui n’eût cru que la France fût destinée aussi à développer chez elle un théâtre fait à son image, moderne, vivant, varié, dans ce genre mixte qu’aimait Corneille, qu’il nommait tragi-comédie et qu’on nomme drame aujourd’hui ? […] Je l’ai fait votre égal, et, quoiqu’on s’en mutine, Sachez qu’à plus encor ma faveur le destine. […] Les destinées de notre théâtre, de notre poésie tout entière, du génie français lui-même, eussent été changées.

1067. (1858) Cours familier de littérature. V « XXXe entretien. La musique de Mozart (2e partie) » pp. 361-440

Après un moment d’hésitation, après s’être consultés et avoir comprimé un tressaillement d’horreur qu’ils éprouvent à la vue de l’homme fatal qui pèse sur leurs destinées, donn’Elvira, donn’Anna et don Ottavio se décident à poursuivre jusqu’au bout leur dangereuse entreprise ; mais, avant d’entrer dans le château qui cache tant de nombreux mystères, ils s’arrêtent sur le seuil, et, l’âme émue d’une sainte terreur, ils adressent au ciel l’une des plus touchantes prières qui aient été écrites par la main des hommes. […] Plus amante qu’épouse, toujours inquiète sur le sort de celui qui a troublé son cœur et sa destinée, elle vient faire un dernier effort pour le ramener à de meilleurs sentiments et détourner le coup qui le menace. […] XIX Quant à Mozart lui-même, il n’était pas destiné par la nature à jouer longtemps ainsi avec les malignités du sort.

1068. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque » pp. 2-79

VI L’histoire de Laure a été écrite avec l’orgueil de la parenté par l’abbé de Sades, descendant de cette femme angélique ; par un hasard de la destinée, ma famille maternelle remonte également à cette source. […] Ce prince romain logea Pétrarque dans son palais d’Avignon, et traita en fils le jeune poète ; il le destinait à illustrer un jour sa maison dans la diplomatie et dans les lettres. […] Dans un tel état de choses, les facultés de ses grands hommes ne servent qu’à les torturer davantage par le spectacle de l’impuissance de leurs destinées ; de là des rêves, seule consolation des imaginations héroïques emprisonnées dans l’impossible.

1069. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

La maison que mon souverain m’avait destinée dans la ville était presque habitable : cependant il m’avait réservé le plaisir de la faire achever et distribuer à ma guise. […] — « Qu’il me paraît étrange, écrivait Schiller à son ami, ministre et favori d’un souverain, de vous voir lancé au plus haut et au plus épais de ce monde, tandis que je suis assis entre mes pauvres fenêtres de papier huilé, n’ayant aussi que papiers devant moi, et que cependant, malgré cette différence dans nos destinées, nous puissions nous comprendre si parfaitement l’un l’autre !  […] Les heures joyeuses et sombres de sa destinée sont encore cachées pour lui dans les voiles du temps ; l’amour de sa mère veille avec de tendres soins sur son matin doré ; mais les années fuient rapides comme une flèche.

1070. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

Étonnez-vous donc des volte-face de la destinée, et respectez donc quelque chose après cela ! […] Il est facile de le conjecturer quand on a lu ses lettres familières et les lettres officielles plus récentes destinées à excuser sa démarche auprès de la cour de Sardaigne ; et enfin par quel intermédiaire ? […] XXV Quant à ses vues politiques sur les destinées du Piémont, elles sont parfaitement caractérisées dans une de ces dépêches.

1071. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

Sion, où j’ai passé, était le royaume que m’avait destiné Bonaparte ; c’est ce royaume que la mort du duc d’Enghien m’a fait abdiquer. […] On m’écrit de Paris mille bruits (sur ma destinée politique). […] Une mauvaise humeur chronique fut sa seule influence politique sur les destinées de son pays.

1072. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIIe entretien. Littérature politique. Machiavel (2e partie) » pp. 321-414

Elle n’a pas eu le courage de rétablir sa glorieuse république ; Florence, dans la peur d’être autrichienne, semble destinée à se faire piémontaise : un remords de dignité la refera tôt ou tard toscane pour se relever italienne. […] Un homme, digne par son caractère du nom de Washington vénitien, Manin, la gouverna pendant cette tempête par la seule autorité morale d’une âme plus grande que sa destinée. […] Comme elle n’a plus de force, elle n’a plus de crédit dans les conseils du monde, elle écoute aux portes des cabinets, elle attend de la destinée l’heure d’une restauration dans ses possessions italiennes par la main de la coalition dont elle est le satellite ; son royaume, gouverné par un proconsul français, le prince Borghèse, et par cinq préfets de la France, s’est complétement et facilement incorporé à nous.

1073. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

L’Emile, en particulier ; ce livre tant lu, si peu entendu et si mal apprécié, n’est qu’un traité de la bonté originelle de l’homme destiné à montrer comment le vice et l’erreur, étrangers à sa constitution, s’y introduisent du dehors, et l’altèrent insensiblement. […] Il a dicté aux pères comme aux mères leur devoir : il leur a proposé l’éducation des êtres qui leur devaient la vie et en qui reposait la destinée de l’humanité future comme une matière de graves soucis et de constante attention. […] Il serait facile de dégager des écrits de Rousseau les thèmes éternels du lyrisme : à l’occasion de sa vie, il agite tous les problèmes de la destinée humaine, il ressent toutes les inquiétudes métaphysiques que les hasards de l’existence font surgir au fond des cœurs.

1074. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

La plus modeste des religions a eu mille fois plus de sectateurs et a plus influé sur les destinées du genre humain que toutes les écoles réunies. […] S’il était vrai, comme le pense Aristote 163 que, de même que l’âme est destinée à commander et le corps à obéir, de même il y a, dans la société, des hommes qui ont leur raison en eux-mêmes, et d’autres qui, ayant leur raison hors d’eux-mêmes, ne sont bons qu’à exécuter pour eux la volonté des autres, ceux-ci seraient naturellement esclaves ; il serait juste et utile d’obéir, leur révolte serait un malheur et un crime aussi grand que si le corps se révoltait contre l’âme. […] Comment, je vous prie, confier les destinées de l’humanité à des malheureux, ouverts par leur ignorance à toutes les captations du charlatanisme, ayant à peine le droit de compter pour des personnes morales ?

1075. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VII »

Les héros destinés aux splendeurs du Walhall ! […] Viennent alors trois notes égales en valeur et en intensité pour aboutir à une quatrième note de durée plus longue, d’où la sonorité ira en s’affaiblissant par les syncopes et la calme succession des accents de la mesure, pour ne se relever que très peu, par une dernière attraction rythmique destinée à mettre en valeur la finale. […] Rien d’objectif ; seulement, de l’obscurité et du silence qui précédaient et nous donnaient le besoin devoir et d’entendre avec avidité, est sortie une impression subjective destinée à orienter d’avance notre compréhension et à familiariser notre entendement avec la révélation mystiquement réalisée du drame dont nous sentons déjà le caractère si profond qu’on l’a cru religieux.

1076. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

Le couvent développe chez les jeunes filles, destinées à être des femmes d’ouvriers, des côtés poétiques, hostiles au foyer laborieux. […] Elle la prédispose à l’amour idéal, et à toutes les choses romanesques et élancées de la passion, qu’elle n’est pas destinée à trouver dans son mari. […] Mais les moindres financiers ont fait bien pis, et je ne sache pas qu’une pièce du mobilier ait été payée le prix que Mme de Pompadour avait accordé pour une chaise percée, destinée au château de Bellevue : 800 livres de pension que touchait un ouvrier du faubourg Saint-Antoine, au dire de d’Argenson.

1077. (1856) Cours familier de littérature. II « XIIe entretien » pp. 429-507

Pendant combien d’années ou de siècles ne fallait-il pas que l’humanité eût accumulé, remué, scruté ses pensées en elle-même, pour arriver à de telles conclusions métaphysiques sur les misères de sa destinée et sur les mystères de la Providence divine ! […] L’homme n’aurait plus eu sa part d’action propre dans sa propre destinée ; en cessant d’être libre il aurait cessé d’être homme ; sa vertu forcée l’aurait dégradé de sa vertu volontaire. […] Quand on ne peut pas combattre corps à corps un destin plus fort que nous et qui nous raille d’un bout à l’autre de l’histoire, il y a encore un moyen de se venger de lui : c’est d’en rire ; c’est de se faire soi-même le bouffon de cette destinée, de se moquer des hommes et de soi, de prendre sa part de cette risée universelle qui éclate depuis le commencement du monde jusqu’à nous, derrière le rideau de la scène humaine, et de dire, comme Salomon (ce faux sage) le disait déjà de son temps : « Aimons, rions, buvons, amusons-nous ; tout le reste est vanité ! 

1078. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXe entretien. Dante. Deuxième partie » pp. 81-160

Le Purgatoire C’est une des idées philosophiques les plus naturelles à l’humanité que celle d’un lieu d’épreuve continuée après cette vie, et d’achèvement de la destinée des âmes dans un séjour de purification et d’initiation appelé Purgatoire. […] « Mais parce que mon papier est plein », dit le poète, « que j’avais destiné à ce second cantique, le frein de l’art m’interdit de le continuer plus longtemps. […] » Un chant tout entier est consacré à un récit des destinées politiques de l’Italie et à la gloire de Justinien ; Un autre à expliquer le mystère de Dieu sacrifiant son fils innocent représentant d’une nature coupable.

1079. (1884) Articles. Revue des deux mondes

Notre Jouffroy, lui aussi, a risqué quelques conjectures sur les destinées futures de notre espèce ; mais, plus généreux, il consentait à laisser vivre l’Allemagne et l’Angleterre à côté de la France, comme organes essentiels et nécessaires de tout progrès ultérieur. […] Bien plus, génie, vertu, sont des manifestations, et les plus élevées, de cette énergie dont il n’a été départi à chaque peuple qu’une somme limitée, en sorte que la vie collective se dépense tout autant, plus peut-être par les héros, les martyrs, les grands hommes, que par ces générations obscures d’individus sans mérite et sans gloire dont les flots déroulent à travers quelques siècles et sur un point du globe les destinées fatalement bornées d’une nation. […] S’il obéit, il remplit sa destinée d’être raisonnable ; s’il n’obéit pas, il la manque ; mais, observée ou violée, la loi n’en est pas moins loi, en ce sens qu’elle commande absolument et que la raison aperçoit un désordre partout où elle aperçoit une révolte de la volonté contre la règle du bien.

1080. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre III. Le roman » pp. 135-201

on en est venu à décorer du titre de roman des œuvres sans intrigue, entièrement lyriques ou entièrement documentaires ; alors que ce genre paraît entièrement destiné à des récits d’aventures ou à des peintures de mœurs ! […] Après la mélancolique destinée de l’Indien, les dramatiques irrésolutions de la Malgache, passionnée de jalousie, l’histoire de Compère est tragique, celle de Cafrine est joyeuse ; elles symbolisent l’esprit chinois et l’esprit cafre. […] Petit jouet, petite femme, voici quelle sera ta destinée.

1081. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

Ses parents, et notamment son parrain, un vieil abbé, chenu de foi et de vertus, le destinaient au sacerdoce, et, dans leurs espérances, lui marquaient sa place parmi les recrues de cette Église, veuve de ses prêtres, qui les pleurait comme la mère des Machabées pleurait ses enfants, en regrettant de n’en plus avoir à donner, pour augmenter la grandeur de son holocauste. […] De 1818 à 1829, il publia plusieurs ouvrages qui semblent les tributs que les hommes destinés à la renommée doivent payer à l’oubli pour s’en racheter. […] C’est cette étude à double aspect qui devait être la gloire d’Audin et sa destinée.

1082. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre II. De la multiplicité des états de conscience. L’idée de durée »

Mais lorsque nous parlons des unités qui composent le nombre, ces dernières unités ne sont plus des sommes, pensons-nous, mais bien des unités pures et simples, irréductibles, et destinées à donner la série des nombres en se composant indéfiniment entre elles. […] C’est à l’image de ce développement une fois effectué que nous empruntons nécessairement les termes destinés à rendre l’état d’une âme qui ne l’aurait point effectué encore : ces termes sont donc entachés d’un vice originel, et la représentation d’une multiplicité sans rapport avec le nombre ou l’espace, quoique claire pour une pensée qui rentre en elle-même et s’abstrait, ne saurait se traduire dans la langue du sens commun. […] Quand je me promène pour la première fois, par exemple, dans une ville où je séjournerai, les choses qui m’entourent produisent en même temps sur moi une impression qui est destinée à durer, et une impression qui se modifiera sans cesse.

1083. (1899) Arabesques pp. 1-223

Puis je crois que c’est par le conflit des idées que se fortifient les individus doués d’énergie, destinés à marquer, et, donc, je me réjouis d’avoir provoqué ce renouveau de guerre. […] Destinés à représenter des états d’âme, ils sont pleins de palais mystérieux, de bassins dormants où chantent d’infatigables jets d’eau, de lauriers-roses, de magnolias, de cyprès et surtout de lys. […] Gide a coqueté avec le naturisme, puis il est revenu au symbolisme, où on le considère comme destiné à relever l’école. […] À cela, rien de surprenant : nous vivons dans une tempête où se heurtent cent éléments contradictoires ; débris du passé, déchets du présent, germes de l’avenir tourbillonnent, s’amalgament, se disjoignent sous le souffle impérieux de la destinée. […] Mais parmi de telles sottises destinées à prouver la vitalité du catholicisme, on trouve dans la Cathédrale des aveux qui, mieux que toute polémique, avèrent l’effondrement réel de cette doctrine.

1084. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

Il y en a peu de plus profondes ; et, jadis, en avançant « qu’elle avait à sa date influé non seulement sur la poésie, mais sur la prose, sur ses destinées futures, et sur toute la direction nouvelle du langage », Sainte-Beuve n’en a pas exagéré l’importance. […] Tout imprégnés encore d’italianisme, les Ronsard et les Du Bellay, mais Desportes surtout, ont failli exercer sur la direction générale de l’esprit français la même néfaste influence que l’admiration superstitieuse des Carrache et du Guide sur les destinées de notre peinture classique. […] — est sans doute le plus ingénieux ; ils soutenaient qu’il n’arrive à chacun que ce que chacun a voulu que la proportion est constante entre l’effort et le résultat ; qu’heureux ou malheureux, tout homme est lui seul à lui-même l’artisan de sa destinée. […] Laissant de côté ses Sermons, qu’il n’a pas lui-même imprimés, ni destinés à l’impression, on peut donc dire que l’Histoire universelle et l’Histoire des variations résument trente ans de la vie de Bossuet, s’il n’a rien écrit, trente ans durant, que pour les soutenir ou les développer. […] Et voit-on enfin ce que pouvait, ce que devait nécessairement rencontrer de faveur dans l’opinion publique une idée qui, comme celle du progrès, finit destinée — nous le montrerons par la suite, ou plutôt on le sait déjà — comme à s’élargir et à s’enfler un jour jusqu’aux proportions d’une religion de l’humanité ?

1085. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Émile Zola étudie les misères du peuple, fut considéré, par les romanciers naturalistes, comme une sorte d’épopée de la guerre, et, de plus, comme une espèce de manifeste destiné à porter jusqu’aux siècles les plus lointains le nom des fondateurs de la nouvelle école. […] Que de costumes il avait endossés, avant de revêtir l’habit à palmes vertes dessiné par David et de s’asseoir aux séances paisibles de l’Académie des sciences morales, où la Révolution de 1830 venait de réinstaller plusieurs hommes dont la destinée, comme la sienne, avait été inquiète et tumultueuse ! […] Quelle destinée, que celle de Mariette ! […] Je me rappelle qu’un jour, à Constantinople, près de l’arsenal de Top-Hané, j’ai passé, pour me distraire, la moitié d’une journée à feuilleter la collection de gravures destinée à illustrer les Voyages de Choiseul-Gouffier dans le Levant. […] N’en déplaise aux commis-voyageurs, l’auteur de Fort comme la mort est autre chose qu’un conteur gras, destiné à faire les délices des tables d’hôte.

1086. (1878) Nos gens de lettres : leur caractère et leurs œuvres pp. -316

Par quelle baleine, je vous prie, les destinées de Louise et de Julien sont-elles suspendues à ce parapluie ? […] ; mais, devant cette destinée, il ne peut pas ne pas s’attendrir. […] Quant aux malheureux qui ferment obstinément leur volet au petit filet avare, ils sont destinés à ne pas produire une seule pensée qui ne soit un mensonge. […] le souci de nos destinées littéraires ne semble pas le dévorer. […] Quelles lectures sont offertes au peuple, qui est tout aujourd’hui, qui tient dans ses mains les destinées de la France, et à quels spectacles est-il convié ?

1087. (1891) Essais sur l’histoire de la littérature française pp. -384

Quel contraste avec la destinée de ses plus brillants élèves de l’École normale qui, dès leurs premiers pas dans l’Université, se sont heurtés à des obstacles insurmontables ! […] Les chaires ont leurs destinées, comme les livres, et il semble qu’on ne puisse, passer par celle-ci sans faire tôt ou tard, chacun à sa manière, quelque bruit dans le monde. […] Il est incroyable, par cet exemple-ci, quelle action les odeurs peuvent exercer sur la destinée d’une jeune mère de famille civilisée. […] Cela ressort manifestement de son histoire entière, mais surtout de ce qui a été dans sa destinée l’accident décisif. […] Avant-d’étudier son livre, il faut nous donner le spectacle de cette destinée manquée ; il faut voir comment tant de belles qualités devinrent stériles.

1088. (1895) La comédie littéraire. Notes et impressions de littérature pp. 3-379

C’est alors qu’il rencontre celui qui devait gouverner sa destinée. […] Ses livres sont évidemment destinés à développer, chez ceux qui les lisent, le goût du travail, l’horreur du vice, le respect de la morale. […] Antithèses destinées à nous rendre plus saisissantes ses puissantes dimensions. […] Qu’il en soit comme il l’a voulu : je ne me suis jamais mis en travers d’une destinée ; et il sait mieux que moi son avenir. […] Sa psychologie est un peu spéciale, c’est une psychologie de juge d’instruction, c’est-à-dire qu’il prête à ses personnages certains trucs d’hommes de loi, destinés à impressionner les esprits simples.

1089. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

Courbet, inconnu, des phrases qui annonçaient sa destinée : je ne les citerai pas, je ne tiens pas plus à avoir raison le premier que de porter les modes le jour de Longchamp. […] Courbet, dit encore son panégyriste, est loin d’être accepté aujourd’hui, il le sera certainement avant quelques années. » Je ne me flatte pas de lire aussi facilement dans l’avenir ; mais, avant d’avoir vu la réalisation de cette prophétie, je n’y croirai jamais, pour ma part, car alors il faudrait désespérer de l’art et de ses destinées. […] L’art était encore à peu près exclusivement, il y a deux siècles, une espèce de réflecteur de fer-blanc, destiné à renvoyer par le monde les rayons de ce roi-soleil qu’on appelait Louis XIV. […] Que dans les conditions normales de sa spécialité, tout homme est exclusivement responsable de sa destinée et n’a à compter que sur lui-même. […] Si incomplet que soit le présent essai, il m’a semblé qu’il pourrait servir à indiquer aux quelques lecteurs du métier à qui je le destine, le cadre d’un grand travail à faire sur les mêmes données, et qui, abordé par une plume plus habile que la mienne, ne serait peut-être pas sans intérêt.

1090. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Appendice. »

Je me rappelle que lorsqu’il revint de Rome avec l’abbé de Lamennais, étant allé leur faire visite dans la maison de la rue de Vaugirard où ils étaient logés, je vis d’abord, dans une chambre du rez-de-chaussée, M. de Lamennais qui s’exprimait sur ce qui s’était passé à Rome et sur le pape avec un laisser-aller qui m’étonna, puisqu’il venait de se soumettre ostensiblement ; il parlait du pape comme d’un de ces hommes qui sont destinés à amener les grands remèdes désespérés. […] Jules Levallois, destine à être un critique qui pense par lui-même et qui a son originalité, dut, on le conçoit, dans un commerce assidu et quotidien, contribuer à aiguiser beaucoup de mes jugements, m’en suggérer même qui étaient de lui et qui portaient avec eux leur expression.

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