Sa piété tendre et susceptible s’offusqua d’une foule de choses qui, jusque-là, avaient paru innocentes, par exemple d’un cabaret qui s’était établi dans les charniers de l’église et où les chantres buvaient. […] C’étaient, dans la grande armée de l’Église, des sous-officiers instructeurs, auxquels il eût été injuste de demander la distinction des officiers généraux. […] Les vieux d’avant la Révolution étaient morts ; les jeunes passèrent presque tous à la thèse de l’infaillibilité papale ; mais il resta encore une profonde différence entre ces ultramontains de la dernière heure et les hardis contempteurs de la scolastique et de l’Église gallicane sortis de l’école de Lamennais. […] Des hommes moins détachés qu’eux de tout amour-propre auraient triomphé le jour où le maître de ces brillants paradoxes, Lamennais, qui les avait presque argués d’hérésie et de froideur pour le Saint-Siège, devint lui-même hérétique et se mit à traiter l’Église de Rome de tombeau des âmes et de mère d’erreurs.
Huysmans fut attiré vers l’Église par le prestige de sa grandeur morale et par le culte qu’il portait en lui de la beauté mystique. […] Paul Bourget a systématiquement pris la défense depuis le Disciple, mais qu’il a développées à l’exclusion presque de toute autre dans ses deux études les plus typiques et les plus considérables, — l’Étape et Un divorce, — peuvent se ramener à quatre et se résumer dans la défense de la famille, de l’Église, de la monarchie et de l’aristocratie2. […] La défense de la religion catholique s’y rattache directement parce que l’auteur voit dans l’Église une force nécessaire à la vie active du pays. […] Si c’est la femme que la nostalgie de l’Église reprend de la sorte, et que le mari professe à l’égard de la religion non pas l’indifférence d’un sceptique, mais l’hostilité raisonnée d’un systématique, quel conflit !
Il dit : « Songeur qui civilises, « Pourquoi ne vas-tu pas prier dans les églises ? […] L’église, c’est l’azur ! […] sont des vers avortés d’expression autant que d’idée, et ces vers manqués ne sont qu’un accident de la pensée, de peu d’importance en comparaison de la pauvreté et du dérangement intellectuels de cette tête à métaphores qui nous sert l’azur pour l’église, Dieu pour le prêtre, la lune pour l’hostie et l’élévation. […] Religieusement parlant, le métallurgiste et le cosmocrate de cette poésie devait choisir le soleil pour l’hostie de son Église azur.
Gloire à Dieu, gloire à son ineffable tendresse, à son incompréhensible bonté, à cet amour adorable qui, entre toutes ses créatures, lui fait choisir la plus indigne pour en faire un ministre de son Église, pour l’associer au sacerdoce de son Fils ! […] Carron) n’ose déclarer encore si je suis appelé à servir l’Église dans le clergé séculier ou régulier, c’est-à-dire dans la Compagnie de Jésus ; mais il pense que, quoi qu’il en soit de cette vocation, je dois me hâter de marcher vers le sacerdoce et de m’approcher de l’autel d’où mes péchés me repoussent, mais où l’incomparable miséricorde du Seigneur m’ordonne de monter. […] Bruté, le 28 octobre 1815 : « Reposez-vous sur mon cœur et bien spécialement sur ma conscience du sort de ce bien-aimé Féli ; il ne m’échappera point, l’Église aura ce qui lui appartient. » L’influence personnelle de l’abbé Carron sur La Mennais était trés-secondée et favorisée à ce moment par les circonstances.
Élevée pendant les années de la Révolution, dans un intérieur modeste et pauvre, près d’une église en ruine, en face d’un cimetière agreste où l’on allait jouer et prier, toute flamande dans ses croyances du berceau et ses crédulités charmantes, elle confondait dans un même amour domestique Dieu et son père, la Vierge et sa mère et ses sœurs. […] Si elle entrait dans les églises pour prier (ce qu’elle faisait souvent), c’était entre les offices et quand les nefs étaient désertes. […] …………………………………………………… Douce église !
On le sait, la Paix de l’Église venait d’être conclue ; les Arnauld, les Nicole, les Saci, sortaient à peine de la retraite ou de la prison. On leur propose de s’occuper des papiers de Pascal mort depuis quelques années, et d’en tirer quelque chose d’utile, d’édifiant, de digne d’être offert à l’Église d’alors et aux fidèles, un volume enfin qui puisse être montré aux amis et aux ennemis. […] La famille Perier était bien d’avis de retrancher, de modifier le moins possible : l’intérêt de famille se trouvait d’accord en ce cas avec l’intérêt littéraire (ce qui est si rare) ; mais il y avait d’autre part des considérations puissantes, invincibles, les approbateurs à satisfaire, l’Archevêque à ménager, la Paix de l’Église à respecter loyalement.
Un seul, Montesicco, avec le reste de loyauté qui honore toujours même le crime dans l’homme dévoué, ayant appris qu’il fallait frapper ses victimes dans une église, au pied de l’autel, au moment de l’élévation qui courbe toutes les têtes devant l’image de Dieu, se récusa, non pour le crime, mais pour le lieu de la scène ; les deux prêtres, Maffei et Bagnone persévérèrent. […] La cérémonie était commencée quand François Pazzi et Bandini, voyant que l’une des principales victimes, Julien, était en retard et manquait au sacrifice, allèrent au-devant de lui pour presser sa marche, et l’ayant trouvé en chemin, affectèrent l’enjouement et la familiarité d’anciens compagnons de plaisirs, pour le prier de se rendre à l’église et pour tâter, en l’embrassant, s’il n’avait point de cuirasse sous ses habits ; ils badinèrent même avec lui en entrant dans l’église, pour prévenir tout soupçon et l’empêcher de songer à revenir sur ses pas.
* * * — En voyant le chœur de la cathédrale de Mayence, d’un rococo si tourmenté, si joliment furibond, avec ses stalles qui semblent une houle de bois, en voyant ces églises de Saint-Ignace et de Saint-Augustin, aux balustres des orgues, égayés d’Amours comme un théâtre Pompadour, la pensée se perd sur ce catholicisme, si rude en ses commencements, si ennemi des sens, et tombé dans cette pâmoison, dans cet éréthisme, qui est l’art jésuite. […] 18 septembre Bruxelles… Nous dormions ce matin, dans nos petits lits de l’hôtel de Flandre attenant à l’église Saint-Jacques, et dans un office du matin, l’orgue, qui est dans notre mur, mettait en notre demi-sommeil de sept heures, un angélique bourdonnement. […] * * * — Parfois, je pense qu’il viendra un jour, où les peuples modernes jouiront d’un dieu à l’américaine, d’un dieu qui aura été humainement, et sur lequel il y aura des témoignages de petits journaux : lequel dieu figurera dans les églises, son image non plus élastique et au gré de l’imagination des peintres, non plus flottante sur le voile de Véronique, mais arrêtée dans un portrait en photographie… Oui, je me figure un dieu en photographie et qui portera des lunettes.
Enfin, s’il y a lieu à de graves discussions sur les rapports de l’Église et de l’État, il n’y en a pas sur l’indépendance de la conscience. […] Si Tocqueville a exagéré une pensée qui lui était chère, il faut reconnaître en même temps qu’il avait le sentiment le plus juste, lorsqu’il demandait à la religion et à l’Église de s’unir à la liberté au lieu de la combattre, et à la liberté de respecter la religion et l’Église au nom de ses principes mêmes ; mais il est plus facile de réconcilier les idées que les intérêts et les passions.
À Bouvines, il rangea les troupes en bataille et les anima à bien faire. » En 1206, la famille de Guérin donna à l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem un grand-maître qui se signala à la prise de Damiette, et en 1240 un autre grand maître au même Ordre, — puis deux cardinaux à l’Église, dont l’un en 1450. […] On tremble pour sa grâce native, quand on rapporte que, dans son enfance, elle voulut apprendre le latin sous le même maître que ses frères et l’on n’est rassuré qu’en lisant l’humble réflexion de sa sœur : « Elle ne faisait cela que dans des vues de piété et pour mieux comprendre les offices de l’Église », écrivait dernièrement cette sœur, avec l’accent du plus naïf des légendaires. […] À dater de cette époque, elle mit son âme en état d’approcher tous les huit jours de la communion, et même plus souvent dans les dernières années de sa vie, lorsque sa santé ébranlée lui permettait d’aller à son église, assez distante de celle du Cayla.
Scherer, de dire tout ce qu’il y a d’agitation dans notre cœur lorsque nous commençons à reconnaître que notre Église et notre système n’ont pas le monopole du bien et du vrai, lorsque nous rencontrons des hommes également éminents et sincères qui professent les opinions les plus opposées…, lorsque nous découvrons qu’il n’y a point d’erreur qui n’ait un mélange de vérité, point de vérité qui ne soit partielle, étroite, incomplète, entachée d’erreur, lorsque ainsi le relatif nous apparaît comme la forme de l’absolu sur la terre, l’absolu comme un but éternellement poursuivi mais éternellement inaccessible, et la vérité comme un miroir brisé en mille fragments qui tous réfléchissent le ciel et dont aucun ne le réfléchit tout entier. […] Lamennais avait de bonne heure cultivé ce genre, il avait composé des hymnes Aux Morts, À la Pologne ; il avait terminé son livre Des maux de l’Église par un épilogue dans le même style.
Deux cortèges se sont rencontrés à l’église. […] — Notez qu’il n’est pas ordinaire ni convenable qu’une mère donne à téter à son enfant dans une église : tout ce septième vers est donc parasite.
Du moins il professe hautement tous les dogmes et, par surcroît, s’émerveille volontiers, sans que cela en vaille toujours la peine, des « vues profondes de l’Église ». […] Ou bien encore M. d’Aurevilly nous montre, dans des faits inexplicables, l’action directe du diable, Jeanne le Hardouey voit un jour à l’église l’abbé de la Croix-Jugan.
C’est avec ce premier noyau d’Église qu’il annonce hardiment, dès son retour en Galilée, la « bonne nouvelle du royaume de Dieu. » Ce royaume allait venir, et c’était lui, Jésus, qui était ce « Fils de l’homme » que Daniel en sa vision avait aperçu comme l’appariteur divin de la dernière et suprême révélation. […] Probablement il s’agit ici du rocher à pic qui est très près de Nazareth, au-dessus de l’église actuelle des Maronites, et non du prétendu Mont de la Précipitation, à une heure de Nazareth.
Au fond des églises, les cierges flamboient ; des foules s’y pressent.
S’il a cessé de croire d’assez bonne heure, il se souvient d’avoir cru, il a gardé le respect de l’Église et la sensibilité chrétienne. […] Nous savons par les Mémoires que l’histoire de René, sauf la scène de l’église, est l’histoire de Chateaubriand et de Lucile. […] Alors j’ai consulté un théologien ; et j’ai vu que l’Église était moins difficile que moi ; et j’ai admiré sa connaissance de l’homme et sa très sagace indulgence. […] Et il avait raison, et cela même servait l’Église. […] Évidemment, les églises se seraient rouvertes sans Chateaubriand.
Pendant qu’il écrit, son public est sous ses yeux : gros squires bouffis par le porto et le bœuf, accoutumés à la fin du repas à brailler loyalement pour l’Église et le roi ; gentilshommes fermiers aigris contre le luxe de Londres et l’importance nouvelle des commerçants ; ecclésiastiques nourris de sermons pédants et de haine ancienne contre les dissidents et les papistes. […] Il semble y défendre l’Église d’Angleterre ; mais quelle Église et quel symbole ne sont pas enveloppés dans son attaque ? […] Après cette explication de la théologie, des querelles religieuses et de l’inspiration mystique, que reste-t-il, même de l’Église anglicane ? […] C’est pourquoi on a grand tort de tenir enfermés les gentlemen de Bedlam, et une commission chargée de les trier trouverait dans cette académie beaucoup de talents enfouis capables de remplir les plus grands postes dans l’armée, dans l’État et dans l’Église […] Persécutions et combats de l’Église primitive.
Il croyait ne jamais sortir de ce labyrinthe, lorsqu’un dimanche, après la messe, un seigneur vêtu d’une riche pelisse l’aborda poliment à la porte de l’église. […] Un dimanche, au lever de l’aurore, leurs mères étant allées à la première messe à l’église des Pamplemousses, une négresse marronne se présenta sous les bananiers qui entouraient leur habitation. […] M. de la Bourdonnais m’envoya avertir secrètement que le corps de Virginie avait été apporté à la ville par son ordre, et que de là on allait le transférer à l’église des Pamplemousses. […] On l’enterra près de l’église des Pamplemousses, sur son côté occidental, au pied d’une touffe de bambous, où, en venant à la messe avec sa mère et Marguerite, elle aimait à se reposer, assise à côté de celui qu’elle appelait alors son frère. […] Il prit d’abord le chemin des Pamplemousses ; et quand il fut auprès de l’église, dans l’allée des bambous, il s’en fut droit au lieu où il vit de la terre fraîchement remuée: là, il s’agenouilla, et levant les yeux aux ciel, il fit une longue prière.
Il croyait frapper sur l’Église, et, le malheureux, c’est sur lui-même qu’il frappait. […] L’Église. Mais je ne puis convenir de la vérité des livres saints que parce que l’Église est infaillible, et je n’en conviens pas. » Certes ! […] Il a haï l’Église, voilà pour moi son erreur et son crime. Il a haï l’Église d’une haine inexorable, — la seule chose qui ait eu de la durée et de la fixité dans le tourbillonnement de sa tête éperdue.
Ceux qui s’obstinent à reprocher à l’Eglise un caractere odieux de dureté, d’intolérance, n’ont qu’à parcourir les instructions qu’il donnoit à ses Diocésains pendant les troubles des Cévenes ; ils verront comment un esprit vraiment pastoral sait allier la fermeté de la foi avec la charité qu’elle ordonne ; ils admireront des exhortations propres à affermir le courage des Ministres de la Religion, & à soutenir leur patience dans les persécutions ; ils seront pénétrés de respect & d’attendrissement pour cette douceur de morale, cette générosité de sentiment, cette indulgence qui plaint l’erreur en la combattant, cette magnanimité qui se refuse même la plus légere satisfaction, lorsque les persécuteurs les plus atroces sont devenus malheureux.
Ce nom lui fut donné par leurs pensionnaires, parce qu’expliquant d’une manière indécente les tableaux énigmatiques, exposés dans l’église du collège de Louis le grand, & qu’étant prié d’avoir attention qu’il étoit dans un lieu sacré, il répondit brusquement, en faisant un barbarisme* : Si le lieu est sacré, pourquoi les exposez-vous ?
Écoutez parler Clémentine ; ses expressions sont peut-être encore plus naturelles, plus touchantes et plus sublimement naïves que celles de Julie : Je consens, monsieur, du fond de mon cœur (c’est très sérieusement, comme vous voyez), que vous n’ayez que de la haine, du mépris, de l’horreur pour la malheureuse Clémentine ; mais je vous conjure, pour l’intérêt de votre âme immortelle, de vous attacher à la véritable l’Église.
Sacrés mortels, que l’Église de Jésus-Christ nous commande d’honorer, vous n’étiez ni des forts, ni des puissants entre les hommes !
Né d’une race qui avait été souveraine d’une province de France avant l’unité du royaume, et qui maintenant décorait la royauté, M. de Talleyrand avait été jeté dans l’Église, comme un rebut indigne de la cour, pour y attendre les plus hautes dignités de l’épiscopat et du cardinalat. Évêque d’Autun, débris de ville romaine caché dans les forêts de la Bourgogne, le jeune prélat dédaignait son siège épiscopal, répugnait à l’autel, et vivait à Paris au sein de la dissipation et des plaisirs, dans lesquels la plupart des ecclésiastiques de son âge et de son rang consumaient les immenses dotations de leurs églises. […] Peu compromis avec la monarchie, il l’était beaucoup avec l’Église ; or la répudiation qu’il avait faite de son caractère épiscopal le séparait radicalement de l’ancien régime ; de plus, ses votes antiféodaux à l’Assemblée constituante ne le séparaient pas moins de l’ancienne noblesse. […] Soit ressouvenir de son premier état, soit regret du scandale qu’il avait donné aux hommes religieux en sortant du sanctuaire, quoique affranchi de ses liens sacerdotaux par le souverain pontife, soit désir de laisser une mémoire en paix avec tout le monde, il négociait secrètement, depuis quelques années, une réconciliation consciencieuse ou politique avec l’Église, par l’intermédiaire de l’archevêque de Paris : il voulait une sépulture chrétienne en terre chrétienne. […] Princes de l’Église, débris vivants de l’Assemblée constituante, amis encore vivants de Mirabeau, survivants des échafauds de la Convention, émigrés compagnons de sa proscription d’Amérique, membres dépaysés aujourd’hui du Directoire, dignitaires, maréchaux, généraux, ministres de l’Empire, royalistes de 1814, auxquels un mot de ce mort avait rendu le trône et la cour de deux rois ; courtisans de l’illégitimité d’Orléans, dont il avait ratifié l’avènement à la couronne pour franchir un abîme par un expédient ; plénipotentiaires de toutes les puissances, qui venaient honorer, dans ce plénipotentiaire de la nation et de la paix, cette diplomatie reine des rois, souveraineté de la raison, providence invisible des peuples qui régit le monde en le pondérant : tout cela, disons-nous, donnait à cette sépulture l’aspect d’un congrès plus que d’un cortège funèbre ; congrès posthume auquel il ne manquait que l’âme de tous les congrès de ce siècle.
Il a fallu, pour déchirer les symboles anciens, que l’exégèse soufflât sur la poussière où ils étaient plus qu’à demi ensevelis dans les églises en ruines. Toutefois, comme il est difficile que des hommes sortent paisiblement, en bon ordre, chacun à son tour d’une maison qui va s’écrouler, ils se sont enfuis des églises ruineuses avec la triste unanimité d’un sauve-qui-peut. […] Renan qui personnifie toute l’inquiétude de ce siècle sceptique, et pourtant avide de certitude, sans être le plus savant des exégètes, a porté le coup le plus redoutable aux vieilles assises du christianisme en rendant Jésus à l’humanité : c’est désormais l’Homme admirable, le prêtre et le martyr du plus haut idéal humain, le rêveur d’absolu, notre gloire et notre exemple, l’homme vraiment divin, — non plus le Dieu fait homme. — Wagner a pris aux catholiques la beauté de leurs rites et surtout de la messe en écrivant « Parsifal » : mais ce qui était dans l’Église une expression adéquate se transforme chez le poète en pur symbole et signifie tout le songe du présent et de l’avenir de notre humanité. […] L’église changera de lieu : ce sera le théâtre. Là, le prêtre deviendra l’ordonnateur de pures fêtes. — Nous sentons bien quelle énorme besogne ce sera, celle de préparer le théâtre à tant d’honneur : en vérité, les écuries d’Augias… Et pourtant il suffit d’adresser nos regards vers cette noble église de Bayreuth pour comprendre que notre rêve n’est point irréalisable et que d’autres y ont pensé.
D’après l’Église, il enseigne qu’il est la seconde personne de la Trinité, fils de Dieu le Père, qu’il est descendu sur la terre pour racheter par sa mort le péché d’Adam. […] Et l’indifférence de Tolstoï à l’autorité théologique de Jésus éclate, mieux qu’en tout le livre, en cette phrase, de merveilleuse clarté : C’est terrible à dire, mais il me paraît que si la doctrine de Jésus et celle de l’Église qui a poussé dessus n’avaient jamais existé, — ceux qui s’appellent aujourd’hui chrétiens auraient été beaucoup plus près qu’ils ne le sont de la doctrine de Jésus, c’est-à-dire de la doctrine rationnelle qui enseigne le vrai bien de la vie (p. 178). […] Et Jésus remplace à la Loi Juive la Loi Éternelle du vrai ; mais l’Église chrétienne a repris la Loi Juive, et la doctrine de Jésus a été annulée (Ma Religion. p. 55-60). […] Ainsi la religion de Wagner et la religion de Tolstoï, pareillement, sont chrétiennes ; mais opposées à tous les enseignements de l’Église chrétienne. […] Tolstoï veut la suppression des gouvernements, la suppression des Eglises, la suppression des tribunaux publics et privés, la suppression des armées, la suppression du capital économique, l’universel prolétariat de la fraternité.
L’eau presse de tous côtés les félons qui tramaient contre l’Église. […] Enfin, le roi Dagobert avait fait suspendre aux colonnes et aux arceaux de son église des vêtements tissés en or et couverts de perles. […] Il fut embaumé avec des aromates et enseveli dans l’église des saints martyrs, à la droite de leur tombeau. […] Il avait pris la ruelle qui va le long de la nef et du chevet de l’église. […] En bas, j’ai prié dans l’église rustique qui a peine à se défendre contre l’invasion des poules et des porcs.
L’Église était sur la terre la compagne mystique de Jésus ; par Jésus et par l’Église la terre était unie au ciel. Le mysticisme du cloître avait sa place dans l’Église, comme la prière dans la journée du chrétien. […] J’aime mieux la chrysalide se développant dans le tombeau qu’elle s’est filé elle-même, préparant ses ailes brillantes dans sa vieille peau, et paraissant cadavre au moment où elle va s’élancer dans les airs, éclatante merveille de sa propre création ; j’aime mieux cela qu’une pensée mélancolique, une pensée de mort et de renaissance, une pensée de ruine et de construction nouvelle, qui va se loger dans les vieux débris du passé, dans les tours des seigneurs du Moyen-Âge ou dans les églises gothiques, et qui dit : — Voilà mes palais, j’ai retrouvé mon héritage ; — et qui ment en disant cela, puisqu’elle se lamente en elle-même amèrement, et qu’elle désire autre chose d’un désir brûlant qui la dévore.
L’église où nous voilà, c’est Sainte-Catherine. […] Aujourd’hui même et dans cette église aura lieu le concours de chant ; Walter, à ce mot, se sent naître à une vie nouvelle. […] Les toits rouges de Nuremberg et les clochers de ses églises étincellent aux ardeurs du jour. […] « L’assemblée des maîtres, dit le vieil historien, a lieu dans l’église Sainte Catherine, après l’office de midi… » À cet effet, on ouvre près du chœur une estrade peu élevée, (ein niedriges Gerüst) sur laquelle on place une table avec un pupitre noir.
Mais ayant l’ambition singulière de faire de son art une religion et de son théâtre une sorte d’église, il comprenait cependant que, dans aucune de ses œuvres, il n’avait montré le chemin de cette régénération, de cette perfection spirituelle, dont il ne se souciait guère, mais qui s’impose à l’homme et à l’humanité comme le but suprême. […] Cependant, le roi malade est retombé sur sa litière, les chevaliers s’éloignent, l’église est vide. […] Le vieillard à barbe grise, le serviteur indigne, croyant qu’il a affaire à un sot, le pousse hors de l’église d’un ton bourru. […] Quand Lohengrin, avant de faire ses adieux à Elsa, révèle son origine devant le peuple entier et parle de Montsalvat, nous ne voyons ni église, ni cortège, ni vase magique, et cependant nous croyons mieux au Saint-Graal et à toutes ses merveilles à travers son messager lumineux que devant le brillant symbolisme de cette religion matérialisée. — C’est qu’il y a dans Lohengrin ce qui manque dans Parsifal : le sentiment de l’au-delà, de l’infini.
Mais une autre diversion bien autrement éclatante se préparait, toute favorable à Rome cette fois, et à l’Église latine. […] Quand ils virent ces hauts murs et ces riches tours dont elle était close, et ces riches palais et ces hautes églises dont il y avait tant que personne ne l’eût pu croire, s’il ne l’eût vu proprement à l’œil ; et quand ils virent le long et le large de la ville, qui de toutes les autres était souveraine, sachez qu’il n’y eut homme si hardi à qui la chair ne frémît par tout le corps ; et ce ne fut merveille s’ils s’en effrayèrent, car jamais si grande affaire ne fut entreprise d’aucunes gens depuis que le monde fut créé.
Non content d’écrire à Louvois pour réclamer des mesures de rigueur, et avant même d’avoir la réponse, Foucault s’adresse au Père de La Chaise pour lui suggérer d’autre part des moyens auxiliaires plus doux ; il propose non plus ici des cavaliers et des dragons, mais d’autoriser une conférence, par exemple, où les points controversés soient agités, disant que les ministres et les principaux religionnaires de ces contrées ne cherchaient qu’une porte honnête pour rentrer dans l’Église : « Ceux, ajoute-t-il, qui sont les plus considérés et les plus accrédités dans le parti m’ont assuré que c’était la seule voie qui pût faire réussir le grand projet des conversions ; que celles de rigueur, de privation des emplois, les pensions et les grâces seraient inutiles. » Dans un voyage qu’il fait à Paris, il en parle également au chancelier Le Tellier, lequel a d’ailleurs peu de goût pour Foucault, et qui ferme l’oreille à sa proposition : « Il la rejeta absolument, disant qu’une pareille assemblée aurait le même succès que le Colloque de Poissy ; que le pape trouverait mauvais que l’on fît une pareille conférence sans sa participation, et me défendit d’en parler au roi. […] les enfants seront portés, d’urgence, à l’église catholique, pour y être baptisés.
La main de l’ambassadeur ne devait pas se laisser apercevoir dans ce mouvement national, « mais il devait tout voir, tout savoir, tout diriger, tout animer. » Un archevêque, un haut dignitaire de l’Église avait paru plus fait qu’un autre pour assister et pousser à cette œuvre militante dans un pays catholique, et comme devant aussi, par son caractère, moins prêter qu’un autre à tout conflit. […] Singulier mélange, en effet, que cet abbé de Pradt, instruit de tant de choses et qui croyait s’entendre à toutes ; homme d’Église qui l’était si peu, qui savait à fond la théologie, et qui avait à apprendre son catéchisme ; publiciste fécond, fertile en idées, en vues politiques d’avenir, ayant par moments des airs de prophète ; écrivain né des circonstances, romantique et pittoresque s’il en fut ; le roi des brochuriers, toujours le nez au vent, à l’affût de l’à-propos dans les deux mondes, le premier à fulminer contre tout congrès de la vieille Europe ou à préconiser les jeunes républiques à la Bolivar ; alliant bien des feux follets à de vraies lumières ; d’un talent qui n’allait jamais jusqu’au livre, mais qui avait partout des pages ; habile à rendre le jeu des scènes dans les tragi-comédies historiques où il avait assisté, à reproduire l’accent et la physionomie des acteurs, les entretiens rapides, originaux, à saisir au vol les paroles animées sans les amortir, à en trouver lui-même, à créer des alliances de mots qui couraient désormais le monde et qui ne se perdaient plus ; et avec cela oublieux, inconséquent, disparate, et semblant par moments sans mémoire ; sans tact certainement et sans goût ; orateur de salon, jaseur infatigable, abusant de sa verve jusqu’à l’ennui ; s’emparant des gens et ne les lâchant plus, les endoctrinant sur ce qu’ils savaient le mieux ; homme à entreprendre Ouvrard sur les finances, Jomini sur la stratégie, tenant tout un soir, chez Mme de Staël, le duc de Wellington sur la tactique militaire et la lui enseignant ; dérogeant à tout instant à sa dignité, à son caractère ecclésiastique, avec lequel la plupart de ses défauts ou, si l’on aime mieux, de ses qualités se trouvaient dans un désaccord criant ; un vrai Mirabeau-Scapin, pour parler comme lui, un archevêque Turpin et Turlupin.
Dans le discours que Victor Hugo me fit l’honneur de m’adresser, quand il me reçut il y a vingt ans à l’Académie dont il était alors directeur, il eut à parler de Port-Royal, des personnages célèbres qui s’y rattachaient, des solitaires, et il les montra « cherchant dans la création la glorification du Créateur, et l’œil fixé uniquement sur Dieu, méditant les livres sacrés et la nature éternelle, la Bible ouverte dans l’église et le soleil épanoui dans les cieux. » C’était magnifique, mais à côté ; la description ne se rapportait pas exactement même aux plus grands des Jansénistes, cœurs profonds, mais à l’œil étroit et qui n’osaient regarder en face, la nature ni le soleil. […] Son idéal au fond, son rêve de bonheur, si elle était libre, si elle n’avait pas son père qu’elle ne peut quitter, ce serait la vie religieuse, celle du cloître ; son vœu secret d’âme recluse lui échappe toutes les fois qu’elle a occasion d’assister à quelque cérémonie de couvent : « Je n’aime rien tant que ces figures voilées, ces âmes toutes mystiques, toutes pétries de dévotion et d’amour de Dieu… Ces robes noires ont quelque chose d’aimanté qui vous attire. » Les plaisirs célestes, les joies mystiques la ravissent quand elle peut en goûter sa part, surtout à Noël, « la plus douce fête de l’année. » Les idées de vocation reviennent la tenter toutes les fois qu’elle va à Albi, au couvent du Bon-Sauveur, ou qu’elle assiste aux offices dans cette belle cathédrale : « Quel bonheur si cela devait durer toujours, si, une fois entrée dans une église, on pouvait n’en plus sortir !
Ce fut nous du moins pendant des siècles ; nous avions arrangé nos affaires pour ne regarder que la terre et l’existence présente, et pour être débarrassés de tout ce qui gênerait l’action : nous avions donné procuration à l’Église de régler pour nous la question de la destinée, de la mort et de l’éternité, de façon à n’y plus penser que dans les courts moments où elle nous établit notre compte. Nous avions soigneusement enclos dans un coin de notre âme les inquiétudes métaphysiques et les tristesses religieuses, de peur de les mêler à notre vie et qu’elle n’en fût troublée : nous les avions, pour plus de sûreté, résolues en idées et eu actes d’accord avec l’Eglise.
Les pédagogues visent à recueillir la succession politique et sociale de l’Église. […] L’Église à laquelle l’école d’aujourd’hui se substitue et dont on apprend par cœur le catéchisme avant d’être admis à la communion ne procède pas autrement pour retenir ses fidèles ; les liens sont de nature fort voisine ici et là. » « L’école nous demande non de nous enquérir de ce que sont les idées, mais de les acquérir ainsi. » Voilà un enseignement qui ne fait guère de place à la spontanéité de l’élève et dont l’idéal semble bien être de faire de lui une machine à répétition.
. — En un seul point Wagner ne s’est point conformé à l’exactitude historique, — c’est en faisant célébrer le mariage de Lohengrin et d’Elsa à l’église ; l’action de Lohengrin se passe au commencement du dixième siècle, or ce n’est guère que vers les onzième et douzième siècles que l’église parvint à imposer le mariage religieux, et dans les descriptions de mariages avant cette époque il n’est jamais question de cérémonies religieuses.