Voilà que je fais moi-même des phrases d’oraison funèbre. […] Ainsi, dans Sheridan, l’hypocrite anglais, Joseph surface, se surprend à faire de grandes phrases devant son ami Shake, A force de prêcher, on finit par ne plus pouvoir parler qu’en sermons. […] Il y a toute une littérature de village, composée de dictons, de bons mots, de petites phrases originales et précises, que la tradition conserve comme elle transmettait, au temps d’Homère, les magnifiques surnoms des dieux.
D’autres traits sont encore plus gais : voici venir la vraie littérature gauloise, les fabliaux salés, les mauvais tours joués au voisin, non pas enveloppés dans la phrase cicéronienne de Boccace, mais contés lestement et par un homme en belle humeur200. […] Ici, pour la première fois, paraît la supériorité de l’esprit, qui, au moment de la conception, tout d’un coup s’arrête, s’élève au-dessus de lui-même, se juge et se dit : « Cette phrase dit la même chose que la précédente, ôtons-la ; ces deux idées ne se suivent pas, lions-les ; cette description languit, repensons-la. » Quand on peut se parler ainsi, on a l’idée non pas scolastique et apprise, mais personnelle et pratique, de l’esprit humain, de ses démarches et de ses besoins, comme aussi des choses, de leur structure et de leurs attaches ; on a un style, entendez par là qu’on est capable de faire entendre et voir toute chose à tout esprit humain. […] Au fond de toute cette moisissure et dans ce dégoût dont ils se sont pris pour eux-mêmes, paraît le farceur, le Triboulet de taverne, le faiseur de petits vers gouailleurs et macaroniques, Skelton234, virulent pamphlétaire, qui, mêlant les phrases françaises, anglaises, latines, les termes d’argot, le style à la mode, les mots inventés, entre-choquant de courtes rimes, fabrique une sorte de boue littéraire dont il éclabousse Wolsey et les évêques.
* * * — Pouchet, chez Flaubert, raconte qu’on lui a supprimé dans L’Opinion nationale, une phrase qui relatait la belle conformation du cerveau de M. de Morny. […] 14 mars Aujourd’hui, j’entends pour la première fois, Girardin sortir de ses petites phrases axiomatiques, de ses monosyllabes ironiques, de son mutisme ordinaire. […] Elle entre aujourd’hui chez Flaubert, sur cette phrase : « Tu sais ma matrice, cet amour de médecin l’a examinée… eh bien, elle est comme ça, ma matrice !
— Quand je lirais cent fois, cela ne changera rien à la phrase : Cinna, tragédie en cinq actes et en vers, de Racine. […] « Je défie le physicien le plus habile de trouver à cette phrase un sens raisonnable, à moins que la neige, soustraite aux lois de la gravitation, ne parle du centre de la terre pour arriver à sa surface ; encore resterait-il à deviner comment la chute de la neige est à l’avalanche, ce que les fautes d’une génération sont aux malheurs de la génération suivante. […] Je ne parle plus du style : à part quelques passages, où le cœur rencontre par hasard, et comme de lui-même, la belle et pure langue d’autrefois, tout le reste est prétentieux ou hérissé d’incorrections ; on sent à chaque phrase un anneau qui manque à la chaîne des idées.
Quant à Paul de Saint-Victor, ça n’a été qu’un bruit, un bruit cacophonique et discordant de mots, dans une mascarade de phrases. […] *** Je me rappelais ces paroles en lisant, l’autre jour, dans un journal la phrase que voici : « La politique est un art d’expérience et d’observation, appliqué à créer, pour les hommes, la plus grande source de bonheur possible ». […] Alors que, pour décrire cet objet dans sa forme, sa coloration, son mouvement, son harmonie avec les objets voisins, les autres poètes sont obligés de le dissocier en phrases nombreuses, de l’éparpiller en des expressions où il finit toujours par perdre son vrai caractère, avec son homogénéité, M. […] Longuement, en phrases prolixes et cent fois redites, il me cita des traits admirables de l’existence campagnarde de M. […] Je cherche vainement dans toute son œuvre une seule phrase qui me le montre atteint de ce travers, de ce ridicule, où sombrèrent quelques talents notoires, qui promettaient mieux que de s’émerveiller aux livrées des valets de pied et aux bottines des clubmen.
Mais mon chapeau était toujours envolé, et, à force de répéter sa phrase, tante Lili se trompait, elle disait : — Ne vas pas au chapeau sans soleil ! […] Mais les jours de grande effronterie, nous entrions résolument dans les cours, dans les enclos, et la phrase qu’il fallait dire, à ceux que l’on rencontrait, était : « Nous désirons savoir si l’on est sage chez vous. […] Rien ne me fit pressentir ce qui allait m’arriver, rien, si ce n’est un peu de tristesse autour de moi, quelques phrases énigmatiques et menaçantes des tantes, et une indulgence complète. […] Les tantes ne parlaient que par lambeaux de phrases, par sous-entendus énigmatiques, et leurs narrations manquaient d’ordre. […] Je l’écoutais, en le regardant de tous mes yeux ; ces phrases tonnantes, ces mots excessifs, me faisaient croire, d’abord, qu’il était fâché ; puis, voyant qu’il souriait, je riais aussi, tant c’était amusant.
J’avais, il est vrai, lu souvent dans l’inimitable Correspondance de Voltaire, quelques phrases très-succinctes et presque très-dédaigneuses sur ce prétendu Esprit des Lois, qu’il appelait avec raison, comme son amie madame du Deffant : De l’esprit sur les lois. […] « Je demande une grâce que je crains qu’on ne m’accorde pas : c’est de ne pas juger par la lecture d’un moment d’un travail de vingt années, d’approuver ou de condamner le livre entier, et non pas quelques phrases.
Des orateurs sacrés du temps de la Restauration nous ont laissé des oraisons funèbres imitées de celles de Bossuet et presque entièrement composées des phrases de ce grand homme. […] ces phrases, qui sont belles dans l’œuvre du XVIIe siècle, parce que là elles sont sincères, sont ici insignifiantes, parce qu’elles sont fausses et qu’elles n’expriment pas les sentiments du XIXe siècle.
Écoutez le cordonnier : sa belle humeur se voile de mélancolie ; il feint de rire et il y a dans ses phrases une onction de paternelle tendresse. […] C’est pourquoi Wagner a précisé dans sa partition, des formes scolastiques prêtes à disparaître et glissé, entre les libres mélodies des amoureux, des phrases de choral et le cantique du rossignol de wittemberg.
L’auteur s’étoit permis des fictions indécentes ; & il étoit plus propre à faire des phrases empoulées sur les nouvelles du jour, qu’à tracer, d’une maniere digne du sujet, des événemens inéfables, dont toute la parure est une belle simplicité. […] Des phrases plus courtes, des périodes mieux coupées feroient mieux sentir l’air de facilité qu’ont presque toutes ses poésies.
La difficulté était bien plutôt alors d’expliquer comment il nous arrive de rire d’autre chose que d’un caractère, et par quels subtils phénomènes d’imprégnation, de combinaison ou de mélange le comique peut s’insinuer dans un simple mouvement, dans une situation impersonnelle, dans une phrase indépendante. […] Ne faudrait-il pas rapprocher ainsi du rêve certaines scènes très comiques où un personnage répète systématiquement à contre-sens les phrases qu’un autre lui souffle à l’oreille ?
Cette phrase est un ajout de la 3e éd.
Je vous recevrai demain, me dit-elle, mais je vous conjure… — Beaucoup de personnes nous suivaient ; elle ne put achever sa phrase ; je pressai sa main de mon bras ; nous nous mîmes à table.
« Monsieur, me disait un jour le bon Ballanche, le lendemain de l’une des dernières brochures de M. de Chateaubriand, ne pensez-vous pas que le règne de la phrase est près de finir ?
Toutes les phrases du monde nous en diraient moins là-dessus que le bulletin de chaque jour et le va-et-vient des principaux personnages.
La critique de Socrate a tué le vieux paganisme d’Aristophane ; la comédie d’Aristophane a tué Socrate. » Ce sont de pures phrases.
On saisit bien, ce me semble, dans cette phrase impétueuse et un peu tumultueuse, le bouillon de la source jaillissante.
comment s’y prendre, si l’on veut ne rien omettre d’important et d’essentiel à son sujet, si l’on veut sortir des jugements de l’ancienne rhétorique, être le moins dupe possible des phrases, des mots ; des beaux sentiments convenus, et atteindre au vrai comme dans une étude naturelle ?
« C’est que chez nous, disait le Gaulois, lorsqu’une femme fait boire un soldat, elle lui offre par là même sa couche. » A peine la phrase est-elle finie que Narr’Havas, amoureux déjà et jaloux comme un tigre, bondit, et, tirant un javelot de sa ceinture, le lance contre Mâtho, dont il cloue le bras sur la table.
Mais la phrase mieux lue et mieux ponctuée ne laisse pas subsister cette association de mots que sépare une virgule ; le comica, au lieu d’aller à vis, se rapporte au substantif qui suh, à virtus, qui n’a plus le même sens.
Bignon, a donné les plus curieux détails, et les plus circonstanciés, sur les ladreries, mesquineries et lésineries avérées de cet archevêque ambassadeur qui ne savait faire que de belles phrases, s’endormir au Conseil et dans toutes les cérémonies, et qui ne voulut jamais qu’on prît la peine d’approprier sa chapelle pour y entendre une seule fois la messe42.
Jullien, celui qu’on appelait Jullien de Paris, qui, jeune, s’était fait tristement connaître par son fanatisme révolutionnaire, et qui, vieux, tâchait de faire oublier ses anciens excès par son zèle honorable de fondateur de la Revue encyclopédique, avait à la bouche, à chaque phrase, le mot de civilisation : c’était devenu un tic chez ce petit vieillard si actif et toujours courant. — Le mot est naturel et habituel dans l’ordre d’idées et dans la langue de Condorcet, de Volney ; il revient nécessairement sous leur plume, comme le mot de Dieu sous celle des dévots, et il tend à le remplacer : il marque leur religion aussi.
.… » J’abrège un peu, car il le faut, mais j’ai toujours quelque regret, je l’avoue, à ne pas laisser les phrases de ces dignes gens dans toute leur longueur, afin de mieux respecter aussi l’intégrité de leurs sentiments.
Il a gardé un peu d’avocat dans son style ; il a, même dans ses ironies, le soin de la phrase, une certaine élégance fleurie et diserte.
. — Dans le procès qui lui fut intenté au mois d’août 1827 à cause de son livre, le Résumé de l’Histoire des Traditions morales et religieuses, où l’avocat du roi, Levavasseur, croyait trouver à chaque phrase l’intention manifeste de détruire la croyance à la divinité de Jésus, M. de Sénancour, défendu par Me Berville, voulut présenter lui-même au tribunal quelques explications.
Voltaire écrivant à l’abbé d’Olivet disait :« Je vous demande en grâce, à vous et aux vôtres, de ne vous jamais servir de cette phrase :nul style, nul goût dans la plupart, sans y daigner mettre un verbe.
Ces restrictions font honneur à son jugement : tout le monde ne les faisait pas alors ; et, avec cette frénésie qui scandalisait ou effrayait les classiques, un journaliste converti de la veille donnait en deux phrases le credo romantique : « Vivent les Anglais et les Allemands !
Les chansons, les fabliaux, les farces, les mystères, dont l’excellent et sec Boileau méprisait la grossièreté et que d’ailleurs il ne lisait pas, nous les lisons, un peu vite parfois et en dissimulant quelque ennui ; mais aussi nous y découvrons souvent, dans une phrase, dans un vers (et tout le reste en bénéficie), des merveilles de grâce, de finesse, d’émotion, de poésie, une malice exquise, ou bien une tendresse, une piété qui nous vont à l’âme.
Son costume est entièrement noir depuis la toque jusqu’aux nœuds des souliers ; d’où la phrase de Molière dans Le Sicilien : « Le ciel s’est habillé ce soir en Scaramouche. » 16. — Scaramuccia.
Celui-ci est l’agglomération harmonieuse d’agrégats complets déjà, phrases et paragraphes au lieu de vers et strophes.
Et il définit ainsi le style désécrit : « Il n’y a plus de phrases, les pages sont un fouillis d’incidentes.
. — Je fus étonné, ajoute-t-il en passant, non pas que la reine eût désiré tant de facilités, mais qu’elle eût osé se les procurer. » Cette simple phrase, jetée en courant, est pleine d’insinuations, et les ennemis n’ont pas manqué de la relever.
L’habileté de l’écrivain consiste à sauver cette misère de la langue, par le naturel et l’exactitude de la phrase où ces mots sont employés.
Reportez-vous à la même époque en France, et vous trouverez autant de façons de construire la phrase, d’entendre l’invention de l’image, l’alliance de mots, autant de styles qu’il y a d’éminents prosateurs.
Au moyen âge les alchimistes, coutumiers des phrases mystérieuses et des appellations saugrenues, avaient communiqué aux savants qui leur succédèrent sous la Renaissance ces vicieuses habitudes.
Cette Italie des monuments et des musées, Mme Colet nous la badigeonne… Rien de plus favorable encore à la phrase sans pensée, que cette éternelle description de tableaux, si vastement pratiquée dans les livres actuels d’une littérature byzantine… Mme Colet qui n’ajoute rien à l’opinion de tous les imbéciles révolutionnaires, n’ajoute pas davantage à l’opinion de tous les Guides en Italie et de tous les badauds qui en écrivent.
Aujourd’hui que le positivisme a desséché nos âmes, que le sentiment et l’intuition ne sont que des « phrases », on a peine à comprendre cette action immense d’un rêveur.
« J’ai, dit-il lui-même dans le sommaire de sa vie, rétabli, à titre de consul et par décret du sénat, quatre-vingts temples dans Rome. » Une autre phrase dénombre les temples qu’il fit bâtir, les lieux nouveaux qu’il consacra dans l’enceinte du Capitole et du palais ; et on ne peut douter, à travers les lacunes des Tables d’Ancyre, que le même zèle n’ait réparé bien d’autres anciens monuments religieux de l’Italie, puisqu’on voit Auguste noter dans un autre passage de cette inscription le soin qu’il avait eu, même dans la Grèce et dans l’Asie, de rendre à tous les temples dépouillés pendant la guerre leurs ornements et leurs richesses.
La valeur d’une de ces pages, d’un de ces écrivains, se prouve par son contexte, par la page suivante qu’elle comporte, par la phrase qui répond ailleurs, comme dans un dialogue indéfini, à l’interrogation qu’elle avait formulée. […] Mais quel érudit jetterait sur le Léonard authentique un rayon de lumière plus lointain que cette simple phrase : « Il abandonne les débris d’on ne sait quels grands jeux ? […] Dès lors, si l’homme qui produit, si l’ homo faber se définit comme une volonté de faire, avec précision, ceci et non cela, « l’homme de l’esprit doit enfin se réduire sciemment à un refus indéfini d’être quoi que ce soit. » (La phrase pourrait être d’Amiel) Il voit que « toutes choses se substituent, — ne serait-ce pas la définition des choses ? […] Dans les deux cas le mot style s’applique à une réalité de rapports : rapports de convenance et d’harmonie, ici entre des mots et des phrases, et là entre les membres du monument, ou plutôt des monuments, dont chacun implique son problème particulier.
Malherbe, homme de forme, de style, esprit caustique, cynique même, comme M. de Buffon l’était dans l’intervalle de ses nobles phrases, Malherbe, esprit fort au fond, n’a de chrétien dans ses odes que les dehors ; mais le génie de Corneille, du père de Polyeucte et de Pauline, est déjà profondément chrétien. […] Il était de la veine rapide, prime-sautière, de Régnier, de d’Aubigné ; ne marchandant jamais la phrase ni le mot, au risque même d’un pli dans le vers, d’un tour un peu violent ou de l’hiatus au pire ; un duc de Saint-Simon en poésie ; une façon d’expression toujours en avant, toujours certaine, que chaque flot de pensée emplit et colore. […] Plaute et Térence pour des fables entières, Straparole et Boccace pour des fonds de sujets, Rabelais et Régnier pour des caractères, Boisrobert et Rotrou et Cyrano pour des scènes, Horace et Montaigne et Balzac pour de simples phrases, tout y figure ; mais tout s’y transforme, rien n’y est le même.
On a quelques lettres de lui datées de cette époque ; il y juge le pays et les hommes, et d’un ton qui est fait pour guérir de toutes les belles phrases qu’on débitait à Paris vers ce temps-là. […] Malgré sa répugnance à la politique, et quoiqu’il écrivît vers ce temps même : « Ici, l’on a sa réputation dans sa main ; à Paris, on la joue sur une phrase, sur un mot, sur une démarche, sur un sourire : j’aime mieux l’Afrique ; m’y laissera-t-on ?
Leur caractère n’a rien de féodal ; ce sont des gens « sensibles », doux, très polis, assez lettrés, amateurs de phrases générales, et qui s’émeuvent aisément, vivement, volontiers, comme cet aimable raisonneur le marquis de Ferrières, ancien chevau-léger, député de Saumur à l’Assemblée nationale, auteur d’un écrit sur le Théisme, d’un roman moral, de mémoires bienveillants et sans grande portée ; rien de plus éloigné de l’ancien tempérament âpre et despotique. […] Mais ils ne la voient pas, songeront-ils à la deviner sous la phrase maladroite et complimenteuse de leur homme d’affaires ?
J’ai déjà raconté le cas de Théophile Gautier et comment, un jour qu’il passait devant le Vaudeville, une phrase imprimée sur l’affiche se cloua dans son souvenir ; comment, malgré lui, il se la répétait incessamment ; comment, au bout de quelque temps, elle cessa d’être simplement mentale et sembla proférée par un gosier corporel, avec un timbre et un accent très nets ; elle revenait ainsi par intervalles, à l’improviste ; cela dura plusieurs semaines. Supposez un esprit prévenu et assiégé de craintes ; admettez que la voix prononce, non pas une phrase unique et monotone, mais une suite de discours menaçants et appropriés ; c’est le cas de Luther à la Wartbourg, lorsqu’il discutait avec le diable.
Je voudrais pouvoir noter de son accent, comme une musique, chaque phrase qui résonne encore à mes oreilles après tant d’années. […] Il s’efforcera de donner aux dogmes de la religion révélée l’expression la plus admissible par la raison pieuse de l’esprit humain ; il rejettera sur la barbarie des âges de ténèbres les actes coupables ou les pratiques regrettables dont l’intolérance et les supplices ont déshonoré, par la main des rois, des peuples ou des pontifes, la sainteté morale de la religion chrétienne ; il ne rendra pas le culte solidaire de la politique ; il ne fera pas de Dieu le complice de l’homme ; il ne bravera pas à chaque phrase la raison humaine par des défis de foi ou de servilité d’esprit qui révoltent l’homme, qui scandalisent l’intelligence et qui le repoussent par l’excès de superstition dans l’impiété.
Or l’historien, dans ses propres phrases à la louange de cet acte, révèle la nature vraie de cet acte à chaque mot. […] Thiers seul a fait le poème ; ce poème, quoique écrit dans la prose la plus nue et souvent la plus vulgaire, s’élève quelquefois, non par les mots, mais par la composition, à la plus haute poésie ; c’est bien mieux que la poésie des paroles, c’est la poésie des faits ; cette poésie des faits, la meilleure de toutes, résulte de la composition et non des phrases.
Le grand acteur classique Lafond, du Théâtre-Français, homme d’excellente compagnie, idolâtre du génie de M. de Chateaubriand et un peu solennel comme sa phrase, avait consenti à prêter sa noble déclamation à ces vers encore inconnus du poète en prose. […] Madame Lenormant, confidente discrète de la famille, laisse échapper à ce sujet une phrase qui n’aurait point de sens si elle n’était pas destinée à indiquer et à voiler à la fois on ne sait quel sous-entendu dans cette union ; la jeune fille était elle-même, dit-on, un sous-entendu de la nature : elle pouvait être épouse, elle ne pouvait être mère.
sans phrases !) […] Car bien misérable était la Compréhension musicale qui s’exprimait à lui, dans cet échafaudage architectonique des sons, lorsqu’il voyait les plus grands maîtres même de sa jeunesse, avec une répétition banale de phrases et de fleurs rhétoriques, avec des alternatives, rigoureusement distribuées, de force et de douceur, avec des graves introductions, et reprises, aux mesures par avance comptées, se traîner, passant sous les portes inévitables de demi-conclusions régulières, jusque le bienheureux tapage de la cadence finale.
Le mythe est le germe commun de la religion, de la poésie et du langage : si tout mot est au fond une image, toute phrase est au fond un mythe complet, c’est-à-dire l’histoire fictive des mots mis en action. […] Mais il y a des mots qui ne sont plus aujourd’hui que des fragments d’images et de sentiments, des débris morts, de la poussière de mythe, presque des signes algébriques ; il y a, au contraire, des mots qui sont des images complètes ; il y a des phrases et des vers qui offrent l’harmonie et la coordination d’une scène vivante s’accomplissant sous nos yeux.
Son style de coups et de contrecoups brise en mille pièces la période ou l’épanche en un flot intarissable et écumant de phrases qui entraînent l’âme de ses lecteurs dans le débordement de ses impressions. […] Énumérez seulement quelques-unes des conditions innombrables de ce qu’on nomme style, et jugez s’il est au pouvoir de la rhétorique de créer dans un homme ou dans une femme une telle réunion de qualités diverses : Il faut qu’il soit vrai, et que le mot se modèle sur l’impression, sans quoi il ment à l’esprit, et l’on sent le comédien de parade au lieu de l’homme qui dit ce qu’il éprouve ; Il faut qu’il soit clair, sans quoi la parole passe dans la forme des mots, et laisse l’esprit en suspens dans les ténèbres ; Il faut qu’il jaillisse, sans quoi l’effort de l’écrivain se fait sentir à l’esprit du lecteur, et la fatigue de l’un se communique à l’autre ; Il faut qu’il soit transparent, sans quoi on ne lit pas jusqu’au fond de l’âme ; Il faut qu’il soit simple, sans quoi l’esprit a trop d’étonnement et trop de peine à suivre les raffinements de l’expression, et, pendant qu’il admire la phrase, l’impression s’évapore ; Il faut qu’il soit coloré, sans quoi il reste terne, quoique juste, et l’objet n’a que des lignes et point de reliefs ; Il faut qu’il soit imagé, sans quoi l’objet, seulement décrit, ne se représente dans aucun miroir et ne devient palpable à aucun sens ; Il faut qu’il soit sobre, car l’abondance rassasie ; Il faut qu’il soit abondant, car l’indigence de l’expression atteste la pauvreté de l’intelligence ; Il faut qu’il soit modeste, car l’éclat éblouit ; Il faut qu’il soit riche, car le dénûment attriste ; Il faut qu’il soit naturel, car l’artifice défigure par ses contorsions la pensée ; Il faut qu’il coure, car le mouvement seul entraîne ; Il faut qu’il soit chaud, car une douce chaleur est la température de l’âme ; Il faut qu’il soit facile, car tout ce qui est peiné est pénible ; Il faut qu’il s’élève et qu’il s’abaisse, car tout ce qui est uniforme est fastidieux ; Il faut qu’il raisonne, car l’homme est raison ; Il faut qu’il se passionne, car le cœur est passion ; Il faut qu’il converse, car la lecture est un entretien avec les absents ou avec les morts ; Il faut qu’il soit personnel et qu’il ait l’empreinte de l’esprit, car un homme ne ressemble pas à un autre ; Il faut qu’il soit lyrique, car l’âme a des cris comme la voix ; Il faut qu’il pleure, car la nature humaine a des gémissements et des larmes ; Il faut… Mais des pages ne suffiraient pas à énumérer tous ces éléments dont se compose le style.
Ajoutez à ce défaut celui de la langue allemande de cette époque poussé à son comble, je veux dire ce caractère démesurément synthétique de la phrase allemande qui forme un contraste si frappant avec lecaractère analytique de la phrase française.
À ce témoignage des persécuteurs on peut joindre celui d’un chrétien du premier siècle, dont une phrase, conservée par Eusèbe comme indice de l’antiquité du dogme, en atteste aussi la commémoration sous forme lyrique et musicale. […] Cet effort désespéré, cet élancement de l’âme et du langage, pour pénétrer les cieux, à la poursuite du Dieu qu’on adore, fait penser à la phrase tombée de la rêverie mélancolique de Pascal : Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraye » ; mais là je crains d’avoir surpris, dans la contemplation même, le trouble involontaire du doute ; ici je sens la certitude et la consolation de la foi, sous l’obscurité et l’impuissance des paroles.
[NdA] Ce n’est pas sans dessein que j’indique la littérature grecque, car Töpffer était helléniste ; il a même donné une édition des Harangues de Démosthène, et il se souvient évidemment du grec dans cette phrase de ses Voyages en zigzag, par exemple : C’est là mieux qu’ailleurs (dans une excursion en commun du maître avec ses élèves) qu’il dépend de lui, s’il veut bien profiter amicalement des événements, des impressions, des spectacles et des vicissitudes, de fonder de saines notions dans les esprits, de fortifier dans les cœurs les sentiments aimables et bons, tout comme d’y combattre, d’y ruiner à l’improviste, et sur le rasoir de l’occasion, tel penchant disgracieux ou mauvais.
Quoi qu’il en soit, ce dilettante brillant et incrédule dut à quelque chose de fier et de hardi qu’il avait dans l’imagination, et qui tenait sans doute à ses origines méridionales, d’être le premier chez nous à parler dignement de Dante, et même de le juger très finement sur des beautés de détail et d’exécution qui semblaient être du ressort des seuls Italiens : Il faut surtout varier ses inversions, disait-il en pensant au travail imposé aux traducteurs ; le Dante dessine quelquefois l’attitude de ses personnages par la coupe de ses phrases ; il a des brusqueries de style qui produisent de grands effets ; et souvent, dans la peinture de ses supplices, il emploie une fatigue de mots qui rend merveilleusement celle des tourmentés. — Quand il est beau, disait-il encore, rien ne lui est comparable.
Non, ce n’est point du tout parce qu’il avait appris une vingtaine peut-être de phrases grecques dans son enfance, que Henri IV parlait si lestement son joli français.
Il a des vers de détail très heureux, très francs, mais sa phrase traîne, s’allonge, se complique prosaïquement ; il ne sait pas assez la couper, l’arrêter à temps, et, après un certain nombre de vers accidentés, irréguliers, redonner le ton plein et marquer la cadence.
Molé sans garanties suffisantes), à mes impressions personnelles, à l’insistance du roi, à l’urgence de la situation, et aussi à une disposition de ma nature qui est d’avoir trop de facilite à accepter ce qui coupe court aux difficultés du moment, trop peu d’exigence quant aux moyens et trop de confiance dans le succès. » Il est curieux, en le lisant, de remarquer comme ces formes de phrases se reproduisent involontairement sous sa plume : « J’ai la confiance de croire, etc.
Et ces bons serviteurs, dociles animaux Que la main d’un enfant, sans rigueur, sans sévices, Incline, en se jouant, aux plus rudes services, Je les aime et le dis sans phrase, — et le premier, Nommant tout par son nom, je chante le fumier, Le fer comme les bras qui font la moisson drue, Et le labour profond et la grande charrue !
Il a eu des phrases inouïes (j’en pourrais citer au besoin une kyrielle)22, surtout quand il nous prêchait le beau.
Dans la seconde édition de la Lettre à Segrais, imprimée à part en 1678, il en arrive, en effet, à modifier tellement son opinion qu’elle ne ressemble plus du tout à la-première ; et par exemple, au lieu de commencer comme on vient de le voir, en disant : Je fais à peu près le même jugement des Pastorales de Longus que des romans précédents… il dit, en retournant sa phrase : Je ne fais pas tout à fait le même jugement.
Le prince avait le tic de dire, presque à chaque phrase : Ha capito !
La jeunesse est sujette à prendre au pied de la lettre tout ce qui s’écrit ; et, ce qui doit donner à penser à ceux qui écrivent, elle met ses actions, sa personne et sa vie au bout des phrases ; elle s’embarque, corps et âme, sur la foi des paroles.
Delavigne n’a pas toujours évité les inconvénients du vers libre, les longues périodes qui se traînent en phrases incidentes sur des rimes redoublées, ni les combinaisons à effet, dans lesquelles l’intention manque son but.
Et dans ces phrases fécondes vous voyez se lever l’idée du romantisme français avec ses effusions pseudochrétiennes, ses restitutions historiques, et son individualisme lyrique.
Il nous faut en outre une manière particulière de considérer l’agrégat (phrase que M.
Dans le méchant libelle dont Cosnac avait envoyé chercher les ballots en Hollande, il y avait une phrase entre autres, qui n’était pas si mal tournée : « Elle a, disait-on de Madame, un certain air languissant, et quand elle parle à quelqu’un, comme elle est tout aimable, on dirait qu’elle demande le cœur, quelque indifférente chose qu’elle puisse dire. » Cette douceur du regard de Madame avait opéré sur l’âme assez peu sensible de Cosnac, et, sans y mêler ombre de sentiment galant, il s’était laissé prendre le cœur à celle qui le demandait si doucement et si souverainement.
La première phrase du discours de réception de Ducis (4 mars 1779) fut saluée d’un long applaudissement : « Messieurs, il est des grands hommes à qui l’on succède et que personne ne remplace… » Ainsi Voltaire fut remplacé et célébré par celui même dont il avait tant de fois parlé comme d’un auteur wisigoth ou allobroge et ne sachant pas écrire : Vous avez vu sans doute Hamlet, écrivait-il à d’Argental lors de la première pièce de Ducis qui eut du succès ; les Ombres vont devenir à la mode ; j’ai ouvert modestement la carrière, on va y courir à bride abattue : domandava acqua, non tempesta.
On releva dans le discours de Barthélemy quelques néologismes : il disait en parlant des États généraux et des espérances, déjà troublées, qu’ils faisaient naître : « La France… voit ses représentants rangés autour de ce trône, d’où sont descendues des paroles de consolation qui n’étaient jamais tombées de si haut. » La singularité de cette phrase, selon la remarque de Grimm, fut fort applaudie : Barthélemy inaugurait à l’Académie le style parlementaire et ce qu’on a tant de fois répété des discours du trône.
Non seulement on se considère comme obligé de dogmatiser sur tous les problèmes à la fois, mais on croit pouvoir, en quelques pages ou en quelques phrases, atteindre l’essence même des phénomènes les plus complexes.
C’est bien ainsi que dans le vaudeville, un effet toujours sûr, comme on dit en style de théâtre, c’est de mettre une phrase dans la bouche d’un personnage : « Tais-toi, t’as commis une faute », ou « Mon gendre, tout est rompu » ; et de la lui faire obstinément redire, pendant trois ou cinq actes, qu’elle soit d’ailleurs ou non en situation, et surtout quand elle n’y est pas.
Premierement : elle doit être pure ; j’entens que la langue y doit être exactement observée pour l’emploi des termes, pour l’alliance des expressions, pour la construction des phrases. […] Mais ces vers, tout clairs qu’ils étoient pour Corneille par la présence de ses idées, deviennent énigmatiques pour l’auditeur, qui dans le cours d’une seule phrase n’a pas le tems de distinguer tant et de si différents raports. […] L’air seul de stile et de phrases leur tient lieu de raisonnement et de preuves ; et il faut bien le pardonner à l’yvresse d’un âge sujet à la présomption, à proportion de sa vivacité et de son ignorance. […] Si quelques phrases familieres se trouvent répanduës dans l’ouvrage, et peut-être à propos, car le familier trouve encore sa place au milieu du grand, ils les rassembleront, à dessein qu’elles fassent ensemble une impression de négligence ; et conclûront hardiment que tout l’ouvrage est prosaïque ; ou s’ils l’aiment mieux, de quelques expressions audacieuses, raprochées de même, ils insinuëront que toute la piece est forcée et bisarre. […] D’ailleurs la mesure et les phrases, ordinairement plus coupées dans les vers, aident beaucoup leur intelligence ; ils en discernent plus aisément le sens ; ils en prennent mieux les tons, et ils les soutiennent davantage ; au lieu qu’il leur faudroit plus de finesse que n’en ont quelques-uns, pour saisir dans les phrases étenduës de la prose les inflexions délicates que demanderoient les raisonnemens et les passions.
Il n’a pas voulu considérer que la situation n’admet pas des ornements si gais ; qu’Œdipe et Jocaste, dans un moment aussi terrible, n’ont pas le loisir de faire des descriptions étudiées et des phrases poétiques. […] Nous voici à la jolie phrase, personne ne conspire aujourd’hui, et tout le monde aime . […] C’est surtout dans la conduite et dans les actions que le sacré caractère de la vertu est empreint, et non dans des phrases de parade ; mais un rhéteur comme Rousseau ne devait rien trouver de si beau que des phrases. […] Ce sont de vaines phrases : Sunt verba et voces, prætereaque nihil. […] Mais, je le répète, ce Polyphonte n’est pas plus fort en politique que Voltaire en tragédies : tous les deux sont des hommes à grandes et belles phrases, sans intérêt et sans action dramatique.
Je connais telle phrase musicale qui ferait monter la rougeur au front et qui enflammerait les yeux d’indignation, s’il était possible de traduire dans cet honnête langage humain dont vous accusiez tout à l’heure la pauvreté les pensées qu’elle renferme. […] Elle conseille le vice, la vertu, la passion, le devoir à la même minute, par la même phrase, dans la même onde sonore. […] En dépit de la phrase célèbre : « Celui qui n’a jamais baigné son lit de larmes solitaires, celui-là ne vous connaît pas, ô puissances célestes ! […] Cet étonnement qui nous fait répéter sans cesse cette phrase qui sert depuis si longtemps : « Ah ! […] L’expression des sentiments est rarement tapageuse et bruyante ; mais, au milieu de cette tranquillité abstraite, une phrase éclate tout à coup comme une bombe, ou vibre comme une ondulation musicale.
Ainsi je trouve dans : Profils et Grimaces, cette phrase écrite à Jersey en 1855 : « Ils ont leur monde à eux, étranger au monde de tous. […] Elle est morte en m’écoutant lire le sermon de Bossuet sur l’Immortalité de l’âme ; je sais à quel endroit, à quelle phrase elle a cessé de m’entendre ; deux minutes auparavant, déjà ses sens s’étaient troublés, elle a fait effort pour les rappeler. […] Il en est des phrases affectées et qui veulent être neuves comme des robes qui sortent de chez les grands couturiers : elles ne durent qu’une saison. […] Barrès est la clarté dans l’expression de ses idées ; c’est d’ailleurs toujours en haut qu’il les a cherchées, alors même qu’on les devinait mieux qu’on ne les voyait derrière les phrases parfois et comme volontairement énigmatiques dont il les enveloppait. […] Question qui est loin d’être résolue bien que toute la discussion repose sur une phrase du rapport des médecins qui constatèrent le décès de l’enfant royal ; or, cette phrase : « Le corps qu’on nous dit être celui de, etc. », n’est qu’une formule consacrée depuis qu’il existe une médecine légale et que les médecins se fussent bien gardés d’inventer alors s’ils avaient eu le moindre doute sur l’identité du personnage en question.
Les peuples et leurs chefs se doivent un respect mutuel ; et, Faites ce que je vous dis, car tel est mon bon plaisir, serait la phrase la plus méprisante qu’un monarque pût adresser à ses sujets, si ce n’était pas une vieille formule de l’aristocratie transmise d’âge en âge, depuis les temps barbares de la monarchie, jusqu’à ses temps policés. […] Quant au souverain qui croira pouvoir, sans descendre de son rang, substituer à la phrase usuelle celle qui suit : « Faites ce que je vous dis, parce qu’il y va de votre sûreté, de votre liberté et de votre bonheur » ; je lui décerne une statue d’or, avec cette inscription : Des hommes relevèrent à un de leurs semblables. […] Il ne suffit pas de faire une jolie phrase, il faut encore y mettre de la vérité. […] « Si l’on veut savoir jusqu’où quelqu’un a du goût, il faut l’interroger sur Sénèque… » Est-ce du goût pour la phrase, ou du goût pour les choses ? […] Ce n’est pas que, dans cet écrit même et quelques autres, on ne voie clairement qu’il sait aussi, quand il lui plaît, rendre sa phrase harmonieuse : mais, pour cette fois, il ne s’en est pas soucié ; il était occupé de tout autre chose que d’une heureuse cadence.
Ni le hasard de quelques heureuses citations, ni l’accent magistral avec lequel il prononcera ses jugements, ne déguiseront ce qui manque au jeune professeur, à qui l’on gardera dérisoirement ce même titre, pour lui rappeler qu’il n’a pu faire oublier, par ses phrases creuses et arrondies, que les fleurs de sa rhétorique parfumée ne sont que des débris encore tout frais de ses petites couronnes de collège. […] Avancez, messieurs de la faculté ; délayez en phrases insignifiantes les ordonnances d’Hippocrate : hérissez vous d’apophtegmes et d’aphorismes grecs ou latins, pour désigner votre ignorance des causes de nos maladies ; il est là pour avertir les vivants des services journaliers que vous rendez à nos ancêtres impatients de nous revoir, et pour dire le peu que vous savez sur les secrets de la santé, dont vous raisonnez en docteurs habiles à constater pourquoi nous souffrons, mais non comment on nous guérit.
Il frappe juste et se moque, en joyeux convive, des phrases anglaises et françaises dont les oisifs assaisonnent leur conversation. […] Le style d’Ernest Maltravers est facile, abondant, et parfois même se distingue par une certaine élégance ; mais il manque à peu près constamment de précision et de simplicité, les meilleures phrases ne sont guère que des phrases de conversation. […] Bulwer se soit cru obligé de semer dans la conversation de ses personnages plusieurs phrases françaises qui sont quelquefois vulgaires et qui ne sont pas toujours correctes. […] Je suis encore à comprendre comment La Rochefoucauldf, Dangeau et madame de Genlis se trouvent réunis dans la même phrase et présentés comme des peintres d’histoire. […] À l’appui de mon opinion, j’apporte deux phrases qui peuvent servir de type et se trouvent répétées maintes fois dans l’Histoire de la Civilisation.
Certes, nous ne lui demandons ni le relief auquel atteignent des écrivains soucieux surtout de l’extérieur, ni les prestiges du style plastique, et nous n’exigeons pas qu’il cisèle ses phrases. […] Racine, où chaque phrase est un modèle de contorsions et d’images extraordinaires ? […] En outre, une idée lui est sans cesse présente à l’esprit, une même phrase revient à sa mémoire en manière de refrain. […] La phrase est rarement musicale. […] Il a contourné et tortillé la phrase. « Obscurcissez !
Une phrase de M. le duc de Saint-Simon dans ses Mémoires se peut appliquer au feuilleton de 1830 ; M. le duc de Saint-Simon félicite le jeune roi Louis XIV, parmi les rares bonheurs qui attendaient sa royauté, de ce grand cortège d’hommes très distingués qu’il rencontra en chemin. […] Il se sert des phrases les plus forcées et les moins naturelles. […] Voilà pourtant (ceci est l’anankè des papillons et du style de la même famille,) le sort des belles phrases éclatantes, parées et nouvelles, dont la critique habillait les petits drames, les petits vaudevilles, les petits chefs-d’œuvre précieux. — Le chef-d’œuvre est tombé en poudre dans son linceul, et le linceul est devenu une fumée. […] Cet Ali est un homme simple et calme dans son dévouement ; il ne prend pas feu tout de suite, comme le seigneur Figaro ; il n’a pas recours tout d’un coup aux grands moyens, aux grandes phrases, aux hardis conseils ; ce bon Ali comprend confusément qu’un des privilèges, un des grands bonheurs de l’amour, c’est de se suffire à soi-même, et qu’en ceci la complaisance des tiers est souvent odieuse quand elle n’est pas infâme. […] Autre phrase toute nouvelle pour la comédie.
Les mots, à leurs yeux, ne sont plus que des signes conventionnels, artificiels, arbitraires ; la phrase n’est plus qu’un « polynôme » qu’on « ordonne » conformément aux règles ; et le style enfin n’est plus pour eux que l’équation de la pensée pure. […] — Elle l’aurait en tout cas plus mal encore inspiré quand elle lui a dicté ses Bijoux indiscrets, 1748 ; — un mauvais roman dans le goût de ceux de Duclos et de Crébillon ; — infiniment plus grossier ; — et un livre dont il dira plus tard « qu’il se couperait volontiers un bras pour ne pas l’avoir écrit ». — Sa Lettre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient, 1749 ; — et de l’intérêt qu’en offre la comparaison avec le Traité des sensations, de Condillac. — Elle vaut d’ailleurs à Diderot d’être mis à Vincennes ; — non point pour aucune hardiesse qu’elle contienne ; — mais pour une phrase qui déplaît à Mme Dupré de Saint-Maur, — l’amie de Réaumur, de l’Académie des sciences. — De la différence de situation entre Diderot et d’Alembert ; — et qu’il n’est pas impossible qu’elle soit pour quelque chose dans les tiraillements qui se produiront entre eux. — Le vrai portrait de Diderot tracé quelque part par Bacon : « Sunt qui cogitationum vertigine delectantur, ac pro servitute habent fide fixa aut axiomatis constantibus constringi. » IV. — Les premières difficultés de l’Encyclopédie Si les Jésuites qui rédigeaient le Journal de Trévoux ont été jaloux du succès de l’Encyclopédie ? […] Du style de Buffon ; — s’il mérite la vivacité des critiques que l’on en a faites ; — et des plaisanteries d’un goût douteux que l’on en fait encore ; — pour quelques phrases un peu pompeuses ; — ou quelques touches un peu brillantes ? […] — Qu’en tout cas il y en a deux phrases que l’on interprète mal, et presque à contresens : « Le style est l’homme même » ; — par où Buffon a voulu dire que les idées étant à tout le monde, — l’expression est le seul moyen que nous ayons de nous les approprier ; — et la phrase où il recommande à l’écrivain de n’user que des « termes les plus généraux ». — Les termes les plus généraux ne sont pas du tout en effet les termes vagues ou abstraits, mais les termes « non techniques » ; — et de dire, avec Buffon, que la manière d’écrire est ce qu’il y a de plus personnel à tout écrivain, — ce n’est pas du tout dire que l’écrivain soit tout entier dans son style. — Il y a des écrivains dont le caractère a différé de celui de leur style ; — et nous en avons cité plus d’un exemple.
« C’est ma fille Marie, me dit Mme Bashkirtseff, qui a fait ce portrait de sa cousine. » J’avais commencé une phrase élogieuse ; je ne pus pas l’achever. […] Chaque accord et chaque phrase parle. […] — Oui, mais chaque fois que je vous dis quelque chose vous m’insultez… — Mais non, je suis gaie, et si j’émaille notre conversation de digressions, c’est que vous mettez vraiment un temps infini entre chaque phrase. […] Les faibles pensent au passé, les forts et les intelligents prennent leur revanche ; ce ne sont pas des phrases, c’est la vérité. […] C’est une phrase ?
Plus on pénètre le sens des écrits d’Hippocrate, et plus l’on s’identifie avec le fond et la forme de ses pensées, plus aussi on comprend l’affinité qu’il a avec les grands esprits ses contemporains, et plus l’on est persuadé qu’il porte comme eux la vive empreinte du génie grec. » Et plus loin, je détache, avec le regret de l’abréger, une belle et bien bonne page encore : « Celse a vanté la probité scientifique d’Hippocrate dans une phrase brillante qui est gravée dans tous les souvenirs : (« Hippocrate, a-t-il dit, a témoigné qu’il s’était trompé dans un cas de fracture du crâne, et il a fait cet aveu avec la candeur propre aux grands hommes, aux riches qui ont pleine conscience du grand fonds qu’ils portent en eux »)… C’est le même sentiment de probité qui lui inspire la plus vive répugnance pour tout ce qui sent le charlatanisme… La haine qu’Hippocrate ressentait et exprimait à l’égard des charlatans est très comparable à la haine qui animait Socrate, son contemporain, contre les sophistes. […] Il donne d’abord la prononciation, la spécification grammaticale du mot, puis ses sens actuels, appuyés et prouvés par des exemples d’auteurs classiques ou modernes, par des phrases courtes dont aucune ne fait double emploi.
Tout à l’heure, pensant à une représentation du Prophète, je répétais silencieusement en moi-même la pastorale de l’ouverture, et je suivais, j’ose dire, je sentais presque, non seulement l’ordre des sons, leurs diverses hauteurs, suspensions et durées, non seulement la phrase musicale répétée en façon d’écho, mais encore le timbre perçant et poignant du hautbois qui la joue, ses notes aigres, tendues, d’une âpreté si agreste, que les nerfs en sursautent, pénétrés d’un plaisir rude comme par la saveur d’un vin trop cru. — Tout bon musicien éprouve à volonté cette impression quand il suit les portées couvertes de leurs signes noirs. […] Cette phrase même indique la reconnaissance et la correction d’une erreur, partant une erreur préalable ; au premier moment, nous nous étions trompés, puisque au second moment nous découvrons que nous nous étions trompés.
Une phrase musicale de Mozart convertit autant de cœurs qu’un sermon, car tout ce qui élève convertit. […] Est-ce que cette langue des sons, par son vague même et par l’illimitation de ses accents, n’est pas plus illimitée dans ses expressions que les langues où le sens est borné par la valeur positive du mot et par la syntaxe, cette place obligée du mot dans la phrase !
Il n’y a pas une de ses lois qui se tienne debout sur des pieds véritablement humains ; il fait dans le Contrat social la législation des fantômes, comme il fait dans l’Émile l’éducation des ombres, et dans la Nouvelle Héloïse, il ne fait que l’amour des abstractions ayant pour passion des phrases. […] Ces sabreurs de la politique, ces proclamateurs de la liberté illimitée démoliraient plus de sociétés et de gouvernements humains en une minute et en une phrase que la raison, l’expérience et la sagesse merveilleuse de l’humanité n’en ont construit en tant de siècles !
Le plus grand artiste en tout genre n’est donc pas celui qui manie avec le plus d’habileté technique la phrase, le son, le pinceau, le marbre, mais celui qui exprime le plus de cette essence divine, le beau, dans ses ouvrages. […] Le visage que Gérard a donné à sa Corinne n’a rien des traces de la passion, des lassitudes du génie, des pâleurs de l’inspiration sur des traits de femme ; c’est un poli et frais visage de Suissesse abreuvée de lait, ou d’Anglaise colorée du frisson des brises du Nord, cherchant à froid, dans ses yeux rêveurs, quelques phrases sonores pour pleurer en mesure sur la décadence de l’empire romain, qui lui est parfaitement indifférente.
Je m’approchai pour lui serrer la main, je vis que nous nous comprenions sans phrase, et tout fut dit entre nous ; il était lancé, il n’avait pas le temps de s’arrêter. […] En 1789, le jour où Mirabeau l’introduisit par sa phrase fameuse à M. de Brézé : « Allez dire à votre maître que nous sommes ici par la volonté du peuple, et que nous n’en sortirons que par la force des baïonnettes », la révolution est faite ; Mirabeau se déshonore et se dépopularise en essayant de la diriger en sens inverse.
« Tandis qu’il parlait, se trouvant proche du comte de Cobenzel, ministre d’Autriche, il se retourna vers lui avec une extrême vivacité, et lui répéta à peu près les mêmes choses qu’à moi, affirmant plusieurs fois qu’il ferait changer de manière de penser et de religion dans tous les États de l’Europe ; que personne n’aurait la force de lui résister, et qu’il ne voulait pas assurément être seul à se passer de l’Église romaine (c’est sa phrase), qu’il mettrait plutôt l’Europe en feu de fond en comble, et que le Pape en aurait la faute et la peine encore. […] « En parlant de la sorte, il se plaça à son bureau et rédigea des brouillons de phrases et des projets que l’on aurait pu, sous forme de modèle, accepter et copier dans la lettre pour l’Empereur.
Les génies purement d’art et de forme, et de phrases, dénués de ce germe d’invention fertile, et doués d’une action simplement viagère, se trouvent en réalité bien moins grands qu’ils ne paraissent, et, le premier bruit tombé, ils ne revivent pas. […] Il parut content de ces réponses, qu’il traduisait dans son langage, en leur donnant plus de précision que je n’avais pu leur en donner. — Comme remarque générale, je dirai que dans toute cette conversation j’eus à admirer la variété de ses paroles d’approbation : rarement, en écoutant, il restait immobile ; il faisait un mouvement de tête significatif, ou disait : oui, ou : c’est bien, et d’autres phrases de ce genre.
Il a la phrase oratoire, ample, résonante qu’il faut lire ou entendre lire à haute voix ; et voilà la première fois que nous avons à faire cette remarque sur un écrivain du xviiie siècle. […] Rousseau n’est pas un improvisateur ; les phrases s’arrangent lentement dans sa tête : il travaille, corrige, polit avec un soin d’artiste qui achève de le mettre à part parmi ses contemporains.
La phrase : « l’arbre se dressait » évoque ainsi, à côté d’une image assez peu précise, le sentiment d’exaltation et d’aise que donne la pensée d’un puissant chêne debout sous les cieux. […] Peu à peu dans cette école de poètes et de prosateurs, le souci de l’expression l’emporta sur celui de la chose à exprimer et comme la passion est un élément de trouble dans la belle ordonnance des périodes par les heurts et les interjections qu’elle affecte, comme les phrases parfaites s’appliquent mieux à des idées pures, mieux encore à de simples perceptions de couleur et de forme, les poètes et une partie des romanciers de l’époque impériale furent impassibles et descriptifs, d’un mérite artistique intellectuel et surtout pictural extrême, d’une grande science et d’une profonde observation, mais de peu de prise sur le public qui continuait à réclamer des œuvres moins achevées et plus frémissantes de passions humaines.
Ils ont voulu, par une copie servile plutôt que fidèle, rendre le mot par le mot, la phrase par la phrase, la syllabe par la syllabe.
Une lettre piquante adressée à son ancien ami Ségur qui avait donné quelque adhésion aux premiers actes de la Révolution, nous montre le prince de Ligne à la date d’octobre 1790, dans le premier instant de son irritation et de sa colère : La Grèce avait des sages, dit-il, mais ils n’étaient que sept ; vous en avez douze cents à dix-huit francs par jour, … sans mission que d’eux-mêmes, … sans connaissance des pays étrangers, sans plan général, … sans l’Océan qui peut, dans un pays dont il fait le tour, protéger les faiseurs de phrases et de lois… Messieurs les beaux esprits, d’ailleurs très estimables, ont bien peu de talent pour former leurs semblables.
Interrogé par Voltaire en 1776 sur la valeur de l’opinion énoncée au tome Ier de l’Histoire de l’astronomie, il répondait : « Le rêve de Bailly sur ce peuple ancien qui nous a tout appris, excepté son nom et son existence, me paraît un des plus creux qu’on ait jamais eus ; mais cela est bon à faire des phrases, comme d’autres idées creuses que nous connaissons et qui font dire qu’on est sublime. » D’Alembert aigre, exact et sec, détestait Buffon et n’épargnait point Bailly qu’il considérait alors comme un satellite du grand naturaliste pour les systèmes.
Rocquancourt, quelques phrases de Montluc citées comme preuve de son aversion pour les armes à feu, tandis qu’au contraire, aucun capitaine avant lui ne s’en était aussi bien servi, et que, à en juger par ses propres paroles, il faisait grand cas de l’arquebuserie12.
Il est ici fort loué ; on dit qu’il écrit presque aussi bien que Balzac. » Ce dernier éloge portait à faux ; Chanet n’écrit point pour faire de belles phrases ni en rhétoricien, mais seulement pour exprimer sa pensée.
Aux époques cultivées, où les hommes d’État et de guerre sont instruits aux lettres et ont aisément la plume à la mainp, un autre écueil tout opposé, c’est qu’ils fassent trop les écrivains en se ressouvenant, et qu’ils ajoutent par la phrase aux circonstances de l’action.
Balzac, c’est le rhéteur et rien que le rhéteur, l’homme à phrases ; il les fait et les cherche à travers tout.
Ce ne sont pas des phrases, cela est vrai… Mon cœur et mon âme sont à Baireuth, chez vous, et mon corps chétif végète ici, sur les grands chemins et dans les camps.
Homais, nous l’avons tous connu et rencontré, mais jamais sous une face si fleurie et si triomphante : c’est l’homme important, considérable du lieu, à phrases toutes faites, se vantant toujours, se croyant sans préjugés, emphatique et banal, adroit, intrigant, faisant servir la sottise elle-même au savoir-faire ; M.
N’est-ce donc rien que de voir cela, non par des phrases générales et vagues, mais par un nauséabond détail de chaque jour ?
en lisant son article, je lui donnais raison presque à chaque phrase, et pourtant je résistais dans l’ensemble ; je ne suis certes qu’un demi-gaulois, mais ce demi-gaulois trouvait de quoi répondre, même à cette intelligence d’une élévation constante et qui sait y allier tant de sagacité et de finesse.
Aussi ne marche-t-on qu’avec eux, en s’appuyant sur eux, sur ce qu’ils ont dit ; on a dans la mémoire toutes sortes de belles ou jolies sentences, recueillies à loisir et qu’on tient à placer ; on dirige tout son discours, on incline tout son raisonnement pour amener une phrase de Quintilien, pour insinuer une pensée de Cicéron, et l’on est tout content d’avoir échappé ainsi à penser par soi-même et en son propre nom.
Ce donc au commencement d’une phrase, et qui semble marquer le pas comme si l’on frappait en même temps du talon, est un reste du style moyen âge, gothique ou chevaleresque, mais n’est pas du tout de la langue de Térence ni du langage d’une mourante.
Ce qu’il y avait de plus irritant, c’est que le président du Sénat, François de Neufchâteau, plus candide que fin, lui avait fait à ce sujet de grands compliments et lui avait sans doute dit la phrase consacrée : « Vous n’avez jamais rien fait de mieux. » Aussi resta-t-il implacable dans sa rancune, et il laissa sans réponse la lettre, toute pleine de déférence et d’admiration, que le jeune débutant lui avait adressée en lui envoyant son ode.
Je ne sais pas étrangler en deux ou trois tours de phrases convenues à l’avance un homme de talent qui écrit depuis plus de trente ans.
On a pu sourire et plaisanter des petits alinéas de M. de Girardin, mais ici, dans cet article qui était une action, chaque phrase, chaque ligne, chaque mot portait et faisait programme et ralliement pour les honnêtes gens et les bons citoyens.
Forgues, ont dû être frappés d’une phrase qui revient souvent sous la plume de l’illustre agitateur catholique, avant qu’il fût devenu un agitateur démocrate en sens inverse : « Avez-vous lu Rubichon » écrit-il à plusieurs reprises à son correspondant, le marquis de Coriolis. — ; « Vous a-t-on envoyé le dernier ouvrage de Rubichon ?
Écoutons l’historien sévère qui, en ce qu’il va dire, n’accorde pas un mot à la phrase, à l’imagination, à la pointe ; c’est une méthode neuve parmi nous que cette application juste de la science à l’action et au jeu de l’histoire.
Il n’y a que ce moyen d’indiquer, par exemple, qu’on doit prononcer différemment deux mots souvent identiques, comme dans cette phrase : « Le vent est à l’est.
Il serait aisé, d’ailleurs, de faire sourire en citant des parties ou des phrases détachées, et ce ne serait pas juste ; nous laissons passer tous les jours et nous louons des choses qui paraîtront pour le moins aussi singulières et aussi artificielles, quand la mode n’y sera plus.
En effet, les phrases m’en avaient paru longues et laborieuses.
Molé s’est appuyé d’une phrase que M. de Vigny a mise dans la bouche du capitaine Renaud, pour conclure, trop absolument, je le crois, que l’auteur était en garde contre ce sentiment et qu’il s’y était volontairement fermé.
Une autorité de raison, une majesté de caractère singulièrement imposante, garantit à chaque phrase, à chaque mot son acception toute entière.
On recommence alors en divisant la recherche ; on passe tour à tour en revue le paysage, l’architecture, les vêtements, les types, les expressions, les attitudes, le coloris général ; on trouve quelque trait principal et saillant pour chacun de ces fragments, on le note, comme on peut, au passage, par un mot familier ou exagéré, puis, reprenant tous ces résumés, on tâche de les résumer encore en quelque phrase abréviative qui serve de centre à tant de rayons dispersés.
Rhétoriciens excellents — mais purs rhétoriciens, — ils font apparaître les anciens, et même Homère, Comme d’incomparables maîtres de rhétorique : en dix ans de commerce assidu avec les chefs-d’œuvre latins ou grecs, un jeune homme acquiert un trésor de pensées belles à citer dans leur forme parfaite, et l’art d’étendre lui-même des lieux communs ou de les condenser en sentences ; jamais il n’aura senti vivre dans un texte grec l’âme de la Grèce, ou de tel Grec ; il ne se doutera pas qu’on peut tirer d’une phrase d’orateur ou d’une période poétique des émotions aussi profondes et de même ordre que celles qu’excite un temple ou une statue.
Mais Rabelais n’a pas été plus exclusif en fait de langue que systématique en philosophie : placé au croisement du moyen âge et de l’antiquité, il a usé des facilités de son temps : s’il se moquait après Geoffroy Tory des écoliers limousins qui déambulent les compites de l’urbe que l’on vocite Lutéce, il a usé copieusement, hardiment du latinisme dans les mots, dans la syntaxe, dans la structure des phrases : il a été savoureusement archaïque, utilisant la saine et grasse langue de Villon et de Coquillard : il a été enfin Tourangeau, Poitevin, Lyonnais au besoin et Picard, appelant tous patois et tous dialectes à servir sa pensée.
Il eut la vraie bonté, la vraie sensibilité, celle qui ne s’évapore pas en phrases et en larmes, qui est dans le cœur, arme le bras, délie la bourse : il fut le meilleur des fils, des frères, des pères.
Le style primitif ne connaissait ni division de phrase, ni division de mots.
Madame de Sévigné, capable d’écrire et qui a écrit des phrases dignes de Racine par leur tendresse et leur pathétique, était assurément aussi capable que La Harpe d’apprécier les beaux traits de cet admirable poêle.
Rien n’est plus rare que le bon goût, à le prendre en son sens exquis, et je crois que, dans le cas actuel, il ne faudrait viser qu’au suffisant, mais aussi ne jamais perdre une occasion de favoriser l’amour du simple, du sensé, de l’élevé, de ce qui est grand sans phrase.
Un jour qu’il se faisait lire quelque chose devant un de ses amis, celui-ci fit répéter au lecteur une phrase qui avait été mal prononcée
L’auteur se pique d’être vrai avant tout ; cette vérité n’est ici qu’une phrase sentimentale de plus.
Cet éloge, qu’il composa presque en entier avec un heureux tissu de phrases choisies dans Montaigne, annonce, par la pensée comme par le ton, un esprit juste, une oreille juste, une âme sensible, noble, élevée.
Il avait poussé la chicane jusqu’à reprocher aux rédacteurs du Code d’avoir dit dans une phrase : « Le bon sens, la raison, le bien public ne permettent pas, etc. », comme si c’était une pure redondance ; à quoi Portalis répliquait : Nous ne nous engagerons pas dans la question, si la langue française admet ou n’admet pas des mots synonymes ; mais nous dirons que le bon sens et la raison diffèrent, en ce que le propre de la raison est de découvrir les principes, et que le propre du bon sens est de ne jamais les isoler des convenances.
Celui-ci même ne l’avoue point pour élève et pour fils, et Collé, qui se connaît en gaieté, ne devine nullement en lui un confrère et un maître : « M. de Beaumarchais (nous dit Collé) a prouvé, à ne point en douterb, par son drame qu’il n’a ni génie, ni talent, ni esprit. » Cette phrase de Collé, il la corrige dans une note pleine d’admiration et de repentir écrite après Le Barbier de Séville.
À vingt-quatre ans, l’abbé Gerbet annonçait un talent philosophique et littéraire des plus distingués ; en Sorbonne, il avait soutenu une thèse latine avec une rare élégance ; il avait naturellement les fleurs du discours, le mouvement et le rythme de la phrase, la mesure et le choix de l’expression, même l’image, ce qui, en un mot, deviendra le talent d’écrire.
Elle voit Zelmis, et, dès le premier instant, elle est touchée pour lui, comme lui pour elle : « Elle disait les choses avec un accent si tendre et un air si aisé, qu’il semblait toujours qu’elle demandât le cœur, quelque indifférente chose qu’elle pût dire ; cela acheva de perdre le cavalier. » Cette jolie phrase : Il semblait toujours qu’elle demandât le cœur, est prise textuellement d’un petit libelle romanesque du temps sur les amours de Madame et du comte de Guiche.
J’insiste sur ce point parce qu’à détacher telle ou telle phrase de ses lettres, sans distinguer les temps, on pourrait en induire à tort le contraire.
Ce talent, à l’origine, et dans les directions diverses où il s’est si heureusement porté, a été en inaction contre le faux goût établi, contre le convenu en tout genre, contre la phrase, contre l’idée vague et abstraite, contre les séductions pittoresques ou déclamatoires.
C’est au retour d’une de ces petites fêtes, un soir où, après dîner, on avait bu du rhum dans des bols à café, que Beauvoir prononça cette mémorable phrase dans l’omnibus de Neuilly.
Et l’on croasse sur ses livres, sur sa personne, sur sa causerie, sur ses ridicules et jusque sur ses pots de pommades et ses cosmétiques, car il fut longtemps comme Mazarin, qui ne voulait pas déchoir et mettait du rouge pour ne pas paraître mourant, ce que le marquis de Mirabeau a admiré, par parenthèse, dans une phrase magnifique.
Lorsqu’il parle, il bégaye d’abord et répète plusieurs fois les mêmes mots ; ses phrases sont embarrassées ; il ne regarde pas son interlocuteur en face ; il ressemble à ces oiseaux aux grandes ailes qui ont peine à prendre leur vol.
Regardez comme lui les détails physiques de la science, de la religion, de l’État, et réduisez comme lui la science, la religion et l’État à la bassesse des événements journaliers ; comme lui, vous verrez, ici, un Bedlam de rêveurs ratatinés, de cerveaux étroits et chimériques, occupés à se contredire, à ramasser dans des bouquins moisis des phrases vides, à inventer des conjectures qu’ils crient comme des vérités ; là, une bande d’enthousiastes marmottant des phrases qu’ils n’entendent pas, adorant des figures de style en guise de mystères, attachant la sainteté ou l’impiété à des manches d’habit ou à des postures, dépensant en persécutions et en génuflexions le surcroît de folie moutonnière et féroce dont le hasard malfaisant a gorgé leurs cerveaux ; là-bas, des troupeaux d’idiots qui livrent leur sang et leurs biens aux caprices et aux calculs d’un monsieur en carrosse, par respect pour le carrosse qu’ils lui ont fourni. […] Hérodote, précisément avec les mêmes hiéroglyphes, parle bien plus clairement et presque in terminis ; il a eu l’audace de taxer les vrais critiques d’ignorance et de malice, et de le dire ouvertement, car on ne peut trouver d’autre sens à sa phrase : que dans la partie occidentale de la Libye, il y a des ânes avec des cornes1010. » Les sanglants sarcasmes arrivent alors par multitude.
L’idée génératrice d’un poème se développe en des milliers d’imaginations, lesquelles se matérialisent en phrases qui se déploient en mots. […] Des phrases différentes diront des choses différentes si elles appartiennent à une même langue, c’est-à-dire si elles ont une certaine parenté de son entre elles. […] Il faudrait, pour que la correspondance fût équivalence, qu’à une partie quelconque de la machine correspondît une partie déterminée de l’écrou, — comme dans une traduction littérale où chaque chapitre rend un chapitre, chaque phrase une phrase, chaque mot un mot.
Il n’y a que la nation française qui prétende admirer pendant cinquante ans les mêmes phrases musicales, et imposer à une troisième génération les chants qui ont fait l’admiration de leurs aïeux, sans tenir aucun compte des changements qui ont dû s’opérer dans les mœurs, les goûts et les habitudes. […] Nous avons souligné cette dernière phrase parce qu’elle est une preuve de l’instinct improvisateur qui faisait deviner à Geoffroy les choses même qu’il n’avait jamais vues : qu’aurait dit le rédacteur des feuilletons s’il eût resté quelque temps en Italie ? […] François de Neufchâteau : le souvenir de ce drame, qui fit emprisonner l’auteur et priva de sa liberté la Comédie-Française tout entière, n’adoucit en rien sa colère ; elle éclate à chaque phrase, et Geoffroy nous en révèle la cause en citant ces deux vers : Eh ! […] On a dit que Louis XIV était assez pusillanime pour craindre l’esprit : ce n’était point de sa part pusillanimité, mais prudence ; il savait que les beaux-esprits ont rarement le sens commun : le jugement exquis de ce monarque lui faisait sentir le danger de déraisonner et de faire des phrases sur des objets d’une si grande conséquence pour la tranquillité publique. […] Il est évident que par cette phrase Corneille n’a voulu désigner que les tragédies à secrets, à reconnaissances, faites depuis Héraclius, et sur son modèle.
Il les plaint sans phrases, sans raisonnements aussi, sans rien ni de Tacite, ni de Sénèque, ni de Massillon. […] Quelquefois il y a des mots de trop, et, sans embarras, un certain prolongement nonchalant de la phrase. […] Les rythmes impairs permettent et exigent un redoublement d’une des deux rimes qui est très agréable, très périlleux aussi, alanguissant un peu la phrase musicale, mais, précisément pour cela, ôtant au rythme quelque chose de la rigueur et de la raideur qu’il a très souvent en français, et, quand il est employé à sa place, donnant à tout le morceau une flexibilité et une douceur charmantes. […] Ils le sont enchantés d’élégances fausses ou excessives, sous prétexte d’ornements, et embarrassés de phrases longues et sinueuses, sous prétexte de belles périodes. […] Ses phrases sont longues, mais ne sont pas surchargées ; et il a des longueurs, mais point de verbiage.
Nous ne pouvons nous empêcher de considérer comme singulièrement significative, à l’aube d’une histoire où devait si magnifiquement s’épanouir la puissance du mot et du sophisme, cette omnipotence du rhéteur, cette souveraineté de la phrase. […] Le monde, l’individu, l’univers physique, la société ne se perpétuent pas par des phrases, mais par des actes. […] combien nous en sommes pauvres, Méditerranéens, Latins, héritiers de Rome, avec toutes nos phrases sonores et nos gestes héroïques — nos gestes de théâtre ! […] Ce serait là, nous le répétons, comme une simple mesure prophylactique au point de vue moral et mental, exécutée sans phrases et sans animosité. […] Alors le laisser-faire est mis en question et prend bientôt fin… Un droit exclusif ne vous est laissé, concédé, que sous la condition implicite qu’il produira un plus grand bien pour la généralité qui vous laisse faire. » C’est à dire, pour résumer en une phrase la pensée de l’auteur, que le droit de souveraineté d’une nation sur son propre territoire n’est pas un droit imprescriptible, mais qu’il est soumis de par la loi de nature à de certaines conditions.
Albert Lambert fils, toujours très aimable dans les rôles de personnage aimable, aimant, amoureux et aimé — et cette phrase ressemble à un trumeau du dix-huitième siècle — a été aimé, amoureux, aimant et aimable dans le rôle de Xipharès. […] Ces personnages ne font jamais une seule phrase qui se tienne, qui parte d’un endroit pour aller quelque part, qui ait un commencement, un milieu et une fin. […] L’homme qui fait sa phrase, non point la phrase ambitieuse et oratoire, mais la phrase intelligible, est un homme qui ne s’abandonne pas à sa nature animale ou végétative, qui fait avant de parler, même à lui-même, un petit effort de réflexion, ou simplement de préhension de sa pensée : ce qui veut dire qu’il a l’habitude de se posséder, ou au moins de se ressaisir, qu’il n’échappe pas continuellement à lui-même, qu’il n’est pas l’homme d’une suite de « premiers mouvements » successifs, qu’il n’est pas un pur impulsif. […] Sans tant de phrases, elle est précisément une comédie, et non un mélo, l’essence de la comédie étant, depuis qu’elle existe, de se moquer du monde. […] Il disait : « On n’encourage pas assez cette profession, qui demande de l’esprit, de l’éducation, une connaissance assez grande de la langue, et tous les talents extérieurs de l’art oratoire. » — Je demande, moi, que la statue de Voltaire soit placée dans la cour du Conservatoire, avec cette phrase comme inscription.
« Entre mandarins vraiment lettrés, — c’est une phrase de M. […] Et, j’en conviens, la phrase de M. […] Il est surtout une phrase qui leur échappe à tous, et dont je ne puis croire qu’ils aient mesuré la portée. […] Rien que de renverser l’ordre des mots d’une phrase, on la rend claire d’obscure qu’elle était ; vive et légère celle qui était lourde ; nombreuse et harmonieuse, de rude et de cacophonique. […] Encore sait-on le cas que faisait de l’harmonie de la phrase l’auteur de Madame Bovary.
Bien mieux : commencez une phrase dans le faubourg du Sud, on l’achève avant vous dans le faubourg du Nord. […] Il ne pouvait pas achever sa phrase. […] Ne croit-il pas qu’il est d’un art plus élevé de donner l’idée de ce bruit par une phrase musicale qui en est le souvenir et comme le reflet ? […] Vincent marmotta une longue phrase latine dans laquelle il se perdit. […] Sans doute, pour vouloir contenir trop d’idées, la phrase courte risque de s’obstruer.
Tout le monde a de l’esprit à présent, mais, s’il n’y en a pas beaucoup dans les idées, méfiez-vous des phrases.
Cette phrase ne figure pas dans la 1re édition.
La phrase y peut paraître longue, traînante, et c’est là une lettre persane qui ne ressemble en rien assurément pour la forme à celles de Montesquieu ; mais le fond est d’un grand sens, et consulté par Chapelle, il lui répond en le mettant de son mieux en garde contre les principaux défauts auxquels il le sait bien sujet, et aussi contre les conclusions où va trop volontiers la philosophie de Gassendi, leur maître commun.
On a imprimé (et pas encore aussi exactement qu’on l’aurait dû, car pourquoi sans nécessité y changer des phrases ?)
Mais je ferai remarquer que les cœurs honnêtes et les esprits droits comme l’était Vauvenargues rabattent bien vite de certaines phrases en présence des faits.
— Vous sentez, mon cher ami, que c’est une phrase à faire, dont je vous indique ici la substance, et que ce n’est pas d’un cœur bien contrit que je formule cet acte de pénitence.
Comme tout cela est bien senti, bien dit, sans omission, sans phrase !
Mais cet honneur qui vient le saisir ne l’enivre pas ; il le sait et il le dira à merveille dans la première phrase, restée célèbre, de son discours de réception : « Il est des grands hommes à qui l’on succède et que personne ne remplace !
Lui, il ne s’arroge rien d’emblée ; il est graduel pour ainsi dire, et laisse subsister les traces ; il tient compte de tous ceux qui l’ont précédé et aidé ; il les nomme, il les cite pour quelques phrases caractéristiques ; il est plutôt trop indulgent pour quelques-uns.
Viardot, met la note que voici, au sujet des récompenses que les rois accordent aux poëtes vertueux : « Il faudrait supposer à Cervantes, pauvre et oublié, je ne dirai pas bien de la charité chrétienne, mais bien de la simplicité ou de la bassesse, pour que cette phrase ne fût pas sous sa plume une sanglante ironie », je ne puis entrer dans la vivacité de cette remarque et dans ce qu’elle a d’acerbe.
Dans ses descriptions ou analyses pittoresques, son style serré, pressé, procédant par séries, par rangées et enfilades, à coups denses et répétés, par phrases et comme par hachures courtes, aiguës, qui récidivent, a fait dire à un critique de l’ancienne école qu’il lui semblait entendre la grêle rude et drue tombant et sautant sur les toits : Tam multa in tectis crepitans salit horrida grando.
Feuillet de Conches, Joseph II écrivait à Louis XVI avec une véritable cordialité et de l’effusion : « Vous savez que je ne suis pas un diseur de belles phrases ; mais ce n’en sont certainement point, si je vous assure que je vous aime de tout mon cœur et que mon estime et amitié la plus sincère vous sont vouées pour la vie.
Sans doute avant Wolf, il s’était élevé plus d’un doute sur l’origine et la forme première de l’Iliade ou de l’Odyssée, sur l’unité de composition ou d’auteur applicable à des longs poëmes venus de si loin et transmis dans l’obscurité des âges ; mais ce n’avait été que des aperçus, des mots dits en passant, des boutades de gens d’esprit sans autorité, comme l’abbé d’Aubignac, — une phrase sagace et perçante de Bentley, — une conception philosophique de Vico ; Wolf, le premier, donna à la question tout son poids, se livra, en la serrant de près, à une démonstration méthodique, et mit le siège en règle devant la place.
Elle s’est déshabituée d’un nombre de mauvaises expressions ; il lui reste quelques mauvais tours de phrases dont elle se corrigera promptement lorsqu’elle n’entendra plus l’allemand et le mauvais français des personnes qui la servent.
Voici une page que je trouve parfaite en son genre : lisez haut, lisez bien, accentuez et scandez chaque mot, chaque membre de phrase, comme Jean-Jacques le voulait pour son monologue de Pygmalion, et vous sentirez quelle est, en ce genre du pittoresque écrit, l’habileté de MM. de Goncourt : « Sept heures du soir.
Il se sera borné à corriger quelques phrases.
C’est dans un article du Correspondant, de mai 1868, sur la Liberté de l’enseignement, que M. de Montalembert, s’emparant d’une phrase d’un de mes discours au Sénat, m’accuse de renier la liberté, et, poussant selon sa tactique les choses à l’extrême, de reprendre à mon compte la souveraineté du but proclamée par Barbès en 1848, « époque, ajoute-t-il, où M.
Le châtiment d’un jugement si faux et surtout si maussade ne s’est pas fait attendre, car, après avoir transcrit pour les blâmer les deux vers touchants, voici la phrase un peu étrange d’allure que M.
Garnier305 abonde en rhétorique vigoureuse : il a parfois des phrases oratoires d’une réelle ampleur, mais il s’est particulièrement exercé au dialogue pressé, où les répliques se choquent, courtes et vives, vers contre vers : ce sera plus tard la coupe cornélienne.
Avec cela, surtout dans les analyses de sentiments, des lenteurs, des nonchalances, et quelquefois la longue phrase un peu traînante, la période fluide qui s’étale dans la Princesse de Clèves et qu’on retrouve encore dans les romans du XVIIIe siècle.
Il n’y avait qu’un rhéteur, habitué à répéter de vieilles phrases dénuées de sens, pour oser prétendre que ces malheurs venaient des infidélités du peuple 156.
C’est plaisir de voir celui qui a été le sujet de tant de phrases, en faire si peu.
— Nous venons là de reconnaître la première forme des pensées et presque des phrases de René, de ces paroles devenues déjà une musique et qui chantent encore à nos oreilles : Mon humeur était impétueuse, mon caractère inégal.
Quand on a lu certain portrait de Voltaire par Frédéric (1756), portrait tracé de main de maître en toute sûreté de coup d’œil et en toute nudité, on entre mieux encore dans le sens de cette phrase où il vient de dire que ce génie de séduction a de telles grâces, qu’il ressaisit bientôt ceux-là même qu’il a offensés et qui le connaissent23.
Son style est de robe longue, même dans ses lettres où il ne vise point à être pompeux ; mais, à tout moment, il rachète ces défauts réels, ces longueurs de phrase, par des expressions heureuses qui honoreraient Montaigne ; il joint à sa gravité habituelle, à la justesse et à la prud’homie de ses pensées, un agrément qui sent le poète dans la prose.
Mme de Maintenon aida autant que personne et tint la main à cette réforme dont le xviiie siècle hérita : « Je me corrigerai des fautes de style que vous remarquez dans mes lettres, lui écrivait le duc du Maine ; mais je crois que les longues phrases seront pour moi un long défaut. » Mme de Maintenon dit et écrit en perfection.
Ajoutez à cela le mauvais goût du temps : Richelieu n’est pas seulement venu avant Pascal, il s’est formé à la phrase avant Balzac.
Les vocables ne l’effrayent pas, si classique qu’il soit par l’ordonnance des idées, la pureté et l’harmonie des phrases.
Pour me servir de cette phrase, les parties au procès ont produit leurs titres.
La phrase adressée à l’homme : « Si vous n’étiez pas si ingrats, je ferais ceci pour toi » revient constamment dans les contes.
Ils ont l’un et l’autre le nombre dans la phrase : Macaulay, plus de franc jeu et d’opulence dans l’image, et du Méril, qui a gardé un peu du collet monté qu’ils avaient au Globe en 1828, dont il était, je crois moins de naturel et plus d’ingéniosité.
Les phrases vernies du Journal des Débats ne m’éblouissent point.
» Et ce prêtre finissait toujours ses histoires par cette phrase fièrement et tristement jetée : « Nous avons fait notre devoir.
Il suffisait de déclarer qu’à l’avenir on serait tenu de peindre des personnages en chair et en os, et non plus des mannequins surcharges de beaux costumes, de ne plus préférer le mot à l’idée et la phrase au sentiment ; moyennant quoi, la littérature était sauve, la matière vaincue, et l’âme réintégrée dans tous ses droits. […] « Madame de Langeais faisait voir qu’il y avait en elle une noble courtisane, que démentaient vainement les religions de la duchesse. » Cette phrase, avec des milliers de variantes, a été, pour M. de Balzac, toute la poétique du genre. […] Mais, avant de mourir, il a le temps de discourir pendant vingt pages, en interrompant chacune de ses phrases par des exclamations et des parenthèses navrantes. […] Et il écrit cette phrase incroyable : « Le magnétisme, la science favorite de Jésus-Christ et l’une des puissances divines remises aux apôtres », etc… — Sans même sortir de la littérature, ce sont là de ces énormités qui suffisent à gâter un livre, non seulement pour le lecteur chrétien, mais pour le lecteur sensé. […] Il a commencé par dix-sept pages d’une métaphysique si transcendante, il est si résolument remonté en deçà du déluge, il nous a si rigoureusement mis au régime de phrases telles que celle-ci : « Qu’est-ce que cette terre ?
Les dix ou douze citations qui reviennent chacune deux cents fois environ dans ses ouvrages sont des phrases de Montesquieu et Rousseau, des vers de Jean-Baptiste Rousseau et Voltaire. […] Il l’a un peu rempli de phrases. […] Chateaubriand, dans ses œuvres politiques, a plus d’une phrase féroce. […] Remarquez cette phrase de Florus : Plebs appetebat nunc lïbertatem, nunc pudicitiam, nunc natalium dignitatem, nunc honorum decora et insignia. […] Parlement… Fronde… la phrase est faite ; n’est-ce point ce qu’il faut ?
Il trouva moyen d’en avoir un autre exemplaire, qui eut le même sort, ce qui l’engagea à en acheter un troisième, et, pour n’en plus craindre la proscription, il l’apprit par cœur et le porta au sacristain en lui disant : « Vous pouvez brûler encore celui-ci comme les autres. » Comment Racine avait-il pu se procurer jusqu’à deux exemplaires du roman d’Héliodore, — texte grec, comme semble l’indiquer la phrase de Louis Racine ? […] » Et non seulement il extrayait de Plutarque, en abondance, des lieux communs, des préceptes et des maximes, toute une morale admirable, et — quoique purement humaine et non appuyée sur un dogme — assez rapprochée par endroits de la morale du christianisme ; mais encore, avec une singulière subtilité, il notait dans Plutarque toutes les phrases qui paraissaient se rencontrer (en les sollicitant un peu) avec le dogme chrétien, et particulièrement avec cette doctrine de la grâce dont ses bons maîtres étaient obsédés. Et, dans les marges des livres, en regard de ces précieuses phrases païennes, il écrivait : « Grâce… Libre arbitre… Cela est semi-pélagien… Providence… Humilité… Honorer tous les saints… Crainte de Dieu… Amour de Dieu… Attrition… Confession… Pour les catéchismes… Dieu auteur des belles actions… Pénitence continuelle… Ingrat envers Dieu… Péché originel… Martyre… etc. » Il nous est resté une cinquantaine de ces ingénieux rapprochements. […] Dans la Consolation à Apollonius, Racine a mis le mot « Grâce » en marge d’une phrase qui veut dire : « Les hommes n’ont point d’autres bons sentiments que ceux que les dieux leur donnent. » Dans le Banquet des sept sages, il a mis « Grâce » en face de cette phrase : « L’âme est conduite de Dieu partout où il veut. » Dans le traité : Qu’on ne peut vivre heureux selon la doctrine d’Épicure, en face d’une phrase qui signifie : « Ne cache pas ta vie encore que tu aies mal vécu, mais fais-toi connaître, amende-toi, repens-toi », Racine a mis : « Confession. » Dans le traité : Qu’il faut réprimer sa colère, en marge de cette phrase : « Ceux qui veulent être sauvés doivent vivre en soignant toujours leur âme », Racine a mis : « Pénitence continuelle » et a ajouté cette traduction abrégée et tendancieuse : « L’homme a toujours besoin de remède. » Dans le traité : De la tranquillité de l’âme, en face de ces mots : « Il y a dans chacun de nous quelque chose de mauvais », Racine a écrit : « Péché originel ». […] Et la dernière phrase était : « Je ne cesserai point de prier Dieu qu’il vous fasse miséricorde, et à moi en vous la faisant, puisque votre salut m’est si cher. » Le succès de la comédie parfaitement païenne d’Alexandre dut redoubler la douleur de la vieille religieuse et des pieux solitaires.
Le clergé accepta les avances, y répondit par des phrases, et se tint sur la défensive. […] — J’accepte la première partie de la phrase, mais non la seconde : il doit y avoir, il y a dans la vie, des moments de détente intellectuelle, de recueillement et de repos après le mouvement et l’effort, où l’âme, se dérobant à ce qui surexcite pour revenir à ce qui apaise, peut encore, malgré le déclin, la fatigue, le ressentiment des vieilles blessures, se rouvrir aux émotions douces et se laisser reprendre au charme de la poésie. […] Cousin cite une phrase cruelle de son héros, qui me servira à expliquer ma pensée. […] Daunou, laisse subsister cette phrase : « Il offrit le secours de son expérience et de ses talents à la génération nouvelle, qui devait entrer en possession définitive de ses droits, parce qu’elle était devenue capable d’en user avec mesure et d’y tenir avec constance », on sourit de ce passage, et de plusieurs autres qui semblent antidatés, tant ils sont démentis par de récentes épreuves. […] Dans ce livre, qui apporte au service des bonnes causes l’autorité d’un grand talent, d’un nom illustre, d’un jeune et éminent esprit fortifié par de nobles exemples, nous rencontrons, à chaque page, tout ce que nous pensons, mille fois mieux dit que nous ne pourrions le dire ; et puis, tout à côté, comme dernier tribut payé au vieil homme, une phrase, une ligne, un mot, qui prouvent que cette intelligence, éclairée sur tant de points, n’est pas encore désabusée sur tous, qu’elle conserve, à son insu peut-être, quelques secrètes attaches, et tient par quelque endroit aux anciennes chimères.
Le jugement est d’autant plus convainquant pour le lecteur qu’au lieu d’être écrit en phrases il est écrit en actes. […] Il faut à chaque instant dans cette histoire redresser le sens moral qui est dans l’intention de la phrase et qui trébuche sous le mot ; on sent qu’il en coûte trop à l’écrivain de faire justice tout entière, et qu’il réserve toujours une indulgence à la victoire et une amnistie au bonheur.
Mais l’auditeur n’a pas le loisir de se faire répéter une phrase trop compliquée pour être vite entendue ; sa bibliothèque n’est pas là pour lui offrir les vers de tel poète que l’orateur invoque. […] Pourtant nous en avons, au moins à l’état de désir, le sentiment, — sans quoi nous ne saurions écrire deux phrases liées.
Comment, en effet, expliquer le sentiment de la durée si la conscience est une ligne où les diverses perceptions existent l’une en dehors de l’autre et l’une après l’autre, comme les mots sans vie d’une phrase, sans que l’on sente le passage même d’une perception à l’autre et leur continuité ? […] Vous vous apercevrez que vous sentez en vous le cours de la vie sous forme de changements sensitifs : c’est votre respiration qui retentit dans votre conscience, ce sont les battements de votre cœur, ce sont vos muscles qui se tendent et se relâchent, ce sont des images qui passent devant votre esprit, des mots et des phrases qui se succèdent ; en un mot, le temps n’est senti que par le changement, et le changement n’est senti que sous une forme concrète ; un esprit pur dans le temps pur ne saisirait pas les changements du temps même, car que seraient ces changements tout abstraits ?
Darwin m’a écrit que tel était le sens véritable qu’il avait voulu donner à une phrase que son obscurité m’avait fait comprendre autrement et que je donne ici textuellement : « For myself, I venture confidently to look back thousands of thousands of générations, and I see in an animal striped like a zebra, but perhaps otherwise very differently constructed, the common parent of our domestic horse, whether or not it be descended from one or more wild stocks, of the ass, the hemionus, quagga and zébra. […] Darwin a voulu donner à sa phrase.
Il est dans son fauteuil quand il écrit, et il vous y laisse en le lisant : ou, s’il se lève, ce n’est que pour faire deux ou trois tours de chambre, pendant lesquels il arrange sa phrase et concerte son expression.
Parlant de l’impression que cause sur place la vue du Forum contemplé du haut des ruines du Colisée, et se laissant aller un moment à son enthousiasme romain, il craint d’en avoir trop dit et de s’être compromis auprès des lecteurs parisiens : « Je ne parle pas, dit-il, du vulgaire né pour admirer le pathos de Corinne ; les gens un peu délicats ont ce malheur bien grand au xixe siècle : quand ils aperçoivent de l’exagération, leur âme n’est plus disposée qu’à inventer de l’ironie. » Ainsi, de ce qu’il y a de la déclamation voisine de l’éloquence, Beyle se jettera dans le contraire ; il ira à mépriser Bossuet et ce qu’il appelle ses phrases.
Pour rendre son français plus agréable, il a sacrifié la période de Cicéron ; il a coupé, retourné les phrases de son modèle, ce qu’au contraire a voulu éviter le jeune traducteur, plus fidèle à l’ordre et au tour périodique du latin.
Quand vous ne prendriez que les mauvais tours de phrase et l’accent du Bordelais, et ne perdriez pas de cent autres côtés, vous seriez toujours blâmable du long séjour que vous y faites.
Et ce père, de la part de qui le magistrat lui remet une lettre cachetée et de très ancienne date, qui était en dépôt chez lui, une lettre à grandes phrases et passablement déclamatoire, est-il naturel qu’il en ait voulu pendant dix ans à sa fille (car il a beau dire, il lui en veut), pour un mouvement d’enfant qui, entre les deux, lui a fait choisir sa mère ; que, pendant dix ans, il ne lui donne aucun signe d’affection et qu’il la mette, quand elle reviendra à lui, dans cette alternative cruelle de tout ou rien ?
Il y a dedans beaucoup de phrases, de bassesse et de fausseté ; malgré cela, j’ai cru devoir en paraître la dupe et croire à tout ce qu’il disait.
Que l’on mette aujourd’hui cette phrase mystérieuse et pleine de sous-entendus en regard de la page des Mémoires où éclate le Mirabeau véritable dans toute sa hideur et sa beauté91 : rien ne nous montre mieux combien l’histoire a de doubles fonds, et tout ce que la postérité a à faire avant d’arriver sur bien des points à savoir le dernier mot ; il y aura auparavant à lever bien des scellés et à ouvrir bien des serrures.
On m’assure qu’à propos de cette manie qu’avait Louis-Philippe de démolir ses ministres les uns par les autres, et de les user pour sa plus grande gloire, on y lit cette phrase ou quelque chose d’approchant : « Je n’aime pas ces ogres de réputation qui croient augmenter la leur en dévorant celle des autres. » 44.
Le trait, s’il existe, était dans la dernière phrase. — Pour toute réponse à cet envoi de démission, Jomini reçut l’ordre du ministre Clarke de se rendre en poste à Paris et de se présenter à lui dans les vingt-quatre heures après son arrivée.
Il ne sait ni s’arrêter, ni finir sa phrase ; le sens est noyé.
En même temps le talent d’écrire y gagne ; la jeune fille, désormais femme forte, est maîtresse de sa plume comme de son âme ; phrase et pensée marchent et jouent à son gré.
Rien n’y jurait avec le sentiment religieux de l’auteur que quelques phrases de scepticisme mal articulées sur le dogme religieux du moment.
Au reste il écrit « à la vieille française », avec une belle furia, enjambant les obstacles de la syntaxe, forçant la phrase à le suivre par-dessus les barrières des règles, n’ayant souci que d’aller au but, et sans crainte de se casser le cou : toujours clair, toujours vif, toujours fort, il a des constructions troubles, incorrectes. incohérentes, étirées ou estropiées : que lui importe ?
La phrase est sentencieuse ; elle a le relief d’une belle médaille ; parfois une image saisissante, une comparaison imprévue y jettent leur clarté.
Et ces dernières pages, si belles, tandis que je les parcours, je suis sans doute arrêté par des phrases éclatantes comme celle-ci, qui termine un morceau sur le rôle de l’amour dans le développement de notre être moral : «… Tout au long de nos années, il s’est donc enrichi ou appauvri, au hasard de cette passion souverainement bienfaisante ou destructive, le trésor de moralité acquise dont nous sommes les dépositaires : infidèles dépositaires si souvent, et qui préparons la banqueroute de nos successeurs parmi les caresses et les sourires. » Ou bien ce passage m’éblouit comme un magnifique éclair : «… L’amour seul est demeuré irréductible, comme la mort, aux conventions humaines.
Au nom de ce principe, nous pouvons approuver les formes les plus différentes : la phrase ample et majestueuse de Bossuet déroulant les destinées des empires et le caquetage vif, sautillant, coupé, le style parlé de Marivaux analysant les menus états d’esprit d’une jeune fille ; les vers aisés, inégaux et sinueux, qui se moulent avec tant de souplesse sur la pensée de La Fontaine, et les larges vagues de mélodieux alexandrins où se berce mollement la rêverie de Lamartine.
Entre l’exorde et la péroraison de sa phrase, on fumerait trois cigares.
Une phrase malheureuse qui lui échappa, et sur laquelle nous reviendrons, le fit plus homme de parti qu’il n’aurait fallu.
Or, pour arriver à cet heureux résultat, il a suffi d’élaguer tout ce qui ne tenait pas nécessairement aux mémoires, de substituer aux deux cents premières pages, dénuées d’intérêt dans le manuscrit, une courte introduction qui mit le lecteur au fait des événements antérieurs au mariage de Mlle d’Esclavelle avec M. d’Épinay ; de supprimer entièrement un dénouement tout à fait romanesque, en le remplaçant par une simple note ; enfin d’ajouter çà et là, dans le courant du texte, quelques phrases servant à rapprocher les passages entre lesquels il avait été fait des coupures indispensables : en sorte que, nous pouvons l’affirmer, c’est bien le manuscrit copié sous les yeux de Mme d’Épinay, et apostillé de sa main, qui a été mis entre celles des imprimeurs, et qu’ils ont suivi exactement dans tout ce qui a été conservé.
Mais si je n’apprends bientôt votre amendement, votre rentrée au sein de l’Église, je laisserai peut-être les Anglais et me tournerai contre vous pour extirper l’affreuse superstition… Le clerc qui lui servait de secrétaire avait pu lui arranger ses phrases, mais ce devait être assez sa pensée.
L’époque qu’il avait choisie était la moins propice aux grandes phrases et à ce qu’on nomme éloquence.
Tout cela est vrai, et pourtant il est un point par lequel Fontenelle va reprendre aussitôt sa revanche sur Pascal lui-même ; car, dans cette vue admirablement sentie et embrassée tant au physique qu’au moral, Pascal, à un endroit, a corrigé lui-même sa phrase, l’a rétractée et altérée pour faire tourner le soleil autour de la terre et non la terre autour du soleil.
Buffon reconnaissait à Montesquieu du génie, mais il lui contestait le style : il trouvait, surtout dans L’Esprit des lois, trop de sections, de divisions, et ce défaut, qu’il reprochait à la pensée générale du livre, il le retrouvait encore dans le détail des pensées et des phrases ; il y reprenait la façon trop aiguisée et le trop peu de liant : « Je l’ai beaucoup connu, disait Buffon de Montesquieu, et ce défaut tenait à son physique.
Cette Renommée qui est une grande causeuse me rappelle une des grâces du style de Mme de Motteville, style simple, assez uni, assez peu correct dans l’arrangement des phrases, retouché peut-être en bien des endroits par l’éditeur, mais excellent et bien à elle pour le fond de la langue et de l’expression.
Dans la première entrevue qu’il eut avec Bonaparte, il y fut fait allusion par une phrase gracieuse du maître.
Quatorze années de gloire, de grandeur et de reconstruction sociale, avec même tous les désastres de la fin, ne se suppriment pas dans la mémoire et dans la vie d’une nation, comme une parenthèse dans une phrase trop longue.
Les fréquentes coupures de L’Esprit des lois, le morcellement des chapitres, composés quelquefois d’une seule phrase, annoncent aussi ou un certain embarras d’ordonnance, ou une certaine prétention.
Dans une lettre écrite contre l’opéra d’Omphale en 1752, il disait : « J’avoue que je regarde l’admiration et le respect que j’ai pour tout ce qui est vrai talent, dans quelque genre que ce soit, comme mon plus grand bien après l’amour de la vertu. » Il n’y avait pas longtemps que Grimm arrivait d’Allemagne quand il écrivait cette phrase.
« Le bon sens (dit Descaries dans la première phrase du Discours de la méthode) est la chose du monde la mieux partagée. »
S’il ne joint un beau geste à L’art de bien parler, Si dans tout son dehors il ne sait se régler, Sa voix ne charme plus, sa phrase n’est plus belle, Dès l’exorde j’aspire à la gloire éternelle ; Et dormant quelquefois sans interruption, Je reçois en sursaut sa bénédiction.
Elle en a la couleur, elle en a l’organisme de la phrase si svelte et si souple ; le tour, l’harmonie, la chute heureuse, la résonnance du dernier mot.
Puissé-je écrire jamais comme on essuyait les meubles, la mée, le buffet, le lit, (il n’y avait même pas d’horloge), puissé-je avoir jamais cette impression de victoire et de calme, cette certitude, cette plénitude, cette solitude, cette impression de possession définitivement, irrévocablement acquise, au moins pour un jour, puissé-je devant une phrase fouillée comme un buffet avoir cette vivante, cette laborieuse, cette ouvrière certitude, être sûr qu’au plus creux des fines, des délicates, des droites, des robustes moulures, pas plus qu’au plat le plus plan, au plat du plus large plan, au plus beau plat de bois luisant, au plus beau panneau, être plus que mathématiquement sûr qu’il ne reste pas pour aujourd’hui un grain de la poussière d’hier, sur le bois luisant, sur le noyer ciré d’avoir été ciré, d’avoir été frotté tant de fois tant de jours que derechef il ne reste pas un atome de poussière. […] Il n’y aurait jamais eu de troisième temps si un jeune homme avisé n’avait un jour écrit au crayon sur un morceau de papier cette phrase que je livre à vos méditations : J’ai rime à dait. […] Qu’au demeurant cette phrase montée en épingle, et sur laquelle on s’extasie dans les pensionnats : Un horizon fait à souhait pour le plaisir des yeux était la phrase que je haïssais le plus de toute la littérature française ; et de toutes les littératures que je connais ; et de celles que je ne connais pas. […] Il n’y a pas un mot, pas un vers, pas un demi-vers, pas un membre de phrase, pas une conjonction, il n’y a pas un mot qui ne porte pour mettre l’adversaire, (le père), dans son tort.
« J’ai puisé la vie en Corse, disait un de ces personnages, j’ai puisé la vie en Corse, et avec elle un violent amour pour mon infortunée patrie et pour son indépendance. » Il jetait sur le papier des phrases comme celle-ci : « Les Corses ont pu, en suivant toutes les lois de la justice, secouer le joug génois et peuvent en faire autant de celui des Français. […] Enfin, après avoir dépeint, en termes enchanteurs, l’agrément des « chères études », il feignit de regretter ce qu’il venait de dire, et se tournant avec grâce vers le héros de son panégyrique, il eut l’aplomb de prononcer sans rire, cette phrase monumentale : Ah ! […] Ses premières phrases furent un hymne en l’honneur des progrès de l’esprit humain. […] Je ne sais plus, et je veux lui parler, je cherche, modifie mes tours de phrase ; je veux le forcer à s’occuper de moi, enfin je me trouve bête comme une oie. […] Et il y a quelque chose d’effrayant dans cette phrase, si simple, de M.
Rappelez-vous ces « départs » de phrases musicales : Arrêtons-nous sur la colline… Puis : Repassons nos jours, si tu l’oses… Puis : Hélas ! […] Or, il est certain que Victor Hugo, par exemple comme Lucain, comme Juvénal, comme Claudien, encore qu’avec beaucoup plus de génie fatigue assez souvent et accable l’esprit par un éclat trop dur, par des saillies trop vigoureusement éclairées, par trop de perfection dans l’agencement du style, trop de justesse dans les jointures des phrases, trop d’exactitude dans les comparaisons, trop d’ordre et de symétrie dans la composition des morceaux, trop de « beautés » d’un caractère un peu étroitement « littéraire » et prévu par les Traités de rhétorique ; et qu’enfin, il y a trop de Boileau dans Victor Hugo, même dans le prodigieux versificateur des Contemplations et de la Légende des siècles. […] « L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature, mais c’est un roseau pensant. » (Ce n’est pas ma faute si cette phrase, si belle, est vieille de deux cent trente ans, ou à peu près.) […] Des phrases indéfinies, et dont les contours flottent et ondulent ; pas d’arêtes, pas d’antithèses ; une syntaxe molle, fluide, à peine correcte si l’on y regarde de près ; la plus élémentaire juxtaposition des détails ; tout au même plan ; un afflux de sensations à peine ordonnées… Lamartine, je le répète, est le moins classique et le plus vraiment primitif de nos grands poètes.
Ohnet a des mouvements, pour nous présenter ses baronnes et ses duchesses, qui donnent un grand mal de cœur ; je ne puis lire cette simple phrase sans être exaspéré : « Hélène prenait un secret plaisir à toucher ce tissu merveilleux. […] Pas de phrases, point de paroles vaines et ornées ; partout la vérité des faits et l’éloquence des choses. […] Je rencontrais tantôt cette phrase dans la vie d’un des Pères de la Thébaïde : « Il lisait les Écritures pour y trouver des allégories. » Il faut aux disciples de M. […] Ne tourmentons ni les phrases ni les pensées. […] Ce bel in-quarto contient une préface nouvelle du meilleur des éditeurs, où je trouve cette phrase : « Pour peu qu’on étudie avec quelque attention notre poésie contemporaine, on sera frappé de l’influence pénétrante que l’art d’André Chénier n’a cessé d’exercer sur elle. » On voit que M.
Deux ans après il tombe dans le Tibre, pense se noyer, et, s’apercevant qu’il en est quitte pour un bain de pieds, sort du fleuve en chantant la phrase musicale vainement cherchée jusque-là11. […] J’ai passé quatre heures sans pouvoir faire une phrase. […] La besogne est ainsi préparée d’avance pour chaque fragment de l’œuvre… Le plan définitif, où tout ce qu’il y a d’important est noté, même les dates des épisodes, et, quand il le faut, des plans d’appartements et d’autres lieux, n’a plus qu’à être traduit en phrases plus détaillées et plus littéraires. » « Comme on le voit, M. […] Je ne parlerai guère non plus des phrases incohérentes qu’on recueille chez quelques écrivains. […] Pour le dire en passant, et pour montrer la déviation dans la critique et la routine qui s’ensuit, on reproche constamment à Scribe des phrases qu’il n’a pas écrites ou qui sont à peu près passables et on n’en relève jamais chez lui qui sont bien plus extraordinaires.
Au premier regard, on croit qu’on n’avance point, on ne sent point à chaque phrase qu’on a fait un pas. […] Certainement, après son latin, ceci est du bas-breton. » — Puis, au plus fort des malédictions des juges78 : « Au fait, et pas de phrases ; pas de grâce non plus. […] She carries with her an infectious grief, That strikes all her beholders ; she will sing The mournful’st things that ever ear hath heard, And sigh, and sing again ; and when the rest Of our young ladies, in their wanton blood, Tell mirthful tales in course, that fill the room With laughter, she will, with so sad a look, Bring forth a story of the silent death Of some forsaken virgin, which her grief Will put in such a phrase, that, ere she end, She’ll send them weeping, one by one, away.
Tout est nouveau ici, les idées, le style, le ton, la coupe des phrases et jusqu’au dictionnaire. […] Un chiffre, un détail de dépense, une misérable phrase de latin barbare est sans prix aux yeux de Carlyle. […] Sous cette mince enveloppe de conventions et de phrases gronde sourdement la démocratie irrésistible.
Raisonnements « La médecine restera dans l’empirisme tant que la monarchie traditionnelle et héréditaire ne sera pas rétablie en France. » Quand j’ai lu le matin une belle phrase, j’ai du plaisir pour toute la journée, car si j’aime à raisonner, j’aime encore plus à entendre déraisonner. […] Je pense que la phrase ci-dessus répond à ces conditions. […] Cette phrase emberlificotée veut dire que les uns écrivent la automne et les autres le automne.
Pour bien comprendre l’étendue du sens impliqué dans cette phrase, il faut se figurer les usages nombreux et ordinaires du dictionnaire. On y cherche le sens des mots, la génération des mots, l’étymologie des mots ; enfin on en extrait tous les éléments qui composent une phrase et un récit ; mais personne n’a jamais considéré le dictionnaire comme une composition dans le sens poétique du mot. […] et finit généralement par une phrase pleine d’aigreur qui équivaut à un regard d’envie jeté sur les bienheureux qui comprennent l’incompréhensible.
Et cet ordre et cette complication lui font nécessairement l’effet d’une réalité positive, étant de même sens qu’elle, Quand un poète me lit ses vers, je puis m’intéresser assez à lui pour entrer dans sa pensée, m’insérer dans ses sentiments, revivre l’état simple qu’il a éparpillé en phrases et en mots. […] A mesure que je me laisserai aller, les sons successifs s’individualiseront davantage : comme les phrases s’étaient décomposées en mots, ainsi les mots se scanderont en syllabes que je percevrai tour à tour. […] J’admirerai alors la précision des entrelacements, l’ordre merveilleux du cortège, l’insertion exacte des lettres dans les syllabes, des syllabes dans les mots et des mots dans les phrases.
Pour bien juger de l’esprit de ces lettres, il ne faut point les prendre par telle ou telle phrase détachée, mais il convient de les lire dans leur ensemble.
Mais il a pu retoucher son traité et y ajouter çà et là quelques phrases après l’avoir composé.
Dans l’intervalle des phrases de Duclos que j’ai rapprochées, celui-ci a eu soin d’introduire un brillant éloge d’Agnès Sorel et un mot sur Jeanne d’Arc, qu’il appelle d’ailleurs une généreuse fille ; mais Agnès Sorel a tous les honneurs : Ce fut la maîtresse pour qui Charles eut la plus forte passion et qui fut la plus digne de son attachement : sa beauté singulière la fit nommer la belle Agnès… Rare exemple pour celles qui jouissent de la même faveur, elle aima Charles uniquement pour lui-même, et n’eut jamais d’autre objet dans sa conduite que la gloire de son amant et le bonheur de l’État.
Dès la première phrase, Marianne, qui prend la plume, se fait prier et craint de gâter son histoire en l’écrivant : « Car où voulez-vous que je prenne un style ?
. — Un jour, me parlant de Chateaubriand, Ballanche me disait : « Ne croyez-vous pas, monsieur, que le règne de la phrase est passé ?
[NdA] J’ai dû, à cet endroit, changer et mettre deux ou trois mots dans le texte, mais seulement pour éclaircir la phrase, restée elliptique et inachevée.
Voici les principaux endroits de ces pages énergiques peu connues, digne prélude de celles de la Ménippée ; je n’ai fait qu’y couper des longueurs et en resserrer quelques phrases : Il y aurait lieu de décrire tout au long quel est le roi qui nous commande.
C’est ce que je vais essayer, à mon tour, de retracer religieusement et sans phrases.
Interrompu presque à chaque phrase par cette majorité, ainsi atteinte à son endroit sensible, et qu’il dénonçait, elle royaliste par excellence, pour son manque réitéré de respect envers la royauté, rappelé même à l’ordre, il s’arrêtait imperturbable et reprenait derechef, résolu à ne pas laisser briser le fil de sa déduction rigoureuse et de son énumération vengeresse.
C’est un soldat en campagne ; il voit, il pense, il sent en même temps, et sa phrase dit comme elle peut tout cela.
Il est de ces esprits qu’une façon de phrase, Un certain choix de mots tient un jour en extase, Qui s’enivrent de vers comme d’autres de vin, Et qui ne trouvent pas que l’art soit creux et vain.
Il y a eu un temps, non encore très éloigné, où lorsqu’il y avait pour le Gouvernement, par exemple, à écrire quelque pièce publique et d’apparat, on cherchait ce qu’on appelait une belle plume ; où l’on recourait à un Pellisson, à un Fontenelle, à un Fontanes, pour mettre en belles phrases une instruction, un manifeste politique, pour rédiger un rapport.
Je ne puis résister à en donner quelques phrases ; le critique vient de faire une citation : « À de pareils vers, dit-il, qui ne s’écrierait avec La Harpe : Entendez-vous le chant du poëte ?
Mais tous sourient à ce beau temps inespéré des jours avancés de l’automne ; leurs conversations, plus animées que de coutume, renferment, entre autres, une phrase que j’entends depuis quelques jours avec un attendrissement inexprimable ; elle est répétée, commentée sur tous les tons, de toutes les manières, avec des inflexions de voix qui me vont à l’âme : « Quel beau temps pour nos blés !
non pas ; tout cela est de la fausse rhétorique et de la pure phrase.
Je ne saurais rendre l’effet désagréable que produit sur moi, par instants, ce style bizarre, baroque, bariolé de métaphores et de termes abstraits, à phrases courtes, à paragraphes secs, décharnés, qui sentent encore le résumé du contentieux, et qui poussent par soubresauts l’éloquence du factum jusqu’à une sorte d’élancement lyrique.
Il retourne et déguise en prose ces phrases altières et sonores qui vont si bien à l’allure des héros, et il se demande si c’est là écrire et parler français.
Il faut en le lisant bien définir les mots dont il se sert, et l’on verra, par exemple, quand il trouve du sublime dans une phrase assez vulgaire d’Hérodote, ou quand Ménage en trouve dans la satire des Embarras de Paris, on verra que pour Boileau et pour Ménage, pour les gens de ce temps-là, le sublime répond à peu près à ce que nous appelons l’intensité expressive du langage.
Il a naïvement frémi d’admiration en expliquant Homère et les tragiques grecs, il a vécu de la vie des anciens, il a senti la beauté antique, il a connu la magie des mots, il a aimé des phrases pour l’harmonie des sons enchaînés et pour les visions qu’elles évoquaient en lui.
La même phrase sert de conclusion aux deux œuvres ; voyez pourtant quel contraste : Et, pour tout dire enfin, jaloux ou non jaloux, Mon roi, sans me gêner, peut me donner à vous, dit Done Elvire, et Dom Garcie s’écrie : Ciel, dans l’excès des biens que cet aveu m’octroie, Rends capable mon cœur de supporter sa joie… !
Il est clair alors qu’il n’y a pas de mots communs à toutes les langues, et nous ne pouvons avoir la prétention de construire je ne sais quel invariant universel qui serait compris à la fois par nous, et par les géomètres fictifs non-euclidiens dont je viens de parler ; pas plus que nous ne pouvons construire une phrase qui soit comprise à la fois des Allemands qui ne savent pas le français et des Français qui ne savent pas l’allemand.
Tout n’est point ici synonyme de chaque, pas plus que dans cette phrase : Tous les départements de France forment un espace de tant de lieues carrées.
Béranger chansonnera les commissaires et les procureurs du roi, pendant que Paul-Louis Courier criblera de railleries les phrases emphatiques du maladroit harangueur chargé de requérir contre lui.
« Les jansénistes, disait Voltaire, ont la phrase longue ».
La plupart n’ont laissé que des strophes éparses, des phrases inachevées ou insignifiantes qui rappellent ces sons confus dénués de mémoire et presque de sens, que les Ombres échangent au bord du Le thé.
Quant aux phrases que je cite des anciens écrivains, persuadé du grand sens de cette devise de la Communauté des savetiers : Nihil sub sole novum, Rien de nouveau sous le soleil, plagiat pour plagiat, j’ai cru qu’autant valait être l’écho d’Homère, de Cicéron et de Plutarque, que de l’être des clubs et des cafés, que d’ailleurs j’estime beaucoup.
Tous ceux qui ont parlé d’elle ont noté ce tour précis de son esprit et cette justesse dans le brillant : elle était de cette école de la fin du xviie siècle, à qui Mme de Maintenon avait appris que les longues phrases sont un défaut.
Cette phrase a paru trop forte pour être de Mme de La Vallière.
On s’est même emparé de phrases très vives qui lui étaient échappées sur le pape à l’occasion du couronnement de Napoléon et les voltairiens ont pu se réjouir, tout en ayant l’air de se scandaliser.
En matière de goût, Mme Necker, peu sûre d’elle-même et ne jugeant que par réflexion, ainsi qu’il est ordinaire aux personnes qui ont passé leur jeunesse loin de Paris, crut, en y arrivant, qu’il n’y avait sur ce point qu’à prendre des leçons comme pour tout le reste : « Le seul avantage de ce pays, écrivait-elle après un an de séjour, est de former le goût, mais c’est aux dépens du génie ; on tourne une phrase en mille manières, on compare l’idée par tous ses rapports… » Et elle crut atteindre elle-même au goût en faisant subir à ses idées cette sorte d’épreuve et presque de tourment.
Il ne cessait de dénoncer, dans des phrases dignes de l’ancien et fougueux Raynal, « la superstition, disait-il, qui transforme l’homme en bête, le fanatisme qui en fait une bête féroce, le despotisme qui en fait une bête de somme ».
L’on a prétendu qu’un auteur se peignait dans ses écrits : on peut dire de Volney qu’il se peint dans la tournure de ses phrases.
L’industrie, après avoir été ainsi l’art primitif des hommes, s’est subtilisée toujours davantage : elle a travaillé sur des matériaux de moins en moins grossiers, depuis le bois et le silex, façonnés par l’artisan des premiers âges, jusqu’aux couleurs mêlées de nos jours sur la palette du peintre ou aux phrases arrangées par le poète et l’écrivain.
Il a la phrase agile de Voltaire ; un grand goût de nouveauté l’anime : il est excessivement habile à défendre ses admirations.
Il ira, cet ignorant dans l’art de bien dire, avec cette locution rude, avec cette phrase qui sent l’étranger, il ira en cette Grèce polie, la mère des philosophes et des orateurs ; et, malgré la résistance du monde, il y établira plus d’églises que Platon n’y a gagné de disciples par cette éloquence qu’on a crue divine.
Une vie déjà presque enfuie n’était plus capable de résister au choc de ces achevées et impitoyables phrases qui la tiraient dans l’au-delà.
Après de longues années de grandes phrases et de pretintailles philosophiques, un esprit perçant, avisé, calmé par la critique et la science, conclut comme eux.
Nettement n’a pas plus dans sa phrase incorrecte, nombreuse, et comme grasse, que dans son esprit qui n’est jamais tendu que parce qu’il est un peu enflé, les jointures dont parle quelque part La Rochefoucauld.
J’ai compté, page 224 (et c’est sa manière habituelle), vingt-quatre vers pour une seule phrase, ce qui, en prose même, serait long.
Panizza citer plus haut une phrase empruntée au volume : L’abstinence sexuelle comme nécessité monde, vient d’en faire paraître un second, où son formidable individualisme éclate et resplendit dans toute sa puissance.
L’aventure des Romantiques, qui prétendirent remédier à l’affadissement du classicisme à son déclin, me rappelle une phrase que j’ai lue, je ne sais plus où. […] J’entrais en pleine possession des sympathies de ma nature est une phrase belle et nette. […] Serait-ce point afin de ne rien devoir à Boileau, qui a dit, en parlant de Ronsard : Ce poète orgueilleux trébuche de si haut… Voici une fort jolie correction : « J’aurais été heureux de rencontrer Pellico et Manzoni, rayons d’adieu de la gloire italienne. » Au lieu de : « Derniers rayons de la gloire italienne prête à s’éteindre. » Phrase languissante. […] Il pensait que les ratures de ces maîtres seraient un aiguillon et un guide pour corriger, polir, arrondir les phrases. […] Il y a dans ces Mémoires d’un touriste de jolis tableaux, faits avec des phrases bien arrangées, quoique Stendhal aime à confondre Chateaubriand et Salvandy.
L’introduction de l’année précédente parut si bien exprimer alors les sentiments publics, qu’elle fut accueillie par des applaudissements à tous les principaux passages ; mais son effet n’égala pas pourtant celui de l’introduction suivante, qui fut couverte d’acclamations générales presque à toutes les phrases. […] « Mourante de frayeur, elle tombe : Là, le vers, par sa chute, semble s’évanouir avec elle ; et deux syllabes inattendues viennent en soutenir la fin, en relevant la phrase poétique. […] Toutes leurs phrases seront enchaînées par ces retours, où l’oreille sera trompée par leur suspension chaque fois qu’un sens finira sans que la mesure des sons soit accomplie ; la phrase suivante, engagée dans le reste de ce rythme tronqué, ne se prolongera souvent qu’en jetant la même confusion d’harmonie dans les autres mesures : de là résultera la discordance générale. […] Ils ne se distingueront plus de la phrase du prosateur dont ils n’auront pas la facile éloquence, et dès lors l’égalité de leur scandaison syllabique fera le supplice de l’oreille, à tout coup heurtée de leur chute dissonante. […] L’un explique après, en pénibles phrases, le regret filial de Nisus, qui part à l’insu de sa mère, et qui la recommande, en pleurant, aux bontés d’Ascagne, s’il ne doit pas survivre à cette expédition.
Petites phrases jolies d’ailleurs, point de figures brillantes ; point de mouvements oratoires. […] Jamais il ne me fut plus douloureux de prononcer un refus », c’est qu’au même temps Chateaubriand, en qualité de président du collège électoral du Loiret, lui présentait une adresse « où brillaient ces phrases », comme dit M. […] Avec cette physionomie entièrement inconnue à Paris, elle a les manières simples, la voix, l’accent, la phrase brisée, la politesse relevée et pourtant familière de la femme essentiellement comme il faut. […] », et projette sur Kipling les cinq ou six phrases qui lui ont servi, il y a quelques années, sur d’Annunzio. […] C’est précisément l’espèce la plus inextricable, et vous le savez très bien ; car aux malades vous dites toujours dans la même phrase, à très peu près, une vérité, la vérité et, aussi, un mensonge.
Pas une phrase « écrite » ; jamais on n’a plus subtilement usé de la syllepse, de l’ellipse, ni de l’anacoluthe. […] C’est comme si le grand dramaturge, pour avoir, dans sa vie, trop imaginé de ces situations violentes, trop développé de ces tragiques conflits, n’avait plus eu, cette fois, le courage de faire l’effort qu’il faut pour se mettre à la place de ses personnages, pour se congestionner consciencieusement sur leur cas, pour se représenter leurs émotions et trouver des phrases qui les expriment avec quelque précision et quelque force.
Le langage d’Auguste dans Cinna lui paraît emphatique, et il met la prose de Molière, tout en ne la trouvant pas assez naturelle, au-dessus de ses vers, « où il a été gêné, disait-il, par la versification française168. » Mais la rime n’est pas la seule gêne pour notre poésie ; il en est une autre, plus incommode peut-être : ce sont nos habitudes de langage direct, c’est la rigueur de notre syntaxe, c’est cette place fatale que chaque mot occupe dans la phrase, « ce qui exclut toute suspension de l’esprit, toute attention, toute surprise, toute variété, et souvent toute magnifique cadence. » Pour y remédier, Fénelon propose l’inversion ; il en fait valoir fort ingénieusement les avantages. […] La pensée générale en est excellente ; c’est partout le simple, le vrai, le naturel, que recommande Fénelon, et chacune de ses phrases en est comme un modèle.
Remy de Gourmont proteste justement contre cette phrase « Hugo fut toute la poésie et toute la pensée du xixe siècle. » La question ainsi posée ne peut en effet recevoir qu’une seule réponse : non. […] — « Hugo fut toute la poésie et toute la pensée du xixe siècle. » J’observe aussitôt que la phrase n’est pas une.
Son mécanisme est essentiellement moteur, c’est-à-dire qu’elle agit toujours sur des muscles et par des muscles, principalement sous la forme d’un arrêt ; et l’on pourrait choisir comme épigraphe de cette étude la phrase de Maudsley : « Celui qui est incapable de gouverner ses muscles est incapable d’attention. » L’attention, sous ses deux formes, est un état exceptionnel, anormal, qui ne peut durer longtemps parce qu’il est en contradiction avec la condition fondamentale de la vie psychique : le changement. […] Il est arrivé à tout le monde d’être poursuivi par un air musical ou une phrase insignifiante qui revient obstinément, sans raison valable. […] Ils pouvaient, sans fatigue, lire six à dix fois une phrase, mais sans comprendre ce qu’ils avaient lu et sans penser cependant à autre chose.
Baudelaire a été frappé comme par une révélation ; il s’est aperçu, épouvanté et ravi, qu’il avait imaginé des sujets que Poe avait imaginés vingt-cinq ans auparavant, qu’il avait écrit des phrases que Poe avait écrites vingt-cinq ans auparavant : et donc il était, dans un certain sens, le double d’Edgar Poe. […] Ceux-ci donnent à leurs phrases, à leurs mots mêmes, non pas un seul sens, parfaitement défini, mais plusieurs sens possibles. […] Tout d’un coup, après un discours, au milieu d’une description, au cours d’une analyse, un frisson lyrique parcourait leurs phrases, et communiquait aux cœurs un frémissement qu’il ne s’agissait pas d’expliquer, mais de sentir. […] — Du même De Quincey : The French, in whom the lower forms of passion are constantly bubbling up from the shallow and superficial character of their feelings, have appropriated all the phrases of passion to the service of trivial and ordinary life ; and hence they have no language of passion for the service of poetry or the occasions really demanding it ; for it has been already enfeebled by continual association with cases of an unimpassioned order… In France, Ciel !
C’est lui qui est l’auteur de la célèbre phrase : « Les secours les plus empressés n’ont pu le rappeler à la vie », appliquée à un suicide de trois jours, et à propos de laquelle les héritiers de Lapalisse voulaient lui intenter un procès. […] Assister à la conception et confection du roman, drame ou feuilleton du maître ; entendre chapitre par chapitre, scène par scène, phrase par phrase, les vagissements de l’œuvre nouvelle, la caresser au berceau du manuscrit, lui faire des risettes, lui offrir des morceaux de sucre ou des bonbons, et avoir pour elle tous les soins que demande un nouveau-né qui pousse sa première dent. […] Mais ce fut inutilement que je cherchai la phrase dans mon dictionnaire. […] Son grand geste sculptural, ses fières allures, ses hautaines attitudes, cet organe sonore, plein, l’un des plus magnifiques instruments qui eussent depuis longtemps exprimé la passion, firent dissonnance avec les petites phrases, alternées de petits couplets, de ce petit drame. — L’actrice n’eut qu’un succès d’estime.
Or, une des qualités de notre esprit contemporain, c’est un besoin d’information exacte et complète : on veut des faits, et non des phrases. […] Les autres, au contraire, quel que soit leur mérite, ne veulent point qu’on les oublie ; ils veulent qu’on sache qu’ils sont là, qu’ils ont du talent ; qu’on s’en aperçoive à toute minute, à chaque phrase ; de sorte que parfois la trop grande couleur des expressions nous éblouit, ou bien le cliquetis des mots nous empêche d’entendre les idées. […] Ce que nous chercherons, ce que nous aimerons partout, ce ne sont ni les mots ni les phrases ; ce qui nous attirera, ce qui nous intéressera, sans jamais nous lasser, sans nous rassasier jamais, c’est l’âme humaine s’analysant elle-même et interprétant tout ce qui l’entoure, la société ou la nature. […] Je pourrais résumer cette histoire en deux ou trois phrases ; mais, si je ne donnais que ce résumé, je ne ferais pas la démonstration promise. […] Cette phrase regarde le public, dont elle tend à expliquer et à excuser l’engouement, et en même temps elle semble paraphraser l’annotation du Cardinal que nous avons citée tout-à-l’heure ; elle en ôte seulement la mauvaise humeur, sans avoir l’air d’y songer.
Non, ce n’est point l’émétique, dont il n’a pris que très peu, qui a décidé la guérison, dit-il : « Ce qui a sauvé le roi, ç’a été son innocence, son âge fort et robuste, neuf bonnes saignées, et les prières des gens de bien comme nous, et surtout des courtisans et officiers qui eussent été fort affligés de sa mort, particulièrement le cardinal Mazarin. » La phrase de Gui Patin, commencée avec sérieux, tourne vers la fin en raillerie ; mais ces prières des gens de bien sont sérieuses, et lui-même il a fait la sienne.
a dit La Fontaine dans des vers que chacun sait par cœur, et qui suppriment toutes les phrases de prose qu’on peut faire sur le même thème.
Loin de moi les phrases pompeuses, lors même que j’en saurais faire !
Je vous avouerai, du reste, que la gloire a son mauvais côté ; le système pénitentiaire étant notre industrie, il nous faut, bon gré, mal gré, l’exploiter tous les jours ; en vain cherchons-nous à nous en défendre, chacun trouve moyen de nous glisser une petite phrase aimable sur les prisons.
Jomini se retrouvera Suisse encore et fidèle de cœur dans deux Épîtres adressées à ses compatriotes en 1822, à l’occasion de quelques phrases légères et malheureuses prononcées à la tribune française, où l’Opposition elle-même avait paru faire bon marché de l’indépendance de la Suisse et de sa considération en Europe.
Saint-Évremond, écrivant de Londres à l’un de ses amis de France, n’aurait pu s’exprimer plus clairement, même quand il aurait eu plus à dire, et il y a dans ses dernières phrases un je ne sais quoi d’enveloppé et de manqué à la fois qui ne laisse pas d’être significatif. « Dans tout ce que je viens de dire de Saint-Évremond, je suis heureux de me trouver d’accord avec M.
L’élément théocratique qui entre dans son organisation sociale lui a donné quatorze siècles d’existence63… » A-t-il bien pu, lui, M. de Bâville, dans le courant de la phrase, dire Bossuet tout court, citer d’emblée et sur la même ligne Pascal, Molière et Newton, Molière un comédien d’hier, Newton que Voltaire le premier en France vulgarisera ?
J’ai peine à me figurer, je l’avoue, l’édition d’aujourd’hui, si excellente philologiquement, si bien telle que nous la réclamons, avec ses phrases saccadées, interrompues, et ce jet de la pensée à tout moment brisé, j’ai peine à me la figurer naissant en janvier 1670, en cette époque régulière, respectueuse, et qui n’avait pas pour habitude de saisir et d’admirer ainsi ses grands hommes dans leur déshabillé, ses grands écrivains jusque dans leurs ratures.
Les femmes de ce pays l’avaient ébloui d’abord, et, peu de jours après son arrivée, il écrivait à La Fontaine ces phrases qui donnent à penser : « Toutes les femmes y sont éclatantes, et s’y ajustent d’une façon qui est la plus naturelle du monde ; et pour ce qui est de leur personne, Color verus, corpus solidum et succi plenum ; mais comme c’est la première chose dont on m’a dit de me donner garde, je ne veux pas en parler davantage ; aussi bien ce seroit profaner la maison d’un bénéficier comme celle où je suis, que d’y faire de longs discours sur cette matière : Domus mea, domus orationis.
On n’a qu’une phrase de lui qui donne suffisamment à penser et qui révèle la teinte à la direction de ses sentiments durant les orages de sa première jeunesse : « Quelques années se passèrent, dit-il (à ce métier des armes) ; vif et sensible au plaisir, j’avouerai, dans les termes de M. de Cambrai, que la sagesse demandoit bien des précautions qui m’échappèrent.
M. d’Aumont, plus verbeux que personne, faisait plus de phrases ; mais, plus timide et plus sot, il n’était d’aucun avis ; son fils290 était un peu plus décidé pour qu’on cachât absolument au roi la nature de son mal, et M. de Bouillon voulait qu’on ne lui laissât rien ignorer.
Accoutumé au grand air et à l’exercice des membres, s’il reste immobile, au bout d’un quart d’heure son attention défaille ; les phrases générales n’entrent plus en lui que comme un bruit ; les combinaisons mentales qu’elles devraient provoquer ne peuvent se faire.
Il paraît que la forme poétique et versifiée de cette langue alors consistait principalement dans la répétition ou dans l’écho de la même pensée, se retrouvant dans la même phrase, à peu près dans le même nombre de mots, de manière à se faire consonance à elle-même, comme l’écho fait consonance au cri qu’on lui jette.
Jean-Jacques Rousseau ne fut qu’un écrivain chimérique, rédigeant bien des phrases, incapable de rédiger une loi.
Les phrases, les alinéas, les pages, le livre entier doit sonner la vérité.
L’auteur s’essaye parfois à conduire une période, à étendre un lieu commun : on en trouvera un exemple dans le portrait de la vieillesse, cette longue tirade sur le temps, avec ses six reprises du sujet de la phrase, à intervalles de plus en plus rapprochés.
Mais comme le paysan assiste règlement au prône, il s’amusera sûrement d’une harangue grossière, où il retrouvera les phrases, les citations, le ton de son curé : et plus le sujet sera libre et ordurier, plus le contraste de la forme dévote lui paraîtra piquant.
Mme de Schomberg aimait dans La Rochefoucauld « des phrases et des manières qui sont plutôt d’un homme de cour que d’un auteur ».
Qu’on détende cette forme, qu’elle devienne l’expression aisée du mouvement naturel de l’esprit, et l’on aura les petites phrases coulantes et coupantes de Voltaire.
Et ainsi je reviens par un détour à la phrase que j’avais eu le chagrin ne laisser inachevée : « Oui, tout ce que j’ai dit est vrai, mais… » Mais, avec tout cela, Victor Hugo est unique, il est dieu.
Ajoutons que les inversions auxquelles elle peut obliger parfois n’apportent dans le vers ni étrangeté ni obscurité, la relation des mots les uns avec les autres n’étant pas marquée par leur ordre dans la phrase, mais par des désinences caractéristiques.
Il sentait son avantage sur les écrivains scolastiques et sur Luther lui-même, auquel il fait allusion quand il dit « que la matière a été jusqu’ici démenée confusément, sans nul ordre de droit, et par une ardeur impétueuse, plutost que par une modération et gravité judiciaire. » Dans cette phrase expressive, Calvin peint à la fois la manière de Luther et la sienne.
Il n’y a pas une phrase de style précieux dans la Correspondance, pas même dans les louanges, où l’on est enclin à raffiner et où l’on ne craint pas dans les gens qu’on loue les scrupules du goût.
» Et il ajoute cette phrase désolante : « Nous serions très infâmes si nous n’étions pas si niais. » Tout cela est déjà contenu dans Baudelaire, mais dévoile avec quelle ampleur et quelle célérité il a fait tache d’huile.
Cette mort sans phrases a, d’ailleurs, sa grandeur et sa délicatesse.
Il appelle femme — γυναι συ— le lâche qui a tué par la main d’une femme ; et dans une phrase d’une ambiguïté sarcastique, il l’affuble du sexe de sa maîtresse pour mieux l’avilir.
Il persifle d’abord, il déclame ensuite ; et la surprise a été grande de l’entendre maudire Paris, à grand orchestre de phrases, sur le mode majeur de l’imprécation de Camille.
Il avait, a dit de Bussy sa compatriote et son émule en satire, Mme Du Deffand, il avait beaucoup d’esprit, très cultivé, le goût très juste, beaucoup de discernement sur les hommes et sur les ouvrages, raisonnait très conséquemment ; le style excellent, sans recherche, sans tortillage, sans prétention (il y aurait bien ici quelque chose à contester) ; jamais de phrases, jamais de longueurs, rendant toutes ses pensées avec une vérité infinie ; tous ses portraits sont très ressemblants et bien frappés.
Cette cravate, ce gilet, cet œillet ne sont pas très difficiles à emprunter, et il me semble que cette forme de style et de phrase se peuvent assez aisément imiter aussi.
C’est ainsi que Rodolphe Boulanger, en séducteur préoccupé seulement de son but, accepte bien de jouer le rôle sentimental que sa maîtresse lui assigne, tant qu’il ne le contraint à autre chose qu’à des serments et il des phrases.
— Voilà bien à peu près textuellement la phrase éternelle dont tous les réquisitoires des cinq cents parquets de France ne sont que des variations plus ou moins sonores.
En un mot, au style près, qui, soit par la longueur des phrases ou par l’usage de certaines expressions, fait quelquefois perdre à la narration une partie de ses graces, on ne peut s’empêcher d’admirer la fécondité de l’auteur, & son art à faire des tableaux agréables.
III Dans la correspondance qui nous reste de Mme de Guérin, nous trouvons cette phrase qui nous frappe : « Le salut ne serait-il qu’au désert ?
Acceptation du sacrifice, sentiment d’une haute présence à côté d’eux, les voilà le plus souvent, et s’il fallait une image pour les symboliser, je n’en vois pas de plus vraie que celle qui sort d’une phrase que Bernard Lavergne, le treizième enfant du peintre verrier Claudius Lavergne, écrit à sa famille : « … Ce soir, départ pour la tranchée.
Voici, exprimée en quelques phrases, une théorie complète de l’homme social, de l’équilibre social, par un des esprits les plus perçants de la génération nouvelle.
L’Épisode de la Terreur, sans déclamations, sans phrases, sans images outrées, par l’impression saisissante des faits, et des situations, est bien près, selon moi, de marquer la perfection de l’art, s’appliquant à transformer la réalité. […] Il y a une famille d’écrivains qui, par instinct ou par réflexion, mettent leur effort à cultiver ces singularités du détail, à préparer, par exemple, un grand effet de style, de très loin et à travers une série de phrases ou de mots artistement graduées, ou bien encore à isoler un vers magnifique au milieu de négligences préméditées, pour en mieux faire ressortir la grandeur, ou enfin à terminer une longue tirade par un de ces traits qui sont comme le coup de foudre final.
Je vais lui plaire singulièrement en lui disant que la première phrase de son livre m’a prévenu contre lui, et que mes préventions ne sont pas encore tout à fait dissipées à l’heure qu’il est. […] Je devine quel sentiment de la nature donnera un jour, comme on l’a dit, « aux petites phrases de Loti leur immense frisson ». […] On le pria d’écrire en vieil hébreu, avec des caractères moabites, Une phrase présentant à peu près ce sens : « Cette maison a été bâtie 500 ans après Moïse. » M. […] Je souhaite souvent de vivre en quelques phrases que puissent, à ce moment-là, parcourir des yeux celles à qui l’ancien missel ne suffit plus. […] Car aux saints aussi il a été accordé de guérir les paralytiques et de ressusciter les morts et de nourrir cinq mille ventres avec cinq pains et deux poissons ; mais un Dieu seul pouvait donner aux âmes, pour la durée des siècles, sous l’espèce de quelques phrases naïves, un inépuisable aliment d’espérance et de consolation.
Les uns prennent notre jargon scientifique, et nos phrases ampoulées pour les progrès des lumières et du génie ; selon eux la langue et la raison ont fait un pas depuis Bossuet et Racine ; quel pas ! […] Ce flentes rejeté à la fin de la phrase est bien beau. […] Nous pourrions encore reprocher à l’auteur des Essais quelques amphibologies dans l’emploi des pronoms, et quelque obscurité dans la construction des phrases ; toutefois son livre, où l’on trouve différents genres de mérite, est purgé de ces fautes de goût que tant d’auteurs laissent échapper dans leurs premiers ouvrages. […] Quant à cette autre phrase, un auteur doit être pris dans les rangs ordinaires de la société , j’en demande pardon à mon censeur ; mais cette phrase n’implique pas le sens qu’il y trouve. […] Vous y trouverez peut-être des éclairs d’imagination, de l’esprit, une connaissance plus ou moins grande du métier, une habitude plus ou moins formée d’arranger les mots et de tourner la phrase ; mais jamais vous n’y rencontrerez le bon sens.
Chaque développement s’y relève par l’ingéniosité du tour, et chaque phrase s’achemine vers une malice. […] Parigot donne volontiers à sa phrase un air un peu énigmatique : sa pensée se fait chercher. […] « Si je vous disais, s’écriait Pasteur, que vous trouveriez encore dans Buffon des phrases comme celle-ci : “Cherchons une hypothèse pour ériger un système !” […] Mais l’armature de la phrase est bonne, et sous l’appareil de la grandiloquence on devine une certaine vigueur d’expression. […] Les mots ont un sens qu’il ne nous appartient pas de changer ; les phrases se construisent d’après les lois que nous sommes obligés de subir : la versification a des règles qui ne font que constater le lent et collectif travail des siècles.
On l’appelle Tchehel-seton 28, c’est-à-dire le Quarante Piliers, quoiqu’il ne soit supporté que sur dix-huit ; mais c’est la phrase persane de mettre le nombre de quarante pour un grand nombre: ainsi ils appellent nos lustres: quarante lampes, parce qu’ils ont beaucoup de branches ; et le vieux temple de Persépolis: quarante colonnes, quoiqu’il n’y en ait à présent que la moitié. […] Partout son voyage a le même intérêt, sans phrases.
Saint-Victor froisse et pétrit son chapeau pour trouver des phrases. […] » C’est sa première phrase.
De la malle mentionnée à l’instruction, point un mot, du délit en litige, juste quelques phrases à la fin. […] Ce dernier membre de phrase ne concernant d’ailleurs que vous, mon prince, car pour moi qu’on croit le roi, c’est bien différent. […] Mais c’étaient tout de même des affabulations, et par l’idée qu’entraîne ce mot, si vous êtes de mon tempérament, vous regrettez avec moi l’emploi de cette forme, pour la déduction d’une en quelque sorte si impondérable, si subtile et aussi si pénétrante matière en chapitres, en phrases et en lignes formant un récit, cette chose d’un récit ! […] C’est d’une suprême grandeur dans la plus neuve des mises en œuvre, et comme en scène, depuis le début imprévu, sans phrase, sans « il y avait une fois », et si calme, mais saisissant, en quelque sorte extranaturel et si large et simple et clair, Comme je descendais des fleuves impassibles Je ne me sentis plus guidé par les haleurs.
Telle phrase de lui, qui vous éblouit et vous charme par sa couleur, souffre deux ou trois interprétations différentes. […] Mais qu’on y cherche une seule phrase qui prouve que cette soif de l’orgueil et de la curiosité soit échauffée par un sentiment d’amour divin, à peine trouvera-t-on quelques mots qu’il fallait bien mettre dans la bouche du docteur Jean Faust pour lui conserver un peu la physionomie de la légende et l’esprit du moyen âge, mais qui sont si mal enchâssés, si peu dans la conviction ou dans les instincts de l’auteur, qu’ils y répandent une obscurité et une contradiction évidentes.
Se méprenant sur le titre que nous avions transcrit et y incorporant la phrase de Conrart qui le suit, il déclara même avoir possédé ce volume, sur le frontispice duquel on lisait, assurait-il : Le Roy glorieux au monde, contre la comédie de l’Hypocrite que Molière a faite et que S. […] Le plus souvent il le fait court et ne le médite point, et quelquefois aussi il l’étudie… L’affiche suit l’annonce et est de même nature… Elle entretient le lecteur de la nombreuse assemblée du jour précédent, du mérite de la pièce qui doit suivre et de la nécessité de pourvoir aux loges de bonne heure, surtout lorsque la pièce est nouvelle et que le grand monde y court. » À l’époque où Chappuzeau imprimait ceci, les phrases, les compliments, les provocations au public, et d’autres fois les mises en demeure les moins ménagées, commençaient dans les affiches à passer de mode ; mais peu d’années auparavant, les théâtres cherchaient à exciter la curiosité même par des affiches en vers. […] Son récit, simple et senti, est plus propre à bien faire connaître Molière et ses relations avec ses camarades que des pages plus brillantes et des phrases plus sonores : « Le lundi XIe octobre, le théâtre du Petit-Bourbon commença à être démoli par M. de Ratabon, surintendant des bâtiments du Roi, sans en avertir la troupe, qui se trouva fort surprise de demeurer sans théâtre. […] Dans La Critique de l’École des femmes, Molière n’avait consacré qu’une phrase aux comédiens rivaux assistant à la première représentation de L’École des femmes, et qui, ajoute-t-il, « en ont dit tous les maux du monde ».
Elle s’est pliée à la phrase périodique et au style soutenu du xviie siècle avec autant d’aisance qu’a la phrase hachée menu, au style vif et sautillant du xviiie ; l’alexandrin lui a servi comme le vers leste et varié du vaudeville. […] Je ne parle point de Bassecourt ; celui-là n’est pas même une mécanique ; c’est un geste et une phrase ; il ne s’est guère vu au théâtre de personnage moins compliqué. […] Mais supprimez ces mouvements énergiques où la passion maîtresse s’échappe dans un cri ; ôtez ces vibrations involontaires, et toujours si habilement rendues, de l’égoïsme ; il ne reste rien à la phrase qu’une qualité de métier, l’allure scénique. […] L’art, qui prête quelquefois aux passions défendues de la noblesse, voire de la pureté, est ici taxé d’exagération, tranquillement, sans phrases, sans colère, d’un ton de juge ; et vous admirez avec quelle sécurité magistrale M. […] Ces phrases sont, pour ainsi dire, fossiles.
Elle a des phrases délicieusement cadencées, comme celle-ci que Flaubert aimait à citer : Ce sont des Égyptiens, vêtus en Mores, qui font des danses mêlées de chansons. Et Molière se rendait si bien compte du charme de cette phrase faite pour être dite qu’il ne l’a pas répétée dans l’indication du jeu de scène faite pour être lue. […] Rien ne le prouverait, sinon une phrase de Godwin qui aurait dit que ses trois filles étaient amoureuses du poète, et les vers que Shelley écrivit sur sa mort : « Sa voix tremblait quand nous nous quittâmes, mais je ne savais pas que le cœur d’où elle sortait était brisé. » On ne peut vraiment en tirer que de simples présomptions. […] La phrase de Gautier, auprès de la sienne si simple et si nuancée, paraît revêtue d’un luxe barbare.
Le critique insistait beaucoup, en louant M. de Fontanes, sur la marche imposante et soutenue de sa phrase poétique, et cet art de couper le vers sans le réduire à la prose, et de varier le rhythme sans le détruire, deux choses, dit-il, si différentes, et qu’aujourd’hui l’ignorance et le mauvais goût confondent si souvent. […] Plus le Corps législatif se confondra dans le peuple, plus il aura de véritable lustre ; il n’a pas besoin de distinction, mais d’estime et de confiance… » Et la phrase, en continuant, retournait vite à l’éloge ; mais le mot était dit, le coup était rendu. […] Faut-il ajouter qu’il en voulait à Talma d’être l’objet de je ne sais quelle, phrase de madame de Staël, où elle disait qu’il avait dans les yeux l’apothéose du regard ?
Le piano accompagnait chaque phrase en conformant son harmonie au sens toujours lugubre, toujours effrayant du récit. […] Celui qui vous a dû tout ce que doit l’harmoniste à l’instrument auquel il se confie, vient tout à coup et sans raison vous insulter bêtement dans une phrase, vous condamner méchamment dans une lettre close que j’imprime moi, comme on enregistre en passant les preuves testimoniales de l’histoire qu’on écrit. […] Un thé de rare porcelaine a payé une adresse adroitement placée dans une phrase ; les cartons de la lingère ouverts à discrétion chez la feuilletoniste, ont fait trouver à la première mainte pratique inattendue ; le bijoutier a toujours offert les échantillons de ses nouveautés, et l’article Modes a donné la vogue à ses ciselures, à ses pierreries.
Pour ceux-là, certes, ce serait une duperie assez grande de leur prodiguer les grâces du style ; et le tribun qui attaque, et le rhéteur qui s’abandonne à sa violence éloquente, et l’esprit calme en ses raisonnements irrésistibles, et l’ironie aux pieds légers, et la colère en ses déclamations furibondes, et la satire à l’accent aigu, et le pamphlet, — ce capharnaüm de toutes les bonnes et de toutes les mauvaises puissances de la parole ; et la phrase élégante, incisive, indiquant d’un trait la malice ingénieuse, accorte, avenante ; ou bien, d’un trait vif et acéré, immolant sans pitié la renommée honteuse de ce bandit, la gloire usurpée de ce voleur autant de grâces, autant de violences, autant de tonnerres et d’éclairs qui échappent à la vue obtuse, à l’oreille fermée, à l’esprit bouché, à la tête inintelligente, au lecteur ébloui de ces vives et soudaines lumières pour lesquelles il n’est pas fait. […] » Bragelone devrait bien dire à mademoiselle de La Vallière ce qu’il disait tout à l’heure à M. de Lauzun : — « Pardonnez-moi cette phrase de mauvais goût. » Et enfin il entraîne mademoiselle de La Vallière au couvent. […] Avant de mettre une pareille phrase dans la bouche du grand roi, M.
Il a fallu tous les efforts de l’érudition la plus ingénieuse et la plus patiente2 pour découvrir, dans un demi-chapitre de Pline, dans quelques mauvaises descriptions de Pausanias, dans quelques phrases isolées de Cicéron, Lucien, Quintilien, la chronologie des artistes, la filiation des écoles, le caractère des talents, le développement et les altérations graduelles de l’art. […] S’il ne l’a pas fait et qu’il veuille raisonner sur le droit, le devoir, le beau, l’État, et tous les grands intérêts de l’homme, il tâtonne et trébuche ; il s’embarrasse dans les grandes phrases vagues, dans les lieux communs sonores, dans les formules abstraites et rébarbatives : voyez là-dessus les journaux et les discours des orateurs populaires ; c’est surtout le cas des ouvriers intelligents, mais qui n’ont point passé par l’éducation classique ; ils ne sont pas maîtres des mots ni, partant, des idées ; ils parlent une langue savante qui ne leur est point naturelle ; pour eux elle est trouble ; c’est pourquoi elle trouble leur esprit ; ils n’ont pas eu le temps de la filtrer goutte à goutte. […] Il n’y avait pas de distance chez eux entre la langue des faits sensibles et la langue du pur raisonnement, entre la langue que parle le peuple et la langue que parlent les gens doctes ; l’une continuait l’autre ; il n’y a pas un terme dans un dialogue de Platon que ne sache un adolescent qui sort de son gymnase ; il n’y a pas une phrase dans une harangue de Démosthènes qui ne trouve pour se loger une case toute prête dans le cerveau d’un forgeron ou d’un paysan d’Athènes.
L’éditeur académique a supprimé la longue épine avec tous ses piquants ; il a trouvé la phrase plus coulante sans cela.
Après le xviiie siècle, qui est en général sec, analytique, incolore ; après Jean-Jacques, qui fait une glorieuse exception, mais qui manque souvent d’un certain velouté et d’épanouissement ; après Bernardin de Saint-Pierre, qui a bien de la mollesse, mais de la monotonie dans la couleur, M. de Chateaubriand est venu, remontant à la phrase sévère, à la forme cadencée du pur Louis XIV, et y versant les richesses d’un monde nouveau, les études du monde antique.
En nous montrant ce revers de style pâteux, mal lié, mou aux extrémités des phrases, avec des mosaïques bizarres de métaphores peu adhérentes, en nous offrant en regard le cachet du grand prosateur et la substance particulière dont est fait le grand style, souple et molle d’abord, et puis figée, lave d’abord, et puis granit, il a peint lui-même sa manière, il a donné l’empreinte et le moule de son procédé.
Rien ne saurait donner une plus juste idée du brusque changement qui se fit d’un règne à l’autre que ces phrases naïves de la mère de François Ier, Louise de Savoie, écrivant en son Journal : « Le 22 septembre 1314, le roi Louis XII, fort antique et débile, sortit de Paris pour aller au-devant de sa jeune femme la reine Marie. » Et quelques lignes plus bas : « Le premier jour de janvier 1515, mon fils fut roi de France. » Son fils, son César pacifique, ou encore son glorieux et triomphant César, subjugateur des Helvétiens, comme elle le nomme tour à tour.
Sous la Restauration, le 7 août 1827, sous une juridiction pareille à celle qu’on maintient aujourd’hui, on a vu comparaître devant le tribunal de police correctionnelle un homme vénérable, un homme de bien, un philosophe éminent, M. de Sénancour, auteur d’un Résumé de l’histoire des traditions morales et religieuses ; on l’a vu, pour quelques phrases qui ne semblaient pas assez respectueuses envers les religions positives, accusé avec véhémence par un avocat du roi qui ne croyait que remplir son devoir ; on l’a vu, comme de juste, condamné par le tribunal : car, d’ordinaire et provisoirement, en pareil cas, la police correctionnelle commence par condamner.
Tous les mots et toutes les phrases allemandes avaient déserté ma mémoire ; c’est seulement après que j’eus pris de la nourriture et du vin et que je me fus reposé quelque temps que je les retrouvai. » — Des accidents semblables ne sont point rares après les fièvres cérébrales ou les grandes pertes de sang.
Dans l’entretien de Fotheringay, il échappe aux deux reines des traits si naturels et des phrases si purement familières, que nos dames de la halle s’en accommoderaient ou même les dédaigneraient aujourd’hui.
Il prit pour lui une phrase que Nicole adressait à Desmarets de Saint-Sorlin, avec qui le jansénisme bataillait alors ; et se croyant traité d’« empoisonneur public, non des corps mais des âmes des fidèles413 », il lança contre ses anciens maîtres une lettre extrêmement spirituelle et satirique (1666), qui eût été suivie d’une autre, sans l’intervention de Boileau : Racine regretta plus tard amèrement cette aigreur de son amour-propre, qui l’avait fait un jour ingrat et méchant.
Ainsi Dolet gâtait non-seulement la phrase de Rabelais, mais toute la pensée de son livre en substituant à une critique générale des injures de parti.
Tel passage qui provoquait le gros rire dans les pièces de Molière n’émeut plus notre parterre ; il rira plutôt d’un jeu de mots dans le goût de notre temps, d’une pointe, de quelque phrase de grand style mise dans la bouche d’un niais.
Cette littérature, fondamentalement Wagnérienne, est née, où réellement vit une pleine sensation de l’être, — où, dans les mots, des visions tout plastiques éclatent, ces musiques sonnent, — où, obsédé d’images, obsédé de sonorités, et décrivant littérairement, le poète a senti son idée vue, et en a oui les harmoniques accordances, — où flottent, étrangement, à travers les rayonnements et les enchantements des phrases, les paysages et les mélodies que le Wagner de l’avenir aurait dites en dessins et en orchestrations : une littérature Wagnérienne, cette littérature, absolument suggestive, — moins simple, moins précise, moins large, moins grandiose que l’art de Wagner, — plus hermétique !
Il commence par cette phrase qui, depuis, fait figure de référence absolue : « on va à Bayreuth comme on veut, à pied, à cheval, en voiture, à bicyclette, en chemin de fer, et le vrai pèlerin devrait y aller à genoux.
Et que dites-vous de phrases comme celle-ci : « Il semblait perdu dans un de ces bonheurs complets, n’appartenant sans doute qu’aux occupations médiocres, qui amusent l’intelligence par des difficultés faciles et l’assouvissent en une réalisation au-delà de laquelle il n’y a pas à rêver » ?
C’est cette crainte du passé et du modèle ancien qu’Ibsen a mise en scène dans Les Revenants et qu’il exprime en cette phrase de Mme Alving : « Ce n’est pas seulement le sang de nos père et mère qui coule en nous, c’est encore une sorte d’idée détruite, de croyance morte, et tout ce qui en résulte.
L’enfant rêve souvent tout haut, prononce des bouts de phrase ; aujourd’hui un simple petit mot : « Pourquoi ?
Des phrases trop longues.
Est-elle belle, cette longue phrase sinueuse, traînante, qui est figurative de la pensée qui se traîne, en effet, et qui s’attarde sur des souvenirs lointains et chéris ?
On a versé sur Sainte-Beuve et sur sa mémoire les tombereaux d’articles, de phrases, d’anecdotes et de détails de toute espèce qu’on a l’habitude de verser sur un homme célèbre fraîchement décédé, avant de l’oublier tout à fait… Des journaux, matassins d’enterrement, qui vivent de ces cérémonies, ont envoyé leurs commissionnaires en roulage et en publicité fureter la maison mortuaire, regarder sous le nez du défunt pour le photographier dans leurs feuilles, décrire son appartement et son ameublement, et pouvoir parler en connaissance de cause jusque de ses chattes et de ses oiseaux et plaire ainsi à la Curiosité publique, cette affreuse portière à laquelle nous faisons tous la cour… Nous en avons pour quelques jours encore de ce brocantage, et puis après ?
Elle est impuissante, Les phrases de Michelet, charmantes et dangereuses comme des caresses, n’y font rien.
C’est enfin ce monde écœurant que nous savons par cœur, dans lequel rien ne change et où tout le monde a la même phrase pour les mêmes situations.
Sur le velours, à côté des gantelets et de l’armet, sont posées une statuette de Pallas et une grenade dont la tige porte encore sa feuille aiguë et sa fleur ardente. » À la magnificence du style, à ces phrases picturales, pleines, tombantes et retenues comme les plis d’une tenture, vous reconnaissez d’Annunzio.
Zola n’était pas encore au temps où Mme de Staël écrivait : « La littérature est l’expression de la société. » Avant Mme de Staël, La Bruyère avait commencé son livre des Caractères par cette phrase charmante en sa douce malice : « Je rends à mon siècle ce qu’il m’a prêté. » Les Grecs et les Latins, avant La Bruyère, avaient plus d’une fois dit à peu près la même chose.
S’il est vrai que l’humanité ne vit pas au hasard, si les principes ne sont pas une phrase, mais qu’ils ont en eux une logique, si les grands hommes que nous vénérons méritent cette vénération, si l’homme conscient est supérieur à la bête, cette méthode est juste.
Il dit toujours, à satiété : « Les deux chambres et la liberté de la presse. » La formule est sèche, longue, lourde et embarrasse toujours la phrase. […] C’est quelque chose, quand on est un sensuel, de s’être habitué à ne pouvoir songer à sa maîtresse qu’en l’associant çà une phrase de Cimarosa ou à un modelé du Corrège. […] Ils disent tous la même phrase sur chaque événement ou chaque personnage. […] Elle sera triste, parce qu’il faudra, pour être quelque chose, faire la cour à des ouvriers aux mains noires et à des paysans aux mains calleuses, boire dans des cabarets des breuvages très différents du « punch au rhum de minuit et demi », gonfler la voix, brandir des phrases bêtes, perdre très vite toute délicatesse et tout art de penser délicatement. — Elle sera triste parce qu’il faudra être moral, ce qui est ennuyeux, ou affecter de l’être, ce qui est plus ennuyeux encore. […] A chaque instant, dans ce cas-là, il introduit une phrase de Sainte-Beuve sur le même sujet, une réflexion de Sainte-Beuve sur la même question, ou quelques vers de Sainte-Beuve sur la même affaire.
Nous tenons à dire aussi que le critique avec ses ressentiments parfois acerbes n’en aimait pas moins à obliger sans apparat et sans phrases. […] La période poétique s’y déroule avec une largeur magistrale qui n’a d’égale que certaines phrases musicales d’un Weber ou d’un Beethoven : D’une main supportant son corps demi penché, Rejetant de son front ses longs cheveux, Psyché Écarte l’herbe haute et les fleurs autour d’elle, Respire et sent la vie et voit la terre belle, Et blanche, se dressant dans sa robe aux longs plis, Hors du gazon touffu monte comme un grand lis. […] Le style, moins distingué, moins rare, moins artiste que dans les deux premiers recueils, trahit en revanche d’autres qualités : il est plus simple et plus net ; la phrase rythmique se déroule avec une aisance incomparable. […] Une tradition rapporte qu’Augustin Thierry, lisant les Martyrs au collège, se promenait à grands pas en répétant le bardit des Franks dans l’inoubliable bataille et s’enivrait longuement de ces phrases rythmées. […] De là beaucoup de métaphores incohérentes et de phrases obscures.
Les plaines où le ciel aide l’herbe à germer, L’eau, les prés, sont autant de phrases où le sage Voit serpenter des sens qu’il saisit au passage. […] Toutefois, remarquons-le, il partage ce goût avec les grands esprits qui ont cherché à exprimer leur pensée d’une manière très saillante, dans des phrases courtes, en les avivant par des oppositions d’idées et même de mots d’autant plus sensibles que le son même des syllabes est plus semblable.
Le style de ce charmant livre est au total excellent, eu égard au genre peu sévère ; il a le nombre, le rhythme, la vivacité du tour, un perpétuel et parfait sentiment de la phrase française.
VII Les passants s’arrêtent pour saisir au vol quelques phrases tronquées de ce dialogue entre ce jeune homme communicatif de l’enthousiasme qu’il rapporte à la maison avec son livret sous le bras.
III Relisons à tête reposée ce merveilleux livre, merveilleux d’utopie comme de saines inspirations ; laissons en pâture aux échenilleurs de mots et de formes les impropriétés de termes, les exagérations de phrases, les mauvais jeux d’esprit, les impuretés de langue, les fautes lourdes et même les saletés de goût, flatterie indigne du génie élevé d’un grand poète, cynisme de la démagogie, cette plèbe du langage, qui l’abaisse pour qu’il soit à son niveau, et qui le souille pour l’approprier à ses vices.
Il rencontre par accident le Dieu créateur du monde dans une phrase d’Anaxagore de Clazomène.
Les plus virulentes invectives contre Bonaparte se rencontrèrent sur sa poitrine avec les phrases les plus enthousiastes qu’il avait brodées deux ans plus tôt pour les faire retentir dans son discours à l’Académie française.
Il est simple aussi : ni sensibilité ni grandes phrases ; un ton uni, comme celui d’un homme de bonne compagnie qui ne hausse jamais la voix.
Par là la netteté du rythme répond à celle des images et les dessine en quelque sorte pour l’oreille ; et la régularité un peu monotone de la phrase musicale est encore, pour le poète, une façon d’exprimer à la fois et d’entretenir le calme de sa contemplation.
en parlant il se perd dans sa phrase.
Parlant de la première scène du premier acte de Goettterdaemmerung : « Ces trois personnages, dit madame Fuchs, ont un entretien aussi long que dénué d’intérêt. » Des phrases similaires abondant dans un volume font preuve que l’auteur, trop préoccupé de musique à la façon contemporaine, a mal vu « d’intérêt » du drame wagnérien.
Ceux qui soutiennent l’hérédité rétorquent l’argument et disent : Pourquoi ces phrases proverbiales : « l’esprit des Mortemart », « l’esprit des Sheridan », si l’on ne croit à la transmission ?
Au premier acte, il parle, à son ami Hippolyte Richond, de sa liaison avec la baronne comme d’une charmante bonne fortune qui ne lui donne que des joies, fleur sans épines de l’amour facile. « Elle est libre, elle se prétend veuve, elle n’a plus vingt ans, elle se met à merveille, elle a de l’esprit, elle sait conserver les apparences : pas de danger dans le présent, pas de chagrins dans l’avenir, car elle est de celles qui prévoient toutes les éventualités d’une liaison, et qui mènent, en souriant, avec des phrases toutes faites, leur amour de convention jusqu’au relais où il changera de chevaux.
Dans ce tendre discours et tout allusif à ces noces de l’âme avec Jésus-Christ, à ces fiançailles mystiques, l’œil des deux jeunes filles soulignait, à mon adresse, d’un éclair rapide, tous les mots hyménéens et toutes les phrases suavement et chrétiennement sensuelles.