On sait qu’après l’opération, si bien faite par le chirurgien Félix, et couronnée d’un plein succès, l’infirmité royale était devenue à la mode parmi les courtisans : « Plusieurs de ceux qui la cachaient avec soin avant ce temps, nous dit le chirurgien Dionis, n’ont plus eu honte de la rendre publique ; il y a eu même des courtisans qui ont choisi Versailles pour se soumettre à cette opération, parce que le roi s’informait de toutes les circonstances de cette maladie… J’en ai vu plus de trente qui voulaient qu’on leur fît l’opération, et dont la folie était si grande, qu’ils paraissaient fâchés lorsqu’on les assurait qu’il n’y avait point nécessité de la faire. » La platitude humaine est alerte à prendre toutes les formes et toutes les postures.
Quelques jours après et pendant le voyage que fit le roi en Alsace (octobre 1681), comme on visitait la fonderie de Brisach, où se voyaient certains mortiers formidables et d’invention nouvelle, il s’avisa de les faire tirer devant les députés de Strasbourg là présents, « pour leur faire connaître, disait-il agréablement, combien ils avaient été sages de se rendre. » Chacun fait ses gentillesses à sa manière.
Il y joint comme pendant, et dans un parallèle que la science n’a pu rendre encore aussi égal et aussi avancé qu’elle le voudrait, l’aperçu de ces empires non moins gigantesques, mais plus mobiles et ruineux, qui s’élevèrent à Ninive et à Babylone, sur le Tigre et sur l’Euphrate, créations magnifiques, mais trop voisines de la Perside et de ses pauvres montagnards pour ne pas attirer et tenter incessamment des recrues de vainqueurs.
La politique, dont M. de Lamartine renouvelle le programme dans sa préface, est belle et désirable ; je me reprocherais de rien dire qui pût en décourager un seul esprit : seulement, pour la rendre possible, il importe précisément de ne pas la croire si facile, si prochaine, si universellement agréée.
. — Nous faisons un détour ; nous associons à chaque qualité abstraite et générale un petit événement particulier et complexe, un son, une figure facile à imaginer et à reproduire ; nous rendons l’association si exacte et si étroite que désormais la qualité ne puisse apparaître ou manquer dans les choses, sans que le nom apparaisse ou manque dans notre esprit, et réciproquement.
Les facultés oratoires s’éveillaient en lui ; ce qu’il apprenait, il avait besoin de le rendre ; il lui fallait dégorger toutes les idées qui encombraient son cerveau.
Un peu de réflexion a pu rendre impossible les créations merveilleuses de l’instinct ; mais la réflexion complète fera revivre les mêmes œuvres avec un degré supérieur de clarté et de détermination.
Je remercie donc pour mon compte l’éditeur de ces lettres du cadeau qu’il nous a fait, tout en me permettant de regretter qu’il n’ait pas entouré cette publication de quelques légers soins de détail qui auraient pu la rendre et plus exacte et plus complète.
Il y a convenance et obligation à tout régime qui s’affermit dans notre France, et qui la rend calme et prospère, de susciter bientôt sa propre génération d’esprits et de talents.
La première fois que la femme vient se rendre, quelle pudeur, un tout petit tintement !
Un pourboire est doux après un service rendu ; les maîtres là-haut sourient ; on reçoit l’ordre agréable d’injurier qui l’on déteste ; on obéit abondamment ; liberté de mordre à bouche-que-veux-tu ; on s’en donne à cœur-joie ; c’est tout bénéfice, on hait, et l’on plaît.
Pour moi, j’incline à croire que nous voyons dans les genres polymorphes des variations de structure qui, n’étant ni utiles, ni nuisibles aux espèces qu’elles ont affectées, n’ont pas été rendues définitives par sélection naturelle, ainsi que nous l’expliquerons bientôt.
Il y a sans doute une certaine naïveté dans la forme ; mais il a parfaitement raison ; je dirai de même, et avec autant d’ingénuité, que c’est surtout dans l’exceptionnel qu’il faut un fond de vérité générale qui nous persuade que, si anormal qu’il soit, il est vrai encore, et qui, par là, lui rende en quelque sorte son autorité sur nous et par suite son intérêt.
Philarète Chasles, rendons-lui cette justice, ne fut jamais de cette impudence de négation.
Alfred de Vigny restera donc à présent, dans la pensée de tous, ce qu’il n’était que dans la sienne : un désespéré qui avait apprivoisé le désespoir, qui l’avait rendu doux et aimable, qui, comme Androclès, se faisait suivre par ce lion… Il apparaîtra plus grand que les poètes de ce temps, qui ne sont que des poètes ; car il fera l’effet d’une poésie, — la poésie de ce désespoir silencieux qui ne se mettait pas de cendres sur la tête, mais qui en avait dans le cœur !
La prompte introduction de ce jeune homme timide et honteux dans ce monde pour lequel il n’avait pas été élevé, mais qu’il convoitait de loin ; ce tour de vanité qui fausse en lui tous les sentiments, et qui lui fait voir, jusque dans la tendresse touchante d’une faible femme, bien moins cette tendresse même qu’une occasion offerte pour la prise de possession des élégances et des jouissances d’une caste supérieure ; cette tyrannie méprisante à laquelle il arrive si vite envers celle qu’il devrait servir et honorer ; l’illusion prolongée de cette fragile et intéressante victime, Mme de Rênal : tout cela est bien rendu ou du moins le serait, si l’auteur avait un peu moins d’inquiétude et d’épigramme dans la manière de raconter.
Daru, j’ai cherché à me bien rendre compte et de la nature et du détail même de certaines de ses fonctions, soit dans leur partie obéissante et passive, de pure exactitude, soit dans leur portion mobile et indéterminée où l’exécution même demandait un degré d’initiative et des combinaisons qui se renouvelaient sans cesse : je voulais ensuite rendre à mes lecteurs, dans une page générale et pourtant précise, l’impression que j’aurais reçue de cette analyse première.
Beugnot sont ici en défaut sur un point : Mme Roland n’était pas blonde, elle avait les cheveux et les yeux noirs, comme elle le dit elle-même ; mais, sauf cette légère inadvertance, l’impression charmante et morale qui ressortait de toute sa personne est vivement et fidèlement rendue par M.
Je dois dire que nos déistes homériques ne se rendent pas si aisément, et j’ai reçu de M.
Jusque-là, rêver, c’était une chose plus facile, plus simple, plus individuelle, et dont pourtant on se rendait moins compte : c’était penser à sa fille absente en Provence, à son fils qui était en Candie ou à l’armée du roi, à ses amis éloignés ou morts ; c’était dire : « Pour ma vie, vous la connaissez : on la passe avec cinq ou six amies dont la société plaît, et à mille devoirs à quoi l’on est obligé, et ce n’est pas une petite affaire.
Depuis longtemps, selon la méthode ordinaire, on a distribué les sensations en classes et sous-classes, plus ou moins heureusement, d’abord d’après le genre de service qu’elles nous rendent, ensuite d’après les circonstances particulières où elles naissent et d’après l’endroit où les images associées les situent, enfin, d’après les ressemblances assez grossières que l’observation intérieure trouve en elles67. — On a fait une première famille avec celles qui dénotent les divers états du corps sain ou malade, et qui sont moins des éléments de connaissance que des stimulants d’action ; on les a nommées sensations de la vie organique, et, d’après l’appareil ou la fonction qui les provoque, on les a divisées en genres et en espèces : ici l’effort, la fatigue, et diverses douleurs déterminées par l’état des muscles, des os et des tendons ; un peu plus loin, l’épuisement nerveux et les souffrances nerveuses déterminées par l’état propre des nerfs ; ailleurs les angoisses de la soif et de la faim déterminées par l’état de la circulation et de la nutrition ; là-bas, la suffocation et un certain état tout opposé de bien-être déterminés par l’état de la respiration ; ailleurs encore, les sensations de froid et de chaud, déterminées par un état général de tous les organes ; ailleurs enfin, d’autres, comme les sensations digestives, déterminées par l’état du canal alimentaire. — À côté de cette famille, on en a formé une seconde dont les premiers genres touchent aux derniers de la précédente ; elle comprend les sensations qui ne nous renseignent point sur la santé ou sur la maladie de notre corps, et qui sont moins des stimulants d’action que des éléments de connaissance.
Il faudrait les rendre accessibles à la honte et au remords avant de leur parler de pénitence.
Zola de rendre sensible aux yeux le drame qu’il voulait conter.
Elle m’avait fait promettre d’en prendre soin la dernière fois que je la vis ; ce que je ferai très religieusement, et je rendrai la pauvre bête aussi heureuse que possible. » Je n’ai pas voulu faire comme Buffon, et oublier le chien de l’aveugle.
Un jour, se souvenant que son poème des Martyrs avait été critiqué au point de vue de l’orthodoxie, il lui est échappé, dans un accès d’amour-propre, de dire des chrétiens ce qu’il a dit si souvent des rois : « Et ne voilà-t-il pas que les chrétiens de France, à qui j’avais rendu de si grands services en relevant leurs autels, s’avisèrent bêtement de se scandaliser !
Il se présenta lui-même comme porté jusque dans le sanctuaire académique par les amis de Voltaire : « Ainsi quelquefois de vaillants capitaines élèvent aux honneurs un jeune soldat, parce qu’ils l’ont vu servir enfant sous les tentes de leur général. » En même temps il rendait un public hommage à Gessner, mort depuis peu, et qu’il proclamait son maître et son ami.
« Qui ne me voudra savoir gré, dit-il, de l’ordre, de la douce et muette tranquillité qui a accompagné ma conduite, au moins ne peut-il me priver de la part qui m’en appartient par le titre de ma bonne fortune. » Et il est inépuisable à peindre en expressions vives et légères ce genre de services effectifs et insensibles qu’il croit avoir rendus, bien supérieurs à des actes plus bruyants et plus glorieux : « Ces actions-là ont bien plus de grâce qui échappent de la main de l’ouvrier nonchalamment et sans bruit, et que quelque honnête homme choisit après, et relève de l’ombre pour les pousser en lumière à cause d’elles-mêmes. » Ainsi la fortune servit à souhait Montaigne, et, même dans sa gestion publique, en des conjonctures si difficiles, il n’eut point à démentir sa maxime et sa devise, ni à trop sortir du train de vie qu’il s’était tracé : « Pour moi, je loue une vie glissante, sombre et muette. » Il arriva au terme de sa magistrature, à peu près satisfait de lui-même, ayant fait ce qu’il s’était promis, et en ayant beaucoup plus fait qu’il n’en avait promis aux autres.
Si, pendant les hivers, il ne quittait pas Monseigneur d’un pas, l’été, durant les campagnes, il se donnait une peine infinie pour se rendre propre à la guerre et pour y acquérir l’estime.
Lerond, le censeur, lui ordonna de sortir des rangs et lui dit : « Monsieur Carrel, rendez-vous sans retard à la prison ; il est vraiment déplorable qu’un élève aussi distingué que vous ait une tête aussi mauvaise ; avec les idées qui y fermentent, vous révolutionneriez le collège si on vous laissait faire. » — « Monsieur le censeur, répondit Carrel, il y a de ces idées dans ma tête plus qu’il n’en faut pour révolutionner votre collège de Rouen, il y en aurait de quoi révolutionner bien autre chose. » Il y a une anecdote de collège toute pareille qui est racontée par Marmontel, celui de tous les hommes qui ressemblait le moins à Carrel.
Et cependant, pour nous-mêmes, les couleurs et les sons ont toujours, si nous y regardons de près, une nuance tantôt sérieuse, tantôt gaie : c’est ce qui les rend propres à devenir des moyens d’émotion esthétique.
Nous venons de voir que les sentiments analogues, par exemple les sentiments tendres, les sentiments douloureux, s’évoquent mutuellement : l’espérance excite la joie, elle rend bienveillant, elle porte à aimer ; l’inquiétude, la tristesse, l’humeur chagrine, la misanthropie vont de pair.
C’est à peu près comme si l’on disait : Il n’y a plus de roses, le printemps a rendu l’âme, le soleil a perdu l’habitude de se lever, parcourez tous les prés de la terre, vous n’y trouverez pas un papillon, il n’y a plus de clair de lune et le rossignol ne chante plus, le lion ne rugit plus, l’aigle ne plane plus, les Alpes et les Pyrénées s’en sont allées, il n’y a plus de belles jeunes filles et de beaux jeunes hommes, personne ne songe plus aux tombes, la mère n’aime plus son enfant, le ciel est éteint, le cœur humain est mort.
. — Le noir apporte à l’amitié une ardeur excessive et rendrait aisément des points à Oreste et Pylade, à Nysus et Euryale.
III Et le ridicule même de cette situation d’amoureux qu’il a prise et qu’il a gardée, au grand ébahissement de tous, depuis 1842 jusqu’en 1868, ne rend pas ses deux volumes plus divertissants.
Mais je ne sache pas que la condamnation judiciaire qui l’a frappé ait supprimé le livre ; je ne sache pas qu’elle puisse l’ôter des mains qui l’ont acheté et de la mémoire de ceux qui l’ont lu ; je ne sache pas, enfin, que cette condamnation doive empêcher la Critique littéraire de rendre son jugement aussi, non sur la chose jugée, qu’il faut toujours respecter pour les raisons sociales les plus hautes, mais sur les mérites intellectuels d’un poète au début de la vie4 et aux premiers accents d’un talent qui chantera très ferme plus tard, si j’en crois la puissance de cette jeune poitrine.
. — D’autre part un gouvernement centralisé, assujettissant à une morne loi les individus les plus distants et les plus différents, les rend, à un certain point de vue, semblables.