Si de telles amitiés sont naturelles, il est aussi naturel qu’elles aboutissent à des froissements et à des malentendus. […] Flaubert, comme il était naturel, flambait intérieurement à l’idée de l’accompagner. […] Elle entre ainsi dans sa place naturelle, qui est le repos du passé. […] Et ce type naturel ne donna rien. […] Cette œuvre était le fruit naturel d’une vieillesse précoce et triste.
Elle existe comme facteur social, nullement comme élément naturel. […] Qu’on le prenne au sens étroit ou au sens large, le droit naturel n’existe pas. […] Il est assez naturel qu’elle se le dise. […] Il ressemble au cours naturel des choses. […] Votre goût naturel de la torture est pleinement satisfait et comblé dans ce dernier cas.
Il avait le goût des sciences naturelles, des collections, un herbier que Montaigne admira. […] Il demande les choses même en leur apparence et grandeur naturelles. […] Par une conséquence naturelle, en resserrant son sujet, il étend son analyse. […] Pour la première fois, l’homme n’est pas détaché de son cadre naturel. […] Il marque la prose comme la forme naturelle et convenable de la comédie vraie.
C’est un moment de crise, de fièvre, dont l’intensité contraste avec le travail calme et naturel qui l’a précédé. […] Seulement il est naturel que ce caractère personnel de l’idée varie avec une foule de circonstances. […] J’ai considéré comme germe de l’invention, l’idée de la sélection naturelle. […] L’invention de la théorie de la sélection naturelle marque le moment où l’orientation de l’esprit se détermine le plus nettement. […] Elle donne plutôt l’impression d’une force naturelle qui se déploie librement.
Il est des représentants naturels et vrais pour chaque moment social ; mais, d’un peu loin seulement, le nombre diminue, le détail se simplifie, et il ne reste qu’une tête dominante : Corinne, vue d’un peu loin, se détache mieux au cap Misène. […] Mais, qu’il y ait théorie ou non chez elle, son mouvement naturel n’attend pas, sa voix qui s’empresse fait d’abord appel à toutes les bonnes puissances, les réchauffe en nous et les vivifie. […] Dans Delphine, l’auteur a voulu faire un roman tout naturel, d’analyse, d’observation morale et de passion. […] Ici ne s’interpose aucun nuage léger de Germanie ; on rentre avec Eudore dans l’antique jeunesse ; partout la netteté virile du dessin, la splendeur première et naturelle du pinceau. […] Près de l’endroit où elle juge ainsi Byron, elle disait comme par une association naturelle : « Je n’aime pas le livre de B.
Jules Simon, dans son livre sur la Religion naturelle, avaient montré la voie est M. […] C’est pour nous une occasion heureuse et naturelle d’exposer nous-même, à un point de vue assez peu éloigné de celui de M. […] Les phénomènes naturels se modifient sans cesse autour de nous, et le tableau qui nous environne ne reste jamais un instant immobile. […] Il y a un élan naturel qui, des choses relatives et contingentes, nous porte à l’affirmation d’un être absolu, nécessaire et parfait. […] serait-ce un reste de piété naturelle qui, dans le vide fait par la réflexion, s’attache à une ombre conservée par l’imagination ?
La folie, LE sommeil naturel. […] Ces lois du cerveau et de la conscience s’appliquent non seulement au sommeil naturel, mais encore, nous allons le voir, au sommeil artificiel. […] Nous avons vu plus haut l’application de ces lois au sommeil naturel ; Lehmann les applique également au sommeil artificiel. Le sommeil naturel est, pourrait-on dire, diffus, sans concentration stable de la conscience sur telles et telles représentations, sans direction précise provenant de la volonté. […] Rien de plus naturel pour des imaginations exaltées.
C’était naturel à un jeune employé de bureau qui débordait d’esprit et qui ne savait où le répandre. […] Il reprit sa langue naturelle, celle d’Anacréon, d’Horace, de Pindare et de Racine. […] Ce trône d’expédient ne fut ni celui de Napoléon, son héros, ni celui de l’héritier naturel de la couronne, la victime des trois jours ; ce fut le trône du duc d’Orléans. […] il le répudia après l’avoir provoqué ; l’héritier naturel ? […] Il avait employé, avec l’habileté qui lui était naturelle, tout ce qui peut toucher le cœur, convaincre l’esprit, flatter l’amour-propre, griser l’ambition ; tout, jusqu’aux confidences les plus abandonnées, jusqu’aux prières, et, le croira-t-on ?
La reconnaissance ne s’applique qu’à des états possédant ces caractères ; de là une synthèse naturelle, une association, entre l’idée du passé et l’idée du moi ; le moi implicite n’était associé qu’à l’idée toute négative de l’inétendu ; le moi explicite est associé à l’idée positive de la succession ou de la durée. […] Témoignages du sens commun sur la parole intérieure Malgré ces obstacles naturels qui s’opposent à son observation, la parole intérieure n’est pas absolument ignorée du sens commun, qui la désigne de temps à autre par la locution : s’entretenir avec soi-même. […] n’est-il pas à craindre que l’acteur, au lieu de suivre son inspiration naturelle ne modifie son jeu pour répondre aux secrets désirs du spectateur ? […] L’observation de mémoire correspond donc à l’observation pure des sciences physiques et naturelles, et c’est là le vrai procédé du psychologue. […] Le non-moi est une idée bien plus naturelle que l’avant-moi.
Avec quelle indicible volupté il pénétra dans l’intérieur de ce pays qui était encore un mystère pour les sciences naturelles ! […] Homme naturel, grand de sa propre grandeur, modeste, paisible, et ne demandant à personne une grandeur supérieure à celle que Dieu lui avait permis de développer pour sa patrie. […] Mais il prit auprès du roi de Prusse la place de favori savant, presque ministre des sciences naturelles. […] L’amour de Guillaume pour sa femme avait grandi avec les années, et cette mort réveilla de nouveau dans son cœur cette tendance naturelle à la mélancolie et à la rêverie. […] « Mais, dans les derniers temps, les années de l’illustre octogénaire avaient réclamé leurs droits naturels.
Il a une précision, une netteté, une verve qui saisissent ; avec cela, la plus aisée et naturelle spontanéité. […] Le fait caractéristique, et du reste tout naturel, dans l’histoire des origines de l’éloquence française, c’est la prédominance du genre religieux sur le genre politique et judiciaire. […] C’était en latin qu’on les préparait, en latin qu’on les conservait, le latin étant la langue naturelle des auteurs, et celle aussi du public par lequel ils pouvaient songer à se faire lire. […] La grande règle de la rhétorique naturelle, c’est de plaire et de toucher : pour cela les prédicateurs ramassent de tous côtés ce qu’ils croient de nature à intéresser, même à amuser l’auditeur. […] Mais jamais il n’approche plus de la grande éloquence et de son irrésistible naturel que lorsque son propos ramène aux misères du temps.
Les arts sont les fleurs naturelles d’une nation. […] Nous ne sommes pas plus naturels en France, mais comme nous sommes moins beaux que les citoyennes du Sud, nous avons tous l’air de vieux comiques jouant les jeunes premiers. […] Aussi me paraît-il naturel que, malgré les mérites qu’il offre encore, il puisse contenter la société contemporaine. […] Soit effet de la publicité intensive, soit éblouissement devant les bilans de recettes, soit penchant naturel vers ce que l’on comprend mieux, il est évident qu’aujourd’hui, pour la masse moyenne, le théâtre constitue « la branche » la plus haute de l’arbre littéraire. […] C’est bien naturel.
Il en est ainsi du respect : le respect est naturel chez les simples, les superficiels s’en défendent avec une fatuité très comique ; il renaît chez les sages par une vue supérieure. […] La religion, telle que je l’entends, est fort éloignée de ce que les philosophes appellent religion naturelle, sorte de théologie mesquine, sans poésie, sans action sur l’humanité. […] Cela est si vrai que quand les modernes ont voulu faire quelques essais de culte naturel, ils ont été obligés de s’en rapprocher. La grande supériorité morale du christianisme nous fait trop facilement oublier ce qu’il y avait dans le mythologisme grec de largeur, de tolérance, de respect pour tout ce qui est naturel. […] La France, qui trouve tout simple qu’une loi émanée de Paris devienne à l’instant applicable au paysan breton, à l’ouvrier alsacien, au pasteur nomade des Landes, devait trouver tout naturel aussi qu’il y eût à Rome un infaillible qui réglât la croyance du monde.
Avouons que ce ne sont pas là des modèles ; avouons que Racine a donné ce modèle qui n’existait pas avant lui ; que dans Andromaque les grands crimes sont produits par les grandes passions, les intérêts clairement développés, habilement opposés l’un à l’autre sans se nuire et sans se confondre, expliqués par les personnages et jamais par le poëte ; que les moyens que l’auteur emploie ne sont jamais ni trop vils ni trop odieux ; que les ressorts sont toujours naturels sans être prévus, les événemens toujours fondés sur les caractères ; et convenons que Racine est le premier qui ait su assembler avec tant d’art les ressorts d’une intrigue tragique. […] Les anciens avaient connu les grands tableaux, les situations, le naturel du dialogue. […] Son expression est toujours si heureuse et si naturelle, qu’il ne paraît pas qu’on ait pu en trouver une autre, et chaque mot de la phrase est placé de manière qu’il ne paraît pas qu’on ait pu le placer autrement. […] Les unes, tenant de plus près à la nature, et réveillant en nous ces premiers sentimens qu’elle nous a donnés, ont un effet aussi infaillible qu’universel, parce qu’il dépend ou de cette pitié naturelle placée dans le coeur humain pour l’adoucir et le rendre meilleur, ou bien de ce sentiment de grandeur, qui l’élève à ses propres yeux, et le soumet par l’admiration au pouvoir de la vertu. […] Quant au second reproche, que l’on se souvienne que Louis XIV, qui mettait tant de grace dans ses actions et dans ses paroles, avait le précieux talent de se faire aimer de ceux qu’il obligeait ; que l’on songe qu’il est bien naturel de chérir son bienfaiteur, quoique ce bienfaiteur soit un roi, et l’on sentira que la douleur de lui avoir déplu était d’autant plus louable dans un sujet, que c’était le monarque qui avait tort.
Il y a, comme en parallélisme, ou comme en entrelacement, la fable, l’anecdote à proprement parler, l’anecdote qui conduit à une conclusion morale, mais, s’entrelaçant à elle, un récit de phénomènes naturels. […] On s’étonne que le récit des faits naturels qui ont dû se produire n’y soit pas. […] Tous ses amis sont revenus au naturel ; et lui est revenu à la nature ; et la différence est extrêmement grande ; et cette différence le fait plus grand. […] Qu’il ait omis le nom de La Fontaine, c’est tout naturel ; il n’a mis, dans l’Art poétique, aucun nom d’homme vivant ; il allait de soi qu’il ne nommât pas La Fontaine. […] Mais peut-être faut-il accepter cette vieille loi du genre qui nous vient de l’antiquité, car La Fontaine n’inventait pas ces sociétés bizarres et ces invraisemblances au point de vue de l’histoire naturelle.
Ils visent trop constamment au naturel. Il n’y a rien de moins naturel que de parler en vers. […] Il y est charmant, d’un naturel parfait et d’une gaieté étonnante. […] Donc, plus Dandin sera « naturel », plus le ridicule sera fort. […] Il est trop spirituel pour jouer au naturel ce ridicule imbécile.
Les principaux produits de la France consistent, dit-il, en grains, légumes, vins, pastels, huiles, cidres, sels, lins, chanvres, laines, toiles, draps, moutons, pourceaux et mulets : la vraie source des richesses pour la France, la matière naturelle du travail est là, il faut s’y tenir. […] À un certain moment, il a une idée politique assez grande et qui est à lui, d’attaquer l’Espagne par le cœur et les entrailles, c’est-à-dire par les Indes, qui sont sa force ; mais en même temps il n’est pas d’avis que la France profite de la dépouille en colonisant ; il estime ces sortes d’entreprises lointaines disproportionnées au naturel des Français, « qui ne portent ordinairement leur vigueur, leur esprit et leur courage qu’à la conservation de ce qui les touche de près ». […] Lui-même il a dû céder quelquefois à un sentiment bien naturel de vieillard et de loyal serviteur voué au deuil, sinon en exagérant le passé, du moins en prêtant à certaines idées qui lui revenaient plus de corps qu’elles n’en avaient eu réellement. […] Pourtant, nul ouvrage, plus que celui qui porte son nom, n’aide à connaître Henri IV dans la vérité héroïque ou naturelle, et dans l’intime familiarité : et à lui-même Sully, au milieu de tout ce qu’il y a de trop, on n’a qu’à tailler dans cette masse un peu informe pour lui élever une statue.
Aimable sénéchal de Champagne, que de peines et d’efforts il a fallu, que d’académiciens des Inscriptions faisant la chaîne et mis les uns au bout des autres, pour arriver à sauver de toute corruption et de toute injure, et pour nous rendre au naturel et dans sa simplicité, ce que vous dictiez si gaiement en cheveux blancs dans le joli langage ou ramage de votre jeunesse, et en vous promenant d’un pied encore ferme dans la grande salle du château de Joinville85 ! […] Et quand elle sut qu’il s’était croisé, ainsi que lui-même le contait, elle mena aussi grand deuil que si elle l’eût vu mort. » Le propre du récit de Joinville est d’être ainsi parfaitement naturel et de ne rien celer des sentiments vrais. […] Froissart, l’historien littéraire de la chevalerie, s’amusera un jour à décrire ce choc des combats, ce luxe des couleurs, cet éclat éblouissant des casques et des hauberts au front des batailles : chez Joinville, ce n’est pas encore un jeu ni un art, ce n’est que l’éclair naturel et rapide du souvenir, le reflet retrouvé de cette heure d’allégresse et de soleil où l’on était jeune, brillant et victorieux. […] Mais tout aussitôt, dans la personne de son page et de son serviteur, il a su ramener, par contraste avec son insensibilité, les sentiments naturels et nous faire voir qu’il n’est pourtant pas tout à fait étranger aux larmes ; il nous montre l’enfant et l’homme pleurant comme de simples mortels, l’un son père et sa mère, l’autre sa femme et ses enfants.
En face de cette nature « où le climat est le plus grand des artistes », ses Promenades ont le mérite de donner la note vive, rapide, élevée ; lisez-les en voiturin ou sur le pont d’un bateau à vapeur, ou le soir après avoir vu ce que l’auteur a indiqué, vous y trouvez l’impression vraie, idéale, italienne ou grecque : il a des éclairs de sensibilité naturelle et d’attendrissement sincère, qu’il secoue vite, mais qu’il communique. […] Et ce même homme qui aurait joué au naturel dans un mime antique, était celui qui sentait si bien le grand et le sublime sous la coupole de Saint-Pierre. […] Son odyssée bizarre a pourtant beaucoup de naturel ; il existe en anglais un livre qui a donné à Beyle son idée : ce sont les Mémoires d’un soldat du 71e régiment qui a assisté à la bataille de Vittoria sans y rien comprendre, à peu près comme Fabrice assiste à celle de Waterloo en se demandant après si c’est bien à une bataille qu’il s’est trouvé et s’il peut dire qu’il se soit réellement battu. […] Enfin il se donne bien de la peine pour s’expliquer une chose très simple ; il n’était pas de ceux à qui l’image arrive dans la pensée, ou chez qui l’émotion lyrique, éloquente, éclate et jaillit par places dans un développement naturel et harmonieux.
Daru fit à son sujet un excellent discours, plein de sens et de nuances : il y appréciait « les plans sages, la gaieté douce, le dialogue naturel, la versification pleine de grâce » de celui qu’on aurait pu indulgemment appeler un demi-Térence, de même qu’on avait dit de Térence que c’était un demi-Ménandre. Il y notait cette espèce de réaction (je me trompe, le mot est trop fort), cet éloignement complet pour le genre de Beaumarchais qui avait été, au début, l’instinct naturel et l’originalité de Collin d’Harleville, le moins fait de tous les hommes pour goûter l’intrigue de Figaro. […] Picard, à cette date, se trouvait à un moment critique et décisif pour son talent ; il était dans sa meilleure veine : par Monsieur Musard, un petit chef-d’œuvre, par Les Marionnettes, par Les Ricochets, il atteignait à toute la vérité de ce talent gai, vif, léger et naturel. […] Ces fantaisies sont plus ou moins déraisonnables, mais elles sont aussi naturelles les unes que les autres, et c’est parce qu’elles nous tiraillent en sens contraire que nous nous débattons dans l’impuissance de les satisfaire toutes à la fois.
Tandis que celui-ci, gai, riant, plein de verve et sous ses airs d’Anacréon, semble avoir rempli sa destinée naturelle, La Fare fait plutôt l’effet d’avoir manqué la sienne ; on voit dans son exemple de riches facultés qui se perdent, et des talents distingués qui s’altèrent et s’abîment faute d’emploi ; on est involontairement attristé. […] On n’avait pas plus de douceur et de sel tout ensemble : C’était, a dit de lui son tendre ami Chaulieu, un homme qui joignait à beaucoup d’esprit simple et naturel tout ce qui pouvait plaire dans la société ; formé de sentiment et de volupté, rempli surtout de cette aimable mollesse et de cette facilité de mœurs qui faisait en lui une indulgence plénière sur tout ce que les hommes faisaient, et qui, de leur part73, en eurent pour lui une semblable… Les siècles auront peine à former quelqu’un d’aussi aimables qualités et d’aussi grands agréments que M. de La Fare. […] C’est un malheur en tout cas pour un homme d’esprit et de talent de prendre ainsi à contresens l’époque dont il est contemporain, et le règne dont il serait un serviteur naturel et distingué ; on le juge, on le critique ce règne qui nous déplaît, mais à la longue on s’y aigrit, ou, si l’on est doux, on s’y relâche et l’on se démoralise. […] En attendant il se console de ne plus servir, de ne plus prendre sa part dans le drame public qui se continue, moyennant cette réflexion que « bien que depuis trente ans il se soit fait de grandes choses en ce royaume, il ne s’y est point fait de grands hommes ni pour la guerre, ni pour le ministère : non que les talents naturels aient manqué dans tout le monde, mais parce que la Cour ne les a ni reconnus ni employés… ».
C’était donc Balzac, Léon Gozlan, Jules Sandeau, Théophile Gautier, Méry, Mélesville ; — Forgues, que la nature a fait distingué et que la politique a laissé esprit libre ; Edouard Ourliac, d’une verve, d’un entrain si naturel, si communicatif, et qui devait finir par une conversion grave ; un italien réfugié, patriote et virtuose dans tous les arts, le comte Valentini, qui payait sa bienvenue en débitant d’une voix sonore et d’un riche accent le début de la Divine Comédie : Per me si va… C’était le médecin phrénologue Aussandon, qui signait Minimus Lavater et qui avait la carrure d’un Hercule ; Laurent-Jan, esprit singulier, tout en saillies pétillantes et mousseuses ; le marquis de Chennevières, esprit poétique et délicat, qui admire avec passion, qui écoute avec finesse ; — nommerai-je, parmi les plus anciens, Lassailly l’excentrique, qui, même en son bon temps, frisait déjà l’extravagance, qui ne la séparait pas dans sa pensée de la poésie, et qui me remercia un jour très sincèrement pour l’avoir appelé Thymbræus Apollo ? […] Gavarni en fut pour ses frais de naturel et ne réussit point à le familiariser. […] L’idée toute naturelle de cette série, c’est, on le conçoit, le contraste entre le passé et le présent, entre ce qu’on fut et ce qu’on est ; c’est le saillant presque ridicule de ce contraste. […] Parmi les sujets que vient de reproduire excellemment la photographie, je ne puis m’empêcher de signaler encore, pour le dessin comme pour le sentiment, cette scène de l’homme du peuple, de l’ouvrier faisant choix d’une épouse, lui posant la main sur l’épaule, et dans un langage grossier, que la légende a rendu au naturel, lui déclarant une affection grave pourtant et des plus sérieuses : l’attitude et le visage de cette femme debout, les yeux baissés, acceptant avec simplicité une vie commune qui lui sera rude, ont un véritable caractère de chasteté.
Pour peu qu’on cherche ou qu’on interroge, on trouve une comédie d’Imbert, une autre du marquis de Bièvre, toutes deux restées, comme on dit, au répertoire ; le Mari à bonnes fortunes n’est pas oublié ; quantité surtout de jolis vaudevilles, hier encore en vogue, viennent se présenter à l’esprit : le Réveil du lion, la Deuxième année, un Mari qui se dérange… Mais, à prendre le sujet dans sa largeur et sa simplicité, à se figurer Lovelace, don Juan ou le comte Almaviva mariés, il me semble que deux idées s’offrent d’abord : la première, si l’on veut, et la plus naturelle, c’est celle du fat et du libertin puni. […] En devenant le comte Herman, il a voulu ensevelir le duc Pompée ; il n’en a point parlé et a laissé ignorer à cette idéale jeune femme toute cette vie antérieure qu’il eût souhaité’ abolir ; c’est bon goût à lui de ne s’en être jamais vanté, et un jour qu’elle l’interroge là-dessus avec une curiosité bien naturelle et qu’elle lui reproche tendrement de lui cacher un secret, il répond avec élévation et bon sens : « Dans notre intérêt, je vous supplie de renoncer à une imprudente curiosité. […] Pompéa s’y montre à la fois naturelle et habile, tendre, railleuse, sarcastique et passionnée tour à tour ; l’artifice, s’il y en a (et en pareil cas il y en a toujours) disparaît bientôt dans la franchise et une sorte de droiture violente. […] Sous le premier Empire, la joie était redevenue une pure joie, une joie naturelle, pétillante, sans arrière-pensée, la joie du Caveau et des enfants d’Épicure ; mais après 1830, aux environs de cette date nouvelle, l’imagination reprit son essor ; le plaisir ne se produisait lui-même que sous air de frénésie et dans un déguisement qui le rendait plus vif, plus divers, plus éperdu, donnant l’illusion de l’infini ; il fallait, même en le poursuivant, satisfaire ou tromper une autre partie de soi-même, une partie plus ambitieuse et plus tourmentée.
Ildut retrancher, s’il y en avait, quelques passages trop naturels, trop véridiques, sur des accidents de jeune fille, des confidences trop vives ou trop nues. […] Cousin, était montré au naturel et qui lui eussent été désagréables ? […] Je le demande à tous ceux qui ont le sentiment et le culte de la famille : Mme Roland avoue qu’elle aima à la fin un autre homme que son mari, qu’elle l’aima en tout bien, tout honneur, mais enfin qu’elle l’aima d’amour et de passion ; elle confesse que son mari, à qui elle crut en devoir faire l’aveu, en souffrit, comme c’était bien naturel et en ressentit de la jalousie. […] Naturellement elle aurait dû le plaindre ; mais la passion de Mme Roland, doublée et cuirassée de cette vertu dont elle se montre si fière, et encore exaltée par les orages d’alentour, ne songe qu’à l’héroïsme et sort tout à fait de la gamme naturelle.
Elle garde de l’âpreté jusque dans ses descriptions les plus heureuses ; ses couleurs, même les plus naturelles, sont heurtées, aiguës, le plus souvent déchirées et emportées au vif, comme les cimes qui environnent ce beau lac. […] Elle en emprunte beaucoup au patois même du pays, patois naturel, agreste, légitime par son ancienneté, dont les fautes mêmes nous plaisent grâce à de certaines analogies qui ont conduit à les faire commettre. […] En tout, il y a dans cette suite de petits volumes de Mmc de Gasparin, particulièrement dans les deux derniers, Prouesses et Voyages, de l’éclat, du mouvement et mémo un peu trop, du bruit ; il y a du saccadé, du rocailleux, du naturel et de l’imité, du Tôpffer, du George Sand, du Michelet, que sais-je ? […] L’expression passer fleur n’est pas, je dois le dire, de la façon de l’écrivain. « Dans tout le centre de la France, m’écrit-on, dans l’Ouest, dans le Poitou, il n’y a pas un jardinier qui s’exprime autrement. » Mais la nouveauté consiste à introduire de ces sortes d’expressions naturelles dans la langue écrite ou littéraire, et c’es ce dont je loue l’écrivain.
C’est dans tous les cas la première condition de tout progrès solide dans la philosophie naturelle. […] Mais il y a des hypothèses permises aux savants et qui se font moyennant des inductions scientifiques et naturelles. […] Flammarion pour avoir rassemblé dans son livre les probabilités astronomiques, géodésiques, naturelles, qui militent en faveur de sa conclusion. […] Flammarion en effet franchit l’intervalle en introduisant des considérations de causes finales qui n’appartiennent plus à la philosophie naturelle et qui relèvent de la métaphysique ou de l’ontologie.
Non, j’ose le dire, quoique incompétent dans le détail à coup sûr, mais après avoir entendu bien des déposants et par une sorte de verdict de sens commun, par une impression d’ensemble et comme une conviction naturelle, — non, il y avait de l’appareil plus que du fonds dans tout le maréchal de Noailles. […] Sa taille assez grande, mais épaisse, sa démarche lourde et forte, son vêtement uni ou tout au plus d’officier, voudraient montrer la simplicité la plus naturelle ; il la soutient avec le gros de ce que, faute de meilleure expression, on entend par une apparence de sans-façon et de camarade. […] L’élocution nette, harmonieuse, toutefois naturelle et agréable ; assez d’élégance, beaucoup d’éloquence, mais qui sent l’art, comme avec beaucoup de politesse et de grâce dans ’ses manières, elles ne laissent pas de sentir quelque sorte de grossièreté naturelle ; et toutefois des récits charmants, le don de créer des choses de rien pour l’amusement, et de dérider et d’égayer même les affaires les plus sérieuses et les plus épineuses, sans que tout cela paraisse lui coûter rien.
Au fond, pour lui comme pour Régnier, comme pour D’Aubigné, Ronsard, par une illusion dont l’histoire littéraire offre plus d’un exemple, Ronsard était devenu le représentant de la liberté de l’art, du facile et fécond naturel, contre Malherbe et contre les puristes tyrans du vers et de la langue. […] Sa psychologie, très grossière, très sommaire, est du moins naturelle et saine. […] Cependant il ne faut pas s’y tromper : Aristote n’a pas tyrannisé le goût français, il n’a point jeté notre tragédie hors de sa voie naturelle. […] A voir leurs œuvres, on serait tenté d’abord de regretter le vieux Hardy, qui était grossier et brutal, mais qui du moins n’était ni précieux, ni galant, ni italien, ni espagnol : on regrette le gros bon sens avec lequel il maniait ses sujets, son action directe et rapide, ses sentiments peu raffinés, mais naturels.
Cela peut courir, s’éparpiller, se répandre ; mais il se fait, dans le milieu où elles tombent, je ne sais quel travail de balayage naturel qui rejette incessamment à la voirie ces chiffons malsains. […] Giboyer est père ; il a un fils naturel qu’il n’a pas voulu marquer de son nom. […] Agnès peut demander : Avec une innocence à nulle autre pareille, Si les enfants qu’on fait se faisaient par l’oreille… Fernando, en restant d’une pureté parfaite, doit avoir des notions moins vagues d’histoire naturelle. […] Le jeune homme lui avoue qu’il est enfant naturel ; Maréchal fait un bond, mais il se rassied en songeant à son prochain speech.
S’il veut le naturel, ce n’est pas le naturel vulgaire, mais le naturel exquis. […] Je me suis demandé quelquefois ce que pourrait être une rhétorique française, sensée, juste, naturelle, et il m’est même arrivé, une fois dans ma vie, d’avoir à en conférer en quelques séances devant des jeunes gens.
Le Mercure, selon son inclination naturelle, ne tarda pas à s’affadir, et, sauf de rares instants, à retomber dans l’insipidité. […] On sentait bien que sa légèreté n’était pas toujours naturelle, et que le poignet était pesant : pourtant il sut animer et féconder ce genre de critique en y introduisant les questions à l’ordre du jour, et en y mêlant à tout propos une polémique qui flattait alors les passions. […] Il prend plaisir, en regard des romans exaltés et des inventions systématiques du jour, à rappeler ce livre tout naturel, qui résume la morale de l’expérience. […] Il aime Molière, sa franchise, son naturel, sa gaieté ; à défaut d’autres, ce sont là les vertus de Geoffroy.
S’il est des vanités qu’on excuse et qui trouvent grâce par leur air bienveillant et naturel, celle-ci était trop peu indulgente et trop aiguë pour se faire pardonner insensiblement ; et comme, dans ces sortes d’ouvrages, c’est bien plutôt le caractère et la personne qu’on juge que le talent de l’artiste, le public a reçu au total une impression désagréable ; sans faire bien exactement la double part du talent et du caractère, après quelques semaines d’hésitation et de lutte, il a dit de ces Mémoires en masse : « Je ne les aime pas. » Ils sont peu aimables en effet, et là est le grand défaut. […] C’est dans cette lutte inextricable entre l’homme naturel et les personnages solennels, dans ce conflit des deux ou trois natures compliquées en lui, qu’il faut chercher en grande partie le désaccord d’impression et de peu d’agrément de cette œuvre bigarrée, où le talent d’ailleurs a mis sa marque. […] Ses tableaux, au contraire, attestent à chaque page cette élévation naturelle que l’écrivain retrouvait dès qu’il rentrait dans ses instincts contemplatifs et solitaires. […] La gaieté, chez M. de Chateaubriand, n’a rien de naturel et de doux ; c’est une sorte d’humeur ou de fantaisie qui se joue sur un fond triste, et le rire crie souvent.
Il nous a rendu compte lui-même, dans des Mémoires agréables et très naturels, de ses premières années et d’une grande partie de sa vie. […] Huit jours après, Vitart leur apporta la première des Lettres provinciales de Pascal, en leur disant : « Voilà ce que vous m’avez demandé. » Notre Charles Perrault se fait recevoir avocat ; il plaide, mais sa vue sensée et naturelle va bien au-delà des dossiers. […] Il prend d’ailleurs la chose sur un pied d’agrément, et trouve tout naturel qu’on soit d’un sentiment contraire au sien ; « car rien n’est plus permis, ni plus agréable, dit-il, que la diversité d’opinions en ces matières ». […] Il avait toujours fait grand cas de leur jugement, et il était d’avis que, dans les matières de goût, leur préférence est décisive : « On sait la justesse de leur discernement, pensait-il, pour les choses fines et délicates, la sensibilité qu’elles ont pour ce qui est clair, vif, naturel et de bon sens, et le dégoût subit qu’elles témoignent à l’abord de tout ce qui est obscur, languissant, contraint et embarrassé. » Dans la préface de L’Apologie, Perrault reprochait à Boileau, entre autres choses, que « les vers de sa satire étaient plus durs, plus secs, plus coupés par morceaux, plus enjambants les uns sur les autres, plus pleins de transpositions et de mauvaises césures que tous ceux qu’il avait faits jusqu’ici ».
Les Fables de Lachambeaudie, publiées dans un magnifique volume (1851), nous avertissent que l’auteur est poète, homme de talent, doué de facilité naturelle, et sachant trouver des moralités heureuses quand il ne les assujettit point à des systèmes. […] Arsène Houssaye, mêle à son inspiration française une veine de poésie allemande ; il a un sentiment domestique et naturel qui lui est familier, et l’on dirait qu’il a eu autrefois une des sylphides des bords du Rhin pour marraine. […] Cette seule nouveauté de situation produit dans l’expression des sentiments naturels et simples un véritable rajeunissement. […] En voici quelques-uns que j’en détache de préférence, parce qu’ils sont tout simples et naturels, et comme voisins de la source : Dans leurs boutons ouverts, riantes et nouvelles, Par les soleils de mai, Dieu !
Né avec beaucoup d’esprit, beau comme le jour dans sa jeunesse, « il tenait, dit Saint-Simon, de ce langage charmant de sa mère et du gascon de son père », du gascon adouci par « un tour et des grâces naturelles qui prévenaient toujours ». […] Bien longtemps après, quand Mme de Montespan, tombée en disgrâce et dans une entière retraite, eut pris ce fils légitime comme une partie de sa pénitence et qu’elle se fut mise, par manière de réparation, à vouloir lui fonder une fortune régulière, elle exigea de lui qu’il ne jouerait plus ; croyant mieux l’y obliger, elle obtint qu’il chargeât le comte de Toulouse, son demi-frère, de dire expressément au roi que lui, d’Antin, renonçait au jeu pour toute sa vie : sur quoi le roi fit cette réponse bien naturelle, mais désespérante d’indifférence : « À la bonne heure ! […] Il n’en souffrit pas moins cruellement de l’affront qui lui était fait ; et alors, non pas, comme on l’a cru, par hypocrisie et pour complaire au roi, mais par un réveil naturel des sentiments religieux de sa première éducation, il songea à Dieu dans sa disgrâce, et il essaya s’il ne pourrait pas guérir son cœur en le tournant vers ce qui ne change point. […] Mais le naturel est plus fort : d’Antin n’en tire qu’un motif de plus de s’attacher, s’il se peut, davantage au roi par une assiduité dont on ne citerait « que peu d’exemples ».
Bernardin était un peintre qui se disait un ignorant en se croyant mieux informé que les savants, et dont toute la théorie ne devait aboutir qu’à se décrire à lui-même en mille façons variées ses impressions naturelles. […] Le berger, indiquant le tombeau que la tradition désigne pour celui d’Ariane, ajoute : « Ce monument, ainsi que tous ceux de ce pays, a été mutilé par le temps et encore plus par les barbares ; mais le souvenir de la vertu malheureuse n’est pas sur la terre au pouvoir des tyrans. » Et Bernardin, après avoir achevé son tableau, ajoute à son tour : « Je doute qu’un athée même, qui ne connaît plus dans la nature que les lois de la matière et du mouvement, pût être insensible au sentiment de ces convenances présentes et de ces antiques ressouvenirs. » Qu’a de commun, je vous prie, un athée avec les idées naturelles que fait naître l’histoire d’Ariane d’après Catulle, dans la bouche du berger ? […] Relisons donc pour toute analyse Paul et Virginie, et, si nous voulons mieux en sentir le prix, essayons de relire, aussitôt après, Atala : il y a dans l’impression comparée qui en résultera toute une leçon de rhétorique naturelle. […] Cet ouvrage des Harmonies offre encore de très beaux tableaux, aussi beaux que dans aucun des ouvrages précédents, mais aussi toutes les exagérations de système et de style naturelles à l’auteur, et où s’est complu sa vieillesse.