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281. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

Il le confronte sans cesse avec Saint-Simon, avec La Bruyère. […] ce serait La Fontaine. — Un jour que, devant une toile de Raphaël, un de nos peintres modernes, grand esthéticien encore plus que peintre, homme à vastes idées et à plans grandioses, avait développé devant quelques élèves une de ces théories sur l’art chrétien et sur l’art de la Renaissance, où le nom de Raphaël sans cesse invoqué sert de prétexte, il se retourna tout d’un coup en s’éloignant, et, en homme d’esprit qu’il est, il s’écria : « Et dire que s’il nous avait entendus, il n’y aurait rien compris !  […] On arriverait par degrés à l’endroit où l’accord cesse (s’il doit cesser), à la limite.

282. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Jean-Jacques Rousseau pensait de même, et avec moins d’inconséquence que Voltaire, lequel, dans le détail, se moquait sans cesse, et avait l’air de triompher de tous les désaccords, comme si la Providence n’était pas. […] Quand on a le bonheur des autres pour but, on cesse de flotter au hasard. […] Comme l’encre y abonde sans cesse, dès que nous laissons reposer notre plume, le noir liquide se répand et coule jusqu’au siège de nos affections. […] Ne cesse pas de te faire un amusement de la poésie pourtant.

283. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

Aujourd’hui c’est une seconde édition plus complète qui se publie et qui, se joignant au Journal et aux Lettres de Mme Eugènie de Guérin, sœur aînée du poète et morte elle-même peu de temps après lui, vient montrer quel couple poétique distingué c’était que ce frère et cette sœur : — lui, le noble jeune homme « d’une nature si élevée, rare et exquise, d’un idéal si beau qu’il ne hantait rien que par la poésie » ; — elle la noble fille au cœur pur ; à l’imagination délicate et charmante, à la croyance vaillante et ferme ; toute dévouée à ce frère qu’elle adorait, qu’elle admirait : et que, sans le savoir ; elle surpassait peut-être ; qu’elle craignait sans cesse devoir s’égarer aux idées et aux fausses lumières du monde ; qu’elle fût heureuse de ramener au bercail dans les heures dernières ; qu’elle passa plusieurs années à pleurer, à vouloir rejoindre, et dont elle aurait aimé cependant, avant de partir, à dresser elle-même de ses mains le terrestre monument. […] Maurice de Guérin, dans les années où il a écrit les pages qui le recommandent à la mémoire comme artiste, les belles pages dont on se souviendra dans une histoire de l’art, — ou des tentatives de l’art au xixe  siècle, — avait cessé de croire et de prier. Il avait cessé d’être chrétien. […] Vivant avec l’abandon des fleuves, respirant sans cesse Cybèle, soit dans le lit des vallées, soit à la cime des montagnes, je bondissais partout comme une vie aveugle et déchaînée… » Et vous oserez dire qu’un souffle de panthéisme n’a point passé sur de telles pages !

284. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet »

Il n’a cessé de développer et de varier en mille applications le don qu’il avait reçu de la nature. […] Horace Vernet est de force ; au reste, à supporter vos dédains ou vos encouragements protecteurs ; il a eu, en effet, cette vive et brillante saison de jeunesse, cette fleur première trop tôt passée et dont rien ne vaut le charme ; mais il ne s’y est pas tenu : il est allé travaillant, étudiant d’après nature, voyant, regardant sur place, se développant et se fortifiant sans cesse dans sa voie principale jusqu’à ce qu’il soit devenu vers 1840 le plus grand peintre, non plus d’épisodes et d’anecdotes, mais le plus grand peintre d’histoire militaire que nous ayons eu. […] L’idéal ainsi compris cesse d’être une abstraction et un tourment. […] La Correspondance, dont nous devons communication à la confiance de sa famille, va nous montrer Horace Vernet le plus consciencieux des artistes, étudiant sans cesse et voulant voir de près tout ce qu’il avait à rendre, ne s’épargnant pour cela aucun voyage, aucune fatigue ; esclave de son art ; sachant supporter, après le tumulte de la vogue et les caresses de la popularité, les injures de la critique et, ce qui est plus difficile, les premiers signes de la froideur publique et de l’isolement ; donnant aux siens, plus jeunes que lui, des conseils d’un bon sens droit et mâle.

285. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite et fin.) »

Je leur ai dit de la part du roi, qui était à côté de moi, qu’il dépendait d’eux que nous restions ; que nous ne demandions pas mieux ; que toute haine devait cesser ; que le moindre sang répandu nous ferait fuir avec horreur. […] Je me porte bien, et malgré toutes les méchancetés qu’on ne cesse de me faire, j’espère pourtant ramener la partie saine et honnête de la bourgeoisie et du peuple. […] Le roi a une grâce d’état ; il se porte aussi bien que si rien n’était arrivé… » Tout à côté des paroles douloureuses et concentrées de la reine, on a de ces journées un récit complet, circonstancié, par une correspondante qui ne va plus cesser d’écrire durant ces trois années, et qui est du caractère le plus naturel, le plus accentué, le plus vif, je veux dire Madame Élisabeth. […] À partir de ce jour-là, le peuple est en délire, et je ne cesse de dévorer des larmes.

286. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

Il faut qu’il soit moraliste, sinon de cœur, au moins d’esprit : car, s’il caresse les perversités dont l’histoire est pleine, s’il donne toujours raison à la fortune, s’il exalte le vainqueur coupable et qu’il écrase le vaincu innocent, s’il foule aux pieds les victimes, s’il ajoute la sanction de sa propre immoralité et l’autorité de son amnistie à tous les scandales d’iniquité qui attristent les annales des peuples, l’historien n’est plus un juge ; c’est un complice abject ou intéressé de la fortune, qui montre sans cesse le droit violé par la force, et la vertu déjouée par le succès. […] Moi-même, qui te parle, je ne suis pas parvenu encore à la sécurité ; mais, une fois que je t’aurai adopté, je cesserai de paraître trop vieux, seul reproche qu’on objecte à ma puissance. « Néron ne cessera pas d’être regretté par les pervers ; c’est à toi, c’est à moi de gouverner avec tant d’intégrité qu’il ne soit pas du moins regretté des gens de bien. […] « Othon ne cessait pas, de son côté, d’étendre les mains vers eux, d’adresser des hommages à cette multitude et de lui jeter des baisers, se dégradant jusqu’à la bassesse pour se relever à la domination ! 

287. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

Dès le début, celui qui avait pour vocation presque naturelle de prêcher la jeunesse du xixe  siècle, cette jeunesse dont il avait été et dont, par l’accent, il ne cessera jamais d’être, se sentit en plein dans son élément. […] Aussi, tandis que la prédication de mœurs ne subit guère que des diversités de style, il faut que la prédication d’enseignement et de controverse, souple autant que l’ignorance, subtile autant que l’erreur, imite leur puissante versatilité, et les pousse, avec des armes sans cesse renouvelées, dans les bras de l’immuable vérité. […] Je laisse à cette grande renommée d’Érasme la gloire de la science et de l’esprit, mais je ne cesserai jamais de revendiquer sous ce nom le droit du bon sens fin et mitigé, de la raison qui regarde, qui observe, qui choisit, qui ne veut point paraître croire plus qu’elle ne croit ; en un mot, je ne cesserai jamais, en face des philosophies altières et devant la foi même armée du talent, de stipuler le droit, je ne dis pas des tièdes, mais des neutres.

288. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — I. » pp. 186-205

Ils étaient reconnaissants à l’abbé Barthélemy de tout ce qu’il leur avait appris, en quelques jours de lecture, sur ce monde grec et sur cette société ancienne dont on parlait sans cesse, et où il était donné à bien peu dès lors de pénétrer directement. […] Tout cela est dit en riant, et de ce ton d’homme du monde qui, chez Barthélemy, ne cesse d’accompagner le savant et d’écarter doucement le pédant. […] Les détails où il faut entrer sans cesse, et qui recommencent chaque jour, ne le lassent point ; loin d’être jamais un ennui, ils lui paraissent une source de plaisirs : Consacrons à l’amitié, dit-il, les moments dont les autres devoirs nous permettent de disposer ; moments délicieux qui arrivent si lentement et qui s’écoulent si vite, où tout ce qu’on dit est sincère, et tout ce qu’on promet est durable ; moments où les cœurs à découvert et libres de contrainte savent donner tant d’importance aux plus petites choses, et se confient sans peine des secrets qui resserrent leurs liens ; moments enfin où le silence même prouve que les âmes peuvent être heureuses par la seule présence l’une de l’autre ; car ce silence n’opère ni le dégoût ni l’ennui. […] Pendant le ministère du duc de Choiseul, les pensions, les bénéfices, les sinécures, ne cessèrent de pleuvoir sur lui, au point de lui faire à un moment un revenu total annuel d’environ 40 000 livres.

289. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Marguerite, reine de Navarre. Ses Nouvelles publiées par M. Le Roux de Lincy, 1853. » pp. 434-454

Remarquez que dans cette lettre adressée à Marguerite en 1525, et dans une autre lettre qui suivit d’assez près, Érasme la remerciait et la félicitait pour les services qu’elle ne cessait de rendre à la cause commune de la littérature et de la tolérance. […] Charitable et humaine, elle ne cessa d’agir auprès de son frère dans le sens de la clémence. […] Cette veine de licence et de gaillardise qui n’avait cessé de courir dès l’origine, mais qui, aux heures brillantes et dans les belles compagnies, avait dû se recouvrir sous le chevaleresque, se démasqua au commencement du xvie  siècle, et elle sembla emprunter de la Renaissance latine une audace de plus. […] De tout temps, les honnêtes femmes ont dû écouter et entendre plus de choses qu’elles n’en disent ; mais le moment décisif et qui est à noter, c’est celui où elles ont cessé de dire elles-mêmes ces choses inconvenantes, et de les dire au point de les fixer ensuite par écrit sans songer qu’elles manquaient à une vertu.

290. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — II. (Fin.) » pp. 476-495

À Berlin, lorsque Jordan n’était pas malade, il voyait le roi tous les jours, de sorte que celui-ci pouvait dire avec regret, après l’avoir perdu : « Nous avons vécu sans cesse ensemble. » La première guerre de Silésie terminée (juin 1742), Frédéric n’a plus qu’un désir, revenir administrer en bon et sage roi ses peuples : J’ai fait ce que j’ai cru devoir à la gloire de ma nation ; je fais à présent ce que je dois à son bonheur. […] Primeurs et friandises ne cessent de pleuvoir de Sans-Souci à Brandebourg. […] J’y suis accoutumé : je n’entends que mensonges répandus sur mon sujet ; je ne suis presque nourri que d’infâmes satires et que d’impostures grossières que la haine et l’animosité ne cessent de publier en Europe. Mais on s’accoutume à tout ; Louis XIV devait être à la fin aussi dégoûté et rassasié des flatteries dont il avait sans cesse les oreilles pleines, que je le suis de tout le mal qu’on dit de moi.

291. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XV. »

De là ces traits de feu, ces grâces ravissantes jetées çà et là dans les chants du poëme de Lucrèce ; de là cette fréquente contradiction de son art et de son système, ce retour involontaire au polythéisme qu’il maudit, ces nouvelles apothéoses substituées aux idoles qu’il renverse, et cet hymne de louange et d’amour qu’il semble près d’exhaler sans cesse, et dont il cherche l’objet en dédaignant tous les anciens cultes de la terre. […] « Cesse de pleurer178. […] Car, dans les chastes maisons des hommes, les dieux alors avaient pour usage de descendre et de se montrer aux yeux mortels, la piété n’ayant pas encore cessé d’être en honneur. […] Le fils a cessé de pleurer la mort de ses parents ; le père a souhaité le trépas d’un fils premier-né, pour jouir sans contrainte des attraits d’une jeune marâtre.

292. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « M. Viguier »

En tout de même : ces belles et illustres études de Goethe, de Schiller, de Shakspeare, de Dante, de Galderon, dont tant de plumes brillantes, dont tant de chaires sonores nous parlaient magnifiquement, mais un peu superficiellement, lui, il ne croyait jamais les posséder assez, il les faisait et les recommençait sans cesse dans une lecture assidue, les yeux collés sur les difficultés du texte autant que sur les beautés. […] J’en serais pourtant fâché, et je ne voudrais pas, avec ce faux air de cosmopolite, perdre la sympathie des amis de mon village et de mon voisinage, auxquels je pense sans cesse et que je reviendrai voir à temps, j’espère, avant les glaces de l’âge infirme et solitaire ; mais laissez-moi courir ma dernière course. » Cette course dernière ne venait jamais. […] Je suis même sans cesse disposé à imputer la partie fausse et violente qui s’y mêle aux travers personnels des prétendus porte-flambeau.

293. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VII. Du style des écrivains et de celui des magistrats » pp. 543-562

Il arrive sans cesse en société, lorsqu’on écoute des hommes qui ont le dessein de faire croire à leurs vertus ou à leur sensibilité, de remarquer combien ils ont mal observé la nature, dont ils veulent imiter les signes caractéristiques. Les écrivains font sans cesse des fautes semblables, quand ils veulent développer des sentiments profonds ou des vérités morales. […] Les gouvernements libres sont appelés sans cesse, par la forme même de leurs institutions, à développer et à commenter les motifs de leurs résolutions.

294. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VIII. La crise actuelle de la Physique mathématique. »

Si alors ces mouvements ne cessent pas, ou plutôt renaissent sans cesse, sans rien emprunter à une source extérieure d’énergie ; que devons-nous croire ? […] Et maintenant certaines personnes pensent qu’il ne nous paraît vrai que parce qu’on ne considère en mécanique que des vitesses modérées, mais qu’il cesserait de l’être pour des corps animés de vitesses comparables à celle de la lumière.

295. (1890) L’avenir de la science « IV » p. 141

On cesse de l’envisager ainsi quand on songe que toute la civilisation moderne, qui est l’œuvre de la bourgeoisie, eût été sans cela impossible. […] Quand on compare les œuvres timides que notre âge raisonneur enfante avec tant de peine aux créations sublimes que la spontanéité primitive engendrait, sans avoir même le sentiment de leur difficulté ; quand on songe aux faits étranges qui ont dû se passer dans des consciences d’hommes pour créer une génération d’apôtres et de martyrs, on serait tenté de regretter que l’homme ait cessé d’être instinctif pour devenir rationnel. […] La mer de glace s’étend et s’épaissit sans cesse.

296. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre I : Qu’est-ce qu’un fait social ? »

Aussi, une fois que l’assemblée s’est séparée, que ces influences sociales ont cessé d’agir sur nous et que nous nous retrouvons seul avec nous-même, les sentiments par lesquels nous avons passé nous font l’effet de quelque chose d’étranger où nous ne nous reconnaissons plus. […] Or, ce que nous disons de ces explosions passagères s’applique identiquement à ces mouvements d’opinion, plus durables, qui se produisent sans cesse autour de nous, soit dans toute l’étendue de la société, soit dans des cercles plus restreints, sur les matières religieuses, politiques, littéraires, artistiques, etc. […] Si, avec le temps, cette contrainte cesse d’être sentie, c’est qu’elle donne peu à peu naissance à des habitudes, à des tendances internes qui la rendent inutile, mais qui ne la remplacent que parce qu’elles en dérivent.

297. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Conclusion »

Les simultanéités de phénomènes physiques absolument distinctes en ce sens que l’une a cessé d’être quand l’autre se produit, découpent en parcelles, distinctes aussi, extérieures les unes aux autres, une vie interne où succession impliquerait pénétration mutuelle : tel, le balancier de l’horloge morcelle en fragments distincts et déploie pour ainsi dire en longueur la tension dynamique et indivisée du ressort. […] Nous atteignons le premier par une réflexion approfondie, qui nous fait saisir nos états internes comme des êtres vivants, sans cesse en voie de formation, comme des états réfractaires à la mesure, qui se pénètrent les uns les autres, et dont la succession dans la durée n’a rien de commun avec une juxtaposition dans l’espace homogène. […] Car si, par hasard, les moments de la durée réelle, aperçus par une conscience attentive, se pénétraient au lieu de se juxtaposer, et si ces moments formaient par rapport les uns aux autres une hétérogénéité au sein de laquelle l’idée de détermination nécessaire perdît toute espèce de signification, alors le moi saisi par la conscience serait une cause libre, nous nous connaîtrions absolument nous-mêmes, et d’autre part, précisément parce que cet absolu se mêle sans cesse aux phénomènes et, en s’imprégnant d’eux, les pénètre, ces phénomènes ne seraient pas aussi accessibles qu’on le prétend au raisonnement mathématique.

298. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre X. Des Romains ; de leurs éloges, du temps de la république ; de Cicéron. »

La grandeur de cet empire, qui s’étend sans cesse ; cette ville qui engloutissait tout, qui appelait tous les rois, tous les peuples ; ces généraux et ces soldats qui allaient conquérir ou gouverner les provinces, et parcouraient sans cesse l’Asie, l’Europe et l’Afrique ; tout cela était autant d’obstacles à ce que la langue romaine prît ou conservât une certaine unité de caractère ; peut-être même la facilité qu’eurent les Romains de puiser chez les Grecs tout ce qui manquait au système de leur langue ou de leurs idées, retarda leur industrie, et contribua à n’en faire qu’un peuple imitateur : ils traitèrent la langue et les arts comme un objet de conquête, usurpant tout sans rien créer. […] Pardonnons-lui pourtant, et surtout après son exil : songeons qu’il eut sans cesse à combattre la jalousie et la haine ; un grand homme persécuté a des droits que n’a pas le reste des hommes.

299. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

Les images prêchent, prêchent sans cesse, et ne blessent point l’amour-propre. […] tu regarderas sans cesse ; l’odorat du chien ? […] Ne cesseras-tu pas de me traîner à ton char ? […] Quand la science cesse de s’en occuper, que deviennent les restes ? […] Sage est celui qui médite sans cesse sur l’épitaphe que le doigt de la justice mettra sur son tombeau.

300. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « SUR ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 497-504

Mais à côté, en dehors de ces grands rôles, il y en a d’autres qu’il ne faut pas cesser de revendiquer et de maintenir, parce qu’ils sont modestes, qu’ils sont vrais, qu’ils réfléchissent des nuances précieuses dont les autres ne tiennent pas compte, et parce qu’ils expriment, avec plus de distinction et de curiosité attentive, des sentiments et des délicatesses, pourtant éternelles, de l’âme humaine civilisée. […] Littérairement, et après le bouillonnement écumeux de sa première moitié, la Restauration peut être comparée à une espèce de lac artificiel, qui cessa du moment où les écluses s’ouvrirent, mais qui se prêta assez longtemps aux illusions et aux jeux de l’art, de la philosophie, de la poésie ; on y voguait à la rame, l’été ; on y patinait agréablement l’hiver.

301. (1874) Premiers lundis. Tome I « Deux révolutions — I. L’Angleterre en 1688 et la France en 1830 »

En France, depuis 89, nous n’avons cessé de marcher (qu’on fasse bien attention à ceci) ; nous n’avons cessé, sur un point ou sur un autre, de tirer les conséquences de notre première Révolution.

302. (1875) Premiers lundis. Tome III «  La Diana  »

Je ne sépare pas le discours de tous les actes qui l’ont précédé, du rôle actif, bienveillant, vigilant, que M. de Persigny n’a cessé de remplir depuis des années dans le département de la Loire, dans ce vieux pays du Forez qui est le sien et où il s’est acquis une popularité, une amitié de toutes les classes, qui ne cherche que les occasions de se manifester. […] M. de Persigny qui, il y a neuf ans, présentait à la signature de l’empereur un plan d’inventaire sommaire de toutes les Archives de l’Empire et organisait ce travail qui n’a cessé depuis de se poursuivre et qui vient de produire ses premiers résultats imprimés, a compris où est le point de la difficulté et suggéré un moyen qui peut être d’un utile exemple.

303. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIX » pp. 207-214

Boileau était courtisan quand il disait à Louis XIV : Grand roi, cesse de vaincre, ou je cesse d’écrire.

304. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre V. La Henriade »

Et comment Voltaire eût-il fait un usage heureux du merveilleux du christianisme, lui dont les efforts tendaient sans cesse à détruire ce merveilleux ? […] Il n’a répandu quelque chaleur dans ses inventions qu’aux endroits mêmes où il cesse d’être philosophe pour devenir chrétien : aussitôt qu’il a touché à la religion, source de toute poésie, la source a abondamment coulé.

305. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Lettre, à Madame la comtesse de Forbach, sur l’Éducation des enfants. » pp. 544-544

Agir devant ses enfants, et agir noblement, sans se proposer pour modèle ; les apercevoir sans cesse, sans les regarder ; parler bien, et rarement interroger ; penser juste et penser tout haut ; s’affliger des fautes graves, moyen sûr de corriger un enfant sensible : les ridicules ne valent que les petits frais de la plaisanterie, n’en pas faire d’autres ; prendre ces marmousets-là pour des personnages, puisqu’ils en ont la manie ; être leur ami, et par conséquent obtenir leur confiance sans l’exiger ; s’ils déraisonnent, comme il est de leur âge, les mener imperceptiblement jusqu’à quelque conséquence bien absurde, et leur demander en riant : Est-ce là ce que vous vouliez dire ? en un mot, leur dérober sans cesse leurs lisières, afin de conserver en eux le sentiment de la dignité, de la franchise, de la liberté, et de les accoutumer à ne reconnaître de despotisme que celui de la vertu et de la vérité.

306. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Auguste Nicolas »

La filiation, la parenté entre le protestantisme et toutes les hérésies, en haut et en bas dans l’histoire, Nicolas l’a assez établie pour épouvanter Guizot, pour que le protestantisme n’ose plus rien contre le socialisme, si ce n’est à la condition de cesser d’être le protestantisme. […] Nous sommes tellement sur la lisière de la Critique qu’il faut nous le rappeler sans cesse pour n’être pas tenté d’y entrer.

307. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « Introduction »

Les parois craquèrent sans cesse, et ce qui était au dedans, invinciblement attiré par l’air libre, suivit l’exemple de libération, par individualités, par groupes ou par masses. […] Voilà l’événement capital, trop souvent méconnu et qu’il faut sans cesse rappeler.

308. (1915) La philosophie française « II »

Mais les philosophes français semblent avoir eu généralement cette arrière-pensée que systématiser est facile, qu’il est trop aisé d’aller jusqu’au bout d’une idée, que la difficulté est plutôt d’arrêter la déduction où il faut, de l’infléchir comme il faut, grâce à l’approfondissement des sciences particulières et au contact sans cesse maintenu avec la réalité. […] Ce contact permanent avec la vie, avec la science, avec le sens commun, l’a sans cesse fécondée en même temps qu’il l’empêchait de s’amuser avec elle-même, de recomposer artificiellement les choses avec des abstractions.

309. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

Que dire d’un si parfait complément produit par la liaison heureuse des épisodes, si ce n’est de les recommander sans cesse pour modèles ? […] Comment concilier l’innocence avec le meurtre, et surtout la chasteté avec les risques, sans cesse courus par les robustes Marphises et les vigoureuses Bradamantes ? […] « Mais vois l’arche souillée et vois cesser tes fêtes : « Israël qu’on divise est un monstre à deux têtes. […] Pourquoi les relisons-nous sans cesse avec une satisfaction nouvelle ? […] Bientôt l’harmonie des consonances leur échappera, cessera d’être accentuée avec justesse ; et, dans les deux cas, fléchira sous les impressions d’un goût arbitraire.

310. (1890) La vie littéraire. Deuxième série pp. -366

L’enfant, comme l’homme, change sans cesse d’idéal. […] Celui-ci cessa trop tôt. […] Il cessa d’être élégiaque et devint philosophe. […] Il a cessé depuis longtemps d’étudier le modèle. […] Il gémit, il menace, il murmure sans cesse.

311. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

L’historien doit cesser d’être exclusivement Français, il doit se faire universel comme son sujet. […] Moreau même avait cessé, depuis le 18 brumaire, d’être irréprochable aux yeux de la vertu, de la liberté et de la République, car il avait participé activement à ce coup d’État de l’armée contre la patrie civile. […] On ne peut nier cependant, en étudiant la nature forte, mais revêche, de ce grand soldat, que ce ne fût une de ces natures plus propres à obéir qu’à commander, hommes qui rachètent sans cesse l’obéissance par le murmure et qui embarrassent autant qu’ils servent les chefs dont ils sont les instruments. […] Il lisait sans cesse, et exclusivement, Plutarque et Quinte-Curce ; il y cherchait l’aliment des grandes âmes, l’histoire des héros de l’antiquité. […] Thiers conduit son lecteur par le fil des événements avec une clarté de vue, une sûreté de marche et une universalité de science historique qui entraînent sans cesse sans jamais lasser.

312. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

Quant au second, tout mécanique, par conséquent toujours le même, il n’a rien qui attire, ni surtout qui retienne notre attention : c’est une nécessité et rien de plus ; il cesse, pour ainsi dire, d’être vu à force d’être connu. […] Or, les points où cet équilibre se produit varient sans cesse, et c’est même ce qui fait que, sous l’impulsion du génie, l’art fait des progrès incessants. […] Toute notre jeunesse vient souvent se grouper autour d’une image de femme, sans cesse présente à nos événements d’alors. […] Spencer constate, sans en donner d’explication, que tout objet d’abord utile aux hommes qui a maintenant cessé de l’être paraît beau ; il y a de ce fait, selon nous, diverses raisons. […] Havet, « un chef-d’œuvre où a passé toute l’inspiration du texte ; cela est beau en français sans cesser d’être biblique ».

313. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Personnellement, il s’en tire en voyageant sans cesse ou en habitant en Italie. […] Je demande sans cesse le nom de ces inconnus que je vois tous les jours et je l’oublie sans cesse. […] Comme les féodaux politiques avaient cessé d’être chefs politiques et même chefs militaires, les féodaux économiques ont cessé d’être chefs du travail. […] S’il y a toujours surproduction, il faudra bien que le moment arrive où la demande cesse, où la marchandise attend et où le travail aussi doit cesser et le travailleur attendre. […] De ce que l’on croit aujourd’hui, disent-ils, on a cru le contraire, et l’on a cessé de le croire ; on cessera de même de tenir pour vrai ce dont on est aujourd’hui le plus certain.

314. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DE LA MÉDÉE D’APOLLONIUS. » pp. 359-406

Ces remarques, qui tombent sur l’ensemble du poëme, cessent de s’appliquer justement au chant iii, c’est-à-dire au moment de l’arrivée des héros en Colchide, et dès qu’intervient le personnage de Médée. […] Elle répond alors : « Junon et toi, Minerve, il vous obéirait, à vous surtout, bien plutôt qu’à moi ; car devant vous, tout impudent qu’il est, le méchant garçon aura encore tant soit peu de honte ; mais de moi il n’a nul respect ni souci, et il lui est égal de me quereller sans cesse. […] Le trait brûlait tout au fond dans le sein de la jeune fille, pareil à une flamme ; elle ne cessait de fixer sur le fils d’Éson des yeux étincelants, et son cœur à coups pressés haletait de fatigue hors de sa poitrine ; il ne lui restait plus aucun autre souvenir, et son âme se distillait dans une douce amertume. […] Des larmes de pitié coulaient de ses yeux ; et au dedans la douleur minante ne cessait de la ronger à travers tout le corps, le long des moindres fibres et jusque tout au bas de la nuque, là où plonge le plus sensiblement le mal lorsque les Amours logent sans relâche leurs amertumes dans un esprit. […] Médée, bien qu’à bord du vaisseau, disparaît par intervalles, et surtout elle se gâte en avançant : elle cesse d’être l’intéressante jeune fille qu’on a vue ; elle redevient la Médée traditionnelle, la nièce de Circé ; on fait plus que deviner, on retrouve en elle la victime des Furies, la meurtrière et l’incendiaire déjà.

315. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque (2e partie) » pp. 81-155

Vie et œuvres de Pétrarque (2e partie) I L’amour de Laure était si réellement la vie intellectuelle et morale de Pétrarque qu’après la disparition de cette étoile de son âme à l’horizon de la terre le grand poète cessa, pour ainsi dire, de vivre ici-bas pour suivre cette étoile au ciel ; son âme, jusque-là légère, mobile, inquiète, quelquefois errante, sembla se revêtir du deuil éternel de Dante après la mort de Béatrice et s’ensevelir vivante dans le sépulcre et dans l’unique pensée de Laure. […] « Vivre m’est un ennui si lourd et si long que je ne cesse d’en implorer la fin par le désir infini de revoir celle après laquelle rien ne me parut digne d’être jamais vu !  […] VII Mais, si Pétrarque avait le cœur inguérissable, il avait l’imagination trop vive pour ne pas se débattre et se relever sous sa douleur ; il promena ses tristesses sans cesse évaporées dans ses beaux vers de Parme à Florence, de Florence à Rome ; il donna à ses amis, et surtout à Boccace, le plus cher et le plus affectionné de tous, les loisirs qu’il donnait jusque-là à ses pensées d’amour. […] « Cesse de pleurer, me dit-elle ; n’as-tu pas assez pleuré ? […] Jamais cette vérité ne fut plus évidente que dans la renommée de Pétrarque, renommée qui ne cessera de rayonner dans le cœur que quand la source de la Sorgues cessera de couler ou quand les pèlerins d’Arquà cesseront d’aller visiter le tombeau et la maison du poète.

316. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIe entretien. L’Arioste (2e partie) » pp. 81-160

Roger et Bradamante, comme Angélique et Roland, ne cessent de se chercher, de se rencontrer, de se perdre et de se retrouver dans le monde. […] La hideuse description de sa folie, vantée comme un prodige de force poétique par les critiques italiens et même français, est selon nous une plaisanterie déplacée, plus propre à contrister le rire sur les lèvres qu’à le provoquer ; ce qui dégoûte cesse de charmer. […] L’ermite habitait depuis quarante ans cet ermitage, qu’il semblait que le ciel eût choisi pour l’entretenir sans cesse dans la prière et la contemplation. […] Le pèlerin la fit accepter à la nourrice, en lui disant : « Vous voyez de quelle utilité ce charmant petit animal m’est sans cesse ; je ne lui demande jamais rien qu’il ne me le donne à l’instant. […] Or, quand le visage passe ainsi sans cesse du rire aux larmes et des larmes au rire, qu’arrive-t-il ?

317. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

Quand donc cesserons-nous d’être de lourds scolastiques et d’exiger sur Dieu, sur l’âme, sur la morale, des petits bouts de phrases à la façon de la géométrie ? […] C’est que l’autorité y est toujours présente : on la coudoie sans cesse, on sent à chaque instant sa gênante pression. […] Lors même qu’il serait prouvé que le monde officiel est définitivement impuissant, qu’il ne peut rien créer d’original et de fort, il ne faudrait pas désespérer de l’humanité ; car l’humanité a des sources inconnues, où elle va sans cesse puiser la jeunesse. […] Observez d’abord que les esprits superficiels, qui en appellent sans cesse au bon sens, désignent par ce nom la forme très particulière et très bornée de coutumes et d’habitudes où le hasard les a fait naître. […] Fichte, par exemple, répète sans cesse, dans sa Méthode pour arriver à la Vie bienheureuse : « Ceci n’est-il pas parfaitement évident, plus clair que le soleil ?

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