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900. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

Si nous ne considérions aujourd’hui ce journal que comme un témoignage d’un passé éloigné, comme une mazarinade du temps de la Fronde, nous pourrions y relever littérairement des portraits piquants, des caricatures très gaies : toutes les fois que l’auteur sent sa verve se refroidir, il la ravive et se remet en goût en taillant quelque tranche de l’abbé Maury ou de Mirabeau-Tonneau. […] Il dit : Voyez comme on nous traite, voyez ce qu’on dit de nous.  Cette naïveté de conscience m’a paru plus plaisante que rien de ce que j’avais vu de lui jusqu’à ce jour, et vous-même, si vous l’avez lu, vous n’aurez pu sans doute vous empêcher de rire comme moi, qu’un homme, trouvant dans un livre où personne n’est nommé une grande quantité d’auteurs qui, d’après leurs écrits, d’après des faits, d’après une longue suite de preuves, sont traités de perturbateurs séditieux, de brouillons faméliques, d’hommes de sang, aille se reconnaître à un tel portrait, et déclarer hautement qu’il voit bien que c’est de lui qu’on a voulu parler.

901. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

Voilà ce qu’observait Mlle de Launay, notre La Bruyère de céans ; et elle couronne ses Mémoires par un portrait de la duchesse du Maine, qu’il faudrait transcrire tout au long, tant il est complet et achevé, et tant elle y résume l’espèce entière dans la personne du plus curieux individu. […] L’auteur du portrait continue de nous montrer ainsi tous les vices naïfs de sa princesse, toutes ses qualités sans âme et sans lien, sa religion sans piété, sa profusion sans générosité, beaucoup de connaissances sans aucun vrai savoir, « tous les empressements de l’amitié sans en avoir les sentiments », pas le moindre soupçon de la réciprocité et de la sympathie humaine : « On n’a point de conversation avec elle ; elle ne se soucie pas d’être entendue, il lui suffit d’être écoutée. » Et à la voir ainsi se montrer à nu non par franchise, mais parce qu’elle n’a en elle aucun principe d’égards et d’attention pour autrui, Mlle de Launay conclut en citant ce mot qui exprime le résultat de toute son étude, et qu’elle aurait bien trouvé d’elle-même : Elle (la duchesse du Maine) a fait dire à une personne de beaucoup d’esprit que les princes étaient en morale ce que les monstres sont dans la physique ; on voit en eux à découvert la plupart des vices qui sont imperceptibles dans les autres hommes.

902. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame Necker. » pp. 240-263

 » Dans ses Mémoires il s’étend avec plus de détail, et il nous fait de Mlle Curchod le portrait le plus flatteur et le plus fidèle à cette date : Son père, dit-il, dans la solitude d’un village isolé, s’appliqua à donner une éducation libérale et même savante à sa fille unique. […] Buffon fit deux vers latins pour mettre au bas du portrait de Mme Necker ; ils sont remarquables par la vivacité de l’éloge autant que par l’inélégance : Angelica facie et formoso corpore Necker Mentis et ingenii virtutes exhibet omnes.

903. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

C’était un talent laborieux, flexible, facile, actif, abondant, se contentant beaucoup trop d’à-peu-près dans l’ordre de la poésie et de l’art, et y portant du faux, mais plein de ressources, d’idées, et d’une expression élégante et précise dans tout ce qui n’était que travail littéraire ; de plus, excellent conteur, non pas tant dans ses Contes proprement dits que dans les récits d’anecdotes qui se présentent sous sa plume dans ses Mémoires ; excellent peintre pour les portraits de société, sachant et rendant à merveille le monde de son temps, avec une teinte d’optimisme qui n’exclut pas la finesse et qui n’altère pas la ressemblance. […] Ces agréables Mémoires, qui ressemblaient à « une promenade qu’il faisait faire à ses enfants », changent brusquement de caractère : avec le livre douzième, on quitte la biographie, les portraits et les conversations de société, les querelles légères : on entre dans les préoccupations et les graves soucis de l’histoire.

904. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Mémoires de Daniel de Cosnac, archevêque d’Aix. (2 vol. in 8º. — 1852.) » pp. 283-304

Il se lia avec Madame, cette charmante princesse, dont il apprécia les qualités, et dont il a tracé un vif portrait qu’a cité le président Hénault. […] À toutes les raisons qu’on a de croire que ce récit très amusant et ce portrait du premier Cosnac est de l’abbé de Choisy, j’en ajouterai une qui me paraît décisive, c’est la manière délicate et toute féminine dont il est parlé de cette nature et de ces inclinations toutes féminines aussi de Monsieur, duc d’Orléans.

905. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre premier. La solidarité sociale, principe de l’émotion esthétique la plus complexe »

Une œuvre d’art est toujours par quelque côté un portrait, et dans ce portrait, en y regardant bien, nous reconnaissons quelque chose de nous.

906. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre II. Shakespeare — Son œuvre. Les points culminants »

Tous font don à l’humanité de son portrait, les uns en riant, les autres en pleurant, les autres pensifs. […] Ces portraits de l’humanité, laissés à l’humanité comme adieux par ces passants, les poètes, sont rarement flattés, toujours exacts, ressemblants de la ressemblance profonde.

907. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XII] »

Le Portrait du peintre Léontion. […] Nous observerons seulement que la plupart de ces tableaux antiques sont des portraits ou des tableaux d’histoire ; et que, pour être impartial, il ne faut mettre en parallèle avec des sujets chrétiens que les sujets mythologiques.

908. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Nisard » pp. 81-110

Matériellement, c’est un confortable volume, délicieux de papier et de caractères, avec deux portraits à la Grévedon, l’un représentant Shelley, charmant de mollesse, de transparence et d’yeux mouillés, comme une jeune fille déguisée en adolescent, et l’autre ne représentant pas lord Byron, mais M.  […] Tous les portraits qu’on a de lui sortiraient de leurs cadres pour protester.

909. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution française »

Et voilà, pour moi, ce qui donne surtout une haute portée à ces études, qui ne sont pas seulement des monographies successives, et qui ferment, comme un musée de portraits historiques, le livre de Cassagnac. […] Par exemple, l’admirable portrait biographique de madame Roland.

910. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « V. M. Amédée Thierry » pp. 111-139

Si ces deux historiens frères ne sont pas les Ménechmes du même génie, ils n’en sont pas moins très ressemblants, et cette ressemblance semble plus vive maintenant… comme le portrait d’une personne morte est plus ressemblant, depuis qu’elle n’est plus là, et qu’on ne peut plus comparer. […] Amédée Thierry, lequel n’a mis, en ces vastes et ambitieuses histoires, ni le portrait d’un homme fièrement tracé, ni une page touchante ou grandiose, ni rien de ce qui fait qu’on lit Montesquieu, par exemple, quand on ne lit plus Boulainvilliers ; rien enfin de ce qui fait qu’un écrivain ne périt pas sur ses idées en ruine, parce qu’il avait, dans ce misérable brimborion qu’on appelle une plume, une goutte d’immortalité !

911. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

Les doigts poussent d’instinct le crayon moitié dans le désir de tracer un portrait fidèle, moitié par envie d’amusement et par obéissance à une pensée de satire. […] Ce don Quichotte, portrait de l’imagination de Cervantes, est aussi le miroir de son cœur. […] Il n’est pas douteux que Cervantes n’ait eu d’abord l’intention de tracer le portrait d’un fou complet. […] J’oubliais cependant que je ne dois tracer de lui aucun portrait. […] Certains portraits, dessins de caractère, souvenirs, anecdotes ont été rassemblés sous ce nom : Images objectives et impressions du monde extérieur.

912. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

La reine Moé (Moé : sommeil, ou mystère), en robe sombre, d’une beauté régulière et mystique, ses yeux étranges à demi fermés, avec une expression de regard en dedans, comme les portraits d’autrefois. […] Non pas que M. de Goncourt ait voulu peindre son portrait, mais parce que toutes les femmes sont femmes, et que les phénomènes qui se produisent dans des milieux identiques doivent donner lieu à d’inévitables ressemblances. […] Il ne connaissait pas le remords, pouvant toujours se dire : « Ce n’est pas moi qui l’ai voulu ; c’est la fatalité qui me commande. » Ce portrait n’a pas la prétention de s’imposer à l’histoire. […] En feuilletant son livre, je trouve, dans la partie consacrée à la Revue des Deux Mondes, ce portrait peu flatté de Gustave Planche. […] … vous êtes le portrait frappant de votre pauvre père !

913. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres mises en ordre par M. J. Sabbatier. (Tome II, 1844.) » pp. 144-153

Le premier volume des œuvres ne paraîtra qu’après celui-ci, qui est le second : l’inconvénient de ce mode de publication n’a point échappé à l’éditeur ; mais on a cru devoir se conformer à un article du testament d’Auguste Fabre, qui a exprimé le désir qu’une médaille et un portrait de son frère Victorin, et le bas-relief du monument funèbre, fussent gravés et placés au frontispice, du tome Ier des œuvres ; il a fallu du temps, et on a éprouvé des retards pour l’exécution de ces divers travaux.

914. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Études sur Blaise Pascal par M. A. Vinet. »

Voir au tome II des Portraits contemporains.

915. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Mignet : Histoire de la Révolution française, depuis 1789 jusqu’en 1814. 3e édition. »

Qu’on ne lui impute ni l’uniformité ni la brusquerie que parfois elle lui imprime : il saurait être souple et varié, si elle lui permettait de le devenir, et, pour n’en citer qu’une preuve, voyez comme à propos il s’anime de finesse et d’éclat dans l’ingénieux portrait d’un chambellan célèbre.

916. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — II »

Et nous nous disions : Si, au lieu d’une Vie de Napoléon Bonaparte, Walter Scott avait eu l’idée d’écrire un roman historique où ce personnage eût joué un rôle, s’il avait saisi cette occasion pour peindre des scènes de la Révolution française et pour montrer en action quelques-uns des caractères principaux qui s’y rencontrent, il eût fait un ouvrage plus intéressant à coup sûr que son histoire, mais également plein de vues fausses, de descriptions superficielles, et de portraits de fantaisie : et pourtant Walter Scott a eu sur cette période contemporaine autant et plus de renseignements que sur les époques d’Ivanhoë, de Quentin Dthrward, d’Élisabeth, de Cromwell et des Puritains.

917. (1874) Premiers lundis. Tome II « Charles de Bernard. Le nœud Gordien. — Gerfaut. »

S’il le veut, il y a en lui l’étoffe d’un romancier actuel, fécond et vrai ; son mauvais goût (car il en a) n’est que dans le détail ; ainsi, il reproduit trop par moments le jargon psychologique du maître ; il a des redoublements de bel esprit dans ses analyses, des drôleries et trivialités métaphoriques dans ses portraits, qui déplaisent au passage, mais sans avoir le temps de rebuter ; il a une multitude d’allusions dont un trop grand nombre, pour ceux qui ne vivent pas tout à fait de cette vie du jour, sont déjà subtiles et obscures.

918. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVIII. Pourquoi la nation française était-elle la nation de l’Europe qui avait le plus de grâce, de goût et de gaieté » pp. 366-378

Un ouvrage assez piquant d’Agrippa d’Aubigné, distinguait, il y a plus de deux siècles, l’être et le paraître, en faisant le portrait d’un Français, le duc d’Épernon.

919. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre V : Rapports du physique et du moral. »

« Aristote ne pouvait être à la fois Aristote et un poète tragique ; Newton ne pouvait être un peintre de portrait, même de troisième ordre. » « On pourrait donner d’autres exemples.

920. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre premier. Prostitués »

Il a offert de tracer d’un pinceau habile l’image du Maître et le portrait des favorites.

921. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préfaces de « Han d’Islande » (1823-1833) — Préface d’avril 1823 »

Il lui reste à remercier les huit où dix personnes qui ont eu la bonté de lire son ouvrage en entier, comme le constate le succès vraiment prodigieux qu’il a obtenu ; il témoigne également toute sa gratitude à celles de ses jolies lectrices qui, lui assure-t-on, ont bien voulu se faire d’après son livre un certain idéal de l’auteur de Han d’Islande ; il est infiniment flatté qu’elles veuillent bien lui accorder des cheveux rouges, une barbe crépue et des yeux hagards ; il est confus qu’elles daignent lui faire l’honneur de croire qu’il ne coupe jamais ses ongles ; mais il les supplie à genoux d’être bien convaincues qu’il ne pousse pas encore la férocité jusqu’à dévorer les petits enfants vivants ; du reste, tous ces faits seront fixés lorsque sa renommée sera montée jusqu’au niveau de celles des auteurs de Lolotte et Fanfan ou de Monsieur Botte, hommes transcendants, jumeaux de génie et de goût, Arcades ambo ; et qu’on placera en tête de ses œuvres son portrait, terribiles visu formæ , et sa biographie, domestica facta .

922. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bayle, et Jurieu. » pp. 349-361

Au bas de son portrait par Catherine Duchesne, on lit ces vers de La Monnoie*.

923. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mon mot sur l’architecture » pp. 70-76

Mais si c’est le portrait de la lingère du coin que vous ayez fait : un comptoir, des pièces de toile dépliées, une aune, à ses côtés quelques jeunes apprenties, un serin avec sa cage, voilà tout.

924. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 40, si le pouvoir de la peinture sur les hommes est plus grand que le pouvoir de la poësie » pp. 393-405

Le peintre s’est servi de cette image pour faire le fond d’un tableau dont la principale figure est le portrait d’une princesse sortie du sang de France ; mais qui est plus illustre aujourd’hui dans la societé des nations, et qui doit être encore plus célebre dans l’avenir par sa beauté que par son rang et par sa naissance.

925. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 16, objection tirée du caractere des romains et des hollandois, réponse à l’objection » pp. 277-289

Lorsque Juvenal fait le portrait de la femme superstitieuse, il dit qu’elle fait rompre la glace du Tibre pour y faire ses ablutions.

926. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Gabrille d’Estrées et Henri IV »

Et je doute qu’après ce portrait, si peu chargé et si peu fidèle, de cet heureux de la gloire, on continue de nous donner ce triple Gascon, qui gasconnait avec ses amis, avec les femmes, avec Dieu même, pour le modèle des rois français.

927. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

Tout au plus, pourrai-je détacher de cette série de portraits, sans trop de risques, la principale figure du livre, vers qui toutes les autres convergent, le baron Saffre. […] Le Portrait de Dorian Gray est ce dernier livre d’Oscar Wilde que d’avisés et fidèles traducteurs viennent d’offrir à notre curiosité, dirai-je à notre joie ? […] Avec l’Enquête sur la question sociale, publiée, aujourd’hui, il nous montre, par de vivants et aigus portraits — des portraits peints par eux-mêmes — ce que c’est qu’un capitaliste et un prolétaire, et ça ne nous semble guère plus consolant. […] — dans les portraits qu’il nous traçait de Gambetta, inépuisablement ! […] Ici s’inscrivent, telles des médailles, les portraits des cinq amis.

928. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

Les portraits vivants, les riches descriptions, les harangues nobles et variées, sont les moyens et les ornements de l’histoire et de la poésie épique. […] Elle ne peint point les mœurs des originaux d’une ville, ni tels ou tels personnages de la société : c’est la cité même qu’elle personnifie sous des emblèmes bouffons ; c’est le masque d’Athènes toute entière : son gouvernement, sa politique, ses abus, ses sophismes, s’y caractérisent par la licence, en des portraits effrontés. […] On voit que ce fonds allégorique n’est pas seulement applicable à telle ou telle circonstance, mais à tous les siècles, et que le caractère des choses que critique Aristophane n’est pas plus changeant que celui des hommes dans les portraits de Ménandre. […] La distinction en est aisée : tous ceux dont la fable merveilleuse comprend les actions, les mœurs, et la présence des immortels, sont hors de la tragédie moderne : tous ceux qui comportent les faits et les passions des hommes lui appartiennent aussi bien que les portraits des héros de l’histoire. […] La majesté des rôles resplendira de la majesté des choses, et la destinée de l’état romain sera le fond de cet auguste tableau, où se détacheront les portraits des héroïsmes opposés avec éclat sur le théâtre.

929. (1864) Le roman contemporain

Mais, allant chercher chacun des deux personnages de cet étrange duel littéraire dans le livre où il jouait le rôle sacrifié, elle accepta le portrait de Lui tel qu’il avait été peint par Elle, le portrait d’Elle tel qu’il avait été peint par Lui, en supposant que chacun des deux artistes s’était flatté. […] Le portrait de la grande Renée, de ce dernier reste d’une race héroïque moissonnée par la révolution, et qui veut demeurer jusqu’au bout fidèle aux tombeaux de ceux qu’elle a aimés, tourne à la caricature. […] Champfleury n’est plus sur son terrain, et qu’il fait des portraits pour lesquels les originaux n’ont pas posé. […] Je suis loin d’être insensible à l’art avec lequel l’action du drame est nouée, et à la manière large et ferme dont sont burinés plusieurs portraits. […] Le portrait de ce misérable, qui, après avoir été montagnard, est devenu courtisan et sénateur du premier empire, est d’une hideuse ressemblance.

930. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

Nous aurions bien désiré l’orner du portrait de Geoffroy, mais il nous a été impossible de nous en procurer un pour le faire graver. […] Sévère étant un personnage de pure invention, on doit moins reprocher à Corneille de n’avoir pas consulté les mœurs romaines en traçant son portrait : sous l’empire de Dèce, on n’avait pas même l’idée de l’espèce de galanterie héroïque qui domine dans ce caractère. […] Corneille a peint Cléopâtre d’après l’histoire ; si quelquefois ses traits sont trop naïfs, j’avoue que j’aime mieux dette précieuse vérité de pinceau que ces portraits imaginaires, que ces figures fades et fausses, qui n’ont point de physionomie et ne ressemblent à rien. […] Corneille n’a presque rien trouvé dans l’histoire qui pût servir à ce portrait ; mais il n’y a rien trouvé aussi qui le démente. […] La sotte admiration des provinciaux pour Paris est peinte au naturel, et le portrait de cette capitale, fait par le valet, est le texte de celui que Picard a tracé de la Grande Ville ; l’auteur moderne n’a fait que l’embellir par les réverbères, les falots, et les sinistres projets des joueurs sur les quais.

931. (1921) Esquisses critiques. Première série

Il lui faut une peinture qui le flatte, qui lui montre son visage sans rides ni défauts comme sur une photographie avantageusement retouchée, comme dans un portrait léché et sans accent. […] Tout d’abord la faculté d’individualiser les personnages qu’il présente et d’en faire une peinture si saisissante de vérité, que ces figures imaginaires prennent des allures et comme un relief de portraits. […] Marcel Boulenger propose comme modèle, et dont il a lui-même fourni l’exemple par le portrait de certains de ses personnages : les Pierre de Jaline, les Roger de Broux, les honnêtes, les irréprochables, ceux qui ne sont pas toujours les plus heureux, ceux que nous devrions imiter. […] Montfort, et non point de tracer d’après lui un portrait d’une exactitude plus ou moins approchée, une question nous arrête, que l’on peut résoudre en divers sens. […] Pour conclure, il faut dire que si l’on détient des documents sur la personne d’un écrivain, qu’on les ait obtenus en fouillant des archives, des mémoires ou des correspondances, ou qu’ils aient été simplement fournis par la vie, on est tenu à un certain genre de critique, et c’est ce qui peut nous excuser d’avoir commencé cette étude par une sorte de portrait de M. 

932. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Edmond et Jules de Goncourt »

Zola : Je pense — dit Pommageot en s’animant — que toutes les vieilles blagues du romantisme sont finies ; je pense que le public en a assez, des phrases en sucre filé ; je pense que la poésie est un borborygme ; je pense que les amoureux de mots et les aligneurs d’épithètes corrompent la moelle nationale ; je pense que le vrai, le vrai tout cru et tout nu est l’art ; je pense que les portraits au daguerréotype ressemblent… — C’est un paradoxe ! […] … Car si MM. de Goncourt ont la plume trop inquiète, trop prompte aux soubresauts, trop dédaigneuse des transitions pour nous présenter avec suite l’évolution d’un caractère, du moins ils excellent dans les portraits. […] Tout le portrait de ce pauvre Garnotelle, vingt fois repris et complété, est une merveille de finesse, d’ironie, de férocité.

933. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre V. Des orateurs anciens et Modernes. » pp. 223-293

Le lecteur ne doit pas y chercher des métaphores agréables, des portraits brillans, des descriptions fleuries, des traits saillans, des chûtes épigrammatiques, des cadences harmonieuses ; mais il y trouvera les maximes de l’Evangile rendues d’une maniere instructive & touchante. […] Or le style n’est agréable qu’autant qu’il est l’image naïve du genre d’esprit de l’auteur, & c’est à quoi le lecteur ne se méprend guéres, comme on juge qu’un portrait ressemble sans avoir vu l’original. […] M. de Mairan, successeur de M. de Fontenelle dans la place de Secrétaire de l’Académie des Sciences, ne l’imita pas servilement ; mais il ne parut pas loin de son modèle dans l’art délicat de dire le bien & le mal sans partialité & sans flatterie, & de tracer des portraits ressemblans entremêlés de particularités piquantes.

934. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

Je me trompe : ils l’apprendront en contemplant un portrait fait par un très grand peintre. […] Il est possible que les faiseurs de portraits daguerriens aient fait du tort à quelques pauvres peinturlureurs qui barbouillaient un portrait pour cinquante francs, ressemblance garantie, en une séance.

935. (1836) Portraits littéraires. Tome I pp. 1-388

L’auteur de Julia de Roubigné est le dernier portrait de cette glorieuse galerie où figurent Robertson, Smith, Hume, Fergusson. […] Le portrait du vieux Lester et de ses deux filles est un beau prologue et qui ouvre simplement la marche du récit. […] J’imagine que Van Dyck et Velasquez prenaient leurs séances sans prévenir les rois et les princes dont ils nous ont laissé le portrait. […] Le portrait de Diane, et surtout ses yeux, me semblent peints d’après nature. […] Son tableau du seizième siècle et ses Portraits prouvent assez, quoique diversement, ce que j’avance.

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