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950. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — De la langue Latine. » pp. 147-158

C’eût été fait de la secte anti-Cicéronienne, s’il ne se fût pas formé un homme qui l’a relevée, & qui lui a donné même un éclat inconnu jusqu’alors, un homme qui joignoit à la piété la plus tendre le mérité du véritable bel-esprit ; qui n’avoit plus, je l’avoue, la pureté ni l’élégance de nos meilleurs orateurs Latins, mais qui s’étoit fait un stile plus vif, plus ingénieux, & que lui eussent envié Sénéque & Pline qu’il n’estimoit pas.

951. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre VI. Conclusions » pp. 232-240

Les véritables gens de lettres gémissent envoyant cette nuée de jeunes auteurs qui auraient peut-être du talent s’ils avaient quelques études.

952. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre VIII. La religion chrétienne considérée elle-même comme passion. »

Massillon, peignant cet amour, s’écrie : « Le Seigneur tout seul51 lui paraît bon, véritable, fidèle, constant dans ses promesses, aimable dans ses ménagements, magnifique dans ses dons, réel dans sa tendresse, indulgent même dans sa colère ; seul assez grand pour remplir toute l’immensité de notre cœur ; seul assez puissant pour en satisfaire tous les désirs ; seul assez généreux pour en adoucir toutes les peines ; seul immortel, et qu’on aimera toujours ; enfin le seul qu’on ne se repent jamais que d’avoir aimé trop tard. » L’auteur de l’Imitation de Jésus-Christ a recueilli chez saint Augustin, et dans les autres Pères, ce que le langage de l’amour divin a de plus mystique et de plus brûlant52.

953. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 3, que l’impulsion du génie détermine à être peintre ou poëte, ceux qui l’ont apporté en naissant » pp. 25-34

Hercules, Soliman, et plusieurs autres pieces de theatre, auroient-elles été composées jamais, si le génie n’avoit fait violence à leurs véritables auteurs, et s’il ne les avoit pas forcez de s’occuper à son gré, en dépit de l’éducation qu’ils avoient reçûë, et de la profession qu’ils avoient embrassée ?

954. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 24, objection contre la solidité des jugemens du public, et réponse à cette objection » pp. 354-365

Ainsi le véritable moïen de connoître le mérite d’un poëme sera toujours de consulter l’impression qu’il fait.

955. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 30, objection tirée des bons ouvrages que le public a paru désapprouver, comme des mauvais qu’il a loüez, et réponse à cette objection » pp. 409-421

Comme les théatres des anciens étoient très-vastes et qu’on y entroit sans païer, l’assemblée y dégeneroit en une véritable cohuë pleine de gens sans attention, et par consequent toujours prêts à distraire ceux qui auroient été capables d’en avoir.

956. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre IV. Personnages des fables. »

Je ne m’arrêterai pas davantage sur les autres animaux qui figurent dans les fables de ce recueil et — en tant que véritables animaux — dans les contes.

957. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XV. De Tacite. D’un éloge qu’il prononça étant consul ; de son éloge historique d’Agricola. »

47. » Dans cet ouvrage, qui est, comme on le voit, un véritable éloge, Tacite a réuni la philosophie à l’histoire, et l’histoire à l’éloquence : on y retrouve à chaque ligne l’âme d’un citoyen qui porte tout le poids du malheur de la vertu, et qui, en peignant les maux de sa patrie, les éprouve une seconde fois.

958. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME GUIZOT (NEE PAULINE DE MEULAN) » pp. 214-248

Elle reprit en 1821 cette suite de travaux, naturellement suspendue durant les premières années politiques de son mari ; elle les reprit par zèle du bien et par honorable nécessité domestique, et l’on eut successivement Raoul et Victor, ou l’Écolier (1821), les Nouveaux Contes (1823), les Lettres de Famille sur l’Éducation, son véritable monument (1826) ; une Famille ne parut qu’en 1828, après sa mort. […] Celle qui, à vingt-cinq ans, avait débuté par se faire personne d’un certain âge ou même douairière du Marais, entre non moins exactement, à mesure qu’elle vieillit, dans les divers personnages de ce petit monde de dix à quatorze ans, en y apportant une morale saine, la morale évangélique, éternelle, qui s’y proportionne sans s’y rapetisser. « Son idée favorite, son idée chérie, est-il dit dans la préface d’une Famille, c’était que la même éducation morale peut et doit s’appliquer à toutes les conditions ; que, sous l’empire des circonstances extérieures les plus diverses, dans la mauvaise et dans la bonne fortune, au sein d’une destinée petite ou grande, monotone ou agitée, l’homme peut atteindre, l’enfant peut être amené à un développement intérieur à peu près semblable, à la même rectitude, la même délicatesse, la même élévation dans les sentiments et dans les pensées ; que l’âme humaine enfin porte en elle de quoi suffire à toutes les chances, à toutes les combinaisons de la condition humaine, et qu’il ne s’agit que de lui révéler le secret de ses forces et de lui en enseigner l’emploi. » Comment Mme Guizot, de raison un peu ironique, d’habitudes d’esprit un peu dédaigneuses qu’elle était, se trouva-t-elle conduite si vite et si directement à cette idée plénière de véritable démocratie humaine ? […] Née catholique, atteinte de bonne heure par l’indifférence qu’on respirait dans l’atmosphère du siècle, revenue, après des doutes qui ne furent jamais hostiles ni systématiques, à un déisme chrétien très-fervent, à une véritable piété, elle s’y reposa, elle s’y apaisa.

959. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Bernardin de Saint-Pierre »

Cette manière d’entendre la nature, la bonne nature, cette chambrière de Dieu, comme elle se qualifie (véritable chambrière en effet d’un Dieu des bonnes gens), a eu, depuis Jean de Meun, sa continuation par Rabelais, Regnier, La Fontaine lui-même, Chaulieu. […] Mais, en véritable peinture, rien de direct ne s’était déclaré avant Rousseau. […] Hennin Euripide ou Épictète ; Rulhière lui disait dans une réponse : « Votre lettre, mon cher ami, est une véritable églogue. » Bernardin avait fait comme les peintres qui, pendant leurs courses errantes, amassent une quantité d’esquisses et d’aquarelles dans leurs cartons.

960. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXIXe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe (2e partie) » pp. 161-232

” « Le pasteur explique tout à la jeune fille et restitue le véritable sens aux propos mal compris du père. […] Voilà les véritables croyances religieuses de Goethe. […] Sa véritable théorie, c’était son mépris des hommes et surtout des masses, incapables, selon lui, de se donner ou de se conserver des institutions supérieures à leur nature essentiellement versatile.

961. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 5-79

De plus, ces peuplades, de race et de religion semblables, telles que les Grecs, par exemple, ne sont pas contiguës les unes avec les autres sur la surface des territoires qu’elles occupent, de manière à former un noyau, une unité quelconque de peuple ; mais elles sont séparées par d’autres groupes de populations différentes qui interceptent les communications entre elles et qui leur sont antipathiques : en sorte que les populations supposées habiles à succéder aux Turcs forment une véritable mosaïque de peuples concassés, comme le granit sous le pilon, en véritable poussière d’hommes qui ne peut plus se conglomérer en masse imposante. Voyez, par exemple, la population grecque : elle existe dans le Péloponnèse, puis elle est interceptée du reste du territoire européen par des millions de Bulgares et de Serbes, véritables Helvétiens de la Turquie.

962. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

Le cygne y est mis en opposition avec l’aigle, l’un comme l’emblème de l’existence contemplative, l’autre comme l’image de l’existence active : le rhythme du vers change quand le cygne parle et quand l’aigle lui répond, et les chants de tous les deux sont pourtant renfermés dans la même stance que la rime réunit : les véritables beautés de l’harmonie se trouvent aussi dans cette pièce, non l’harmonie mais la musique intérieure de l’âme. […] On peint d’ordinaire les folles, comme si la folie s’arrangeait avec les convenances et donnait seulement le droit de ne pas finir les phrases commencées, et de briser à propos le fil des idées ; mais cela n’est pas ainsi : le véritable désordre de l’esprit se montre presque toujours sous des formes étrangères à la cause même de la folie, et la gaieté des malheureux est bien plus déchirante que leur douleur. […] Quel homme d’État véritable pourrait relire aujourd’hui ce livre sans être arrêté à chaque ligne par un contre-sens, par un sophisme, par une illusion ?

963. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre premier »

Une idée trop étroite de l’unité du caractère, dans les personnages épiques, semble avoir caché à Boileau et à Perrault le véritable Achille. […] Ce qu’il y a d’esprit véritable derrière son savoir-faire, et de l’honnête homme dans le papelard 7 l’a sauvé de l’oubli. […] Le doute est le véritable adversaire de l’antiquité chrétienne au dix-septième siècle.

964. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre premier. Sensation et pensée »

Pour se changer en une « idée » véritable et distincte, le sentiment de ressemblance n’a besoin que d’être renforcé, porté au point visuel de la conscience, érigé ainsi en force dominante qui entraine à sa suite les mouvements appropriés. […] Seule, la force de l’idée, son lien avec l’action et le mouvement permet de lui attribuer une valeur objective, de la considérer non comme un rêve, mais comme une véritable connaissance en acte. […] La pensée et ses « idées » nous apparaîtront ainsi, non comme des intuitions d’un monde intelligible, à la manière de Platon, ni comme des formes sans contenu, à la manière de Kant, sortes d’ouvertures vides sur un monde inconnaissable, mais comme des forces actives de conservation et de progrès, ayant leur origine dans le désir, leur effet dernier dans le mouvement, contenant ainsi en soi des conditions de changement interne et externe qui en font de véritables facteurs.

965. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

Il est curieux, quand on a connu l’homme de cour par les écrivains et par les peintres, de connaître par Saint-Simon le véritable homme de cour. […] La source est bourgeoise, mais l’argent est toujours bon. — Et comme le roi, en véritable père, entrait dans les affaires privées de ses sujets, on ajoutait : Sire, ma femme me trompe, mettez-la au couvent. […] Il attend le duc « d’un air allumé de crainte et d’espérance. » Son désir l’enflamme ; en véritable artiste, il s’échauffe à l’œuvre.

966. (1769) Les deux âges du goût et du génie français sous Louis XIV et sous Louis XV pp. -532

Passons au véritable objet de cette assemblée. […] Celui qui perfectionne, & qui produit tant de modeles de perfection, est le véritable créateur de son art. […] Quelques-uns de ces sermons étaient de véritables discours académiques. […] De nouveaux Emules se signalaient par d’heureux efforts & de véritables succès. […] On ne s’avise jamais de tout, le Roi & le Fermier sont de véritables Drames.

967. (1889) La littérature de Tout à l’heure pp. -383

C’est une observation vieille et véritable ; ces Achille, ces Andromaque, ces Phèdre, ces Cinna, ces Pompée et ces Amphitryon sont des personnages, tout simplement, de la cour de Louis XIV. […] L’œuvre de Pascal proteste à la fois contre les hontes véritables du siècle qui allait naître et contre les fausses splendeurs du siècle qui allait mourir. […] Ses personnages sont des machines admirables, ou plutôt de véritables andréïdes. […] Mais ils constituent avec la véritable (qui est fausse) religion actuelle et vivante (qui est morte) un anachronisme dont elle s’épouvante. […] Combien préférable « l’obscurantisme » des anciens chroniqueurs, qui, faisant à des talents faux des gloires véritables, au moins ne touchaient à rien de ce qu’ils eussent profané !

968. (1930) Les livres du Temps. Troisième série pp. 1-288

Le véritable auteur, c’est ma Mère l’Oye, la vieille filandière symbolique qui personnifie la tradition populaire. […] D’après lui, la véritable Hélène est bien celle qui fut à Troie et que Ménélas en ramène. […] La véritable réalité, souverainement belle et pure, est d’ordre intellectuel. […] L’art véritable vient du ciel, et le réalisme reste à ras de terre. […] Ce n’est pas un véritable amant.

969. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

Le grand événement de sa vie fut sa liaison et sa rupture avec Lesbie, c’est-à-dire Ninette ou Ninon ; car poétiquement il importe peu de savoir le véritable nom de cette Lesbie et si c’était, comme M.  […] Daudet ; il y a du Musset dans son Épître à Celimène ; les Cerisiers, les triolets des Prunes sont de véritables bijoux. […] C’est l’éternelle différence des véritables orateurs, des véritables écrivains avec les virtuoses de la parole et du style. […] Aussi la critique peut le contredire, juger même très sévèrement ce qu’elle a le droit d’appeler ses erreurs, elle parlera toujours de lui avec l’estime respectueuse que commandent le travail et le talent d’un véritable écrivain. […] Un jour, Mérimée rencontra un homme en qui l’absence complète de bêtise lui causa un véritable ravissement.

970. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

Le répertoire de Sainte-Beuve peut être considéré comme un véritable monument historique. […] A côté de ces publications, les premières œuvres du véritable inaugurateur de la poésie philosophique, M.  […] Il n’a pas deviné la véritable place qu’ils devaient prendre. […] C’est une étiquette sous laquelle ou nous avait promis, ces dernières années, un véritable renouvellement littéraire. […] L’art d’écrire est en proie à une véritable anarchie.

971. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

Mais dire à celui qui sait beaucoup mieux que vous, voilà ce qui me plaît, voilà l’enseignement que je distribue, n’est-ce pas là le véritable enseignement. Le principe du véritable enseignement. […] La véritable ode à la Colonne, tout court, n’est pas dans les Odes ; elle n’est pas une ode ; enfin elle n’est pas intitulée une ode. […] On peut dire que l’Université aujourd’hui reçoit beaucoup plus de véritable secours de son dehors que de son dedans. […] Ils prennent justement leur temps quand les véritables savants, les véritables mathématiciens, les véritables physiciens, les véritables chimistes et biologistes en viennent à reconnaître très heureusement la part capitale, la part originelle, la part primordiale que prennent dans le travail scientifique même, dans l’invention, dans la découverte de science les méthodes d’art, l’intuition, les intuitions, les souplesses d’art, les docilités d’art, les inventions d’art.

972. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre huitième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Victor Hugo »

Aux heures d’inspiration, les mots et les vers se pressent, se heurtent, s’amoncellent— une véritable tempête ; — quoi d’étonnant à ce que les limites, le but visé soient parfois dépassés ou même disparaissent au regard ? […] L’absolu véritable est donc dans l’ordre de la qualité, non dans celui de l’existence. […] Et ailleurs : Etre juste, au hasard, dût-on être martyr, Et laisser hors de soi la justice sortir, C’est le rayonnement véritable de l’homme150. […] Elle porte sur le véritable objet de l’amour, sur le vrai moi, qui est seul le « définitif ». — « La destinée, la vraie, commence pour l’homme à la première marche du tombeau. » Alors il lui apparaît quelque chose, et il commence à distinguer le définitif. — « Le définitif, songez à ce mot. […] En général, c’est une occupation amusante de rechercher les véritables causes des événements ; on est tout étonné en voyant la source du fleuve ; je me souviens encore de la joie que j’éprouvai, dans mon enfance, en enjambant le Rhône… — Ce qui me dégoûte, disait une femme, c’est que ce que je vois sera un jour de l’histoire. — Eh !

973. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre premier. Aperçu descriptif. — Histoire de la question »

L’intimité des rapports du langage avec la pensée, son utilité pour penser, sa nécessité pour penser les idées générales, ce sont là dans la philosophie moderne de véritables lieux communs. […] II. § 6. ] tandis que tout l’effort mental se porte sur le son, qui est le but du mouvement et l’élément essentiel de la parole ; sur ce point particulier, comme dans toute la doctrine de Maine de Biran, le rôle de la volonté mentale est méconnu : l’âme n’est guère que le moteur des muscles : Maine de Biran a préparé ainsi les voies à la doctrine contemporaine qui fait de l’âme, non plus l’associée dirigeante, mais l’esclave et l’écho passif de l’activité musculaire ; — enfin la véritable parole intérieure, succession d’images, et d’images purement ou principalement sonores, semble être absolument inconnue à Maine de Biran64. […] Quand nous parlons des lèvres, « sans produire de son, nous entendons distinctement » une parole intérieure. — Quand nous parlons à haute voix, nous répétons ce que nous dicte à mesure la parole intérieure. — Quand nous nous taisons, elle prépare à l’avance nos discours à venir ; l’orateur se forme par l’exercice « soutenu et bien dirigé » de la parole intérieure ; « pour bien parler aux autres, il faut avoir contracté l’habitude de se parler à soi-même avec facilité70. » La parole intérieure dicte l’écriture71. — Puis « l’écriture réveille la parole intérieure dans l’esprit de celui qui lit… ; nous ne lisons pas pour voir l’écriture, mais pour entendre la parole intérieure72. » Elle nous aide à entendre, car elle « est souvent plus distincte que la sensation » sonore, et, alors, elle la complète73. — Cardaillac va plus loin, et soutient, cette fois à tort, que « le souvenir de la parole », c’est-à-dire la parole intérieure, « accompagne toujours la sensation » ; il serait même nécessaire pour que la parole d’autrui nous soit intelligible : « nous n’écoutons pas pour entendre la parole d’autrui, mais uniquement pour entendre la parole intérieure qui en est comme l’écho, et qui, pour nous, est le véritable corps de la pensée, seul capable de nous la rendre sensible74. » Comme si la parole d’autrui ne pouvait être directement comprise ! […] La pensée est pour Platon comme un être vivant, capable d’immobilité, capable aussi de mouvement et fait pour le mouvement ; lorsqu’elle est en mouvement, elle est une succession ; elle est donc analogue à un discours ; aussi le discours oral est-il sa véritable expression ; l’écriture, chose inerte, immobile, sans vie, ne représente pas l’essence de la pensée ; telle est la théorie du Phèdre (p. 274 et suivantes). — Tout autre semble avoir été l’opinion d’Aristote : si la parole exprime la recherche, l’écriture seule exprime la science, c’est-à-dire la pensée parvenue à sa perfection (voir Ravaisson [Félix Ravaisson (1913-1900), Essai sur la métaphysique d’Aristote, Paris, Imprimerie royale, 2 vols, 1837-1846.], La métaphysique d’Aristote, t.  […] Contre le logos exô, on peut toujours trouver des objections, mais on ne peut pas toujours contre le logos esô. » Le contexte permet de commenter ainsi ce passage : Si vous proposez à votre interlocuteur une hypothèse ou un postulat, celui-ci peut vous accorder cette thèse comme base d’une discussion commune, sans pour cela la croire vraie alors sa bouche consent, sa raison ne consent pas ; mais il peut aussi répondre à vos paroles par des paroles également vraisemblables ; si au contraire vous faites une véritable démonstration, fondée sur des axiomes, comme l’interlocuteur croit nécessairement aux axiomes, soi : assentiment est forcé ; sa raison doit proclamer son accord avec le vôtre ; poser une hypothèse, c’est demander verbalement une adhésion purement verbale, qui peut être refusée verbalement ; poser ou appliquer un axiome, c’est suivre la raison qui est en nous et provoquer irrésistiblement l’adhésion de la raison d’autrui. — M. 

974. (1920) Action, n° 2, mars 1920

Becher, par contre, écrit encore de véritables vers. […] Puis la guerre en a fait un véritable révolutionnaire. […] Voir André Salmon, « Véritable clé d’un domaine imaginaire » [1953 ?] […] Les œuvres expressionnistes ont alors en Allemagne un véritable succès public. […] Son ouvrage sur l’art le plus important est cependant, sans aucun doute, La Sculpture nègre, qui paraît en 1915 : le livre constitue, comme le souligne Liliane Meffe, « un véritable choc pour ses contemporains » (Liliane Meffe, Carl Einstein 1885-1940.

975. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Il a ce signe, cette marque du véritable homme de lettres qu’il songe à la postérité, c’est-à-dire aux deux ou trois douzaines de curieux qui ouvriront son livre un siècle après sa mort. […] Ce serait ou déclamation ou conception lugubre de la vie que de faire commettre à Gil Blas, désormais instruit, de véritables forfaits. […] Il me semble qu’il observe assez peu, et qu’on ne trouverait guère dans Marivaux de véritables études de mœurs ni de copieux renseignements sur la société de son temps. […] Mais c’est une injustice véritable. […] Alors, seulement alors, elle est autre chose qu’un instinct, n’est pas enseignée par la nécessité d’être, ne dérive point de nos besoins mêmes, et semble être une véritable révélation.

976. (1864) Le roman contemporain

Du reste, le véritable tort de M.  […] J’en trouve une nouvelle preuve dans la haine furieuse et dans la passion aveugle dont elle est animée contre les personnages qui tiennent au monde véritable. […] Est-il besoin de dire qu’un rayon de talent véritable éclaire et anime les compositions de Mürger ? […] Est-il besoin de dire qu’un rayon de talent véritable éclaire et anime les compositions de Mürger ? […] Hugo est un véritable montagnard, il a eu sa part dans ces crimes ; s’il n’a pas eu sa part dans ces crimes, il n’est pas un véritable montagnard, et la Convention l’eut proscrit comme un modéré, et mis hors la loi comme un girondin.

977. (1902) La poésie nouvelle

Les véritables promoteurs du vers libre en France furent Jules Laforgue et Gustave Kahn. […] Mais il serait aussi injuste d’assimiler à la prose pure et simple de véritables vers libres que de confondre avec un alexandrin un groupe de douze syllabes partagé par la moitié. […] Verlaine, avec les Poèmes saturniens et les Fêtes galantes, n’était pas encore en possession de sa véritable originalité. […] Ses voyages se transformèrent en de véritables explorations. […] Reste à savoir comment il a fait ce choix, et c’est sur quoi son œuvre nous renseignera ; mais on doit noter, dès maintenant, qu’il y a un danger véritable ici : le savant pastiche !    ‌

978. (1905) Propos littéraires. Troisième série

Précisément pour cela il est dans la juste mesure française, et se rapproche infiniment, déjà, du classicisme véritable. […] On ne peut pas se tromper plus absolument du blanc au noir, et Stendhal avait un véritable daltonisme psychologique. […] Et remarquez que c’est bien ici de la véritable énergie qu’il est question. […] Peut-être enfin corrige-t-il quelques véritables fautes de français. […] France, qui a tâté beaucoup de gués différents jusqu’à cette heure, est sur sa voie véritable.

979. (1890) La vie littéraire. Deuxième série pp. -366

On sent qu’elle rendra les amants à leur véritable destinée. […] Il n’y a pas, de véritable amour sans quelque sensualité. […] Il n’y a d’art véritable que celui qui se cache. […] Le véritable saint Antoine n’est pas tout à fait inconnu. […] En véritable Copte, il n’inventait rien.

980. (1730) Des Tropes ou des Diférens sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue. Traité des tropes pp. 1-286

Ce n’est point dans ce sens propre que Malherbe prenoit le mot de masque, lorsqu’il disoit qu’à la cour il y avoit plus de masques que de visages : masques est là dans un sens figuré, et se prend pour persones dissimulées, pour ceux qui cachent leurs véritables sentimens, qui se démontent, pour ainsi dire, le visage, et prènent des mines propres à marquer une situation d’esprit et de coeur toute autre que celle où ils sont éfectivement. […] la voix du peuple est la voix de Dieu , c’est-à-dire, que le sentiment du peuple, dans les matiéres qui sont de son ressort, est le véritable sentiment. […] Il faut s’atacher au sens que les mots excitent naturèlement dans notre esprit, quand nous ne somes point prévenus, et que nous somes dans l’état tranquile de la raison : voilà le véritable sens litéral-figuré, c’est celui-là qu’il faut doner aux loix, aux canons, aux textes des coutumes, et même à l’ecriture sainte. […] Au reste, je viens d’observer que le sens litéral-figuré est celui que les paroles excitent naturèlement dans l’esprit de ceux qui entendent la langue où l’expression figurée est autorisée par l’usage : ainsi pour bien entendre le véritable sens litéral d’un auteur, il ne sufit pas d’entendre les mots particuliers dont il s’est servi, il faut encore bien entendre les façons de parler usitées dans la langue de cet auteur ; sans quoi, ou l’on n’entendra point le passage, ou l’on tombera dans des contre-sens. […] Lorsque les interprètes traduisent à la rigueur de la lettre, ils rendent les mots et non le véritable sens : delà vient qu’il y a, par exemple, dans les pseaumes plusieurs versets qui ne sont pas intelligibles en latin. (…).

981. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Souvenirs militaires et intimes du général vicomte de Pelleport, publiés par son fils. » pp. 324-345

Envoyé à Rotterdam et nommé commandant supérieur de cette partie de la Hollande, il y exerce un véritable pouvoir dictatorial. […] Seul, en effet, l’historien véritable et sérieux des armées de la République et de l’Empire saura rapporter d’une manière complète et impartiale, et sans tomber dans le roman, cette grande phase de nos victoires et de nos revers.

982. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

Le fait est qu’il ne paraît pas avoir produit alors son véritable acte de baptême, et un extrait de cet acte n’est pas inséré dans l’acte de mariage ; il est dit seulement « qu’il a été donné lecture des actes de naissance des futurs ». Je mets ces petites irrégularités sur le compte de la coquetterie militaire qui aime, elle aussi, à se retrancher quelques années : il m’en coûterait de penser que le brillant général ait voulu esquiver toutes les qualifications ouvrières et plébéiennes qui abondaient dans son véritable acte de baptême.

983. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite et fin.) »

Qu’il me soit permis, messieurs, de m’honorer à vos yeux d’une mission que je dois à l’amitié de cet homme célèbre… » Ce rapprochement de Raynal et de Franklin ne pouvait passer que grâce à l’illusion de l’amitié : Franklin, véritable patriarche, par un mélange unique de simplicité, de finesse et de douce ironie, avait offert à quiconque l’avait approché dans sa vieillesse le modèle du sage, conseillant à demi-voix et souriant, un des vrais pères ou parrains de la société de l’avenir. […] Mais il n’avait pas su profiter de cette chance unique, il avait manqué à la belle mission qui lui était échue par le bénéfice du temps ; et après lui avoir représenté les contradictions flagrantes dans lesquelles le plaçait sa démarche, le ton et le caractère de ses anciens écrits qui juraient du tout au tout avec ce dernier acte, la palinodie qu’il semblait s’être réservée pour son chant du cygne, André Chénier lui traçait en regard le canevas de la véritable lettre qu’il aurait dû écrire, lettre sévère et digne, qui eût pu contenir un examen critique et judicieux de la Constitution, sans rien rétracter, sans rien démentir des principes.

984. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. » p. 232

Mais que direz-vous quand vous apprendrez que nous venons de voir la tête véritable du Laocoon, possédée par ce duc d’Aremberg, au prix de 460,000 francs ? […] Des Vénitiens l’ont trouvée dans leurs fouilles longtemps après la découverte du magnifique groupe dont la tête véritable n’avait jamais été retrouvée.

985. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Pierre Corneille »

Pierre Corneille En fait de critique et d’histoire littéraire, il n’est point, ce me semble, de lecture plus récréante, plus délectable, et à la fois plus féconde en enseignements de toute espèce, que les biographies bien faites des grands hommes : non pas ces biographies minces et sèches, ces notices exiguës et précieuses, où l’écrivain a la pensée de briller, et dont chaque paragraphe est effilé en épigramme ; mais de larges, copieuses, et parfois même diffuses histoires de l’homme et de ses œuvres : entrer en son auteur, s’y installer, le produire sous ses aspects divers ; le faire vivre, se mouvoir et parler, comme il a dû faire ; le suivre en son intérieur et dans ses mœurs domestiques aussi avant que l’on peut ; le rattacher par tous les côtés à cette terre, à cette existence réelle, à ces habitudes de chaque jour, dont les grands hommes ne dépendent pas moins que nous autres, fond véritable sur lequel ils ont pied, d’où ils partent pour s’élever quelque temps, et où ils retombent sans cesse. […] Taschereau a réduites fort judicieusement à leur véritable valeur.

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