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199. (1875) Revue des deux mondes : articles pp. 326-349

Le savant a donc atteint son but quand, par une analyse expérimentale successive, il est parvenu à rattacher la manifestation des phénomènes à des conditions matérielles exactement définies. […] Un phénomène physiologique en est-il moins admirable parce que le physiologiste en analyse toutes les conditions matérielles ? Il faut bien que cette analyse, que ces calculs se fassent, car sans cela il n’y aurait pas de science. […] Si, à l’aide de l’analyse expérimentale, on décompose l’organisme vivant en isolant ses diverses parties, ce n’est point pour les concevoir séparément. […] La pathologie nous fournit donc encore ici une sorte d’analyse et de synthèse fonctionnelle, comme cela se voit dans les expériences de rédintégration.

200. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre premier. La sensation, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. La sensation »

Par cette analyse, l’école anglaise et Taine se flattent d’avoir réduit à l’unité tout ce qui, dans les sensations, constitue leurs qualités en apparence différentes. […] Ce n’est pas l’unité qualitative de composition mentale, mais l’unité quantitative et dynamique qui ressort de l’analyse précédente. […] Ainsi il y a certains parfums qui nous paraissent composés de trop d’éléments pour que nous puissions en faire l’analyse et la description ; nous disons alors qu’ils constituent un arôme indéfinissable. […] Par l’habitude, et surtout par l’hérédité, des sensations d’abord simples finissent par faire un tout tellement bien lié et continu que l’analyse n’en distingue plus les éléments. […] Il y a dès à présent des analyses qu’on a pu faire.

201. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Charles Dickens »

Les romans modernes sont descriptifs, pittoresques, analytiques ; conçus généralement en une langue graphique et peinant à l’être, s’appliquant à dépeindre exactement et magnifiquement, en couleur et en relief, les lieux où se passe l’action, ils tendent surtout à présenter une image précise et impartiale de l’âme humaine conçue comme complexe, variable, aussi intéressante dans ses parties inférieures ou honteuses, dans ses laideurs, ses vices, ses passions, qu’en ses vertus et son énergie ; ils tendent encore à donner la connaissance minutieuse et renseignante du milieu social ou professionnel dans lequel se meut le protagoniste, du monde qui l’entoure, des intérêts qu’il prend du département de la vie commune auquel il participe ; et tous ces renseignements et ces analyses sont mis bout à bout au moyen d’une intrigue la plus simple, la plus ordinaire possible, réduite à n’être plus qu’une sorte de prétexte à lier entre eux les tableaux, les scènes, les traits de caractère, de façon que l’œuvre soit plutôt une étude de personnage et de mœurs, qu’un récit romanesque ou une effusion personnelle de l’auteur. […] Même quand il s’essaie, comme dans David Copperfield et Les Grandes Espérances, à ce genre, le plus facile de l’analyse psychologique, l’autobiographie, le personnage qui se confesse tout au long de deux volumes en petit texte est plus irréel et plus inexistant encore, se dessine moins visiblement que ne le sont les figures de second plan, en moins d’effusions. […] L’analyse psychologique, le démêlement délicat de tous les fils entrelacés d’une âme, le discernement des phases, des retours, des élans, des soudaines ou lentes oscillations de ses mouvements lui est inconnu. […] L’analyse pure, encore une fois, n’est jamais le fait de Dickens. […] Un sentiment de colère n’est pas l’examen, la classification, l’analyse de l’être ou de la chose qui cause la colère ; c’est exactement et uniquement le sentiment que l’on est en colère ; et ce sentiment est si homogène de sa nature, varie si peu de qualité, qu’on peut le comparer, grossièrement, aux états physiques permanents, à une note tenue, ou mieux encore à l’écoulement d’une veine liquide qui peut varier de calibre et d’impulsion, mais non de nature.

202. (1913) La Fontaine « IV. Les contes »

Elle peut être racontée, cette histoire, comme un conte psychologique, comme un conte philosophique qui serait un conte psychologique ; ce serait alors une analyse, non pas didactique, bien entendu, mais une analyse présentée sous forme de récit, de la curiosité humaine qui ne se satisfait jamais de ce qu’elle a, de ce qu’elle possède et qui veut toujours chercher, au-delà des apparences, le dessous, au-delà du masque le visage, au-delà de tout ce qui est mystérieux l’essence du mystère, ne se contentant point de ce monde des apparences que l’esprit supérieur a voulu qui fût le nôtre. […] Je crois que le sentiment s’évanouit quand on l’analyse, lorsqu’il est faible, et je crois que le sentiment se fortifie et s’agrandit quand on l’analyse, lorsqu’il est fort.

203. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — I. » pp. 91-108

C’est un livre dont il serait difficile de présenter l’analyse. […] Chamfort, dans une analyse, d’ailleurs très bienveillante, qu’il donne du livre, faisait à l’auteur cette objection, qui est devenue bien autrement réelle depuis. […] Sans faire entrer dans son analyse de l’homme d’autres éléments que les besoins physiques et, au moral, le mobile de l’ambition ou de la vanité, il a pourtant compris que cette bonne compagnie, définie comme on l’entendait alors, et devenue le plus tiède et le plus tempéré des climats, était mortelle au génie, à la grandeur, à la force naturelle en toutes choses : Ne cherchez pas le génie, dit-il, l’esprit, un caractère marqué dans ce qu’on appelle la bonne compagnie.

204. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Conclusion. »

heureuse aussi, si j’avais diminué de son activité, en présentant aux hommes une analyse exacte de ce que vaut la vie, une analyse qui démontrât que les destinées diffèrent entre elles bien plus par les caractères que par les situations, que les plaisirs que l’on peut éprouver, dans quelques circonstances que ce soit, sont soumis à des chances certaines, qui, à la longue, réduisent tout au même terme, et que ce bonheur qu’on croit toujours trouver dans les objets extérieurs, n’est qu’un fantôme créé par l’imagination, qu’elle poursuit après l’avoir fait naître, et qu’elle veut atteindre au-dehors, tandis qu’il n’a d’existence qu’en elle. […] C’est bien là certainement l’une des causes de la pitié ; mais l’inconvénient de cette définition, comme de toutes, est de resserrer la pensée que faisait naître le mot qu’on a défini : il était revêtu des idées accessoires et des impressions particulières à chaque homme qui l’entendait, et vous restreignez sa signification par une analyse toujours incomplète quand un sentiment en est l’objet ; car un sentiment est un composé de sensations et de pensées que vous ne faites jamais comprendre qu’à l’aide de l’émotion et du jugement réunis.

205. (1875) Premiers lundis. Tome III « Profession de foi »

Par des extraits de voyages, par des traductions et des analyses d’ouvrages étrangers, par des études de toute espèce sur le passé, le Globe cherchait à mettre sous la main de ses lecteurs les principaux éléments des questions ; à leur représenter les travaux antérieurs et l’état de la science contemporaine sur chaque point de controverse ; à leur apporter et à leur distribuer en ordre les matériaux les plus complets pour les solutions les plus larges et les plus conciliantes. […] Dans ce grand travail de recherche et d’analyse, le besoin de règle et de plan se faisait à chaque instant sentir.

206. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VI. Le charmeur Anatole France » pp. 60-71

Kahn analyse avec humour le roman d’Anatole France, et, après quelques pichenettes, conclut, c’est le meilleur de l’auteur et vraiment un joli roman. […] L’intérêt est l’analyse de cette aimable passionnée et de ses amis.

207. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XI. Trois bons médanistes : Henry Céard, Joris-Karl Huysmans, Lucien Descaves » pp. 145-156

Gardant de sa traversée parmi les sciences naturelles la défiance du médecin qui démêle l’instinct brutal sous le sentiment hypocrite, Céard fut naturellement séduit par les écrivains d’analyse. […] Par la seule analyse psychologique, M : Céard conduit au même pessimisme que M. 

208. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Tourgueneff »

La seule chose qui soit évidente, c’est que, fantaisiste d’occasion plus encore que de nature, il incline vers les détails et les entortillements de la vignette bien plus sympathiquement que vers les généralités types, et que la longue galerie de petits tableaux de genre qu’il nous dresse n’est rien de plus, en dernière analyse, que les mille hasards de ses rencontres et de ses coureuses observations. […] Quand un livre n’est qu’impressions et détails, quelques hachures inspirées, quelques morsures d’une plume métallique qui sait enlever un profil d’horizon ou un profil de visage, quand il manque, enfin, comme celui-ci, de plan, d’ordonnance et d’architecture, l’analyse devient impossible.

209. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lessing »

Rappelez-vous cette analyse perçante de la Mérope de Maffei, qui équivaut à une main saisie dans une poche ! […] Il raisonne, discute, analyse.

210. (1900) La culture des idées

Illusion née de l’accoutumance, que l’analyse des sons détruit. […] Voilà donc un livre auquel il ne manque presque rien que de n’avoir pas de but, que d’être de pure analyse et désintéressé. […] La protubérance d’une de leurs facultés les désigne à l’analyse et à ce procédé d’analyse qui est la différenciation successive ; ainsi on arrive à discerner dans l’humanité une classe d’êtres dont le signe est la différence, de même que, pour l’humanité vulgaire, le signe est la ressemblance. […] Il y a là un intéressant sujet d’analyse, mais la question est assez compliquée. […] En suprême analyse, l’idée de décadence est identique à l’idée d’imitation.

211. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rouff, Marcel (1877-1936) »

Ils ont le charme mystérieux des choses qu’on ne mesure pas d’un coup d’œil et dont le sens se devine mieux qu’il ne s’analyse.

212. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Hommes et dieux, études d’histoire et de littérature, par M. Paul De Saint-Victor. »

Et Eugène Delacroix, qui venait de lire un article de lui sur le Cid, lui écrivait : « Je penserai à cela pendant quinze jours, et j’en ferai de meilleure peinture. » Ce sont là des suffrages, des titres de noblesse, et ils sont justifiés par ce qu’on lit depuis près de quinze ans, chaque dimanche soir, sous cette fière et résonnante signature : analyses d’ouvrages d’art ou de pièces de théâtre, feuilletons ou salons, comptes rendus qui sortent du cadre et qui sont eux-mêmes de brillants portraits ou des tableaux. […] Je ne blâme point, croyez-le bien, ceux qui, ouvriers consciencieux et journaliers de la presse, ont pris le parti plus simple de mettre en volumes le plus tôt possible ce qu’ils distribuent de jugements et d’analyses sur tout sujet, de ramasser et de lier après chaque moisson leurs gerbes : on laisse ensuite au lecteur le soin de choisir entre ces improvisations d’un mérite ou d’un agrément nécessairement inégal, et d’en prendre ou d’en laisser.

213. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IV. De la philosophie et de l’éloquence des Grecs » pp. 120-134

Ce qu’il écrit en littérature, en physique, en métaphysique, est l’analyse des idées de son temps. […] Socrate, Platon, aimaient mieux parler qu’écrire, parce qu’ils sentaient, sans se rendre précisément compte de leur talent, que leurs idées appartenaient plus à l’inspiration qu’à l’analyse.

214. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVI. De l’éloquence et de la philosophie des Anglais » pp. 324-337

Nos écrivains français ayant toujours présent à leur pensée le tribunal de la société, cherchent à obtenir le suffrage de lecteurs qui se fatiguent aisément ; ils veulent attacher le charme des sentiments à l’analyse des idées, et faire ainsi marcher simultanément un plus grand nombre de vérités. […] Sans nier assurément les avantages de cette fixité, il s’ensuit néanmoins que l’esprit de discussion et d’analyse est plus important dans les assemblées actuelles que le talent d’émouvoir.

215. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Pélisson et d’Olivet »

Ce n’est pas au xixe  siècle, quand l’analyse des œuvres, des esprits et des caractères, a été poussée aussi loin que l’analyse scientifique, ce n’est pas quand la critique a joué aussi inexorablement du scalpel que la chirurgie elle-même, que les petites notices de Pélisson, gazées par la réserve et entrecoupées de silences, pourront intéresser la curiosité et la satisfaire.

216. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 463

Cette Histoire contient leurs Vies, le catalogue, la critique, le jugement, la chronologie, l’analyse & le dénombrement des différentes éditions de leurs Ouvrages.

217. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » p. 394

La meilleure Production de l’Abbé Gervaise est l’Histoire de Boëce, Sénateur Romain, avec l’Analyse des Ecrits qui nous restent de ce Philosophe.

218. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

peut-il y avoir une définition, une notion de la comédie, contenant quelque chose de plus que ce que donne l’analyse des œuvres, contenant une idée qui ne soit pas dans la réalité, contenant un élément a priori ? […] L’analyse dissipé cette illusion. […] Il faut donc que, sous la diversité des formes particulières, toutes ces œuvres aient une essence commune, et, pour dégager ce caractère général qui doit constituer le fond de chacune d’elles, l’analyse et l’abstraction sont suffisantes. […] Ceux qui ne voient pas le génie de Molière dans Le Misanthrope, ne le découvrent point dans les analyses de la critique. […] Car « la trame de nos sensations est si compliquée, qu’à grand-peine l’analyse la plus subtile en peut-elle saisir un fil bien séparé et le suivre à travers tous ceux qui le croisent.

219. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Le Comte Léon Tolstoï »

La Guerre et la Paix, Anna Karénine, n’ont point à proprement dire de sujet, ni dramatique ou psychologique ; ils ne sont point, comme on dit, l’analyse d’un état d’âme, l’étude d’une passion, d’une faculté, d’un accident ; ils contiennent la vie même, toute la vie d’un groupe nombreux d’hommes étagés à tous les âges et conduits pas à pas, par une durée d’une vingtaine d’années, jusqu’au terme des grandes phases de leur carrière. […] Que l’on compare les procédés de notations de ses grands tableaux, d’analyse de ses grandes scènes, à ceux de nos romanciers naturalistes héritiers pour le style, des romantiques, on sera frappé du manque de force, de certitude, d’éclat, d’intérêt soutenu, d’épuisement du sujet, de la plupart des pages semées cependant de ramassements subits, qui synthétisent tout un ensemble. […] Que ce soit dans La Guerre et la Paix cette baignade de tout un régiment à laquelle assiste le prince André, de cette chair à canon parmi laquelle un obus devait venir le déchirer, ou le spectacle des soins de propreté que se donnent les prisonniers russes traînés à la suite de la grande retraite ; que ce soit encore quand le prince René placé tout près de la princesse Hélène est pris de volupté à la vue des épaules frémissantes et respirantes de cette magnifique femme, ou quand Nicolas Lévine émacié et mourant de phtisie, change une dernière fois de chemise sur ses membres amincis, fauteur enseigne et suggère ce profond sentiment de fraternité par la chair qui unit et apitoie en dernière analyse le plus fortement tes hommes entre eux par le tien puissant de l’amour de leur propre corps. […] La grandeur du mal, la beauté artistique des vices, tous ces actes coupables, passionnés et calculés qui souillent d’ombres vigoureuses le monde et dont l’âpre analyse fait la gloire de La Comédie humaine, est ignorée, et quand l’écrivain russe s’attaque dans Anna Karénine à la liaison adultère de deux amants, éperdument épris pourtant, c’est avec de singuliers ménagements et en négligeant de décrire les transports de félicité qui eussent dû compenser les infortunes finales. […] Il semblera inutile, après cette analyse, que nous discutions la valeur de la solution apportée par Tolstoï au problème de la vie et de la mort.

220. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français »

On a pu montrer, dans une analyse faite avec autant de gravité que de science, comment la messe au complet, dont la partie essentielle est la consécration, le sacrifice et la communion, avait été graduellement formée, agrandie, enrichie, constituée enfin dans toute sa pompe et sa majesté, de manière à devenir le drame sacré et liturgique par excellence. […] Moland, à qui nous sommes heureux de rendre en ce moment toute justice pour les lumières qu’il a répandues à son tour sur ces questions littéraires du moyen âge, a donné une fort bonne analyse de ce drame et de toute la légende d’Adam, dont il a suivi les progrès ou altérations en ces siècles de crédulité active et d’invention sourde et continue67. […] Je ne continuerai pas une analyse qui nous mènerait trop loin et qu’on trouve ailleurs.

221. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. Suite et fin. » pp. 73-95

Fin de l’analyse. […] On comprend bien que c’est moins encore pour donner une idée exacte du livre que je me suis appliqué à cette longue analyse, que pour constater au fur et à mesure la suite de mes impressions et me donner à moi-même, en les recueillant, le droit d’exprimer mon jugement sans mollir, en toute fermeté et sécurité. […] A voir le luxe de déguisements mythologiques où elle s’enveloppe, et le peu d’analyse morale qui la concerne, on se reprend à admirer, à chérir d’autant plus ces aimables et touchants anachronismes des anciens poètes, de ceux qui ont dépeint des reines carthaginoises ou des magiciennes de Colchide, et qui nous les ont montrées dévorées d’amour.

222. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Et comment ne serait-ce point M. de Talleyrand qui, après avoir vu de près l’Amérique, l’avoir observée si peu d’années après son déchirement d’avec la mère patrie, et l’avoir, non sans étonnement, retrouvée tout anglaise, sinon d’affection, du moins d’habitudes, d’inclinations et d’intérêts, aurait lui-même écrit ou dicté les remarques suivantes : « Quiconque a bien vu l’Amérique ne peut plus douter maintenant que dans la plupart de ses habitudes elle ne soit restée anglaise ; que son ancien commerce avec l’Angleterre n’ait même gagné de l’activité au lieu d’en perdre depuis l’époque de l’indépendance, et que par conséquent l’indépendance, loin d’être funeste à l’Angleterre, ne lui ait été à plusieurs égards avantageuse. » Appliquant ici le mode d’analyse en usage chez les idéologues et tout à fait de mise à l’Institut en l’an III, il partait de ce principe que « ce qui détermine la volonté, c’est l’inclination et l’intérêt », et que ces deux mobiles s’unissaient des deux parts pour rapprocher les colons émancipés et leurs tyrans de la veille : « Il paraît d’abord étrange et presque paradoxal de prétendre que les Américains sont portés d’inclination vers l’Angleterre ; mais il ne faut pas perdre de vue que le peuple américain est un peuple dépassionné ; que la victoire et le temps ont amorti ses haines, et que chez lui les inclinations se réduisent à de simples habitudes : or, toutes ses habitudes le rapprochent de l’Angleterre. […] Un tel voyage est une sorte d’analyse pratique et vivante de l’origine des peuples et des États : on part de l’ensemble le plus composé pour arriver aux éléments les plus simples ; à chaque journée, on perd de vue quelques-unes de ces inventions que nos besoins, en se multipliant, ont rendues nécessaires ; et il semble que l’on voyage en arrière dans l’histoire des progrès de l’esprit humain. […] L’autre Mémoire sur les avantages à retirer de colonies nouvelles dans les circonstances présentes mériterait aussi une analyse : il se rapporte particulièrement à l’état moral de la France d’alors, et il est plein de vues sages ou même profondes.

223. (1892) Boileau « Chapitre VII. L’influence de Boileau » pp. 182-206

Bornée du côté des sens, elle développe son activité intellectuelle avec une étonnante énergie, du seul côté que les habitudes sociales laissent ouvert : elle abstrait, déduit, analyse, avec une dépense effrayante de réflexion et de logique. […] Même quand le sensualisme a détrôné le cartésianisme, la logique idéale et l’analyse mathématique continuent de régner : tous ces philosophes qui donnaient tout aux sens et en dérivaient tout, furent les « plus intellectuels » des hommes. […] Nous ne regardons pas bien haut ni bien loin : nous sommes plus positivistes que mystiques et métaphysiciens ; nos pensées ne quittent pas la terre, et vont à l’action, aux effets réels, sensibles, et que l’analyse atteint.

224. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

Ce sont en effet des pièces d’analyse psychologique, des études de mécanisme mental d’une infinie délicatesse, où la minutie des relevés aboutit parfois, surtout dans la Vie de Marianne, à une prolixité fatigante. […] Jacob est plus simple, aussi s’analyse-t-il moins : mais Marianne, dans sa petite personne, est infiniment compliquée. […] Le roman de Marivaux, dans ces analyses, reste toujours plus près de la réalité que son théâtre.

225. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre quatrième »

Plus tard, aux jours où la religion aura remplacé la théologie, où le christianisme descendra des hauteurs du dogme dans l’analyse profonde et compatissante des misères de l’homme, l’humanité sera mieux comprise, et l’on verra naître la science de la morale chrétienne, qui en est, pour nos sociétés modernes, l’explication complète et définitive. […] Elle n’analyse pas, elle ne pénètre pas dans les plis du cœur ; d’un mot, elle règle toute une suite de mouvements qui naissent les uns des autres ; une même prescription s’étend à toutes les sortes d’infractions possibles. […] Il dogmatise, il n’analyse pas.

226. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « De la retraite de MM. Villemain et Cousin. » pp. 146-164

Cousin en vient à des analyses particulières de certains philosophes ou moralistes. […] Guizot revenant à ces analyses de drames et de comédies, et les discutant à fond comme il a discuté tant d’autres choses. […] C’est lui qui est l’ambitieux, c’est lui qui est l’intrigant ; c’est lui qui erre de parti en parti à tort et à travers… » À lui donc tout le mal et tous les torts, à elle tout le bien et surtout le mérite du retour chrétien et du repentir ; car le philosophe éclectique, tant accusé, se montre simplement chrétien et sans aucune malignité d’analyse dans ces études toutes littéraires.

227. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre premier. Le problème des genres littéraires et la loi de leur évolution » pp. 1-33

Au fond, j’apporte surtout une méthode, d’analyse et de synthèse ; pour l’appliquer avec fruit, il faudra se débarrasser peu à peu de certaines habitudes de l’histoire littéraire, qui sont devenues des procédés superficiels. Plusieurs des grands auteurs se présenteront alors dans une lumière nouvelle ; et l’étude des sources, qu’on pratique aujourd’hui avec une érudition trop facile, cessera d’être un simple rapprochement de textes, pour devenir une analyse psychologique et esthétique. […] Évitons avec soin les classifications rigides, mais ne sombrons pas pour cela dans l’anarchie d’un individualisme outrancier, qui serait la négation de toute science et de toute philosophie ; cherchons l’ordre, sans être les dupes de nos catégories ; efforçons-nous de concevoir à la fois les éléments essentiels, durables, et les combinaisons innombrables, toujours nouvelles, de ces éléments ; respectons l’infinie variété de l’analyse, mais aussi la simplicité de la synthèse ; ce sont deux faces de la vérité, qui se complètent et s’expliquent l’une l’autre.

228. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 520

Il offre, par intervalles, des jugemens sains & des analyses bien faites.

229. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » p. 15

L’esprit de Mlle Scudéry, Ouvrage qui suppose le talent de l’analyse, eu égard à la diffusion qui regne d’un bout à l’autre dans les Productions de cette Demoiselle, le Dictionnaire des Cultes Religieux, celui des Batailles, le Dictionnaire d’Education, celui des Dits & Faits mémorables, lui méritent une place parmi ceux qui, sans rien tirer de leur propre fonds, ont voulu figurer parmi les Auteurs.

230. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

On lui doit, entre autres livres personnels, Au port d’armes, où il y a sous l’enflure des mots quelques bonnes qualités d’analyse. […] Mais par le vif des analyses, par le dramatique des situations, par l’intensité du sentiment, c’est surtout à Gontcharoff qu’il fait songer. […] À ses qualités d’analyse et d’observation, il joint l’attrait d’une action piquante et mouvementée » ; —  M.  […] On en trouvera une bonne analyse dans L’Année littéraire de M.  […] Celui qui procède à ces analyses s’y livre avec passion, et, par cela même, les pousse trop loin, au-delà des limites raisonnables.

231. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Son analyse du Symbolisme des rêves va beaucoup trop loin ; elle réintroduit dans cette conscience, dont il nous a montré la souplesse et l’extrême convertibilité, quelque chose de fixe qui ne me paraît pas pouvoir y trouver place. […] Je ne crois pas que l’analyse des rêves, pratiquée suivant l’orthodoxie freudienne, puisse mener à grand-chose de très intéressant. […] Je m’excuse d’indiquer ici aussi sèchement une idée qui aurait besoin peut-être d’être lentement dégagée par une analyse détaillée et par de nombreuses lectures. […] Son analyse et les citations sur lesquelles il l’appuie sont trop justes pour que je puisse faire autre chose que vous y renvoyer. […] * *    * Mais il faut enfin nous arrêter dans cette analyse des ressemblances entre Freud et Proust.

232. (1902) Le critique mort jeune

Il se plut dès lors à des analyses psychologiques singulières et curieuses. […] Bourget a fait une analyse qui n’atteint pas seulement ces misérables couplets. […] L’analyse lucide de M.  […] Henry Bordeaux attache son analyse exercée. […] On n’y voit guère que l’analyse des impressions de Geneviève.

233. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » p. 173

Ceux qui n’exigent pas les graces du style, dans des matieres qui n’en sont pas susceptibles, y rendront justice à l’exactitude des observations, à la méthode du procédé, à la justesse de l’analyse, & à la sagacité des expériences.

234. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre premier. Sensation et pensée »

. — À quoi les platoniciens répondent : Si ces rapports sont représentés dans l’ensemble des données, ils n’en sont pas dégagés, abstraits et remarqués à part ; or, ils ne sont vraiment perçus que quand ils sont remarqués et extraits ; pour cela, il faut que les parties diverses de l’étendue et de la durée soient dissociées, séparées par l’analyse, puis réunies par une synthèse. — Assurément, répondrons-nous ; mais cette dissociation et cette association ultérieures ne supposent pas un acte de raison pure. […] C’est donc, en dernière analyse, par la contrariété sensible de la peine, par la contrariété éprouvée et par la résistance qu’elle provoque, que nous faisons connaissance avec la contrariété pensée, avec cette opposition des « contraires », où Platon voit une combinaison d’idées pures. […] Regardez la ligne qui sépare le côté bleu et le côté rouge d’un disque : vous avez une sensation complexe, dont il ne vous reste plus qu’à faire l’analyse par le mouvement d’oscillation des yeux, allant du rouge au bleu, du bleu au rouge. […] Le sentiment de la ressemblance est un état de conscience, un mode de sentir et de réagir sans résistance, qui, pour échapper à l’analyse, n’est ni un acte pur, ni une contemplation d’idée pure. […] C’est, en dernière analyse, par l’accord sensible du plaisir, par l’harmonie éprouvée et réalisée, que nous faisons d’abord connaissance avec l’accord intellectuel, avec l’harmonie pensée.

235. (1878) La poésie scientifique au XIXe siècle. Revue des deux mondes pp. 511-537

Est-il besoin de citer des exemples, la loi d’équivalence et de transformation des forces, l’homogénéité de la matière cosmique révélée par l’analyse spectrale ? […] Le doute d’Alfred de Musset est poétique parce qu’il peut s’exprimer ainsi : « Je voudrais croire et je ne puis » ; mais nous sommes en défiance des effets poétiques de cet état d’esprit où le poète se dit à lui-même : « Sachons ignorer. » J’admire cette résignation et cette prudence philosophiques ; c’est peut-être le dernier résultat de l’analyse et de la logique, ce n’est pas là matière à poésie. […] Nous ne pourrons donner qu’une idée bien incomplète de ce poème ; si philosophique qu’il soit, un poème ne s’analyse pas comme un traité. […] Telle est la conclusion adoucie et plus humaine du poème. — On a pu se rendre compte, par l’analyse que nous en avons faite et par les citations que nous y avons semées, de la hardiesse du plan, de la nouveauté des sujets, empruntés pour la plus grande part aux plus récentes théories de la science positive, de la vigueur et de l’éclat de l’expression. […] Lucrèce, à qui il faut bien toujours revenir (car c’est le maître dans ce grand art de la poésie scientifique), a lui aussi des morceaux d’une abstraction redoutable, comme quand il définit l’espace et le mouvement, quand il décrit la formation du monde par les atomes, ou qu’il analyse les simulacres qui expliquent la perception ; mais avec quel art il appelle à son aide d’éclatants épisodes, de grands tableaux, de longs récits comme tout le cinquième livre, où il raconte à sa manière la formation de la terre, l’éclosion de la vie, l’histoire des sociétés humaines !

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