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1137. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre V. Que l’incrédulité est la principale cause de la décadence du goût et du génie. »

Si l’incrédule se trouve ainsi borné dans les choses de la nature, comment peindra-t-il l’homme avec éloquence ?

1138. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 1, du génie en general » pp. 1-13

Le tableau le mieux peint, comme le poëme le mieux distribué et le plus exactement écrit, peuvent être des ouvrages froids et ennuïeux.

1139. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 10, du temps où les hommes de génie parviennent au mérite dont ils sont capables » pp. 110-121

Ce sont de grands morceaux, où nos deux antagonistes avoient eu le champ libre pour mettre en évidence tout leur génie, et ils les avoient executez avec d’autant plus de soin, qu’étans peints à fresque vis-à-vis l’un de l’autre, ils devoient être perpetuellement rivaux, et, pour ainsi dire, éterniser la concurrence de leurs artisans.

1140. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « III »

Supprime-t-on l’Ecole des beaux-arts et l’enseignement du dessin, parce que tel grand peintre de la Renaissance peignait à dix ans sans maître ?

1141. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Alaux. La Religion progressive » pp. 391-400

Il les peint et les plaint plutôt qu’il ne les juge.

1142. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre III. Des éloges chez tous les premiers peuples. »

Nous avons encore aujourd’hui quelques-uns de ces chants ; on se doute bien qu’ils sont barbares comme les héros qu’ils célèbrent ; mais à travers le désordre des idées, il y règne une éloquence fière et sauvage, et jamais peut-être le mépris de la mort n’a été mieux peint chez aucun peuple.

1143. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

On peint d’ordinaire les folles, comme si la folie s’arrangeait avec les convenances et donnait seulement le droit de ne pas finir les phrases commencées, et de briser à propos le fil des idées ; mais cela n’est pas ainsi : le véritable désordre de l’esprit se montre presque toujours sous des formes étrangères à la cause même de la folie, et la gaieté des malheureux est bien plus déchirante que leur douleur. […] Villemain, dans ses souvenirs de cette époque, pour que nous laissions peindre à un autre qu’à ce grand peintre les angoisses d’une femme qui furent en ce moment les angoisses de toute une nation. […] Villemain, j’avais vu madame de Staël dans cette maison et ailleurs éclairer d’une vive lumière quelques entretiens accidentels sur la politique, les lettres, les arts, parcourir le passé et le présent comme deux régions ouvertes partout à ses yeux, deviner ce qu’elle ne savait pas, aviser par le mouvement de l’âme ou l’éclair de la pensée ce qui n’était qu’un souvenir enseveli dans l’histoire, peindre les hommes en les rappelant, juger, par exemple, le cardinal de Richelieu avec une sagacité profonde, et il faut ajouter une noble colère de femme, puis l’empereur Napoléon qui résumait pour elle tous les despotismes, et que sa parole éloquente retrouvait à tous les points de l’horizon comme une ombre gigantesque qui les obscurcissait.

1144. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre III »

Pendant cinquante ans, il a rêvé la pairie, du fond de son magasin ténébreux, comme un épicier, assis entre une tonne de harengs et une barrique de fromages, rêve, pour ses vieux jours, quelque maison de campagne fabuleuse, avec un kiosque chinois, un cygne mécanique en bois peint nageant dans un bassin, et des jets d’eau, alimentés par une carafe, retombant sur des Amours coloriés de plâtre ou de faïence. […] Cette fille perdue qui médite de se perdre encore, cette mère, crapuleuse et bouffonne, qui lui sert à la fois de jouet et d’idole, pareille à ces manitous que les sauvages adorent et cassent tour à tour, cet aigrefin qui s’est fait son chevalier… d’industrie, cette conversation qui respire la gaieté malsaine des cabinets particuliers et des tables d’hôtes équivoques, tout cela est peint à cru, calqué sur le vif ; tout cela est d’un comique amer qui donne à l’âme la nausée de l’empoisonnement. […] Il nous a peint, en traits de feu, l’ensorcellement matériel d’une fille, ingénue comme une sauvage, qui, retirée de l’enfer, regrette machinalement son climat de braise, et se meurt de ne plus respirer son air empesté.

1145. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1876 » pp. 252-303

Mon petit Pierre Gavarni expliquait, ce soir, assez ingénieusement, le talent de Fromentin : un manque d’études suivies, une inexpérience curieuse du métier de la grande peinture, mais le jet sur la toile d’un milieu et d’une heure, que le peintre peuple après d’Arabes et de chevaux mal dessinés et incomplètement peints, mais qui sont au fond charmants, presque vrais, et qui vivent par l’exquise et poétique trouvaille de la nature ambiante. […] * * * — Ne croyez pas aux gens qui disent aimer l’art, et qui, pendant toute la durée de leur chienne de vie, n’ont pas donné dix francs pour une esquisse, pour un dessin, pour n’importe quoi de peint ou de crayonné ! […] Il est en moi le rêve de faire un livre, qui, sous la forme d’un journal, s’appellerait « Un an au Japon », et un livre encore plus senti que peint.

1146. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor Hugo. Les Contemplations. — La Légende des siècles. »

Dans ce volume, l’artiste périt défiguré, enflé, énorme (le mot qu’il aime le plus et qui le peint le mieux), il meurt d’une hémorragie de mots sans idées ! […] Hugo dans une préface où il nous explique didactiquement ses intentions, au lieu de les faire reluire dans les lignes pures d’une composition, explicite et parfaite, — j’ai eu pour but de peindre l’humanité sous tous ses aspects », et de fait, cela n’est pas irréprochablement exact…. […] C’est ce génie qui, de nature, nous appartient à nous autres, chrétiens, gens du passe, intelligences historiques, et qui en nous trahissant s’est encore plus trahi que nous ; c’est cette imagination heureusement indomptable, quoiqu’on lui ait mis des caparaçons bien étranges et des caveçons presque honteux, qui n’a pas voulu rester ce que Dieu l’avait faite pour sa gloire et la sienne, et qui s’est transformée en contemptrice aveugle de ce passé qui lui donne son talent encore, lorsqu’elle le peint en le ravalant !

1147. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Alceste n’est pour lui qu’un désagréable original, qui ne valait guère la peine d’être peint, n’étant qu’une assez peu plaisante exception. […] Elle est telle que l’a peinte Gérard dans son tableau : quinze ans à peine, le regard vague et ravi de l’innocence ; une enfant qui ne comprend ! […] Molière n’a pas prétendu peindre Cotin. […] Il peignait des types. […] Il a peint, sous ce nom, le faux bel esprit intrigant et maniéré.

1148. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

il peint toujours la même femme ? […] Que La Grenée, qui fait métier de peindre, sache peindre ou ne sache pas peindre, c’est bien de cela qu’il s’agit ! […] Ils ne seraient pas en effet des peintres si ce qu’ils peignent, ils pouvaient tout aussi bien le dire, ou le chanter, et cependant éveiller en nous les mêmes émotions. […] Qu’est-ce que dessiner, par exemple, et qu’est-ce que peindre ? […] Il a mis devant ce qui était derrière, et du principal il a fait l’accessoire ; il a parlé de l’art de peindre absolument comme si l’art de peindre visait à provoquer l’émotion littéraire, et de l’art dramatique absolument comme si l’art dramatique était avant tout l’art d’« ordonner » des tableaux vivants.

1149. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

Émile Augier faisait rire les bourgeois, peints par eux-mêmes dans l’effigie de Monsieur Poirier. […] Des lueurs, des sonorités, des souffles, des blancheurs d’opale, des nuances d’arc-en-ciel, des bleus lunaires, des gazes diaphanes, des draperies aériennes, soulevées et gonflées par les brises, suffisent à la peindre et à l’envelopper. […] Il peignait les hommes de génie à larges traits, ne s’attardant pas aux disgrâces fâcheuses, aux menues difformités dont la découverte jette en des joies indécentes les potaches et les pions. […] On se rend populaire en faisant peindre les guérites, en autorisant le port de la barbe ou en goûtant le rata. […] Avant d’admirer la mer, le ciel, les montagnes, les forêts et les étoiles, il s’amusa longtemps à regarder le reflet de ces merveilles sur les pages coloriées des vieux livres ou dans les images peintes des musées.

1150. (1923) Au service de la déesse

La société contemporaine, et telle que la peint à grands traits M.  […] Petite chose, le bon goût, si l’on a juré de peindre « tout le laid de la vie » et de le peindre sans faiblesse ni vergogne ! […] Qu’il avait peint la vérité, qu’il l’avait peinte avec bravoure. […] Il voit et il sait peindre sur un mur ensoleillé l’ombre d’un oiseau qui vole. […] Si les romanciers se mettent à ne nous peindre que des anges ou des bêtes, il reste à nous peindre l’homme qui, n’étant ni ange ni bête, n’est pas nécessairement non plus un coureur de ruelles ou un danseur de tango.

1151. (1884) Propos d’un entrepreneur de démolitions pp. -294

Le peintre disait : C’est joli à peindre. […] « Jacques, silencieux, peignait, un peu étonné de l’économie que la couturière de cette dame avait faite sur le velours. […] Que les gens du métier s’exercent sur cette œuvre qui est bien plus une esquisse peinte qu’un tableau achevé. […] La religion de l’amour, comme il le dit lui-même, — non pas l’amour spirituel entend par le christianisme, qui fit chanter Dante et peindre Fiesole, — oh ! […] On peignit des étoiles d’or sous un dôme d’azur et cela figurait très bien le firmament.

1152. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

Il peint par très larges touches, mais avec une réelle connaissance de son objet, et souvent avec une familiarité, une naïveté du plus grand air. […] … Au reste, les Harmonies tout entières (et j’arrive ainsi à l’étude du « fond ») ne sont qu’un long et opulent symbole, puisque nul tableau n’y est peint pour lui-même et que toutes les choses décrites y sont représentatives de quelque chose qui les dépasse, soit de la grandeur et de la bonté divines, soit des sentiments que l’homme doit avoir pour Dieu. […] Lamartine nous peint ce corps de jeune fille, comme il peindrait le corps symbolique d’un dieu, la forme d’Indra ou de Bouddha, représentative de l’Univers lui-même. […] La Chute d’un ange nous offre un très singulier exemple de l’impuissance d’un grand poète à peindre soit la laideur morale, soit l’horreur physique, comme si ces sujets lui avaient été interdits par Dieu, et comme s’il avait été créé uniquement pour exprimer ce qui est pur, ce qui est beau, ce qui resplendit et ce qui s’élève, pour dire la magnificence de la planète et traduire la prière et le rêve de l’humanité répandue à sa surface… Avec tout cela, ce bizarre poème est très grand. […] C’est ta raison, miroir de la raison suprême, Où se peint dans la nuit quelque ombre de lui-même.

1153. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

Des Fables, des Romans, des Récits de faits & gestes fabuleux furent long-temps son partage, c’est-à-dire, ses seuls objets & tous ses fruits : elle étoit trop peu féconde pour en produire d’autres, trop pauvre pour atteindre à la richesse d’expression qu’exigent les grands sujets, trop barbare & trop rude, pour peindre avec succès les nuances délicates des sujets d’agrément. […] Les Auteurs qui l’avoient précédé, ceux qui couroient avec lui la même carrière, n’avoient-ils pas les mêmes vices, les mêmes passions, les mêmes ridicules à peindre & à combattre ? […] Si cette manière de peindre les passions n’a rien de révoltant, elle n’a rien non plus qui serve à nous en corriger ; & ce n’étoit pas sans doute le but de de l’Auteur de Mélanide. […] Ne s’imagineroit-on pas, en lisant les Préfaces de certains Drames ou Tragédies Bourgeoises, que leurs Auteurs excellent dans l’art de peindre les passions & de les émouvoir ? […] Personne, en fait d’esprit, ne se récuse ; chacun se croit en droit de tenir le Tribunal où l’Auteur vient présenter sa pièce : elle y est infailliblement applaudie : on immole de concert à ce chef-d’œuvre nouveau tous les chef-d’œuvres des Corneille, des Racine & des Molière ; & l’Auteur, enivré de l’encens le plus grossier, par un trait qui peint bien à la fois & son orgueil & la sottise de ses admirateurs, les félicite à son tour, de pouvoir apporter comme une preuve certaine d’esprit, de discernement & de goût, les éloges qu’ils ont prodigués aux beautés de son ouvrage.

1154. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Ce moqueur impitoyable avait renouvelé envers la religion le système de Julien l’Apostat ; il l’avait traitée comme un fanatisme ténébreux, coupable d’arrêter l’essor de la civilisation, et l’avait peinte comme une ennemie de l’intelligence humaine, afin que l’intelligence humaine la traitât en ennemie. […] Ce livre pourrait être comparé à un de ces portraits peints en beau, mais cependant ressemblants, dans lesquels un rayon de l’idéal semble luire derrière la beauté réelle. […] Rien ne peut peindre, à ceux qui ne l’ont pas subie, l’orgueilleuse stérilité de cette époque. […] Mais il ne peint pas seulement les agitations de l’homme du dix-neuvième siècle ; il peint, et c’est là ce qui donnera une vie durable à ses vers, l’homme de tous les temps et de tous les lieux, qui n’a point changé depuis Job, le plus éloquent de ses interprètes ; l’homme avec ses aspirations plus vastes que sesdestinées, avec ses doutes déchirants, avec son dégoût du fini, avec cette soif que rien ne désaltère ici-bas, avec ses faiblesses qui font pour lui un tourment du souvenir et du pressentiment de sa grandeur. […] Il faut renoncer à peindre le ravissement que tant de beaux vers, si bien dits, excitaient dans une partie de l’auditoire, la plus vive et la moins distraite alors.

1155. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

Plus de mille fois la colère se peignit sur mon visage, tandis que l’amour brûlait mon cœur ; mais jamais en moi le désir ne vainquit la raison. […] Bulwer a choisi, pour peindre le parasite, la plus facile des méthodes, car qu’y a-t-il au monde de plus simple à imaginer qu’un homme qui dit : Je suis parasite ? […] Pour atteindre ce but, il lui suffisait d’analyser et de peindre les souffrances de la médiocrité, et de nous montrer comment l’orgueil, en se dépravant, conduit à la lâcheté. […] Alors, mais alors seulement, il pourra lutter avec l’école qui, sous prétexte de peindre tous les temps et tous les pays, oublie trop souvent de peindre les sentiments humains, qui demande au machiniste, au décorateur, au costumier, la meilleure partie de ses succès. […] Augier a trop peu vécu pour connaître à fond les hommes qu’il veut peindre.

1156. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

Il a, pour se peindre lui-même, des traits uniques et qu’on peut lui emprunter avec sécurité, tant ils paraissent sincères. […] À un autre endroit, se montrant, non pas avare mais homme d’ordre et d’économie, qui aime mieux améliorer ses terres que de les étendre, et conserver son bien que de convoiter celui d’autrui, il ajoute sans qu’on soit tenté de le contredire : « Je me crois le contraire de Catilina, dont Salluste dit, etc. » Quand il se considère ainsi en face et qu’il s’applique à se définir lui-même, d’Argenson se peint à nous, mais moins bien que lorsqu’il se compare et s’oppose à son frère, plus homme de Cour et futur ministre également.

1157. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

Il ne vit donc point le Henri IV du triomphe et des années de paix ; il ne put rien ajouter ni changer aux traits sous lesquels il nous l’a peint dans l’action, au plus fort des dangers et des épines. […] En une grande tempête, l’une des plus assurées confiances que l’on peut avoir, c’est quand on sait que le pilote entend bien son état… Pour te le peindre d’un seul trait de pinceau, je te dis que c’est un grand roi de guerre, et je conseille à quiconque de ses voisins, qui se voudra jouer à lui de n’oublier hardiment rien à la maison.

1158. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. »

Il y eut dix années, où, à partir de 1837, il s’empara de la curiosité publique, de la vogue ; et lui et Balzac, ils se mirent à peindre, à silhouetter dans tous les sens la société à tous ses étages, le monde, le demi-monde et toutes les espèces de mondes. ; ils prirent la vie de leur temps, la vie moderne par tous les bouts. […] Balzac, que je ne prétends nullement diminuer sur ce terrain des mœurs du jour, et de certaines mœurs en particulier, où il est expert et passé maître, Balzac pourtant s’emporte et manque de goût à tout moment ; il s’enivre du vin qu’il verse et ne se possède plus ; la fumée lui monte à la tête ; son cerveau se prend ; il est tout à fait complice et compère dans ce qu’il nous offre et dans ce qu’il nous peint.

1159. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

C’est un ogre lascif qui dans ses bras infâmes A son repaire affreux porte sept jeunes femmes ; Renaud de Montauban, illustre paladin, Le suit l’épée au poing : lui, d’un air de dédain, Le regarde d’en haut ; son œil sanglant et louche, Son crâne chauve et plat, son nez rouge, sa bouche Qui ricane et s’entr’ouvre ainsi qu’un gouffre noir, Le rendent de tout point très singulier à voir : Surprises dans le bain, les sept femmes sont nues ; Leurs contours veloutés, leurs formes ingénues Et leur coloris frais comme un rêve au printemps, Leurs cheveux en désordre et sur leur cou flottans, La terreur qui se peint dans leurs yeux pleins de larmes Me paraissent vraiment admirables ; les armes Du paladin Renaud faites d’acier bruni, Étoilé de clous d’or, sont du plus beau fini : Un panache s’agite au cimier de son casque, D’un dessin à la fois élégant et fantasque ; Sa visière est levée, et sur son corselet Un rayon de soleil jette un brillant reflet. […] Il a peint sur place et d’après’nature les jeunes France ; il les a pris sur le vif, il les a tirés à bout portant et a épuisé en trois ou quatre tableaux la physiologie du genre.

1160. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. »

La seconde moitié du volume, sous ce titre, Maurice peint par lui-même, renferme nombre de pièces inédites, de lettres qui se rapportent à une date plus ancienne, et aussi l’on y trouve le fragment autobiographique qui n’avait été donné que par extraits, en allemand d’abord, mais qui est écrit en français. […] Voltaire, dont chaque mot compte quand il s’agit de peindre les hommes qu’il a connus et qu’il définit avec son heureuse précision, a dit de lui dans son Siècle de Louis XIV, en le rencontrant pour la première fois sous sa plume à l’assaut de Prague (1741) : « Le comte Maurice de Saxe, frère naturel du roi de Pologne, attaqua la ville.

1161. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. » p. 232

les Rubens y pleuvent, et ses deux femmes, presque vivantes de son pinceau, et lui-même, peint de sa main : on croit voir ses lèvres bouger. […] Je ne puis te peindre l’effet que cela m’a fait ; je me suis retracé dans un instant la rue Notre-Dame, le cimetière, qui était nos galeries ; toute notre enfance s’est déroulée devant moi comme si c’était hier.

1162. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

Poésie et amour se confondirent toujours à ses yeux, et c’est de lui, dans une Épître à Victor Hugo, que sont ces vers que j’aime à citer comme la devise du poëte élégiaque, et qui le peignent lui-même tout entier : Il est aussi, Victor, une race bénie Qui cherche dans le monde un mot mystérieux, Un secret que du Ciel arrache le génie, Et qu’aux yeux d’une amante ont demandé mes yeux. […] La moquerie méchante de ces femmes du monde chez la baronne de Trün, lorsque Arthur essaye d’aller s’y distraire, est peinte comme nul de nos jours ne le ferait.

1163. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

Il me semble étrange que des gens qui achèteraient au poids de l’or une douzaine de portraits originaux de cette époque pour orner une galerie, ne jettent jamais les yeux sur tant de tableaux mouvants de la vie, des actions, des mœurs et des pensées de leurs ancêtres, peints sur place, avec de simples, mais fortes couleurs. » En France, Saint-Palaye déjà l’avait rappelé à l’attention des érudits ; M. de Barante le mit en valeur pour tous15. […] Arrivé d’hier de Versailles, tout plein des habitudes du bel air, il mettait au service de la cause, les jours de combat, la plus brillante valeur, après quoi il ne se souciait guère de rien de sage ; et, pour ne citer qu’un trait qui le peint, un jour, après ce fatal passage de la Loire, qu’il avait surtout conseillé pour se rapprocher de ses vassaux, ayant trouvé au château de Laval une ancienne bannière de famille, une bannière des La Trémouille, bleu et or, il imagina de la faire porter devant lui.

1164. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

Singulier génie toujours en suspens et en peine, qui se peint en ces mots : « Le Ciel n’a mis dans mon intelligence que des rayons, et ne m’a donné pour éloquence que de beaux mots. […] Les consolations sont un secours qu’on se prête et dont tôt ou tard chaque homme a besoin à son tour. » Il revient de là à sa difficulté d’écrire, à ses ennuis, à sa santé, à se peindre lui-même selon ce faible aimable et qu’on lui pardonne ; car, si occupé qu’il soit de lui, il a toujours un coin à loger les autres  : c’est l’esprit et le cœur le plus hospitaliers.

1165. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

Je me peignais les bois à travers lesquels cette onde avait passé, et mon âme était tout entière à la solitude. » Un matin, il revêt ses habits de sauvage et va se présenter à Lopez, l’arc et les flèches à la main, en déclarant qu’il veut reprendre sa vie de chasseur. […] Les artistes furent plus désintéressés : Girodet peignit son immortel tableau, les Funérailles d’Atala, multiplié par la gravure.

1166. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIIe entretien. Fénelon, (suite) »

Ses courtisans, en lui montrant son image dans le faible et dur Idoménée, fléau de ses peuples, lui dirent « qu’il fallait être son ennemi pour avoir peint un pareil portrait. » On vit une satire sanglante des princes et du gouvernement dans les récits et dans les théories du païen. […] La témérité, la noirceur et l’ingratitude furent imputées à l’imagination d’un poëte, qui n’avait d’autre tort que d’avoir rêvé et peint plus beau que nature.

1167. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

Plus habile et plus heureux est Tibert le chat, le vif et leste compagnon qu’on nous peint si joliment, quand il Se va jouant avec sa queue Et faisant grands sauts autour d’elle. […] Les auteurs de Fabliaux n’ont pas songé à peindre les mœurs de leur temps, et leurs œuvres étaient pour nos pères ce qu’ont été pour nous la Boule ou le Chapeau de paille d’Italie.

1168. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre V. Le roman »

Surtout, incapable, comme il est, de faire vivre un individu, il a le don de mouvoir les masses, les foules : il est sans égal pour peindre tout ce qui est confus et démesuré, la cohue des rues, une réunion de courses, une grève, une émeute. […] Emile Pouvillon917, esprit délicat et pénétrant, peint des paysans languedociens et gascons avec un très fin sentiment des harmonies de l’homme et du sol.

1169. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IX. La littérature et le droit » pp. 231-249

Le difficile a été toujours de marquer le point précis où finit le droit incontestable de l’art à peindre le vice et où commence l’excitation voulue à la débauche. […] Agrippa d’Aubigné les peint hypocrites, serviles, cruels, avares, ignorants, réunissant en leurs tristes personnes tous les péchés capitaux et quelques autres en sus.

1170. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XI. La littérature et la vie mondaine » pp. 273-292

La poésie descriptive, à son tour, essaie ce tour de force : peindre les choses en termes généraux, abstraits, incolores et nobles ; elle déguise ce qui est rustique sous des périphrases semblables à des manteaux de cour ; la mythologie couvre d’oripeaux de pourpre les vulgarités de la vie campagnarde, et voilà comme les blés se transforment en trésors de Cérès, la vache en Io, la chèvre en Amalthée, la bergère en Amaryllis. […] Boileau signalait aux poètes de son temps le danger de : Peindre Caton galant et Brutus dameret.

1171. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « L’abbé Galiani. » pp. 421-442

Il s’est peint lui-même à ravir dans une lettre de Naples adressée à cette dernière. […] Si l’on pouvait avoir sur ce plafond une belle fresque, un ciel peint à la Raphaël, ce serait tant mieux.

1172. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame Émile de Girardin. (Poésies. — Élégies. — Napoline. — Cléopâtre. — Lettres parisiennes, etc., etc.) » pp. 384-406

Elle s’est regardée et peinte elle-même bien des fois dans cette première attitude et ce premier éclat de jeunesse florissante : Mon front était si fier de sa couronne blonde, Anneaux d’or et d’argent tant de fois caressés ! […] Oui, me répète avec conviction un témoin aimable et des plus spirituels de ce moment, oui, elle était à la fois belle, simple, inspirée comme la Muse, rieuse et bonne enfant (c’est le mot unanime), et telle qu’elle a peint plus tard sa Napoline, c’est-à-dire encore elle-même,         Naïve en sa gaieté, rieuse et point méchante ; disant les vers avec élégance et un air de grandeur comme elle les faisait alors.

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