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1116. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Trop occupé de l’éloigner comme cessation violente d’un état où le bien lui paraissait l’emporter sur le mal, il ne songea pas à la méditer comme le commencement d’une autre vie. […] Il ne s’occupe pas des circonstances extérieures qui pourraient faire flotter sa vue, ni de lui-même à titre d’individu offrant matière à un examen peu sûr et peu désintéressé. […] Mais à qui s’applique moins l’idée du naturel par excellence qu’à Montaigne, à cet homme occupé à se peindre, et par conséquent à se farder ; à s’analyser, et par conséquent à se prêter ou à se retrancher certains traits, par la subtilité même de son esprit, et par cette curiosité qui se crée un spectacle ; penseur à la suite d’autrui, à propos d’une lecture qui le pique ; qu’une idée ingénieuse attache tout un jour, et qu’une citation fait changer de chemin ; qui suspecte la nature universelle et ne se plaît qu’en la nature variable ; qui pense plus pour le plaisir d’écrire, qu’il n’écrit pour éclaircir ses pensées ; auquel ses amis reprochent d’épaissir sa langue, comme on reprocherait à un peintre d’empâter ses couleurs, par trop d’attention donnée au détail ?

1117. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre IV. Le Séminaire d’Issy (1881) »

Les directeurs mènent exactement la vie des élèves et s’occupent d’eux aussi peu que possible. […] Un vertige s’emparait de lui, il se prenait de rage en se voyant si charmant ; il était comme une cellule de nacre où un petit génie pervers serait toujours occupé à broyer sa perle intérieure. […] Plus mystique que fanatique, il s’occupait peu de ceux qui n’étaient point dans sa voie.

1118. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VII. La littérature et les conditions économiques » pp. 157-190

Ainsi l’estime méritée par une littérature, glorieuse rejaillit en considération sur les littérateurs, même sur ceux des générations suivantes, comme, par un cas semblable et inverse, une décadence momentanée de leur art les fait descendre, eux et leurs successeurs, du rang qu’ils occupaient dans la société. […] Si l’on essaie de résumer l’effet produit sur l’esprit des écrivains par la tutelle des puissances établies, on peut dire qu’en général elle encourage l’art pour l’art, l’art élégant, aimable, soigné, occupé surtout à se parer, voilà pour la forme, et la pensée docile, réservée, soumise avec passion ou résignation, dénuée de hardiesse et fréquemment de franchise, voilà pour le fond des idées. […] Il me semble difficile qu’on ne sente pas l’intérêt et l’importance des renseignements que peut fournir cette application à l’ordre d’études qui nous occupe de ce qu’on appelle « le matérialisme historique ».

1119. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Lettres de m. l’Abbé Sabatier de Castres ; relatives aux trois siecles de la littérature françoise.ABCD » pp. -641

« Il n’est pas inutile de remarquer qu’un autre Abbé, qui se pique aussi de Religion (je ne le nommerai point, pour ne pas lui nuire dans la place de confiance qu’il occupe), me poursuit depuis trois ou quatre ans, avec une haine & un acharnement d’autant plus inconcevables, que je ne lui ai donné aucun sujet de se plaindre de moi : il n’est question de lui dans aucun de mes Ouvrages ; je ne le connois même point, & je puis assurer que je n’ai entendu prononcer son nom, qu’à l’occasion de son monstrueux déchaînement. […] Post-scriptum.ABCD J'apprends, dans le moment qu'on acheve d'imprimer cette Lettre, que tandis qu'on s'efforce, d'un côté, de m'enlever le peu de bon qu'il y a dans mes Ouvrages, on s'occupe, de l'autre, à m'attribuer ceux que je n'ai point faits. […] Les Personnes qui s'occupent des querelles des Auteurs, savent que j'ai répondu à ce Libelle par une Lettre à un Journaliste, dans laquelle je me suis hautement inscrit en faux contre les Pièces & les faits qui paroissoient favoriser cette absurde Calomnie.

1120. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre I. Du comique en général »

Il y a des visages qui paraissent occupés à pleurer sans cesse, d’autres à rire ou à siffler, d’autres à souffler éternellement dans une trompette imaginaire. […] Suivons donc cette logique de l’imagination dans le cas particulier qui nous occupe. […] C’est ainsi qu’il arrive à bien des personnes, quand elles vont s’endormir, de voir ces masses colorées, fluides et informes, qui occupent le champ de la vision, se solidifier insensiblement en objets distincts.

1121. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

Avec cela, beaucoup de lecture, de savoir, de justesse et de discernement dans l’esprit, sans opiniâtreté, mais avec fermeté ; fort désintéressé, toujours occupé, avec une belle bibliothèque, et commerce avec force savants dans tous les pays de l’Europe, attaché aux étiquettes et aux manières d’Espagne sans en être esclave ; en un mot, un homme de premier mérite, et qui par là a toujours été compté, aimé, révéré beaucoup plus que par ses grands emplois, et qui a été assez heureux pour n’avoir contracté aucune tache de ses malheurs militaires en Catalogne. » Ce portrait épanouit le cœur. […] Vous diriez des vices et des vertus échappés de l’Éthique d’Aristote, habillés d’une robe grecque ou romaine, et occupés à s’analyser et à se réfuter. […] Il n’écrivait pas sur des sujets d’imagination, lesquels dépendent du goût régnant, mais sur des choses personnelles et intimes, uniquement occupé à conserver ses souvenirs et à se faire plaisir.

1122. (1902) Propos littéraires. Première série

Léon-Alphonse Daudet n’est pas sans occuper une place déjà grande dans la littérature française. […] Or, ce dont la science ne s’occupait pas, parce que cela ne la regardait point et qu’elle eût absolu ment perdu son temps à s’en occuper, le christianisme, après beaucoup d’autres, du reste, mais mieux que d’autres, s’en est occupé, lui, et ne s’est occupé que de cela. […] Qui, diantre, s’occupe en Europe, en France, à Paris et même rue Montmartre, du nommé Portalis ? […] Dans toutes les situations qu’il occupe il a été demandé sans s’être offert. […] Il s’occupa de littérature et de beaux-arts.

1123. (1892) La vie littéraire. Quatrième série pp. -362

On le voyait sans cesse occupé à tordre une barre d’acier, à rompre un fer à cheval ou une corde neuve. […] James Darmesteter, qui y occupe la chaire des langues iraniennes. […] Ce sont de petits esprits occupés surtout à tourmenter les chevaux. […] Au reste, il me parut peu occupé de son ouvrage et de lui-même. […] Je suis bien assez occupé d’entretenir la réalité de mon moi, qui tente sans cesse à se dissoudre.

1124. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

On peut estimer mathématiquement la quantité d’étendue qu’ils occupent. […] C’est ainsi seulement qu’on pourrait démontrer l’identité de ces deux sciences et des phénomènes qui les occupent. […] Il ne peut y avoir sujet de s’occuper de l’existence de l’objet et de l’intervention du moi. […] Appliquons ce principe à l’étude qui nous occupe. […] Elles dépendent de la place qu’occupe le moyen terme dans les prémisses.

1125. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

Vous vous occupez des politiques et moralistes du dix-neuvième siècle ? […] Il est vrai qu’on est quarante ; mais il y a les absents, les malades, les fatigués par l’âge, les trop occupés. […] Il fut homme de famille et homme de cour ; il s’occupa un peu d’histoire ; il se refit une âme religieuse, de quoi il était un peu besoin. […] Après son dîner, il ne s’occupait que de ses petits-enfants ou d’une lecture légère, je veux dire superficielle. […] Cette uniformité est-elle compatible avec les divers travaux, les différentes professions qui occupent les citoyens ?

1126. (1864) Histoire anecdotique de l’ancien théâtre en France. Tome I pp. 3-343

L’auteur qui occupe en première ligne la période théâtrale de 1588 à 1630 est Alexandre Hardy. […] C’est celui qu’ils occupent encore aujourd’hui. […] Terminée au bout de trois ans, la troupe des Variétés-Amusantes l’avait occupée en 1790, pour la céder, en 1799, aux comédiens français. […] Après ce dernier poëte dramatique, quelques années se passèrent sans qu’aucun auteur d’un mérite transcendant vînt occuper la scène tragique. […] L’espace qui s’écoule entre Racine et Crébillon est occupé, pour le genre dramatique, par Lafosse, Danchet, Duché, Pellegrin et Nadal.

1127. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

Il occupe vingt hommes à faire les paillettes d’or & les broderies qui couvrent son habit, lesquels vingt hommes pourroient faire des choses plus nécessaires à la société. […] Le livre instruit, éclaire, amuse, occupe : & qui en tire le profit pécuniaire ? […] Il est vrai que le public, occupé de tant d’évènemens divers, n’apperçoit qu’à travers un nuage les matières Littéraires ; il n’a pas toute la connoissance possible des objets. […] Comme tout occupé de l’harmonie de ses vers, il a fait disparoître le naturel, la naïveté ! […] En rencontrant cette espèce d’hommes, que l’indifférence & la stupidité condamnent à une éternelle enfance, le Philosophe occupé d’idées universelles & utiles est tenté de dire, est-ce là mon prochain ?

1128. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

Molière est un de ces illustres témoins : bien qu’il n’ait pleinement embrassé que le côté comique, les discordances de l’homme, vices, laideurs ou travers, et que le côté pathétique n’ait été qu’à peine entamé par lui et comme un rapide accessoire, il ne le cède à personne parmi les plus complets, tant il a excellé dans son genre et y est allé en tous sens depuis la plus libre fantaisie jusqu’à l’observation la plus grave, tant il a occupé en roi toutes les régions du monde qu’il s’est choisi, et qui est la moitié de l’homme, la moitié la plus fréquente et la plus activement en jeu dans la société. […] Balzac, bel esprit vain et fastueux, savant rhéteur occupé des mots, a les formes et les idées toutes rattachées à l’orthodoxie. […] Chauvelin sur le sujet qui nous occupe vaut mieux, comme pensée, que les trois quarts de ses odes. […] Mon idée en est si fort occupée que je ne sais rien en son absence qui m’en puisse divertir. […] Lorsque Louis XIV encore, pour fermer la bouche aux calomnies, était parrain avec la duchesse d’Orléans du premier enfant de Molière, et couvrait ainsi le mariage du comédien de son manteau fleurdelisé ; lorsqu’en une autre circonstance il le faisait asseoir à sa table, et disait tout haut, en lui servant une aile de son en-cas-de-nuit  : « Me voilà occupé de faire manger Molière, que mes officiers ne trouvent pas assez bonne compagnie pour eux », le fier offensé était-il et demeurait-il aussi touché de la réparation que de l’injure ?

1129. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

Auger n’a pas occupé moins de quatre séances consécutives. […] On eût attaqué ces raisons par des raisons contraires, une controverse se serait établie ; l’infaillibilité de l’Académie eût été mise en doute, et la considération dont elle jouit eût pu recevoir quelque atteinte parmi les gens qui ne s’occupent, que de Rentes et d’argent, et qui forment l’immense majorité dans les salons. […] À peine rassemblé, le public s’occupe des femmes élégantes qui arrivent et se placent avec fracas ; plus tard, il s’amuse à reconnaître les ministres présents et passés qui ont daigné se faire de l’Académie ; il considère les cordons et les plaques. […] Bonne aventure pour le libraire, qui aurait eu vingt articles dans les journaux, et serait maintenant occupé à préparer la sixième édition de son livre ; mais moi, en essayant de l’écrire de ce beau style académique, je me serais ennuyé, et vous avouerez que j’aurais fait un métier de dupe. […] Je suis persuadé que la muse classique occupera toujours le théâtre français quatre fois par semaine.

1130. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre IV. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire. » pp. 87-211

D’ailleurs, comme il étoit moins occupé à se faire une réputation d’habile écrivain que de citoyen utile, il profitoit volontiers du travail de ses prédécesseurs ; & par cette raison, son style est encore souvent inégal. […] Suetone, s’occupe à ramasser des anecdotes bien plus qu’à les choisir. […] M. de Louvois en fut à son tour occupé, & le Pere Mabillon fut désigné pour ce travail, qui pourtant resta sans effet jusqu’à la régence. […] On ne sauroit posséder à fond l’Histoire de France, si l’on ne fait une étude solide & approfondie de ce recueil dont le douziéme vol. occupe actuellement les continuateurs. […] Ailleurs les Princes, les Grands occupent le théatre entier ; ici les hommes, les citoyens jouent un rôle qui intéresse davantage l’humanité.

1131. (1864) Le roman contemporain

On se trouva alors plus loin que jamais des fictions décevantes qui avaient occupé et charmé les loisirs des dernières années du règne précédent. […] Comment, au milieu de cette fièvre de l’appréhension et de l’attente, s’occuperait-on d’autre chose que de la situation qui tient tous les intérêts et toutes les opinions en suspens ? […] George Sand vient-il à s’occuper d’études philosophiques, la chimère passe à l’état d’utopie sociale ou de thèse socialiste. […] Feuillet, je veux seulement caractériser son talent, définir son genre, indiquer la place qu’il occupe dans le groupe des romanciers contemporains, expliquer son succès. […] Victor Hugo ne s’est pas occupé d’enseigner l’histoire à son conventionnel, ce qui vient peut-être de ce qu’il a négligé de l’apprendre lui-même.

1132. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome III

Uniquement occupé du soin de m’opposer à cette injustice, j’ai plus appuyé sur les critiques que sur les éloges : en cela ma bonne foi a manqué d’adresse. […] Corneille et Racine occupent l’esprit, nourrissent l’âme, plaisent à la raison ; Voltaire cherche à frapper l’imagination par des prestiges, qui n’éblouissent qu’un moment et ne touchent que par surprise. […] Prosper Lambertini occupait alors le trône pontifical, sous le nom de Benoît XIV. […] Scarron a traité le burlesque aussi bien qu’il peut l’être ; ce n’en est pas moins un genre très indigne d’occuper un homme de lettres. […] Autrefois, en les caressant, on s’occupait de leurs intérêts, on sacrifiait tout à leur établissement ; aujourd’hui, quand ils ne sont plus en âge d’être caressés, ils s’arrangent comme ils peuvent ; ils ont cessé d’être aimables en cessant d’être amusants ; et si les parents s’en occupent encore, c’est pour s’en débarrasser au meilleur marché possible.

1133. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Et, par exemple, quels beaux crimes d’amour des hommes si occupés du qu’en dira-t-on pourront-ils commettre ? […] Il est certain que Stendhal ne s’en est pas occupé. […] Je m’occuperai du premier d’abord. […] Il est à remarquer qu’il s’occupe peu d’histoire proprement dite, et qu’en vérité il la sait mal. […] C’est par hérédité que vous occupez la place d’un premier occupant disparu depuis des siècles.

1134. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Le grand fauteuil de bois occupait un des angles de la boutique, et Molière s’emparait de cette place. […] Cette salle était déjà occupée par la troupe des comédiens italiens que dirigeait Torelli. […] Le 25 du même mois, Louis XIV partit du Louvre pour se rendre à son armée de Lorraine, occupée au siège de Marsal. […] Toutes les choses du monde ont du rapport avec elle dans mon cœur : mon idée en est si fort occupée, que je ne sais rien, en son absence, qui me puisse divertir. […] Le poète de cour chargea Molière de remplir la partie du cadre que devaient occuper Thalie et Euterpe.

1135. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

Il habite un vaste logis, attenant au pavillon occupé par ses quarante pupils, qui peuvent venir, sans formalité aucune, le consulter sur leurs travaux. […] Elles occupent une situation intermédiaire, quasiment fausse, une position d’attente et de disponibilité. […] D’ailleurs, il m’est impossible de faire autrement, étant séparé de ma table par une centaine de lieues, et plus occupé aux travaux guerriers qu’aux arts de la paix. […] On cite des dames de la plus haute naissance, qui occupent, sans rechigner, l’emploi de detective féminin. […] Il s’inquiète, il songe : « Personne ne s’occupe de moi.

1136. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

Il ajoute, pour justifier ce refus : Ne vous figurez point que, dans cette journée, D’un lâche désespoir ma vertu consternée, Craigne les soins d’un trône où je pourrais monter, Et par un prompt trépas cherche à les éviter, J’écoute trop peut-être une imprudente audace : Mais, sans cesse occupé des grands noms de ma race, J’espérais que, fuyant un indigne repos, Je prendrais quelque place entre tant de héros ; Mais, quelque ambition, quelqu’amour qui me brûle, Je ne puis plus tromper une amante crédule. […] Chez les Romains, il n’occupa guères que la scène comique. […] Il ne paraît pas jouer un grand rôle dans les pièces d’Aristophane, parce que l’auteur, occupé à faire sans cesse la satire du gouvernement et de ses concitoyens, ne s’est point occupé à peindre les symptômes et les ridicules de cette passion. […] Il est donc incontestable que, si l’amour n’a pas occupé la scène lyrique avec autant d’avantage qu’il a paru dans la tragédie, c’est uniquement la faute des poètes et non celle du genre. […] Un héros, dans une tragédie, dit qu’il a essuyé une tempête, qu’il a vu périr son ami dans cet orage ; il touche, il intéresse, s’il parle avec douleur de sa perte, s’il est plus occupé de son ami que de tout le reste ; il ne touche point, il devient froid, s’il fait une description de la tempête, s’il parle de source de feux bouillonnants sur les eaux, et de la foudre qui gronde et qui frappe à sillons redoublés la terre et l’onde.

1137. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre III. De la signification de la vie. L’ordre de la nature et la forme de l’intelligence. »

Et, plus elle s’occupera de diviser, plus elle déploiera dans l’espace, sous forme d’étendue juxtaposée à de l’étendue, une matière qui tend sans doute à la spatialité, mais dont les parties sont cependant encore à l’état d’implication et de compénétration réciproques. […] La physique et la chimie s’occuperont de la matière brute, les sciences biologiques et psychologiques étudieront les manifestations de la vie. […] Elle n’y paraît pas explicitement, et c’est pourquoi l’on ne s’est pas occupé d’elle. […] Elle notait l’absence d’un certain ordre, mais au profit d’un autre (dont on n’avait pas à s’occuper) ; seulement, comme elle s’applique à chacun des deux tour à tour, et même qu’elle va et vient sans cesse entre les deux, nous la prendrons en route, ou plutôt en l’air, comme le volant entre les deux raquettes, et nous la traiterons comme si elle représentait, non plus l’absence de l’un ou de l’autre ordre indifféremment, mais l’absence des deux ensemble, — chose qui n’est ni perçue ni conçue, simple entité verbale. […] Sur notre personnalité, sur notre liberté, sur la place que nous occupons dans l’ensemble de la nature, sur notre origine et peut-être aussi sur notre destinée, elle projette une lumière vacillante et faible, mais qui n’en perce pas moins l’obscurité de la nuit où nous laisse l’intelligence.

1138. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

Par dédain pour les qualités tempérées qui suffisent aux conditions d’une société vieillie, il disait : « Mêlez un peu d’orgueil qui empêche d’oublier ce qu’on se doit, de sensibilité qui empêche d’oublier ce qu’on doit aux autres, et vous ferez de la vertu dans les temps modernes. » Mais pour les anciens, tout en sachant en quoi nous les surpassons, il les montre bien supérieurs en énergie, en déploiement de facultés de tout genre : forcés par la forme de leur gouvernement de s’occuper de la chose publique d’en remplir presque indifféremment tous les emplois de paix et de guerre, de s’y rendre propres et de s’y tenir prêts à tout instant, de parler devant des multitudes vives, spirituelles, mobiles et passionnées : Quelle devait être, dit-il, l’explosion des talents animés, stimulés par d’aussi puissants motifs ! […] Le prince de Ligne, dans une lettre détaillée, achève et complète à merveille ce portrait de M. de Meilhan ; il le confirme ou le corrige sur les points essentiels : Sans en avoir l’air, lui dit-il, vous êtes plus occupé des autres que de vous ; vous ne vous aimez qu’un moment ; vous êtes fou de ce que vous avez écrit le matin, et le soir vous n’y pensez plus.

1139. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

Les grands objets s’annonçaient à lui d’une manière de plus en plus imposante et douce, et proportionnée à son état présent : « J’ai mille preuves réitérées que la Providence ne s’occupe, pour ainsi dire, qu’à me ménager. » Il était d’ailleurs tellement inapplicable et impropre aux choses positives, que dans le second trimestre de l’an IV, ayant été porté sur la liste du jury pour le tribunal criminel de son département, il crut devoir se récuser par toutes sortes de raisons qui, si elles étaient admises, paralyseraient la société : Je ne cachai point mon opinion ; je dis tout haut que, ne me croyant pas le droit de condamner un homme, je ne me croyais pas plus en droit de le trouver coupable, et que sûrement, tout en obéissant à la loi qui me convoquait, je me proposais de ne trouver jamais les informations et les preuves assez claires pour oser disposer ainsi des jours de mon semblable. […] [NdA] Dans sa Lettre sur la Révolution française, il parle des prêtres, alors persécutés, sans ménagement et avec des expressions qui ne s’oublient pas ; il leur reproche, par exemple, d’avoir rempli les temples d’images, « et par là d’avoir égaré et tourmenté la prière, tandis qu’ils ne devaient s’occuper qu’à lui tracer un libre cours » ; il les appelle les accapareurs des subsistances de l’âme, etc.

1140. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

Voilà tous les mouvements de son amour, cela lui remplit tout le cœur, qui doit être étroit ou extrêmement occupé des mouvements que je viens de dire. […] Ceux qui ne le connaissent pas le croient dévoré d’ambition ; non, il n’en est qu’occupé ; il la médite même gaiement, à cause de l’opinion qu’il a de sa supériorité ; il se voit lui-même au-dessus de tout, il croît apercevoir les fils des marionnettes, il se moque de tout, il se rit de tout et perpétuellement.

1141. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

La langue française est impuissante à rendre toutes les beautés de la langue grecque. » Ils répondaient : « Peu nous importe », et ajoutaient comme l’abbé de Pons, d’un air de compliment pour Mme Dacier : « Elle a entendu Homère autant qu’on le peut entendre aujourd’hui ; elle sait beaucoup mieux encore la langue française ; elle a rendu le plus élégamment qu’elle a pu, dans notre langue, ce qu’elle a vu, pensé et senti en lisant le grec : cela me suffit, j’ai L’Iliade en substance. » L’erreur, c’était de croire qu’un poète dont l’expression est un tableau, une peinture naïve continuelle, fût fidèlement rendu par une traduction tout occupée d’être suffisamment polie et élégante ; l’erreur, c’était de s’imaginer qu’il n’y avait là qu’une question de plus ou moins d’élégance et de précision, et qu’en supposant l’original doué de ces deux qualités à un plus haut degré que la traduction, on lui rendait toute la justice qu’il pouvait réclamer, il s’agissait bien de cela ! […] Comment un poème, qui représente une action grande, et qui excite en nous des sentiments tristes ou des affections douloureuses, parvient-il à distraire l’homme, à le désennuyer, et à l’occuper agréablement en lui faisant illusion à la fois sur son malheur et sur sa petitesse ?

1142. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Il se met en marche pour Constantine ; il n’a plus le temps d’écrire, occupé qu’il est à voir et à peindre ; mais à bord du bâtiment qui le ramenait, et encore plein des sensations du voyage, il les a racontées à Mme Vernet dans une lettre courante et animée, où il fait voir que, sous une impression vive, il savait tenir autre chose encore que le pinceau. […] Dès qu’il voit un sujet qui lui dit quelque chose, il s’en empare, et nous sommes encore à examiner si ce qu’il traite est réellement beau, digne d’éloge ou de blâme, qu’il a déjà fini et est depuis longtemps occupé à quelque œuvre nouvelle ; c’est un homme qui vous déroute complètement dans toutes vos règles de jugement esthétique.

1143. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

On s’est accoutumé depuis trois siècles à voir les Hébreux représentés à la romaine ; Raphaël, Poussin et les autres grands peintres ont peuplé les imaginations et meublé la mémoire de tous avec ces Hébreux classiques : la place est prise ; les hauteurs sont occupées. […] Un jour, dans le salon impérial, il s’était amusé machinalement, et pour occuper ses doigts, à façonner avec de la cire un petit casque : l’empereur y jette les yeux, trouve le modèle parfait, et dès le lendemain le fait adopter par une partie de sa cavalerie.

1144. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français et de la question des Anciens et des Modernes »

Un jour, d’honnêtes filles, de pauvres ouvrières trop peu occupées, ont l’idée d’offrir à Minerve un don, pour obtenir plus de travail et de commandes ; Léonidas les fait ainsi parler : « Nous, filles de Lycamédé, Athéno, Mélitée, Phinto et Glinis, ouvrières diligentes, consacrons la dîme de notre cher travail, ainsi que la quenouille laborieuse, la navette qui parcourt en chantant les fils de la trame, l’actif fuseau, ces paniers naguère pleins de laine, et ces spathes pesantes, offrande modeste : pauvres et n’ayant que peu, nous donnons peu. » Pauvres filles en effet ! […] Léonidas pourtant nourrit une consolation élevée ; il a foi aux Muses, et elles ne l’ont point tout à fait trompé, puisque son nom, son œuvre éparse, nous occupent encore aujourd’hui : « Je gis bien loin de la terre italienne et de Tarente, ma patrie ; et cela m’est plus amer que la mort.

1145. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc (suite et fin.) »

Les cérémonies, sacres, couronnements, noces, obsèques, nous sont présentés comme si nous y assistions ; nous sommes censés faire en sa compagnie une tournée chez les plus habiles ouvriers et fabricants des divers métiers, sur la fin du XIIe siècle, — maître Jacques le huchier, Pierre Aubri l’écrinier, qui fabrique de si jolis coffrets d’ivoire, — Guillaume Beriot, l’imagier le plus occupé de Paris, un ornemaniste, comme nous dirions, — maître Hugues le serrurier qui, tout vieux qu’il est, travaille suivant la nouvelle mode, non sans regretter l’ancienne, plus solide et plus savante, — maître Alain le lampier, qui excelle à modeler et à fondre de grands chandeliers, des candélabres d’autel, des bras pour recevoir des cierges, des lampesiers ou lustres, et qui regrette, lui aussi, le bel art du temps passé. […] On s’est fort occupé dans un temps, chez les érudits classiques, de ce qu’était une maison romaine, ou encore et de plus près, de ce qu’était la toilette d’une dame romaine.

1146. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. (suite et fin.) »

. — Je reviens à la biographie curieuse qui nous occupe. […] Autant il serait puéril à un homme qui a concouru au nivellement et à l’abolition des classes privilégiées de rechercher ensuite des titres de distinction honorifique et de noblesse, autant et plus encore il serait puéril à l’homme public qui est en charge et occupé à rendre des services utiles, d’y renoncer et de se désister pour se soustraire à un titre qui devient l’accompagnement presque obligé de la fonction et qui fait comme partie de l’uniforme.

1147. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

Après cette peinture un peu embellie de sa vie, elle ajoute, revenant à son cher objet, à cette autre existence qui l’occupe : « Mais, sais-tu que tu me parles bien légèrement du sacrifice de la tienne, et que tu sembles l’avoir résolu fort indépendamment de moi ? […] Faugère le désir qu’il en fît usage pour rétablir la vérité et montrer que la part de gloire qui revenait légitimement à Mme Roland était assez grande sans qu’il fût besoin d’y rien ajouter aux dépens de son mari : « J’acceptai cette mission avec empressement, nous dit le nouvel éditeur, et je m’occupai dès lors à compléter les éléments d’un ouvrage qui sera consacré à faire connaître plus intimement Roland de La Platière, en même temps que la femme supérieure qui ne fut pas tout dans sa destinée, mais qui, en s’unissant à lui, a contribué à donner à son nom un éclat que son seul mérite n’aurait point produit. » Oserai-je dire à M. 

1148. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

Ce qu’il y a de plus fatigant encore, ce sont toutes ces présentations qui ne finissent pas ; et elle veut retenir tous les noms, ce qui est un travail d’esprit terrible ; sans cesse occupée d’ailleurs de plaire et d’attentions. […] Les esprits s’échauffent, on blâme le général de sa lenteur ; il ne saurait partir trop tôt pour se précipiter dans un labyrinthe qu’il prévoit ; l’on parle, l’on écrit des mémoires, l’on se communique ses idées, comme si celui qui est chargé de la conduite de cette campagne n’en était pas occupé ; enfin, on veut le faire marcher ; on brigue, on cabale à cet effet. » Je ne dis pas que Valfons y ait mis tant de malice.

1149. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite et fin.) »

Une négociation fort contentieuse l’occupa durant ces années et le sauva des ennuis de l’inaction. […] Vous, monsieur Gilbert, vous renoncez donc à occuper au Parlement la charge de M. votre père ; car ce n’est pas d’un émigré apostat qu’on fera jamais un président à mortier. » — « Eh, mon Dieu !

1150. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [II] »

Si les rois et les pouvoirs publics s’y prêtaient, il aimerait à voir tenter derechef la comédie et la tragédie, à l’exclusion des farces et moralités qui occupent et usurpent les tréteaux. […] Dans tous ces chapitres de l’Illustration il y a ampleur, harmonie, élévation, noblesse de style, un ton soutenu ; c’est d’un souffle bien autrement puissant que chez Boileau, ce dernier étant plus occupé du détail et de la perfection, plus attentif à ce qu’on appelle goût.

1151. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DE LA LITTÉRATURE INDUSTRIELLE. » pp. 444-471

La littérature industrielle est arrivée à supprimer la critique et à occuper la place à peu près sans contradiction et comme si elle existait seule. […] On fait bien d’appeler et de provoquer l’attention du pouvoir sur ce point ; le pouvoir a fait semblant de s’en occuper, comme il fera toujours désormais de ce qui lui sera déféré avec bruit et grand concert d’intérêts en souffrance : mais tout s’est borné à des démonstrations.

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