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741. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre X. Les sociales »

Il alla jusqu’à dire aux douze imbéciles que le hasard appelait à juger : « Vous êtes le cœur et la raison de Paris. » Sauf sur un point d’histoire, son cœur et sa raison à lui étaient d’accord avec le cœur et la raison des douze. […] Vous constatez, ange triste, que « les mêmes instincts se trouvent dans le cœur de l’opprimé et dans celui de l’oppresseur ». […] Vous vous attaquez au sémitisme de nos cœurs. […] Loin d’être restés pauvres d’esprit, ils proclament, ces juifs de cœur, aussi haut que leurs frères reniés, les israélites de naissance : Que l’industrie soit ! […] Ses paroles pardonnent presque à la guerre d’autrefois et, au fond, son cœur l’aime, car les anciens soudards « n’intégraient point sans quelque désinvolture cette besogne édifiante » et « elle n’allait point sans les beaux faits d’armes, les grands coups d’épée, les actes justifiant l’attitude et la valeur excusant le panache ».

742. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Frédéric le Grand littérateur. » pp. 185-205

Pourtant la vie intérieure et privée de Frédéric est entièrement connue ; toutes les parties de son caractère sont éclairées ; on a ses lettres, ses vers, ses pamphlets, boutades et facéties, ses confidences de toutes sortes ; il n’a rien fait pour les supprimer, et il est impossible de ne pas reconnaître en lui un autre personnage bien essentiel, et qui est au cœur même de l’homme. […] Le grand cardinal de Richelieu était de même : faire une belle tragédie eût été une chose presque aussi douce à son cœur et lui eût paru une œuvre presque aussi glorieuse que de triompher des Espagnols et de maintenir les alliés de la France en Allemagne : les lauriers du Cid l’empêchaient de dormir. […] Il revient en France reconnaissant, conquis à jamais de cœur à Frédéric, mais non vaincu. […] Ce cœur de géomètre, si sensible à l’amitié, ne craint pas de s’épancher dans l’âme de Frédéric, d’y verser son affliction et presque ses sanglots, et le roi lui répond en ami et en sage, par deux ou trois lettres de consolation philosophique, qu’il faudrait citer tout entières. […] Les plaies du cœur sont les plus sensibles de toutes, et, malgré les belles maximes des philosophes, il n’y a que le temps qui les guérisse.

743. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — II. (Fin.) » pp. 246-265

Dans les instructions à M. de Schomberg, ambassadeur en Allemagne, dans les lettres écrites au nom du roi à M. de Béthune, ambassadeur en Italie, il ne cesse de revendiquer cette gloire et presque cette fonction qui appartient de droit à la France comme étant le cœur de tous les États chrétiens. […] On n’a pas les lettres secrètes, celles où il s’entretenait avec ses intimes à cœur saoul, comme il disait. […] Richelieu serait fort d’avis que la reine, pour déjouer ces intrigues, allât droit à la Cour, qu’elle fît parler la nature dans le cœur du roi, et mît hardiment au néant la malveillance. […] Non ; Richelieu donna alors, même aux gens de guerre, de meilleurs conseils, et qui ne furent point suivis ; mais ce qui est la vraie explication, selon moi, c’est qu’il n’était point de cœur avec les confédérés. […] Richelieu, par exemple, ne se croit nullement tyrannique dans le sens où l’était le devancier qu’il flétrit : Lui, au contraire, dit-il, ayant la force en main, méprisait de contenter aucun, estimant qu’il lui suffisait de tenir leurs personnes par force, et qu’il n’importait de les tenir attachées par le cœur : mais en cela il se trompait bien ; car il est impossible qu’un gouvernement subsiste où nul n’a satisfaction et chacun est traité avec violence.

744. (1889) Émile Augier (dossier nécrologique du Gaulois) pp. 1-2

Il a décrit, d’une plume fière, l’action de ce caustique sur les cervelles et sur les cœurs. […] À cette tâche, Émile Augier a consacré sa vie, son immense talent, son cœur et son esprit. […] En dépit de ses révoltes, de ses constatations indignées, des soulèvements de son cœur et de son intelligence, ce bourgeois de haute culture, de grande honnêteté et de grande bonté, ménage encore les mauvais sujets de sa caste. […] Que dirais-je d’Émile Augier, si ce n’est que j’admirais le poète et que j’aimais l’homme de tout mon cœur ? […] C’était un grand cœur et un réel caractère.

745. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une préface abandonnée » pp. 31-76

Si quelque auteur sans ouvrage allait adopter cette préface et la marier à un roman selon son cœur… Notre-Dame-d’Étretat, priez pour Alphonse Karr ! […] De quels sourires, de quelles ironies brûlantes il marquait à l’épaule, avant de les livrer aux flammes, ces effrontés qui étalent leur propre cœur en montre dans une ode ou dans une élégie ; ces innovateurs sacrilèges, échappés de la tradition, qui, au lieu d’écrire : « Voilà ce qu’éprouve Pierre ou Jacques » écrivent : « Voilà ce que j’éprouve moi-même !  […] Mais moi, qui ne suis pas obligé d’apprendre par cœur le dogme dans le Catéchisme universitaire, moi qui ne suis pas même maître d’études, j’ai le droit d’apercevoir sous les passions et les doutes qui ont arraché à Musset, Byron, Hugo, des confessions navrantes, le roman moral de toute une génération, — et de le dire hautement. […] Le mot, qui est de Balzac, accuse fortement la raideur et la pose chez ces Catons de vingt ans dont la tête a tué le cœur. […] Il est de ces écrivains pour qui l’observation n’est que la réflexion directe de leur propre cœur.

746. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « J. de Maistre » pp. 81-108

Déjà une première Correspondance, non de diplomatie, mais de famille, avait bien étonné les badauds en leur montrant que le fond du cœur, dans Joseph de Maistre, n’était pas entièrement plein de sang de tigre. […] VII Voilà pourtant à quoi se bornent, en vérité, les cruautés du comte de Maistre, de cet esprit sublime et aimable dont les idées et les sentiments s’accordaient comme les cordes de la lyre, qui avait le cœur de son esprit autant que les sentiments de son cœur. […] Sans argent, dans la société la plus fastueuse, il écrivait, avec la légèreté qu’ont les grands cœurs dans la misère : « Qu’est-ce que le sentiment fait au prix des choses ! […] Borgia écouta Machiavel, et Joseph de Maistre sentit ses conseils lui revenir sur le cœur, salive plus pesante que celle de l’homme qui crache en l’air et dont le crachat lui retombe sur la figure. […] Et quand il n’y aurait eu que cela dans cette publication d’un fils qui tient à l’honneur intégral de l’esprit de son père, ce serait assez pour, de tout notre cœur, y applaudir !

747. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iii »

Elle est dans le ciel, dans les cœurs, et crée une émotion de fraternité. […] La grande difficulté est de rester humain, d’échapper aux formules pour entrer dans ces cœurs. […] Je garde dans mon cœur des secrets qui illumineront toute mon existence sacerdotale. […] » Et la même interrogation lui transperce le cœur devant de tels soldats. […] Gilbert de Gironde, aux bureaux du Messager du Cœur de Jésus, Toulouse.)

748. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

Il leur annonce qu’il va épouser Fleur de Roseau, fille d’une noble dame nommée Cœur de Rubis. — Cœur de Rubis ? […] Mais, voilà, le cœur n’y est pas ! […] Elle prend fort à cœur ses intérêts. […] Et tout notre cœur pourra être avec Max. […] Il assure des revenus énormes aux cœurs purs.

749. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Le dix-huitième siècle avait été un long effort pour détrôner le christianisme dans les cœurs et dans les esprits. […] Était-ce à la philosophie du dix-huitième siècle ou à la religion que devait échoir l’empire des esprits et des cœurs ? […] C’était la nature parlant par ses mille voix au cœur encore vierge de l’homme ; mais, enfin, c’était de la poésie. […] M. de Lamartine, en cédant aux penchants de son cœur, avait accompli la révolution que le grand évêque de Meaux avait désirée et devinée. […] Mais ce sont là des ivresses d’un moment qui font bientôt place, dans ce cœur chrétien, à un sentiment plus épuré et plus vrai.

750. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

Addison y ajouta la pratique des affaires, ayant été tour à tour ou à la fois journaliste, député, homme d’État, mêlé de cœur et de main à tous les combats et à toutes les chances des partis. […] Sa logique nourrissait sa morale, et la rectitude de son esprit achevait la droiture de son cœur. […] Sa robe était du plus riche velours noir, et, juste à l’endroit du cœur, garnie de larges diamants d’un prix inestimable disposés en forme de croix. […] À sa vue, je sentis mon cœur touché de tant d’amour et de vénération, que les larmes coulèrent sur mes joues, et plus je la regardais, plus mon cœur se fondait en sentiments de tendresse et d’obéissance filiale. —  À sa droite était assise une femme si couverte d’ornements que sa personne, son visage et ses mains en étaient presque entièrement cachés. […] Mon cœur se fondait dans un secret ravissement… Le Génie me conduisit alors vers la plus haute cime du roc et me posa sur le faîte.

751. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

L’enchantement spirituel de ses sens acheva la transformation de son cœur : il eut d’ineffables attendrissements, il pleura dans les églises. […] Chaque vice de la vie passée laisse au coeur une racine immonde, qu’il faut en arracher avec des tenailles ardentes. […] Cet homme fut d’une étrange franchise et, contre l’opinion commune, doux et humble de coeur. […] C’est avec le coeur qu’il croit. […] Pour servir ses ambitions, la bourgeoisie a ôté Dieu du coeur des souffrants ; puis elle s’étonne qu’un jour les souffrants se révoltent contre elle.

752. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

Que pourront-elles bien faire de leur imagination et de leur cœur ?  […] Et de là je conclus à un certain amollissement des cœurs. […] Seulement, le cœur n’y est pas. […] Blessé au cœur ou indigné ? […] je t’étoufferai, cœur trop plein de tendresse !

753. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

mon cœur ! […] Je le vis sourire de mépris, et alors, de toute ma force, je le frappai avec le couteau dans la direction du cœur. […] Tout à coup, mon ami Nizerolles eut un mouvement de cœur admirable. […] celles-là serrent le cœur. […] Il avait, de la suivre, le cœur tremblant ; lui parler, il ne l’oserait jamais.

754. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Poésie — I. Hymnes sacrées par Édouard Turquety. »

Turquety a bien consulté et rendu son inspiration secrète, c’est qu’il a trouvé dans d’autres cœurs une réponse. […] Il y en a dans les Hymnes sacrées un certain nombre qui sont comme des feuilles glanées à la suite du Cantique des Cantiques, et qui respirent un parfum d’élégie aussi tendre que des cœurs contrits en peuvent désirer. […] A vous, fille des solitudes, A vous les sublimes concerts, Et les célestes quiétudes D’un cœur dégagé de ses fers ! […] Qu’importe où notre cœur se loge !

755. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VI. De la littérature latine sous le règne d’Auguste » pp. 164-175

Le système d’Épicure, le dogme du fatalisme, les mœurs de l’antiquité avant l’établissement de la religion chrétienne, dénaturent presque entièrement ce qui tient aux affections du cœur. […] La manie d’exercer son esprit à froid sur les sentiments du cœur, doit produire partout des résultats à peu près semblables, malgré la différence des temps. […] C’est à ces diverses considérations qu’il faut attribuer la supériorité des anciens dans le genre de l’histoire : cette supériorité tient principalement à cet art de peindre et de raconter qui suppose le mouvement, l’intérêt, l’imagination, mais non la connaissance intime des secrets du cœur humain, ou des causes philosophiques des événements30. […] qu’il me soit permis maintenant de briser ma vie malheureuse, tandis que des inquiétudes douteuses, tandis que l’espérance incertaine de l’avenir m’agitent, tandis que je t’embrasse encore, toi mon enfant, toi la seule volupté du soir de ma vie, qu’il me soit permis de mourir, de peur qu’un messager cruel ne déchire mon cœur… 30.

756. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mistral, Frédéric (1830-1914) »

Cela est écrit dans le cœur avec des larmes, comme dans l’oreille avec des sons, comme dans les yeux avec des images. […] Parmi ces grands esprits morts ou vivants, il y en a dont le génie est aussi élevé que la voûte du ciel, aussi profond que l’abîme du cœur humain, aussi étendu que la pensée humaine ; mais, nous l’avouons hautement, à l’exception d’ […] Il est un de ceux qui ont pris le plus à cœur la restauration du pur langage d’autrefois. […] La clarté de ses vers et le noble exemple de sa vie impressionnent tous les jeunes gens que le Midi produit en rangs pressés et qui, portant au cœur l’amour de la patrie natale, s’aventurent cependant dans la littérature française vivifiée et embellie de leur lumineuse vigueur.

757. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vigny, Alfred de (1797-1863) »

Ce scalpel qu’il tient si bien, qu’il dirige si sûrement le long des moindres nervures du cœur ou du front, il l’a pris tard, après l’épée, après la harpe ; il a tenté d’être, entre tous ceux de son âge, poète antique, barde biblique, chevalier trouvère. […] Que sont les imprécations vaines, auprès de ces deux vers de la Colère de Samson : Toujours ce compagnon dont le cœur n’est pas sûr : La femme, enfant malade et douze fois impur ! […] Il se fait leur avocat devant le grand juge, et la fierté de ses accents lui vient de ce qu’il parle au nom de l’humanité tout entière, dont les plaies saignent à son propre cœur. […] Il repousse avec une sorte de pudeur virile la tentation d’amuser les désœuvrés des secrets de sa vie ou des mystères de son cœur… l’art est toujours chez lui, en un sens, philosophique… Chacun de ses poèmes : Moïse, Éloa, n’est, si l’on veut bien le prendre, qu’un admirable symbole… C’est une succession de petits ou de grands drames dont chaque partie se relie par une pensée unique, mais l’artiste, nulle part, ne se sacrifie au penseur ; il garde tous ses droits, nous enivre et s’enivre lui-même de poésie, orne d’une grâce infinie chaque détail.

758. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Jules Laforgue » pp. 36-47

… » Or, pas le cœur de me marier, Étant, moi, au fond trop méprisable ! […] « Tu ne peux te figurer, écrit-il à sa sœur, combien cette simple phrase m’est allée au cœur » ; et il conclut : « Le bon moyen de maintenir le patriotisme dans le cœur des Français est de les faire voyager. » Au bout de cinq ans, il se démet de son poste pour se marier avec une jeune Anglaise pauvre, qu’il a connue à Berlin et chez qui il prenait des leçons d’anglais. […] Ce n’est plus le bon Pierrot d’autrefois « qui riait aux aïeux dans les dessus de portes » et qui se dédommage de ses infortunes de cœur en dégustant une bonne bouteille ou un pâté friand.

759. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre II. Qu’il y a trois styles principaux dans l’Écriture. »

Il est vrai que les images empruntées de la nature du midi, les sables brûlants du désert, le palmier solitaire, la montagne stérile, conviennent singulièrement au langage et au sentiment d’un cœur malheureux ; mais il y a dans la mélancolie de Job quelque chose de surnaturel. […] Le cœur de Jean ne put se méprendre aux traits de son divin ami, et la foi lui vint de la charité. […] Il lui prédit qu’il aura un fils, et que ce fils s’appellera Jean, qu’il sera le précurseur du Messie, et qu’il réunira le cœur des pères et des enfants . […] Au reste, plus on lit les Épîtres des Apôtres, surtout celles de saint Paul, et plus on est étonné : on ne sait quel est cet homme qui, dans une espèce de prône commun, dit familièrement des mots sublimes, jette les regards les plus profonds sur le cœur humain, explique la nature du souverain Être, et prédit l’avenir97.

760. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Lettres portugaises » pp. 41-51

Dès qu’on parle de l’expression enflammée d’une passion vraie, il est de bonne rhétorique de citer les Lettres portugaises, et les esprits les plus forts d’appréciation comme les plus faibles, les esprits qu’on bride le plus et les esprits qu’on bride le moins, ou qui sans bruit vont sur la foi d’autrui, reprennent alors la phrase d’admiration qui traîne partout et y ajoutent leur petite arabesque… Écoutez tous ceux qui ont dit leur mot sur les lettres de la Religieuse portugaise, depuis madame de Sévigné, la Célimène de la maternité… — et qui ne sait pas plus que l’autre Célimène ce que c’est qu’une passion trahie, ce que c’est que cette morsure de l’Amour, qui s’en va après l’avoir faite, — jusqu’à Stendhal, le Dupuytren du cœur, et qui n’aurait pas dû se tromper sur les tressaillements de ses fibres, et vous entendrez de tous côtés le même langage : une symphonie de pâmoisons. […] Et nous disons romances, et non pas romans ; car le romancier le plus vulgaire, avec ce sujet d’une religieuse séduite et abandonnée, apostate de Dieu par amour d’un homme, aurait mis certainement plus de sang du cœur dans les larmes qu’il eût fait verser à sa chimère qu’il n’en passa jamais sur les joues de cette religieuse, qu’on nous donne comme une réalité. […] Elle trahissait sa faible intelligence des choses du cœur. […] Que cette Religieuse portugaise, trois étoiles d’un Francaleu quelconque, fût une fille perdue par son propre cœur ou qu’elle ne fût qu’une vocation forcée, il importait peu au xviiie  siècle !

761. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

Mais, dans le moment même, d’autres sentiments publics, d’autres pensées que celle de la reconnaissance prévalaient dans le cœur des vaincus. […] C’est une personne à qui je puis parler de mes roses, et qui, sans s’en douter, m’a fait une réponse, l’autre jour, qui m’a été au cœur. […] Les revers de la fin de 1813 et la chute du premier Empire produisirent sur Sismondi une impression que plusieurs de ses amis n’avaient pas prévue, et qui était cependant assez naturelle chez un homme en qui le cœur jouait le principal rôle. […] Je lui opposais des faits et la dureté de cœur des dévots dans les religions autres que la sienne. […] Mais l’analyse de tous les sentiments du cœur humain est si admirable, il y a tant de vérité dans la faiblesse du héros, tant d’esprit dans les observations, de pureté et de vigueur dans le style, que le livre se fait lire avec un plaisir infini.

762. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

Quoi qu’il en soit, par les qualités de son cœur et son amour de vieille date pour Mme Roland, le bon Lanthenas méritait de mieux finir. […] Divisés entre eux sur les mesures les plus immédiates, palpitants et au dépourvu devant ces autres théories inflexibles qui s’avançaient droit contre leur regard comme un étroit et rigide acier, leur résistance fut toute d’instinct, d’humanité, de cœur. […] Il se passe en effet, il se noue et se dénoue entre Mme Roland et Bancal, durant ces deux années, une espèce de roman ; oui, un roman de cœur, dont, à travers les distractions des grands événements et la discrétion du langage, on poursuit çà et là les traces à demi couvertes. […] Quel fut l’objet pour elle de cette seule, de cette tardive et déchirante passion de cœur ? […] comme son cœur se serre !

763. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Quelquefois je rougissais subitement, et je sentais couler dans mon cœur comme un ruisseau d’une lave ardente ; quelquefois je poussais des cris involontaires, et la nuit était également troublée de mes songes et de mes veilles. […] Rien n’est affreux comme de troubler l’innocence… » Ces paroles d’Eudore font sourire : c’est plutôt douceur que douleur qu’il veut dire ; il n’en est pas de comparable, pour ces grandes âmes de héros ou d’archange déchu, au plaisir de troubler un jeune cœur, et, mieux qu’une Ève encore, une Marguerite innocente. […] Je ne m’étais jamais pardonné cette dureté de cœur tant déplorée et tant punie. […] Je m’y livrai bientôt sans résister, et j’écrivis sans plume dans mon cœur les strophes de cette élégie que M.  […] Ils me parurent très-émus eux-mêmes, et ils se retirèrent en silence comme des hommes dont le cœur avait été trop vivement touché pour qu’ils pussent continuer l’entretien sur le ton léger et futile qu’ils avaient en le commençant.

764. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

Hugo se pique d’être « utile », de répandre sur les cœurs à pleines mains la pitié et la générosité, comme le prêtre verse sur les têtes ses bénédictions : bénir efficacement, n’est-ce pas avant tout rendre meilleur ? […] Deux natures ainsi combattent dans son cœur. […] La conclusion pratique est de ne pas compter sur le bien et le bonheur, de ne pas espérer. — « Il est bon et salutaire de n’avoir aucune espérance… ; il faut surtout anéantir l’espérance dans le cœur de l’homme. […] Et toujours la prière haute, entraînante, jaillit par grands élans du cœur même du poète. […] Tes amis, ta sœur et ta mère            Sont dans ton cœur.

765. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

Comment donc, en ces luttes de l’espérance et du désir, se défendre de ces sensualités corruptrices, de ces liens du cœur, plus durs que la plus dure des prisons ? […] mais cette opération que tu fais là t’a donc tué l’âme et le cœur ! […] D’ailleurs, cette petite fille est sans cœur à force d’être ignorante. […] Elle en dit tant, que Molière, qui aime cette femme de tout son cœur, s’écrie, en frappant du pied : — Taisez-vous, ma femme, vous êtes une bête ! […] Il a ri de tout son cœur, et il a poussé le rire jusqu’à la bouffonnerie ; à présent il rentre dans toute sa dignité.

766. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Octave Feuillet »

C’est, littérairement, l’homme comme il faut du monde actuel, le quarante millième exemplaire de ces habits noirs, gilets en cœur et camélias à la boutonnière, dont on peut dire que qui en a vu un les a vu tous !!! […] C’est enfin ce monde écœurant que nous savons par cœur, dans lequel rien ne change et où tout le monde a la même phrase pour les mêmes situations. […] Le frère opère sur le cœur de la jeune mariée. […] Sa houle donne aux natures médiocres le mal de cœur que donne la mer aux estomacs faibles. […] Et quant à madame de Talyas, l’héroïne satanique du roman, préférée dans le cœur du romancier à l’héroïne céleste qui est la Jeanne, elle n’est pas plus inventée ni plus neuve ; et, scélérate, elle n’est que la petite monnaie de scélérates plus logiques qu’elle, dans la littérature de ce temps.

767. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

a-t-il entrevu tous les secrets du cœur d’Alceste ? […] La lutte du cœur et de la raison s’engage visiblement. […] Allier par le mariage le cœur d’un vieillard et le cœur d’une jeune fille, n’est-ce pas une impardonnable folie ? […] Le cœur de l’amant et du fils nourrit-il à la fois ces deux projets ? […] pourquoi l’inspiration dans mon cœur et les hymnes sur mes lèvres ?

768. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (2e partie) » pp. 365-432

Or le cœur humain est sympathique, mais il n’est jamais radical, parce qu’il pèse d’un juste poids, et non au poids seul de la chair et du sang, les innombrables différences du passé et du présent dont le même malheur se compose, pour le frère de Cartouche ou pour le fils de Louis XVI. […] En continuant son apostolat d’évêque sur la terre, il retient donc dans son cœur le dernier mot de sa foi ; il trompe donc pour le bien son troupeau : mais enfin tromper, même pour le bien, ce n’est pas d’un parfait honnête homme. […] Il était là seul avec lui-même, recueilli, paisible, adorant, comparant la sérénité de son cœur à la sérénité de l’éther, ému dans les ténèbres par les splendeurs invisibles de Dieu, ouvrant son âme aux pensées qui tombent de l’Inconnu. […] Misères du cœur, de l’esprit, de l’âme et du corps, misères surtout qui frappent ce que vous aimez à cause de vous, et qui font un devoir de vivre pour d’autres encore après avoir perdu toute raison de vivre pour vous-même ! […] Moi-même, à peu près vers le même temps où Hugo concevait son épopée des Misérables, ce retentissement du gémissement des choses humaines résonnait dans mon cœur, et j’écrivais aussi, non un livre entier, non un livre dogmatique, mais un épisode de toutes ces misères résumées en moi.

769. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre troisième »

Tout vient-il du cœur ? […] Comment égaler deux forces si inégales, sans appeler l’esprit au secours de la première, et sans que le cœur, qui n’accepte le devoir qu’à demi, se fasse aider par la tête pour l’accepter tout entier ? […] Il faisait, pour la première fois, parler son cœur encore ému de souvenirs personnels, et déjà le poète savait choisir entre les sentiments qu’avait éprouvés l’homme. […] Le devoir n’y est peut-être pas au-dessus de notre vertu, ni la passion plus forte que notre cœur. […] Aussi, dans le théâtre antique, où tant de choses touchent le cœur et contentent la raison, où il y a tant à admirer, rien n’étonne.

770. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre III. Le Petit Séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet (1880) »

C’est assez parler pour ma justification à l’amie à laquelle je m’adresse ; son cœur m’est connu ; son indulgence m’excusera. […] Les souvenirs de la vie libre et heureuse que j’avais jusque-là menée avec ma mère me perçaient le cœur. […] Mon meilleur ami, un jeune homme de Coutances, je crois, transporté comme moi, excellent cœur, s’isola, ne voulut rien voir, mourut. […] Mille détails de cette pauvreté même, rendus plus touchants par l’absence, me creusaient le cœur. […] Je sortis de mes études classiques sans avoir lu Voltaire, mais je savais par cœur les Soirées de Saint-Pétersbourg.

771. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

Aristote s’enfonce ainsi au cœur même de la question du mouvement, et il résout ce problème si obscur par les principes qu’il a posés antérieurement et qu’il regarde comme indubitables. […] On ne voit pas trop ce qu’elle y a gagné ; mais on voit très clairement ce qu’y a perdu la vérité et le cœur de l’homme. […] Mais, au vrai, il n’y a de loi morale que dans le cœur de l’homme ; et celui qui a créé les mondes avec les lois éternelles qui les régissent, n’a rien fait d’aussi grand que notre conscience. […] Sur le théâtre de la conscience, ils brillent d’un éclat splendide, où rien ne les ternit que l’ignorance intéressée d’un cœur pervers. […] S’il n’est pas facile déjà de faire parler la raison au cœur de l’homme, c’est une tâche bien autrement ardue de la faire parler au cœur des peuples, en supposant qu’on ait soi-même le bonheur de l’entendre.

772. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

Que cette pécore au cœur sec épouse ce mauvais fils ! […] qui me l’eût dit, et qu’est-ce que le cœur ? […] ….Qui donc comblera le vide de ce cœur ? […] Qu’est-ce qu’un cœur qui n’est pas brisé ? […] » Et Bernaud, le cœur déchiré : « Oh !

773. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

Quand les yeux sont ainsi inondés, quel est le cœur de roc qui peut rester sec ? […] Adieu le cœur, adieu l’amour ! […] Laissez battre votre cœur, oubliez tout système en vous rappelant que vous avez vingt ans. […] Je le vois plein de bon sens, d’indépendance, de cœur et de générosité, simple, chercheur et jugeur. […] J’en reviens à cette question de cœur.

774. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Un autre quitte les arrêts de mort pour aller danser de tout son cœur. […] Michelet est cette sensibilité exaltée qu’on a nommée l’imagination du cœur. […] et que le cœur est meilleur peintre que les yeux ! […] Mon cœur, dilaté à l’excès, n’avait plus d’espace pour s’étendre. […] Mais la formule du préteur et la toge n’avaient point changé leur cœur.

775. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre III. La nouvelle langue. » pp. 165-234

Car un mal est venu, inconnu aux âges sérieux, l’ennui ; du nouveau et du brillant, encore du nouveau et du brillant, il en faut absolument pour le combattre, et Chaucer, comme Boccace et Froissard, s’y emploie de tout son cœur. […] Mais moi, de tout mon cœur et de toute ma puissance, Je l’ai dit, je veux aimer jusqu’à la fin Mon cher cœur, mon fidèle chevalier, À qui mon cœur s’est si fort attaché, Comme lui à moi, que cela durera toujours190 ! […] « Oui, mon cœur, dit-elle, grâces soient rendues à Cupidon » ; Et là-dessus elle soupira péniblement. […] — Ils savaient tous ce service par cœur. […] On dirait, à les voir suer et peiner, qu’ils vont tirer de leur cœur et de leur raison quelque grande croyance originale ; et toute croyance leur est imposée d’avance.

776. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — Post-scriptum » pp. 154-156

D’ailleurs, au point de vue littéraire, l’éditeur de 1825, dans les portions où les manuscrits nous permettent de le contrôler, a perpétuellement agi comme s’il avait eu droit d’arranger et de traduire à sa guise les paroles du marquis d’Argenson, telles qu’il les trouvait toutes vives et ayant sauté du cœur sur le papier. […] C’était un esprit nerveux, un esprit de courage, et le cœur presque aussi courageux que l’esprit ; une justesse infinie avec de l’étendue. […] Voici le texte arrangé de l’édition de 1825 : Cependant mon père était recherché par ce qu’il y avait de meilleure compagnie dans la province ; il était de toutes les fêtes, convive aimable et plein d’enjouement ; avec cela un esprit nerveux, une âme forte, le cœur aussi courageux que l’esprit ; de la finesse dans les aperçus, de la justesse dans le discernement ; peut-être ne se reconnaissait-il pas lui-même, il ignorait la porté de son génie.

777. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Laprade, Victor de (1812-1883) »

Ainsi nous ont frappé les Symphonies de M. de Laprade, œuvre de méditation et de candeur, mélange d’inductions métaphysiques, de sentiments austères avec tendresse, et de vives émotions empruntées au spectacle de la nature et rapprochées toujours des grandes vérités inscrites au cœur de l’homme comme sur la voûte des cieux. […] Ils ont vu l’auteur de Psyché et d’Hermia devenir délicieusement chrétien dans les Poèmes évangéliques, s’enflammer jusqu’à la satire pour la défense de sa foi et de ses convictions, unir dans Pernette le drame à l’idylle, trouver, pendant les désastres de l’invasion allemande, des accents inoubliables de douleur et de patriotisme, répandre enfin, dans le Livre d’un père, les mâles et charmantes tendresses de son cœur. […] Partout nous trouverons le même sentiment, parlant en rythmes graves et amples, d’un ton pénétré, qui sait être solennel sans emphase, parce qu’il s’inspire du plus profond de la conviction humaine, à ce point où le cœur touche à la raison, où la foi du chrétien se confond avec la dialectique du philosophe.

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