Le livre sera reproduit ainsi comme un objet de lecture réelle sur lequel se seront fixés des yeux humains froids, souriants, émerveillés, hagards, ou à demi clos d’une douleur qui se contient, yeux d’hommes las de vrais spectacles, limpides ou cruels yeux de femme, yeux ternes des oisifs, yeux lumineux d’adolescent qui, se durcissant aux fictions, s’accoutument à la vie. Saisie dans le jour blanc d’un musée ou fixée aux panneaux futilement ornés d’un salon, la toile dont les pigments réfléchissent les diaprures incluses du rayonnement solaire, refleurira par les mots, dans l’accord heurté ou doux à l’œil de ses nuances stridentes ou tragiquement mortes ; et il y aura des cadences de phrase pour la langueur innocente d’un beau corps nu, et des aurores verbales pour l’éveil religieux d’un blond rayon de lumière entre les ténèbres d’un fond où s’effacent de torturés ou humbles visages, et de pénétrantes périodes pour la sagace analyse de quelque froide et mince tète de roi ou de moine surgie du passé, avec ses yeux pleins de pensées mortes et ses traits sillonnés par des passions définitivement réprimées. […] L’on aura atteint au bout de ces travaux le résultat le plus haut auquel tend tout l’embranchement des sciences organiques : la connaissance d’un homme analyse et reconstitué, de ses fibres intérieures, des délicates agrégations de cellules cérébrales traversées par le jeu infiniment mouvant et complexe des ondes récurrentes, de ce centre de la trame intime de vibrations qui, phénomène physiologique pour l’observateur idéal placé au dehors et percevant son envers, est, pour ces cellules mêmes, immatérielles ou s’ignorant matière, de la pensée, des émotions, des douleurs, des joies, des souvenirs d’êtres et de choses, — jusqu’à l’aboutissement même des nerfs infiniment déliés, infiniment ramifiés, qui par des voies encore inconnues, à travers l’encéphale, le cervelet, la moelle allongée et la moelle épinière, recevant les répercussions actives de tout ce travail intérieur, conduiront aux muscles, à l’épiderme, à cette surface de l’homme colorée et conformée, — jusqu’aux êtres qui forment les antécédents de ce corps, — jusqu’à ceux qui le touchèrent ou dont les actes, par des manifestations proches ou lointaines, l’affectèrent, le réjouirent ou le contristèrent, — jusqu’aux cieux qui se reflétèrent dans ses yeux, — jusqu’au sol qu’il foula de sa marche, — jusqu’aux cités ou aux campagnes dont la terre souilla ses pieds et résorba sa chairec.
… » Telle est la pensée intime qu’on pouvait lire en ses yeux. […] Il a gardé une âme aussi neuve que celle d’Adam ouvrant les yeux à la lumière. […] Mais le forfait s’accomplit, et soudain l’œil s’ouvre, et cet œil est aussi terrible que celui qui terrifie le Caïn de la Légende des siècles. […] Prenons le premier chapitre des Yeux clairs. […] Leurs yeux luisent dans un nid de rides.
Spencer a essayé, en étendant et compliquant son explication, d’expliquer en partie la formation de l’œil rudimentaire chez les animaux inférieurs, de l’œil plus complexe chez les animaux supérieurs. […] Fermez les yeux, tout un monde de formes et de couleurs s’anéantit en un instant. […] Nous ne savons même pas sur lequel de nos yeux tombe une image : on peut être aveugle d’un œil depuis des années et ne pas le savoir. […] L’œil est sourd pour le son, l’oreille est aveugle pour la lumière. […] On peut se demander si l’homme né aveugle, mais né avec des yeux, n’a, dans le tout continu de la conscience, absolument rien qui réponde à ses yeux, aucune sensation faible et imperceptible de la lumière qui l’enveloppe.
Le peuple écoute avidement, les yeux élevés et la bouche ouverte, croit que cela lui plaît et, à mesure qu’il y comprend moins, l’admire davantage ; il n’a pas le temps de respirer ; il a à peine celui de se récrier et d’applaudir. […] Pour pouvoir lire une pièce, il faut avoir été assez souvent au théâtre ; car il faut, en lisant une pièce, la voir, la voir des yeux de l’imagination telle qu’on la verrait sur un théâtre. […] Remarquez que, dans la comédie, qui n’a pas ou qui n’est pas tenue d’avoir les mêmes préoccupations artistiques, le même idéal sculptural, il est assez rare qu’un groupe de trois personnages occupant le théâtre en même temps soit présent à nos yeux. […] Mes yeux sont éblouis du jour que je revoi ; Évidemment une main s’élève pour protéger les yeux que la lumière du soleil blesse et meurtrit. […] De même que le bon dramatiste a écrit sa pièce en la voyant, de même le bon lecteur lit la pièce en la dressant devant ses yeux.
Où a-t-elle eu les yeux, d’épouser cette grosse souche d’Alsacien ? […] Quel poète nous dira les douleurs de l’enfant dont les lèvres sucent un sein amer, et dont les sourires sont réprimés par le feu dévorant d’un œil sévère ? […] Vers quatre heures nous arrivâmes au petit château que mes yeux caressaient depuis longtemps. […] En pensant qu’elle pouvait se rappeler ma figure, je voulus m’enfuir ; il n’était plus temps, elle apparut sur le seuil de la porte, nos yeux se rencontrèrent. […] J’avais peur qu’elle ne me surprît les yeux attachés à la place de ses épaules que j’avais si ardemment embrassées.
Cela parle aux yeux, mais cela ne dit pas le mot à l’esprit, ni au cœur. […] L’œil droit va lui tomber de son orbite. […] Ses yeux sont attachés sur les yeux d’Armide. […] Une larme vraie ou fausse lui tombe de l’œil. […] En un mot, la peinture est-elle l’art de parler aux yeux seulement ?
En faisant apparaître certains objets à nos yeux, il nous prépare tacitement à une évolution du drame. […] Du bois blanc habilement peint ne suffira-t-il pas à représenter à nos yeux le meuble le plus précieux ? […] Tout ce qui n’est pas concevable pour nous-mêmes n’est ni vrai ni vraisemblable à nos yeux. […] Loin des yeux des soldats, il est redevenu père, et s’abandonne aux mouvements généreux de son âme. […] Le misérable, en effet, s’est enfoncé dans les yeux une épingle d’or arrachée au cadavre de la reine.
On le suivait des yeux aux flammes de sa tête. […] je sais aussi tous les secrets des cieux, Et vous m’avez prêté la force de vos yeux. […] par le Ciel, elles ont raison. — Du moins, celle-ci qui a les yeux sur moi ne me verra pas baisser la tête. — Oh ! […] vos yeux sont pleins de larmes, et vous souriez. […] Puissent vos beaux yeux ne jamais pleurer et vos lèvres sourire sans cesse !
— Oui, lui répondais-je, avec des sourcils de duvet noir qui commencent à lui masquer un peu les yeux. […] — A-t-elle des yeux longs et fendus, qui s’ouvrent tout humides comme une large goutte de pluie d’été sur une fleur bleue dans l’ombre ? […] Le capitaine fit un signe de l’œil à ses compagnons, et se retourna deux ou trois fois, en me disant adieu avec un air de dire au revoir. […] Nous recommandions bien à Fior d’Aliza de tenir de près ses chevreaux et de ne pas quitter de l’œil les animaux. […] Elle chantait déjà sur la porte qu’elle avait encore une goutte de pleurs sur les cils des yeux.
La maudite beauté de l’enfant ne sortait plus de l’œil du sbire. […] Cependant je vis une larme mouiller ses yeux sans regard, en caressant son ami estropié, le pauvre Zampogna. […] Nous nous regardions quelquefois ainsi par badinage jusqu’à ce que l’eau du cœur nous montât de fatigue dans les yeux ; mais cette eau était aussi pure que celle de la grotte au soleil. […] Il ajouta qu’il s’était levé bien avant le jour, afin d’arriver à la cabane aussitôt que le réveil dans nos yeux et le désespoir dans nos cœurs. […] Là, sans pouvoir être vue de personne, j’essuyai mon front tout mouillé de sueur, mes yeux obscurcis de larmes ; je repris mon haleine essoufflée et je me mis à réfléchir, trop tard, hélas !
J’appelle nombre une phrase d’une certaine longueur qui est bien faite, dont les différentes parties sont en juste équilibre et satisfont l’oreille comme un corps aux membres proportionnés et bien attachés satisfait les yeux : une phrase nombreuse, c’est une femme qui marche bien. […] « Comme un aigle qu’on voit toujours, soit qu’il vole au milieu des airs, soit qu’il se pose sur le haut de quelque rocher, porter de tous côtés ses regards perçants, | et tomber si sûrement sur sa proie qu’on ne peut éviter ses ongles non plus que ses yeux ; | aussi vifs étaient les regards, aussi vite et impétueuse était l’attaque, aussi fortes et inévitables, | étaient les mains du prince du Condé. » Au point de vue de la tenue de l’haleine, il faut scander, je crois, comme j’ai fait ; mais au point de vue de l’harmonie expressive il faut accentuer les mots airs, rocher, perçants, proie, yeux, regards, attaque et inévitables, et alors nous voyons que les choses sont peintes par les mots, et c’est-à-dire, ici, par le rythme général, par les sonorités et par les silences. […] Comme sonorités, le mot rocher, sec et dur, où l’on voit l’aigle comme cramponné ; le mot perçant rappelé par le mot yeux qui dessine si fortement, surtout pour les contemporains de Condé, le trait essentiel de la figure du prince ; le mot attaque, brusque et éclatant ; le mot inévitables qui donne l’impression d’un grand filet où le général enveloppe l’ennemi. […] Voyez ceci, de Renan : « Je suis né, déesse aux yeux bleus, de parents barbares, chez les Cimmériens bons et vertueux qui habitent au bord d’une mer sombre, hérissée de rochers, toujours battue par les orages. […] Les nuages y paraissent sans couleur et la joie même y est un peu triste ; mais des fontaines d’eau froide y sortent des rochers et les yeux des jeunes filles y sont comme ces vertes fontaines où, sur des fonds d’herbes ondulées, se mire le ciel. » Je laisse de côté l’effet de peinture qui est étonnant ; mais j’appelle l’attention sur l’effet rythmique ; il est dans l’opposition, légère du reste, et qu’il serait inepte de marquer comme un contraste, mais dans l’opposition cependant, des sons étouffés, sourds, des tons tristes « mousses marines… au fond des baies solitaires…, nuages sans couleur » et des sons plus clairs, plus chantants, sans avoir rien d’éclatant, de triomphant ni de sonore, « yeux de jeune fille…, vertes fontaines. ., se mire le ciel ».
Nous appelons beauté ce que nos pères, aux yeux desquels l’Univers insoupçonné n’existait pas, appelaient monde, c’est-à-dire un grain de sable perdu dans l’immensité. […] Il ne s’ensuit nullement qu’un palais de Ninive, un temple grec, une cathédrale du Moyen-âge ou un palais de la Renaissance, doivent à nos yeux, perdre leur caractère de beauté ; pas plus qu’Eschyle n’est effacé par Shakespeare ou Shakespeare par Wagner. […] On ne songeait pas que cette laideur se transformerait un jour en beauté pour des yeux moins prévenus. […] Il est à peine nécessaire d’insister sur ce fait que l’architecture dont les produits s’offrent quotidiennement à nos yeux, ou plutôt ce que nous nommons ainsi, n’en est presque toujours que la parodie. […] A ses yeux, il n’y a pas de formule.
Il parlait encore assez mal l’anglais et un de ces hommes lui enfonçait d’un coup de poing son chapeau sur les yeux. […] Jeudi 6 août Oui, œil énigmatique, œil de sphinx que l’œil du chat, œil qui n’est, pour ainsi dire, qu’une réverbération verte, ne s’éclairant par aucune des tendresses humaines du regard d’un chien et même des autres bêtes, œil mystérieux, avec sa pupille en forme de lettre magique, changeante à toutes les heures, œil renfermant de l’inconnu, œil inquiétant, quand il vous observe et vous scrute. […] Pourquoi une figure aimée, souvent regardée, ne revient pas, précisée, arrêtée, lignée, dans votre œil, comme ce bouchon de liège. […] Sur la réponse que je suis sorti, des pleurs lui montent aux yeux, dans l’impossibilité qu’elle a de repasser mercredi. […] L’homme a une élégance fluette, élancée, et des yeux d’une douceur charmante.
Joins au tableau les rugissements des furieux, les accents pitoyables d’un amoureux, et les deux yeux fixes d’un nègre silencieux qui vous regarde comme un oiseau de nuit ; et tu ne te feras encore qu’une faible idée de ce que nous avons vu. […] C’était un Napolitain, agent sanitaire remplissant les fonctions de médecin et venant nous demander de guérir son enfant qui avait mal aux yeux. […] Ce n’est pas impunément qu’on se trouve sur le théâtre de si grands événements ; ce qui doit élever l’âme ne perd pas à être vu de près, et ce petit village en ruines parle bien plus au cœur que ces grandes Pyramides, qui n’étonnent que les yeux. ». […] Transportez-vous de quelques milliers d’années en arrière, n’importe ; c’est toujours la même physionomie que vous avez devant les yeux. […] Autrement ils écoutent, ne répondent qu’après avoir jugé et regardent attentivement leur interlocuteur ou ce qui se passe sous leurs yeux.
Elle était toute pareille à lui ; mêmes yeux, même regard. […] C’étaient surtout ces yeux de vieux chien qui remuaient Lazare, des yeux devenus troubles, obscurcis d’un nuage bleuâtre, vagues comme des yeux d’aveugle. […] On pouvait le fixer avec les yeux, comme on fait pour la lune. […] En sentant les parfums de son sein, je fermai les yeux. […] Il ferma les yeux pour la toucher.
L’étonnement se manifeste par les yeux ouverts, les sourcils élevés, la bouche ouverte, les mains levées. Si les yeux s’ouvrent, c’est qu’ils font un effort pour mieux voir l’objet qui étonne ; un degré de plus, et l’ouverture des yeux marquera l’effroi. […] La bouche, organe du goût, le nez, organe de l’odorat, les mains et la surface du corps, organes du toucher, les oreilles, les yeux prennent toujours une part directe ou indirecte à l’expression de tout sentiment. […] Selon lui, les larmes sont une sécrétion destinée à protéger l’œil contre les insultes mécaniques, parce qu’elles débarrassent l’œil des corps irritants ; les impressions pénibles de la vue, puis les impressions générales de tristesse, même morale, se sont liées peu à peu à la sécrétion des larmes. […] Des cris prolongés ont amené inévitablement l’engorgement des vaisseaux sanguins de l’œil, engorgement qui a dû provoquer, d’abord d’une manière consciente et ensuite par le simple effet de l’habitude, la contraction des muscles qui entourent les yeux pour protéger ces organes.
» — « Elle souriait quelquefois, arrêtant sur lui ses yeux une minute. […] Bientôt, cherchant à lire dans mes yeux, comme pour pénétrer mes secrets : 2. « Oh ! […] Nos yeux ont la couleur et l’éclat du ciel ; Nos cheveux sont si beaux que tes Romaines nous les empruntent pour en ombrager leurs têtes. […] Les jeunes filles folâtraient sous l’œil des religieuses ; Le regard de l’impeccabilité ne gêne pas l’innocence. […] J’aperçois tes yeux dans les flammes des phalariques et sur la dorure des boucliers !
Il est tout frisotté, avec une figure joufflue, de beaux yeux caressants, un petit air endormi. […] Il n’a gardé que ses yeux et sa voix. […] — Ne faites pas vos yeux jaunes, dit Hébert, en se défendant mollement. […] Tout à coup son œil s’allume et elle s’écrie avec une bouche humide : « Mon Dieu ! […] Je vois à la princesse les yeux rouges.
Comment dit-on d’une tête réelle qu’elle est bien dessinée, tandis qu’un des coins de la bouche relève tandis que l’autre tombe, qu’un des yeux est plus petit et plus bas que l’autre, et que toutes les règles conventionnelles du dessin y sont enfreintes dans la position, les longueurs, la forme et la proportion des parties ? […] C’est que celui-ci ne s’est jamais occupé de l’imitation rigoureuse de la nature ; c’est qu’il a l’habitude d’exagérer, d’affaiblir, de corriger son modèle ; c’est qu’il a la tête pleine de règles qui l’assujettissent et qui dirigent son pinceau, sans qu’il s’en apperçoive ; c’est qu’il a toujours altéré les formes d’après ces règles de goût et qu’il continue toujours de les altérer ; c’est qu’il fond, avec les traits qu’il a sous les yeux et qu’il s’efforce en vain de copier rigoureusement, des traits empruntés des antiques qu’il a étudiés, des tableaux qu’il a vus et admirés et de ceux qu’il a faits ; c’est qu’il est savant, c’est qu’il est libre, et qu’il ne peut se réduire à la condition de l’esclave et de l’ignorant ; c’est qu’il a son faire, son tic, sa couleur auxquels il revient sans cesse ; c’est qu’il exécute une caricature en beau, et que le barbouilleur, au contraire, exécute une caricature en laid. […] C’est que l’œil du peuple se conforme à l’œil du grand artiste, et que l’exagération laisse pour lui la ressemblance entière. Il ne s’avise point de chicaner, il ne dit point : cet œil est trop petit, trop grand ; ce muscle est exagéré, ces formes ne sont pas justes ; cette paupière est trop saillante, ces os orbiculaires sont trop élevés : il fait abstraction de ce que la connaissance du beau a introduit dans la copie.
Il est désolé, et me dit qu’il était décidé à faire cette illustration, lorsque son médecin lui a déclaré, que s’il faisait de l’eau-forte, dans l’état où sont ses yeux, il perdrait la vue. […] Viaud, en pékin, est un petit monsieur, fluet, maigriot, aux yeux profonds, au nez sensuel, à la voix ayant le mourant d’une voix de malade. […] » — et je vois mon pauvre de Nittis, avec la figure d’un vilain jaune, et une inquiétude hagarde des yeux, dont j’ai peur. […] » s’écrie la malheureuse femme, se plantant devant vous, avec une interrogation folle des yeux et de la bouche, et sur votre silence, reprenant sa course, le dos baissé. […] Je la vois la chère petite, aux yeux si bleus, aux cheveux si blonds, ne voulant pas s’asseoir à côté de moi, et se plaçant dans le fiacre, sur le rebord du bas de la portière, pour mieux me voir, pour mieux me manger des yeux, dans cette contemplation aimante, et comme agenouillée, qu’ont les enfants pour ceux qu’ils adorent.
Cette confession effrontée, Lydie la fait avec une légère ivresse ; elle s’y complaît et elle insiste, la flamme aux yeux, le sourire aux lèvres. […] Voilà un homme qui se dégrise et qui se refroidit à vue d’œil. […] Séverine l’interroge ardemment, les yeux sur ses yeux. […] Cette femme de marbre excite pourtant des passions effrénées ; il y a de la magie dans ses yeux de diamant qu’aucune larme n’a jamais ternis. […] L’homme pâlit de rage, ses yeux s’injectent, sa voix devient rauque : « L’amant ?
Non seulement l’action puissante de nos sociétés modernes ne signifie rien à ses yeux pour la grandeur ou la beauté d’un monde futur, mais l’impiété lui paraît régner sans conteste sur les hommes de son temps. […] Se résigner à ne voir la nature que d’un œil ingénu, c’est quelque chose. […] Ce portrait est pénétré d’une profonde mélancolie, d’un indicible abandon, d’une étrange résignation, depuis les yeux à l’éclat affaibli jusqu’aux mains admirablement dessinées, lasses et comme incapables d’action. […] Si l’on jette ensuite les yeux sur le second, la différence éclate. […] Il semblerait qu’entre l’œil du peintre et son modèle, l’air ait été préalablement absorbé par quelque immense machine pneumatique.
Mais, après la guerre, toute une période de l’art finit brusquement, et le public tourna alors les yeux vers ce qu’on lui avait tant prôné. […] A qui pourra-t-on faire croire que, lorsque Wagner s’occupe de la perception de l’œil ou de l’oreille, il ne s’intéresse et ne veut parler que de l’ouïe et de la vue allemandes ? […] Nous avons dit qu’autant l’œil était orienté vers la lumière, autant l’oreille était égarée sur l’origine du son. […] La distance de l’objet à nous se mesurera pour notre œil par la trace que laisse, en coupant le terrain, un plan mené par l’axe vertical du personnage et la droite menée de son pied à notre œil. […] Toutes ces illusions s’imposent à des yeux constamment fixés sur les mêmes points, et facilement dominés.
Tout se réfléchit dans ces yeux-là, tout converge vers eux, s’y précipite en images successives, et ils retiennent tout. […] Peintre, il a voulu appliquer à la composition du livre les ressources d’observation que lui fournissait son œil, ou, si vous aimez mieux, son tempérament d’artiste. […] Ces deux passages, d’une pénétration si remarquable, procèdent directement de cette faculté que j’ai appelée le don de l’œil. […] » Voilà, si je ne me trompe, des tableaux singulièrement bien vus, par des yeux savants et justes. […] Il est enfin chez lui, dans le véritable domaine de sa pensée et de ses yeux.
Vous m’ouvrez les yeux. […] Et de nouveau il ferma les yeux. […] murmura le cordonnier en clignant de nouveau les yeux. […] » s’écria la veuve en roulant des yeux effarés. […] Il détourna la tête, ferma les yeux, ouvrit les mains….
La nature en cela n’avait rien laissé à désirer dans les yeux, dans la chevelure, dans les traits, dans les bras, dans tout le galbe enfin de madame de Bombelles. […] Sa figure aussi douce qu’intelligente, ses yeux bleus, ses cheveux blonds, sa taille souple, sa physionomie heureuse sous un voile de mélancolie paisible, plaisaient aux regards impartiaux. […] C’était une des plus belles jeunes filles des Alpes du midi qui eût jamais ravi mes yeux ; je n’ai retrouvé cette beauté accomplie, à la fois idéale et incarnée, que dans la race grecque ionienne, sur la côte de Syrie. […] À ces mots, la jeune mère se leva, pressa son enfant contre son cœur d’un mouvement sensible et presque convulsif, tourna ses yeux humides du côté de la mer et les essuya avec la manche de sa veste verte. […] c’est bien vrai, que j’en ai bien vu tomber et renaître de ces chères feuilles de notre gros arbre, dit-elle en écartant de sa main amaigrie les mèches de ses cheveux blancs, qui lui tombaient de son front sur les yeux.
. — Un nom d’individu est une sensation ou image des yeux ou des oreilles, qui évoque en nous un groupe d’images plus ou moins expresses. […] Vos yeux ne distinguent rien de plus. […] Des associations de ce genre se rencontrent à chaque instant. — On lève la nuit les yeux vers le ciel étoilé, et l’on se dit que chacune de ces pointes brillantes est une masse monstrueuse semblable à notre soleil. — On marche dans les champs vers le soir en automne, on remarque des fumées bleues qui montent tranquillement dans les lointains, et à l’instant on imagine sous chacune d’elles le feu lent que les paysans ont allumé pour brûler les herbes sèches. — On ouvre un cahier de musique, et, pendant que le regard suit les ronds blancs ou noirs dont la portée est semée, l’ouïe écoute intérieurement le chant dont ils sont la marque. — Un cri aigu d’un certain timbre part d’une chambre voisine, et l’on se figure un visage d’enfant qui pleure parce que sans doute il s’est fait mal. — La plupart de nos jugements ordinaires se composent de liaisons semblables. […] Telle courte et petite sensation entrée par les yeux ou l’oreille a la propriété d’éveiller en nous telle image, ou série d’images, plus ou moins expresse, et la liaison entre le premier et le second terme de ce couple est si précise qu’en cent millions de cas et pour deux millions d’hommes le premier terme amène toujours le second. […] — Non certes ; ses yeux couraient trop vite ; il y a une différence notable entre l’opération précédente et l’opération présente.
C’était de la chair vive avec du granit brut, Une immobilité faite d’inquiétude, Un édifice ayant un bruit de multitude, Des trous noirs étoilés par de farouches yeux, Des évolutions de groupes monstrueux, De vastes bas-reliefs, des fresques colossales ; Parfois le mur s’ouvrait et laissait voir des salles, Des antres où siégeaient des heureux, des puissants, Des vainqueurs abrutis de crime, ivres d’encens, Des intérieurs d’or, de jaspe et de porphyre ; Et ce mur frissonnait comme un arbre au zéphire ; Tous les siècles, le front ceint de tours ou d’épis, Étaient là, mornes sphinx sur l’énigme accroupis ; Chaque assise avait l’air vaguement animée ; Cela montait dans l’ombre ; on eût dit une armée Pétrifiée avec le chef qui la conduit Au moment qu’elle osait escalader la Nuit ; Ce bloc flottait ainsi qu’un nuage qui roule ; C’était une muraille et c’était une foule ; Le marbre avait le sceptre et le glaive au poignet, La poussière pleurait et l’argile saignait, Les pierres qui tombaient avaient la forme humaine. […] * Il n’est pas de brouillards, comme il n’est point d’algèbres, Qui résistent, au fond des nombres ou des cieux, À la fixité calme et profonde des yeux ; Je regardais ce mur d’abord confus et vague, Où la forme semblait flotter comme une vague, Où tout semblait vapeur, vertige, illusion ; Et, sous mon œil pensif, l’étrange vision Devenait moins brumeuse et plus claire, à mesure Que ma prunelle était moins troublée et plus sûre. […] Et sur la vision lugubre, et sur moi-même Que j’y voyais ainsi qu’au fond d’un miroir blême, La vie immense ouvrait ses difformes rameaux ; Je contemplais les fers, les voluptés, les maux, La mort, les avatars et les métempsycoses, Et dans l’obscur taillis des êtres et des choses Je regardais rôder, noir, riant, l’œil en feu, Satan, ce braconnier de la forêt de Dieu. […] * Tandis que je songeais, l’œil fixé sur ce mur Semé d’âmes, couvert d’un mouvement obscur Et des gestes hagards d’un peuple de fantômes, Une rumeur se fit sous les ténébreux dômes, J’entendis deux fracas profonds, venant du ciel En sens contraire au fond du silence éternel ; Le firmament que nul ne peut ouvrir ni clore Eut l’air de s’écarter. […] Ce n’était plus, parmi les brouillards où l’œil plonge, Que le débris difforme et chancelant d’un songe, Ayant le vague aspect d’un pont intermittent Qui tombe arche par arche et que le gouffre attend, Et de toute une flotte en détresse qui sombre ; Ressemblant à la phrase interrompue et sombre Que l’ouragan, ce bègue errant sur les sommets, Recommence toujours sans l’achever jamais.
Celles-ci sont sans ailes, noires et horribles ; elles ronflent avec un souffle farouche, leurs yeux distillent une bile affreuse. […] Son œil rayonnant pénètre les cœurs et discerne l’intention de la faute. […] Pourquoi donc, d’ailleurs, leur justice partiale n’a-t-elle qu’un œil et qu’un bras ? […] Mais elles le cernent de leurs yeux ardents, de leurs griffes avides, de leurs langues de vampires furieusement tirées ; pareilles à des dogues tournant autour du cerf abattu, et que contient l’œil du maître qui les empêche de le dévorer. — « Il faut que ton corps abreuve ma soif, il faut que je boive le rouge breuvage à ton corps vivant ! […] Un éclair rapide passe dans ses yeux, qui les avertit du tonnerre : — « Qu’ai-je besoin de paroles, sûre comme je suis de l’appui de Zeus ?
A-t-il les yeux mauvais, l’brigand ! […] T’as beau roulé tes gros yeux, va ! […] dit-elle, toujours sans le quitter des yeux. […] C’est ainsi qu’il y faisait des yeux ! Les yeux étaient nombreux, je ne dis pas, mais quels yeux !
Jones, vint par hasard à tomber sous mes yeux. […] (Jetant les yeux derrière elle tout en courant.) […] (Sacountala baisse les yeux avec modestie.) […] » (Sacountala baisse modestement les yeux.) […] (Sacountala le baise, les yeux humides de larmes.)
Sacountala , jetant les yeux sur le roi en proie au plus amer repentir, à part. […] Sacountala , jetant dans ce moment les yeux sur l’anneau du roi. […] Vous le jugez mal : une statue d’or de sa chère Sita est sans cesse sous ses yeux. […] Dans leurs yeux, dans leurs gestes, ces jeunes gens déploient quelque chose de royal. […] Ce visage de la fille de Djanaka, beau comme le lotus, est toujours devant mes yeux : telles étaient ses dents, aussi blanches que des perles ; telle était sa lèvre délicate, son oreille arrondie, son œil expressif, quoique leur regard ait quelque chose de la fierté de l’homme… Leur demeure est dans ces bois ; ce sont ceux où Sita fut abandonnée, et ces enfants lui ressemblent.
Le beau jeune homme se remet à vue d’œil ; elle, au contraire, tantôt glacée, tantôt brûlante, languit d’une incurable fièvre. […] On interroge Bradamante ; elle baisse les yeux et se tait, ne voulant ni mentir ni déjouer la bonne intention de Marphise. […] Thérésina, les yeux couverts par les tresses dénouées de ses fins cheveux blonds, dormait au branle de la gondole sur le bras de marbre de sa mère. Léna tantôt souriait par complaisance pour le professeur, tantôt paraissait rêveuse suivre de l’œil sur la mer les fantômes du poète ou d’autres fantômes de son propre cœur. […] Mais quand il n’y a plus, comme à notre âge, ni volcan dans le cœur, ni larmes dans les yeux, pour avoir trop brûlé et trop pleuré peut-être, oh !
Ilm’en était resté dans les yeux et en même temps dans le cœur une première impression très-agréable ; des yeux très-noirs (Bonstetten avait dit seulement bleu foncé, mais Alfieri dut y regarder de plus près) et pleins d’une douce flamme, joints, chose rare ! […] Au lieu de fulminer contre les défauts du poète, ces défauts qui sautent aux yeux, pourquoi ne pas nous intéresser à lui ? […] Voilà la lèvre vermeille, l’œil noir, le sein qui triomphe du lis, les règles chéries de toutes mes hautes pensées. Avec moi, la vivante image ou veille ou dort ; tantôt je la baise, ou je la renferme, ou je la reprends ; tantôt je me l’applique au cœur, tantôt aux yeux, comme un homme qui a perdu les sentiers de la raison. […] Qui donc, d’une si barbare manière, m’a séparé de la douce source de ma vie, des beaux yeux noirs qui m’ont conquis le cœur, et qui ont guéri de toute erreur mon esprit ?
Et elle se tourna, — son sein secoué par un soudain orage de soupirs. — Toute son âme brillait comme une aube dans la profondeur de ses yeux noirs. […] Ses yeux sont appesantis et vitreux ; oublie que c’est de vin […] comme à ses yeux tout se transfigure ! […] Que de soin, quelle propreté, comme tout est disposé, entretenu, épuré pour le bien-être des sens et pour le plaisir des yeux ! […] Il a si bien peint l’expression changeante de ces yeux fiers ou candides !
Ce qui badine est rarement coupable à leurs yeux indulgents. […] Le cruel amour, envieux de mon bonheur, me fit paraître plus belle que toutes les autres belles de la cour aux yeux du duc d’Albanie. […] Ce sont les belles larmes, ajouta-t-elle encore en badinant et en passant, pour les étancher, un flocon de ses beaux cheveux blonds et souples sur les yeux humides de Thérésina. […] Je vivrais cent mille ans, que le groupe charmant que je contemplais en élevant mes yeux vers l’arbre ne s’effacerait pas de ma mémoire. La lecture de Ginevra avait laissé une légère teinte de gravité douce sur le visage de la comtesse Léna, et quelques folles larmes sur le fond d’azur des yeux de Thérésina
» Et ses yeux, pleins de la colère de son cœur, me fouillaient les yeux. […] Je l’examine de près, la vitre a coupé la paupière supérieure et inférieure de l’œil droit. […] Edmond, qui a des éblouissements causés par le sang, ne me dit pas ce qu’il craint : d’avoir l’œil crevé. […] l’œil n’a rien. […] Le vague de ses yeux semble, par moments, se lever au plafond, comme au ciel.
Je n’en détournai plus les yeux. […] À vrai dire, je ne dors jamais que d’un œil, comme on dit, et, le roulis me manquant, j’ouvris les deux yeux. […] Il me suivait de l’œil ; je lui pris le bras ; j’étouffais, ma foi ! […] J’en avais autant au moins sur la figure, moi, et d’autres gouttes aux yeux. […] J’ai craint de l’examiner, et j’ai longtemps détourné de lui mes yeux.
… N’est-il pas temps, au moins, d’examiner, d’un œil moins idolâtre que les beaux yeux de madame de Staël, le génie de l’Allemagne, ses travaux, sa place, enfin, dans le monde de l’intelligence ? […] Un drame a sa logique, même aux yeux. […] … Gœthe est un œil beaucoup plus qu’un cerveau, et qui s’en vante. […] Les mots suprêmes viennent aux lèvres, les larmes déjà sont aux yeux. […] Cet homme des yeux, qui ne parlait que de ses yeux, qui ne vivait que par ses yeux, ne leur donna jamais des bains d’or et de pourpre.
Cette pièce, pourtant, n’est pas toujours onction et douceur ; elle devient parfois une extase, un délire, la voix du poète s’élève, éclate, et il s’écrie avec la trompette des anges, avec la lèvre ardente des prophètes : Mon âme a l’œil de l’aigle, et mes fortes pensées Au but de leurs désirs volant comme des traits, Chaque fois que mon sein respire, plus pressées Que les colombes des forêts, Montent, montent toujours, par d’autres remplacées, Et ne redescendent jamais ! […] Ses blonds cheveux flottent encore, Les fraîches couleurs de l’aurore Teignent toujours son front charmant, Et dans l’azur de sa paupière Brille encore assez de lumière Pour fasciner l’œil d’un amant ! […] La vie entière et ses faux biens repassent, un à un, sous ses yeux ; il vide encore une fois le calice, et, quand il est aux dernières gouttes, il s’écrierait volontiers aussi : « Ô mon Dieu, détournez-le de moi ! […] Un jour, en Sicile, sur les flancs de l’Etna, au lever du soleil, il était assis, non pas seul, mais une autre main dans sa main, un autre œil sur le sien, une autre voix mariée à sa voix. […] Nous avons insisté sur ce poème, parce que l’éclat et la multiplicité des détails auraient pu dérober au lecteur l’harmonie de la composition ; nous l’avons analysé et souvent traduit en prose, parce que le voile de poésie est si brillant chez M. de Lamartine que l’œil est tenté parfois de s’y arrêter, comme l’oreille à l’enchantement de sa mélodie, sans trop s’inquiéter de pénétrer au-delà.
Quelle est la tête de la Tour autour de laquelle l’œil ne tourne pas ? […] l’œil est arrêté ; il se repose. […] La perspective rapproche les parties des corps ou les fait fuir, par la seule dégradation de leurs grandeurs, par la seule projection de leurs parties vues à travers un plan interposé entre l’œil et l’objet, et attachées ou sur ce plan même, ou sur un plan supposé au-delà de l’objet. […] Celui qui éteint la lumière s’impose la nécessité de donner du corps à l’air même, et d’apprendre à mon œil à mesurer l’espace vide par des objets interposés et graduellement affaiblis. […] Une loi assez générale, c’est qu’il n’y ait au fond aucune teinte qui comparée à une autre teinte du sujet, soit assez forte pour l’étouffer ou arrêter l’œil.
À nos yeux, c’est dans ce contraste que gît tout le charme de Topffer et le secret de son succès. […] Le bel œil bleu, à fleur de tête, de cet honnête Topffer, est un œil de myope, un œil qui glisse, qui n’étreint point, qui ne pénètre pas. […] A nos yeux, il y a telles pages dans l’ouvrage de Topffer (et elles sont nombreuses) où l’on dirait Buffon traduisant le poème de Haller sur les Alpes, avec cette plume qui écrivit les Époques de la Nature. Rappeler Buffon après avoir rappelé Montaigne, et avec cela rester très individuel, très soi-même, un vrai humouriste, qu’on aime à lire, qui séchera suavement nos larmes ou reposera délicieusement nos yeux, quand nous les aurons mouillés par Sterne ou éblouis par Jean-Paul, n’est-ce donc pas assez pour la gloire d’un homme, fût-il même le compatriote de Rousseau ?
Tout cela est trop en lumière, trop évident, trop manifeste pour des yeux non prévenus. […] Fermons les yeux. […] Il savait, sans les voir, combien ces yeux étaient beaux. […] Nos yeux connaîtront les larmes des retours ! […] Dans nos yeux d’hommes peut-être, qu’ils boursoufflent et tuméfient.
La première impression de la vie, la première image qui se soit incrustée dans nos yeux d’enfant, ces yeux qui grandissent tout ce qu’ils regardent, quand nos yeux d’homme le diminuent et finissent, de désabusement ou de mépris, par ne plus le voir ! […] En effet, qui de nous, quand il était enfant, n’a pas eu sa Bible illustrée, n’a pas penché son jeune front, curieux ou rêveur, sur quelques images, plus ou moins bien exécutées, qui nous faisaient entrer dans l’esprit le texte sacré par les yeux ? […] Nous avons fait l’éducation de nos yeux et de notre pensée. […] Qu’il me permette de le lui dire : il y a des rabâchages de physionomies, d’attitudes et de sentiments, très explicables du reste avec la tâche qu’il s’est imposée de dramatiser pour les yeux l’histoire du peuple, de tous les peuples, le plus identique à lui-même. […] les pierres qui tombent ne vous fassent pas peur et qu’en fermant les yeux l’imagination les voie terribles ; Jonathas devant l’armée de Nicanor, où la ligne des éléphants est d’une originalité si formidable ; les Plaies d’Egypte, entre autres la Plaie des ténèbres, où les bêtes rampantes qui se coulent, dans le noir de la nuit, le long des escaliers, où gisent tant d’êtres humains aveuglés de ténèbres et de désespoir, sont du Martynn heureusement retrouvé ; etc.
Son œil bleu, très doux, mais très éclairé d’arrières-lueurs, regarde timidement la foule et hardiment le ciel ; ses joues sont fraîches, de la fraîcheur du lait des montagnes où il est né et où il habite ; le frisson des Alpes court sur sa peau et la rend tour à tour, au souffle de l’inspiration, pâle ou vermeille. […] Des groupes de jolies pêcheuses, trempant leurs jambes nues dans l’eau transparente, et se jetant, avec de joyeux rires, les gouttelettes de l’eau de leurs filets au visage, forment à chaque tournant sous vos yeux de vrais paysages du Poussin. […] C’est une accumulation de hautes cimes noires qui semblent se défier les unes les autres à qui s’élèvera le plus haut et le plus abruptement dans l’éther, et qui ferment d’une barrière infranchissable à l’œil l’horizon jusque-là ouvert devant vous. […] Le vallon de Saint-Claude surtout, dont la ville se confond au fond d’une gorge avec les falaises grises de ses rochers, a une profondeur, des tourments, des anfractuosités, des abîmes, des vertiges qui fascinent les yeux du haut de ces divers plateaux qui la dominent de si haut et de si loin ; je n’ai vu de pareils effets de perspective dans les profondeurs que dans le Liban, quand au pied des cèdres on plonge de l’œil sur la petite ville industrielle de Zharklé, pleine de couvents et de fabriques d’armes, sur les deux marches d’un ravin, dans une anse, entre deux parois perpendiculaires de rochers crénelés de sapins. […] Ces lignes sont la métaphysique des édifices humains, nombres, géométrie, symétrie, décorations, tout cela construit en plus ou moins grande proportion, selon le génie de l’artiste, ce beau qui est l’idéal des yeux comme la musique est l’idéal de l’oreille, comme l’éloquence est l’idéal de la logique, comme la poésie est l’idéal de l’imagination et du sentiment.
Fuyez confondus avec la rapidité de la paupière qui s’ouvre et qui se ferme sur l’œil ! […] et celui qui a aplani l’œil ne verra-t-il pas ? […] « Je lève mes yeux vers les montagnes d’où me viendra ton secours ! « De même que les yeux de l’esclave sont fixés sur les mains de son maître, de même que les yeux de la servante sont attachés aux mains de sa maîtresse, de même, ô Jéhovah ! mes yeux sur mon Dieu !
Le même auteur dit aussi en parlant des masques des tragédies qui doivent être caracterisez, que celui de Thamiris, ce fameux témeraire que les muses rendirent aveugle, parce qu’il avoit osé les défier, devoit avoir un oeil bleu et l’autre noir. […] On pourroit dire pour défendre l’usage du masque, qu’il ne cache point au spectateur les yeux du comédien. […] Nos yeux seuls sont capables d’enseigner distinctement tout ce qui se passe sur le visage, et pour user de cette expression, ils le font voir tout entier malgré le masque. L’imagination supplée, continuera-t-on, ce qui nous est caché, et quand nous voïons des yeux ardens de colere, nous croïons voir le reste du visage allumé du feu de cette passion. […] C’est sur le visage que l’ame se peint, et les yeux sont la partie du visage, qui, pour ainsi dire, nous parle le plus intelligiblement.
Des larmes leur montèrent aux yeux. […] Ses yeux devinrent humides. […] Et tous ont des paupières qui se lèvent et s’abaissent, des yeux en amande, des yeux qui regardent et des regards qui pensent, des regards d’êtres humains très tristes en exil. […] Leur petite face mièvre n’a que des yeux. Il y a des yeux cernés de fatigue, des yeux douloureux de phtisiques, des yeux de malades que l’on bat ; et ces yeux vont, viennent, coulent, glissent, élargissent par les plis de la face leur poignante tristesse, poursuivant continuellement des pensées insaisissables, errant sur les barreaux, sur leurs mains tristes.
Toute la vie est un secret, une sorte de parenthèse énigmatique entre la naissance et l’agonie, entre l’œil qui s’ouvre et l’œil qui se ferme. […] ôte-toi de mes yeux ! […] Tes os sont desséchés, ton sang est glacé ; rien ne se reflète dans ces yeux que tu ouvres ainsi. […] Fuyez, mes yeux. — Quoi ! […] Les assassins entrent et tuent son fils sous ses yeux.
Pour moi, qui jusqu’ici n’ai pas pu voir de près et par mes yeux le modèle que M. […] Toutes trois ont à mes yeux la même importance. […] L’œil suit d’heure en heure toutes les transformations de la plante. […] Il entrevoyait d’un œil serein et découvrait aux yeux éblouis les clartés les plus splendides, mais il ne dédaignait pas d’abaisser son regard vers le spectacle des vulgaires douleurs. […] Elle ménage la lumière à ses yeux ignorants.
Leurs yeux sont gros de pleurs, & leur visage exprime La grandeur de leur peine & l’horreur de leur crime. Voici comme il décrit le Colosse de Rhodes : Que l’Isle où le Soleil chaque jour se récrée, Ne vante plus l’image à ce Dieu consacrée, Ce superbe Colosse en qui l’art des humains Consomma tant de jours, & lassa tant de mains, Dont la tête élevée au delà du tonnerre, Et les pieds embrassant & la mer & la terre, Sembloient, en leur stature épouvantable aux yeux, Joindre ensemble la mer, & la terre & les cieux. […] Dans les bras de ce Dieu, cette Déesse nue Dissipe l’épaisseur d’une profonde nue, Et paroît, à nos yeux, telle que le Soleil, Sur les bords d’Orient, au point de son réveil : Son teint blanc & vermeil montre son innocence ; Les Princes & les Dieux redoutent sa puissance : C’est elle qui confond l’artifice & l’erreur, Qui rend aux bons l’amour, aux méchans la terreur. […] Après avoir fait voir les deux armées aux prises, & avoir peint d’une maniere énergique la défaite du Duc, il lui adresse ainsi la parole : Grand Héros, qu’un excès d’amour & de valeur Engage aveuglément dans le dernier malheur, Tous tes autres exploits ont mérité de vivre ; Ils vivront à jamais sur le marbre & le cuivre : Tes sublimes vertus, dignes d’un meilleur sort, Effacent, à nos yeux, la honte de ta mort ; Et les siecles futurs, francs de haine & d’envie, Ne doivent pas juger de l’état de ta vie, Par l’instant malheureux qui surprit tes beaux jours D’une éclipse fatale au milieu de leur cours.
Ce n’est qu’après un long silence admiratif qu’elle a dit tout bas, que la perfection de la tête ne répondait pas tout à fait à celle du corps ; cette tête est belle pourtant, ajoutait-elle, beaux enchâssemens d’yeux, belle forme, belle bouche, le nez beau, quoiqu’il pût être plus fin. Elle était tentée d’accuser le cou d’être un peu court, mais elle se reprenait en considérant que la tête était inclinée. à son avis, le goût de la coëffure pouvait être plus grand ; mais lorsque l’œil s’arrêta sur les épaules, elle ne put s’empêcher de s’écrier : les belles épaules ! […] Il en faut convenir, toute cette figure est parsemée de charmes imperceptibles pour lesquels il y a des yeux, mais il n’y a pas de mots. […] Le courage et le mérite de l’artiste en redoublent à mes yeux.
Quant aux yeux, il n’en exista jamais de pareils. […] La procureuse, qui guignait de l’œil le nouveau venu, lui dit : « M. […] Le présent n’existait guère à ses yeux, et il ne vivait que dans le passé. […] Les poitrines sont oppressées, l’inquiétude se lit dans tous les yeux. […] Rentré dans les brumes du Nord, il garda toujours dans l’œil le soleil de là-bas.
Le monde champêtre et ses ineffables charmes pour les yeux, pour les oreilles, pour l’imagination et pour le cœur, leur sont interdits ! […] que ne verriez-vous pas des yeux de l’âme à travers cette fumée ? […] Il avait honte devant les Phéaciens de laisser couler les larmes de ses yeux. […] Reprenons la description des étables, et voyez encore si elles sont moins vives à vos yeux que celle du palais. […] Eumée tout en larmes baise la tête, les yeux, les mains de son jeune maître. « D’où nous vient cet étranger ?
En 1830, la révolution qui nous affranchit d’un régime rétrograde l’exalte et le transporte comme un jeune homme : « La France, s’écrie-t-il, a relevé l’humanité à mes yeux. » Il croit voir s’ouvrir une ère nouvelle ; et les mécomptes du lendemain aussi, il les ressent presque comme l’un des nôtres. S’il croit apercevoir chez nous, vers la fin de sa vie (1842), corruption et décadence, il s’en attriste ; il a beau être redevenu Genevois ou cosmopolite, la France, à ses yeux, est comme le cœur de l’humanité. […] Cette métairie, c’est la sienne, et que le propriétaire s’est mis à décrire avec amour et complaisance, tandis qu’il l’avait sous les yeux. Il faut savoir que Sismondi avait ou aura les yeux fort mauvais, des yeux impossibles pour un peintre ; il ne distinguait que de près et imparfaitement. […] Il faudra donc que ce quelqu’un-là ait la double attention d’ouvrir les yeux sur ses propres défauts pour les réprimer, et de les tenir strictement fermés sur ceux de sa compagne.
Et d’abord, les idées égalitaires sont à nos yeux des « pratiques ». […] Elles sont à nos yeux tournées non vers le fait, mais vers l’action. […] Mais tandis que les choses échangées n’ont de prix que pour ceux qui les échangent, les hommes associés ont à nos yeux un prix en eux-mêmes et pour eux-mêmes. […] Si donc l’idée de l’égalité exclut à nos yeux celles de la classe ou de l’espèce, elle réunit celles de l’individualité et de l’humanité : en d’autres termes, dans un esprit qui déclare les hommes égaux, le sentiment qu’ils sont semblables n’exclut nullement, le sentiment qu’ils sont différents. […] Mais il suffit qu’on les ait aperçus dans leur généralité pour saisir ce qui constitue à nos yeux l’essence même des idées égalitaires.
Parmi les vertébrés vivants, nous ne trouvons que fort peu de différence dans la structure de l’œil, bien que pourtant le poisson Amphioxus ait un œil extrêmement simple et sans cristallin. […] L’une est celle des yeux à stemmates nommés yeux simples, pourvus d’une lentille et d’une cornée ; l’autre est celle des yeux composés, qui agissent par exclusion des rayons qui viennent de tous les points du champ de la vision, excepté le pinceau lumineux qui arrive sur la rétine, suivant une ligne perpendiculaire à son plan. […] Ainsi, dans l’œil du Meloé, les facettes de la cornée sont légèrement convexes, intérieurement et extérieurement, c’est-à-dire en forme de lentille. […] En somme, la structure de l’œil composé présente tant de diversité, que Müller en a fait trois classes principales avec non moins de sept subdivisions. […] Il semble tout naturel de comparer l’œil à un télescope.
Laure avait les plus beaux yeux du monde, brillants et tendres. […] Les yeux de la semeuse dardent des traits trop brûlants et trop rigoureux. […] Je ne parle pas de leurs arts respectifs ; la différence en cela saute aux yeux. […] Qu’elle est belle à mes yeux cette Nuit endormie ! […] C’était une belle fille avec des yeux spirituels et de superbes cheveux d’or.
Leurs yeux sont peints de noir et leur visage mi-parti rose et pâle. […] Aujourd’hui, j’aborde la vie avec plus de familiarité, et je désire la voir avec des yeux aussi peu faiseurs de complexités théâtrales que l’étaient les yeux grecs. […] o malheureux, serais-tu né avec des yeux aveugles ? […] confidente de mon cœur expirant, tu n’as point quitté mes yeux. […] Les brunes aux yeux noirs (que le diable les emporte !)
Ce n’est pas un sentiment : c’est un poids réel, une douleur causée par un je ne sais quoi de caché, d’invisible, mais que l’on doit pouvoir arracher de la plaie comme un trait de la blessure… Aussi le remords pour Caïn prend-il la forme d’un œil qui brille au fond des cieux, et qui demeure fixé sur le meurtrier. Caïn voit toujours cet œil qui le regarde ; il pousse des cris de colère et ses fils étendent des toiles entre sa tête et le ciel ; puis ils bâtissent des tours dont ils épaississent les murs ; puis ils construisent un caveau d’airain. […] Et à chaque fois qu’ils ont cru ainsi intercepter à leur père la vue de cet œil vengeur, Caïn leur répond d’une voie sombre : l’œil est toujours là !
Elle était bien plus célèbre à nos yeux par la petite maison des Charmettes, cette thébaïde de l’amour et de la jeunesse de J. […] Nous rentrâmes à Paris avec un éblouissement de gloire littéraire dans les yeux. […] Je fus frappé de ses yeux pendant qu’il écoutait un sestetto de l’opéra d’Elena, de Mayer. […] Cette foule avait en général l’œil doux, la figure souffrante, le visage pâle, les lèvres tremblantes d’émotion. […] Ils se gravèrent assez d’eux-mêmes dans mes yeux et dans mon oreille.
Mes larmes étaient près de couler, je crus voir ses yeux se mouiller. […] D’honneur, c’est à ravir les yeux et la pensée. […] la visite au vide animé qui a contenu l’idole de ses yeux. […] Je baissais les yeux. […] Mon œil ne se plonge-t-il pas dans ton œil, et alors tout n’afflue-t-il pas vers ton cerveau et vers ton cœur ?
Ses yeux étincellent : il s’élance contre les génisses, les brebis ou les biches des forêts. […] Jamais de mes yeux je n’aperçus une personne semblable, ni parmi les hommes, ni parmi les femmes, et une respectueuse admiration me saisit à ton aspect. […] Avance résolument dans cette voie, les yeux uniquement fixés sur l’Éternel qui a formé le monde ; le voici tel que la parole l’a jadis représenté. […] c’est un beau livre que celui-là ; Scheffer a fait un beau tableau de ce fils qui écoute et qui voit le ciel à travers les yeux bleus de sa mère. […] — ses yeux se mouillèrent ; il n’y a que les hommes solitaires, malheureux, attentifs et bons qui le devinent.
Cependant, en silence, Comme Dalti parlait, sur l’océan immense Longtemps elle sembla porter ses yeux errants. […] Ulric, nul œil des mers n’a mesuré l’abîme, Ni les hérons plongeurs, ni les vieux matelots. […] Il ne donne la main maintenant qu’aux esprits immortels qui ont trébuché quelquefois sur cette poussière glissante de la vie, mais qui ont lavé les taches de leurs genoux dans les larmes de leurs yeux et dans les rosées du ciel. […] J’aimais avec la pure ferveur de l’innocence passionnée une personne angélique d’âme et de forme, qui me semblait descendue du ciel pour m’y faire lever à jamais les yeux quand elle y remonterait avant moi. […] Tu t’es laissé prendre par les yeux aux apparences séduisantes du plaisir, au lieu de rechercher les saintes fidélités du sentiment ; qui est-ce qui en a souffert, si ce n’est ton cœur ?
Le large espace qui s’étend entre le sol et le ciel, et sur lequel nos yeux comptent comme sur leur domaine, manque tout d’un coup ; il n’y a plus d’air, on n’aperçoit plus que du brouillard coulant. […] C’est vraiment ici la contrée cimmérienne d’Homère ; les pieds clapotent, on n’a plus que faire de ses yeux ; on sent tous ses organes bouchés, rouillés par l’humidité qui monte ; on se croit hors du monde respirable, réduit à la condition des êtres marécageux, habitant des eaux sales ; vivre ici, ce n’est pas vivre. […] Lorsque, par un jour demi-serein, on sort dans la campagne et qu’on arrive sur une hauteur, les yeux éprouvent une sensation unique et un plaisir qu’ils ne connaissaient pas. […] Nous avons beau nous dire indépendants ; dès que nous marchons en corps, nous avons besoin d’un chef de file ; nous jetons les yeux à droite et à gauche, attendant qu’il se montre. […] La colère, le sang ne leur montent pas aux yeux d’abord comme chez les nations méridionales ; un long intervalle sépare toujours l’idée de l’action, et les raisonnements sages, le calcul répété viennent remplir cet intervalle.
La vallée de Saint-Point était plus recueillie dans son ombre, plus caressante à l’œil qu’à l’ordinaire. Son aspect faisait monter les larmes de nos yeux en la regardant. […] Les lierres, les sureaux, les figuiers, les lilas, croissent en fouillis au pied de cette galerie, en cachent aux yeux les arcades, et débordent comme une écume de végétation sur les parapets. […] Les chiens dormaient, leurs têtes sous nos pieds, leurs yeux dans nos yeux. […] On eût dit d’un Ossian jeune, avant que l’âge eût blanchi sa barbe et aveuglé ses yeux inspirés.
J’ouvris alors tout à fait les yeux, et qu’est-ce que je vis, monsieur ? […] L’œil des maisons, c’est la vieillesse, à ce qu’on dit ; les jeunes n’en sont que les pieds et les mains. […] Je me décidai plutôt à rouvrir les yeux et à prier et à pleurer, toute la nuit, au pied du lit, le front sur la zampogne et les mains jointes sur mon front brûlant. […] Je cherchais dans ma tête une réponse apparente à lui faire, et je baissais les yeux sur la pointe de mes souliers de peur qu’elle ne lût je ne sais quoi dans mes yeux. […] Je sentis des larmes dans mes yeux.
Mais l’émerveillement des douze mille paires d’yeux qui sont là, n’est pas bien exigeant. […] Et là-dedans le sourire de l’œil de Charles Edmond, et l’accueil et la bonne enfance et le franc rire de Julie. […] Une grasse femme, les cheveux blonds, crespelés et relevés autour du front, des yeux d’une douceur singulière, un bon visage à pleine chair : l’ampleur et la majesté d’une fille de Rubens. […] * * * — Dans les tableaux italiens, l’écartement des yeux dans les têtes, marque l’âge de la peinture. […] en le lisant, il me semble lire le grand-père de Henri Heine : des mots du grec reviennent dans l’allemand, et tous deux ont vu aux femmes des yeux de violettes.
Beaucoup demeurent invisibles, même à des yeux pénétrants ; d’autres se laissent découvrir, offrant volontiers leur image à qui la veut contempler. […] La pupille de l’œil, c’est si bien la fille de l’œil que l’expression se retrouve tout entière en portugais où la pupille se dit menina do olho. Pareillement la prunelle des haies et la prunelle des yeux ne font qu’un. Le centre de l’œil a été comparé à la petite prune d’un noir bleu ou violacé qui mûrit parfois après les gelées ; par une métaphore analogue, mais bien moins jolie et bien moins juste, les Anglais appellent la prunelle de l’œil eye-apple et les Flamands, oogappel, la pomme de l’œil. […] L’œil a pu être comparé à un charbon.
Il croit que la nature doit être corrigée, amendée ; que la tricherie heureuse, agréable, faite en vue du plaisir des yeux, est non seulement un droit, mais un devoir. […] Il arrive quelquefois que l’œil tombe sur des morceaux charmants, irréprochablement vivants ; mais cette méchante pensée traverse alors l’esprit, que ce n’est pas M. […] Victor Hugo est un grand poëte sculptural qui a l’œil fermé à la spiritualité. […] On dirait qu’elles portent dans les yeux un secret douloureux, impossible à enfouir dans les profondeurs de la dissimulation. […] Jamais couleurs plus belles, plus intenses, ne pénétrèrent jusqu’à l’âme par le canal des yeux.
Le malheur, c’est que nous lisons trop Boileau des yeux, et avec l’esprit, pour la pensée. […] Il n’a pas l’œil moins exercé que l’oreille. […] Il faut que les choses aient été dans sa sensation pour être dans son imagination, et son vers ne dit rien que son œil ou son oreille n’aient reçu. […] Quant à la peindre en réaliste, pour étaler à nos yeux la richesse des couleurs et la singularité des formes sans en faire les manifestations d’une âme, il lui eût fallu des moyens d’expression que la versification et la langue d’alors ne mettaient pas à sa disposition. […] Depuis sa naissance aussi, il a eu sous les yeux la Sainte-Chapelle, et la maison du chantre « au bas de l’escalier de la Chambre des comptes », et la boutique de Barbin, sous le perron du grand escalier du Palais.
Il faut compatir, ma tante, à la vanité des femmes ; même quand elles vont mourir, elles veulent, malgré tout, laisser une image d’elles avenante, dans l’œil de celui qu’elles aiment. […] Je croirais la profaner en y pensant ; c’est comme une apparition qui reste, dit-on, dans les yeux, mais que le cœur ne confie jamais aux lèvres ! […] Je promenais, du fond de mon capuchon, mes yeux sur cette foule, ne craignant qu’une chose, d’y rencontrer mon père aveugle et ma tante, et de me trahir en tombant d’émotion devant eux, avant d’être arrivée à la place de l’exécution. […] Elle ramena le coin de son tablier sur ses yeux pour les essuyer, et elle se tut. […] puis, reconnaissant dans ses yeux la couleur des siens, et sur ses lèvres le rire gai et tendre d’Hyeronimo, elle le rapprochait de son visage et le baisait avec cette sorte d’ivresse que l’enfant à la mamelle donne à sa mère.
Je le regarde, je lui vois un air étrange, avec des larmes et de l’effroi dans les yeux. […] … Cela se calme un peu, au bout d’une heure, sans qu’il puisse dire d’autres paroles que des oui et des non avec des yeux troubles qui n’ont plus l’air de me comprendre. […] Des yeux larmoyants, profonds, ténébreux. Dans ses yeux, une expression de souffrance et de misère indicible… Créer un être comme celui-ci, si intelligent, si personnel, si original, et le briser à trente-neuf ans ! […] À mesure que les faits se dérouleront devant vos yeux ; à mesure que vous aurez examiné et que vous serez aptes à comparer, hâtez-vous de vous débarrasser des entraves scolastiques.
Si c’est Robbé qui lit, il aura l’air d’un énergumène, il ne regardera pas son papier, ses yeux seront égarés dans l’air. […] Touche-moi, étonne-moi, déchire-moi, fais-moi tressaillir, pleurer, frémir, m’indigner d’abord ; tu récréeras mes yeux après, si tu peux. […] Mes yeux, mes bras, mon âme se portent malgré moi où je vois leurs yeux, leurs bras, leur âme attachée. […] Le peintre de genre a sa scène sans cesse présente sous ses yeux ; le peintre d’histoire ou n’a jamais vu ou n’a vu qu’un instant la sienne. […] Les yeux du goût ne sont pas ceux du pensionnaire de l’Académie des inscriptions.
Comment se fait-il que l’image de chaque objet se peignant au fond de chaque œil, sur chaque rétine, l’objet cependant est perçu comme simple et non comme double ? […] Les sensations complexes de la vue résultent de la combinaison des effets optiques et des sensations de mouvement, produites par les muscles du globe de l’œil. […] Si nous suivons de l’œil une lumière qui se meut, nous avons là à la fois deux sensations : l’une de lumière, l’autre de mouvement. Celle-ci varie, selon que les muscles droits ou gauches sont employés à mouvoir l’œil, par suite de la direction de la lumière. […] D’autres fois, les mouvements associés sont simultanés, par exemple, celui des deux bras chez l’enfant, des deux yeux.
D’un mot j’allais aliéner pour jamais cette part de mes yeux (Milly). La main me tremblait, mon regard se troublait, le cœur me manqua… Je pesai d’un côté la tristesse de voir des yeux indifférents parcourir les fibres palpitantes de mon cœur à nu sous des regards sans indulgence ; de l’autre le déchirement de ce cœur dont l’acte allait détacher un morceau par ma propre main. […] Je mis la main sur mes yeux, et je fis le choix avec mon cœur… Je ne connais rien de plus triste que cette prodigalité de cœur qui est répandue sur toute cette préface, sous prétexte d’y couvrir ce que l’auteur ne fait par là qu’étaler. […] À aucun moment, en effet, la règle n’intervient dans cette éducation abandonnée à la pure tendresse : Mon éducation était toute dans les yeux plus ou moins sereins et dans le sourire plus ou moins ouvert de ma mère… Elle ne me demandait que d’être vrai et bon. […] Tantôt on retrouve en elle ce sourire intérieur de la vie, cette tendresse intarissable de l’âme et du regard, et surtout ce rayon de lumière si serein de raison, si imbibé de sensibilité, qui ruisselait comme une caresse éternelle de son œil un peu profond et un peu voilé, comme si elle n’eût pas voulu laisser jaillir toute la clarté et tout l’amour qu’elle avait dans ses beaux yeux.
Si l’on considère deux points A et B et le déplacement de « l’un d’eux », tout ce que l’œil observe, tout ce que la science peut noter, est le changement de longueur de l’intervalle 9. […] Et, du moment que les êtres vivants accomplissent ainsi des mouvements qui sont bien d’eux, qui se rattachent uniquement à eux, qui sont perçus du dedans, mais qui, considérés du dehors, n’apparaissent plus à l’œil que comme une réciprocité de déplacement, on peut conjecturer qu’il en est ainsi des mouvements relatifs en général, et qu’une réciprocité de déplacement est la manifestation à nos yeux d’un changement interne, absolu, se produisant quelque part dans l’espace. […] Ne fût-ce que pour cette raison encore, la théorie de la Relativité restreinte appelait à sa suite celle de la Relativité généralisée, et ne pouvait même être convaincante aux yeux du philosophe que si elle se prêtait à cette généralisation. […] Les couleurs nous apparaîtraient sans doute différemment si notre œil et notre conscience étaient autrement conformés — il n’y en aurait pas moins, toujours, quelque chose d’inébranlablement réel que la physique continuerait à résoudre en vibrations élémentaires. […] Il n’y a qu’un mouvement, disions-nous, qui soit perçu du dedans, et dont nous sachions qu’il constitue par lui-même un événement : c’est le mouvement qui traduit à nos yeux notre effort.
La pensée va si vite, que l’œil ébloui ne songe pas à compter les fredaines de l’héroïne. […] Cette empreinte est à mes yeux le signe éclatant, le signe irrécusable du génie. […] Offrir le passé en holocauste au présent est, à mes yeux, un sacrilège. […] Est-ce pour ménager nos yeux qu’ils nous expliquent l’origine de leur génie ? […] Il sait donner à ses yeux l’apparence de la cécité ; Adrienne guidera le nouveau Bélisaire.
Ses yeux levés et doux sont en plein firmament À contempler les yeux de sa mère. […] Le grand-autel m’éblouissait les yeux. […] Des yeux, il les suivit qui se retiraient de son œuvre. […] Le pur flambeau des yeux qui éclairait le monde fut soufflé au même moment. […] Celui-ci longea le mur du jardin sans lever les yeux.
Il les détailla d’un œil subtil et minutieux. […] Yeux clairs. […] Petits yeux de faune. […] Blonde aux yeux bleus. […] … Une langueur noyait ses yeux.
Dans ses yeux, tout semblables à ceux de son frère, résidait une résolution farouche. […] Ses yeux finirent par distinguer les aiguilles : il lut une heure et quart. […] Les yeux de maman se mouillèrent. […] À peiné ouvrit-il les yeux au frais contact des draps. […] … Des larmes l’aveuglèrent, l’obligèrent à s’essuyer les yeux.
Renfrogné, muet, avec des yeux pleins de haine, il repoussait d’un geste brusque toute caresse ! […] Il avait une robe rouge et des yeux bleus. […] Les yeux écarquillés, je retenais ma respiration, pour ne rien perdre de ce spectacle extraordinaire. […] Il restait debout, le monocle à l’œil ; l’air mal à l’aise et mécontent. […] Je le regardais avec ces yeux écarquillés et fixes que j’avais devant toute chose nouvelle.
On regarde pousser les jolies filles à vue d’œil, comme des asperges. […] Ses yeux seuls vivaient dans sa figure blanche. […] dit la jeune femme dont les yeux étaient un peu troublés. […] Elle s’en approcha jusqu’au bord et regarda dedans avec ces yeux que la haine a comme l’amour, — ces yeux qui dévorent tout, et elle vit le mort dans le fond de sa fosse. […] Oui, on dévore des yeux ces traits qui fuient et qui s’effacent.
Un homme né avec du genie voit la nature, que son art imite avec d’autres yeux que les personnes qui n’ont pas de genie. Il découvre une difference infinie entre des objets, qui aux yeux des autres hommes paroissent les mêmes, et il fait si bien sentir cette difference dans son imitation, que le sujet le plus rebatu devient un sujet neuf sous sa plume ou sous son pinceau. […] Rubens qui sçavoit si bien en imposer à l’oeil par la magie de son clair-obscur, fait paroître le corps du larron sortant du coin du tableau dans cet effort, et ce corps est encore la chair la plus vraïe qu’ait peint ce grand coloriste. On voit de profil la tête du supplicié, et sa bouche dont cette situation fait encore mieux remarquer l’ouverture énorme, ses yeux dont la prunelle est renversée, et dont on n’apperçoit que le blanc sillonné de veines rougeâtres et tenduës ; enfin l’action violente de tous les muscles de son visage, font presqu’oüir les cris horribles qu’il jette.
Leurs yeux se mouillent de langueur, se ferment à demi, se perdent de côté où montent au plafond chercher le ciel. […] Il n’est admirable que dans la peinture des méchants, de la méchanceté… Sue, il me fait l’effet d’un enfant qui crève les yeux à un pierrot ! […] Elle m’amusait les yeux, m’occupait comme une souriante toile de fond… la nouvelle voisine ! […] * * * — Une femme, suprêmement maigre, les yeux profonds, le bleu de l’œil très clair dans l’effacement tendre des sourcils, un grand front, des tempes ramifiées de veinules bleuâtres, la bouche non sensuelle, la bouche sentimentale… Il y a des femmes qui ressemblent à une âme. […] La princesse qui a les yeux un peu fatigués, n’est pas en train de travailler, et se laisse aller à retrouver, à revoir son passé.
Il en est de l’oeil comme de la main. […] Si l’imagination n’a pas à sa disposition une main et un oeil capables de la seconder à son gré, il ne résulte des plus belles idées qu’enfante l’imagination, qu’un tableau grossier, et que dédaigne l’artisan même qui l’a peint, tant il trouve l’oeuvre de sa main au-dessous de l’oeuvre de son esprit. L’étude nécessaire pour perfectionner l’oeil et la main, ne se fait point en donnant quelques heures distraites à un travail interrompu. […] Le seul temps de la vie qui soit bien propre à faire acquerir leur perfection à l’oeil et à la main, est le temps où nos organes tant interieurs qu’exterieurs achevent de se former. […] Quand la force du génie ramenera notre jeune peintre à une étude plus sérieuse de son art, parce que l’yvresse de la jeunesse sera passée, sa main et ses yeux ne seront plus capables d’en bien profiter.
Ce devait être un effrayant spectacle que celui de cette Crucifixion gigantesque dressée en plein théâtre, sous les yeux d’un peuple. […] Elle éveille l’intelligence dans les cerveaux engourdis des hommes, leurs yeux s’éclairent et leurs esprits s’épanouissent. […] Je vois, frémissante, le bouvier aux yeux innombrables ! […] Elles n’ont à elles trois qu’un œil et qu’une dent qu’elles se repassent, pour manger et voir tour à tour. […] Mon cœur saute sur ma poitrine, mes yeux roulent égarés !
L’histoire de la philosophie, qu’il y traite de seconde main il est vrai, la description des arts mécaniques, dans laquelle il se montre peut-être plus original ; trois à quatre mille planches qu’il fit dessiner sous ses yeux, la charge et la direction du tout enfin, ne purent jamais l’absorber ni émousser sa vivacité de verve. […] S’il y a dans un ouvrage, dans un caractère, dans un tableau, dans une statue, un bel endroit, c’est là que mes yeux s’arrêtent ; je ne vois que cela, je ne me souviens que de cela, le reste est presque oublié. […] Chaque article de lui se compose presque invariablement de deux parties : dans la première, il décrit le tableau qu’il a sous les yeux ; dans la seconde, il propose le sien. […] Et cette lampe, en doit-elle laisser tomber la lumière sur les yeux de l’Amour ? […] Ai-je sous les yeux quelque spectacle enchanteur, sans m’en apercevoir j’en médite le récit pour eux.
« Aucun oiseau n’a connu ces sentiers ; l’œil du vautour ne les a pas aperçus. […] « Elle est cachée aux yeux des mortels, elle est inconnue aux oiseaux de l’air. […] « J’étais l’œil de l’aveugle et le pied du boiteux ! […] « Et c’est sur un pareil néant que vos yeux, Seigneur, daigneraient s’arrêter ! […] « Lève les yeux au ciel et regarde, et vois que les firmaments sont au-dessus de ta portée.
Elle diminuait à vue d’œil. […] Isabelle écoutait en fermant les yeux. […] Cependant, ses peintures ne sont point faites pour les yeux du corps. […] Il fermait les yeux et goûtait ainsi un plaisir délicat. […] Elle prenait le poison et expirait aux yeux des spectateurs.
Du reste l’œil de Zeus voit tout. […] Mais que représente Prométhée aux yeux du poète ? […] Il lui faut avoir l’œil sur ses bœufs, sur ses domestiques, sur sa femme. […] Avec les yeux spirituels, je pus contempler ce qu’auparavant j’avais souhaité de voir avec les yeux du corps, et je vis une lumière éblouissante. […] Aucun effort pour éblouir le lecteur : il ne lui fait jamais mal aux yeux.
Année 1851 2 Décembre 1851 Au jour du jugement dernier, quand les âmes seront amenées à la barre par de grands anges, qui, pendant les longs débats, dormiront, à l’instar des gendarmes, le menton sur leurs deux gants d’ordonnance, et quand Dieu le Père, en son auguste barbe blanche, ainsi que les membres de l’Institut le peignent dans les coupoles des églises, quand Dieu m’interrogera sur mes pensées, sur mes actes, sur les choses auxquelles j’ai prêté la complicité de mes yeux, ce jour-là : « Hélas ! […] Aussitôt à bas de nos lits, et bien vite, nous étions dans la rue, notre vieille rue Saint-Georges, où déjà le petit hôtel du journal Le National était occupé par la troupe… Et dans la rue, de suite nos yeux aux affiches, car égoïstement nous l’avouons, — parmi tout ce papier fraîchement placardé, annonçant la nouvelle troupe, son répertoire, ses exercices, les chefs d’emploi, et la nouvelle adresse du directeur passé de l’Élysée aux Tuileries — nous cherchions la nôtre d’affiche, l’affiche qui devait annoncer à Paris la publication d’En 18.. […] La vieille portière de la rue de Verneuil, une vieille larme de conserve dans son œil de chouette, nous disait : « Messieurs, je lui avais bien dit de ne pas y aller… mais il s’est entêté… on l’a arrêté à la mairie du Xe arrondissement. » Nous voilà à la porte de la caserne d’Orsay, où avaient été enfermés les représentants arrêtés à la mairie. […] Et nous restons sans lire, les yeux charmés, sur ces vilaines lettres de journal, où votre nom semble imprimé en quelque chose qui vous caresse le regard, comme jamais le plus bel objet d’art ne le caressera. […] Lors de mes quinze ans, lorsque je dînais à côté de lui, il m’entretenait d’orgies qui me faisaient ouvrir de grands yeux.
alors que ceux-là s’y pâment comme devant un évangile nouveau où chaque parole est grosse de révélations et mettent à les défendre une ardeur si jalouse que la moindre objection prend à leurs yeux figure de sacrilège et que la critique en reste intimidée. […] * * * Stéphane Mallarmé (c’est ainsi qu’il se plut longtemps à écrire son nom) était un petit homme, à la mise correcte et soignée, aux yeux fleuris de douceur, aux oreilles pointues de faune, d’une affabilité extrême et d’une absolue distinction. […] Mais ses yeux montraient la pureté des yeux des tout petits enfants, pureté de lointaines transparences, et sa voix, avec un peu de fait exprès dans la fluidité de l’accentuation, caressait. […] Dès les premières lignes, je fus épouvanté et Villiers, tantôt me consultait d’un regard furtif, tantôt écarquillait vers le lecteur ses petits yeux gonflés d’effarement. […] À peine le comédien a-t-il jeté les yeux sur le manuscrit qu’on lui apporte qu’il s’empourpre et le rejette avec humeur, persuadé qu’on se moque de lui.
La loupe, c’est l’œil du coloriste. […] » — Pour courir sur les toits, il faut avoir le pied solide et l’œil illuminé par la lumière intérieure. […] La lumière, économiquement dispensée, circule à travers toutes ces figures, sans intriguer l’œil d’une manière tyrannique. […] Delacroix sont parfois si visibles qu’ils sautent à l’œil le moins exercé. […] Polichinelle le suit, — tête un peu avinée, œil plein de fatuité, pauvres petites jambes dans de grands sabots.
Toutes ces circonstances de l’histoire de Jésus, tous ces personnages si connus de nom et montrés aux yeux, semblables aux gens d’à présent, devaient toucher les simples, les ignorants, qui étaient alors le grand nombre, et devenaient un enseignement vivant, parlant à tous. […] Puis vient « la plaisance des yeux » ; elle ne veut devant elle, pour amuser ses regards, que choses agréables à voir ; on la servira à souhait. […] Le beau semble appartenir plus exclusivement à l’Antiquité : l’intérêt, la curiosité, l’expression fidèle et variée de tout ce qui se fait et de tout ce qui se passe sous nos yeux, sans aucune préoccupation de l’idéal, sont des parties plus volontiers réservées aux modernes : « Le vrai est ce qu’il peut, », semble être le plus souvent leur devise. […] — « Et les yeux ? […] « C’est que les larmes sont interdites à mes yeux », lui dit-elle.
Par son réalisme exact, par ses notes mises sous les yeux du public, par ses déductions avec preuves à l’appui, et ses caractères établis sur leurs actes, M. de Goncourt a pu accomplir pour des milieux et une époque restreints, des livres d’enquête sociale qui flottent entre l’histoire, et le recueil de notes psychologiques. […] Dans un cheval blanc promené le soir aux lumières dans un manège, il saisit « un flottement de soie au milieu duquel s’apercevaient des yeux humides ». […] Il peint, en la Tomkins, « des yeux gris qui avaient des lueurs d’acier, des clartés cruelles sous la transparence du teint » ; en Chérie, « l’animation, le montant, l’esprit parisien » ; « l’ébauche de mots colères crevant sur des lèvres muettes », pour les traits convulsés de la détenue Élisa. […] C’est comme une intimité physique et intellectuelle, dans une sorte de demi-teinte où les lueurs fugitives des reverbères passant par les portières, jouent dans l’ombre avec la femme, disputent à une obscurité délicieuse et irritante sa joue, son front, une fanfiole de sa toilette et vous montrent un instant son visage de ténèbres, aux yeux emplis d’une douce couleur de violette. […] Ajoutez encore à ces anomalies individuelles d’organisation cérébrale, les caractères généraux de toute âme d’artiste et d’écrivain, la vive sensibilité, le don plastique du mot expressif, le don dramatique de la coordination des incidents, l’infinie ténacité de la mémoire pour les perceptions de l’œil, toutes les multiples conditions qui permettent de réaliser cette chose en apparence si simple, un beau livre.
Je faisais cette remarque auprès de Pierre Gavarni, me montrant son petit de quatre mois, avec des joies humides de l’œil et de la bouche. […] Le prince, c’est le type du Chinois avec les yeux remontés, la bouche à grosses lèvres, la face enfantinement sourieuse : tout cela sous une raie au milieu de la tête, la raie du gandin parisien. L’autre est un type plus de son pays, il a une de ces figures cabossées de masques japonais en carton ou en bois ; sa barbe et ses cheveux sont faits d’un crin noir ; les protubérances du sourcil, au-dessus du front sont très détachées, la prunelle dans le blanc de son œil, un peu extravasé de sang, ne se tient jamais tranquille au centre, comme dans l’œil européen. […] Avec cette voix étoupée, cette voix morte qui ne fait pas de bruit, il lance ses ironiques petites phrases, terminées par un point d’interrogation de son malin petit œil. […] Ce pauvre Fromentin, à notre dernier dîner de Brébant, qui eut lieu la veille de son départ, il m’accompagnait jusqu’à mon chemin de fer, et m’interrogeait sur mon roman, avec ce joli étonnement de son œil circonflexe.
Il aima Ivelaine, Priscilla, Oriane, les princesses fabuleuses aux yeux doux, les sorcières, les chevaliers, les nuits d’enchantement, les palais de songe, l’Orient miraculeux aux fruits de pierreries. […] Ses yeux devinaient la souffrance pour guérir. […] Et la pâle rêveuse alors, rouvrant ses yeux Qu’avait clos la langueur exquise de l’automne Voit que la nuit s’est faite autour d’elle, et s’étonne. […] Il ne va point par la ville et la campagne, une main sur son cœur et les yeux au ciel. […] Mais il ne suffit pas de regarder les choses et la vie, il faut encore les voir d’un œil purifié de toute littérature.
Le Cyclope, assis sur un rocher, aux bords des mers de Sicile, chante ainsi ses déplaisirs, en promenant ses yeux sur les flots : Ὦ λευκὰ Γαλάτεια, etc45… Charmante Galatée, pourquoi repousser les soins d’un amant, toi dont le visage est blanc comme le lait pressé dans mes corbeilles de jonc ; toi qui es plus tendre que l’agneau, plus voluptueuse que la génisse, plus fraîche que la grappe non encore amollie par les feux du jours ? […] Si ma poitrine hérissée blesse ta vue, j’ai du bois de chêne, et des restes de feux épandus sous la cendre ; brûle même (tout me sera doux de ta main), brûle, si tu le veux, mon œil unique, cet œil qui m’est plus cher que la vie. […] Il n’y a pas jusqu’à cet œil effroyable dont Théocrite n’ait su tirer un trait touchant : tant est vraie la remarque d’Aristote, si bien rendue par ce Despréaux, qui eut du génie à force d’avoir de la raison : D’un pinceau délicat l’artifice agréable Du plus affreux objet fait un objet aimable.
Le poisson trop subtil a-t-il trompé tes yeux ? […] et que le cœur est meilleur peintre que les yeux ! […] L’œil glisse doucement sur les lignes molles de cette chair jeune et vivante. Il est debout, immobile, ses yeux ne regardent pas. […] Enfin ces yeux sans prunelle conviennent, à une tête qui n’est pas expressive.
Au contraire, voici un bon et honnête chat qui, les yeux à demi clos, sommeille au coin de l’âtre. […] N’ayant pas devant les yeux de modèle idéal, ils ne se sentent pas amoindris. […] Son long museau effilé et fendu, ses yeux brillants et intelligents, indiquent tout d’abord un fripon, mais un fripon de qualité et de mérite. […] Elle marche pieusement, posant avec précaution le pied sans faire bruit, les yeux demi-fermés, observant tout, sans avoir l’air de rien regarder. […] Indifférent à ce qui l’entoure, il laisse errer lentement sur les objets ses grands yeux calmes.
Il fut impressionné par ce magnifique tableau de la nature et l’exprima hautement, quoique, aux yeux des géologues, cette île ne soit qu’une montagne intéressante d’origine volcanique et formée à différentes époques. […] Humboldt, livré à de pénibles réflexions, se trouva sur le pont avec Bonpland (la fièvre sévissait à fond de cale) ; son œil était fixé sur une montagne ou sur une côte que la lune éclairait par intervalle, en traversant d’épais nuages. […] Les vérités géométriques sont des vérités de dernier ordre, des axiomes de fait qui n’ont besoin que de l’œil matériel pour être aperçus, mais que l’œil intellectuel, la raison, ne peut reconnaître. […] Sa stature était de moyenne taille ; ses pieds et ses mains étaient petits et admirablement faits ; sa tête, au front haut et large, était garnie de cheveux d’un blanc d’argent ; ses yeux bleus étaient vifs, pleins d’expression et de jeunesse. […] Quand il était assis, il paraissait courbé et parlait en regardant à terre, ou bien il levait les yeux pour attendre la réponse des personnes auxquelles il s’adressait.
deux yeux pour pleurer ? […] — Pardonnez-moi, monsieur, me dit-elle enfin, rien qu’en y pensant je pleure toujours les yeux de ma tête. […] À ce moment, je me collai seule contre la grille, et je bus des yeux le visage de ma chère enfant. […] parce que ses yeux aveugles ne donnaient plus de larmes ; mais son cœur n’en était que plus noyé ! […] Le bargello et sa femme ne s’étonnèrent pas de voir nos yeux rouges, eux qui sont habitués à entendre des sanglots du cœur dans leur puits, comme nous autres à entendre le sanglottement de l’eau dans les sources.
Et c’est comme l’illusion d’une vie grandiose à distance, qui tout d’un coup se rapproche de notre œil. […] L’œil du maître, il n’y a que ça, n’est-ce pas, crétin ? […] François lève un œil timide vers le plafond. […] Ô gracieuse enfant que clairs et simples sont tes yeux ! […] En un mot, il était possédé du désir d’être soi, — folie aux yeux du monde.
comme il avait besoin de travaux et d’années pour signifier aux yeux du public ce que l’amitié y lisait déjà avec confiance ! […] La peur de quelque dépense m’a retenu, et la vanité, et pis encore, m’ont emporté plus d’argent qu’il n’en eût fallu pour jouir en roi de ce que j’avais sous les yeux. — La société ? […] — Ghérard jeta les yeux sur elle ; à l’instant toute sa colère se changea en confusion. […] Et sans le vouloir, et en se laissant aller à son cœur et à sa pensée, qui achevaient le tableau commencé devant ses yeux, sur le visage de Ghérard, au lieu de sa main, elle posa ses lèvres. […] Le cœur de Ghérard nageait dans la joie, et ses yeux rayonnants allaient chercher les yeux d’Hélène sous leurs paupières abaissées. « Oh !
Les yeux fermés, pensons fortement à une couleur très vive et tenons-la longtemps fixée devant notre imagination ; par exemple, représentons-nous avec assez de force une croix d’un rouge éclatant ; si, après cela, nous ouvrons brusquement les yeux pour les porter sur une surface blanche, nous y verrons, durant un instant très court, l’image de la croix, mais avec la couleur complémentaire : le vert. […] En ce sens plus ou moins figuré, tout organe serait une mémoire mécanique ; l’œil serait une mémoire des ondes lumineuses et l’oreille une mémoire des ondes sonores, car l’œil vibrera de la même manière et se retrouvera dans le même état sous l’influence des mêmes rayons. […] En un mot, l’élément fondamental en germe dans toutes les cellules vivantes, c’est à nos yeux l’appétit, accompagné d’une émotion plus ou moins agréable ou pénible, concomitante de telle motion et provoquant telle réaction motrice. […] Quand elle rouvrit les yeux, elle ne reconnaissait plus personne ; elle était privée de l’ouïe, de la parole, du goût et de l’odorat. […] Il regardait alors les mots de sa liste écrite, et toutes les fois que les mêmes mots écrits frappaient ses yeux, il les comprenait parfaitement.
Cette jouissance, il me semble, ne peut être partagée que par un œil japonais. […] Ah ces yeux ! […] On rit et on a la larme à l’œil. […] Et tout à coup déposant son verre, avec des larmes dans les yeux, en disant : « Ah ! […] » Et l’ami retendait son verre, et continuait à boire avec des yeux aigus, regardant dans le vide.
* * * — J’ai eu quelques secondes d’une jolie contemplation : Marie les cheveux aux bandeaux joliment ondulés, les yeux morts, les paupières battantes, la bouche ouverte, un sourire tremblant sur ses lèvres pâles dans le demi-jour de rideaux roses. […] Jamais, il me semble, je n’ai eu l’œil et le cœur plus réjouis que par le spectacle de ce laid pâté de plâtre, tout bâtonné de grandes lettres, et tout écrit et tout sali et tout barbouillé de la réclame parisienne. […] Une est seule, la tête raide et de côté ; un nez de vautour, trois grandes taches noires, par le nez et la face, comme des coups d’ongle de la mort, l’œil clair, le regard torve, deux bouts de ruban jaune pendant des deux côtés à son bonnet, une face implacable et sourde. […] Il se trouvait dans une chambre tendue d’un papier tout ocellé des yeux d’une queue de paon, et sur ce papier, comme illuminé d’une lumière électrique, bondissait, dans une élasticité dont on ne peut se faire une idée, une levrette héraldique faite en ces copeaux rubannés qu’un rabot enlève sur une planche. […] La chambre est noire ou à peu près, avec un jour venant du haut de la fenêtre et traversant des vitraux de couleur, un jour étrange, prismatique, tombant et dansant dans cette pénombre fourmillante de choses que l’œil tâtonne et ne peut saisir, et parmi lesquelles il distingue cependant vaguement un hibou blanc.
Elle arriva à Zamora, où se tient la Cour du roi, pleurant de ses yeux et demandant pitié ; « Roi, je suis une dame infortunée, ayez pitié de moi ! […] Elle leva les yeux, et commença de regarder Rodrigue. […] Elle pleurait de ses yeux, et elle voulut lui baiser les mains. « Merci, Campéador, en bonne heure vous êtes né. […] Chimène aussi se transforme à nos yeux, bien qu’un peu gauchement encore. […] J’ai noté, parmi les comptes-rendus qui m’ont passé sous les yeux, un excellent article de M.
Les décors se lèvent lentement du plancher, un danseur en bretelles suisses fait des battements, une danseuse met l’œil au trou de la toile, qui lui dessine sur la joue une lentille de lumière. […] L’œil accroche au passage quelque nom de vieille paroisse qui fait songer : Saint-Séverin, Saint-Jean-en-Grève. […] Les morts n’étaient enterrés que jusqu’à la ceinture, et il y avait comme des patrons de votre conscience dans ces méchantes toiles, toujours sous vos yeux. […] * * * — Le confortable anglais est l’admirable entente du bonheur matériel du corps, mais d’une espèce de bonheur d’aveugle, où rien n’est donné au sens artiste de l’homme, à l’œil. […] * * * — En Allemagne, une chambre d’auberge à deux lits évoque tout de suite, à l’œil et à la pensée, l’idée d’un mari et d’une femme, d’un ménage.
Ou l’œil bleu de la beauté blonde Luisait-il d’un si tendre azur ? […] Je soulève en vain la paupière : Sans l’œil de l’âme, que voit-on ? […] Et son front et ses yeux ont gardé le mystère De ces chastes secrets qu’une femme doit taire. […] On rouvre les yeux au jour ; on essuie de son front sa sueur froide ; on s’abandonne tout entier au bonheur de renaître et de respirer. […] « À mes yeux vous avez grandi pour le talent, et grandi beaucoup.
À côté de ce bronze, mes yeux vont à un ivoire japonais, un singe costumé en guerrier du Taicoun. […] Et je pose jusqu’à la nuit, charmé par le tableau que j’ai sous les yeux. […] À mesure qu’il parle de ce pays, le blanc de ses yeux s’agrandit dans son exaltation, ou bien, les yeux fermés, la tête renversée en arrière, il se touche le front de l’index. […] Il y avait là les Camundo, Cernuschi, Cernuschi à la flamme, à la fois spirituelle et finaude de l’œil. […] Il est près de trois heures, et déjà les yeux me tombent des orbites.
Il semble que les hommes ouvrent tout d’un coup les yeux et voient. […] Aussi bien, tout ce que le spectateur accorde à leur auréole, c’est une génuflexion ou un signe de croix ; après quoi les yeux jouissent d’eux, et ils ne sont là que pour la jouissance des yeux. […] attaches-y tes yeux. […] Les yeux restent attachés sur la nature, non plus pour l’admirer, mais pour la comprendre. […] J’ai sous les yeux la onzième édition de 1710.
Et bien semblait flotte qui dût conquérir le monde : car autant que l’œil pouvait voir, on ne voyait que voiles de nefs et de vaisseaux, en sorte que les cœurs des hommes s’en réjouissaient fort. » C’est, enfin et surtout, l’éblouissement des yeux et de toute l’âme, quand, le 23 juin 1203, veille de saint Jean-Baptiste, nos barons français, de leurs vaisseaux ancrés à San Stefano, « virent tout à plein Constantinople ». […] Ce récit nous fait surgir devant les yeux un saint Louis intime, familier, souriant, plus aimable et plus « humain » encore que le roi justicier du bois de Vincennes, et que le roi chevalier, qui faisait si fière contenance aux jours de bataille sous son heaume doré. […] Mais surtout il a des yeux : et tout ce qui a passé devant ses yeux y laisse une ineffaçable et précise image. Après cinquante ans, il voit encore la toile peinte en bleu, qui revêtait le pavillon du soudan d’Égypte, la cotte vermeille à raies jaunes d’un garçon qui est venu en Syrie lui offrir ses services : quand il s’attendait à avoir la tête coupée, il entend la confession de son compagnon sans qu’il lui en reste un mot dans la mémoire, mais il voit le caleçon de toile écrue d’un Sarrasin, et ce caleçon toute sa vie lui restera devant les yeux. […] Après un demi-siècle, il retrouve les sentiments complexes du jour du départ, l’allégresse, l’anxiété, le regret, tout ce que le connu que l’on quitte, et l’inconnu où l’on va, peuvent mêler d’agitations morales aux impressions physiques de l’œil et de l’oreille.
Si dans un tableau ce qui occupe le plus d’espace, remplit le milieu, arrête l’œil, et se montre uniquement, en est le sujet principal, la table a ici tous ces caractères. […] Dans le tableau du Poussin que j’ai sous les yeux, Assuerus à gauche est assis sur son trône. […] Pour moi, qui ne règne par bonheur que sur le cœur de Sophie, si elle se présentait à fines yeux dans cet état, que ne deviendrais-je pas ? […] Rassurez-vous… Ah, je vois vos yeux se rouvrir.
N’est-ce pas une façon de juger bien étrange que de ne regarder les Anciens que par leurs beaux côtés, comme vous faites, et que de fermer les yeux sur leurs défauts, et de n’avoir au contraire les yeux ouverts que sur les défauts des Modernes, et que de les tenir opiniâtrement fermés sur leurs beautés [?] […] Je m’amuserais autour d’un portrait, tandis que je n’ai ni trop d’yeux, ni trop de temps pour le Joseph de Deshays ou le Paralytique de Greuze… Ah, oui ; c’est cet homme qui est à côté de l’escalier, et à qui l’on va donner l’extrême-onction…. […] En sont-ils moins à nos yeux des chefs-d’œuvre ?
Il était fanatique de l’Homère de Ferrare, le divin Arioste ; et le crime du Tasse, à ses yeux, était d’oser entrer en parallèle avec cette mémoire. […] Il se résolut enfin à en faire donner, sous ses propres yeux, une édition avouée et correcte. […] À ces mots des larmes s’échappent de ses yeux ; elle raconte une partie de ses infortunes et le berger attendri mêle ses pleurs avec les siens. […] Deux ruisseaux de larmes coulaient de ses yeux. […] Ces tristes et douloureux accents retentissent au cœur de Tancrède, le pénètrent, éteignent son courroux et de ses yeux arrachent des larmes involontaires.
Aucun de ces vins ne me fait beaucoup d’effet. » Plus tard, à Venise : « À peine si j’ai fermé l’œil de toute la semaine dernière. […] À ses yeux, en ce moment, l’Église et la constitution sont choses saintes : gardez-vous d’y toucher, si vous ne voulez point devenir ennemi public ! […] À chaque convulsion, le flot jaillit plus noir, puis s’arrête ; le sang ne tombe plus que goutte à goutte, et déjà son front est humide, son œil terne. […] Mais notre pensée perce plus loin que nos yeux. […] Il avait sous les yeux une douzaine de descriptions authentiques.
Et plus on relit, plus il éclate aux yeux, que ce qui est arrivé devait arriver. […] Elle errait comme une âme en peine, les yeux cernés, le désespoir sur la figure. […] C’était le printemps même, tout un printemps de poésie qui éclatait à nos yeux. […] J’ai les cheveux coupés, les yeux cernés, les joues creuses, l’air bête et vieux. […] » et il ferma les yeux pour ne plus les rouvrir.
L’œil du peintre et du poète a été subitement frappé par une lumineuse apparition. […] Les yeux ne se lassent pas de voir leurs corps droits, leurs tailles fines. […] — Ton image est debout devant mes yeux, et qu’elle est colossale ! […] L’œil a besoin d’être arrêté, retenu, et, en somme, c’est par l’œil et les autres sens que toutes les idées, même les plus abstraites, entrent dans l’esprit. […] « Toujours des palmiers qui se dessinent sur de méchantes petites montagnes sillonnées de bandes noires d’un effet dur à l’œil, ou bien quelques plaines d’un sable jaune qu’un vent presque continuel chasse dans les yeux.
C’est trop oublier, je pense, la différence des points de vue dans ces sortes de scènes, et combien la perspective est chose relative : chacun se fait centre, chacun voit de son foyer particulier, sous son angle, à lui, et avec son œil. […] C’est véritablement de ce qu’il a vu et observé par lui-même et de ses propres yeux qu’on doit lui demander un compte plus sévère. […] Mais, même après avoir signalé le côté injuste et tout ce qui manque au portrait de Villars comme général, on est forcé de convenir que l’homme, le glorieux, l’audacieux, est rendu au vif dans les pages de Saint-Simon et qu’on a sous les yeux le personnage en chair et en os. […] Saint-Simon, à mes yeux, est un bienfaiteur pour tout homme qui vit par la curiosité de la pensée et qui habite dans les souvenirs ; il a reculé le passé de la mémoire ; il a presque doublé le temps où nous avons vécu. […] Je donnerai aux troupes de Votre Majesté un autre commandant, si Elle le désire, mais elles auront perdu à mes yeux la moitié de leur valeur. »
J’ai à présent sous mes yeux un paysage que Vernet fit à Rome pour un habit, veste et culote, et qui vient d’être acheté mille écus. […] Mais s’il y a un portrait du visage, il y a un portrait de l’œil, il y a un portrait du cou, de la gorge, du ventre, du pié, de la main, de l’orteil, de l’ongle, car qu’est ce qu’un portrait, sinon la représentation d’un être quelconque individuel ? […] En serait-il moins vrai que par un œil microscopique, l’imitation rigoureuse d’un ongle, d’un cheveux, ne fût un portrait ? Mais je vais vous montrer que vous avez cet œil, et que vous vous en servez sans cesse. […] Les innovateurs scrupuleux de l’antique ont sans cesse les yeux attachés sur le phénomène, mais aucun d’eux n’en a la raison.
C’était lui noir ravin dont les parois fort hautes n’offraient à ses yeux, de quelque côté qu’il se tournât, qu’une épaisse muraille de ronces. […] Aux yeux du savant véritable, tout est bien, parce que tout est naturel. […] C’était ensuite la statuaire qui déroulait devant mes yeux, avec son histoire, quelque chose de l’histoire de l’esprit humain. […] À la ville comme à la cour, partout où étaient ses yeux et ses oreilles, il regardait, écoutait en silence. […] Il avait les yeux collés sur trois ou quatre personnes de qualité qui marchandaient des dentelles ; il paraissait attentif à leurs discours, et il semblait, par le mouvement de ses yeux, qu’il regardait jusques au fond de leurs âmes pour y voir ce qu’elles ne disaient pas.
C’est peut-être là un caprice de mes yeux, mais moi je les trouve tricolores. […] Elle épongea rapidement ses yeux, et descendit. […] Il doit être vu avec des yeux de presbyte et non pas avec des yeux de myope, car le détail n’importe guère en présence d’un tel ensemble. […] Hors des yeux de la foule, il se courbait sous son étreinte. […] Les plus sensibles, dit le narreur, se contentaient de détourner les yeux.
dit Kelz en clignant de l’œil et souriant, boiteux ! […] » dit-il en relevant son bonnet de soie sur son front chauve, et nous regardant les yeux écarquillés. […] Moi, je sentais mes yeux se fermer. […] Il ouvrait de grands yeux. […] Quand on le ferme, on n’a dans les yeux ni héros, ni héroïne, ni amour, ni aventures qui s’effacent avec le temps.
Détournons les yeux. […] Tous les hommes me sont à tel point odieux, Que je serais fâché d’être sage à leurs yeux. […] Je n’ai plus d’yeux pour ses défauts, il m’en reste seulement pour tout ce qu’elle a d’aimable. […] Mes yeux et mes soupirs vous l’ont dit mille fois ; Et, pour mieux m’expliquer, j’emploie ici la voix. […] Leurs regards ne sont pas dissipés, leurs yeux ne parcourent pas les loges.
Nos yeux fatigués, éblouis par tant de faires différens, sont-ils mauvais juges ? […] Le fond est une campagne où l’œil va se promener et se perdre. […] Portez vos yeux au-dessus de ce second pont, et dites-moi, si vous le savez, quelle est l’étendue que vous découvrez. […] Dans quelle énorme profondeur obscure et muette mon œil va-t-il s’égarer ? […] Je crois que l’œil et l’imagination ont à peu près le même champ, ou peut-être au contraire que le champ de l’imagination est en raison inverse du champ de l’œil.
A droite dans le haut, un petit bout de ciel ou de rocher — quelque chose de bleu ; — les yeux de la Madeleine sont fermés, la bouche est molle et languissante, les cheveux épars. […] … Nous sommes ici en plein Delacroix, c’est-à-dire que nous avons devant les yeux l’un des spécimens les plus complets de ce que peut le génie dans la peinture. […] Robert Fleury. — C’est à cette volonté tenace, infatigable et toujours en haleine, que les tableaux de cet artiste doivent leur charme presque sanguinaire. — Le spectateur jouit de l’effort et l’œil boit la sueur […] Planet a fait ce que font tous les coloristes de premier ordre, à savoir, de la couleur avec un petit nombre de tons — du rouge, du blanc, du brun, et c’est délicat et caressant pour les yeux. […] L’aspect en est un peu trop doux et a le tort de ne pas appeler les yeux comme le portrait de la princesse Belg…, de M.
L’œil humain a-t-il jamais embrassé forme plus parfaite ? […] Ce Jean Bon, par exemple, qu’il avait d’abord condamné à mort, et auquel par grâce spéciale, il se contenta de faire crever les deux yeux. « Il fut rapporté que ledit Jean Bon voyoit encore d’un œil. […] La postérité a pour Diane les yeux éblouis d’Henri II. […] De Charles-Quint à Charles II, la dynastie s’abâtardit à vue d’œil. […] — je vous vois de mes yeux !
Par suite, il se forme des petits plis verticaux dans l’espace intersourcilier, l’œil est voilé ou tout à fait fermé, ou bien il regarde intérieurement. […] Il y a, en général, immobilité, adaptation des yeux, des oreilles, du toucher, suivant les cas : en un mot, tendance vers l’unité d’action, convergence. […] Un mouvement de l’œil ou du doigt, si léger qu’il soit, ressuscite la perception. […] L’horloger qui étudie minutieusement les rouages d’une montre, adapte ses yeux, ses mains, son corps ; tous les autres mouvements sont supprimés. […] Ou sent très clairement la différence quand on change rapidement la direction de l’attention de l’œil à l’oreille.
comme chaque idée, chaque sentiment va revêtir à ses yeux un masque, un personnage, et marcher à ses côtés ! […] Le jeu de Talma, c’était tout le style dramatique mis en dehors et traduit aux yeux. — Les personnages du drame, vivant de la vie réelle comme tout le monde, doivent en rappeler à chaque instant les détails et les habitudes. […] Ingres, comme on a l’œil rempli de l’éclatante variété pittoresque du grand maître flamand, on ne voit d’abord dans l’artiste français qu’un ton assez uniforme, une teinte diffuse de pâle et douce lumière. Mais qu’on approche de plus près et qu’on observe avec soin : mille nuances fines vont éclore sous le regard ; mille intentions savantes vont sortir de ce tissu profond et serré ; on ne peut plus en détacher ses yeux. […] il ne s’agissait que d’achever la fusion ; l’œuvre de réforme dramatique qui se poursuit maintenant sous nos yeux eût été dès lors accomplie. — C’est que, sans doute, dans la tragédie telle qu’il la concevait, Racine n’avait nullement besoin de ce franc et libre langage ; c’est que les Plaideurs ne furent jamais qu’une débauche de table, un accident de cabaret dans sa vie littéraire ; c’est que d’invincibles préjugés s’opposent toujours à ces fusions si simples que combine à son aise la critique après deux siècles.
.) : « Le livre sera reproduit ainsi comme un objet de lecture réelle sur lequel se seront fixés des yeux humains froids, souriants, émerveillés, hagards, ou à demi clos d’une douleur qui se contient, yeux d’hommes, las de vrais spectacles, limpides ou cruels yeux de femme, yeux ternes des oisifs, yeux lumineux d’adolescent qui, se durcissant aux fictions, s’accoutument à la vie. Saisie dans le jour blanc d’un musée ou fixée aux panneaux futilement ornés d’un salon, la toile dont les pigments réfléchissent les diaprures incluses du rayonnement solaire, refleurira par les mots, dans l’accord heurté ou doux à l’œil de ses nuances stridentes ou tragiquement mortes, etc. » J’aurais honte de citer ce morceau pour le vain plaisir de le déclarer mauvais ; mais il est bon d’aviser les jeunes écrivains et de s’avertir soi-même du danger où l’on est d’écrire en style décadent, lorsque, fût-on un maître, on cède à l’illusion d’enrichir le sens par la bigarrure des mots.
« Il n’y a de beau que les commencements », a dit une femme qui savait que le génie de son sexe n’est pas plus durable que sa beauté, et c’est cette beauté des commencements, c’est cette loi qui fait, chez la femme, quand il a le plus l’air d’exister, quelque chose d’aussi délicat, d’aussi fragile et d’aussitôt passé que l’humidité de ses yeux et le rose de sa joue, c’est cette loi que va nous démontrer aujourd’hui le volume de poésies de Mme de Girardin, qui furent ses commencements, à elle ! […] Ainsi, à ses propres yeux et aux yeux encharmés des hommes de son temps, elle était la réalité dont Mme de Staël avait fait le rêve, et elle était davantage encore, elle était les deux rêves à la fois de Mme de Staël, car elle avait le génie de Corinne et la beauté de Lucile Edgermond. […] Et j’avais tant d’espoir quand j’entrai dans le monde, Orgueilleuse et les yeux baissés ! Cet orgueil aux yeux baissés, cette orgueil jeune fille est superbe et n’avait jamais été exprimé d’un trait plus profond et plus vrai… Certainement, rien n’a jamais valu ni pour elle, ni pour personne, ni au point de vue de la galerie et du succès, ni au point de vue de son émotion intérieure, ce moment unique… ce premier coup d’archet de l’ouverture d’une existence qui ressembla, hélas ! […] Il s’en va avec la beauté et la jeunesse, laissant aux femmes qui ont vécu par lui les yeux pleins de ces larmes qui tacheraient l’honneur de la vieillesse, si on osait les essuyer avec des cheveux blancs !
Nous rencontrâmes facilement une retraite inaccessible à l’œil et à l’oreille de nos compagnons. […] Elle avait de petits yeux très ardents, et un peu rouges, parce qu’elle y avait presque toujours mal. […] Lorsqu’ils s’en vont, ils lèvent les yeux vers moi : Bonjour, Lépreux, me disent-ils en riant, et cela me réjouit un peu. […] Mes yeux étaient pleins de larmes : qui n’eût été touché d’une telle affection ? […] Mon premier mouvement fut de lever les yeux vers le ciel pour le remercier de m’avoir préservé du plus grand des malheurs.
Un de ces critiques ne disait-il pas à propos de La Faustin, que les devoirs de son métier l’avaient forcé, malgré lui, à jeter les yeux sur les œuvres du marquis de Sade ? […] Il y a en effet de la bonté dans ses yeux gris, une bonté qu’on sent tout près de devenir agissante, la bonté d’une belle et bien portante habitante de la campagne. […] c’est terrible cette pensée — et de la terreur vient à ses yeux. — Il y a des nuits, où je saute tout à coup sur mes deux pieds, au bas de mon lit, et je reste, une seconde, dans un état d’épouvante indicible ». […] On voit des maîtresses de maison disparaître, une minute, avant leur dîner, et reparaître, ayant dans les yeux de l’ivresse spirituelle. […] Cela saute aux yeux, et n’est dit par personne.
G. l’absorbe sans cesse ; il en a la mémoire et les yeux pleins. […] Vous verrez leurs yeux s’agrandir démesurément. […] L’œil profane ne la souille pas moins que la bouche ou la main. […] Il regardait toutes ces femmes roses avec des yeux païens, et Ernestine, qui est engagée à l’Hippodrome et qui jouait le rôle de Junon, lui a fait un œil plein de souvenirs, un véritable œil de vache. […] Le mouvement créé par Victor Hugo se continue encore sous nos yeux.
Le seul parti sage serait de voir, par ses yeux, si Louise lui est restée fidèle. […] Le juste et l’injuste deviennent, aux yeux du lecteur, adresse et maladresse. […] Guizot ; mais mon admiration ne ferme pas mes yeux à l’évidence. […] Cette modestie est à mes yeux la preuve d’un rare bon sens. […] C’est à mes yeux un mérite très réel, dont je sais bon gré à M.
L’œil saisit la forme animée de l’homme, la compare avec les objets ambiants et l’en différencie. […] Le décor examiné, nous allons passer su premier degré de mimique, la première perceptible à l’œil, la plus accessible aux sens. […] Voilà comment se présente aux yeux du simple la « vision du Gral » : on peut séparer cette scène en deux parties : Parsifal et ce qu’il voit. Peu à peu, il est comme enveloppé et disparaît en quelque sorte aux yeux du spectateur, puis il reparaît. […] Sa figure est caractéristique ; elle est d’une couleur rougeâtre, et ses yeux, tantôt étincellent, tantôt sont d’une fixité mortelle.
Il n’accusait que ses yeux, dont l’état de douleur s’aggravait et ne laissait pas de l’alarmer. […] Nous en avons sous les yeux le récit et les dessins, que M. […] « Figurez-vous, monsieur, combien je suis malheureux : depuis près d’un an condamné à ne presque pas lire par mes yeux, à ne presque pas écrire aussi. […] Ce n’était pas des yeux que venait son mal, mais d’un gonflement redoutable de la rate et du foie. […] Lorsqu’on aura publié ce dernier voyage de 1842, on aura sous les yeux la série de toutes ses courses depuis 1837.
Ouvre les yeux, examine & choisis ton fort. […] Satisfaire quelques besoins, comparer avec peine deux objets, voilà où se réduisent leur desir & leur curiosité : mais l’homme de génie ouvre à peine les yeux, qu’il reçoit à la fois une idée & un sentiment. […] Votre œil s’étend, votre vûe plane & profondément émus, vous vous écriez d’une commune voix : O ! […] C’est aux feux étincelans & legers que dresse l’artifice à recréer les yeux de l’enfance dans l’enceinte des Villes ? […] Les différentes générations d’hommes, & leurs opinions diverses passent sous ses yeux avec leurs Villes, leurs mœurs, leur culte & leurs loix.
Il existe entre l’Univers & toi une relation intime, ou plutôt l’Univers est créé pour tes yeux. […] Il jouit tour à tour des systêmes élevés & profonds de la Métaphisique, des sublimes préceptes de la Morale, des immuables vérité de la Géométrie, des tableaux attachans de l’Histoire, du pinceau de Rubens, du cizeau de Bouchardon, du charme inexprimable de l’éloquence, & de celui de la Poësie le premier, le plus beau des Arts, qui frappant par excellence le cœur de l’homme, lui procure le plaisir d’être délicieusement ému, & embellit à ses yeux tous les objets de l’Univers. […] Que seront à ses yeux les foibles imitations d’un Art limité ? […] Il se reproduit sous ses yeux, & le remords d’un jour inutile n’entre point dans son cœur ; le calme, la tranquilité, enfans de la modération des desirs, deviennent son partage. […] Chantre de Tancrede & d’Armide, je te suis dans tous les lieux où t’entraîne le destin le plus bizarre, je vois le charme de la Poësie, comme un baume vivifiant, ranimer ton ame flétrie par la douleur ; tu braves le sort & les ennemis en te jettant dans les bras des Muse ; la mort s’avance & tu ne l’apperçois pas ; ton œil ne se porte que vers l’immortalité.
La nature entière se réveille ; de nouvelles feuilles, de nouvelles fleurs poussent à vue d’œil. […] Une ellipse colossale dessine à l’œil ce théâtre. […] Douze cents pieds d’espace ouvrent à l’œil la vue nécessaire pour embrasser la masse et la beauté de l’église. […] Ouvrez vos yeux et confessez le mystère, le secret de Dieu ! […] Tout serait clair comme le jour, palpable comme la pierre, compréhensible comme la main qui contient ce que l’œil juge.
Ses robes chatoyantes, ses dentelles, ses cheveux cendrés et ondés, sa carnation vigoureuse, avaient fasciné l’œil du peintre. […] Ces yeux-là quoique un peu éteints, comme il en convient aux yeux des paléographes habitués à regarder des choses de peu de reflet, ont encore assez de vivacité pour défier tous les anathèmes. […] J’ai là sous mes yeux ce livre cruel et désolant : Ce qui ne meurt pas, par M. […] À mes yeux, le théâtre est le triomphe de la bagatelle et la décisive victoire du médiocre. […] On donnait des yeux trop grands à la Mère de douleur regardant mourir son fils et cela faisait sangloter les multitudes.
Voyez cette femme qui a perdu les yeux dans sa jeunesse. […] Oui, bien pour vos yeux et les miens. Mais appelez la nature, présentez-lui ce col, ces épaules, cette gorge ; et la nature vous dira, Cela c’est le col, ce sont les épaules, c’est la gorge d’une femme qui a perdu les yeux dans sa jeunesse. […] L’étude de l’écorché a sans doute ses avantages ; mais n’est-il pas à craindre que cet écorché ne reste perpétuellement dans l’imagination ; que l’artiste n’en devienne entêté de la vanité de se montrer savant ; que son œil corrompu ne puisse plus s’arrêter à la superficie ; qu’en dépit de la peau et des graisses, il n’entrevoie toujours le muscle, son origine, son attache et son insertion ; qu’il ne prononce tout fortement, qu’il ne soit dur et sec, et que je ne retrouve ce maudit écorché même dans ses figures de femmes ? […] Tâchez, mes amis, de supposer toute la figure transparente et de placer votre œil au centre.
et vos yeux secs et froids Semblent me demander si je parle iroquois ! […] Un essaim de beautés réfléchi par vingt glaces, Étalait à l’envi ses attraits et ses grâces y De leurs riches atours les yeux étaient charmés. […] C’était un beau jeune homme, une tête à caprices ; Son front à demi chauve, et le désordre heureux Où tout l’art d’Hippolyte avait mis ses cheveux, Son cou penché, son air tendre et mélancolique, Ses yeux à peine ouverts, et son regard oblique, Tout en lui décelait une peine de cœur, Que de son teint fleuri démentait la fraîcheur. […] C’est un vrai cauchemar qu’on a les yeux ouverts : Il suffoque ; et malheur aux petites maîtresses, Qui voudraient sans éther assister à ses pièces ! […] Avec trop d’équité jugeant les souverains, D’un œil trop philosophe ils ont vu les humains.
C’est vers le dedans de l’homme que leurs yeux se tournent. […] Figurez-vous un homme qui se met en voyage ayant sur les yeux une paire de lunettes extraordinairement grossissantes. […] C’est que ces yeux étaient anglais, et que les sens ici sont barbares. […] Au-dessous un pâle squelette, les yeux clos, s’affaisse tenant en main son verre. […] Le dernier carabin extirpe l’œil, et la bouche contractée a l’air de hurler sous sa main.
Une physionomie curieuse que celle de la princesse, avec la succession d’impressions de toutes sortes qui la traversent, et avec ces yeux indéfinissables, tout à coup dardés sur vous et vous perçant. […] C’est ainsi qu’elle définit je ne sais plus qui, par cette phrase : « Un monsieur qui a sur les yeux la buée d’un tableau ! […] Il est beau, grandement beau, énormément beau, avec du bleu du ciel dans les yeux, avec le charme du chantonnement de l’accent russe, de cette cantilène où il y a un rien de l’enfant et du nègre. […] Les yeux lui sortent de la tête. […] Assez près de lui, il y avait un tout jeune officier autrichien blessé, qu’un vieillard, sans doute un domestique, une larme dans l’œil, cherchait à faire boire.
Vainement les plus grandes beautés se multiplient sous leurs yeux ; vainement le soleil les éblouit de ses rayons ; ils ne veulent voir, ils ne voient que les taches ! […] Les sentiments élevés, les hautes vertus que la poésie, l’éloquence et l’histoire se plaisent à mettre sous nos yeux, ne peuvent pas être pour nous un vain spectacle. […] Tout s’empreint à ses yeux des couleurs du ciel qu’il contemple ; tout s’anime en ses vers des émotions de son âme. […] Nous nous transporterons à Athènes, à Rome, partout où la gloire des lettres brillera à nos yeux d’un plus vif éclat, afin d’en mieux pénétrer les mystérieuses inspirations. […] On l’écoutait des yeux.
Il y a des exemples de toutes ces formes diverses parmi les productions nées du cœur ; et ces formes, nous le répétons, sont assez insignifiantes, pourvu qu’elles n’étouffent pas le fond et qu’elles laissent l’œil de l’âme y pénétrer au vif sous leur transparence. […] Elle ne se figure donc pas le moins du monde un avenir riant de vie champêtre, de domination amoureuse et de bergerie dans ces belles prairies à foin, partagées par un ruisseau qu’elle a sous les yeux, ou dans quelque rocher ténébreux de la vallée de Villar, qui n’est qu’à deux pas : elle ne rêve pas son Ernest à ses côtés pour la vie. […] Mais c’est ici le lieu de dire que Mlle de Liron était belle, et comment elle l’était ; car sa beauté va s’altérer avec sa santé jusque-là si parfaite, et quand Ernest la reverra après le terme prescrit, malgré l’amour d’Ernest et ses soins de plus en plus tendres, elle lira involontairement dans ses yeux qu’elle n’est plus tout à fait la même. Mlle de Liron est blanche comme le lait ; elle a de beaux cheveux noirs et des yeux d’un bleu de mer, genre de beauté assez commun parmi les femmes du Cantal où sa mère était née. […] On ne lit toute cette fin que les yeux noyés de larmes aveuglantes, suivant une belle expression que j’y trouve.
Mais vous traverseriez pendant des jours et des mois une plaine de cette fécondité et de ce niveau sans qu’un atome de poésie sortît pour les yeux ou pour l’âme de ce grenier de l’homme. […] Et pourquoi ces trois petits phénomènes et ces trois images sont-ils à nos yeux la seule poésie de ce vaste espace ? […] Nous répondons en deux mots : parce qu’elle a plus d’émotion pour nos yeux, pour notre pensée, pour notre âme. […] Si l’œil cherche à sonder le lit murmurant de ces vagues, on songe à la profondeur des abîmes qu’elles recouvrent, aux monstres qui bondissent, ou rampent, ou nagent dans les mystères de ce monde des eaux. — Émotion ! […] Le but légitimait à ses yeux et sanctifiait même les moyens.
À vingt ans, elle est vive, mobile, confiante et un peu crédule, tendre, avec un front pur, décent, des cheveux bien plantés, une fraîcheur qui passa vite, et volontiers avec des larmes d’émotion dans ses beaux yeux. […] La voilà donc à trente ans passés, un peu embellie si l’on veut, ou du moins vue par des yeux amis, un jour de beauté et de soleil. […] Toute part faite à la galanterie et à la poésie, cet aigle dans une cage de gaze nous prouve au moins que Mme d’Épinay avait de bien beaux yeux et une âme bien vive dans son enveloppe transparente. […] les beaux habits servent bien à la mine, On a beau s’agencer et faire les doux yeux, Quand on est bien parée, on en est toujours mieux. […] Les larmes me venaient aux yeux, je ne pouvais plus y tenir.
Si donc l’art en venait à n’avoir plus d’autre fin que de charmer les yeux et les oreilles, il pourrait se réduire un jour à un système de règles techniques, à une question de savoir-faire, ou même de savoir pur et simple. […] Tout type de grâce vraiment attirante doit mériter qu’on lui applique les vers du poète : Ton accent est plus doux que ta voix : ton sourire Plus joli que ta bouche, et ton regard plus beau Que tes yeux : la lumière efface le flambeau. […] Mais à ce sentiment se mêle ici quelque chose de nouveau, l’amour sincère de la science, la curiosité de l’intelligence abstraite et non pas seulement des yeux en quête de paysages. […] La vibration du cœur est comme celle de la lumière : elle se communique tout alentour ; produisez en moi l’émotion, cette émotion, passant dans mon regard, puis rayonnant au dehors, se transformera eu beauté pour mes yeux. […] Léonard de Vinci conseille aux peintres de recueillir les expressions diverses de physionomie que le hasard met sous leurs yeux ; plus tard, ils les pourront rapporter au visage forcément indifférent du modèle : ils auront pris de la sorte la vérité sur le fait.
Ensuite le poète dit la Vie des morts, leur âme éparse dans les arbres, dans les broussailles, dans les sources qui sont leurs yeux, dans les nuages qui sont leur pensée inquiète, dans les astres où flambent leurs anciennes passions, dans la mer, « temple obscur des métamorphoses », dans les parfums, dans le chant nocturne des voix terrestres… Et cependant ce n’est pas tout ce qui reste des morts. « Ce que m’a pris le rêve, mes aspirations vers le juste et le beau, ce que j’ai dit tout bas à la nuit, ce que j’ai vu en fermant les yeux, Ma chair ne saurait plus l’entraîner au tombeau. […] ……… Dans le recueillement des longs soirs parfumés, A l’heure où, scintillant comme un pleur sous des voiles, La tristesse des nuits monte aux yeux des étoiles… Je crois bien que, si l’on cherchait où est décidément l’originalité de M. […] Relisons quelques strophes de l’ami de Laripète : Comme au front monstrueux d’une bête géante, Des yeux, des yeux sans nombre, effroyables, hagards, Les Astres, dans la nue impassible et béante Versent leurs rayons d’or pareils à des regards, ……… Et la Terre, oeil aussi, brûlant et sans paupière, Sent dans ses profondeurs sourdre le flot amer Que déroule le flux éternel de la mer, Larme immense pendue à son orbe de pierre.
Est-ce que les deux ou trois amoureux assez ridicules et assez méprisés que je trouve dans l’ouvrage d’Hippolyte Babou seraient, à ses yeux connaisseurs, une preuve de sa vertu, à elle ? […] « Le feu de ses yeux éclairait l’espace autour d’elle ! […] Pour ma part, je ne crois pas beaucoup que les yeux bleus, spirituels et taquins de madame de Sévigné éclairassent l’espace autour d’elle. […] Je ne crois point au feu des yeux de madame de Sévigné ; je crois à leur lumière. […] ses yeux n’étaient qu’une gelée bleue.
C’est ainsi que la Philosophie, si elle n’est pas charmée, est au moins gênée devant les yeux baissés de l’immaculée Carmélite qui n’est pas seulement la gloire de l’Espagne, mais de la Chrétienté et de l’âme humaine, et aussi de l’esprit humain, et c’est pourquoi, sans aucun doute, dans l’embarras où tant de gloire la jette, elle aime mieux se taire que parler ! […] Allez donc faire comprendre aux âmes du Dix-neuvième Siècle les humilités de la Sainte, qui s’appelle criminelle, elle qui n’a jamais péché mortellement, selon l’Église, et qui l’est à ses yeux, parce qu’elle emprunte un peu de la lumière de Dieu, pour voir l’infinie petitesse des plus grandes vertus. […] La profondeur de la pureté ne se révèle qu’aux yeux qui commencent d’être purs, et ils n’y pénètrent qu’en se purifiant davantage. […] La Sainte Térèse des Fondations a été dévorée par le feu de l’autre Térèse, aux yeux éblouis de ces pauvres hommes qui répugnent toujours à accepter, dans un seul être, deux grandeurs. […] Tarissez ces larmes dans ces yeux pâmés vers le ciel, et qui, fermes et attentifs, redescendent tout à coup sur la terre, et vous avez la seconde grandeur de Sainte Térèse, vous avez la Térèse des Fondations !
Séverine, un ovale court, ramassé, dans lequel il y a de tendres yeux, une grande bouche aux belles dents, et de la bonté. […] Une figure de candeur, des yeux bleu de ciel, une toute petite bouche sérieuse, des cheveux blonds tirebouchonnés en boucles frisottantes, trois rangs de perles au cou, une robe de linon blanc à raies satinées, et une ceinture, et des bracelets, et un floquet de rubans dans les cheveux, du bleu de ses yeux. […] Une douceur des yeux, une blondeur des cheveux, une bonté de la figure, une bonté intelligente, spirituelle, qui met parfois sur son visage d’ange, de la jolie gaminerie d’enfant. […] Un intelligent haut de tête, des yeux clairs et voluptueux, un petit nez droit, un grain de beauté jeté au beau milieu d’une joue rose. […] Je vois meubler le salon du premier acte, je vois les pompiers, l’œil au petit hublot de la toile, j’entends force m…. dans la lampisterie.
L’homme parle et dispute avec l’obscurité, Et la larme de l’œil rit du bruit de la bouche. […] ce n’est plus un temple Qu’aurait sous les yeux l’homme eu ce ciel qu’il contemple. […] Quand la paupière fut pleine, la larme coula le long de sa joue livide, et il dit presque en bégayant, bas et se parlant à lui-même, l’œil perdu dans les profondeurs : — Ô toi ! […] De ce monde où l’on souffre le poète relève nos yeux vers le ciel, et il nous y montre la Foi, ceinte d’un cercle d’étoiles. […] Douleurs, douleurs, douleurs, fermez vos yeux sacrés !
Le peintre qui travaille « de chic » a devant les yeux la scène imaginaire qu’il traduit à meure. […] Albalat le suit des yeux, le boit ; car M. […] Nulle comparaison ne s’interpose jamais entre notre œil et le fait nu . […] On ne devrait jamais raconter que ce que l’on a vu, soi, de ses yeux propres, bien lucidement. […] Un vase d’étain était bon à mettre sous nos yeux, ciselé au seizième siècle, mais non d’hier.
Les personnages de Nicolaï défilaient toujours dans sa chambre, et les petites taches grises ne cessent pas de s’appliquer sur le papier placé sous les yeux du micrographe. — En effet, la sensation contradictoire ne se produit plus. […] L’halluciné, même raisonnable, continue à voir ses fantômes comme extérieurs : en effet, les centres sensitifs fonctionnent exactement chez lui comme s’il y avait devant ses yeux des personnages réels. […] Quelque chose vous passe devant les yeux ; c’est alors qu’il faut se jeter dessus, avidement ». — Ma propre expérience s’accorde avec ces remarques. […] Je pense à une ligne de peupliers, et, tout en suivant, les yeux fermés, le rideau vert de feuillages mouvants, çà et là troué par l’azur, je sais fort bien qu’il est intérieur et actuel. […] Tout cela est permis, et même commode. — Mais ici commence l’erreur ; on est dupé par les mêmes mots et de la même façon qu’à propos de la mémoire et de la perception extérieure ; comme il s’agit d’une connaissance, on veut absolument y trouver un acte de connaissance et un objet connu ; on se la figure comme le regard d’un œil intérieur appliqué sur un événement présent et interne, de même qu’on s’est figuré la mémoire comme le regard d’un œil intérieur appliqué sur un événement passé.
Nous avons ces lettres sous nos yeux. […] Les yeux alors voient le ciel ouvert, le cœur nage dans la félicité. […] ” Et quand il s’aperçut que mes yeux étaient remplis de larmes, il les ferma et il ajouta : “Du calme ! […] Elle entrouvrit sa robe et me montra une place sur son beau sein ; ses yeux resplendissaient de joie. […] Je ne voudrais que deux exemples sous nos yeux pour combattre par les faits ce paradoxe en vogue de nos jours.
Ils rentraient si souvent au nid avec des insectes, qu’il me semblait que les petits croissaient à vue d’œil. […] Levez les yeux : sur une branche du grand arbre repose l’oiseau femelle. […] Quand vous verrez deux arbres dont la cime dépasse toutes les autres cimes s’élever en face l’un de l’autre, sur les deux bords du fleuve, levez les yeux. […] Son œil étincelle dans son orbite et paraît brûler comme la flamme. […] Il lève sa tête chauve vers le ciel, et ses yeux enflammés d’orgueil se colorent comme le sang.
Les sensations m’accablent… Il est des moments où les traits de mes amis, de mes parents, un lieu consacré par un souvenir, un arbre, un rocher, un coin de rue sont là devant mes yeux, et les cris d’un porteur d’eau de Paris me réveillent. […] Fais la nique à la camarde Qui nous montre ses gros yeux. […] Le couchant me regarde avec ses yeux de flamme, La vaste mer me parle, et je me sens sacré. […] La fin de l’amour lui paraît absolument disproportionnée avec la passion qu’elle excite : c’est à ses yeux un trouble énorme, un vrai bouleversement dans tout cela l’organisme ; pour peu de chose. […] Le problème est des plus difficiles.Ce qui excuse le luxe aux yeux du philosophe, c’est ce que le luxe contient d’art.
Ramenez votre manteau sur vos yeux, comme César mourant, pour ne pas voir mourir la littérature française. […] Un ver luisant pendant la nuit attire plus les yeux que mille étoiles au firmament pendant le jour. […] La première jeunesse des yeux de l’imagination et du cœur est la naturalisation pour le poète comme pour l’homme. […] Ils défilèrent avec une gravité antique sous mes yeux pour entrer dans la cour du palais. […] J’en avais les yeux las et l’esprit saturé ; j’avais tant vu que je ne regardais plus rien.
Quand les yeux sont ainsi inondés, quel est le cœur de roc qui peut rester sec ? […] J’ai le reflet charmant des yeux dont tu m’accueilles […] Mais cela fait bon effet aux yeux des braves gens. […] L’œil calme, le front levé, elle se sert des plats qu’elle lavait auparavant. […] Il faut une bonne main et un œil excellent.
-rendre l’espace immense que votre œil découvre au-delà ? […] Comme mon conducteur aurait joui de la violence de mon étonnement, sans la douleur d’un de ses yeux qui était resté rouge et larmoyant ! […] Je vous appellais, j’appellais mon amie, lorsque le cher abbé entra avec son mouchoir sur son œil. […] Arrêtez à la surface de l’œil une image, que l’impression n’en passe ni à l’esprit ni au cœur, et elle n’aura plus rien de beau. […] Quelquefois mes yeux et mes bras s’élevaient vers le ciel, quelquefois ils retombaient à mes côtés comme entraînés de lassitude.
Voilà le ciel, la terre et tous les éléments ; or c’est d’eux que tout est fait… Quand tout ce qui est au monde serait présent à vos yeux, que serait-ce qu’une vision vaine ? […] Ce n’est point un paradoxe, je vous assure, de dire que c’est de nos jours seulement que l’homme a eu des yeux, a su voir entièrement le monde extérieur. […] Et c’est la nouveauté d’une région étrangère qui lui a dessillé les yeux, qui lui a permis de les ouvrir ensuite sur la nature de chez nous ; et ainsi c’est l’exotisme qui a définitivement introduit le pittoresque dans notre littérature. […] Et, du jour où cette faculté s’applique, non plus à des objets étrangers, mais à ce que nous avons tous les jours sous les yeux, la littérature nouvelle est née ; le romantisme engendre le naturalisme. […] Il est d’abord dans les choses même que l’écrivain nous met sous les yeux.
J’ai les os fins, la peau jaune, des yeux de cuivre, Un torse d’écuyer et le mépris des lois. […] Puis, ces mots qui nous tirent l’œil nous empêchent de voir le tableau. […] Ajoutez que, considérée par l’extérieur et avec l’œil d’un peintre, la vie des gueux a beaucoup de relief et de couleur, soit parce qu’elle est l’exception et qu’elle fait contraste avec la vie de la société régulière, soit parce que, tout y étant libre et dégagé de conventions, tout y est par là même plus expressif. […] Tout, dans l’univers, prend à ses yeux des aspects priapiques. […] Richepin, que voluptueuses ; mais, tandis qu’il les détaille, elles deviennent toujours et invinciblement grossières, viles, choquantes même aux yeux les plus païens du monde.
Les opérations ambitieuses ou injustes seront réfrénées, à ce qu’il paroit, par tous ces yeux ouverts, ces langues promptes à parler, ces plumes prêtes à écrire. […] Les chef-d’œuvres ne renaîtront que lorsque les yeux de la nation entiere pourront s’attacher sur un genre neuf & inconnu. […] Sans cela le sublime & la profondeur des pensées passent devant nos yeux, comme le spectacle de l’univers passe devant certains yeux inattentifs & vulgaires. […] L’œil fixe son ennemi avec tranquilité ; point de couleur prononcée, même légèrement. […] Je sçais qu’il est fin, ingénieux, délicat ; & voilà pourquoi je souffre en le lisant ; il souille à mes yeux son esprit.
Deux choses sautent aux yeux : 1º le costume est toujours, plus ou moins, ajusté ; 2º il diffère très profondément, selon les sexes. […] L’unité du corps féminin étant rompue, on ne l’embrasse plus aussi facilement d’un seul regard ; mais nos yeux sont tour à tour attirés sur les deux parties qui le composent et, dans chaque partie, sur les proéminences. […] L’uniformité pratique de la mode virile, s’opposant au bariolage, à la diversité superficielle et aux artifices contraignants de la mode féminine, signifie aux yeux que l’homme est né pour agir et la femme pour plaire, et nous suggère cette idée que l’extrême différenciation des costumes entre les sexes est peut-être une des marques de l’extrême civilisation. […] Je voudrais enfin l’abolition du chapeau haut de forme, objet aussi inconcevable pour le moins et aussi mystérieux que l’« habit », et plus épouvantable encore, en dépit de la perverse accoutumance de nos yeux… Mais je sens bien ici que je suis en plein rêve.
Deux sortes de peintures : l’une qui plaçant l’œil tout aussi près du tableau qu’il est possible sans le priver de sa faculté de voir distinctement, rend les objets dans tous les détails qu’il aperçoit à cette distance, et rend ces détails avec autant de scrupule que les formes principales, en sorte qu’à mesure que le spectateur s’éloigne du tableau, à mesure il perd de ces détails, jusqu’à ce qu’enfin il arrive à une distance où tout disparaisse ; en sorte qu’en s’approchant de cette distance où tout est confondu, les formes commencent peu à peu à se faire discerner et successivement les détails à se recouvrer, jusqu’à ce que l’œil replacé en son premier et moindre éloignement, il voit dans les objets du tableau les variétés les plus légères et les plus minutieuses. […] Je la vois mieux à mesure que mon œil s’en approche ; je la vois moins à mesure que mon œil s’en éloigne.
La scène est admirable et tire des larmes de tous les yeux. […] Henri a les yeux bandés, il entre dans la chambre d’Angèle. […] Mes yeux sont-ils trop faibles pour apercevoir les beautés mystérieuses de cet ouvrage ? […] Elle a beau déchirer le voile qui couvrait ses yeux d’ange, elle ne peut le sauver. […] À mes yeux tout le drame se réduit à trois acteurs : un roi, une jeune fille, un père.
La figure brisée avec l’ornement est d’excellent goût ; ces eaux ramassées sur le devant ont de la transparence ; mais le tout est gris ; mais il est sec, mais il est dur, mais la lumière forte est trop égale, mais son effet blesse les yeux, mais les figures sont mal dessinées ; mais ce tableau, mis malignement à côté de la galerie antique de Robert, fait sentir l’énorme différence d’une bonne chose et d’une excellente. C’est notre ami Chardin qui institue ces parallèles-là aux dépens de qui il appartiendra, peu lui importe, pourvu que l’œil du public s’exerce et que le mérite soit apprécié. […] En général les morceaux de Machy sont gris ou d’un jaune de paille ; ce sont des ruines toutes neuves. à parler rigoureusement, il ne peint pas, c’est une estampe qu’il enlumine précieusement, avec un goût et une propreté exquise, aussi ses tableaux ont-ils toujours un œil dur et sec.
Me voilà donc, dessinateur imberbe et inexpérimenté, copiant tout ce qui se présentait à mes yeux, et le copiant mal. […] Il leva la tête, me montra du doigt un de ses yeux sorti de son orbite, et le sang ruisselant sur son visage ; puis, de l’œil qui lui restait, il lança sur moi un regard singulièrement significatif. […] Étonné de ces mouvements et de ces signes, je le suis des yeux. […] L’Indien me suivait de l’œil. […] Il agita sa queue, s’assit l’œil fixé sur mes ennemis, et prêt à s’élancer sur eux.
il lui donne la joie matérielle de l’œil, voilà tout. […] Quant à mon ancienne adorée, c’est une bien portante bourgeoise, aux yeux noirs d’Espagnole encore pleins de jeunesse, aux dents éclatantes, et portant joyeusement et gaillardement ses années. […] Elle a des scènes de coquetterie délicieuses, avec le gai rire de sa bouche aux dents blanches, avec le tendre rire de ses doux yeux de chevreuil. […] La pièce paraît destinée à un succès, et Porel, tout guilleret, les yeux émerillonnés, s’écrie : « Ça va ! […] Le médecin le regarde dans les yeux, et lui dit à brûle-pourpoint : « Qu’est-ce que vous avez remarqué ici ?
Les deux Nouvelles que nous avons sous les yeux l’attestent. […] Eh bien, dans certaines anxiétés, dans certains désespoirs de Legrand quand il constate, Jupiter descendu de l’arbre, qu’il s’est trompé, qu’il a pris l’œil droit de la tête de mort pour l’œil gauche et que l’expérience d’où dépend son sort est à recommencer, dans certaines parties du dialogue, enfin, nous avons retrouvé l’accent d’angoisse mystérieuse qu’avait Darvell avant de mourir. […] C’est aussi le manque d’entrailles qui nous frappe dans les deux Nouvelles que nous avons sous les yeux. […] Le volume que Baudelaire nous met sous les yeux ne contient que les œuvres inférieures de son héros intellectuel. […] Edgar Poe, le poète et le conteur américain, est à nos yeux le Bohème accompli, le Bohème élevé à sa plus haute puissance.
Il ne saurait lever les yeux pour regarder au-dessus de soi, ni rien dire qui passe le commun. […] Ils paraissent comme des Athlètes dans une lice, où, dépouillés de tout vêtement, leur lutte mutuelle dessine fortement aux yeux les contours, la vigueur, et la légèreté de leur corps. […] Corneille paraît : cet homme jette les yeux de son génie sur le théâtre de son siècle. […] Quand les discordes civiles préparèrent à ses yeux l’asservissement de son pays et l’usurpation de Lysandre, son noble chagrin s’exila dans le bourg de Colone. […] Nos yeux, nos oreilles et notre esprit ne poursuivent point à la fois plusieurs choses aussi vivement qu’une seule.
La Philologie était à ses yeux « la connaissance des faits de l’esprit ». […] Maintenant je vois clairement l’émir aux yeux doux et implacables, le chef de bande féroce et rusé. […] Est-ce que l’histoire ne serait plus à ses yeux qu’un vaudeville macabre ? […] Il est allé encore, les bras tendus et l’œil avide, vers ses chers livres. […] Avec quelle tendresse je regardais ses yeux si beaux, si câlins !
Fuyez, bruyants remparts, pompeuses Tuileries, Louvre, dont le portique à mes yeux éblouis Vante après cent hivers la grandeur de Louis ! […] Il redouble la paix qui m’attache en ces lieux ; Son jour mélancolique, et si doux à nos yeux, Son vert plus rembruni, son grave caractère, Semblent se conformer au deuil du monastère. […] La méditation qui, seule dès l’aurore, Dans ces sombres parvis marche en baissant son œil. […] Maintenant, du milieu de cette paix profonde, Tournez les yeux : voyez dans les routes du monde, S’agiter les humains que travaille sans fruit Cet espoir obstiné du bonheur qui les fuit. […] Ces murs, ces longs dortoirs, se couvrent d’anathèmes, De sentences de mort qu’aux yeux épouvantés L’ange exterminateur écrit de tous côtés.
L’œil, reprenons cet exemple et répétons-le, est une création de la lumière. […] Hugo est un œil prodigieux ; Monet est un œil miraculeux. […] Euf (œil). […] D’ailleurs la Bible renferme quelques allusions au mauvais œil : il n’y a rien de plus méchant que l’œil, dit l’Ecclésiaste. […] — Si le mauvais œil opère mieux en face que de profil ou par derrière ?
Des livres, des dessins, des gravures bornent l’horizon de nos yeux. […] Là, nous prenons machinalement un numéro de L’Illustration, et sous nos yeux tombe le mot du dernier rébus : Contre la mort, il n’y a pas d’appel ! […] De ses yeux ouverts et vides, elle regarde vaguement défiler les maisons… elle ne parle plus. […] Elle était un de ces dévouements dont on espère la sollicitude pour vous fermer les yeux. […] Ce monde aux yeux renfoncés, est dur, concentré, avec un tas de choses amassées sous l’ensevelissement des traits.
Toute ma vie repassait, comme une confession générale, devant mes yeux. […] À peine jetée sur l’eau, la petite chemise s’est soulevée. » Plus tard, chaque fois que je la rencontrais, ses yeux étincelaient : « Oh ! […] L’époque de l’émigration galloise (Ve et vie siècles) était visible dans les campagnes pour un oeil exercé. […] Il ne parlait à personne ; mais son œil timide avait beaucoup de douceur. […] Ses yeux étaient d’une délicieuse langueur, empreints à la fois de bonté et de finesse ; ses cheveux étaient d’un blond adorable.
Il s’est formé une légende sous nos yeux et en plein xixe siècle. […] Es-tu l’œil du ciel borgne ? […] Et Caïn dit — Cet œil me regarde toujours ! […] L’œil a-t-il disparu ? […] Il nous montre Antoine auprès de Cléopâtre, Antoine oubliant la bataille qui se livre près de là, les yeux fixés sur les yeux de Cléopâtre et voyant dans les yeux de Cléopâtre sa ruine, sa défaite, ses galères battues, parce que la flotte de Cléopâtre, vous le savez, au moment décisif, est partie, a abandonné Antoine.
Pour faire concevoir sans peine et distinctement tous ces détails, il faut les exposer aux yeux. […] Il se courbe, et les yeux fixement attachez sur Jesus-Christ, il est devoré d’une jalousie morne pour un choix dont il ne se plaindra point, mais dont il conservera long-tems un vif ressentiment : enfin on reconnoît là Judas aussi distinctement, qu’à le voir pendu au figuier une bourse renversée au col. […] En continuant de comparer la poësie dramatique avec la peinture, nous trouverons encore que la peinture a l’avantage de pouvoir mettre sous nos yeux ceux des incidens de l’action qu’elle traite, qui sont les plus propres à faire une grande impression sur nous. […] Il n’est pas aussi facile d’en imposer à nos yeux qu’à nos oreilles. […] Quoique l’action qu’on nous montre dans un recit, pour parler ainsi, soit très-touchante par elle-même, elle nous émouvra moins que ne le feroit une autre action moins tragique, mais qui se passeroit sous nos yeux et qui seroit répresentée devant nous dramatiquement.
Je m’explique bien vite : l’art dont nous sommes ne s’en va pas, si vous le voulez ; mais il se généralise et il s’étend de plus en plus et à un tel degré, ce me semble, qu’il s’efface déjà à vue d’œil et que ce sera de moins en moins une distinction d’y exceller. […] Il en parlait admirablement et de manière à la faire revivre tout entière sous les yeux avec tout son monde de théologiens, de professeurs, d’érudits et de poètes. […] Ses yeux vous en diront plus que ces pages, dans lesquelles cependant j’ai recueilli pour vous la fleur de l'âme des plus doux génies. […] … Vos yeux ne peuvent se détacher des siens. […] Ses yeux, brillants de gaieté, — la gaieté de vivre, — éclairent autour de vous toutes choses, même une chambre d’exil.
Sa mère, qui déteste en elle l’enfant d’un mari abhorré, la rebute et la maltraite depuis son enfance ; jamais un tendre regard n’a réjoui ses yeux ; jamais un mot d’amour n’a fait battre son cœur ; et pourtant elle se présente aux prétendus avec un million dans chaque main. […] Alors toutes les femmes étaient belles, charmantes, désirables : la France entière avait les yeux et le tempérament de Chérubin : elle adorait Rosine, elle aurait aimé Marceline. « Pourquoi non ? […] Le roi Louis XVI voit de mauvais œil ce vieux garçon du Parc-aux-Cerfs ; il lui a enjoint d’avoir à présenter à la cour, avant six mois, une duchesse de Charamaule. […] Ils admirent, avec des yeux ébahis, comme tout cela brille d’une façon romantique ; ils dressent les oreilles pour entendre la chanson… des moineaux. » Au fond, M. […] Encore s’il était franc dans son cynisme et vrai dans sa turpitude ; mais on ne sait par quel bout prendre ce caractère faux, lâche et mou, qui se décompose à vue d’œil, pour ainsi dire, et tombe en pourriture d’un moment à l’autre.
Attentif, l’œil au guet, pas une voiture armoriée ne passe, qu’il ne salue bien bas les mortels étalés sur les coussins aristocratiques. […] Jouvin ; 3º je l’ai vu, de mes propres yeux vu, rédigeant sa revue théâtrale, dans les bureaux du Figaro. […] Son petit œil gris ne se reposait jamais que sur deux journaux : la Gazette de France et le Charivari. […] Les Toulousains, effarouchés sans doute par les tons ardents de la brique, les ont amortis à l’aide d’un enduit blanchâtre, fort désagréable à l’œil. […] Le bon montagnard contempla le verre vide d’un œil méditatif ; et puis, comme se parlant à lui-même : « Deux sous de lait ?
Ses forces s’usaient, ses yeux se fermaient, las de scruter l’immuable horizon qui ne pouvait ni varier ni s’élargir. […] » Sa vie n’est plus qu’une torture, il sent la terre se dérober sous ses pas en dépit de ses appels au Dieu qui s’obscurcit à ses yeux. […] Tout commentaire de l’auteur affaiblirait la puissance de cette biographie d’âme, vivante et chaude, qui se développe sous nos yeux, avec la force d’un organisme. […] Ne penses-tu pas que ce rôle de courtier du mensonge que l’on veut te faire remplir, va te diminuer à tes propres yeux ? […] C’est pour dessiller tes yeux que nous t’adjurons de prendre conscience de toi-même, avant de t’engager dans la voie pleine d’embûches dont tu sortiras méconnaissable.
Fermons les yeux et voyons ce qui va se passer. […] Alors on voit les objets du rêve se dissoudre en phosphènes, et se confondre avec les taches colorées que l’œil apercevait réellement quand il avait les paupières closes. […] Les paupières ont beau être closes, l’œil distingue encore la lumière de l’ombre et reconnaît même, jusqu’à un certain point, la nature de la lumière. […] Ce cas n’est pas le seul ; il semble que les rayons de la lune, caressant les yeux du dormeur, aient la vertu de faire surgir ainsi des apparitions virginales. […] Ce que nous voyons d’un objet placé sous nos yeux, ce que nous entendons d’une phrase prononcée à notre oreille, est peu de chose, en effet, à côté de ce que notre mémoire y ajoute.
Donc elles guériront, en infusion, les maux d’yeux. […] Nouveau motif de doute, ainsi que l’ont prouvé les yeux de chat de M. […] Il n’est pas sûr de ses yeux : c’est que ses yeux et sa mémoire sont en lutte avec son imagination. […] Il disait : j’ai une flamme dans l’œil gauche. […] L’œil ?
Les soirs d’été, les fleurs ont des langueurs de femmes, Les fleurs semblent trembler d’amour, comme des âmes ; Palpitantes aussi d’extase et de désir, Les fleurs ont des regards qui nous font souvenir De grands yeux féminins attendris par les larmes, Et les beaux yeux des fleurs ont d’aussi tendres charmes. […] …………………………………………………………… Tu fermes les yeux, en penchant Ta tête sur mon sein qui tremble : Oh ! […] Plonge sans peur dans le gouffre béant, Ainsi que l’épervier plongeant dans la tempête : Car tout ce rêve une heure a passé dans ta tête : Tu fus la goutte d’eau qui reflète les cieux, Et l’univers entier est entré dans tes yeux ; Et bénis donc Allah, qui t’a pendant cette heure Laissé comme un oiseau traverser sa demeure.
Souriante au pâtre, douce au laboureur, l’Aurore montrait au meurtrier l’œil ardent d’une vengeresse. […] Œil pour œil, dent pour dent, plaie pour plaie, l’usure du tourment centuplant la dette du coupable, l’horreur de la peine enchérissant sur la grièveté du délit ; les vieilles Vengeresses en étaient restées à cette routine sanguinaire. […] C’en était un que cette Lamia, reine de Libye, et aimée de Zeus, à qui le dieu avait donné le pouvoir bizarre d’ôter ses yeux de leurs cavités, pendant son sommeil, et de les remettre ensuite à leur place.
Victor Hugo est bien mal choisi ou bien mal imaginé pour en faire l’objet d’un intérêt si tendre, et le modèle de si patientes vertus à l’œil de ses lecteurs. […] Quand il eut parlé, ses yeux se fermèrent. […] « Le conventionnel rouvrit les yeux : une gravité où il y avait de l’ombre s’imprégnait sur son visage. […] La première vertu, aux yeux du pauvre peuple, n’est-elle pas la charité ? […] Il convient aussi de rectifier, aux yeux du peuple, les idées très faussement populaires sur l’impôt.
Tous les yeux, tous les regards sont tournés vers la rue de Châtillon. […] Hier, chez Péters, on m’apporte un rosbif, dont mes yeux de peintre suspectent le rouge noirâtre, si différent du rouge rose du bœuf. […] On voit des jeunes filles grimpées, comme des chèvres, sur le talus de sable, l’œil aux meurtrières. […] Oui, de l’extatisme, mais où, de temps en temps, il y a des éveils, presque aussitôt éteints, d’un œil noir, noir, noir. […] Un vieil homme de la campagne qui passe par là, et qui aime les arbres, comme la vieillesse, lève les yeux au ciel, douloureusement.
Laisse ordonner le ciel à tes yeux, sans comprendre, et crée de ton silence la musique des nuits. […] Fénéon avait toutes les qualités d’un critique d’art : l’œil, l’esprit analytique, le style qui fait voir ce que l’œil a vu et comprendre ce que l’esprit a compris. […] L’œil de celui qui regarde est au niveau de la douleur humaine, un peu plus haut : alors, tout s’exalte et les mots pleurent avec sérénité. […] Mourir, c’est laisser en proie au hasard des yeux les yeux qui vous parlent. […] Mais ayant baisé les lèvres de l’usurpateur, elle meurt aussi, car il faut que la toile tombe sur la scène comme une taie sur les yeux.
Toute sa beauté était dans les yeux, foyer de l’intelligence, qui doivent avoir dans la femme moins d’éclat que de douceur. […] Ses yeux suivaient les regards et les mouvements de ceux qui causaient ; on aurait dit qu’elle allait au-devant de leurs idées. […] La femme, même la femme de génie, veut un piédestal plus rapproché des yeux et des cœurs. […] Partout où une telle épouse porte la lumière, elle attire le regard du public ; son mari et sa famille deviennent visibles aux yeux importuns qu’ils voudraient en vain éviter. […] Cette femme était à ses yeux une tribune à elle seule.
C’est la première fois que l’immortalité de l’âme s’est présentée clairement à mes yeux. […] voyez les pleurs qui coulent de mes yeux. […] Elle maigrissait ; ses yeux se creusaient, sa démarche était languissante, et sa voix troublée. […] L’œil de la pénitente était attaché sur la poussière du monde, et son âme était dans le ciel. […] J’appris, en rouvrant les yeux, que le sacrifice était consommé, et que ma sœur avait été saisie d’une fièvre ardente.
Elle enveloppa sa honte, aux yeux du monde, d’un voile de retenue et de dignité. […] Ses grands yeux noirs, éteints et cernés, se consumaient lentement sous leurs paupières. […] — l’impression que nous laissa cette consomption fébrile fut plutôt une mélancolie des yeux qu’une tristesse du cœur. […] Assise sur une causeuse, dans une attitude endormie, presque défaillante, elle fixait sur la foule des yeux opaques de noirceur et d’ennui. […] Il marche vers le divan où Marguerite se renverse, palpitante d’effroi, les yeux éteints, le sang aux lèvres.
L’intérieur de la morose maison Usher « aux fenêtres semblables à des yeux sans pensée » se dévoile dans un crépuscule. […] Toute cette troupe aux yeux aigus, à la face blême et convulsée, aux mains capricantes, ces âmes compromises et vacillantes, situées aux confins de la folie, disséquées en leur vice, exhibées en leur monstruosité, sont définies et homogènes. […] Sinistres comme des masques, les joues exsangues et les lèvres minces, les personnages de Poe gravitent comme des astres, ayant dans les yeux le froid éclair de la raison raisonnante, ou la lueur tremblée de la raison vacillante, portant l’aspect impérieux et défini des machines parfaites. […] Les âmes qui luisent dans les yeux aigus des personnages sont concises, extraites, sublimées en essences spirituelles pures. […] Et le corbeau sans voleter, siège encore, — siège encore, sur le buste, pallide de Pallas, juste au-dessus de la porte de ma chambre, et ses yeux ont toute la semblance des yeux d’un démon qui rève, et la lumière de la lampe ruisselant sur lui, projette, son ombre à terre ; et mon âme, de cette ombre qui gît flottante à terre, ne s’élèvera jamais plus 8.
Une tiède pâleur, à tout moment, rosée d’animation passagère, le bleu sombre de l’œil pareil à une lumière de nuit, des traits découpés et sculptés dans la chair, une coiffure retroussée à la Diane, découvrant le précieux modelage des joues, des tempes, et une petite oreille au contour transparent. […] Pour la serrer dans mes bras, la créole aux yeux bleus, aux cheveux blonds, j’aurais donné ma vie avec joie, je l’aurai donnée, comme la donne Chérubin, sans hésitation, sans regret, ainsi qu’une chose payée outre mesure. […] Aujourd’hui, je suivais d’un œil charmé, les mouvements de chatte paresseuse, avec lesquels Mme *** pêchait, au fond d’une vitrine, ses porcelaines et ses laques, pour me les mettre dans la main. […] * * * — Peindre quelque part la nervosité d’une héritière d’une grande famille, donnant des leçons de piano à une jeune fille de la bourgeoisie, pendant qu’elle a sous les yeux, de l’autre côté de la rue, l’ancien hôtel de sa famille. […] Un toupet en escalade, fait comme de cheveux en fil d’archal, un œil sans couleur, triangulairement voilé par l’ombre d’une profonde arcade sourcilière, et dans cet œil un regard d’aveugle.
Les vers cessèrent bientôt d’être chantés et même d’être récités ; depuis l’imprimerie ils sont imposés pour les yeux (hormis les exceptions que l’on sait). […] Mais on ne lit pas que par les yeux ; on lit par les oreilles, on lit avec le souvenir de la parole et surtout les vers auxquels on demande des sensations musicales en même temps que des impressions sentimentales. Peu à peu l’absurdité des rimes pour l’œil a été perçue ; des oreilles ont en vain cherché à différencier tels sons masculins, mer, de tels sons féminins, mère : on a connu que les e muets n’étaient plus (hormis en un petit nombre de circonstances) que la vibration d’une consonne. […] Ils luttent ; l’ombre emplit lentement leurs yeux d’ange. […] Celui-ci est d’un rythme plus savant (trois, quatre, trois, six) : Aux margelles des puits profonds qui s’ignorent en ses [yeux inconnus.]
Il y a un mois, en Flandre, surtout en Hollande, ce n’étaient que grands traits mal agencés, osseux, trop saillants ; à mesure qu’on avançait vers les marécages, le corps devenait plus lymphatique, le teint plus pâle, l’oeil plus vitreux, plus engorgé dans la chair blafarde. En Allemagne, je découvrais dans les regards une expression de vague mélancolie ou de résignation inerte ; d’autres fois, l’oeil bleu gardait jusque dans la vieillesse sa limpidité virginale ; et la joue rose des jeunes hommes, la vaillante pousse des corps superbes annonçait l’intégrité et la vigueur de la sève primitive. […] Ces bourgeois, sur le pas de leur porte, clignent de l’oeil derrière vous ; ces apprentis derrière l’établi se montrent du doigt votre ridicule et vont gloser. […] Le ciel et le paysage lui tiennent lieu de conversation ; il n’a point d’autres poëmes ; ce ne sont point les lectures et les entretiens qui remplissent son esprit, mais les formes et les couleurs qui l’entourent ; il y rêve, la main appuyée sur le manche de la charrue ; il en sent la sérénité ou la tristesse quand le soir il rentre assis sur son cheval, les jambes pendantes, et que ses yeux suivent sans réflexion les bandes rouges du couchant. […] Encore faut-il noter que le meilleur du fruit, à ses yeux, c’est d’être un fruit défendu.
Ce qui importe, c’est d’avoir beaucoup pensé et beaucoup aimé ; c’est d’avoir levé un œil ferme sur toute chose, c’est en mourant de pouvoir critiquer la mort elle-même. […] Héros de la vie désintéressée, saints, apôtres, mounis, solitaires, cénobites, ascètes de tous les siècles, poètes et philosophes sublimes qui aimâtes à n’avoir pas d’héritage ici-bas ; sages, qui avez traversé la vie ayant l’œil gauche pour la terre et l’œil droit pour le ciel, et toi surtout, divin Spinoza, qui restas pauvre et oublié pour le culte de ta pensée et pour mieux adorer l’infini, que vous avez mieux compris la vie que ceux qui la prennent comme un étroit calcul d’intérêt, comme une lutte insignifiante d’ambition ou de vanité ! […] Aux yeux du réalisme, un homme à genoux devant l’invisible ressemble fort à un nigaud, et, si les libations antiques étaient encore d’usage 51, bien des gens diraient comme les apôtres : Utquid perditio haec ? […] Allez voir au Louvre ce merveilleux musée espagnol : c’est l’extase, le surhumain, saints qui ne touchent pas la terre, yeux caves et aspirant le ciel ; vierges au cou allongé, aux yeux hagards ou fixes ; martyrs s’arrachant le cœur ou se déchirant les entrailles, moines se torturant, etc.
Son œil voit sans se passionner. […] Huc ne craint pas même d’exagérer la dignité, le sentiment humain de son droit, dans l’intérêt supérieur de l’idée chrétienne qu’il représente aux yeux des populations chinoises. […] C’est cette raison qui le fit se montrer toujours en palanquin, dans un costume où les couleurs impériales, le rouge et le jaune, foudroyaient les yeux terrifiés des Chinois. […] Enfin, débauchés dans la proportion où ils sont lâches, les Chinois, dont la philosophie européenne a vanté les mœurs si longtemps, ont offert un tel spectacle à Huc qu’il n’a pas osé le reproduire intégralement dans la pleine lumière d’un livre qui doit s’ouvrir sous tous les yeux. […] « Les femmes les plus curieuses baissent volontiers les yeux pour être regardées.
C’est ainsi que la Philosophie, si elle n’est pas charmée, est au moins gênée devant les yeux baissés de l’immaculée Carmélite, qui n’est pas seulement la gloire de l’Espagne, mais de la Chrétienté et de l’âme humaine, et aussi de l’esprit humain ; et c’est pourquoi, sans aucun doute, dans l’embarras où tant de gloire la jette, elle aime mieux se taire que parler. […] Allez donc faire comprendre aux âmes du xixe siècle les humilités de la Sainte, qui s’appelle criminelle, elle qui n’a jamais péché mortellement selon l’église, et qui l’est à ses yeux parce qu’elle emprunte un peu de la lumière de Dieu pourvoir l’infinie petitesse des plus grandes vertus ! […] La profondeur de la pureté ne se révèle qu’aux yeux qui commencent d’être purs, et ils n’y pénètrent qu’en se purifiant davantage. […] La sainte Térèse des Fondations a été dévorée par le feu de l’autre Térèse, aux yeux éblouis de ces pauvres hommes qui répugnent toujours à accepter, dans un seul être, deux grandeurs. […] Tarissez ces larmes dans ces yeux pâmés vers le ciel, et qui, fermes et attentifs, redescendent tout à coup sur la terre, et vous avez la seconde grandeur de sainte Térèse, vous avez la Térèse des Fondations !
Les voilà qui ouvrent les yeux, s’étirent, s’éveillent. […] Là-dessus, il se jeta sur ses cartes et les dévora des yeux. […] Mettons notre œil au trou et regardons. […] Ses yeux ne sont pas des yeux, mais deux petites chandelles blanches qui brûlent au fond de deux grands trous noirs. […] Le voilà qui se transforme à vue d’œil.
Cela ne lui apprit ni à se diriger dans une vie orageuse et déshonorée, ni à mourir quand en vint l’heure et qu’il s’en allait à reculons à la guillotine, les yeux tournés vers un berceau. […] Depuis le fameux jour, qui fut son destin, où il planta sur l’oreille de sa petite tête, vaniteuse et éventée cette cocarde verte de l’insurrection dont il fut l’enfant trouvé et gâté, jusqu’à l’autre jour, trop tôt venu, où il se fit couper la dernière mèche de cheveux pour sa Lucile sur cette tête qui allait tomber, il eut toujours les yeux en larmes… Sheridan appelait Pitt, pour le faire sortir de ses gonds, l’enfant colère… Mais la colère de cet autre enfant-ci avait des pleurs ! Ils jaillissaient de ses yeux dilatés et implacables, au plus fort de ses félines ironies et de ses miaulements de tigre contre Hébert et contre Brissot… Et, allez ! […] Voyez-le raconter, dans une de ses lettres à son père, la chasse donnée pendant SIX heures, dans le carré du Palais-Royal, à un malheureux agent de police reconnu par dix mille bourreaux (c’est lui qui donne le chiffre), lesquels le jettent dans le bassin, le daguent de la pointe de leurs cannes, et lui mettent un œil hors de la tête ! […] Quelques pages d’invective ardente mêlées à ces larmes qui coulaient, pour tout, des yeux de Camille Desmoulins, quelques coups de plume qui déchiquètent et qui ont le tort de trop ressembler à des coups de couteau, enfin une originalité de peu de ressources, qui consiste à transporter — couleur locale à la renverse !
C’est ainsi que le cheval attelé à un manège refuserait certainement d’avancer si on ne prenait la précaution de lui bander les yeux. […] Ces deux sortes de vérités, une fois découvertes, nous procurent la même joie ; l’une et l’autre, dès qu’on l’a aperçue, brille du même éclat, de sorte qu’il faut la voir ou fermer les yeux. […] Elle ne peut donner au physicien qu’un langage commode ; n’est-ce pas là un médiocre service, dont on aurait pu se passer à la rigueur ; et même, n’est-il pas à craindre que ce langage artificiel ne soit un voile interposé entre la réalité et l’œil du physicien ? […] Il ne faut pas comparer la marche de la Science aux transformations d’une ville, où les édifices vieillis sont impitoyablement jetés à bas pour faire place aux constructions nouvelles, mais à l’évolution continue des types zoologiques qui se développent sans cesse et finissent par devenir méconnaissables aux regards vulgaires, mais où un œil exercé retrouve toujours les traces du travail antérieur des siècles passés.
L’esprit nouveau, à mes yeux, c’est avant tout l’esprit d’action. […] Le moule, — aussi large que la vérité, aux yeux du moyen âge, indiscutablement étroit à nos yeux — dans lequel l’Europe médiévale avait enfermé le monde et l’homme, toute la vie, se trouva, au bout de huit siècles, insuffisant pour contenir l’ensemble des êtres et des choses. […] De nouveaux yeux s’ouvraient sur une nouvelle terre.
Le prêtre est, à ses yeux, l’homme qui souffre et expie pour les autres. […] Que chaque enfant de l’homme à mes yeux soit Laurence ! […] En levant les yeux, elle aperçoit Isnel au sommet de la tour. […] Comme ça, très longtemps, sous les yeux d’Ichmé. […] Comme ça, très longtemps, sous les yeux d’Isnel.
D’en bas, on les suit des yeux. […] Les roues du char étaient faites d’yeux et si hautes qu’on avait peur. […] Ézéchiel a l’ordure aux lèvres et le soleil dans les yeux. […] Malheur à celui des vivants sur lequel ce passant fixe l’inexplicable lueur de ses yeux ! […] Toute la vie est un secret, une sorte de parenthèse énigmatique entre la naissance et l’agonie, entre l’œil qui s’ouvre et l’œil qui se ferme.
Son idiotisme d’attitude, démenti par la lucidité et par l’intelligence vive et claire de ses yeux, n’était que la bonté de son cœur serviable à tous. […] La Jumelle, à ces mots, se leva de table en s’essuyant les yeux avec un coin de son tablier. […] Il s’éloigna, les yeux baissés, en retenant son souffle et sa voix, tant qu’il fut à portée d’être entendu du village. […] « Et des gouttes de mes yeux ont mouillé mon pain ! […] Aussi, après quelques volées, toute ma douleur chantait en moi, en me déchirant les sens et le cœur ; mais ce désespoir chantait véritablement, sur les deux ou trois notes de la cloche, l’hymne de deuil et de tendresse à ma mère absente à jamais de mes yeux.
Promenant ses yeux sur la carte. […] Je n’en croyais pas mes yeux. […] Plusieurs même des étoiles que vous voyez à l’œil nu n’existent plus. […] Ses yeux tombèrent sur un journal. […] J’avais les yeux pleins de larmes ; dès l’entrée j’entendis rire, chanter.
On l’embrasse les larmes aux yeux ; on le fait asseoir ; il est le plus bel ornement de la fête, et l’on envoie son œuvre à la Revue d’Édimbourg. […] Il relève les draps sur ses yeux, pour essayer de ne plus voir la chambre maudite ; il la voit mieux encore. […] Sans sortir du coin du feu ou de l’omnibus, nous voilà tremblants, les yeux pleins de larmes ou secoués par les accès d’un rire inextinguible. […] » Elle vient et se penche jusqu’à ce que ses yeux soient entre ceux du blessé et le ciel, car il n’a pas la force de tourner les siens pour la regarder. […] Ils ont une carnation si fraîche, un teint si délicat, une chair si transparente, et des yeux bleus si purs, qu’ils ressemblent à de belles fleurs.
Insoucieux de la mode, étranger aux cénacles, respectueux des maîtres, il a regardé d’un œil craintif les femmes qui passaient sur sa route. Longuement il arrêta ses yeux sur l’une d’elles. Et l’éblouissement de ses yeux a fait parler son cœur… Il a aimé, il a chanté.
Ses yeux viennent de s’entrouvrir. […] Il cherche dans les yeux de sa statue la confirmation du prodige que les dieux lui ont promis. […] Il y pose légèrement le dos de sa main gauche ; il cherche si le cœur bat ; cependant ses yeux attachés sur ceux de sa statue attendent qu’ils s’entrouvrent.
Ce jeune et sérieux visage, d’une régularité parfaite, olivâtre de peau, doré de légers tons d’ambre comme une peinture de maître qui s’agatise, était illuminé de grands yeux, brillants et tristes, des yeux d’Abencérage pensant à Grenade. La meilleure épithète que nous puissions trouver pour ces yeux-là, c’est : exotique ou nostalgique. […] Sous un sourcil froncé, roule un œil fauve et louche. […] La métamorphose était complète ; nous avions devant les yeux un pur sujet britannique. […] — Il nous regarda de ses yeux bleus, effarés et troubles, et nous répondit avec un soupir : « Oh !
Que l’Aurore ne brille jamais à mes yeux et que tu ne me revoies plus existante parmi les vivants, si je préfère quelque chose à toi, ma sœur, ou à tes enfants qui sont comme mes frères, mes défenseurs naturels et du même âge que moi ! […] Mais à peine sa sœur l’a-t-elle quittée, que la voilà qui retombe à nos yeux dans les incertitudes et les combats : la pudeur la ressaisit, et la crainte de se sentir méditer de telles choses contre son père et en faveur d’un homme ! […] Elle en avait les yeux tout ravis113 ; elle en fondait de chaleur au dedans, comme autour des roses la rosée s’échauffe et fond aux feux de l’Aurore. Tantôt, dans leur pudeur, ils tenaient tous les deux leurs yeux attachés à la terre, tantôt ils les relevaient pour se voir, en s’envoyant de complaisants sourires de dessous leurs sourcils brillants. […] Votre air étoit encore plus grand qu’il ne l’est naturellement ; votre passion brilloit dans vos yeux, et elle les rendoit plus tendres et plus perçants.
Et pourquoi ces trois petits phénomènes et ces trois petites images sont-elles à nos yeux la seule poésie de ce vaste espace ? […] Nous répondons en deux mots : Parce qu’elle a plus d’émotion pour nos yeux, pour notre pensée, pour notre âme. […] Les chefs, les héros, les dieux y passent en revue, dans leur majesté et leur terreur, sous l’œil du poète. […] Fasciné d’admiration devant les charmes de la beauté qu’il vient de délivrer, il ose lever les yeux sur elle et lui parler de son amour. […] « Ô esclave », dit-il à la nourrice, « ne t’étonne pas de ces larmes qui montent à mes yeux : ces enfants ressemblent à mes deux petits enfants !
— Et il retourne à son sillon de poussière, moins rassuré pourtant qu’il ne le veut paraître ; il regarde souvent de côté et d’autre ; un œil ouvert et l’autre clos, un pied replié et l’autre droit, il s’appuie à un mur, et, comme celui qui est fatigué de chanter et de veiller, il se met à sommeiller peu à peu. […] Chanteclair, qui le reconnaît enfin, saute sur un fumier, et ici la scène du Corbeau recommence : il s’agit pour Renart de décider Chanteclair à ne pas fuir, et, qui plus est, à fermer les yeux, afin de se laisser prendre : « Ne fuis pas et n’aie crainte ; je ne suis jamais plus content que quand tu te portes bien, car tu es mon cousin germain », lui dit Renart. […] Renart, insistant sur le cousinage : « Souviens-toi de Chanteclin, lui dit-il, le bon père qui t’engendra : Jamais Coq si bien ne chanta ; Telle voix eut et si clair ton Que d’une lieue l’entendait-on, Et chantait fort à longue haleine Les deux yeux clos et la voix saine ; D’une grand lieue on l’entendait Quand il chantait et refrainait. » Ce que Renart veut obtenir cette fois, c’est que le Coq ferme les deux yeux en chantant ; c’est, selon lui, la seule bonne méthode. […] Renart sourit de la condition et lui dit, en touchant toujours la corde filiale : « Chante, cousin ; je saurai bien si Chanteclin mon oncle te fut de quelque chose. » Chanteclair chante ; mais il chante comme il dormait d’abord, un œil clos et l’autre ouvert, et il regarde souvent de côté : « Ce n’est pas cela, dit Renart, Chanteclin chantait autrement, tout d’un trait, les yeux fermés, tant qu’on l’entendait par-delà les plessis. » À ce coup Chanteclair n’y tient pas ; il commence sa mélodie en fermant les yeux de toutes ses forces, et Renart, s’élançant par-dessus un chou rouge, le prend au cou et l’emporte.
s’écrie Étienne tout saisi à l’idée du contraste ; ce tableau de Virginius, commencé en 1796, en présence du petit élève de Moreau, devait, quarante ans après (lisez trente, c’est bien assez), lorsque l’artiste le termina en 1827, passer à l’Exposition du Louvre sous les yeux du critique Étienne, appelé à écrire sur les arts dans le Journal des Débats ! […] Il y avait donc, à tous égards, peu d’à-propos à venir lire à haute voix, dans un salon, et devant un auditoire ainsi composé, ce qui se lit des yeux sans inconvénient et avec assez d’intérêt dans le cabinet. […] David fait le tour de l’atelier et dit à chacun son mot ; le défaut ou la qualité qu’il remarque chez l’élève, dans l’ouvrage commencé qu’il a sous les yeux, lui devient un sujet de réflexions plus générales. […] Delécluze raconter cette scène au naturel : « La première fois, Maurice ne dit rien, seulement sa physionomie devint sévère ; mais lorsque le conteur eut répété de nouveau le nom sacré, alors les yeux du chef de la secte des penseurs s’enflammèrent, et Maurice fit taire le mauvais plaisant en lui imposant impérieusement silence. […] C’est un nommé de Lavoipière, dont j'ai sous les yeux une curieuse lettre par laquelle il sollicite du Président de la République, le prince Louis-Napoléon, en juillet 1852, une place de conservateur des Musées.
Des voisins, les Beaumesnil, sont des jaloux odieusement médisants, presque des caricatures, et une petite amie, Clotilde Desrozais, nièce des Beaumesnil, s’annonce comme en tout l’opposé et le repoussoir de Sibylle ; car celle-ci est blonde, aux cheveux d’or, aux yeux bleus d’azur, au profil séraphique, tandis que Clotilde, plus forte, et grande dès l’âge de douze ans, a un œil superbe, « à demi clos et voilé dans l’habitude, mais dévorant dès qu’il s’ouvre » ; avec cela, « de lourdes nattes d’un noir bleuâtre », et, sur des dents d’ivoire, des lèvres pourprées dont la cerise ne demande qu’à être cueillie. […] Je ne crois pas que, parce qu’une jeune fille est brune et a des yeux déjà chargés de quelques vagues désirs, il en résulte qu’elle doive être ainsi méchante et cruelle. […] Ne refaites pas de ces Lédas lascives et aux yeux mourants, je vous en loue ; mais, par une mythologie inverse, ne faites pas tout le contraire. […] Tant que l’auteur des Scènes et Proverbes s’est joué dans ses premiers cadres, il y était soutenu et appuyé de toutes parts ; il n’avait qu’à faire avec esprit le contraire de ses devanciers et à prendre le contre-pied en toute habileté ; c’était au mieux : il avait sous les yeux, à tout moment, ses points de repère. […] Mais, aux yeux du chrétien sévère, c’est là une énormité.
Au petit drame touchant se mêlent les jolis détails d’un paradis d’enfant de chœur, de petit clerc de la manécanterie de Saint-Nizier : « Mes yeux et mon cœur l’ont aussi reconnu, ce petit chérubin vêtu de mousseline, à ceinture d’azur, qui agite dans l’air, de toutes les forces de ses petits bras dodus et roses, une bannière à fleurs d’or aussi grande que lui ; c’est ma sœur, ma petite sœur Anna, que j’ai tant pleurée. » Surtout il y a dans ce rêve bien humain une tendresse profonde, un don de faire monter aux yeux de petites larmes chaudes, don précieux que M. […] Déjà le futur bourreau du petit Jack montre, dans le Credo de l’Amour, sa grosse moustache, son œil bleu et dur et sa face de mousquetaire malade. […] Il est vrai que sa façon de regarder est une création et que son œil sait découvrir au point qu’il paraît inventer. « Plus on a d’esprit, dit La Bruyère, plus on trouve d’originaux. » Ajoutons : Et plus l’on découvre autour de soi de situations originales. […] et pourquoi les yeux des femmes se mouillent-ils ? […] Zola par leurs manies, par leurs excès, qui sont fort intéressants, mais qui ne sont pas minces et qui sautent aux yeux.
qu’à ce moment le premier Tartuffe, le bedeau, le truand d’église, est loin de nos yeux et de notre souvenir ! […] Peu importe qu’à mes yeux le vrai Tartuffe ce soit l’autre, « le second », ou mieux encore (je l’avoue franchement), l’Onuphre de La Bruyère, si finement nuancé, si profond, si cohérent, si harmonieux. […] Tartuffe peut s’éloigner de ce type ; il peut être mal bâti et avoir toutefois une flamme aux yeux, une grâce dans le sourire, une animation dans la physionomie, un je ne sais quoi de persuasif ou de dominateur, qui échappe à cette dondon de Dorine. […] Et ces mots : « À mes yeux, il allait le répandre », peuvent bien nous faire sourire : là où nous voyons l’ostentation du personnage, Orgon n’a vu que son ombrageuse délicatesse… Oui, je conçois de plus en plus qu’il se soit laissé prendre. […] Seulement l’acteur qui le jouera fera bien de se souvenir, après tout, de la figure qu’a pu prendre Tartuffe dans l’imagination de Dorine : par où il sera conduit à nous mettre sous les yeux un personnage intermédiaire entre le Julien Sorel que nous a montré M.
Il doit être fait de sorte qu’un personnage vu par les spectateurs, puisse ne l’être point par les autres personnages, selon le besoin ; il doit en imposer aux yeux, qu’il faut toujours séduire les premiers ; il doit être susceptible de la pompe la plus majestueuse. […] Au reste, quand je parle d’une action théâtrale, je parle d’un appareil, d’une cérémonie, d’une assemblée, d’un événement nécessaire à la pièce, et non pas de ces vains spectacles plus puérils que pompeux, de ces ressources du décorateur qui suppléent à la stérilité du poète, et qui amusent les yeux quand on ne sait pas parler aux oreilles et à l’âme. […] Celle qui fut ma fille à mes yeux va périr Sans trouver un guerrier qui l’ose secourir : Ma douleur s’en accroît, ma honte s’en augmente. […] L’action dramatique est soumise aux yeux et doit se peindre comme la vérité : or, le jugement des yeux, en fait de spectacle, est infiniment plus redoutable que celui des oreilles. […] Dites : Une jeune princesse est conduite sur un autel pour y être immolée ; mais elle disparaît tout à coup aux yeux des spectateurs, et elle est transportée dans un pays où la coutume est de sacrifier les étrangers à la déesse qu’on y adore.
les yeux ! […] » Quant à Antoine, il les savourait de l’œil complaisamment, finissant par dire : « Ah ! […] Cela est conté avec les suspensions d’une respiration difficile, des yeux par moment un peu fixes, au milieu du grossissement d’une ironie gasconne. […] Octave Mirbeau, Geffroy, Frantz Jourdain, Gallimard, Toudouze, Monnet, un silencieux aux yeux d’un noir parlant. […] Un petit homme aux yeux noirs, à la barbe grêle, au teint marbré de plaques rougeaudes, au crâne à la conformation assez semblable à celui de Drumont.
Leconte de Lisle fait un paysage et un morceau symphonique que l’oeil voit, que l’oreille entend. […] Des lunettes d’or voilaient ses yeux bleus comme le ciel et affaiblis par l’étude. […] Cette qualité brille d’un éclat particulièrement aimable dans le volume que j’ai sous les yeux. […] Il ne s’exagéra pas à ses propres yeux son mérite comme poète lyrique. […] Il n’y a qu’une chose alors à faire, fermer les yeux et prier Dieu !
Mais le feu de ses yeux et l’ardeur de son soliloque quand il parlait, et il parlait presque toujours sans écouter les réponses, fixaient sur lui tous les regards. […] Tout le monde sent les vices de la société, il n’y a qu’à ouvrir les yeux pour les voir et les montrer, et un cœur pour les sentir. […] — Oui, me répondit-il avec un air d’embarras et en détournant les yeux. — Mais vous m’aviez promis qu’il ne paraîtrait qu’après que vous me l’auriez fait relire à moi-même, et sans doute vous l’avez rendu aussi inoffensif que nous en étions convenus et vous en avez changé l’adresse et le titre ? […] Cette belle chienne, assise devant elle, les yeux sur ses yeux, la regardait avec un air d’attendrissement et de pitié qui n’est jamais sorti de mon âme. […] Vous n’aurez plus qu’en songe Ces baisers sur le front, ces doigts dans vos cheveux, Ce nid sur deux genoux où votre cou se plonge, Ce cœur contre vos cœurs, et ces yeux dans vos yeux.
Je ne sais que croire à cet égard ; la description qu’il fait du fleuve et de son lit est si peu exacte, qu’elle peut laisser quelques doutes à ceux qui, comme moi, l’ont suivi de l’œil, du pied du Liban jusqu’à la mer Morte. […] Voyager ainsi, c’est cueillir les fleurs de la terre ; mais, pour les offrir au monde, il faut les rassembler en gerbes, où chaque couleur, en contraste avec l’autre, présente un tableau brillant ou touchant aux yeux. […] L’image en prose de Chateaubriand est admirable ; nous regrettons de ne l’avoir pas en ce moment sous les yeux pour la citer. […] Quand je pourrais le suivre en sa vaste carrière, Mes yeux verraient partout le vide et les déserts : Je ne désire rien de tout ce qu’il éclaire ; Je ne demande rien à l’immense univers. […] Elle me confondait avec sa propre vie, Voyait tout dans mon âme ; et je faisais partie De ce monde enchanté qui flottait sous ses yeux, Du bonheur de la terre et de l’espoir des cieux.
La simple image n’a généralement pas la même force que la perception ; en vain, les yeux ouverts en plein jour, je voudrais voir la nuit : la réalité s’empare de ma conscience, je ne puis m’empêcher de voir clairement le jour. […] Quand le petit enfant fixe les yeux pour la première fois sur le visage humain, qui sait s’il n’éprouve pas le vague sentiment d’une chose qui n’est pas absolument nouvelle et qu’il a vue comme dans un songe ? […] Quand l’enfant voit le soir, dans sa chambre, l’obscurité s’éclairer tout à coup, il pense qu’en tournant les yeux il reverra la bougie souvent admirée : l’image renaissante appelle pour ainsi dire son objet et tend à s’y superposer. C’est donc la tendance et la tension, conséquemment la force de l’idée et du sentiment qui explique à la fois le souvenir et la prévision, choses inséparables à l’origine : se souvenir, c’est prévoir que, si on tourne les yeux, on reverra la bougie ; prévoir, c’est se souvenir qu’on a vu la bougie en tournant les yeux. […] Aux yeux du psychologue, la vraie « mémoire élémentaire », pour employer le mot de Richet, c’est la sensibilité, dont la motilité est inséparable.
Enfin m’y voici, et de l’autre côté de la porte, fouillant de l’œil le dessus de la barrière, pour voir s’il y a des rangées d’exemplaires. […] Quand je suis là, les yeux réjouis par une contemplation vagabonde, quelque chose a beau me dire qu’il y a dehors, des spectacles plus intéressants, des spectacles sollicitant le romancier, je me sens, comme cloué au dos de mon siège, je ne puis me lever. […] Le vieux, le procréateur du jeune, la figure turgide, boursoufflée, un œil clos, laisse par instants entrevoir, dans un demi-éveil clignotant, la prunelle perfide de son bon œil. […] Et de sa bouche lippue, le monstrueux borgne tracasse un vieux bout de cigare éteint, avec la grimace d’un poupon de Gargamelle qui téterait, le soleil dans les yeux. […] J’ai comme le sentiment d’un sorbet à la fraise que boiraient mes yeux.
Ceux qui n’ont pas assez de force pour se refaire un avenir ferment les yeux au passé. […] … » L’aigle, vers le rayon s’élevant dans la nue, Vit la montagne fondre et baisser à sa vue ; Et quand il eut atteint son horizon nouveau, A son œil confondu tout parut de niveau. […] » Et c’est ainsi que Dieu, qui seul est sa mesure, » D’un œil pour tous égal voit toute la nature ». […] La mobilité du poète traduit à nos yeux la mobilité des choses, ou plutôt leur enchaînement qui les fait sortir sans cesse les unes des autres. […] Que veut donc dire cette larme Qui tombe ainsi, Et coule de mes yeux sans charme Et sans souci.
Je voudrais boire ses yeux […] Je les admire longuement, puis je ferme les yeux. […] Où sont ses traits, sa taille, ses yeux acérés ? […] Et les yeux du sphynx deviennent phosphorescents. […] Les Sains rêvent, les yeux perdus vers le soleil.
Une autre femme veut arracher les yeux à un soldat ; cachez la tête du soldat, et vous croirez qu’on le caresse. […] Tumulte aux yeux, repos à l’âme. […] Il y a à droite une petite forêt tout à fait précieuse : l’air circule entre les arbres, et l’œil voit loin au travers.
« Quelquefois, si belle que fût Cosette, Marius fermait les yeux devant elle. Les yeux fermés, c’est la meilleure manière de regarder l’âme. […] Elle se réveilla avec du soleil dans les yeux, ce qui d’abord lui fit l’effet de la continuation du songe. […] Ainsi est faite la jeunesse ; elle essuie vite ses yeux ; elle trouve la douleur inutile et ne l’accepte pas. […] « L’œil de l’homme doit être plus religieux encore devant le lever d’une jeune fille que devant le lever d’une étoile.
Le tout était accompagné de notes et de commentaires destinés à jeter une docte poussière aux yeux. […] Une telle misère lui ronge le cœur que peut-être, en la voyant, tu n’en crois pas tes yeux. […] Qu’en aucun temps tes yeux ne brillent que de larmes ! […] Je souffre et je suis las, endors mes yeux calmés, Souveraine du temps ! […] Mais les Romains avaient sous les yeux les originaux qui, à la rigueur, pouvaient dispenser d’Horace, tandis qu’à nous, Horace nous en tient lieu.
Mes yeux sont mauvais. […] » Il ferme les yeux comme épuisé. « Suis-je héritier ? […] Il l’a sur lui, cet excellent narcotique, il l’a fait préparer sous ses yeux, il le propose. […] une poupée française, dont les yeux remuent avec un fil d’archal ? […] La fantaisie surabonde, et aussi le sentiment des couleurs et des formes, le besoin et l’habitude de jouir par l’imagination et par les yeux.
À ses yeux, la poésie, ou l’art en général, est une imitation, comme le lui avait appris Platon, son maître. […] L’âme est l’essence du corps qui sans elle n’est plus ce qu’il est, tout comme un œil de pierre, un œil en peinture n’est pas un œil véritable. […] À ses yeux, elle remplit la condition essentielle de toute bonne définition : elle contient la cause. […] Par quels mérites se relèvera-t-il donc à nos yeux ? […] Platon avait dit que « l’âme ne peut être aperçue que des yeux de l’esprit ».
Nos yeux ont la couleur et l’éclat du ciel. […] Je yeux peindre un ensemble, un tableau total. […] Vous dites, par exemple, que la femme a les yeux brillants. […] Ses yeux fixaient le plafond. […] Ses yeux respiraient l’esprit et resplendissaient d’éclat.
J’ai sous les yeux quantité de livres qui demanderaient chacun un examen particulier et dont quelques-uns le méritent : une Histoire de la Terreur, par M. […] J’ai sous les yeux une Histoire de Saint-Just une plaidoirie à sa décharge, par M. […] Dom Colignon y resta quelques jours ; mon père avait les yeux fixés sur moi : il semblait me demander des confidences… Je lui racontai les scènes scandaleuses des Pères capucins avec les sœurs de Richstroff ; je lui en exprimai mon indignation ; mais pas un mot des jolies filles de Valmunster. […] Un autre chartreux, de Thionville, dom Ignace Jaunez (oncle de Mme Hoche), lequel, en sa qualité de sacristain, avait le droit d’entrer dans les pavillons, venait me chercher dans ma chambre vers onze heures ou minuit ; je vois encore ce spectre blanc, aux yeux caves, avec la tète encapuchonnée, avançant sous mes yeux sa lanterne sourde, et prononçant Ave Maria, à quoi, me levant pour le suivre, je répondais Amen. […] Chaque chartreux, enfermé dans son capuchon, mangeait dans le plus profond silence et sans lever les yeux sur son voisin.
Il grandit alors et se fortifie à vue d’œil, il agite en tous sens ses langues innombrables, il darde ses quatre yeux vers les quatre points de l’espace. […] Il n’avait que quatre yeux tout à l’heure, « pour regarder ceux qui le nourrissaient » ; il en ouvre mille maintenant, « pour tout voir et tout protéger ». […] Vivre sous un œil céleste empêche de mal faire. […] Ses yeux s’ouvrirent au jour comme des fleurs écloses, la voix chanta sur ses lèvres comme un oiseau matinal. […] Zeus laissa faire et ferma les yeux, — « Ce ne fut pas contre sa volonté », — dit Hésiode — « que le fils robuste d’Alcmène aux beaux pieds délivra le fils de Japet, mais afin que la gloire d’Hercule, né dans Thèbes, fût encore plus grande sur la terre nourricière.
Ils osent à peine lever les yeux l’un sur l’autre ; on dirait qu’ils ont peur de leur changement réciproque et qu’ils craignent de fondre en larmes en se voyant si vieillis, si grimaçants, si maussades. […] Des yeux de la jeune fille une larme tombe, aussi précieuse, dans cette comédie implacable, que le serait un verre d’eau au milieu d’un brûlant désert. […] A ce degré d’enfantillage, l’innocence touche à l’insignifiance : ce n’est plus une personne, c’est un âge que nous avons sous les yeux. […] Exalté par son émotion, attendri par le nom de père que prononce l’enfant en rouvrant les yeux, il lui demande sa main avec une tendresse passionnée. […] Valmoreau l’a échappé belle, et la pitié vous prend, lorsqu’on le voit revenir, l’œil contrit et l’air résigné, se déclarant prêt à épouser l’ange déchu, dans la chapelle des Filles repenties.
« J’examinais, moi, tous les personnages, des yeux et des oreilles », nous avoue-t-il à chaque instant. […] En disant qu’il suffisait d’avoir des yeux pour lire toutes ces diversités d’intérêts sur les visages, Saint-Simon prête aux autres quelque chose de sa propre sagacité. […] Puis en avant, après les valets, venaient les courtisans de toute espèce : « Le plus grand nombre, c’est-à-dire les sots, tiraient des soupirs de leurs talons, et avec des yeux égarés et secs louaient Monseigneur, mais toujours de la même louange, c’est-à-dire de bonté… » Puis, après les sots, on a les plus fins ; on en a même quelques-uns sincèrement affligés ou frappés ; on a les politiques et les méditatifs qui réfléchissent dans des coins aux suites d’un tel événement. D’autres affectent la gravité et l’immobilité, pour dissimuler leur peu de douleur ; ils ont peur de se trahir par leurs mouvements trop vifs et trop dégagés : Mais leurs yeux suppléaient au peu d’agitation de leur corps. Des changements de posture, comme des gens peu assis ou mal debout ; un certain soin de s’éviter les uns les autres, même de se rencontrer des yeux ; les accidents momentanés qui arrivaient de ces rencontres ; un je ne sais quoi de plus libre en toute la personne, à travers le soin de se tenir et de se composer ; un vif, une sorte d’étincelant autour d’eux les distinguaient, malgré qu’ils en eussent.
Prendre un parti sans un motif qui fût à ses yeux de la dernière évidence, semblait un effort au-dessus de son pouvoir, quelquefois même pour les petites choses comme pour les grandes. […] Son œil brun, vif, spirituel, et quelquefois d’une douceur charmante ou d’une mélancolie profonde, était surmonté d’un arc de sourcil fort élevé, qui donnait à sa physionomie une expression très originale. […] Il y a des anachronismes frappants : il introduit jusque sous Louis XIV ce règne de l’opinion qui était en France une des puissances nouvelles du xviiie siècle, et il a l’air de supposer que Louis XIV n’a fait son choix que parce que « ce petit nombre d’hommes qui regardent et qui jugent, et dont l’opinion fait le mouvement public, avaient les yeux fixés sur Colbert ». […] Necker est revenu depuis sur ce premier culte qu’il avait voué à l’opinion ; rejetant ses regards en arrière après son second ministère, en 1791, il s’est écrié, avec une sorte de naïveté encore : Je ne sais trop pourquoi l’opinion publique n’est plus à mes yeux ce qu’elle était. […] Ce plié lent, les yeux baissés, la taille droite, et une manière de se relever en regardant alors modestement la personne, et en jetant avec grâce le corps en arrière ; tout cela est plus fin, plus délicat que la parole, mais très expressif comme marque de respect.
Il y a des yeux et des oreilles dans la muraille : les oreilles et les yeux du Sultan. […] Porel a enveloppé de musique cette fête des yeux. […] Que ta voix est douce et que tes yeux sont tendres ! […] Œil pour œil, dent pour dent. » Lucien ne prend point ces propos au sérieux, et part. […] Gondinet le leur mettrait sous les yeux.
Il a toujours son bel œil inquiet, aux regards vigilants et fourbes en sa figure si curieusement asymétrique. […] Les yeux s’abritaient derrière les verres d’un lorgnon. […] Elle est faite pour les yeux et non pour l’oreille, elle n’a rien de musical. […] Il avait dessiné lui-même les costumes et les avait fait tailler et coudre sous ses yeux. […] A travers les verres de son binocle, ses yeux vifs nous regardent.
« On se rappelle ses yeux comme on se rappelle les chansons du mari. […] « Son front large et proéminent, ses yeux mobiles, qui ressemblaient à ceux de sa mère, signalaient à tous, comme un être singulier, l’enfant que le professeur désignait comme un modèle. » Qu’on me permette de mettre sous les yeux du lecteur une esquisse que j’ai tracée, jadis, de M. […] Après quelques instants, on démêlait très vite que ces yeux gris, remarquables de douceur, de lumière et de profondeur, étaient inégaux et voyaient un peu de travers ; exactement, M.
On n’y entend que le bruit des feuilles qui tombent ; rien n’y distrait l’oreille, les yeux, l’esprit ; cela force à penser. […] Détournons les yeux, nous n’avons pas pu leur inspirer la prudence. […] « J’admirais sous ces habits une femme d’une haute stature ; ses yeux grands et vifs s’arrêtaient autour d’elle avec douceur et bonté. […] Agité de souvenirs, je ne pus fermer l’œil du reste de la nuit ; au point du jour, j’appelai mon guide. […] Ce monde l’ennuyait ; elle détourna les yeux en regardant son oncle et Bonaparte.
Un sang bleu coulait dans ses veines ; l’orgueil de sa race mettait dans ses yeux un éclair ; ses privilèges l’investissaient d’une sorte de divinité terrestre. […] Même cette affaire de houilles, il l’endosse, les yeux fermés. […] Elle vient d’apprendre qu’il a refusé sa main, elle ignore ce qui lui vaut cette disgrâce ; mais, d’où qu’il vienne, ce refus l’élève à ses yeux. […] Son monstrueux magot devrait savoir des pieds de fange visibles à l’œil nu, de façon à inspirer un mépris net et un dégoût prononcé. […] Le vieux marquis demande à rester seul avec elle, et là, entre deux yeux, comme on dit, il lui ordonne de partir, de s’exiler, de quitter son nom.
Il a, de la race toscane, le front vaste, le nez aquilin, les yeux grands. […] Mais chez nous, sous nos yeux, quel flagrant démenti à votre opinion ! […] Ses yeux ne verraient-ils plus la douce lumière ? […] Et chacun d’eux avait six ailes admirables Que parsemaient des yeux aux yeux d’Argus semblables, Si les mille yeux d’Argus pouvaient être vivants. […] dit-elle, en attachant ses beaux yeux sur les yeux de Diotime.
Son accent est haut, son œil scrutateur, son indiscrétion inexorable et presque insolente. […] Ces coins obscurs dont vous vous réservez l’enceinte, ces bosquets mystérieux dans le champ du souvenir, où vous nous avez introduit une fois et d’où vous ne sortez vous-même chaque soir que les yeux humides de pleurs, nous vous les laisserons, ô poëte ! […] C’est chez elle et sous ses yeux que l’enfant, jusque-là ignorant, lut le Télémaque et des volumes de Racine et de Voltaire qu’elle avait dans sa bibliothèque. […] Rien qu’en vous parlant de cette riante époque de ma vie, où sans appui, sans pain assuré, sans instruction, je me rêvais un avenir, sans négliger les plaisirs du présent, mes yeux se mouillent de larmes involontaires. […] Nous avons sous les yeux une quarantaine de vers alexandrins intitulés Méditation, datés de 1802, et empreints d’une haute gravité religieuse ; Béranger les avait composés par contraste avec la manière factice de Delille dans son poëme de la Pitié.
Elles regardent à travers les fenêtres des yeux et se jouent à fleur de lèvres. […] Il enleva sous ses yeux les toitures des maisons de Madrid et lui montra la vie humaine dans tout son cynisme et dans toute sa laideur. […] Tous ils marchent les yeux baissés vers la terre, attentifs à des soins de ménage ou de culture. […] Il aimait ces yeux démesurés, dont l’expression relevait si bien les platitudes bouffonnes qu’il débitait. […] Comme on le voit, il regarde le monde plutôt avez des yeux de contemplateur et de curieux qu’avec des yeux d’artiste.
Ne pouvant supporter ce spectacle qui me parut cruel, je me retirai, les larmes aux yeux, dans ma chambre. […] Étonnée, elle demanda ce que cela signifiait : « Il me dit alors que ce rat avait fait une action criminelle et digne du dernier supplice, selon les lois militaires ; qu’il avait grimpé par-dessus les remparts d’une forteresse de carton qu’il avait sur la table dans ce cabinet, et avait mangé deux sentinelles, faites d’amadou, en faction sur un des bas-tions ; qu’il avait fait juger le criminel par les lois de la guerre ; que son chien couchant avait attrapé le rat, et que tout de suite il avait été pendu comme je le voyais, et qu’il resterait là exposé aux yeux du public pendant trois jours, pour l’exemple. […] Entouré de flatteurs de bas étage qui comptaient se servir de lui et l’exploiter, ivre la plupart du temps, se croyant un grand soldat et fier de son admiration servile, non pour le génie, mais pour les uniformes et les parades du grand Frédéric, il avait fait venir du Holstein tout un détachement, une troupe à lui (1,300 hommes), qu’il fit camper près d’Oranienbaum, et qu’il soignait comme la prunelle de ses yeux ; il s’en fit le colonel, n’en porta plus que l’uniforme et s’aliéna l’opinion russe par cette affectation tout allemande. […] Il est constant néanmoins, à lire ce que nous avons sous les yeux que, dans, sa fermeté de pensée, Catherine avait prévu le cas extrême où elle aurait été prise au mot pour sa demande de renvoi, et elle exprime en cette circonstance les dispositions de son âme en des pages admirables et qui font le plus grand honneur en elle au philosophe et au moraliste : c’est là un autre portrait d’elle et qui, pour être tout intérieur, ne paraîtra pas moins digne d’être mis à côté et en regard de tous ceux que l’on possède déjà, soit du portrait de la grande-duchesse que nous avons découpé précédemment, soit de ceux de l’Impératrice que l’on doit à la plume des Rulhière, des prince de Ligne et des Ségur. […] — Le style, non pas étranger, mais un peu vieux, en est encore plus gaulois que français : « Du reste, mon parti était pris, et je regardais mon renvoi ou non-renvoi d’un œil très-philosophique ; je ne me serais trouvée, dans telle situation qu’il aurait plu à la Providence de me placer, jamais sans ces ressources que l’esprit et le talent donnent à chacun selon ses facultés naturelles, et je me sentais le courage de monter ou descendre, sans que par là mon cœur et mon âme en ressentissent de l’élévation ou ostentation, ou, en sens contraire, ni rabaissement, ni humiliation.
Si le siècle lui paraissait infect, tout cloître, en revanche, était, à ses yeux, pur, céleste, innocent et sublime : autre manière d’illusion ! […] La cadence m’enchaîne à l’air mélodieux, La douceur du velours aux roses que je touche ; D’un sourire j’ai fait la chaîne de mes yeux, Et j’ai fait d’un baiser la chaîne de ma bouche. […] Toujours intact aux yeux du monde, Il sent croître et pleurer tout bas Sa blessure fine et profonde : Il est brisé, n’y touchez pas ! […] à mes pensers le signe se dérobe, Mon âme a plus d’élan que mon cri n’a d’essor ; Je sens que je suis riche, et ma sordide robe Cache aux yeux mon trésor. […] Ils traversent la terre et sa boue et ses ombres D’un pied désormais sûr et d’un œil familier ; Du passé paternel ils foulent les décombres Comme une poudre sainte au sol de l’atelier.
D’un autre côté, il a introduit dans la poésie un élément nouveau, que j’appellerai la consolation par les arts, par tous les objets pittoresques qui réjouissent les yeux et amusent l’esprit. […] Anatole France Gautier, doux enchanteur à la parole fière, Habile à susciter les contours précieux Des apparitions qui flottaient dans tes yeux, Tu fis avec bonté ton œuvre de lumière. […] Et tes yeux clairs cherchaient dans nos fleuves fangeux Le reflet dont jadis ont frémi les fontaines ! […] Leconte de Lisle Toi, dont les yeux erraient, altérés de lumière, De la couleur divine au contour immortel. […] Le soleil fut pour lui le soleil du vieux monde, Et son œil recherchait dans les flots embrasés Le sillon immortel d’où s’élança sur l’onde Vénus que la mer molle enivrait de baisers ; Enfin, Dieu ressaisi de sa splendeur première, Il trône, et son sépulcre est bâti de lumière.
Il s’asseyait souvent sur le mont des Oliviers, en face du mont Moria964, ayant sous les yeux la splendide perspective des terrasses du temple et de ses toits couverts de lames étincelantes. Cette vue frappait d’admiration les étrangers ; au lever du soleil surtout, la montagne sacrée éblouissait les yeux et paraissait comme une masse de neige et d’or 963. […] On craignait de se décréditer aux yeux des Hiérosolymites en se mettant à l’école d’un galiléen. […] Le sacerdoce officiel, les yeux tournés vers le pouvoir politique et intimement lié avec lui, ne comprenait rien à ces mouvements enthousiastes. […] Cette épithète, souvent répétée (Matth., XXIII, 16, 17, 19, 24, 26), renferme peut-être une allusion à l’habitude qu’avaient certains pharisiens de marcher les yeux fermés par affectation de sainteté.
La haine qu’elles leur portent est aussi ardente que la sienne, car, du même coup qu’Agamemnon, elles ont vu tuer sous leurs yeux la fille de leur roi. […] Ou bien encore, puisqu’il a péri par un crime, faudra-t-il, la libation répandue, que je me retire en silence, en détournant les yeux et en jetant le vase derrière moi ? […] Vois cette toile tissée par les mains, et les figures de lions qui y sont brodées. » — La sœur embrasse avec de tendres transports ce frère retrouvé, le seul amour qui survive aux pertes affreuses de son âme, toute autre affection en elle étant morte ou dénaturée. — « Ô douce lumière de mes yeux, toi qui as quatre parts dans mon cœur ! […] Il prédisait encore que mon père darderait sur moi son œil flamboyant, du fond des ténèbres ; trait perçant que lancent les morts non vengés, qui livre le maudit aux terreurs nocturnes, et le chasse avec un fouet d’airain, hors de la cité. » — Oreste est donc lancé par la fatalité vers son crime qu’une autre fatalité châtiera. […] Les portes rouvertes, deux cadavres étalés sous les yeux du peuple ; devant eux, le meurtrier arborant son glaive : rien ne manque à cette copie vengeresse.
Milton les prodigue, comme un pontife qui dans son culte étale les magnificences et gagne les yeux pour gagner les cœurs. […] L’atroce doctrine de Calvin a fixé de nouveau les yeux des hommes sur le dogme de la malédiction et de la damnation éternelle. […] Sont-ce là « les choses que l’œil n’a point vues, que l’oreille n’a point entendues, que le cœur n’a point rêvées ? […] Sa tête et ses cheveux étaient blancs comme de la laine blanche et comme la neige, et ses yeux étaient comme une flamme de feu. […] Ses yeux ne sont à l’aise que dans l’espace sans limites, et il n’enfante que des colosses pour le peupler.
En arrivant au théâtre, mon œil, dans le jaune des affiches, est de suite attiré par le blanc, au milieu duquel se lit : Henriette Maréchal, annoncée pour samedi, et pour dimanche en matinée. […] Il lui revient du sang aux joues, de l’esprit dans les yeux ; son corps se pacifie, et il ne semble plus le souffreteux de l’arrivée. […] Je me sauve au jardin, pour que la pauvre petite bougresse, ne voie pas les deux larmes qui me sont montées aux yeux. […] Elle a cette femme, un charme à la fois mourant et ironique tout à fait singulier, et auquel se mêle la séduction des Slaves : la perversité intellectuelle des yeux et le gazouillement ingénu de la voix ! […] Cette Hading est vraiment très séduisante avec sa luxuriance de cheveux, semblables aux cheveux mordorés des courtisanes vénitiennes, avec sa blancheur de peau toute particulière, et qui me rappelle la blancheur de la gorge de la maîtresse du Titien, dans son fameux portrait, avec ses regards coulants dans le coin des yeux, avec l’ombre fauve de la cernure de ses yeux et du tour de sa bouche, avec son petit front et son nez droit.
Il se retire aussitôt après dans Ilion, pour ne pas assister au combat où son fils Pâris peut perdre la vie sous ses yeux. […] Ce dieu monte sur la cime d’un pin du mont Ida pour en descendre sous la forme de murmure et d’ombre sur les yeux de Jupiter. […] La nuit se répand sur ses yeux ; elle tombe à la renverse et son âme est prête à s’exhaler ; de sa tête se dénouent les riches bandelettes qui retiennent sa chevelure. […] « Ses amis le suivent des yeux en versant des larmes abondantes, comme s’il allait à la mort. » Les dieux invisibles protègent son voyage. […] voyez-le de vos propres yeux, Troyens, et vous, Troyennes, s’écrie Cassandre, ô vous qui pendant sa vie le receviez avec tant de triomphe à son retour des combats !
Là, quand je ferme les yeux, là dans mon front, où se réunifia force visuelle, je trouve ses yeux noirs. […] Mais il y a une buée d’eau chaude qui est terrible et qui vous perd les yeux. […] Puis vient l’attente, des faits très simples, comme une visite manquée ; une rencontre prend une importance démesurée à ses yeux. […] Yann nous est représenté comme beau ; mais, derrière son œil franc, on ne sait ce qu’il y a. […] Tout à coup il vit une joue qui s’appuyait à la vitre contre laquelle était son œil.
Enfin la satisfaction morale répandue sur toute sa vie n’a jamais pris la forme d’un sentiment distinct ; on la trouve seulement parmi les raisons qui expliquent à ses yeux le privilège singulier dont il est l’objet : apparemment, il est aimé des dieux, puisqu’ils prennent soin de le garantir de toute erreur. […] Avant même que la parole soit devenue extérieure et audible, les muscles s’agitent et trahissent aux yeux l’état vif de la parole intérieure. […] Joyeuse se prend à songer, et tout à coup le colosse… est très surpris de voir ce petit homme changer de couleur et le regarder en grinçant des dents avec des yeux féroces… En ce moment, M. […] » Mais, quoiqu’il eût dit cette dernière phrase tout haut, dans le dos d’un sergent de ville qui regarda passer d’un œil de méfiance ce petit homme gesticulant et hochant la tête, le pauvre imaginaire ne se réveilla pas. […] [Les stances du poème « A Ninon » commencent effectivement par ces deux vers : « Si je vous le disais pourtant, que je vous aime, / Qui sait, brune aux yeux bleus, ce que vous en diriez ?
Il mange haut et avec grand bruit ; il roule les yeux en mangeant. […] Il comptait ses gestes, ses clignements d’yeux, ses verrues. […] La dot vous rendra blanc comme une robe de mariée et à vos propres yeux ». […] Aux yeux du naturaliste Balzac, ce sont les passions et l’intérêt. […] Leurs yeux, leurs oreilles, tous leurs sens en ont horreur.
Là-bas, pliant son aile et mouillé sous l’ombrage, Banni de l’horizon qu’il n’atteint que des yeux. […] Souffle vers ma maison cette flamme sonore Qui seule a su répondre aux larmes de mes yeux. […] Quand la belle et brillante Delphine, Mme Émile de Girardin, fut enlevée avant l’heure, Mme Desbordes-Valmore, qui l’avait vue commencer et qui s’attendait si peu à la voir finir, eut un hymne de deuil digne de son noble objet, et dans lequel cependant elle prête un peu, je le crois, de sa mélancolie à l’éblouissante muse disparue ; mais le mouvement est heureux, le ton général est juste et d’une belle largeur : La mort vient de frapper les plus beaux yeux du monde : Nous ne les verrons plus qu’en saluant les cieux. […] que leur grâce profonde, Comme un aimant d’espoir, semble attirer nos yeux. […] Tant que les noms aimés retourneront aux cieux, Nous chercherons Delphine à travers les étoiles, Et ton doux nom de sœur humectera nos yeux.
Attentive et émue jusqu’au fond de son âme, Mireille, assise sur un fagot de feuilles coupées, n’aurait pas fermé les yeux jusqu’à la première aube du jour. […] Leurs têtes bleues ont de petits yeux fins comme des aiguilles ! […] que l’eau pleuve de mes yeux ! […] Cela est écrit dans le cœur avec des larmes, comme dans l’oreille avec des sons, comme dans les yeux avec des images. […] Or, par une heureuse coïncidence, ce rare phénomène végétal semblait nous avoir attendus pour s’accomplir sous nos yeux.
Il nous parle spirituellement de l’aveuglement des peintres à ce qui est devant leurs yeux, et qui ne voient absolument que les choses qu’on les a habitués à voir : une opposition de couleur par exemple, mais rien du moral de la chair moderne. […] Mon frère était à côté de Mme ***, cette femme aux yeux d’aigue-marine, cette femme si rare, si distinguée, si étrangement attirante par son air diaboliquement vertueux. […] ce livre, je voudrais ne pas l’avoir fait, quoiqu’il m’ait valu… » et le vieillard battu de ses grands cheveux blancs, ne finissant pas sa phrase, tourne vers sa femme des yeux jeunes d’un remerciement d’amour. […] * * * — L’œil goûte en cuisine, avant que le palais ne déguste. […] Il a son air, son costume rustique, sa barbe inculte, son teint sanguin, ses yeux saillants.
Ranson étale — coutumièrement — aussi des scènes fantastiques, plus découpées en ailes de chauves-souris au bois bénit aux murailles, et pleines de paires d’yeux ronds qui luisent. […] De A. de Niederhausern, cires polychromes : l’Eternité, cyclope à l’œil nombril de son front ; Maternité aux bras de vaisseau qui roule. […] Haies et buissons de gnomes ou mandragores levant leurs paumes aux yeux des astres. — Puis herbes vertes de reposant véronèse, liseré de peupliers roux. […] Première amie aux beaux yeux simples, un mot du livre, le nom peut-être du cœur du livre. […] Onze gargouilles vomissent prévenantes, afin qu’on ne déroge aux bénitiers volontaires, et Orphée crucifié dans la rosace bénit de ses yeux solaires.
L’insurrection de la commune, fomentée et dirigée par des passions perverses, fut présentée aux yeux des patriotes comme l’insurrection du salut public. […] Les voix, les yeux, les rires, les gestes du peuple, la submergèrent d’humiliation. […] Ses yeux, rouges et gonflés, quoique secs, révélaient les longues inondations d’une douleur épuisée de larmes. […] Ses yeux cherchaient un signe de salut parmi ces signes de sa perte. […] D’involontaires exclamations sortaient inachevées de ses lèvres ; il levait les yeux au ciel et se promenait à grands pas autour du cachot.
Tous et toutes levèrent les yeux sur ma figure pour s’assurer d’un coup d’œil si le nouveau porte-clefs (car ils savaient le mariage de l’ancien avec la jolie fille du bargello) adoucirait ou aggraverait leur peine par sa physionomie et par le son de sa voix brusque ou douce ; ils me remercièrent poliment de mon service, hommes, femmes ou enfants, et je vis clairement sur leurs figures l’étonnement et la consolation que leur causait un visage si jeune qui, au lieu de reproche à la bouche, roulait des larmes dans ses yeux, et qui semblait avoir plus de pitié pour eux qu’ils n’avaient eux-mêmes peur de lui. […] Les pauvres prisonniers et prisonnières, tout réjouis, se pressaient à leurs grilles, écoutaient les larmes aux yeux et me remerciaient, à mesure que je passais devant leur lucarne, de leur donner ainsi un souvenir de leur jour de fête. […] Je m’approchai donc avec plus de confiance de la sombre lucarne, assombrie encore par le noir pilier, et je jetai un regard furtif à travers les barreaux de fer du premier grillage ; je ne vis que deux yeux fixes qui me regardaient du fond du cachot, tout au fond de la nuit régnant derrière la seconde grille. […] Comment, vermisseau comme elle était, ainsi que nous, aux yeux des riches et des puissants, parviendrait-elle soit à pénétrer vers son cousin dans des cachots, soit à s’introduire dans des palais gardés par des sentinelles, pour tomber à genoux devant monseigneur le duc ? […] À ce mot, monsieur, nous tombâmes, ma belle-sœur et moi, à la renverse contre la muraille, les mains sur nos yeux, en criant : « Est-il bien possible !
Regardez mes yeux.” — Et il tourna vers moi deux grandes prunelles blanches sans regard. — “Je suis aveugle, mon cher, aveugle pour la vie ! […] Je me suis brûlé les yeux à ce joli métier ; mais, là, brûlé à fond… jusqu’aux bobèches !” […] bien ses deux yeux, — deux yeux très purs, très expressifs et quelquefois très touchants, et le roman que voici serait certainement remarqué encore dans un temps plus préoccupé, plus épris de littérature que le nôtre. […] Où veut-on que le moraliste et le romancier prennent leurs modèles, si ce n’est pas dans des êtres réels qui ont passé devant leurs yeux, surtout quand ils peignent les mœurs de leur temps ? […] Alphonse Daudet, cette âme dans le talent, a mieux à faire maintenant qu’à regarder, du bout des yeux, une société qui passe et qui a été décrite jusqu’à épuisement.
À leurs yeux, nous roulons sur une pente fatale où le hasard nous entre-choque ; et le destin intérieur qui nous pousse ne nous brise qu’après nous avoir aveuglés. […] On se gorge, fermant les yeux sur l’issue, sauf à être englouti le lendemain. […] Sous l’effort de cet instinct, toutes les parties accessoires du drame arrivent à la rampe, et s’étalent sous les yeux. […] Quand je rêve ainsi, je dors. — Comme une folle, les yeux ouverts. — Crois-tu que nous nous connaîtrons l’un l’autre, dans l’autre monde ? […] — Pourquoi croises-tu tes bras et courbes-tu ta tête — sur ta poitrine, laissant tomber coup sur coup de tes deux yeux, — de tes deux yeux, mon ciel, — une pluie de larmes plus précieuses, plus pures que les perles — suspendues autour du front pâle de la lune ?
Un monde nouveau, bourgeois, plébéien, occupe désormais la place, attire les yeux, impose sa forme dans les mœurs, imprime son image dans les esprits. […] À ses yeux, les moindres objets sont poétiques. […] Ils sont tout près de nous : si nous ne les voyons pas, c’est que nous ne savons pas les voir ; le défaut est dans nos yeux, non dans les choses. […] A leurs yeux, il n’y a qu’une civilisation raisonnable, qui est la leur ; toute autre morale est inférieure, toute autre religion est extravagante. […] Le grand éclat des lustres, la pompe théâtrale le choqueraient ; ses yeux sont trop délicats, accoutumés aux teintes douces et uniformes.
Seulement, leurs yeux étincelaient, et souvent ils criaient : “C’est vrai ! […] — Prends cette queue de lièvre, pour essuyer la chassie de les yeux. […] Ses yeux, du matin au soir, étaient divertis par un défilé d’images. […] Ses yeux s’ouvrirent à une clarté nouvelle. […] Même l’Italie des romantiques s’effaça devant ses yeux comme un vain mirage.
Un jour, après juillet 1830, comme il en était venu à un degré de gêne extrême ou plutôt de détresse qui sautait aux yeux, et qui s’accusait même d’une façon cynique, un de ses amis lui dit : « Que n’écris-tu ce que tu dis tout le long du jour ? […] Arrêté dans ses locutions, dogmatique, sans grâce, sans un rayon, sans rien de ce qui caresse l’esprit, il jetait de la poudre aux yeux par ses défauts mêmes. […] Sa couleur était vraie, et telle qu’elle se voyait naturellement aux objets représentés ; il savait ce qu’il faisait, il faisait ce qu’il avait sous les yeux : que lui demandait-on de plus ? […] Horace n’y mettait pas tant de façon ; il voyait avec son œil de peintre et rendait à l’instant son effet. […] C’est ce qui fait qu’à cause de la vérité même de son rendu, on l’a appelé un trompe-l’œil, comme si ce n’était pas une rare qualité en peinture, la première dans un art d’imitation, que d’imiter ce qu’on a sous les yeux. » Vanité de la gloire et de la réputation, et non-seulement vanité, mais âcreté et amertume !
Son portrait à mes yeux, c’est un médaillon à double face, à double effigie, le conventionnel d’une part, le préfet de l’autre, des deux côtés un profil net, taillé dans le bronze, sans bavure. […] Les Turcs nous voyaient de mauvais œil, parce que nous étions en guerre avec eux, et surtout parce qu’ils nous confondaient avec les Busses qu’ils détestent. […] Nous faisions entendre qu’en notre qualité d’otages l’aga devait veiller à notre sûreté et qu’il était responsable de notre conservation ; ces représentations produisaient si peu d’effet qu’un jour que le citoyen Majastre se présenta à lui la tète ensanglantée d’une pierre qu’il venait de recevoir à côté de l’œil et qui lui avait fait une blessure large et profonde, il n’en obtint pas un signe d’intérêt. […] D’effrayantes dégradations tolérées par les autorités locales, et sur lesquelles elles fermaient l’œil, étaient commises dans de grandes forêts communales au nombre de cinq, dites les Gèraïdes, dans la partie surtout voisine de Landau. […] Il indique surtout la langue comme le grand et perpétuel obstacle ; répandre et propager dans ces contrées la langue du Gouvernement est, à ses yeux, le premier et l’essentiel moyen d’assimilation.
Elle est sur mon cœur, cachée à tous les yeux, sentie à tous les moments et souvent baignée de mes larmes. […] De quel œil veux-tu que je l’envisage ? […] Il suffit qu’il n’y ait eu qu’une voix alors sur la noble attitude de la victime et que sa générosité rayonnante ait éclaté à tous les yeux. […] » Pour elle, elle était animée, riante ; le feu sacré brillait dans ses yeux. […] Un fort bon livre que j’ai là sous les yeux, et qui n’est qu’un cours de rhétorique naturelle et raisonnable, de rhétorique sincère par M.
Vous vous dites sans cesse inspirés par les cieux, Et vous ne frappez plus notre oreille, nos yeux, Que par le seul tableau des choses de la terre ; Quelques traits copiés de l’ordre élémentaire. […] Nous nous garderons de soulever le plus léger coin du voile étincelant et sacré dont brille de loin aux yeux cette mystérieuse figure. […] l’écriais-tu, ces admirations, « Ces tributs accablants qu’on décerne au génie, « Ces fleurs qu’on fait pleuvoir quand la lutte est finie, « Tous ces yeux rayonnants éclos d’un seul regard, « Ces échos de sa voix, tout cela vient trop tard ! […] que ces dons tardifs où se heurtent mes yeux « Devaient m’échoir alors, et que je valais mieux ! […] Tu sais l’âge où tu vis et ses futurs accords ; Ton œil plane ; ta voile, errant de bords en bords, Glisse au cap de Circé, luit aux mers d’Artémise ; Puis l’Orient t’appelle, et sa terre promise, Et le Mont trois fois saint des divines rançons !
Quels témoins, quels arbitres Vous feront reconnaître à mes yeux incertains Pour de réels objets ou des fantômes vains ? […] Il en est de la poésie amoureuse comme de Vénus quand elle se montre aux yeux d’Énée, naufragé près de Carthage et à la veille de voir Didon : elle prend les traits d’une mortelle, d’une simple chasseresse ; elle ressemble à une jeune fille de Sparte, et s’exprime sans art d’abord, avec un naturel parfait. […] Que de pleurs contenus dans les yeux d’une reine ! […] Le cœur est né pour ces échanges, Notre âme y double son pouvoir : Et pour nous, comme pour les anges, L’amour est l’œil ; aimer, c’est voir. […] Guizot, épuisé, l’œil en feu, descendait de la tribune, tout prêt, s’il le fallait, à y remonter encore.
Ainsi les Peintres grouppent leurs figures ; ainsi ceux qui peignent les batailles mettent-ils sur le devant de leurs tableaux les choses que l’oeil doit distinguer, & la confusion dans le fond & le lointain. […] Un bâtiment d’ordre gothique est une espece d’énigme pour l’oeil qui le voit, & l’ame est embarrassée, comme quand on lui présente un poëme obscur. […] Mais à mesure que l’on examine, l’oeil la voit s’aggrandir, l’étonnement augmente. On peut la comparer aux Pyrenées, où l’oeil qui croyoit d’abord les mesurer, decouvre des montagnes derriere les montagnes, & se perd toûjours davantage. […] Il fit donc sur ce modele le dôme de Saint-Pierre : mais il fit les piliers si massifs, que ce dôme qui est comme une montagne que l’on a sur la tête, paroît leger à l’oeil qui le considere.
Assis à ma fenêtre, Mes yeux plongent dans la nuit noire. […] Et, près de la lampe, cligne ses yeux ensommeillés. […] Il semble méditer toutes les amertumes des abandons, toutes les traîtrises des ruptures, la vanité des serments, le leurre des yeux candides et des lèvres roses. Il commit aussi l’aiguë souffrance que cause, après des années d’oubli, l’amante revue, mais flétrie, fanée, … Les seins pendants, Les yeux vitreux, les muscles des joues. […] Heine fut, entre tous les poètes, un analyste de lui-même ; il se divisa, s’examina et sous ses yeux perçants, moqueurs et tristes, se donna carrière dans tous les sens.
C’est ici le lieu de mettre sous les yeux du lecteur un certain nombre de passages tirés de la correspondance de Voltaire, qui prouvent que je n’ai pas trop hasardé, lorsque j’ai dit qu’il haïssait secrètement les sophistes. […] Celui qui nous a créés tous doit être manifesté à tous, et les preuves les plus communes sont les meilleures, par la raison qu’elles sont les plus communes ; il ne faut que des yeux et point d’algèbre pour voir le jour. » (Corresp. gén. […] Accours, jeune Chromis, je t’aime, et je suis belle, Blanche comme Diane, et légère comme elle, Comme elle grande et fière ; et les bergers, le soir, Lorsque, les yeux baissés, je passe sans les voir, Doutent si je me suis qu’une simple mortelle,. Et, me suivant des yeux, disent : Comme elle est belle ! […] Le fer libérateur, qui perceroit mon sein, Déjà frappe mes yeux et frémit sous ma main, …………………………………………………… Et puis mon cœur s’écoute et s’ouvre à la faiblesse, Mes parents, mes amis ; l’avenir, ma jeunesse, Mes écrits imparfaits ; car à ses propres yeux.
Ma mère écoutait ces belles choses avec un plaisir infini et les croyait peut-être, lorsque la pythonisse lui dit : mademoiselle, approchez vos yeux ; voyez-vous bien ce petit trait ; là, celui qui coupe cet autre ? […] Ce morceau est plus soigné que les autres, en dépit d’un œil blanc rougeâtre et cuivreux, la touche en est moelleuse et spirituelle ; il y règne un transparent un suave de couleur qui dépite contre un artiste qui se néglige. […] Il s’ouvre à ma droite une percée d’où mon œil s’égare dans le lointain. […] Il faut d’aussi bons yeux pour voir le fond et découvrir le père et la mère, qui sont toutefois au pied du lit et sur le devant, que de pénétration pour deviner le sujet qui les amène ! […] Est-ce que n’ayant plus la même nature sous les yeux, l’artiste n’a pu se servir de la nôtre pour suppléer les passages et les tons ?
Les rubans, l’or, l’argent, les pierreries éblouissaient les yeux. […] C’était un grand homme sec, olivâtre, aux yeux enfoncés, et aux sourcils noirs et joints. […] L’azur du ciel est moins beau que le bleu de tes yeux ; le chant des bengalis moins doux que le son de ta voix. […] Il allait seul se retirer dans le jardin, et s’asseyait au pied du cocotier de Virginie, les yeux fixés sur sa fontaine. […] La description de ces climats lointains développe à ses yeux une nature nouvelle !
Il lui arriva un peu ce qui arrive à de certaines jeunes filles qui épousent des vieillards : en très-peu de temps leur fraîcheur se perd on ne sait pourquoi, et le voisinage attiédissant leur nuit plus que ne feraient les libres orages d’une existence passionnée : Je crois que la vieillesse arrive par les yeux, Et qu’on vieillit plus vite à voir toujours les vieux, a dit Victor Hugo. […] Ce sont des symptômes auxquels on ne saurait fermer les yeux. […] Lorsque Victorin fut mort, Auguste, atteint du coup, se renferma dans l’appartement de son frère, laissa croître sa barbe, ne sortit plus, ne permit plus qu’on enlevât la poussière des papiers et des meubles, désormais consacrés à ses yeux ; il mourut tout entier à ce deuil, et constatant sa pensée fixe dans un testament dont un récent procès est venu révéler les dispositions singulières. […] Elle reste pour nous un échantillon piquant du goût d’alors ; la péroraison est tout entière empruntée au monde d’Ossian, que Napoléon aimait, que Girodet traduisait aux yeux ; car Victorin Fabre croyait à Ossian, c’était là son romantisme à lui ; que voulez-vous ?
Fort inférieurs, beaucoup plus mal taillés sans doute que ces bûches de bois informes, auxquelles le charpentier a fait à peu près un nez, des yeux, une bouche, des pieds et des mains, et devant lesquelles l’habitant de nos hameaux fait sa prière. […] Où cet homme se serait-il formé l’œil ? […] Qui est le grand peintre, ou de Raphael que vous allez chercher en Italie, et devant lequel vous passeriez sans le reconnaître, si l’on ne vous tirait pas par la manche, et qu’on ne vous dît pas Le voilà ; ou de Rembrand, du Titien, de Rubens, de Vandeick et de tel autre grand coloriste qui vous appelle de loin, et vous attache par une si forte, si frappante imitation de la nature que vous ne pouvez plus en arracher les yeux ? […] Cette influence peut devenir imperceptible ; mais elle n’en est pas moins réelle : Combien de règles et de productions qui ne doivent notre aveu qu’à notre paresse, notre inexpérience, notre ignorance et nos mauvais yeux !
Aussi regardait-il en camarade son débiteur, lequel — depuis lors — était devenu, aux yeux du Bienfaiteur, simplement un « drôle de corps ! […] Certes, le monde de l’Apparence lui avait un faible attrait : son œil presque troublant, son œil fixé ouvertement ne pouvait voit en ce monde, que d’importuns dérangements au monde intime de sa pensée : il sentait que rester sous la dépendance du premier serait perdre tout rapport avec le second. […] L’ouïe, c’était le seul organe qui lui apportait, encore, pour l’émouvoir, les influences du dehors ; ses yeux étaient morts à ce monde, depuis longtemps. […] Tirésias avait vu se fermer devant lui, le monde de l’Apparence : et il avait pu, ainsi, contempler, avec ses yeux intérieurs le fond même de toutes les apparences. […] Et, maintenant, les yeux du musicien s’éclairent, par le dedans.
Les dimensions des grands journaux se sont agrandies ; le système des annonces Duveyrier se déploie en long et en large ; les feuilletons nagent au milieu de tout cela comme de minces vaisseaux à travers un Océan, et l’œil du lecteur ne sait plus où se poser. […] Des villes d’Italie où j’osai, jeune et svelte, Parmi ces hommes bruns montrer l’œil bleu d’un Celte, J'arrivais, plein des feux de leur volcan sacré, Mûri par leur soleil, de leurs arts enivré ; Mais, dès que je sentis, ô ma terre natale, L'odeur qui des genêts et des landes s’exhale, Lorsque je vis le flux, le reflux de la mer, Et les tristes sapins se balancer dans l’air, Adieu les orangers, les marbres de Carrare, Mon instinct l’emporta, je redevins barbare, Et j’oubliai les noms des antiques héros, Pour chanter les combats des loups et des taureaux ! […] On sait mon nom, ma vie est heureuse et facile ; J'ai plusieurs ennemis et quelques envieux ; Mais l’amitié chez moi toujours trouve un asile, Et le bonheur d’autrui n’offense pas mes yeux.
quel monde varié et brillant, capable de remplir l’esprit et les yeux d’un poëte ! […] — Où sont ses bras et ses yeux brillants qui hier, à ce moment, étaient avec moi192 ? […] Il n’y a point ici d’ingénieuse énigme ; la fantaisie est seule maîtresse, et le poëte ne songe qu’à dérouler en vers paisibles le fugitif et brillant cortége qui vient amuser son âme et enchanter ses yeux. […] Il lève les yeux au ciel et finit par un soupir207. […] Quand on ne peut plus parler à l’âme, on essaye encore de parler aux yeux.
” Et il montrait ses yeux, deux grands yeux bruns dorés, tout embus de larmes. […] est à nos yeux un des grands charmes du Carquois. […] ils te dévoraient ses yeux, ils te carbonisaient ! […] Qu’y a-t-il dans tes yeux ? […] Bien plus, en une époque où les fantasmagories romantiques, chatoyant encore devant les yeux, faisaient illusion à ses contemporains, il s’opiniâtra à peindre comme il voyait, noir quand ses yeux distinguaient du noir, azuré quand ses yeux apercevaient un coin de ciel.
Il constate son isolement, il s’en fait gloire, il y grandit encore à ses propres yeux. […] De plus, il souffrait d’une fistule à l’œil qu’on lui opéra sans succès. […] son père n’avait qu’un œil… il était maréchal. […] Ses yeux étaient creux et pleins d’amour ! […] Est-ce là le crime qui me met devant les yeux l’image d’une sombre vengeance ?
« Ces goûts changeront ; cette sincérité s’altérera ; le poète se révélera avec plus de pudeur ; il nous montrera les blessures de son âme, les pleurs de ses yeux, mais non plus les flétrissures livides de ses membres, les égarements obscurs de ses sens, les haillons de son indigence morale. […] Le cynisme, à mes yeux, était alors et est encore l’impiété de la nature envers Dieu et envers soi-même, la raillerie grossière de ce qu’il y a de plus respectable et de plus saint dans la création : la beauté et la douleur. — Un coup de sifflet à la Divinité partout où elle se montre ! […] Sous quels antres profonds, par quels brusques penchants S’abîmait loin des yeux le fleuve ? […] t’écriais-tu, ces admirations, « Ces tributs accablants qu’on décerne au génie, « Ces fleurs qu’on fait pleuvoir quand la lutte est finie, « Tous ces yeux rayonnants éclos d’un seul regard, Ces échos de sa voix, tout cela vient trop tard ! […] que ces dons tardifs où se heurtent mes yeux « Devaient m’échoir alors, et que je valais mieux !
Et le lignard doit être un Dumanet ingénu et mystique, pour la composition duquel, je lui recommande de se remettre sous les yeux le jeu et la physionomie de l’acteur Burguet, dans La Lutte pour la vie. […] Défiez-vous de vos yeux, quand ils sont artistes. […] » de son bout de nez et de son œil rond. […] Et des yeux ! […] Et dans l’évocation de ce voyage, il se soulève de son abattement, ses yeux brillent : c’est le Daudet du bon temps qui a la parole.
En quelques mots, c’est là le livre et le temps d’arrêt dans son livre que Granier de Cassagnac nous met sous les yeux. […] Il reprend, il est vrai, l’équation sur le dégagement de l’inconnue, mais ôtez cette inconnue, dégagée sans lui, il n’aurait pas vu l’équation, posée cependant depuis tant d’années sous nos yeux, fermés ou distraits. […] Il ne voulait pas qu’on les oubliât ; il ne voulait pas que la postérité pût jamais un seul instant fermer les yeux devant ces têtes d’abjectes Méduses dont il est bon, dans l’intérêt des hommes, d’immortaliser la terreur. […] C’est alors, c’est à toutes ces places que je reconnais Cassagnac, mon ancien Cassagnac, à l’esprit solide et à la main de forte prise, et que j’aime mieux dans les grandes besognes, où il faut l’œil de l’aigle, que dans les petites, où il ne faut que l’œil du lynx. […] La haine des partis, qui se bouche les yeux pour ne pas voir et les oreilles pour ne pas entendre, l’a-t-elle assez appelé le Bravo de tous les pouvoirs ?
L’œuvre ne s’est plus reproduite peut-être aussi saillante aux yeux du public qu’au début ; mais la faculté qui se manifeste dans les œuvres successives a grandi. […] En politique, en pensées sociales, comme il dit, en religion, en poésie même à proprement parler, il a vu évidemment avec ardeur son horizon s’agrandir, et son œil a joué plus à l’aise, tout cadre factice étant tombé. […] Jocelyn nous dit qu’en le regardant son œil hésite entre l’enfant et l’ange. […] Son œil a-t-il toujours ce tendre et chaud rayon, Dont nos fronts ressentaient la tiède impression ? […] Contemplaient la ruine avec un œil d’horreur.
C’était diaphane, transparent ; c’était dommage pour mes yeux, ce devait être vu par un peintre. […] Je suis si grande à tes yeux sans doute ! […] ici elle a incrusté du premier coup le Sauveur des hommes dans l’âme et dans les yeux de l’humanité ! […] Pour bien se conduire avec les enfants, il faut prendre leurs yeux et leur cœur, voir et sentir à leur portée et les juger là-dessus. […] Excusez-moi donc : le modèle que j’ai sous les yeux tue le commentaire, contentez-vous d’admirer.
Sur quoi sa veuve inconsolable pousse un léger soupir et porte un mouchoir de dentelle à ses yeux brillants. […] On ne comprend rien d’abord à cette métamorphose si soudaine ; puis, lorsqu’on l’a comprise, son invraisemblance saute aux yeux. […] Le dénouement n’est pas là : il est dans le récit de Théramène que le petit Lucien vient faire, la larme à l’oeil, du duel de d’Estrigaud, dont il était le témoin. […] D’Estrigaud, tiré de sa syncope par les seaux de larmes qu’elle verse sur lui, se décide enfin à rouvrir les yeux. […] Le père et le fils vont accepter le marché ; mais l’ingénieur leur fait honte de transiger avec des coquins ; il soutient qu’en regardant en face la calomnie, avec des yeux résolus, on lui fait toujours baisser ses yeux faux et ravaler ses mensonges.
Là, nous prenons machinalement un numéro de l’Illustration, et sous nos yeux tombe le mot du dernier rébus : Contre la mort, il n’y a pas d’appel ! […] Puis, un long moment, elle regarde les choses avec ces yeux de mourant qui paraissent vouloir emporter le souvenir des lieux qu’ils quittent, et la porte de l’appartement, en se fermant sur elle, fait un bruit d’adieu. […] De ses yeux ouverts et vides, elle regarde vaguement défiler les maisons, elle ne parle plus… Arrivée à la porte de l’hôpital, elle veut descendre sans qu’on la porte : « Pouvez-vous aller jusque-là ? […] Elle était un de ces dévouements dont on espère la sollicitude pour vous fermer les yeux. […] Oui, oui, une fermeture de tous ces affreux secrets, cachés et renfoncés en elle, sans une échappade à nos yeux, à nos oreilles, à nos sens d’observateur, même dans ses attaques de nerfs, où rien ne sortait d’elle que des gémissements : un mystère continué jusqu’à la mort et qu’elle devait croire enterré avec elle.
Toutefois, malgré sa volonté et son courage, le changement qui se faisait en sa personne, apparaissait à tous les yeux, et le bruit se répandait qu’il avait un cancer. […] Du Mesnil raconte ensuite, comment Gambetta a eu l’œil crevé, c’est par la pointe d’un couteau qu’un repasseur, établi à la porte de sa maison, promenait sur sa meule, et dont l’enfant s’était trop approché, pour voir les étincelles. […] Chez Sandeau, chez le romancier aux petits yeux noirs, dans des carnations grises, délavées, comme passées à la lessive, il y a de la chair dépassionnée, recouverte de l’impassibilité de l’homme revenu de tout et d’ailleurs. […] Et la tentation de cet habit, est donnée aux gens qui en ont besoin, par un mannequin de la plus jolie figure qui soit, en carton rose, avec des yeux bleus, des cheveux blonds frisés, des moustaches noires : un mannequin à cravate blanche et à gants jaunes. […] Puis c’est la petite actrice qui fait le roi, qui vient essayer ses perruques sous nos yeux, et se refuse avec de gentilles mignardises à se laisser couper les talons de ses escarpins, qui la font trop grande.
Quel précoce amant de la gloire, Dans ses yeux portant la victoire, Rompt tes vieux bataillons jusqu’alors si vaillants ? […] Nous en avons une preuve bien sensible devant les yeux. […] Quel honneur pour cet autel, et combien est-il devenu terrible et respectable, depuis qu’à nos yeux il tient ce lion enchaîné ! […] Le riche, en entrant ici, n’a qu’à ouvrir les yeux pour reconnaître la vérité de cette parole : Toute chair n’est que de l’herbe, et toute sa gloire est comme la fleur des champs. […] Oui sans doute : et l’état où je vous vois, et ces larmes qui coulent de vos yeux, en sont de bons garants.
Elle était belle et avait de beaux yeux d’Orient. […] Sur ce cou reposait une tète solide, au front haut, aux yeux d’aigle. […] Baudelaire parle de leurs « yeux attirants ». […] Elle soupire et lève les yeux. […] J’ai sous les yeux son testament.
Voici une description de Buffon : Qu’on se figure un pays sans verdure et sans qu’au, un soleil brûlant, un ciel toujours sec, des plaines sablonneuses, des montagnes encore plus arides, sur lesquelles l’œil s’étend et le regard se perd sans pouvoir s’arrêter sur aucun objet vivant ; une terre morte et, pour ainsi dire, écorchée par les vents, laquelle ne présente que des ossements, des cailloux jonchés, des rochers debout ou renversés, un désert entièrement découvert, où le voyageur n’a jamais inspiré sous l’ombrage, où rien ne l’accompagne, rien ne lui rappelle la nature vivante : solitude absolue, mille fois plus affreuse que celle des forêts ; car les arbres sont encore des êtres pour l’homme qui se voit seul ; plus isolé, plus dénué, plus perdu dans ces lieux vides et sans bornes, il voit partout l’espace comme son tombeau : la lumière du jour, plus triste que l’ombre de la nuit, ne renaît que pour éclairer sa nudité, son impuissance, et pour lui présenter l’horreur de sa situation, en reculant à ses yeux les barrières du vide, en étendant autour de lui l’abîme de l’immensité qui le sépare de la terre habitée : immensité qu’il tenterait en vain de parcourir ; car la faim, la soif et la chaleur brûlante pressent tous les instants qui lui restent entre le désespoir et la mort. […] Peu à peu cependant l’œil s’accoutume à la grandeur des lignes, au vide de l’espace, au dénûment de la terre, et si l’on s’étonne encore de quelque chose, c’est de demeurer sensible à des effets aussi peu changeants, et d’être aussi vivement remué par les spectacles en réalité les plus simples. […] Entendons-nous : il faut l’avoir vue, mais il n’est pas toujours bon de l’avoir sous les yeux, au moment d’écrire : la volonté de la peindre vous gênerait, vous verriez tout, rien ne se détacherait. L’œil de l’artiste exercé peut seul s’offrir à l’impression directe de la nature, sans que la préoccupation du travail à faire altère en lui la sincérité de la sensation.
Villemain et Cousin comme critiques littéraires, les deux plus éloquents critiques de ce temps-ci, et comme venant de rassembler leurs titres à cet égard aux yeux du public dans des œuvres corrigées et revues avec soin. […] Mais, dans cette collection que nous avons sous les yeux, il est deux parties, entre autres, qui méritent d’être distinguées et recommandées par-dessus tout : ce sont les quatre volumes qui traitent du xviiie siècle, et aussi le volume considérable qui nous offre le tableau de l’éloquence chrétienne au ive siècle. […] Il ne fait pas seulement briller à nos yeux les choses éloquentes, il touche avec émotion les choses profondes. […] Je rassemble, sur les rayons de ma bibliothèque, ce qui nous reste de quelques-unes de ces femmes ; je recueille des lambeaux de leurs correspondances inédites ou de mémoires manuscrits qui éclairent à mes yeux et marquent plus distinctement les traits de telle figure qui m’est chère. […] Pourtant certain air de gloire répandu dans l’ensemble trahit à mes yeux le goût de Louis XIII jusqu’en plein goût de Louis XIV.
Yeux en verroterie bleue à fleur de tête. Poches jaunâtres et bleuissantes sous les yeux. […] Cheveux blancs très courts, sourcils restés noirs, des yeux qui semblent des yeux d’émail entre des paupières sans cils, coloration bilieuse du teint, galbe osseux, sculpture émaciée des chairs. […] Il croyait par exemple que les gens qui font regarder la lune, mettent dans les lorgnettes des choses qui font mal aux yeux, etc., etc.
Que faire de oreille par exemple, ou de œil ? Mais du mot œil l’ancienne langue a été œillet, œillade, œillère 33 ; de oreille, elle a tiré oreillon (orillon, dans Furetière), oreillard, oreiller, oreillette, oreillé (terme de blason). […] Œil était tout disposé à donner bien d’autres rejetons : œiller, œilliste, œillage, œillon, œillard, etc. ; et oreille : oreilliste, oreilleur, oreillage. […] Mais le médecin des yeux eût rougi de s’appeler œilliste, comme le médecin des dents s’appelle dentiste ; déjà la qualification d’oculiste, insuffisamment barbare, humilie ses prétentions : il est ophtalmologue. […] Dictionnaire françois-latin des termes de médecine et de chirurgie par Elie Col de Villars ; Paris, 1753. — Il cite aussi de curieux noms de bandages : épi, doloire, fanons, œil, épervier, etc.
Pour bien comprendre une œuvre d’art, il faut se pénétrer si profondément de l’idée qui la domine, qu’on aille jusqu’à l’âme de l’œuvre ou qu’on lui en prête une, de manière à ce qu’elle acquière à nos yeux une véritable individualité et constitue comme une autre vie debout à côté de la nôtre. […] Parfois on voit mieux une belle statue, un beau tableau, une scène d’art en fermant les yeux et en fixant l’image intérieure, et c’est à la puissance de susciter en nous cette vue intérieure qu’on peut le mieux juger les œuvres d’art les plus hautes. […] Regardez dans les yeux un passant indifférent : ces yeux, clairs pourtant et transparents, vous diront sans doute peu de chose, peut-être rien. […] C’est que l’affection éclaire ; le livre ami est comme un œil ouvert que la mort même ne ferme pas, et où se fait toujours visible en un rayon de lumière la pensée la plus profonde d’un être humain.
Le voyageur qui se hasardait au-delà de Delphes, et qui franchissait les forêts vertigineuses du mont Cnémis, croyait voir partout, la nuit venue, s’ouvrir et flamboyer l’œil des cyclopes ensevelis dans les marais du Sperchius. […] Ainsi, — pourvu néanmoins qu’on ne cherche pas dans des pays et dans des faits qui appartiennent à l’histoire, ces impressions surnaturelles, ces grossissements chimériques que l’œil des visionnaires prête aux faits purement mythologiques ; en admettant le conte et la légende, mais en conservant le fond de réalité humaine qui manque aux gigantesques machines de la fable antique, — il y a aujourd’hui en Europe un lieu qui, toute proportion gardée, est pour nous, au point de vue poétique, ce qu’était la Thessalie pour Eschyle, c’est-à-dire un champ de bataille mémorable et prodigieux. […] Il avait sous les yeux les édifices, il essaya de se figurer les hommes ; du coquillage on peut conclure le mollusque, de la maison on peut conclure l’habitant. […] Montrer dans le burg les trois choses qu’il contenait : une forteresse, un palais, une caverne ; dans ce burg, ainsi ouvert dans toute sa réalité à l’œil étonné du spectateur, installer et faire vivre ensemble et de front quatre générations, l’aïeul, le père, le fils, le petit-fils ; faire de toute cette famille comme le symbole palpitant et complet de l’expiation ; mettre sur la tête de l’aïeul le crime de Caïn, dans le cœur du père les instincts de Nemrod, dans l’âme du fils les vices de Sardanapale ; et laisser entrevoir que le petit-fils pourra bien un jour commettre le crime tout à la fois par passion comme son bisaïeul, par férocité comme son aïeul, et par corruption comme son père ; montrer l’aïeul soumis à Dieu, et le père soumis à l’aïeul ; relever le premier par le repentir et le second par la piété filiale, de sorte que l’aïeul puisse être auguste et que le père puisse être grand, tandis que les deux générations qui les suivent, amoindries par leurs vices croissants, vont s’enfonçant de plus en plus dans les ténèbres. […] La règle : Neve minor, neu sit quinto, etc., n’a qu’une valeur secondaire à ses yeux.
Il a les yeux tournés vers le ciel. […] Vous me direz peut-être que la tête de la femme n’est pas d’une grande correction ; que celle de Joseph n’est pas assez jeune ; que le tapis rouge qui couvre ce bout de toilette est dur ; que cette draperie jaune sur laquelle la femme a une de ses mains appuyée, est crue, imite l’écorce, et blesse vos yeux délicats ? […] Tout se liera ; les disparates s’affaibliront et votre œil ne reprochera rien à l’ensemble. […] Je ne vous parlerai point de l’éclat du soleil et de la lune, qu’il est impossible de rendre ; ni de ce fluide interposé entre nos yeux et ces astres qui empêche leurs limites de trancher durement sur l’espace ou le fond où nous les rapportons, fluide qu’il n’est pas plus possible de rendre que l’éclat de ces corps lumineux. […] Il ne les voit pas, il ne les entend pas ; il a la bouche entrouverte, il respire, il rouvre ses yeux à la lumière, il la cherche : cependant les autres sont comme pétrifiés.
. — Rien qu’une démarche, une simple démarche prenait à ses yeux des proportions monstrueuses. […] Le lapin engraissait à vue d’œil. […] Vous vous emportez, vous tempêtez devant cette insouciance admirable et absurde, — Rodolphe vous sourit doucement pour toute réponse, et vous lui serrez la main, avec une larme dans les yeux. […] Parfois il vous semble entrevoir ces figures étranges, ces monstres, que l’œil devine dans les arbres réels. […] Les chats-huants eux-mêmes, l’orfraie, la chouette, toute la bande des oiseaux funèbres, stupéfiés, se retiennent de leurs griffes aux branches des arbres pour ne pas tomber… Une chauve-souris, qui s’entêtait à voler, sent tout à coup ses ailes se détendre, et va sombrer dans une mare. — Par terre sont éparpillés des crânes et des carcasses de squelettes. — Le dos appuyé contre un vieux tronc, les bras pendants, un homme regarde vaguement devant lui d’un œil hébété par la lourde ivresse de la mort ; un autre serre sa tête dans ses deux mains pour ne rien voir.
Toutes deux étaient des esprits fermes, pénétrants, lucides, connaisseuses en hommes comme de vieux ministres d’État, et en femmes comme de vieilles douairières, ne s’y trompant point, en hommes, à part un seul sur lequel l’aveugle clairvoyante, aveugle, ce jour-là, comme l’amour son maître, se trompa net, alors que Madame Geoffrin, qui avait ses deux yeux, ne se trompa pas comme elle sur la valeur de l’homme qu’elle aimait. […] Le monde est ainsi fait qu’à ses yeux un poète, par exemple, ne peut jamais être un homme d’État, — et Chateaubriand, en son temps, s’est assez plaint de cette sottise, — et qu’une femme raisonnable aussi, parce qu’elle est une femme raisonnable, ne peut pas avoir l’âme vive et tendre. […] Les orbes des yeux ont l’éclat et la largeur de deux astres… Le front, carré, qui est le front de la sagesse selon Lavater, a, chose singulière ! […] Vu de trois quarts, il tourne vers une fenêtre ouverte ces yeux lumineux qui ne sont pas désespérés encore, et il a l’air d’attendre quelque chose qui ne vient pas et qui pour lui n’est jamais venu… Ce qui vint seul, ce fut Madame Geoffrin. […] … M. de Mouy n’en convient pas et n’en conviendra jamais ; mais Fontenelle, qui à vue d’œil reconnaissait les femmes par lesquelles l’amour avait passé, Fontenelle, comme moi, l’aurait dit et en aurait juré.
quoique tous ces écrits portent à des degrés différents la marque de ce catholicisme qui finît par s’emparer complètement de Donoso Cortès, et le fît naître à force de le féconder, il saute aux yeux que les plus faibles catholiquement de ces écrits sont, au point de vue du talent seul, d’une faiblesse plus que relative… On voit clair comme le jour, à travers ces écrits, ce qu’aurait été toute sa vie Donoso Cortès, sans ce catholicisme maîtrisant et transfigurateur qui fut le ciel pour son talent. […] Oui, cette tache de la rhétorique se serait étendue sur toute la pensée, et la taie eût bientôt couvert l’œil. […] Son mérite le plus net, à nos yeux, le plus grand honneur de sa pensée, c’est d’avoir ajouté à une preuve infinie ; c’est, après tant de penseurs et d’apologistes, qui, depuis dix-huit cents ans, ont dévoilé tous les côtés de la vérité chrétienne, d’avoir montré, à son tour, dans cette vérité, des côtés que le monde ne voyait pas ; c’est, enfin, d’avoir, sur la Chute, sur le Mal, sur la Guerre, sur la Société domestique et politique, été nouveau après le comte de Maistre et le vicomte de Bonald, ces imposants derniers venus ! […] Donoso Cortès a bien parfois l’aperçu de Joseph de Maistre, mais cet aperçu n’arrive pas chez lui comme chez de Maistre, pareil à un trait de lumière qui part du fond de la pensée, au rayon visuel qui jaillit du centre de l’œil. […] Les événements lui donnent dans les yeux de leur impalpable cendre de chaque jour et font ciller ses mélancoliques paupières, qui n’ont pas l’immobilité de celles de l’aigle… Lorsqu’ailleurs, je crois, sur cette immense et noire tenture de mort dans laquelle il voit l’Europe enveloppée (et qui l’est… peut-être), il se mêle de découper de petites prophéties spéciales, il ne réussit pas.
Troncs d’arbres coupés par la foudre, troncs de statues mutilées par le temps, troncs de bonheurs interrompus par le train ordinaire de la vie, n’êtes-vous pas ce qui convient le mieux à nos yeux, chargés d’une éternelle tristesse ? […] On y sent l’erreur de l’esprit sous le talent qu’y déploie une imagination charmante et puissante à la fois, et cette erreur qu’on y sent, qu’on y entrevoit, qui s’y glisse partout et y respire, c’est la grande erreur de notre temps, cette erreur tranquille et souriante, aux yeux purs, au front pur, au cœur presque pur ; par-là d’autant plus dangereuse ! […] Vingt pages du livre ouvert sous nos yeux l’attristent, vingt pages que nous aurions voulu effacer. […] Dargaud, le peintre des premiers rayons et des premières nuées qui passent dans l’outremer du ciel de la vie, a des touches d’une suavité qui rappelle Greuze ; mais c’est Greuze avec un sentiment de plus : la tristesse chrétienne, qui jette à, tout cette ombre étrange et pénétrante, plus faite peut-être pour les yeux de l’homme que la lumière ! […] Auprès de ce chaste et mortel épisode du premier amour, raconté par Dargaud de manière à faire trouver une dernière larme aux yeux qui en ont le plus versé, nous aurions eu des scènes d’un autre caractère, moins troublantes peut-être, mais aussi touchantes, à coup sûr.
Il voit par leurs yeux. […] C’est la bataille de l’idée, franche et nette, les yeux dans les yeux. […] Il s’appelle le Voyage dans les Yeux. […] D’ordinaire ce sont les yeux qui voyagent. […] Je défie qu’on lise ce chapitre d’un œil sec.
À toute minute, les gants de laine noire de la mère ont des crispations nerveuses, et se portent machinalement à ses yeux rouges, qui ne peuvent plus pleurer, tandis qu’une larme, lente à couler, se sèche, de temps en temps, sur la cernée de l’œil levé au ciel, de la fille. […] Je lis aux rayons de la lune une affiche de cannibale, qui, parlant « des assassinats des bandits de Versailles », proclame une loi de représailles, annoncée dans cette ligne significative : « œil pour œil, dent pour dent ». […] Par le rideau entr’ouvert des voitures d’ambulance, je vois des têtes mortes ou vivantes de blessés, les yeux fixes. […] Beaucoup ont l’œil comme fou. […] C’est une fille brune, aux cheveux crêpés et bouffants, aux yeux d’acier, aux pommettes rougies de larmes séchées.
L’auteur avait voulu peindre les guerres et discordes des comtes et des prélats d’Alsace, ranimer les cadavres de l’histoire, mettre en actions les légendes ou chroniques qui se rattachaient aux débris des vieux châteaux : ils passeront devant les yeux du lecteur dans leur costume antique, disait-il de ses personnages, ils agiront suivant les mœurs de leur siècle ; en un mot, je copierai fidèlement la nature, même lorsque je suppléerai par la fiction aux faits que le temps a ensevelis dans les ténèbres de l’oubli. […] Et il insiste sur ce que ce n’est point là le spectacle et la décoration des montagnes centrales, de ces hauteurs désolées et de ces déserts, où l’œil ne rencontre plus rien qui le rassure ; où l’oreille ne saisit pas un son qui appartienne à la vie ; où la pensée ne trouve plus un objet de méditation qui ne l’accable ; où l’imagination s’épouvante à l’approche des idées d’immensité et d’éternité qui s’emparent d’elle ; où les souvenirs de la terre habitée expirent ; où un sombre sentiment fait craindre qu’elle-même ne soit rien… Ici l’on n’est pas hors du monde ; on le domine, on l’observe : la demeure des hommes est encore sous les yeux, leurs agitations sont encore dans la mémoire ; et le cœur fatigué, s’épanouissant à peine, frémit encore des restes de l’ébranlement. […] Les vaches marchaient après les brebis, non, comme dans les Alpes, la tête haute et l’œil menaçant, mais l’air inquiet et effarouchées de tous les objets nouveaux. […] Ce sujet auquel il m’a convié est trop neuf, il a trop besoin de démonstration et de preuve aux yeux du lecteur pour que je l’étrangle ainsi et que je ne lui accorde pasw, dans un dernier article, tout le degré de développement qui lui est dû. […] [1re éd.] aux yeux des lecteurs pour que je l’étrangle ainsi et que je ne lui accorde pas
mais Eugénie surtout l’a séduit, l’a enlevé, pauvre savant solitaire, comme ces nobles figures idéales, ces apparitions de vierges et de saintes qui se révélaient dans une vision manifeste à leurs fervents serviteurs ; il l’a aimée, il l’a adorée, il a poursuivi avec une passion obstinée et persévérante les moindres vestiges, les moindres reliques qu’elle avait laissées d’elle : il les a arrachées aux jaloux, aux indifférents, aux timides ; il a copié et recopié de sa main religieusement, comme si c’étaient d’antiques manuscrits, ces pages rapides, décousues, envolées au hasard, parfois illisibles, et qui n’étaient pas faites pour l’impression, il les a rendues nettes et claires pour tous : le jour l’a souvent surpris près de sa lampe, appliqué qu’il était à cette tâche de dévouement et de tendresse pour une personne qu’il n’a jamais vue ; et si l’on oublie aujourd’hui son nom, si quand on couronne publiquement sa sainte44, il n’est pas même remercié ni mentionné, il ne s’en étonne pas, il ne s’en plaint pas, car il est de ceux qui croient à l’invisible, et il sait que les meilleurs de cet âge de foi dont il a pénétré les grandeurs mystiques et les ravissements n’ont pas légué leur nom et ont enterré leur peine : heureux d’espérer habiter un jour dans la gloire immense et d’être un des innombrables yeux de cet aigle mystique dont Dante a parlé ! […] À peine j’eus ouvert les yeux et fait le signe de la croix du réveil que votre souvenir vint me trouver sur mon chevet et me dire que dans ce moment vous pensiez aussi à moi, et que, si nous ne pouvions pas nous voir, nos prières et nos vœux se rencontraient dans le chemin du Ciel. […] J’en aime fort la gracieuse coupe et ces petits nuages blancs çà et là comme des coussins de coton, suspendus pour le repos de l’œil dans cette immensité. […] Dans le discours que Victor Hugo me fit l’honneur de m’adresser, quand il me reçut il y a vingt ans à l’Académie dont il était alors directeur, il eut à parler de Port-Royal, des personnages célèbres qui s’y rattachaient, des solitaires, et il les montra « cherchant dans la création la glorification du Créateur, et l’œil fixé uniquement sur Dieu, méditant les livres sacrés et la nature éternelle, la Bible ouverte dans l’église et le soleil épanoui dans les cieux. » C’était magnifique, mais à côté ; la description ne se rapportait pas exactement même aux plus grands des Jansénistes, cœurs profonds, mais à l’œil étroit et qui n’osaient regarder en face, la nature ni le soleil. […] Que vous fussiez une sainte. » Elle choisit toujours de préférence pour confidente de ses chastes et ardents désirs cette Louise de Bayne qu’a aimée son frère, qui n’a plus seize ans, qui en a vingt déjà et plus, mais qui n’a pas changé et dont elle nous trace ce ravissant portrait en deux lignes : « C’est même air de jeunesse, même gaieté, même œil de feu.
« Pardonnez-moi toutes ces folies, — écrivait mélancoliquement à un de ses amis Lord Byron, à la veille de se marier, et qui pensait un peu sur le mariage comme l’évangéliste Beaumarchais ; — ce sont mes adieux de bouffon que je vous fais, les larmes aux yeux ! […] C’est un bouffon, les larmes aux yeux ! […] Les commissures de la bouche sont très relevées, les yeux profonds. […] Tout le double génie de Sterne est dans ce rire fixé aux lèvres et cette tristesse fixée aux yeux. […] C’est en France qu’il composa ce Sentimental Journey, que, pour mon compte, je mets bien au-dessus de Tristram Shandy, et dont l’observation est si fine et si voluptueusement délicate qu’elle échappe absolument aux gros yeux de congre cuit des sots.
Je ne signalerai pas les inégalités trop certaines et qui sautent aux yeux. […] Tao ferma les yeux pour ne les plus rouvrir ! […] Ses yeux étaient dévorés de larmes ardentes. […] La lumière de la vie éternelle brille à mes yeux ! […] Je crois que son grand mérite à vos yeux est de ne plus exister.
Tu has trop tost cogneu pour ton malheur De ses yeux bruns le charme enmicltaur ; Tu has trop tost en tes baisers de flame Laissé füir sur ses lèvres ton ame. […] Au tome précédent, tome VII, page 39, ligne 23, une correction est à faire ; c’est à l’endroit où j’ai dit : « … Wood, arraché un moment aux Lettres, occupait, à cette date, le poste de sous-secrétaire d’État dans le ministère dont le comte de Granville était le président. » Il faut lire : « … dans le ministère dont le comte de Granville faisait partie à titre de Président du Conseil. » Cette dernière dénomination, en effet, n’a point, en Angleterre, la même portée que chez nous ; et même en ayant sous les yeux le texte de l’ouvrage de Robert Wood sur Homère, où le fait est raconté, et en n’y mettant rien du mien, je m’y étais mépris ; j’avais trop accordé à celui dont il était dit « qu’il présidait les Conseils de Sa Majesté ». […] Grimblot, qui, dans ses missions et ses fonctions consulaires à l’étranger, ne perd jamais de vue la littérature, non content de rapporter du fond de l’Orient toute une bibliothèque sanskrite et sacrée dont il vient d’enrichir, d’armer la science et l’érudition françaises, veut bien lire nos simples essais d’un œil à la fois vigilant et amical, et il m’a souvent aidé par ses bons avis à les rendre moins imparfaits.
Est-ce à dire que Théophile Gautier, en nous montrant les tableaux, ne les différencie pas à nos yeux et ne nous avertisse pas du degré d’estime qu’il y attache ? […] Il n’a pas vu de ses yeux l’Égypte, mais il l’a si bien étudiée dans les monuments, dans les dessins, qu’il l’a imaginée comme elle était et comme elle devait être. […] Cet air de parfaite insensibilité (vous le savez mieux que moi) ne provient souvent que d’une pudeur extrême de la sensibilité la plus tendre, qui rougirait de se laisser soupçonner aux yeux du monde et des indifférents. […] Une sorte de fraternité s’établit à l’instant entre les hôtes ; les beaux yeux d’Isabelle, l’ingénue de la troupe (et véritablement honnête en effet), n’y nuisent pas. […] Sigognac, en se faisant comédien, déroge, il ne se dégrade pas : il s’honore plutôt aux yeux du lecteur comme aux siens.
Elle avait la figure non pas régulièrement belle, mais très agréable, de beaux cheveux blonds, les yeux bleus et bien ouverts. […] Elle relevait encore l’harmonie de sa voix par des gestes pleins de grâce et de vérité, par l’expression de ses yeux qui s’animaient avec le discours, et j’éprouvais chaque jour un charme nouveau à l’entendre, moins par ce qu’elle disait que par la magie de son dédit. […] Prosper Faugère (car je reçois à l’instant et j’ai sous les yeux les bonnes feuilles de son édition des Mémoires de Mme Roland qui va paraître) m’avertit que les souvenirs de M. Beugnot sont ici en défaut sur un point : Mme Roland n’était pas blonde, elle avait les cheveux et les yeux noirs, comme elle le dit elle-même ; mais, sauf cette légère inadvertance, l’impression charmante et morale qui ressortait de toute sa personne est vivement et fidèlement rendue par M. […] Deux choses l’enhardissent et lui délient la langue dans la prison, deux pensées l’absolvent à ses yeux : la considération du danger présent et de la mort, et la conscience qu’elle a de faire honneur bientôt à Roland en le suppléant de sa personne devant le tribunal inique et de lui payer ainsi en monnaie historique son indemnité de mari.
Pareillement nous ne croyons pas prendre dans la trappe celui que nous attrapons, ni attirer avec le leurre celui que nous leurrons ; les gens délurés, hagards, niais, ne représentent guère des faucons à notre imagination, et quand nous dessillons les yeux de quelqu’un, nous ne nous figurons point être un fauconnier qui découvre les paupières de l’animal enfin dompté. […] Quand les lettres de commerce font courir le mois et l’année, quand les règlements administratifs font courir les appointements des fonctionnaires, soyez sûres que les rédacteurs ne croient pas faire une figure, et que nulle forme légère et mobile ne passe devant leurs yeux : ils ne voient pas d’autres mots pour ce qu’ils veulent dire. […] Hugo eut vu de ses yeux de poète la terre, non échauffée par le soleil, mais se chauffant au soleil, elle lui parut naturellement frileuse plutôt que froide, et ce dernier mot précisant l’image, la poussa à s’assimiler encore les idées prochaines : Frileuse, elle se chauffe au soleil éternel, Rit, et fait cercle avec les planètes du ciel, Comme des sœurs autour de l’âtre. […] Virgile avait dit : « Des faux recourbées on forge de dures épées » ; et les mots propres, par leur force d’attraction, nous mettaient sous les yeux le paysan qui fauche et le soldat qui tue. […] TRISSOTIN Pour cette grande faim qu’à mes yeux on expose, Un plat seul de huit vers me semble peu de chose.
Ses malheurs même et la bataille de Pavie, où, à des fautes trop réelles, il mêla de la grandeur de caractère, durent ajouter à sa célébrité, en fixant sur lui les yeux de l’Europe, et devaient surtout intéresser un peuple qui pardonne tout pour le courage, et se rallie toujours au mot de l’honneur. […] Il entrevit ces principes étouffés tour à tour par l’ignorance et par l’orgueil, qu’il n’y a ni législation, ni politique sans lumières ; que ceux qui éclairent l’humanité, sont les bienfaiteurs des rois comme des peuples ; que l’autorité de ceux qui commandent n’est jamais plus forte que lorsqu’elle est unie à l’autorité de ceux qui pensent ; que le défaut de lumière, en obscurcissant tout, a quelquefois rendu tous les droits douteux, et même les plus sacrés, ceux des souverains ; qu’un peuple ignorant devient nécessairement ou un peuple vil et sans ressort, destiné à être la proie du premier qui daignera le vaincre ; ou un peuple inquiet et d’une activité féroce ; que des esclaves qui servent un bandeau sur les yeux, en sont bien plus terribles, si leur main vient à s’armer, et frappe au hasard ; qu’enfin, tous les princes qui avant lui avaient obtenu l’estime de leur siècle et les regards de la postérité, depuis Alexandre jusqu’à Charlemagne, depuis Auguste jusqu’à Tamerlan, né Tartare et fondateur d’une académie à Samarcande, tous dédaignant une gloire vile et distribuée par des esclaves ignorants, avaient voulu avoir pour témoins de leurs actions des hommes de génie, et relever partout la gloire du trône par celle des arts. […] On oublia que Marie Stuart, peu de temps après que son mari eût fait tuer son amant sous ses yeux, avait épousé l’assassin même de son mari ; et l’on ne vit que la plus belle femme de son siècle, fille, veuve, mère de roi, et reine elle-même, qui avait péri sous le fer d’un bourreau. […] Un moment après, son fils accourt, pâle, les yeux en pleurs, et palpitant d’effroi. […] Souvent l’esprit est rebuté, et les larmes viennent aux yeux : on serait tenté de rire, et l’on s’attendrit.
Nous ne faisons rien. » Et, accoudé à sa fenêtre, il aspirait, les yeux mi-clos, la bonne senteur des acacias fleuris. […] Au furtif regard qu’elle jeta de mon côté, deux larges yeux de pâle azur illuminèrent sa maigre figure. […] Et ces amants romanesques commettaient, pour les beaux yeux de leurs Dulcinées, les plus ridicules extravagances. […] De là ces élans de poésie sentimentale, qui dirigent vers le ciel les yeux bleus des misses. […] Les yeux des femmes, ces yeux noirs d’Orient, se voilaient de langueur, sous les longs cils des lourdes paupières et parfois brillaient d’éclairs soudains, encore avivés par ce teint mat que les Levantines savent se composer avec du blanc de céruse.
L’œil y saisit sans peine les formes des objets et en rapporte une image précise. […] Pour des yeux modernes, un État grec semble une miniature. […] D’une acropole on voit avec les yeux l’acropole ou les montagnes du voisin. […] Tournons maintenant nos yeux vers la vie pratique. […] Considérons ce qui se voit avec les yeux et ce qui frappe d’abord les regards lorsqu’on entre dans la ville, je veux dire le temple.
J’ai sous les yeux un charmant petit volume de lui, à la date de 1813, Élégies de Properce, traduites en vers français, et autres poésies inédites, d’une typographie délicieuse, avec vignettes et gravures. […] Il est un demi-dieu, charmant, léger, volage ; Il devance l’Aurore, et d’ombrage en ombrage Il fuit devant le char du jour ; Sur son dos éclatant où frémissent deux ailes, S’il portait un carquois et des flèches cruelles, Vos yeux le prendraient pour l’Amour. […] Zéphyre est son doux nom ; sa légère origine, Pure comme l’éther, trompa l’œil de Lucine, Et n’eut pour témoins que les airs : D’un souffle du Printemps, d’un soupir de l’Aurore, Dans son liquide azur le Ciel le vit éclore Comme un alcyon sur les mers. […] En voici le commencement : En vain mes yeux, levés vers la double colline, Cherchent le pin harmonieux Qui, beau de vingt printemps, croît, fleurit et domine Sur le vallon silencieux.
Le front ouvert, l’œil sublime du premier, annoncent la puissance absolue : ses cheveux d’hyacinthe, se partageant sur son front, pendent noblement en boucles des deux côtés, mais sans flotter au-dessous de ses larges épaules. […] Ils n’évitent ni l’œil de Dieu ni les regards des Anges, car ils n’ont point la pensée du mal. […] Mes yeux seraient encore attachés sur cette image, je m’y serais consumée d’un vain désir, si une voix dans le désert : « L’objet que tu vois, belle créature, est toi-même ; avec toi il fuit, et revient. […] Rien de plus pudique que leur pensée, rien de plus libre que leur expression : nous, au contraire, nous bouleversons les sens, en ménageant les yeux et les oreilles.
C’était quelque chose plutôt comme la flèche avec la fameuse inscription : À l’œil droit de Philippe ! Nous ne sommes pas Philippe, mais nous avons les deux yeux et nous allons nous en servir. II Et, d’ailleurs, y a-t-il ici un autre Philippe que les individualistes, auxquels Dupont-White répond uniquement dans son livre et qu’il n’éborgne pas ; car, pour éborgner quelqu’un, il faut de nécessité qu’il ait les deux yeux. […] Magistrature, armée, sacerdoce, triple force de l’ordre éternel, appuyées à la force triple de la famille représentée par ses chefs, voilà la force majeure des pays, et visiblement, pour qui sait ouvrir les yeux et regarder, les deux degrés électoraux que Dieu a rangés autour du pouvoir, et dont, en réalité, seul il dispose.
L’homme placé en naissant sur la terre, dut être frappé du grand spectacle que déployait à ses yeux la nature. […] Dans ces temps d’effroi, les hymnes durent être animées par l’imagination et respirer l’enthousiasme ; car l’homme aux prises avec la nature conçoit des idées plus grandes par la vue de sa faiblesse même ; alors tout s’exagère à ses yeux ; ses expressions s’élèvent avec ses idées, il peint tout avec force, il emprunte de toute la nature des images pour louer celui à qui la nature est soumise. […] Le pays où Homère chanta, où Orphée institua des mystères, où l’architecture éleva des temples dont nous allons encore admirer les ruines, où le ciseau de Phidias semblait faire descendre la divinité sur le marbre ; ce pays où l’air, la terre et les eaux avaient, aux yeux des habitants, quelque chose de divin, et où chaque loi de la nature était représentée par une divinité, dut produire un grand nombre d’hymnes en l’honneur des dieux qu’on adorait ; mais la plupart de ces hymnes furent défigurées par des fables et des contes de fées, faites pour les poètes et les peintres : elles amusaient le peuple et révoltaient les sages. […] C’est là que de toutes parts on rencontre les cieux ; là le spectacle du jour a quelque chose de plus imposant, et la nuit de plus terrible ; là, le retour constant des saisons est marqué par de plus grands effets ; l’œil, en découvrant autour de lui des espaces sans bornes, est plus frappé de l’étendue de l’univers, et de la main qui en a tracé le plan.
Les deux sexes se fondent dans les molles ondulations de ses formes : ses bustes font souvent hésiter l’œil de l’archéologue : discrimen obscurum. […] — Les ravisseurs sautent sur la plage, ils saisissent Bacchus qui se laisse prendre, et l’attachent avec des liens d’osier, sur un banc du navire noir, à la proue duquel deux grands yeux rouges flamboyaient. Mais voilà que ses chaînes de branches tombent d’elles-mêmes, et le captif souriait « de ses longs yeux bleus ». […] Pallas, du haut de l’Acropole, dut brandir sa lance, et tourner des yeux sévères vers ses indignes filles, larmoyant sur un Mignon asiatique, tandis que le destin de la patrie s’agitait. […] Ils s’accroupissent tristement à terre, leurs traits mobiles redeviennent sérieux et pensifs, une lueur de raison éclaire la vague folie de leurs yeux.
Quand j’ouvre les yeux et que je vois le dôme bleu du ciel, n’ai-je devant moi qu’une pluralité sans aucun lien, une poussière de sensations ? […] Cette organisation n’est pas due au pur esprit, mais à la conformation héréditaire de mon œil ou de mon cerveau, au concert de leurs parties. […] Telle est précisément cette qualité de carré qui se détache des autres dans la table, comme la qualité la plus simple et la plus indépendante des positions variables que mon œil peut occuper. […] Un point noir qui se meut sur une surface blanche trace une ligne et dissocie pour mes yeux certains éléments ; encore bien mieux mon doigt qui se meut sur une table. […] Deux bougies sont devant les yeux de l’enfant, son œil va de la première à la seconde, puis revient de la seconde à la première.
Adert, dans une thèse sur Théocrite, que j’ai sous les yeux, l’a ingénieusement conjecturé, et a fait valoir ces circonstances. […] … O belle aux yeux charmants, toute de pierre ! […] Hier encore, cet amour d’Antiochus pour Stratonice, qui rebutait si fort La Motte, a été mis en tableau, et représenté physiquement aux yeux par un grand peintre : M. […] Jurez que non, mes yeux ! […] Ô Quenouille, amie de la laine, don de Minerve aux yeux bleus, ton travail sied bien aux femmes qui vaquent aux soins de la maison.
Semblable à ces déesses des anciennes épopées qui apparaissaient aux mortels, elle enchante nos yeux, subjugue nos cœurs ; mais, si nous voulons la saisir, nous embrassons une nuée. […] Croyez-vous que nous eussions aussi bien vu cela, si le poète avait fait arriver sous nos yeux ce qu’il fait raconter ? […] Serait-ce qu’elle compare aujourd’hui leurs œuvres à cet idéal devenu clair à ses yeux, et la netteté de cette intuition est-elle cause que ses sentiments actuels sont justes ? […] Uranie leur dira-t-elle : Vous êtes des aveugles qui me priez de vous montrer le soleil ; allez-vous faire ouvrir les yeux, et vous n’aurez pas besoin que je vous le montre ? […] Mais c’est une étrange entreprise que celle d’ouvrir les yeux à des malades qui croient voir mieux que leur médecin.
Qu’y a-t-il en nous, lorsque par nos sensations nous prenons connaissance d’un corps extérieur, lorsque, par exemple, éprouvant à la main des sensations tactiles et musculaires de froid, de résistance considérable, de contact uniforme et doux, je juge qu’il y a du marbre sous ma main ; lorsque, promenant mes yeux d’une certaine façon et ayant par la rétine une sensation de brun rougeâtre, je juge qu’à trois pas de mes yeux est une table ronde d’acajou ? […] Par exemple, lorsque, les yeux fermés, nous touchons une boule avec l’index et l’annulaire croisés, nous croyons toucher deux boules ; voilà une des erreurs du toucher. […] C’est là, de l’aveu de tous, le procédé par lequel nous connaissons l’étendue, et c’est là à nos yeux l’étendue elle-même. […] Transportée par notre main, elle change de place à nos yeux, comme notre main elle-même. […] Bref, en des milliers d’expériences faciles à répéter, elle éveille en nous cette série spéciale de sensations visuelles et tactiles que notre main, nos pieds, nos membres en mouvement, éveillent dans nos yeux et dans notre épiderme.
Le contraste de ce capuchon de laine brune, de cette tête de l’ascétisme chrétien, à côté de ces cheveux semés de fleurs et de ce visage de beauté mourante après tant d’éclat, faisait monter le sourire aux lèvres ou les larmes aux yeux. […] C’était un visage qui ne charmait pas au premier regard, mais qui saisissait l’œil et qui forçait à y revenir. […] Il n’a pas eu besoin de dénaturer le costume moderne pour peindre des hommes et des femmes d’hier en habits antiques ; son œil groupe la toile, le drap, le cuir, comme il groupe les personnages ; en restant vrai il transfigure tout en beau : le vulgaire devient idéal sous sa touche. […] Une larme monte aux yeux quand on la regarde. […] Il aurait fallu des yeux plus clairvoyants que les miens pour y découvrir d’autres sentiments, car il y régnait une réserve d’expressions toute platonique… Peut-être, ajoute-t-il, est-ce là ce qui a fait durer l’illusion.
Les pantalons rouges de la garde montante passent dans les fanfares allant au Palais, pendant qu’un épais capucin, sa grosse corde autour des reins, cause familièrement accoudé au comptoir, avec la grasse femme du café, roulant des yeux diablement noirs. […] Le matin, à un moment, il fixa les yeux sur les miens, sans me voir sans doute, mais avec des yeux grands comme je n’en ai jamais vu… la pupille était comme ça.. […] L’expression de ses yeux était comme un grand étonnement… La main devint glacée… C’était fini… J’ai voulu user ma douleur… Je ne suis pas sorti d’ici… Je n’aurais jamais pu y rentrer. » Après un silence : — « Pour cet enfant… c’était une manie, une toquade… J’avais toujours peur… Quand je revenais, en descendant de gondole, mes yeux se portaient aux fenêtres de suite… Je craignais toujours voir un accident, un attroupement, je ne sais quoi… Oh ! […] Imaginez un homme court et replet, la tête à la fois socratique et porcine, de petits yeux ronds pétillants de flamme, les lèvres appétentes, un double menton. […] La combativité est, à ses yeux, la preuve de son existence.
On raconte que cette passion était si forte dans ce jeune homme qu’elle brisa avec violence tous les pièges tendus par sa famille pour le retenir, et qu’il poursuivit, un tison enflammé dans la main, une jeune fille d’une merveilleuse beauté que ses frères lui avaient fait apparaître dans sa chambre pour séduire ses yeux et son cœur. […] Je possédais dans ma pensée le fil conducteur à travers ces ébauches, et je comptais les relier à la fin les unes aux autres par cette unité des deux mêmes âmes, toujours égarées, toujours retrouvées, toujours suivies de l’œil et de l’intérêt, dans leur Divine Comédie, à travers la vie, la mort, jusqu’à l’éternelle vie ! […] Lorsque Dante parcourt les cercles du paradis, écoutant le bruit harmonieux des astres et cherchant des yeux au fond de l’espace la terre imperceptible ; lorsqu’il apprend de son bisaïeul, Caccia-Guida, sa mission périlleuse et son exil, on reconnaît le récit du Songe de Scipion. […] Il n’a pas mission, quoi qu’on ait dit, de créer, d’introduire des idées dans le monde ; il y trouve tout ce qu’il faut de lumière pour les yeux ; mais il les trouve flottantes, nuageuses, en tourbillon et en désordre. […] « Mes yeux se sont fatigués à force de s’élever au ciel.
Ce qui fait que mon monde ne dort, la nuit, que d’un œil, se relevant de temps en temps, pour aller tâter le mur, et sentir s’il se refroidit. […] D’épais sourcils, de ces arcades sourcilières profondes, comme il y en a dans les bustes antiques, avec au fond, des yeux d’un gris d’aigle : les beaux traits d’un prélat romain. […] Nous causons des yeux de Maupassant, qu’il dit avoir été de très bons yeux, mais semblables à deux chevaux, qu’on ne pourrait mener et conduire ensemble — et que le mal était derrière les yeux. […] » Et sur l’invitation, que les Daudet lui font d’amener, un jour, sa pauvre paralysée de femme à dîner, ses yeux se mouillent, comme de reconnaissance. […] Henriquel-Dupont fait revivre l’assassin Louvel, à l’homicide enfoncement des yeux.
Sous un lourd manteau de rocher, Voilà que chaque dame emprise Se sent à la terre attacher ; Leurs cris d’angoisse terrifient ; Leurs yeux éteints se pétrifient ; On ne voit plus que trois géants De rocs nus et blancs. […] Le sage, qui voit tout des yeux de la raison, Loin de lui les repousse, et, secouant la tête, Il se dit : à quoi bon ? […] si parfois une femme, Pensive, en les lisant, à la fuite du jour, Sent son œil qui se mouille et son cœur qui s’enflamme A tes récits d’amour ; Si, parmi les amis qu’a chéris ton enfance, Un seul peut-être, un seul qui t’aurait oublié, Y trouve avec bonheur quelque ressouvenance D’une ancienne amitié ; Ou, si d’enfants chéris une troupe rieuse Qu’amusent tes récits, que charment tes accents, En t’écoutant, devient meilleure et plus joyeuse, Et t’aime pour tes chants : Ce rêve est assez beau pour enivrer ton âme !
Elle avoit jusques-là mis sa gloire à contribuer à celle de Louise Labbé, à vanter ses ouvrages : mais, dès ce moment, elle ferma les yeux à toutes leurs beautés ; elle n’y vit que d’horribles défauts. […] Mais, un moment après, elle se venge sur l’Amour, lui arrache les yeux, & lui couvre la place d’un bandeau qui ne peut être ôté. […] Et guidera Folie l’aveugle Amour, & le conduira par tout où bon lui semblera ; &, sur la restitution de ses yeux, après en avoir parlé aux Parques, en sera ordonné. » Clémence de Bourges mêla dans toutes ses critiques beaucoup de personnalités.
Des yeux noirs y brûlent fous d’inquiétude. […] Ses yeux bruns luisent dans son fin visage d’une pâleur ambrée. […] Je ne vois pas au-delà de mes yeux, pas au-delà, ma foi non ! […] Les yeux bruns et le front sont magnifiques. […] Et cela est vrai de l’œil comme de l’effort musculaire.
Une fois la loi démêlée, le premier caractère se trouve l’indice du second ; il me suffira désormais de constater la présence du premier ; sans examen et les yeux fermés, je pourrai en plus affirmer la présence du second. […] Le composé mental que nous fabriquons ainsi d’après une suggestion de nos yeux ne renferme-t-il pas quelque contradiction interne ? […] Voilà la réminiscence sourde qui s’ajoute à la suggestion des yeux et devance les vérifications de l’équerre, pour rendre inutile l’emploi de l’équerre et pour autoriser, par une évidence plus forte, le témoignage insuffisant des yeux. […] Non seulement l’expérience faite avec les yeux ou avec l’imagination n’est qu’un indice, mais de plus cet indice, en certains cas, peut manquer ; tout à l’heure, ni avec l’œil externe, ni avec l’œil interne, je ne pouvais suivre le prolongement des deux parallèles au-delà d’une certaine distance ; pareillement, on peut citer telle figure, le myriagone régulier, que je n’ai jamais vue tracée, que par l’imagination je ne puis tracer, et sur laquelle pourtant je puis porter avec clarté des jugements certains. […] Car les témoignages de l’œil et de l’imagination devancent et confirment les conclusions de l’analyse ; nous sommes conduits à l’axiome par une suggestion préalable, et nous y sommes maintenus par une vérification ultérieure.
» Mais il se débat dans sa douleur jusqu’à ce qu’une larme tombe des yeux de Jésus. […] Mon office est de vous les mettre en parallèle sous les yeux. […] Il avait les yeux hagards, hâves, largement ouverts ! […] … Quels yeux étranges ! […] … et mes yeux pénétreront tes sentiments, à toi qui, dit-on, sont dans les cieux.
Je l’ai sous les yeux, ce plan de Pont-Arcy, je dis que le jour où M. […] Mais l’œil était vif, sûr, intelligent ; un œil de connaisseur. […] Tant de pensée sérieuse et songeuse flotte dans leurs beaux yeux ! […] Où sont les yeux qui lisaient alors, chez M. […] … Je m’en aperçus dès le jour où mes yeux s’ouvrirent.
M. de La Prise, sans rien dire à sa fille, l’a relevée, et l’a assise sur le tabouret devant lui, de manière qu’elle tournait le dos à la table : il tenait une de ses mains ; de l’autre elle essuyait ses yeux. […] Au contraire, on ne sait pas bien ; l’œil est encore humide, on a tourné la dernière page, et l’on rêve. […] Beautés frappantes et aimables de la nature, tous les jours mes yeux vous admirent, tous les jours vous vous faites sentir à mon cœur ! […] — Quand la passion aveugle, égare, dit Théobald en baissant les yeux, qu’est-ce que l’on est ? […] (Au moment de cette réimpression, j’ai sous les yeux les lettres de Benjamin Constant à Mme de Charrière (1787-1795), que M.
Sous les yeux mêmes du roi, son fils Hémon, fidèle amant d’Antigone, se perce de son épée, et quelques instants après on lui annonce qu’Eurydice sa femme a suivi Hémon aux enfers. […] Ferme dans sa foi religieuse complote, il maintient la neutralité la plus absolue, et rendant à tous les Dieux un honneur égal, il éprouve pour l’action qui se passe sous ses yeux une sorte d’horreur. […] Le meurtrier est un « coupe-bourse de l’empire et des lois » pour lequel il a le plus profond mépris, et que la couronne ne rend pas sacré à ses yeux. […] Il faut que leur propre personnage soit aussi frivole, aussi nul aussi sot à leurs yeux qu’à ceux du public. […] C’est ainsi qu’Horace nous trace un portrait vivant des mœurs de son temps, et de toutes les sottises qu’il avait sous les yeux.
Or, il est un cas où on peut les lui ôter : c’est lorsqu’on a émoussé la sensibilité de l’œil pour les deux autres. […] En effet, il suffit, pour expliquer ces abolitions isolées, qu’il y ait trois sortes de nerfs ; cette solution parle aux yeux ; on est tenté de l’adopter. […] Mathias Duval, Structure et usages de la rétine, p. 16, cas d’une femme qui voit différemment des deux yeux. L’œil gauche est sain, l’œil droit n’a pas la sensation du vert. Cet œil ne distingue pas le violet du bleu, mais les voit tous deux comme une couleur « lilas, avec une pointe rose ».
Les avaricieux en avaient une sorte de certitude en voyant les yeux du bonhomme, auxquels le métal jaune semblait avoir communiqué ses teintes. […] dit Nanon, laquelle, en sa qualité de premier ministre de Grandet, prenait parfois une importance énorme aux yeux d’Eugénie et de sa mère. […] Tu devrais me baiser sur les yeux pour te dire ainsi des secrets et des mystères de vie et de mort pour les écus. […] elle ouvre les yeux. […] Le chagrin est entré chez moi avec la mort de mon frère, pour lequel je dépense, à Paris, des sommes… les yeux de la tête, enfin !
Je me souviens toujours du saint vertige qui me saisit la première fois que des fragments de cette poésie sanscrite tombèrent sous mes yeux. […] Il me regardait, la tête couchée sur l’herbe, avec des yeux où nageaient des larmes. […] Et cependant je t’accuse, mais je te pardonne ; il n’y a pas de colère dans mes yeux, tant ma nature est douce, même contre mon assassin. […] “Achève-moi”, semblait-il me dire encore par la plainte de ses yeux et par les inutiles frémissements de ses membres. […] Il est tout mains et tout pieds, il est tout visage, toute tête, tout œil, tout oreille.
Absurdité ou blasphème, qui ferait tomber les écailles des yeux et les étoiles du firmament ! […] Quant à moi, j’y crois mille fois plus fermement qu’à ce monde visible ; car je crois à l’œil de l’intelligence mille fois plus qu’à l’œil de chair ! […] L’évidence, c’est l’œil de Dieu en nous. […] dans le globe plus ou moins enfoncé des yeux ? […] une voix qu’on écoute en silence, à laquelle nul ne répond que par une inclination de front ou par des larmes dans les yeux, applaudissements muets de l’âme !
Ce stoïcisme ostentatoire de l’implacabilité tue, à mes yeux, la femme dans ce tribun des femmes. […] Elle ferma un moment les yeux et parut se recueillir dans son humiliation ; puis l’orgueil de son infortune brilla sur son front comme un autre diadème. […] L’élévation du front, le bleu de l’œil, l’ovale du visage, l’épaisseur majestueuse mais un peu lourde du menton, rappelaient en lui le Bourbon et faisaient souvenir du trône. […] Ses yeux, quoique proéminents et pleins d’insolence, paraissaient souffrir de l’éblouissement du grand jour. […] Je dis la France, parce qu’une nation de trente millions d’hommes qui laisse accomplir sous ses yeux, immobile, un pareil acte, en est complice.
Au milieu de l’armée détruite, qu’on vient d’étaler sous ses yeux, sa pensée ne cherche qu’un homme. […] Enfin l’œil de la Nuit noire se fermant, nous abrita sous son ombre. […] Il exhibe et il secoue, en quelque sorte, sous les yeux d’Athènes, le despote déchiré par la main du sort. […] » — « Oui, les hauts cris. » — « Baigne tes yeux de larmes ! » — « Mes yeux ruissellent. » — « Lamentez-vous en marchant lentement !
Tout passe sous nos yeux tour à tour et dans une célérité mouvante ; tout parle, tout vit, tout tranche nettement ; les descriptions abondent ; les portraits tirés à bout portant sont publiés, l’année d’après, sans ménagement, sans cérémonie ni prenez-y-garde : M. […] Il le sentait tout le premier, lorsqu’il écrivait à son ami M. de Beaumont (8 octobre 1839) : « Je ne puis vous dire quel désir j’éprouve devoir ce manuscrit terminé, afin qu’il vous passe sous les yeux. […] Tocqueville appartenait sans doute à la Providence, mais il y appartenait dans le même sens que tout le monde y appartient, et, quelque exception que méritât son talent, ces signes providentiels auxquels on en appelait sont une exagération qui saute d’elle-même aux yeux. […] Vos paroles n’eussent plus été bien comprises, et la prolongation indéfinie du silence avait des inconvénients graves à mes yeux. […] Vous me parez moi-même, mais avec tant de bonne grâce que, sans accepter toutes vos paroles, je n’ai cependant point à baisser les yeux.
Deux yeux café, voilà tous ses papiers. […] Nous ne lui demandons qu’un simulacre et qu’elle sache bien que si nous nous réfugions dans les yeux vivants, c’est toujours pour nous réfugier hors du monde. […] En voici l’argument : Jean de Tinan a rencontré dans le monde deux yeux magnétiques. […] Tes yeux que le péché de l’univers scella Me brûlent de leurs pleurs de sang… Ah ! […] Elle tient sous ses yeux tous les vices hurlants.
Ils ont entrevu, entendons bien, un monde nouveau et un homme nouveau, ou plutôt, ils ont considéré le monde et l’homme anciens avec des yeux nouveaux. […] Écartant d’une main les ombres d’un passé néfaste, Michelet découvre à nos yeux la forme vivante et frémissante de l’humanité que nous sommes, faisant jaillir de sa libre fécondité sa vie physique et spirituelle, nourrie elle-même de ses divines énergies qui la font renaître, enfin consciente de ses éternelles richesses. […] En définitive le tout est beauté ; il ne manque que des yeux pour la voir. […] Je viens des entrailles de la terre qui, par tous ses jaillissements printaniers, ouvre des yeux avides vers le ciel, — vers ce ciel que j’augmenterai, que j’enrichirai de toute ma croissance, quand mon instinct sublimé y versera le triomphe de ses effluves42 ». […] Celui qui considère à priori tous les hommes nés en dehors des frontières de son pays, comme des ennemis ou des « étrangers », qui ne les voit pas d’un œil simplement humain, se renie lui-même et redescend aux degrés de l’animalité.
Hugo, a dit avec bonheur : Il est aussi, Victor, une race bénie Qui cherche dans le monde un mot mystérieux, Un secret que du ciel arrache le génie, Mais qu’aux yeux d’une amante ont demandé mes yeux. […] Ou encore, un souvenir obstiné lui crie : Quand il pâlit un soir, et que sa voix tremblante S’éteignit tout à coup dans un mot commencé ; Quand ses yeux, soulevant leur paupière brûlante, Me blessèrent d’un mal dont je le crus blessé ; Quand ses traits plus touchants, éclairés d’une flamme Qui ne s’éteint jamais, S’imprimèrent vivants dans le fond de mon âme, Il n aimait pas, j’aimais ! […] Ainsi dans le Berceau d’Hélène : Mais au fond du tableau, cherchant des yeux sa proie, J’ai vu… je vois encor s’avancer le Malheur : Il errait comme une ombre, il attristait ma joie Sous les traits d’un vieil oiseleur. […] Les métaphores elles-mêmes, les images prolongées qui ne sont en jeu que pour traduire une pensée ou une émotion, n’ont pas toujours besoin d’une rigueur, d’une analogie continue, qui, en les rendant plus irréprochables aux yeux, les roidit, les matérialise trop, les dépayse de l’esprit où elles sont nées et auquel, en définitive, elles s’adressent ; l’esprit souvent se complaît mieux à les entendre à demi-mot, à les combler dans leurs négligences ; il y met du sien, il les achève. […] Elleviou, Martin, en l’entendant des coulisses, avaient des pleurs dans les yeux.
De là, tout en me séchant, je me mis à regarder le tableau que j’avais sous les yeux. […] Dans une lettre du 2 mai 1829, que nous avons sous les yeux, Charles Brugnot lui en faisait reproche d’une manière touchante, en le rappelant aux champêtres images du pays et en le provoquant à plus de confiance et d’abandon : « Vous avez beau faire, mon cher Bertrand, je ne puis m’accoutumer à vous laisser là-bas dans votre imprenable solitude. […] Levant ensuite les yeux, la bonne vieille vit comme la bise tourmentait les arbres et dissipait les traces des corneilles qui sautaient sur la neige autour de la grange. […] je n’ai plus de soleil, depuis que se sont fermés les yeux si charmants qui réchauffaient mon génie ! […] Je n’en yeux pour témoin que ce chapelet de menus couplets défilés grain à grain en l’honneur de la défunte cité chevaleresque : DIJON.
La mère intervient tremblante, éperdue ; elle supplie son fils de fermer les yeux, d’ignorer l’outrage, et le jeune homme remet au fourreau sa fierté rouillée. […] Son visage blasé est un masque derrière lequel brillent des yeux candides. […] Pas n’est besoin d’être grand clerc pour calculer de l’œil l’écart qui existe entre la fortune de la maison et son mobilier. […] Dans sa visite du premier acte, il raconte un vaudeville joué la veille sous ses yeux. […] Mais la jeune femme pousse le cri de la pudeur morale révoltée ; elle ne veut voir se consommer, sous ses yeux, cette accolade sacrilège.
Jasmin, né à Agen vers la fin du dernier siècle, est un homme qui doit avoir environ cinquante et un ans, mais plein de feu, de sève et de jeunesse ; à l’œil noir, aux cheveux qui, il y a peu de temps, l’étaient encore, au teint bruni, à la lèvre ardente, à la physionomie franche, ouverte, expressive. […] La poésie de Jasmin est tout émaillée de ces vers charmants qui font luire aux yeux les objets, qui font briller sur la vitre le soleil du matin, et étinceler la maisonnette à travers le bouquet de noisetiers : mais ici cet éclat de description se confond avec le pur sentiment. […] Et la nouvelle de sa touchante action faisant bruit déjà dans les prairies, tout le pays s’était pris d’amour pour elle : « C’étaient, la nuit, de longues sérénades, des guirlandes de fleurs à sa porte attachées, et le jour, des présents choisis que les filles enfin à sa cause entraînées venaient lui présenter avec des yeux tout amis. » Annette surtout était en tête de cette bonne jeunesse. […] Marthe a les yeux sur eux, triste comme une morte ; et même le prêtre, et même l’escorte, tout frémit, tout est muet ; eux deux s’avancent davantage… Les voici à vingt pas, souriants, hors d’haleine. […] Les tournées de Jasmin sont assez marquées, on peut le croire, d’incidents gais, fous, enthousiastes, d’incidents tout gascons : ceux-là sautent aux yeux d’eux-mêmes ; j’ai mieux aimé m’arrêter sur les autres.
En vérité, faut-il donc démontrer que rien de ce qui sort de l’homme n’est frivole aux yeux du philosophe ? […] Le rire et la douleur s’expriment par les organes où résident le commandement et la science du bien ou du mal : les yeux et la bouche. […] Au point de vue de mon philosophe chrétien, le rire de ses lèvres est signe d’une aussi grande misère que les larmes de ses yeux. L’Être qui voulut multiplier son image n’a point mis dans la bouche de l’homme les dents du lion, mais l’homme mord avec le rire ; ni dans ses yeux toute la ruse fascinatrice du serpent, mais il séduit avec les larmes. […] Virginie arrive à Paris encore toute trempée des brumes de la mer et dorée par le soleil des tropiques, les yeux pleins des grandes images primitives des vagues, des montagnes et des forêts.
Chaque étoile a versé dans mes yeux quelque chose de sa lumière et de sa vertu. […] C’est au sortir du plus célèbre, mais non pas du plus étonnant des poëmes du Dante, que cette lumière apparaîtra le plus souvent à nos yeux. […] Toutes les merveilles semées sur la route du poëte, dans son voyage surnaturel, s’effacent devant l’ascension de son âme, qui, regardant les yeux de Béatrix attirée elle-même par l’astre du jour, monte sous cette invincible puissance, et vérifie la parole de l’Écriture : L’amour est plus fort que la mort. […] « Ayant un peu détourné les yeux pour consulter mon guide, je la revis plus éclatante et plus grande. […] « Après qu’il se fut davantage approché de nous, l’oiseau divin parut plus brillant ; et l’œil, n’en pouvant soutenir l’éclat, s’abaissait ébloui.
Il s’élève de toutes parts une sorte de biographie universelle en marbre et en bronze, et qui parle aux yeux. […] La grâce avec l’indulgence y respire ; la bouche exprime la bonté ; l’œil large et spirituel, le coin souriant des lèvres, la rondeur et la mollesse des tempes, composent une physionomie ouverte et sensible, où la joie laisse percer peut-être un dernier fonds de tristesse. […] J’ai sous les yeux un certain nombre de discours qui ont été successivement prononcés. […] Cependant, j’ai sous les yeux une note écrite de la main d’une petite-nièce de l’abbé Prévost, Mlle Rosine Prévost, et dictée à elle par son père, lequel avait dix-huit ans au moment de la mort de l’abbé ; et il dut certainement être informé avec précision de toutes les circonstances par son frère, qui était alors auprès de leur oncle commun. […] C’est ce que l’acte ne dit pas, et ce qu’on ne peut exiger d’une pièce rédigée sous les yeux des intéressés mêmes.
Jouffroy, dans un récit moral célèbre, a fait parler le philosophe durant cette veille pleine d’angoisses, dans cette première nuit de doute et de trouble, où le voile du sanctuaire se déchire tout d’un coup devant ses yeux et où il cesse d’être un croyant. […] Après quelques instants de contemplation, il tourne par hasard les yeux vers le ciel, et à cet aspect qui lui est si familier et qui pour l’ordinaire le frappait si peu, il reste saisi d’admiration, il croit voir pour la première fois cette voûte immense et sa superbe parure… Ici toute une description encore : spectacle des cieux, le couchant enflammé, la lune qui se lève à l’orient, les astres innombrables qui roulent en silence sur nos têtes, l’étoile polaire qui semble le pivot fixe de toute la révolution céleste ! […] Cette grâce fut le prix de son sincère amour pour la vérité et de la bonne foi avec laquelle, sans songer à se parer de ses vaines recherches, il consentait à perdre la peine qu’il avait prise et à convenir de son ignorance plutôt que de consacrer ses erreurs aux yeux des autres sous le beau nom de philosophie. […] Écoutez-le, l’éloge dans sa bouche a tout son prix : Consumé d’un mal incurable qui m’entraîne à pas lents au tombeau, je tourne souvent un œil d’intérêt vers la carrière que je quitte ; et, sans gémir de la terminer, je la recommencerais volontiers. […] Cela saute aux yeux ; mais de telles fautes ne sont pas faites pour rassurer sur l’ensemble d’un texte.
L’historien reconnaît, en effet, ses bonnes intentions, sa tendre pitié pour le peuple et toutes ses vertus chrétiennes, mais il marque en même temps les étroitesses et les limites d’esprit de ce vénérable enfant, et il trouve, pour peindre le contraste de cette manière d’être individuelle avec les vertus publiques et les lumières étendues si nécessaires à un souverain, des expressions qui se fixent dans la mémoire et des couleurs qui demeurent dans les yeux. […] Voici un portrait que son précepteur a fait de lui, et qu’il lui a mis sous les yeux pour lui faire honte de ses défauts. Ce portrait ou Caractère dans le goût de La Bruyère, qui aurait pu sembler à quelques égards un jeu d’esprit et un exercice de littérature, aura désormais à nos yeux tout son sens et sa signification, éclairé qu’il est par la peinture flamboyante de Saint-Simon, qui y jette comme de sanglants reflets. […] Il s’imagine souvent que tous ceux qui lui parlent sont emportés, et que c’est lui qui se modère ; comme un homme qui a la jaunisse croit que tous ceux qu’il voit sont jaunes, quoique le jaune ne soit que dans ses yeux… » Je ne puis tout citer ; la fin encore est à lire, et ceci ne peut s’omettre : « Mais attendez un moment, voici une autre scène. […] Il est bon que celui qui est appelé à gouverner les hommes ait commencé par chérir et adopter un grand poète, par l’avoir constamment devant les yeux.
Sans entrer ici (ce qui me conviendrait moins qu’à personne) dans aucune des questions controversées entre les savants et les théologiens des diverses communions et en me gardant pour vingt raisons excellentes d’aller m’y heurter, il est bien clair à mes yeux, comme aux yeux de tout le monde, que puisqu’il y a quatre Évangiles canoniques et non pas un seul, il y a des différences, au moins apparentes, entre ces Évangiles également reçus, et il a été de tout temps réputé utile de s’en rendre compte pour se former une idée plus exacte, plus suivie et mieux ordonnée, de la vie et de la prédication de Jésus. […] Un homme estimable et savant, qui a récemment travaillé sur les Évangiles, et qui n’a porté dans cet examen, quoi qu’on en ait dit, aucune idée maligne de négation, aucune arrière-pensée de destruction, qui les a étudiés de bonne foi, d’une manière que je n’ai pas qualité pour juger, mais certainement avec « une science amoureuse de la vérité », a qualifié heureusement en ces termes la mission et le caractère de Jésus, de la personne unique en qui s’est accomplie la conciliation la plus harmonieuse de l’humanité avec Dieu : « Celui qui a dit : Soyez parfaits comme Dieu, et qui l’a dit non pas comme le résultat abstrait d’une recherche métaphysique, mais comme l’expression pure et simple de son état intérieur, comme la leçon que donnent le soleil et la pluie : celui qui a parlé de la sainteté supérieure qu’il exigeait des siens comme d’un “fardeau doux et léger” ; celui qui, révélant à nos yeux une pureté sans tache, a dit que “par elle on voyait Dieu…”, celui qui, enfin, renonçant à la perspective du trône du monde, a senti qu’il y avait plus de bonheur à souffrir en faisant la volonté de Dieu qu’à jouir en s’en séparant… celui-là, c’est Jésus de Nazareth. » Lui seul, et pas un autre au monde42 ! — Et en effet, pour quiconque, même sans trop de science, le considère et le contemple en lui-même et dans ce qui sort immédiatement et directement de lui, le Christ est et demeure celui en qui et à l’occasion duquel s’est offerte aux yeux des hommes la manifestation la plus parfaite du sentiment, divin uni à la pitié et à la componction humaine. […] Sa barbe est épaisse et d’une couleur qui répond à celle de ses cheveux ; elle descend un pouce au-dessous du menton et, se divisant par le milieu, fait à peu près la figure d’une fourche : ses yeux sont brillants, clairs et sereins. […] À qui regarde successivement ces quatre portraits d’Évangélistes, il n’y paraît pas à l’œil de si grandes différences.
Plus il était lointain, plus il nous frappait d’éblouissement ; les vapeurs mêmes dont il nous apparaissait enveloppé l’exagéraient à nos yeux, comme la lune plus large quand elle se lève à l’horizon. […] « Une goutte d’encre tombant chaque matin comme la rosée sur une pensée est féconde. » A force d’écrire et de parler pour la Grèce, — la Grèce elle-même continuant de s’acharner à la délivrance et de combattre, — il s’était créé pour tous une Grèce —, elle se détachait aux yeux sur la carte de l’Europe en traces de sang ; on la voyait en idée, et mieux qu’en idée : on la voulait ; plus ou moins, elle devait désormais se réaliser. […] Il n’eût pas mieux fait, a remarqué un grand juge en cette dernière matière, s’il avait eu sous les yeux le journal d’Agamemnon. […] Homère a voyagé, a observé de ses yeux tout ce qu’il a décrit, l’a exprimé au naturel, et a rendu toute chose avec une telle vérité, qu’il semble avoir tout vu et presque avoir tout été lui-même. […] Ce qu’on rapporte de l’ancien philosophe Cléanthe, homme de peine la nuit pour être homme d’étude le jour, n’a plus rien que de naturel, et on en a le commentaire vivant sous les yeux.