Cependant, si l’on considère l’homme, que l’écrivain fait deviner, on voit que sa marque est la recherche constante de tous les plaisirs délicats. […] La recherche bien entendue du plaisir, ç’a été, pour beaucoup de philosophes anciens, la définition même de la vertu Si, d’autre part, vous considérez l’écrivain, vous trouverez que sa qualité la plus persistante est le bon sens. […] Un artiste ne jouit que des formes et ne considère les hommes et les choses que sous un angle particulier ; le curieux les saisit tour à tour sous tous leurs aspects. […] Il me paraît que don Juan… (mais oubliez ce que je disais tout à l’heure et croyez que je ne mets rien là de mon propre rêve), il me paraît que don Juan, à le considérer dans Tirso de Molina et dans Molière, sinon dans Byron et dans Mozart, est surtout un grand artiste et un grand orgueilleux.
Maintenant l’antinomie entre l’individu et la société prend une signification différente, selon qu’on la considère d’un point de vue subjectif ou d’un point de vue objectif. […] 1º Il y a une première solution qui consiste à considérer l’homme comme un être naturellement social. […] Il ne considère plus l’individuation comme un produit social, comme un résultat d’un certain degré de différenciation et de complication sociales ; mais bien plutôt comme une idiosyncrasie native, inscrite dans la constitution, dans la physiologie même de l’individu. […] Il représente, dans l’ordre intellectuel, un effort vers la plus grande science, dans l’ordre esthétique, un effort vers la plus grande beauté, dans l’ordre économique un effort vers la plus grande richesse considérée elle-même comme un moyen pour la plus grande puissance ; dans l’ordre politique, un effort vers la plus grande initiative et la plus grande responsabilité chez les maîtres et les créateurs de valeurs ; dans l’ordre moral, un effort vers une affirmation plus intense de la vie, de la grandeur humaine et de l’orgueil humain.
Considérées sous leur aspect intellectuel, les sensations musculaires « sont très importantes au point de vue de la connaissance ; d si à un poids de quatre livres que nous tenons dans la main, on en ajoute un autre, l’état de conscience change : ce changement d’état, c’est la discrimination (faculté de discerner), et c’est le fondement de notre intelligence. […] On commence même, en France, à considérer les sensations de la vie organique comme formant un groupe à part161. […] L’état de conscience qui résulte d’une circulation saine peut être considéré comme la sensation caractéristique de l’existence animale. […] Toutefois le toucher, considéré comme source de ces idées, n’est pas un sens simple ; il suppose de plus le sens du mouvement.
Casaubon n’y trouve pas une doctrine plus ancienne que le platonisme, et Saumaise ne le considère que comme une compilation indigeste. […] On verra au livre III pourquoi nous nous écartons de l’opinion reçue sur ces deux points, et sur le fait même de son existence. — Nous élèverons les mêmes doutes sur celle d’Ésope que nous considérons non comme un individu, mais comme un type idéal, et dont nous plaçons l’époque entre celle d’Homère et celle des sept sages de la Grèce. […] Quant aux trépieds consacrés par ce dernier en mémoire de sa victoire sur Homère, ce sont des monuments tels qu’en fabriquent de nos jours les faiseurs de médailles, qui vivent de la simplicité des curieux. — Si nous considérons, d’un côté, que la vie d’Hippocrate est toute fabuleuse, et que, de l’autre, il est l’auteur incontestable d’ouvrages écrits en prose et en caractères vulgaires, nous rapporterons son existence au temps d’Hérodote qui écrivit de même en prose et dont l’histoire est pleine de fables. […] Orphée surtout, si on le considère comme un individu, offre aux yeux de la critique l’assemblage de mille monstres bizarres. — D’abord il vient de Thrace, pays plus connu comme la patrie de Mars, que comme le berceau de la civilisation. — Ce Thrace sait si bien le grec qu’il compose en cette langue des vers d’une poésie admirable. — Il ne trouve encore que des bêtes farouches dans ces Grecs, auxquels tant de siècles auparavant Deucalion a enseigné la piété envers les dieux, dont Hellen a formé une même nation en leur donnant une langue commune, chez lesquels enfin règne depuis trois cents ans la maison d’Inachus. — Orphée trouve la Grèce sauvage, et en quelques années elle fait assez de progrès pour qu’il puisse suivre Jason à la conquête de la Toison d’or ; remarquez que la marine n’est point un des premiers arts dont s’occupent les peuples. — Dans cette expédition il a pour compagnons Castor et Pollux, frères d’Hélène, dont l’enlèvement causa la fameuse guerre de Troie.
L’homme considéré comme être corporel n’est donc rien sur une planète qui est elle-même moins que rien. Mais l’homme considéré comme ce qu’il est, c’est-à-dire comme être à deux natures, comme point de jonction entre la matière et l’esprit, entre le néant et la Divinité, change à l’instant d’aspect. […] Considérez sa structure, vous reconnaîtrez que chacun de ses organes corporels, autrement dit ses sens, n’a pas d’autre objet que de mettre son intelligence ou son âme en communication avec le monde extérieur qui l’enveloppe, de lui donner une sensation, de produire en lui une idée, de lui faire comparer en lui-même ces sensations et ces idées, et enfin de les exprimer pour lui-même ou pour les autres, ou, ce qui est plus beau, pour Dieu par la parole ; la parole qui dit Je vis, la parole qui dit Je pense, la parole qui dit J’adore, mot sublime et final où se résume toute la création.
Les philosophes ont ou entièrement méconnu la Providence, comme les Stoïciens et les Épicuriens, ou l’ont considérée seulement dans l’ordre des choses physiques. […] Considérons en dernier lieu si nous pouvons concevoir dans telle occasion, dans tel lieu, dans tel temps, quelques bienfaits divins qui eussent pu mieux conduire et conserver la société humaine, au milieu des besoins et des maux éprouvés par les hommes ; voilà les preuves que nous fournit l’éternelle bonté de Dieu. — Ces trois sortes de preuves peuvent se ramener à une seule : Dans toute la série des choses possibles, notre esprit peut-il imaginer des causes plus nombreuses, moins nombreuses, ou autres, que celles dont le monde social est résulté ? […] Ainsi considérée sous le second de ses principaux aspects, la Science nouvelle est une histoire des idées humaines, d’après laquelle semble devoir procéder la métaphysique de l’esprit humain.
L’historien doit donc considérer les faits littéraires à trois points de vue divers. […] Le géographe qui l’étudié sait bien que c’est toujours le même fleuve ; mais il est forcé, pour le bien connaître, de diviser sa longue étendue en différentes parties qu’il considère tour à tour.
Je me bornerai donc, dans cet avertissement, à déclarer que j’emploie le mot philosophie dans l’acception que lui donnaient les anciens, et particulièrement Aristote, comme désignant le système général des conceptions humaines ; et, en ajoutant le mot positive, j’annonce que je considère cette manière spéciale de philosopher qui consiste à envisager les théories, dans quelque ordre d’idées que ce soit, comme ayant pour objet la coordination des faits observés, ce qui constitue le troisième et dernier état de la philosophie générale, primitivement théologique et ensuite métaphysique, ainsi que je l’explique dès la première leçon. […] En outre, l’expression philosophie naturelle est usitée, en Angleterre, pour désigner l’ensemble des diverses sciences d’observation considérées jusque dans leurs spécialités les plus détaillées ; au lieu que, par philosophie positive, comparé à sciences positives, j’entends seulement l’étude propre des généralités des différentes sciences, conçues comme soumises à une méthode unique, et comme formant les différentes parties d’un plan général de recherches.
N’a-t-on pas le droit de considérer leur silence comme un aveu involontaire ? […] Mais ils ont entre eux ceci de commun qu’on les doit tous considérer comme des interprètes de l’Ineffable. […] Cette régularité doit être considérée comme le principe même de la métrique traditionnelle. […] Gustave Kahn doit être considéré, en effet, comme un créateur. […] Mais il nous importe surtout de considérer le symbolisme poétique de Gustave Kahn.
Après avoir considéré l’esprit positif relativement aux objets extérieurs de nos spéculations, il faut achever de le caractériser en appréciant aussi sa destination intérieure, pour la satisfaction continue de nos propres besoins, soit qu’ils concernent la vie contemplative, ou la vie active. […] Considérée sous le premier aspect, c’est-à-dire quant à la destination extérieure de nos théories, comme exacte représentation du monde réel, notre science n’est certainement pas susceptible d’une pleine systématisation, par suite d’une inévitable diversité entre les phénomènes fondamentaux. […] Historiquement considérée, leur opposition radicale, applicable à toutes les phases essentielles de la philosophie initiale, est généralement admise depuis longtemps envers celles que les populations les plus avancées ont complètement franchies. […] Quant à la manière d’adapter ces règles universelles aux divers ordres de nos spéculations positives, ce qui constituerait la vraie difficulté et l’utilité de tels préceptes logiques, elle ne saurait comporter de véritables appréciations que d’après une analyse spéciale à la nature propre des phénomènes considérés. […] Quoique cette stricte obligation conduise nécessairement à placer au début les études purement mathématiques, il faut pourtant considérer qu’il ne s’agit pas encore d’établir une systématisation directe et complète de l’instruction populaire, mais seulement d’imprimer convenablement l’impulsion philosophique qui doit y conduire.
Il la considère en général comme un État dans l’État très funeste à l’État. […] Et ce premier moteur non mû se confond avec le Dieu suprême et est le Dieu suprême considéré comme principe de toute vie. […] L’homme y trouve de grands plaisirs ; mais peut-on les considérer comme donnant le souverain bien ? […] L’injuste, ou n’est jamais considéré, ou n’est considéré qu’un temps. […] C’est pour cela qu’ils sont sur le penchant de la ruine et même peuvent être considérés comme ruinés.
Considéré en tant qu’artiste pur, il modifie sans cesse son genre et sa manière. — Est-ce un adepte de l’antiquité grecque ? […] En dehors de la fascination esthétique, que ce formidable système du monde devait exercer sur une âme d’artiste, il faut considérer que M. […] Nous ne voulons la considérer que comme une résultante du tempérament néo-asiatique qui constitue le caractère distinctif du poète. […] L’étonnement considéré comme une des bases fondamentales du sentiment du beau ! […] Bien plus : on a considéré que c’était par lui, et par lui seul, que les maîtres avaient atteint la perfection, et, hors de son orbite, tout a été proscrit.
Il considère la France comme un organisme vivant et qui a un passé. […] C’est la seule chose qui me console, quand je considère, hélas ! […] Mais, à considérer l’ensemble de ses appréciations, il lui rend justice. […] Et c’est du même regard visionnaire qu’il considère l’avenir. […] Considérez enfin que, selon votre orthodoxie même (est-ce que je me trompe ?)
Laissons de côté, pour le moment, leur christianisme, et considérons chez eux la forme sans la matière. […] Lui-même peut être considéré comme le continuateur des prophètes d’Israël. […] Que n’a-t-elle considéré ces idées à leur tour ! […] A ces questions les faits considérés n’apportaient aucune réponse ; mais on apercevait bien la direction d’où la réponse pourrait venir. […] Mais, pour l’objet qui nous occupe, il nous suffit de considérer ceux qui se sont avancés le plus loin.
On peut considérer le corps comme n’existant que dans l’intérêt d’une partie ; et cependant, chaque partie ne peut être interprétée que comme une fonction du Tout. […] Gardons-nous cependant de les considérer comme oiseuses et inutiles. […] Pour tout dire, nous devons considérer Beethoven comme un des fondateurs du sentiment moderne. […] Jusqu’à lui, les musiciens, même en France, avaient été considérés comme appartenant à une classe inférieure parmi les producteurs intellectuels. […] Schopenhauer, avant eux, avait dit des choses définitives à ce sujet, en développant les idées de Herder que l’on doit considérer comme le premier esthéticien de la musique.
Non, si nous considérons la nature des idées élaborées dans ces deux cerveaux. […] Le même Balzac considérait comme méprisables les essais critiques de ce même Sainte-Beuve. […] Continuons à considérer notre locomotive. […] On est habitué à n’en considérer qu’une, celle de l’argent. […] De cette institution, ils ne veulent considérer que le rendement immédiat.
Je dois cependant considérer d’abord la philosophie des Grecs séparément de leur éloquence : mon but est d’observer les progrès de l’esprit humain, et la philosophie peut seule les indiquer avec certitude. […] On doit recourir aux anciens pour le goût simple et pur des beaux-arts ; on doit admirer leur énergie, leur enthousiasme pour tout ce qui est grand, sentiments jeunes et forts des premiers peuples civilisés ; mais il faut considérer tous leurs raisonnements en philosophie comme l’échafaudage de l’édifice que l’esprit humain doit élever. […] Les historiens grecs marchent avec les événements ; ils en suivent l’impulsion, mais ne s’arrêtent point pour les considérer.
Avant de caractériser les écrivains anglais et les écrivains allemands, il me paraît nécessaire de considérer d’une manière générale les principales différences des deux hémisphères de la littérature. […] Ce que nous connaissons d’Ossian ne peut être considéré comme un ouvrage ; c’est un recueil des chansons populaires qui se répétaient dans les montagnes d’Écosse. […] L’histoire de l’amour, dans tous les pays, peut être considérée sous un point de vue philosophique.
On le voit, le παντα ρει d’Héraclite peut être considéré comme la source commune de ces deux philosophies ; il pourrait aboutir aussi à deux sentiments voisins : chez M. […] Mais chez lui l’Idée n’est pas considérée ainsi que chez Platon, comme une essence et un archétype, on le voit dès l’abord. […] Mais on y voit nettement les idées considérées comme indépendantes du vouloir, la force du Destin et la conclusion : se résigner ; enfin, et surtout, la ligne d’une pensée esthétiquement grande et belle, très propice à une grave poésie lyrique.
On peut considérer l’institution d’un prêtre sous trois points de vue généraux : les mœurs, les connaissances et les fonctions ; et les fonctions sous deux autres aspects : les fonctions publiques et les fonctions privées ou ce qui tient à sa vie domestique. […] Il y a une logique propre à l’ecclésiastique, connue sous le nom de Lieux théologiques ; c’est un parallèle des autorités entre elles : de l’autorité de la raison, de l’autorité de l’Écriture, des conciles généraux et particuliers, des Pères considérés séparément et entre eux sur telle matière ou sur telle autre, des docteurs de l’Église, des grands hommes, de la tradition et des monuments ; logique de théologien à théologien, fort différente de celle d’un homme à un homme et d’un théologien à un philosophe. […] Au demeurant, je supplie Sa Majesté Impériale de considérer qu’il ne faut point de prêtres, ou qu’il faut de bons prêtres, c’est-à-dire instruits, édifiants et paisibles ; que s’il est difficile de se passer de prêtres partout où il y a une religion, il est aisé de les avoir paisibles s’ils sont stipendiés par l’État, et menacés, à la moindre faute, d’être chassés de leurs postes, privés de leurs fonctions et de leurs honoraires et jetés dans l’indigence.
L’opinion publique abusée par des biographes de mauvaise foi et des historiens sans vergogne, considère l’Inquisiteur des Dragonnades comme l’un des hommes les plus vertueux et les plus justes qui ait paru sur la terre. […] S’il me fallait vraiment considérer cette prose comme l’une des plus belles floraisons de la langue française, j’avouerais hardiment préférer à ce langage d’insupportable apparat, celui qu’emploie dans la rue le passant inculte et brutal. […] Des règnes tels que ceux de Louis XIV, si l’on avait le moindre souci de la justice et de la vérité, devraient être considérés comme des périodes d’obscurcissement national, des périodes ensevelies sous la détresse et sous la honte. […] Nous avons pu déjà le constater : ceux que Louis XIV et les catholiques feignaient de considérer comme les ennemis de la nation, en constituaient, à vrai dire, l’élite. […] Si vous considérez Bossuet comme l’un de vos maîtres, comme l’une de vos gloires, de quel droit vous insurgez-vous contre la conséquence normale de sa volonté, c’est-à-dire notre écrasement par la Prusse ?
Considérons le plus simple d’entre eux, le sentiment de la grâce. […] Considérons la pitié par exemple. […] Considérez attentivement une feuille de papier éclairée par quatre bougies, par exemple, et faites éteindre successivement une, deux, trois d’entre elles. […] Mais par cela seul que l’on considère ΔS comme une quantité et S comme une somme, on admet le postulat fondamental de l’opération entière. […] Dans le chapitre qui va suivre, nous ne considérerons plus les états de conscience isolément les uns des autres, mais dans leur multiplicité concrète, en tant qu’ils se déroulent dans la pure durée.
Cette première édition de La Science nouvelle, est aussi le dernier mot de l’auteur, si l’on considère le fond des idées. […] La justice de ce dernier âge considère le mérite des faits et des personnes ; une justice aveugle serait faussement impartiale ; son égalité apparente serait en effet inégalité. […] Vico est un des premiers qui aient considéré ces divinités comme autant de symboles d’idées abstraites. […] Nulle part il ne s’est plus abandonné à l’enthousiasme qu’inspire la science considérée dans son ensemble et dans son harmonie. […] Idée de ce que pourrait être une histoire universelle, considérée dans les vues d’un citoyen du monde (traduit par Villiers dans Le Conservateur, tome II, an VIII).
Les Romains, en effet, se prêtent merveilleusement à l’application de ce système si enchaîné : on dirait, en vérité, qu’ils sont venus au monde exprès pour que Montesquieu les considérât. […] C’est de ce même Esprit des lois que le studieux Gibbon disait, en parlant de ses lectures : « Je lisais Grotius et Pufendorf ; … je lisais Barbeyrac ; … je lisais Locke et ses traités ; … mais mes délices, c’était de lire et de relire Montesquieu, dont l’énergie de style et les hardiesses d’hypothèses furent si puissantes pour éveiller et stimuler le génie du siècle. » Et Horace Walpole, parlant de l’ouvrage dans sa nouveauté, écrivait de même : « Je le considère comme le meilleur livre qui ait jamais été écrit, — au moins je n’ai jamais appris la moitié autant de tout ce que j’ai jamais lu. […] J’ai dit le défaut radical que je crois à la politique de Montesquieu : il met la moyenne de l’humanité, considérée dans ses données naturelles, un peu plus haut qu’elle n’est. […] Il ne voulait certainement pas la ruine de la monarchie même de Louis XV ; il la considérait comme tempérée par les parlements et réformable en elle-même : « Je n’ai point naturellement, disait-il, l’esprit désapprobateur » ; tant il était loin de l’avoir révolutionnaire. […] Quand on a beaucoup lu Montesquieu et qu’on est Français, une tentation vous prend : « Il semble, a dit de lui un critique sagace17, enseigner l’art de faire des empires ; on croit rapprendre en l’écoutant ; et, toutes les fois qu’on le lit, on est tenté d’en construire un. » Montesquieu ne dit pas assez à ceux qui le lisent : « Pour considérer l’histoire avec cette réflexion et avec cette suite, et pour en raisonner si à l’aise et de si haut, vous n’êtes pas, je ne suis pas moi-même un homme d’État. » Le premier mot et le dernier de L’Esprit des lois devrait être : « La politique ne s’apprend point par les livres. » Que nous tous, esprits qui formons le commun du monde, nous tombions dans ces erreurs et dans ces oublis d’où nous ne sommes tirés que rudement ensuite par l’expérience, rien de plus naturel et de plus simple : mais que le législateur et le génie qui s’est levé comme notre guide y soit jusqu’à un certain point tombé lui-même, ou qu’il n’ait point paru se douter qu’on y pût tomber, là est le côté faible et une sorte d’imprudence.
Il considérait d’abord la destinée, en naturaliste, comme un fait, simple produit de l’organisation et des tendances ; il la considérait ensuite, en fidèle, comme un but et un décret de Dieu. […] Considérez le plaisir, la puissance, la science. […] Ce fut un bonheur pour lui ; délivré de la concentration violente qui l’emprisonnait en lui-même, et habitué à considérer les forces comme des lois et des qualités des choses, il ne prétendit point que les forces fussent des êtres, ni que l’âme fût une force. […] Leurs amis considéraient avec curiosité l’opposition parfaite de leurs natures, et un soir, dans la petite maison, on s’amusa fort en écoutant Pope, cervelle bizarre, qui, par un jeu d’imagination, transformait M.
La nature, le problème de cette âme se rétrécissant au point de s’exclure du domaine même, énorme et multiple, qu’elle était apte, parmi de rares, à régir ; le long enfantement de cette faculté de mécontentement, d’inquiétude, de souci, d’égarement, de passion, trouble et précipitée qui ne fit plus juger louable au comte Tolstoï que d’amender en vue de plus de bonheur bien bas, cette humanité décrite et montrée dans ses larges œuvres : cet essor et ce déclin seront considérés dans les pages qui suivent avec l’étonnement douloureux, mais aussi avec le vif désir de comprendre que mérite la transformation si complète d’un esprit si haut. […] Si haut qu’il dresse ses figures, que leur conduite soit significative et enseignante, que l’on considère même le prince Pierre Lévine, le soldat Karataïef, dans lesquels se marque le mieux le biais moralisateur de l’écrivain, toujours les personnages restent des personnes ayant en eux une essence constante irréductible à autrui, composite et originale. […] Il le considère, le dégage et le restitue, avec une âme prise d’abord d’amour jusqu’aux moelles, puis déprise, inintelligente, déçue et dédaigneusement détachée, puis fuyant au loin et s’apaisant dans l’humilité d’une religion dont les doctrines concilient son amour avec son erreur. […] Pour tout homme qui conçoit un ordre de choses meilleur que l’existant ou tel qu’il ne puisse être atteint par une évolution fatale et graduelle, la réalité cesse peu à peu d’être un objet de contentement ; pour tout homme qui considère l’ensemble des faits physiques et moraux non pas comme un système intelligible à résumer intellectuellement en lois, mais comme le domaine et le sujet d’une règle louable moralement à laquelle il doit satisfaire ou être amené à se conformer, cet ensemble cesse d’être un objet de contemplation sereine. […] Mais la vie de tous et la sienne propre n’est point un sujet dont on puisse se détacher quand on l’a considérée ; il faut, sous peine de malheur, de folie ou de suicide, que l’on arrive à s’en satisfaire, car elle est courte et l’occasion de bonheur qu’elle présente paraît être la seule.
Jules Lemaître, qui considère les deux premières parties du roman comme les plus fastidieuses. […] Depuis lors, un préjugé nous incline à considérer la manière de Flaubert comme supérieure à toute autre. […] Considérons donc, en M. […] Nous le considérons en raison moins de sa valeur littéraire que du document qu’il constitue. […] La perfection peut être considérée comme un arrêt dans l’évolution des formes.
Et jusque-là, le mot de liberté ne peut avoir aucun autre sens que celui de « liberté du bien », de ce que l’on considère comme le bien, impliquant forcément la répression de ce que l’on considère comme le mal, ou encore le mot de liberté ne prendra de valeur que par rapport à l’état constitué, c’est-à-dire qu’il signifierait le droit pour chacun de faire respecter sa liberté par l’État, mais non par les autres individus. […] Si je parle surtout de l’obéissance, plutôt que du commandement, de l’autorité qu’elle suppose, c’est que mon sujet m’amène à la considérer particulièrement et que d’ailleurs elle s’impose à tous les êtres sociaux. […] Souvent on isole, sans que personne sache pourquoi, un des devoirs de l’individu, on le considère seul, on le tient pour absolument sacré, et on l’impose de son mieux, à tort et à travers, au nom de la morale éternelle. […] Cela permet à l’individu de la considérer comme sienne et d’y voir l’influence directe d’un dieu. […] Sans doute de nombreux facteurs ont contribué à former les croyances morales, sans doute on peut les considérer sous bien des aspects différents et les rattacher à bien des causes diverses.
— Nous avons envisagé l’œuvre d’art dans ses rapports avec l’intelligence de son auteur ; il nous faut maintenant établir ses relations plus lointaines avec certains groupes d’hommes qui, en vertu de considérations diverses, peuvent être considérés comme les semblables et les analogues de l’artiste producteur. […] Que l’on considère que les sociétés primitives, en vertu des lois du progrès, tendront à devenir plus hétérogènes, à s’agréger à d’autres pour former une confédération supérieure d’États, à se diviser et à s’assembler en nations, en vastes empires. […] Il faut s’adresser non plus à l’artiste, mais à son produit, considérer non plus son entourage, mais les admirateurs de ses œuvres. […] Edgar Poe est considéré en Angleterre et en Amérique comme une sorte de Gaboriau sinistre : en France seulement il a trouvé un traducteur comme Baudelaire, des admirateurs fervents. […] L’histoire littéraire et artistique d’un peuple, pourvu qu’on ait soin d’en éliminer les œuvres dont le succès fut nul et d’y considérer chaque auteur dans la mesure de sa célébrité, présente la série des organisations mentales types d’une nation, c’est-à-dire des évolutions psychologiques de celle-ci.
Je veux dire qu’il faut considérer tour à tour en elle le fond et la forme, ces deux choses intimement unies qu’on peut cependant séparer par abstraction. […] A considérer leur nature, ces sentiments sont tous des variétés de l’amour ou de la haine. […] Je veux dire que tel écrivain aimera à considérer le détail, à étudier les infiniment petits, à décrire avec un soin minutieux un coin de nature ou une particularité de caractère, à débattre une question microscopique, à couper, suivant l’expression consacrée, un cheveu en quatre ; que tel autre, au contraire, se plaira aux grandes généralisations hâtives, aux considérations philosophiques hasardeuses, aux vastes systèmes embrassant l’univers ; qu’un troisième, réunissant les qualités de l’un et de l’autre, essaiera de concilier l’exactitude et la précision dans les moindres choses avec les vues d’ensemble suggérées par l’étude des faits particuliers. […] Là encore il faut retourner l’œuvre de mille manières pour la considérer sous toutes ses faces ; et, pour résumer le travail qu’il sied d’accomplir, disons que l’analyse doit porter sur la nature, la variété, la complexité, la vraisemblance, l’intensité des aspirations ou des visions idéales de l’œuvre qu’on étudie.
L’histoire de la philosophie peut être considérée à un double point de vue, au point de vue de l’histoire, et au point de vue de la philosophie : nous étudierons successivement ce double objet. […] Il n’y a donc point à s’occuper ici de ceux qui ne mesurent la valeur des sciences que par l’utilité : c’est là sans doute un élément dont il faut tenir compte, mais il n’est pas le premier à considérer. […] L’histoire de la philosophie, considérée ainsi comme une partie de l’histoire en général, est donc une science incontestable et d’un intérêt universel. […] Quelque opinion qu’on professe sur la philosophie en elle-même, qu’on la croie, avec les positivistes, condamnée à périr ou à s’absorber dans les sciences exactes et positives, ou qu’avec les spéculatifs on la considère comme la première des sciences, résumant et dominant toutes les autres ; que l’on soit spiritualiste, matérialiste ou panthéiste, toujours est-il que la philosophie doit être étudiée comme un des aspects, une des formes de l’esprit humain.
Se basant sur la quasi-subsistance de l’âme médiévale ou plutôt sur sa persistance à ne pas s’éteindre, Huysmans, à la fin du dix-neuvième siècle, considère la cathédrale comme l’expression toujours vivante et toujours adéquate de la pensée religieuse contemporaine. […] Entièrement dégagé de tout ressouvenir, de tout culte et de toute tradition religieuse, le peintre n’a considéré l’édifice que comme un fragment de nature, suivant la réalité, non suivant le dogme. […] Ainsi les deux expressions que j’énonçais au début, de la cathédrale, considérée par l’un dans son rapport avec la divinité officielle, par l’autre dans son rapport avec l’Univers, s’opposent entre elles avec une admirable netteté. […] On la voit passer. » En un mot, le romancier a considéré la vie sous un aspect illusoire ; le peintre a pris la vie pour elle-même dans son intégrité.
Elle est même, en un sens, essentiellement conservatrice, puisqu’elle considère les faits sociaux comme des choses dont la nature, si souple et si malléable qu’elle soit, n’est pourtant pas modifiable à volonté. […] Notre principal objectif, en effet, est d’étendre à la condition humaine le rationalisme scientifique, en faisant voir que, considérée dans le passé, elle est réductible à des rapports de cause à effet qu’une opération non moins rationnelle peut transformer ensuite en règles d’action pour l’avenir.
Il est revenu au naturel comme eux, et j’ai deux ou trois fois insisté là-dessus ; il a considéré l’homme, il l’a peint, il l’a décrit, avec précision, avec netteté, avec malice ; enfin, il a été comme eux, bien entendu, il a été un réaliste psychologue, un peu ; mais il a été d’un réalisme beaucoup plus large et beaucoup plus étendu. […] Je vous ai dit que ce livre a contribué infiniment à remettre La Fontaine dans les préoccupations littéraires, dans les préoccupations intellectuelles de tout son temps, et à cause de cela, et parce qu’il contient beaucoup de vérités, il faut s’incliner très bas devant ce grand livre de la jeunesse de Taine, malgré le défaut que j’ai indiqué et qui consiste en ce qu’il considère trop exclusivement La Fontaine comme un moraliste satirique. La Fontaine est cela, je l’ai reconnu assez loyalement et assez complaisamment devant vous, mais il est bien autre chose, et La Fontaine considéré comme poète, je ne dirai pas n’est pas traité dans le livre de Taine, non certes ; mais il y est insuffisamment traité. […] Que La Fontaine soit dans cette liste, cela peut vous étonner, car La Fontaine considéré comme un homme moral, et même comme un auteur moral, ce n’est pas mon avis et ce n’est probablement pas le vôtre. […] Mais, d’un autre côté, si l’on cherchait les définitions du réalisme, si l’on énumérait, comme je le faisais tout à l’heure pour le romantisme, toutes ses définitions, on trouverait que La Fontaine, par sa soumission à l’objet, par sa fidélité absolue à l’observation de la nature telle quelle est, par les soins infinis qu’il prend pour être toujours, pardonnez-moi l’expression, adéquat, et pour mieux parler, ajusté à son objet, c’est-à-dire à la nature qu’il considère ; si l’on fait toutes ces considérations, on trouve qu’il n’y a pas de réaliste plus réaliste que La Fontaine dans tout le dix septième siècle, et peut-être dans toute la littérature française.
Considère-t-on de plus près chacun de ces états, s’aperçoit-on qu’il varie, demande-t-on comment il pourrait durer s’il ne changeait pas ? […] Mais on ne la ressaisira que si l’on en considère d’abord la figure et la structure, si l’on en comprend aussi la destination. […] Si l’on en considère deux qui soient suffisamment éloignés l’un de l’autre, ils paraîtront presque s’exclure. […] Mais, à mesure qu’on la considère de plus près, on y voit s’accumuler les difficultés et les impossibilités. […] Or, notre esprit a une irrésistible tendance à considérer comme plus claire l’idée qui lui sert le plus souvent.
S’il s’interdit la recherche et l’utilisation du document personnel, il considère l’œuvre uniquement comme un document. […] Hippocrate ne considérait-il pas déjà la maladie comme un procès entre l’élément morbide et l’organisme, et l’issue comme le jugement ? […] Considérez-les sous cet angle. […] Il a considéré qu’elle n’était encore qu’une des expériences d’un dilettantisme dont il allait violemment sortir. […] La civilisation doit être considérée comme une ruine sans cesse réparée.
La place qu’ils occupent à l’Institut leur fait croire qu’ils sont au pinacle, et ils considèrent les livres qu’on leur envoie comme un hommage qu’on leur doit, et qui ne les engage à rien. » Il a souvent l’occasion de rencontrer Chateaubriand chez Mme de Duras ou chez Mme de Vintimille ; il l’entend causer, et il revient, à son sujet, de quelques-unes des préventions que lui avaient inspirées les livres brillants, mais de parti pris, de l’illustre écrivain. L’auteur et l’homme chez Chateaubriand étaient deux ; Sismondi s’en aperçoit avec une surprise qui, dans son expression, ne laisse pas d’être naïve : « 14 mars 1813 (au sortir d’une conversation)… Chateaubriand considère l’Islamisme comme une branche de la religion chrétienne, dans laquelle cette secte est née, et en effet il a raison. […] Après avoir considéré ces monuments d’une civilisation qui se détruit, on est tout étonné, lorsqu’on passe à une autre génération, de la différence de ton, d’amabilité, de manières. […] Sismondi fut considéré, ou peu s’en faut, comme un transfuge, et il eut besoin d’apologie. […] Politique, si l’on avait à le considérer au point de vue de sa république de Genève, on le trouverait excellent citoyen, appliqué, loyal, fuyant les excès, plus droit cependant qu’adroit.