On prétend que Démosthène l’admirait ; il fut loué par Socrate ; Platon en a fait un magnifique éloge ; Cicéron l’appelle le père de l’éloquence ; Quintilien le met au rang des grands écrivains Denys d’Halicarnasse le vante comme orateur, philosophe et homme d’État ; enfin, après sa mort, on lui érigea deux statues, et sur son mausolée on éleva une colonne de quarante pieds, au haut de laquelle était placée une sirène, image et symbole de son éloquence. […] ou bien un philosophe qui était tout à la fois physicien, géomètre, naturaliste, politique, dialecticien, qui avait porté l’analyse dans toutes les opérations de l’esprit, assigné l’origine et la marche de nos idées, cherché dans les passions humaines toutes les règles de l’éloquence et du goût, et en qui le concours et l’union de toutes ces connaissances devaient former un esprit vaste et une imagination qui agrandissait tous les arts en réfléchissant leur lumière les uns sur les autres, ne devait-il pas en effet avoir moins d’estime pour un orateur qui avait plus d’harmonie que d’idées, et pour un maître d’éloquence qui savait mieux les règles de l’art, que l’origine et le fondement des arts même et des règles ? […] Enfin, le philosophe attache par l’étendue et la profondeur des idées ; l’orateur ne peut attacher que par les passions fortes ; l’effet des mouvements doux et tranquilles se perd, et n’arrive à la postérité que comme le ressouvenir d’un songe à demi effacé.
Les philosophes ne se sont guère occupés de l’idée de néant. […] Ainsi procède le philosophe en face de l’univers. […] A vrai dire, les philosophes anciens ne l’ont jamais formulée explicite nient. […] Et, une fois entré dans la zone d’attraction où cheminent les philosophes grecs, on est entraîné dans leur orbite. […] Le philosophe doit aller plus loin que le savant.
Or, si cette révolte de la nature irréfléchie, de l’égoïsme individuel dont ces philosophes font un prétendu droit dans ce qu’ils appellent les droits de l’homme, existait, la société cesserait à l’instant d’exister, car la société ne se maintient que par la toute-puissance et la toute légitimité de la volonté générale sur la volonté égoïste de l’individu. […] Cette petite part n’est pas même un droit, selon l’expression de La Fayette, le philosophe de l’émeute : L’insurrection est le plus saint des devoirs. […] Rousseau, philosophe social. […] Rousseau s’élève, dans cette contemplation lyrique de la Divinité et de la morale, mille fois au-dessus des philosophes impies ou matérialistes du dix-huitième siècle. […] Qui se serait douté de cette Égérie cachée dans les grottes du lac Léman, derrière ce philosophe misanthrope de la rue Plâtrière, à Paris ?
» tout à côté, dans ses réflexions sur la musique, le Sieyès philosophe reparaît : il est « à la recherche d’une langue philosophique universelle, mélodieuse, harmonique et instrumentale ». […] Cependant on n’est pas du Midi impunément, et un coup d’œil positif et pratique, prompt à saisir les occasions, ne laisse pas de se mêler chez Sieyès à ce qui, chez un philosophe du Nord, deviendrait aisément du rêve. […] Chez Sieyès, à cette date, il y avait tout autre chose qu’un homme délicat et dégoûté, aimant les aises de la vie et la bonne chère ; il y avait le philosophe artiste, ardemment préoccupé de son œuvre, de son plan chéri, et qui ne pouvait résister bientôt à le produire, eût-il dû être un peu gêné et retardé un moment par une grâce du ministre. […] J’ai parcouru une masse de lettres de tout genre qui lui furent adressées à cette époque par tout ce que la France avait de plus distingué, et l’Allemagne y joignait aussi de ces hommages enthousiastes qu’elle n’accorde qu’à ses grands philosophes. […] Les premières séances consultatives qui suivirent le 18 Brumaire firent évanouir cette illusion dernière de l’artiste plus encore que du philosophe.
Si on appelle cela écrire en Philosophe, les Annales des Nations sont donc à la veille de devenir un amas de chimeres, d'indécences, un dépôt de fiel & de corruption : tous les événemens ne tarderont pas à être altérés, travestis, & dirigés au but d'une subversion générale. […] Cette monstrueuse Histoire ne peut être partie que du cerveau exalté de quelque Philosophe archimaniaque, obstiné à mourir au milieu des accès de sa phrénésie.
Il est assez de l’avis de Vauvenargues, qui dit : « La Bruyère étoit un grand peintre, et n’étoit pas peut-être un grand philosophe. […] Vinet ne voudrait lui en reconnaître, et que c’est par là qu’il justifie en plein ce nom de philosophe que l’ingénieux critique lui accorde si expressément. […] Le philosophe ne pratique que l’intérêt et ne prêche que l’idée pure146. […] Le philosophe systématique et le moraliste sont volontiers mal ensemble. […] A tous ces édifices fantastiques, à ces façades de palais enchantés que nos philosophes construisent au plus grand honneur et bonheur de l’homme, je lis toujours cette ironique inscription tirée du plus pieux des poëtes : Mortalibus œgris !
Elle était de la religion qui parlait le plus éloquemment de la nature et de la liberté en s’élevant cependant à l’adoration du Créateur : c’était alors celle du philosophe de Genève exprimée dans la profession de foi du Vicaire Savoyard. Les philosophes, plus secs de cœur et plus implacables de logique, ne pardonnaient pas à J. […] Rousseau sa condescendance pour le christianisme, qu’ils ne remplaçaient que par l’athéisme : de là, deux sectes dans la philosophie nouvelle, celle des philosophes impies et celle des philosophes pieux. […] D’ailleurs, à l’exception de Voltaire, qui avait trop de muscles dans la pensée pour recourir à l’enflure, tout le dix-huitième siècle déclamait un peu : Diderot, Thomas, Buffon, Guibert, Raynal, Marmontel, la cour entière de philosophes et d’hommes de lettres groupés autour de M. […] Rousseau avait été le philosophe.
Mais où est donc la galerie des saints, la galerie des philosophes, la galerie des poètes, la galerie des savants, la galerie des penseurs ? […] Aux yeux du philosophe, la gloire de l’esprit est la seule véritable, et il est permis de croire qu’un jour les philosophes et les savants hériteront de la gloire que, durant sa période d’antagonisme et de brutalité, l’humanité aura dû décerner aux exploits militaires. […] La religion, telle que je l’entends, est fort éloignée de ce que les philosophes appellent religion naturelle, sorte de théologie mesquine, sans poésie, sans action sur l’humanité. […] Je préfère Pierre Leroux, tout égaré qu’il est, à ces prétendus philosophes qui voudraient refaire l’humanité sur l’étroite mesure de leur scolastique et avoir raison avec de la politique des instincts divins du cœur de l’homme. […] Ainsi s’expliquent les faiblesses de tant de philosophes en leurs derniers jours.
Faut-il croire qu’il y a chez les philosophes une certaine tendance à négliger les phénomènes affectifs, et à s’inquiéter de la psychologie de l’esprit plus que de celle du cœur ? […] C’est en se fondant sur ces apparences que des philosophes, même éminents, ont pensé qu’un sens particulier était nécessaire pour expliquer leur existence. […] C’est l’habitude des philosophes anglais de comprendre, dans leur étude des phénomènes affectifs, celle des plaisirs et peines que nous causent le beau et le laid, le bien et le mal. […] Le philosophe auquel l’auteur fait allusion, sans le nommer, est Thomas Brown, dons son Inquiry into the Relation of cause and effect
Rien n’arrête des ames philosophes. […] Passer sous silence un si grand nombre d’Ecrivains, c’eût été déceler l’ignorance d’un Littérateur peu instruit : oublier le mérite des Membres de la Société supprimée, parce qu’elle est dans l’infortune, c’eût été montrer la lâcheté d’un Philosophe, & nous ne connûmes jamais les odieux ménagemens. […] Quoiqu’il n’ait pris que parmi les bénignes admirateurs du Peuple philosophe, ou parmi certaines ames qui veulent passer pour bonnes, & qui ne sont que foibles & peut-être hypocrites, nous croyons devoir y faire une attention particuliere, afin de ne laisser aucun doute sur la droiture de nos sentimens. […] Assez d’Ecrivains parmi les Philosophes nous ont tracé, par leur exemple, le chemin de la fortune & celui de la célébrité ; nous étions instruits de la route, il ne s’agissoit que de vouloir nous y engager.
C’est pourquoi il faut traduire, commenter, publier, imprimer, réimprimer, clicher, stéréotyper, distribuer, crier, expliquer, réciter, répandre, donner à tous, donner à bon marché, donner au prix de revient, donner pour rien, tous les poètes, tous les philosophes, tous les penseurs, tous les producteurs de grandeur d’âme. […] S’il réclame parmi ces philosophes sa place, c’est que c’est une place de persécution. […] Que ces philosophes involontaires d’un despotisme possible y songent, endoctriner les masses contre la liberté, entasser dans les intelligences l’appétit et le fatalisme, une situation étant donnée, la saturer de matérialisme, et s’exposer à la construction qui en sortirait, ce serait comprendre le progrès à la façon de ce brave homme qui acclamait un nouveau gibet, et qui s’écriait : À la bonne heure ! […] Les poëtes, les philosophes, les penseurs sont les urnes.
Le philosophe serait-il, en lui, confisqué par l’historien ? […] Marc-Aurèle, tout philosophe qu’il fût, était dévot à la manière de nous autres, les dévots chrétiens. […] Boissier, que les philosophes et les prêtres, unis pour la première fois, s’étaient entendus pour préparer la société qui allait naître. — Cela ne semble rien que cette thèse d’histoire, et c’est tout ; car c’est la divinité même du Christianisme qui reste dessous ! […] Boule tournante, que la tête à la débandade de ce philosophe !
C’est le concours des philosophes et des poètes qui perfectionne les langues ; c’est aux philosophes qu’elles doivent cette universalité de signes qui rend une langue le tableau de l’univers ; cette justesse qui marque avec précision tous les rapports et toutes les différences des objets ; cette finesse qui distingue tous les progrès d’actions, de passions et de mouvements ; cette analogie qui dans la création des signes les fait naître les uns des autres, et les enchaîne comme les idées analogues se tiennent dans la pensée, ou les êtres voisins dans la nature ; cet arrangement qui, de la combinaison des mots, fait sortir avec clarté l’ordre et la combinaison des idées ; enfin cette régularité qui, comme dans un plan de législation, embrasse tout et suit partout le même principe et la même loi. […] Ainsi ce serait aux philosophes à construire l’édifice des langues, à en jeter les fondements, à en fixer les proportions et la hauteur, comme les poètes en sont, pour ainsi dire, les décorateurs et les peintres. C’est ce concours des poètes et des philosophes qui donna à la langue des Grecs sa perfection et sa beauté.
Jamais on n’attaqua plus vivement les Philosophes de nos jours, & jamais on ne fit sentir plus finement le ridicule de leur orgueil & de leurs systêmes. […] Comme les Philosophes, toujours attentifs à décrier tout ce qui ne porte pas leur livrée, ont pris prétexte de ce dernier Ouvrage de M.
Nous contribuerions ainsi à éclaircir, aux yeux du philosophe, la théorie de la Relativité. […] Aucune question n’a été plus négligée par les philosophes que celle du temps ; et pourtant tous s’accordent à la déclarer capitale.
Il cessa d’être élégiaque et devint philosophe. […] Comme philosophe, M. […] C’est ce que les philosophes ne pardonnent pas. […] De tous les philosophes de l’antiquité, Pyrrhon fut le plus sage. […] Il y a philosophe et philosophe.
Guizot, le portrait d’un philosophe pur, d’un savant et d’un critique de bonne foi qui ne recule devant aucun problème, devant aucune solution, devant aucune absence de solution. […] Et d’abord ce philosophe, cet investigateur des grands problèmes vit seul, sans famille, sans enfants, dans une chambre ou deux, à un étage supérieur où les bruits de la rue n’arrivent pas ; il habite assez près des toits, comme le philosophe de La Bruyère. […] « L’impiété, a dit Rivarol, est la plus grande des indiscrétions. » L’humanité n’est pas un philosophe ; la majorité des hommes ne supporte pas le doute, l’incertitude ; il leur faut des solutions, et qu’elles soient encourageantes, consolantes, salutaires ; il leur faut des réponses à tout prix : à défaut de celles des savants, ils en demanderaient plutôt aux oracles. […] Il ne serait pas exact de penser, comme paraît l’avoir cru l’illustre écrivain, d’après une autre lettre de lui écrite à la même date et dont j’ai eu communication, que ce « philosophe critique, sans femme, sans enfants, sans affaires, spectateur curieux et douteur, ce soit moi-même », et que j’aie mis là mon portrait en regard du sien.
Ce type admirable se continue encore quelque temps dans les premiers âges de la réflexion analytique ; il produit alors ces sages primitifs, qui ne sont déjà plus des mystagogues, mais ne sont pas encore des philosophes, et qui ont aussi leur légende (biographie fabuleuse), mais bien moins créée que celle des initiateurs (mythe pur). Tels sont Confucius, Lao-Tseu, Salomon, Lokman, Pythagore, Empédocle, qui confinent aux premiers philosophes par les types encore plus adoucis de Solon, Zaleucus, Numa, etc. […] Il y a des poètes, des savants, des philosophes, des moralistes, des politiques ; il y a même encore des théologiens et des prêtres 151. […] Un homme simple, synthétique, sans critique, est plus puissant pour changer le monde et faire des prosélytes que le philosophe inaccessible et sévère. […] Fichte, qu’en France, bien entendu, on eût appelé un impie, faisait tous les soirs la prière en famille ; puis on chantait quelques versets avec accompagnement de piano ; puis le philosophe faisait à la famille une petite homélie sur quelques pages de l’Évangile de saint Jean, et, selon l’occasion, y ajoutait des paroles de consolation ou de pieuses exhortations.
Logé au château d’Emkendorf, chez le comte de Reventlau, il y trouva, ainsi que dans les châteaux voisins, tout un cercle de philosophes, de savants, de gens du monde, qu’on aurait vainement cherché à réunir ailleurs avec ce choix et cette distinction. C’étaient les deux comtes de Stolberg, nourris de la fleur grecque et de l’esprit chrétien, philosophes et littérateurs éminents ; Jacobi, philosophe aimable, d’un sentiment délicat et pur ; d’autres encore moins connus ici, enfin une société douce mais grave : « Nous avons rencontré, écrivait-il à Mallet du Pan en avril 1798, de l’instruction et des vertus. » Dans une autre lettre à ce même ami alors réfugié à Londres, il a peint lui-même l’état calme et reposé de son âme en ces années d’attente, de conversation nourrie et de réflexion communicative : Il n’y a rien de nouveau en France, lui écrivait-il (24 juin 1798.) […] Le sentiment du législateur domine en lui de beaucoup la curiosité de l’investigateur et du philosophe. […] Le philosophe lui-même a besoin, autant que la multitude, du courage d’ignorer et de la sagesse de croire.
Il y a, pour ainsi dire, en lui, deux personnages : l’homme de tous les jours, qui est le plus conciliant du monde et presque timide ; et le philosophe rigide dans ses dogmes comme une chaîne de théorèmes ou comme une barre d’acier. […] Ce livre, composé d’après une méthode inflexible, écrit avec une éloquence entraînante, rempli de vues supérieures, paré d’images magnifiques et naturelles, n’est connu que des philosophes : l’auteur ne va pas chez les personnes influentes ; voyant qu’il ne se loue point, on ne le loue point ; il a oublié que la gloire se fabrique. […] Les philosophes abondent dans les armoires, sur les chaises, sur la cheminée, sur le parquet. […] Est-on obligé pour cela d’aller, comme tant de philosophes, emprunter ce chef dans la région de l’invisible et du mystère ? […] Dépourvus de notations exactes, privés de l’analyse française, emportés tout d’abord au sommet de la prodigieuse pyramide dont ils n’avaient pas voulu gravir les degrés, ils sont tombés d’une grande chute ; mais dans cette ruine, et au fond de ce précipice, les restes écroulés de leur œuvre surpassent encore toutes les constructions humaines par leur magnificence et par leur masse, et le plan demi-brisé qu’on-y distingue indique aux philosophes futurs, par ses imperfections et par ses mérites, le but qu’il faut enfin atteindre et la voie qu’il ne faut point d’abord tenter.
Caveirac, [Jean Novi de] Abbé, né à Nîmes en 1713, une des victimes de la calomnie des Philosophes. […] « Ensuite, si vous lisez ce petit Ouvrage, vous serez étonné de n’y trouver qu’un homme raisonnable, humain, philosophe même, qui combat un préjugé, qui pourroit avoir tort dans le fond, sans qu’il fût possible de lui faire le moindre reproche dans la forme ; enfin, qui n’a point cherché à justifier cette abominable catastrophe dont on le suppose le panégyriste, qui a tenu, à ce sujet, le langage d’un cœur compatissant & d’un esprit éclairé.
La lecture de ce Philosophe toujours flottant dans ses principes, non seulement enhardit sa témérité, mais encore le rendit un Sceptique outré, & ôta à son esprit la faculté de trouver une assiette fixe. […] Tout à la fois Chronologiste, Géographe, Philosophe, Mythologiste, Grammairien, il n’est instructif que pour ceux qui savent écarter les erreurs & s’attacher avec discernement aux bonnes instructions qu’il présente.
Il y a toujours sans doute beaucoup de tendresse et de douce intimité dans les lettres du philosophe à sa maîtresse ; mais la passion éclatante, épurée, et par moments sublime, a disparu dans une causerie plus molle, plus patiente, plus désintéressée ; les nouvelles, les anecdotes, les conversations sur toutes choses, s’y trouvent comme auparavant ; une analyse ingénieuse et profonde du cœur y saisit toujours et y amuse ; mais la verve de l’esprit supplée fréquemment à la flamme attiédie de la passion ; un gracieux commérage, si l’on peut parler ainsi, occupe et remplit les heures de l’absence ; on s’aime, on se le dit encore, on ne sera jamais las de se le dire ; mais par malheur les cinquante ans sont là qui avertissent désagréablement le lecteur et le désenchantent sur le compte des amants ; les amants eux-mêmes ne peuvent oublier ces fâcheux cinquante ans qui leur font l’absence moins douloureuse, la fidélité moins méritoire, et qui introduisent forcément dans l’expression de leurs sentiments les plus délicats, je ne sais quelle préoccupation sensuelle qui les ramène à la terre et les arrache aux divines extases de l’âme où s’égare et plane en toute confiance la prodigue jeunesse. […] Il le surpasse de beaucoup par le ton et la couleur, lorsque, parlant d’une femme de sa connaissance que mademoiselle Voland jugeait coquette, il dit : « Vous vous trompez ; elle n’est point coquette ; mais elle s’est aperçue que cet intérêt vrai ou simulé que les hommes portent aux femmes, les rend plus vifs, plus ingénieux, plus affectionnés, plus gais ; que les heures se passent ainsi plus rapides et plus amusées ; elle se prête seulement : c’est un essaim de papillons qu’elle assemble autour de sa tête, le soir elle secoue la poussière qui s’est détachée de leurs ailes, et il n’y paraît plus. » C’est avec madame Legendre surtout que notre philosophe aime à marivauder, comme il dit, à l’égal de la fée Taupe de Crébillon. […] Cela intriguait fort notre philosophe, qui aimait beaucoup madame Legendre, et osait la railler de ce petit faible assez commun même chez les honnêtes femmes.
Les philologues et les philosophes ont pensé communément que dans ce qu’on appelle l’état de nature, les familles n’étaient composées que de fils ; elles le furent aussi de serviteurs ou famuli, d’où elles tirèrent principalement ce nom. […] C’est cette tradition vulgaire sur la sagesse des anciens qui a trompé Platon, et lui a fait regretter les temps où les philosophes régnaient, où les rois étaient philosophes .
Mais deux ou trois faits relatifs à la personne de ces philosophes nous en apprennent plus long sur la formation de leurs théories littéraires, et par là sur leur valeur, que toute la critique du Chevalier. […] c’est qu’il est déjà trop philosophe pour ses professeurs. […] Permettez-moi, mon cher, de vous rappeler votre maladie, comme Toinette au bonhomme Argan : vous êtes philosophe, vous avez un système, et dans votre système cet artiste ne peut pas se corriger. […] Reprenons nos artistes, enseignons à nos enfants l’orthographe ; mais dans le passé où nous ne pouvons rien changer, expliquons tout : c’est la seule étude digue du philosophe. […] Mais j’ai cru qu’il fallait en user de la sorte avec vous, et que c’est consoler un philosophe que de lui justifier ses larmes, et de mettre sa douleur en liberté.
Alexander Bain (1818-1903) : ce philosophe écossais, professeur à l’Université d’Aberdeen, logicien, auteur d’une Science de l’éducation (1879), a marqué l’histoire de la psychologie dite « scientifique » par deux ouvrages importants touchant à la « psychologie expérimentale » dégagée de la vieille théorie des facultés, Les Sens et l’Intelligence (1855), ainsi que Les Émotions et la Volonté (1859). […] Chez le philosophe évolutionniste anglais, cette catégorie vise l’étude des relations entre les états de conscience et les affections nerveuses.
Homère, venu si longtemps avant les philosophes, les critiques et les auteurs d’Arts poétiques, fut et reste encore le plus sublime des poètes dans le genre le plus sublime, dans le genre héroïque ; et la tragédie qui naquit après fut toute grossière dans ses commencements, comme personne ne l’ignore. […] La nouvelle comédie peignit les mœurs des âges civilisés, dont les philosophes de l’école de Socrate avaient déjà fait l’objet de leurs méditations ; éclairés par les maximes dans lesquelles cette philosophie avait résumé toute la morale, Ménandre et les autres comiques grecs purent se former des caractères idéaux, propres à frapper l’attention du vulgaire, si docile aux exemples, tandis qu’il est si incapable de profiter des maximes.
Depuis quelques années, l’attention des philosophes et de tous ceux qui s’occupent sérieusement du problème social s’est tournée sur la condition de la femme, sur les changements de destinée auxquels elle était appelée, sur la fonction importante qu’elle aurait à remplir dans un ordre où l’on suppose que devront prévaloir l’égalité et la raison. […] Aimé Martin, écrivain élégant et philosophe de l’école de Bernardin de Saint-Pierre et de Jean-Jacques, aborde aujourd’hui le même sujet ; et, tout en restant fidèle aux traditions de ses maîtres, il les ravive par une analyse nouvelle et par la connaissance des travaux essayés depuis eux.
La réputation d’un bon philosophe s’écroule dans le ridicule. […] Strada est un philosophe et un historien, et l’examen d’une telle épopée est au-dessus de notre compétence.
Le philosophe qui embrasse la Nature entière d’un regard, oublie l’infinie diversité des détails pour ne voir que l’unité de plan révélée par les grandes lois qui la régissent. […] C’est alors que le philosophe, spéculatif ou mystique, néglige les enseignements de la science historique ou les intimes révélations de la conscience, et se livre tout entier à ses pensées et à ses formules de haute synthèse métaphysique, ou à ses rêves de vie intime et commune avec Dieu. […] Si cela était, il n’y aurait pas de question, et les philosophes n’en seraient pas encore aujourd’hui à disputer sur le libre arbitre. […] Enfin, c’est ainsi que le philosophe de la nature explique la vie universelle par la seule loi de gravitation régissant les atomes comme les mondes. […] Il faut donc que la pente soit irrésistible, puisque la méthode psychologique elle-même n’a pu arrêter le philosophe chrétien.
C’est sur ces principes que les anciens philosophes ont condamné la poësie. […] Ils ont laissé le dogmatique aux philosophes ; et ils s’en sont tenus à l’imitation, contens de l’avantage de plaire, tandis que les autres aspiroient à l’honneur d’instruire. […] Les poëtes ont été les premiers philosophes. […] Les premiers théologiens comme les premiers philosophes, ont eu raison de s’en servir pour intéresser les hommes par l’agrément, à ce qu’ils vouloient leur apprendre. […] S’il met quelque feu dans un ouvrage, et s’il fait regarder à de certaines gens les poëtes comme des hommes inspirés, il les avilit à des yeux plus philosophes, qui les regardent comme des fous yvres de leur art et d’eux-mêmes.
C’est un athée comme l’Italie, qui a toujours eu des poisons mêlés à ses parfums, a su en produire quand elle en a produit, depuis Vanini le philosophe, jusqu’à Leopardi le poète. […] En effet, si la fatalité est la reine du monde, la loi éternelle, pourquoi le philosophe est-il triste lorsqu’il proclame ses arrêts ? […] Faut-il que ce soit nous qui apprenions l’étymologie au philosophe, au philologue, au savant traducteur de Vico ? […] Les plus mauvais rois de Pavie sont auprès de lui des philosophes et des saints. […] Ferrari n’est pas seulement un historien réussi… quelquefois, ou un philosophe échoué presque toujours : c’est aussi un poète à sa manière, ou du moins une tête d’une organisation poétique.
Les philosophes, s’ils n’ont pas été des époux sans défaut et des rivaux sans jalousie, ont enveloppé tous les êtres souffrants d’une sympathie large et active ; ils ont compati à toutes les misères, dénoncé toutes les injustices, salué de cris de joie tout progrès de la société vers un état meilleur. […] Or, un jour vint (c’était hier, au xviiie siècle) où, par un heureux contrecoup des persécutions aussi atroces qu’inutiles exercées au nom de la religion, grâce aux efforts des philosophes et de Voltaire en particulier, cette ancienne vertu parut sauvage, horrible, souillée du crime de lèse-humanité. […] De plus les philosophes ont ébranlé le système de Descartes. […] Il arrive même qu’une théorie émise par un philosophe ou un romancier, puis couvée dans un cerveau fruste et violent, se répercute en crime ; des procès retentissants ont permis de constater quelques-unes de ces mystérieuses transmissions de fluide qui vont foudroyer à distance quelque victime. […] Quand d’Holbach et ses amis, au siècle dernier, devenant des fanatiques à rebours, voulurent imposer autour d’eux une sorte d’athéisme obligatoire, Duclos, le philosophe, qui n’était guère chrétien, s’écriait avec humeur : « Ils en diront tant, qu’ils me feront aller à la messe. » On raconte qu’un avare, voyant l’Harpagon de Molière souffler une chandelle inutile, laissa échapper ce cri de joie : « Voilà une leçon dont je profiterai. » Leçon d’avarice tirée d’une pièce contre l’avarice !
En cela, les plus grands philosophes d’une nation si éclairée sont d’accord avec les barbares de l’ancienne Germanie, chez lesquels, au rapport de César, le brigandage, loin de paraître infâme, était regardé comme un exercice de vertu. […] Lorsque les philosophes ou les historiens parlent des premiers temps, ils prennent le mot peuple dans un sens moderne, parce qu’ils n’ont pu imaginer les sévères aristocraties des âges antiques ; de là deux erreurs dans l’acception des mots rois et liberté. […] Cependant cet Achille, le plus grand des héros grecs, Homère nous le représente sous trois aspects entièrement contraires aux idées que les philosophes ont conçues de l’héroïsme antique. […] Le héros digne de ce nom, caractère bien différent de celui des temps héroïques, est appelé par les souhaits des peuples affligés ; les philosophes en raisonnent, les poètes l’imaginent, mais la nature des sociétés ne permet pas d’espérer un tel bienfait du ciel. […] Les philosophes seuls peuvent arriver à comprendre l’idée d’infini.
Grün, le plus considérable et le plus complet entre les plus récents, à faire quelques remarques encore sur cette nature multiforme et infinie du plus curieux et du plus amusé des philosophes. […] Ajoutez que pour Montaigne philosophe le voyage n’était qu’une réfutation perpétuelle, en action et en tableau, des préjugés de clocher dont il avait le mépris et le secret dégoût. Dans cette succession rapide de vues et de mœurs si diverses et si contraires, un préjugé réfute et chasse l’autre, et ne lui laisse pas le temps de faire le fier ; et le philosophe libre, sans aucun effort de lutte ni de contradiction, y trouve son compte, en même temps que le curieux son plaisir. […] Il respecte tant l’ancienne Rome qu’il se complaît à la parodie même qu’on en fait, pourvu qu’elle soit sérieuse et sans rire ; il reçoit ses lettres de citoyen au nom du Sénat et du Peuple : « C’est un titre vain, dit-il ; tant y a que j’ai reçu beaucoup de plaisir de l’avoir obtenu. » Voilà un aimable philosophe qui paye ouvertement son tribut à l’illusion et à la vanité humaine. […] Mais je me suis senti provoqué par ces doctes brochures qui venaient nous entretenir de minces détails, de questions philologiques concernant la bibliothèque et le tombeau du philosophe, et je ne me le suis pas laissé dire deux fois.
» Mais quand il lui parlait avec cette effusion, avec ce naturel d’un amant artiste et philosophe, la grande dame en elle se réveillait avec ses hauteurs ; elle parlait avec dédain de ces filles du peuple comme ignorant le noble et le fin de la passion. […] Michel, aussi, demande un peu trop ; il veut faire d’une femme plus qu’elle ne peut être, si elle n’est philosophe et Ninon ; mais alors ce n’est plus la femme, c’est la camarade et l’amie. […] Ce livre dispose l’imagination d’une certaine façon, pour la désoler ensuite selon la fantaisie de l’auteur, — grand artiste, mais pauvre philosophe ! […] Ceux qui s’intitulent philosophes et qui ne sont que des professeurs ou des raisonneurs de philosophie, ne se doutent pas du degré de philosophie véritable auquel atteignent naturellement et de prime saut quelques-unes de ces natures qu’on appelle artistes. — Mais Michel, après avoir fait voir et dire à l’oiseau babillard tant de choses merveilleuses et à étonner les simples, se rabattait l’instant d’après à donner à Marie d’aimables et riants conseils, bien capables de l’apprivoiser : « La vie, telle qu’elle est, est pleine de choses heureuses, Marie ; les plaisirs de la pensée sont infinis. […] On aura plus tard les propos du philosophe amer et morose sous le nom et le masque allégorique de Thomas Vireloque : on a vu ici la philosophie première, toute gaie et souriante, dans Michel.