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544. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De l’étude. »

Le joug d’une loi commune à tous, ne fait point naître ces mouvements de rage qu’un sort sans exemple exciterait ; en réfléchissant sur les générations qui se sont succédées au milieu des douleurs, en observant ces mondes innombrables, où des milliers d’êtres, partagent simultanément avec nous le bienfait ou le malheur de l’existence, l’intensité même du sentiment individuel s’affaiblit, et l’abstraction enlève à soi-même. […] L’esprit est plus agité que l’âme ; c’est lui qu’il faut nourrir, c’est lui qu’on peut animer sans danger, le mouvement dont il a besoin se trouve tout entier dans les occupations de l’étude, et à quelque degré qu’on porte l’action de cet intérêt, ce sont des jouissances qu’on augmente, mais jamais des regrets qu’on se prépare.

545. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre quatrième. L’aperception et son influence sur la liaison des idées »

« Je suppose, dit-il, le tic-tac d’un métronome se produisant à intervalles réguliers et avec une intensité toujours égale ; en ce cas, tout le monde sait que nous pouvons grouper deux par deux, trois par trois, quatre par quatre, les sensations successives : ce groupement volontaire est dû à l’aperception. » — Selon nous, ce groupement ne diffère pas des effets habituels et nécessaires de l’association : nous associons un souvenir de rythme, avec temps forts et temps faibles, aux battements indifférents du métronome, d’autant plus que tous nos mouvements et toutes nos réactions cérébrales tendent, en vertu même de la constitution des organes, à prendre une forme rythmée comme le balancement de notre jambe. […] Helmholtz a montré, dans son Optique physiologique, combien il y a de sensations visuelles dont nous ne nous apercevons pas : taches aveugles, mouches volantes, images consécutives, irradiation, franges chromatiques, changements marginaux de couleur, doubles images, astigmatisme, mouvements d’accommodation et de convergence, antagonisme des deux rétines, etc.

546. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre sixième. »

Et la morale du second : connaissez-vous vous-même, ne soyez pas votre dupe, et ne vous en rapportez pas au faux instinct d’un courage qui n’est qu’un premier mouvement. […] L’auteur y est poète et grand poète, c’est-à-dire grand peintre, comme sans dessein et en suivant le mouvement de son sujet.

547. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 15, observations concernant la maniere dont les pieces dramatiques étoient représentées sur le théatre des anciens. De la passion que les grecs et les romains avoient pour le théatre, et de l’étude que les acteurs faisoient de leur art et des récompenses qui leur étoient données » pp. 248-264

Or cette attention continuée durant huit cens ans (les théatres furent encore ouverts à Rome durant huit siecles après l’avanture de Livius Andronicus,) n’auroit-elle pas été suffisante pour désabuser les romains de l’usage de partager la déclamation entre deux acteurs, si cet usage eut été aussi mauvais qu’on est porté à le croire par un premier mouvement. Il faut donc se défier de ce premier mouvement autant que les personnes sages se défient de celui qui porte à désapprouver d’abord les modes et les coutumes des païs étrangers.

548. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Louis Wihl »

On ne trouve pas, il est vrai, non plus, dans ces vers d’un enthousiasme austère et d’une tristesse ardente, le flot incessant de magnifiques images que roule le Livre Surnaturel, toujours allumé, comme le chandelier d’or à sept branches, devant la pensée du poète ; mais on y trouve l’âme, l’élancement,  le plus beau mouvement de la poésie lyrique, — le mouvement haletant vers Dieu, — la brièveté forte, la flamme courte, tout cela sur un fond de grande naïveté orientale très étonnante venant d’une plume moderne.

549. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre II. Des éloges religieux, ou des hymnes. »

L’étendue des cieux, la profondeur des forêts, l’immensité des mers, la richesse et la variété des campagnes, cette multitude innombrable d’êtres en mouvement, destinés à servir d’ornement au globe qu’il habite, tout ce vaste assemblage dut porter à son esprit une impression de grandeur. […] Son style est quelquefois mystérieux comme l’être à qui il parle ; son oreille même cherche dans les sons une harmonie inconnue ; et comme pour donner une habitation à la divinité, il a élevé des colonnes, exhaussé des voûtes, dessiné des portiques ; comme pour la représenter, il a agrandi les proportions et cherché à faire une figure imposante ; comme pour en approcher dans les jours de fêtes, il a substitué à la marche ordinaire des mouvements cadencés et des pas en mesure ; ainsi, pour la louer, il cherche, pour ainsi dire, à perfectionner la parole ; et joignant la poésie à la musique, il se crée un langage distingué en tout du langage commun.

550. (1927) Approximations. Deuxième série

Or l’art de prédilection des Goncourt est celui où la grâce tremble au sein même de la beauté ; c’est le mouvement de la forme qu’en leur œuvre ils visent toujours, et ce mouvement même, ils prétendent à le saisir de telle manière que dans leur transcription son tourbillon léger ne soit jamais suspendu. […] Mais peut-être que ce n’est qu’un soudain mouvement de l’âme de l’un à l’autre de ces extrêmes, et qu’elle n’est jamais en effet qu’en un point, comme le tison de feu. […] Vernois s’aperçoit qu’il fait de l’éloquence, mais, contrairement à ce qu’eût été son mouvement habituel, il ne songe pas à s’en excuser. […] Observez les mouvements de ses phrases tandis qu’elles gravissent puis redescendent l’échelle à corde si souple mais si solidement nouée du récit. […] Tous nos mouvements sont pareils à ces vagues pénibles de la mémoire qui viennent frapper l’oubli comme un mur.

551. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

Bastian, naissent, constamment à la vie ; ils sont d’abord immobiles, puis peu à peu acquièrent le mouvement. […] Retenons d’abord les mouvements sans contact et les phénomènes de lévitation. […] Le mouvement n’a pas été rapide, mais comme attentivement guidé. » Ce qui est étonnant, dit M.  […] Après l’accident, le mieux à faire c’est de continuer le mouvement interrompu, selon les règles générales de l’ordre. […] Elle a son rôle dans un mouvement universel ; elle est un des éléments de son équilibre et de sa périodicité.

552. (1878) Nos gens de lettres : leur caractère et leurs œuvres pp. -316

Et, cependant, il a donné de merveilleuses pantomimes aux Funambules, le théâtre justement qui, par sa nature même, exige le plus de mouvement et d’action. […] J’avais pris, pour le mouvement, la convulsion qui n’en est que la grimace. […] Point de lassitude dans l’observation ; tout est noté par lui, au fur et à mesure, les moindres mouvements, les troubles du visage et ceux de la toilette. […] Quant à nous donner une idée de ce que furent Carthage et son génie, de l’immense mouvement de commerce qui se faisait au dedans d’elle et au dehors, nulle préoccupation. […] S’il aime les chats pour leurs mouvements silencieux, il a horreur des chiens, qui sont bien plus aimables, mais qui pourraient japper.

553. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Tant d’images brillantes, de mouvements passionnés, d’anecdotes piquantes, de réflexions et de récits, sont gouvernés par une pensée maîtresse, et l’ouvrage entier, comme une armée enthousiaste se porte d’un seul mouvement vers un seul but. […] Ces acides semblent leur donner et leur âpre cri, et l’éternelle agitation de leurs mouvements colériques. […] Rien ne gêne ni n’arrête les mouvements de ces âmes nouvelles. […] Tout en lui repose, mais tout est prêt au mouvement. […] Il y gagne la force ; car il y prend le droit d’aller jusqu’au bout de sa sensation, d’égaler les mouvements de son style aux mouvements de son cœur, de ne ménager rien, de risquer tout.

554. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome I

On supposa, par exemple, que le nerf moteur oculaire commun donnait le mouvement aux muscles constricteurs pupillaires, et le grand sympathique aux dilatateurs, etc. […] Je fais, avec la pointe de l’instrument, un mouvement à droite et à gauche pour dilacérer le bulbe rachidien, et l’animal est mort. […] Et vous voyez que chez ce lapin, où nous l’injectons, il ne se produit aucun mouvement ni aucun cri indiquant une sensation douloureuse. […] Vous savez, d’ailleurs, que ce gaz ne fait qu’imprimer à la masse fermentescible un mouvement qui peut ensuite se continuer sans lui. […] La couche antérieure, en rapport avec les phénomènes de mouvement, n’a aucune espèce d’action sur le foie, mais sa lésion produit des convulsions et des mouvements désordonnés qui viendraient compliquer l’expérience.

555. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Ce diable d’homme, il a le mouvement, il a l’éclat, il a le coup de trompette, c’est un maître écrivain de théâtre. […] J’enrage quand je vois ainsi tous les mouvements se ralentir à la Comédie-Française. […] C’est dénaturer un chef-d’œuvre que d’en changer le mouvement. […] Mais il nous a changé tout le mouvement de la scène. […] Il m’interrompt le mouvement de la scène.

556. (1892) Les idées morales du temps présent (3e éd.)

Je m’en suis donc tenu, si je puis m’exprimer ainsi, à un épisode de ce mouvement, à l’épisode littéraire. […] Ils sont de simples marionnettes : je vois leurs mouvements, et je sais que ces mouvements ne dépendent pas d’eux, mais de la ficelle qui les agite et de la main qui tient la ficelle. […] Brunetière et de la signification de son œuvre dans le mouvement contemporain. […] Ils n’ont pas créé le mouvement que dirigent à cette heure des hommes de la valeur de M. de Vogüé et de M.  […] Correspondance entre le mouvement intellectuel et le mouvement général.

557. (1902) Le critique mort jeune

Voilà qui nous fait comprendre l’art qu’a eu Maurice Barrès de transformer toute émotion en mouvement de l’intelligence. […] Mais il y a mieux et plus dans ce livre que la réaction spontanée, le mouvement d’horreur naturel de Voltaire, fils d’un siècle très raffiné. […] » « C’est l’avilissement de la Religion, Dieu mis en tiers dans tous les mouvements auxquels il plaît au cœur de se laisser entraîner. […] Ces définitions montrent assez combien ceux-là mêmes qui se trouvaient au centre du mouvement se sont mépris sur son caractère. […] Avec moins de scories, peut-être, plus de vivacité, de mouvement dramatique et certainement une plus fine connaissance du cœur humain, MM. 

558. (1920) Action, n° 2, mars 1920

Il soutient les essais de colonies naturistes libertaires et prend part, notamment, aux mouvements anticolonialistes. […] Magdeleine Marx participe à la création et à la direction du mouvement Clarté lancé par Henri Barbusse en 1919. Dès mai 1919, elle fait partie des organes directeurs du mouvement et elle entre en 1921 au comité de rédaction de la revue Clarté. […] Rollandiste, il quitte le mouvement au moment de la polémique opposant Romain Rolland à Henri Barbusse, qui souhaite affilier Clarté au PC. […] Avant 1914, il n’existe aucune traduction française d’auteurs expressionnistes ni aucun ouvrage qui aborde ce mouvement.

559. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre X, Prométhée enchaîné »

L’image que leur suggérait le mouvement circulaire que prennent ses flots aux points des courants, était celle d’une ronde de jeunes filles tournant en cadence. […] Sa religion n’était pas fixée sur un fond rigide, par les clous du dogme : toujours flottante, toujours en mouvement, elle se pliait aux progrès de l’homme, s’adaptait à sa croissance et suivait sa marche. […] Il s’y réjouit de la criée des enchères, du mouvement des denrées, de la circulation des monnaies, des ruses de l’offre et de la demande. […] Il l’invoquait dans son cœur, il promettait de lui sacrifier un coq de combat, s’il remportait la victoire ; et la souplesse du dieu coulait dans ses muscles, et une vigueur généreuse fortifiait ses bras. — « Ô Hermès », — dit une épigramme de l’Anthologie, — « Callitèle te consacre son chapeau en laine d’agneau bien foulée, une agrafe à double aiguillon, un strigiIe, un arc tendu, une tunique usée irnprégnée de sueur, des baguettes d’escrime, et son ballon toujours en mouvement. […] Tel était Hermès, dieu de paix, d’activité, de mouvement, de circulation perpétuelle entre les hommes et les choses ; admirablement harmonieux dans sa diversité infinie, répondant, comme la lyre dont on le disait l’inventeur, à tous les accords de la double vie terrestre et future.

560. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

Ou plutôt, il n’est que le mot par lequel nous désignons l’effet supposé ultime de cette action, sentie comme continue, le terme hypothétique du mouvement qui déjà nous soulève. […] La première, très générale, consiste à se représenter le mouvement comme la diminution graduelle d’un intervalle entre la position du mobile, (lui est une immobilité, et son terme supposé atteint, qui est immobilité aussi, alors que les positions ne sont que des vues de l’esprit sur le mouvement indivisible : d’où l’impossibilité de rétablir la mobilité vraie, c’est-à-dire ici les aspirations et les pressions qui constituent indirectement ou directement l’obligation. […] Mais elle ne peut poser une espèce animale sans dessiner implicitement les attitudes et mouvements qui résultent de sa structure et qui en sont les prolongements. […] C’est pourquoi l’image d’un mouvement en spirale, qu’on a évoquée quelquefois, serait plus juste que celle de l’oscillation pendulaire. […] C’est toujours l’arrêt qui demande une explication, et non pas le mouvement.

561. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre troisième. La connaissance de l’esprit — Chapitre premier. La connaissance de l’esprit » pp. 199-245

Cela signifie que ce mouvement de mes membres et cette persistance de mes idées sont possibles ; ce mouvement est possible, parce que sa condition, un certain état de mon appareil musculaire et nerveux, est donnée ; cette persistance est possible, parce que sa condition, un certain équilibre de mes images, est donnée. — J’ai la faculté de comprendre un livre latin, et mon voisin le portefaix a la faculté de porter un sac de trois cents livres ; cela signifie que, si je lis un livre latin, je le comprendrai ; que, si le portefaix a sur le dos un sac de trois cents livres, il le portera. […] Pour que nous les connaissions, il faut d’abord qu’un de ses organes soit ébranlé ; pour que nous leur imprimions un mouvement, il faut d’abord qu’un de ses muscles soit contracté. […] Nous avons classé ses événements et les faits que ses événements provoquent selon leurs ressemblances et leurs différences, et nous avons logé chaque groupe dans un compartiment distinct et sous un nom commun, ici les sensations, là les perceptions extérieures, là-bas les souvenirs, plus loin les volitions, les mouvements volontaires, et ainsi de suite. […] J’ai prévu, avant de les faire, tous les mouvements du corps et des membres que je fais, et, cent mille fois contre une, ils se font tels que je les ai prévus. […] L’enfant s’irrite contre un ballon ou un duvet qui vole capricieusement et ne se laisse pas saisir. — Aux époques primitives, l’homme considéra le soleil, les fleuves, comme des êtres animés. — Le sauvage prend une montre qui fait tic-tac et dont l’aiguille marche, pour une petite tortue ronde. — Le mouvement, en apparence spontané, surtout s’il semble avoir un but, suggère toujours l’idée d’une volonté.

562. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1886 » pp. 101-162

Elle voyait son fils, en cassant un œuf à la coque, avoir un mouvement nerveux dans un coin de la bouche, puis l’entendait dire : « J’étais si bien tout à l’heure !  […] » Au milieu de l’égoïsme, de la crasserie générale de l’humanité, il y a par-ci, par-là, chez quelques individus de beaux mouvements de générosité. […] » Et Daudet ajoute : « Cet homme sans tenue, se livrant à ce débordement canaille, était superbe. » Puis un moment, absorbé dans le souvenir de la beauté du jour, de la grandeur du paysage, de la sérénité des choses, Daudet dit, qu’au milieu de cela, ces deux êtres, avec leurs mouvements désordonnés pour se tuer, lui semblaient tragiquement comiques. […] Mardi 9 novembre On reprend aujourd’hui la scène entre le frère et la sœur du second acte, et de une heure et demie à cinq heures Porel fait mettre Cerny, plus de trente fois à genoux, pour la forcer à attraper le mouvement de s’agenouiller aux pieds de son frère, et de le faire virevolter sur lui-même, en le saisissant par les revers de sa redingote. […] Ainsi il aura, pour le mouvement moral d’une personne, qui se retire d’une combinaison, dont on l’entretient, la formule : « Vous êtes dans de la fumée de tabac, n’est-ce pas… et vous cherchez à respirer au dehors ? 

563. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

Je vois à la philosophie de Kant deux grands antécédens : l’esprit général, le mouvement universel de l’Europe, puis l’esprit particulier de l’Allemagne. […] Au milieu de ce grand mouvement, un homme né à Kœnisberg, et qui, comme Socrate, ne sortit guère des murs de sa ville natale, publia un ouvrage de philosophie qui, d’abord peu lu et presque inaperçu, puis, pénétrant peu à peu dans quelques esprits d’élite, produisit, au bout de huit ou dix ans, un grand effet en Allemagne, et finit par renouveler la philosophie, comme la Messiade avait renouvelé la poésie. […] On ne peut pas se prononcer plus nettement. « Nul doute, dit-il, que toutes nos connaissances ne commencent avec l’expérience ; car par quoi la faculté de connaître serait-elle sollicitée à s’exercer, si ce n’est par les objets qui frappent nos sens, et qui d’une part produisent en nous des représentations d’eux-mêmes, et de l’autre mettent en mouvement notre activité intellectuelle et l’excitent à comparer ces objets, à les unir ou à les séparer, et à mettre en œuvre la matière grossière des impressions sensibles pour en composer cette connaissance des objets que nous appelons expérience ? […] Je prends les deux exemples donnés par Kant. — Dans tout changement du monde matériel, la quantité de matière doit rester la même ; dans toute communication du mouvement, l’action et la réaction doivent être égales. — Ce sont évidemment là des jugemens synthétiques, car l’idée de matière n’implique pas le moins du monde que dans tous les changemens la quantité de matière est la même ; de même on peut avoir l’idée de mouvement sans en déduire que l’action et la réaction sont toujours égales. J’ajoute d’un côté à la notion de matière, de l’autre à celle de mouvement, des notions qui n’y étaient pas contenues, je fais un jugement synthétique.

564. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

Si en effet ce rhythme pompeux, que l’ancienne poésie grecque a rarement fait servir à l’inspiration lyrique, est loin de pouvoir, aussi bien que l’impétueuse diversité du dithyrambe, suivre tous les mouvements de la muse hébraïque et s’élancer ou se briser comme elle, il nous semble cependant que cette paraphrase est encore toute frémissante d’une poésie qui doit tenir beaucoup du texte hébreu. […] « Au-delà cependant de la huitième sphère des orbes étoilés, un monde sans étoiles, entraînant sous lui des masses mues d’un mouvement contraire, tourne autour de la grande âme qui couvre sous ses blanches ailes les bords extrêmes du grand univers. […] t’élançant par de saints cantiques, assoupis les agitations du corps et fortifie les mouvements de l’être intelligent. […] Cessez, souffles des vents divers ; cessez, mouvements des flots soulevés, cours des fleuves, chutes des fontaines ! […] Rien de plus heureux, ce semble, que le soudain passage de la sublime définition du Dieu, Fils et créateur, à l’adoration des Mages, et à ce mouvement du poëte, comme du coryphée de la scène antique : « Allons !

565. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE RÉMUSAT » pp. 458-491

Du milieu social où elle naquit, comme de celui où se forma son aînée, Mlle Pauline de Meulan, on peut dire (et je m’appuie ici pour plus de facilité sur des paroles sûres) que « c’était une de ces familles de hauts fonctionnaires et de bonne compagnie, qui sans faire précisément partie ni de la société aristocratique, ni même de la société philosophique, y entraient par beaucoup de points et tenaient du mouvement du siècle, bien qu’avec modération, à peu près comme en politique M. de Vergennes, qui contribua à la révolution d’Amérique, fut collègue de Turgot et de M. […] Elle voyait beaucoup, en ces années, Mme de Vintimille, et cette société d’élite dont le mouvement intérieur nous a été tout récemment rendu avec une vivacité aussi affectueuse que piquante par les lettres de M. […] Une minute, une seconde seulement à l’instant du départ, à cinq heures du matin, dans le court intervalle qui sépare le seuil du couvent et le marchepied de la chaise de poste, le jeune homme va l’entrevoir enfin et la rencontrer ; mais un mouchoir qu’elle porte à ses yeux, le mouvement même que lui cause l’émotion de la présence de l’ami, la dérobe peut-être, et remplit l’unique instant. […] L’art léger avec lequel l’habile patron essaye de lui en inoculer l’idée, l’espèce de négligence qu’il met à lui en apprendre, comme par hasard, la nouvelle courante ; le premier mouvement d’Alphonse qui regimbe, qui va s’indigner, et qui pourtant, peu à peu gagné par l’esprit de son rôle, s’y soumet presque : ce sont là des points savamment touchés. […] Cette vie de province, qui n’était pas d’ailleurs sans d’assez fréquents retours, laissait à Mme de Rémusat plus de loisirs ; elle ne continuait pas moins de participer au mouvement le plus intime de Paris par la précocité de son fils, qui entrait alors dans le monde, et qui correspondait de tout avec sa mère.

566. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

Ses yeux suivaient les regards et les mouvements de ceux qui causaient ; on aurait dit qu’elle allait au-devant de leurs idées. […] Necker, que l’on croyait l’initiateur et le modérateur du mouvement, était le foyer le plus retentissant de tout ce bruit. […] L’on voyait, dans sa manière de saluer et de remercier pour les applaudissements qu’elle recevait, une sorte de naturel qui relevait l’éclat de la situation extraordinaire dans laquelle elle se trouvait ; elle donnait à la fois l’idée d’une prêtresse d’Apollon qui s’avançait vers le temple du Soleil et d’une femme parfaitement simple dans les rapports habituels de la vie ; enfin, tous ses mouvements avaient un charme qui excitait l’intérêt et la curiosité, l’étonnement et l’affection. » XVIII La célébrité de mademoiselle Necker, qui aurait effrayé les hommes supérieurs qui cherchent dans une femme une épouse et non une émule de gloire, éblouissait les hommes médiocres ; ils se flattaient de donner leur nom à une femme qui ajouterait à ce nom le lustre du génie ; ils s’imaginaient qu’un reflet futur de cette gloire rejaillirait sur leur propre médiocrité ; ils oubliaient qu’un homme ordinaire n’est jamais que l’ombre de cet éclat emprunté, que le mari d’une femme célèbre n’a plus même pour abriter sa vie intérieure l’obscurité de son foyer domestique. […] Et les mouvements d’un cœur sensible, ces mouvements qui devaient vous être inconnus, les aviez-vous appris pour être plus certains de vos cœurs ?

567. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre V : Règles relatives à l’explication des faits sociaux »

Mais les mouvements inhibitifs ne sauraient être confondus avec ceux qui constituent la contrainte sociale. […] Les routes, les lignes ferrées, etc., peuvent servir au mouvement des affaires plus qu’à la fusion des populations, qu’elles n’expriment alors que très imparfaitement. […] C’est une sorte de faculté motrice que nous imaginons sous le mouvement, pour en rendre compte ; mais la cause efficiente d’un mouvement ne peut être qu’un autre mouvement, non une virtualité de ce genre.

568. (1913) La Fontaine « I. sa vie. »

Il y a eu, pendant la seconde jeunesse de La Fontaine, il y a eu à Château-Thierry, un petit mouvement littéraire qui était plus ou moins ridicule, plus ou moins sérieux, à la tête duquel était Mlle de La Fontaine elle-même. […] Plus tard, en beaucoup moins beaux vers, mais j’insiste parce qu’il a insisté, j’insiste parce que ce ne fut pas une boutade, ce ne fut pas un premier mouvement ; il a eu, cet homme, le premier mouvement dont il faut se défier, car c’est le bon, a dit Talleyrand ; mais il a eu aussi le second mouvement qui était aussi bon que le premier ; peu de temps après, il écrivait encore, en moins beaux vers, mais les vers ici nous importent peu : Oronte seul, ta créature, Languit dans un profond ennui ; Et les bienfaits de la nature Ne se répandent plus pour lui. […] Elle était l’amie de Sauval, de Bernier, de Roberval ; elle était véritablement très en avance sur son temps, car cette femme — nous sommes déjà à la fin du dix-septième siècle — préparait l’admirable mouvement scientifique du dix-huitième siècle.

569. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

si l’on en excepte quelques amis inaltérables, la plupart de ceux qu’on se rappelle après dix années de révolution, consistent votre cœur, étouffent vos mouvements, en imposent à votre talent même, non par leur supériorité, mais par cette malveillance qui ne cause de la douleur qu’aux âmes douces, et ne fait souffrir que ceux qui ne la méritent pas. […] La vertu devient alors une impulsion involontaire, un mouvement qui passe dans le sang, et vous entraîne irrésistiblement comme les passions les plus impérieuses. […] Bien ne peut égaler l’impression que font éprouver certains mouvements de l’âme ou des portraits hardiment tracés. […] Les institutions établies par la force, imiteraient tout de la liberté, excepté son mouvement naturel ; les formes y seraient comme dans ces modèles qui vous effraient par leur ressemblance : vous y retrouvez tout, hors la vie.

570. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

C’est un débat qui n’est pas de mon sujet ; mais s’il est vrai que les catholiques du seizième siècle, secoués par le mouvement général des esprits, et réveillés par cette renaissance des lettres et des arts qui rendit bientôt toute ignorance ignominieuse, se seraient enfin arrachés d’eux-mêmes aux puérilités de la scolastique et aux langueurs de l’autorité ; s’il est vrai qu’ils auraient enfin retrouvé par la science la philosophie chrétienne ; il ne l’est pas moins, et avec l’avantage d’un fait accompli sur un fait probable, que la Réforme seule a provoqué et consommé cette restauration. […] Mais, l’œil toujours fixé sur Genève, il y surveillait tous les mouvements de l’opinion populaire. […] Les plus jeunes lui servaient de sténographes, corrigeaient les épreuves de ses nombreux écrits, lui apprenaient les bruits de la cité, les propos des libertins, tous les mouvements de l’opinion. […] C’est ce style de la discussion sérieuse plus habituellement nerveux que coloré, qui a plus de mouvements que d’images, son objet n’étant point de plaire, mais de convaincre ; instrument formidable par lequel la société française allait conquérir un à un tous ses progrès, et faire passer dans les faits tout ce qu’elle concevait par la raison.

571. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « André Chénier, homme politique. » pp. 144-169

Il n’avait que vingt-sept ans, et, pendant deux années encore, jusqu’en 1792, nous le voyons prendre part au mouvement dans une certaine mesure, donner en quelques occasions des conseils par la presse, ne pas être persuadé à l’avance de leur inefficacité : en un mot, il est plus citoyen que philosophe, et il se définit lui-même à ce moment « un homme pour qui il ne sera point de bonheur, s’il ne voit point la France libre et sage ; qui soupire après l’instant où tous les hommes connaîtront toute l’étendue de leurs droits et de leurs devoirs ; qui gémit de voir la vérité soutenue comme une faction, les droits les plus légitimes défendus par des moyens injustes et violents, et qui voudrait enfin qu’on eût raison d’une manière raisonnable ». […] Il se fait leur dénonciateur déclaré et commence contre eux sa guerre à mort : Comme la plupart des hommes, dit-il, ont des passions fortes et un jugement faible, dans ce moment tumultueux, toutes les passions étant en mouvement, ils veulent tous agir et ne savent point ce qu’il faut faire, ce qui les met bientôt à la merci des scélérats habiles : alors, l’homme sage les suit des yeux ; il regarde où ils tendent ; il observe leurs démarches et leurs préceptes ; il finit peut-être par démêler quels intérêts les animent, et il les déclare ennemis publics, s’il est vrai qu’ils prêchent une doctrine propre à égarer, reculer, détériorer l’esprit public. […] Il faut l’entendre qualifier cette « scandaleuse bacchanale », cette « bambochade ignominieuse », que favorisaient la lâcheté des corps constitués et l’immortelle badauderie parisienne, et s’écrier, par un mouvement digne d’un ancien : On dit que, dans toutes les places publiques où passera cette pompe, les statues seront voilées. […] Par un mouvement généreux et tout chevaleresque, il se déclare plus à découvert que jamais pour le roi entre le 20 juin et le 10 août ; il félicite le pauvre Louis XVI, si humilié et si insulté, de son attitude honorable dans cette première journée.

572. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

Va, maintenant, Écho, dans la noire demeure de Plu ton, porter au père une glorieuse nouvelle ; et voyant Cléodème, dis-lui son fils, et comment, aux vallons de la célèbre Pise, il a couronné sa jeune chevelure des ailes de la victoire athlétique. » Dans ce mot à mot qui ne déplaît pas, on aperçoit du moins quelque chose de l’original, son trait court et rapide, son mouvement facile et sa brièveté, sinon sa grâce. […] Mais il ne lui prit jamais, et il ne sut produire, à son exemple, ni ces maximes de calme et de profonde sagesse qui rayonnent d’un éclat pur, au milieu des splendeurs poétiques, ni ces mouvements d’âme, ces rapides évolutions de pensées les plus vives qu’il y ait au monde, ni cette précision singulière en contraste avec l’abondance des images, ni ce mélange, ce choc rapide du sublime et du simple, du terme magnifique et du terme familier, ni cette propriété toute-puissante qui rend présent à tout ce que le poëte a vu dans son plus rare délire. […] Elle est dans le mouvement inné des deux âmes et dans certaines dispositions d’esprit qui leur sont communes, en dépit de la prodigieuse différence des temps et de tous les renouvellements du monde. […] » Puis, dans un retour aux mouvements impétueux de la vie, est-ce Pindare, est-ce Bossuet, qui, frappé du sillon d’éclair de l’aigle, que sa pensée a tant de fois suivi dans les cieux, dit d’un guerrier qu’il admire : « Comme une aigle qu’on voit toujours, soit qu’elle vole au milieu des airs, soit qu’elle se pose sur quelque rocher, porter de tous côtés ses regards perçants et tomber si sûrement sur sa proie qu’on ne peut éviter ses ongles non plus que ses yeux ; aussi vifs étoient les regards, aussi vite et impétueuse était l’attaque, aussi fortes et inévitables étaient les mains du prince de Condé. » Un seul mot vient ici littéralement de Pindare, et avant lui, d’Homère : χεῖρας ἀφύκτους.

573. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire littéraire de la France. Ouvrage commencé par les Bénédictins et continué par des membres de l’Institut. (Tome XII, 1853.) » pp. 273-290

Fauriel, plus circonspect, dit également : « Il y eut, à ce qu’il paraît, entre le milieu du xiie  siècle et les commencements du xiiie , un grand mouvement dans la littérature française. » Ce fut le beau moment des trouvères. […] Fauriel, en citant tout ce passage, a dit : « Ce qui me frappe le plus dans ce discours, ce n’est pas d’être pathétique et naturel, c’est d’être, et d’être éminemment ce que nous ne saurions mieux exprimer que par l’épithète d’homérique. » L’expression est si juste que, dans ce qui suit, on est forcé encore de se ressouvenir de Virgile et surtout d’Homère, et des noirs sourcils du roi des dieux, dont un mouvement fait trembler tout l’Olympe. […] … » Nos fabulistes épiques du Moyen Âge, dont quelques-uns sans doute allaient en récitant, comme les rapsodes, par les villages et les bourgs, n’ont jamais de ces mouvements touchants ou élevés ; mais ils entendent la fable en elle-même et la développent souvent avec une grâce, une invention et une fertilité de détail, avec un riant d’expression qui serait encore aujourd’hui d’un vif agrément s’ils ne tombaient pas tout aussitôt dans la prolixité.

574. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — I. » pp. 446-462

On peut lire dans les Mémoires de Goethe le récit du séjour qu’il fit dans cette ville savante, et assister au mouvement littéraire tout germanique qui s’y agitait dans un cercle choisi d’étudiants. […] C’est le chaos des pièces anglaises, mais il en part quelquefois les mêmes éclairs, les mêmes mouvements de sensibilité, qui valent bien l’alignement méthodique de toutes les périodes du jour. […] Certes, ce sentiment exprimé par un jeune homme de vingt-deux ans, cette leçon donnée aux esprits forts (appelés ici par politesse des âmes fortes), en présence de la philosophie du siècle, à deux pas de Voltaire et pendant la vogue de l’abbé Raynal, annonce, encore mieux que Le Jeune d’Olban et que les Élégies, combien Ramond appartient d’avance à un mouvement réparateur et à une inspiration digne des régions sereines où se passeront les plus belles heures de sa vie83.

575. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

Saint-Amant et Théophile sont de vrais poètes ayant verve, mouvement et une sorte d’originalité ; ils se distinguent entre tous ceux de cette époque intermédiaire (j’excepte bien entendu Rotrou et Corneille, par nobile fratrum, dans l’ordre des auteurs dramatiques). […] Un gai zéphire les caresse D’un mouvement doux et flatteur ; Rien que leur extrême hauteur Ne fait remarquer leur vieillesse. […] Saint-Amand ne vit dans Rome, même dans la nature romaine, même dans les ruines, que matière à pasquinade et à parodie : Il vous sied bien, monsieur le Tibre, De faire ainsi tant de façon, Vous dans qui le moindre poisson À peine a le mouvement libre ; Il vous sied bien de vous vanter D’avoir de quoi le disputer À tous les fleuves de la terre, Vous qui, comblé de trois moulins.

576. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — I » pp. 417-434

Bonstetten, en son premier temps, aux belles années du xvie  siècle, avait eu, il est vrai, une jeunesse fervente, enthousiaste, engouée, selon la forme d’idées et de sentiments qui régnaient alors, avec des teintes de Jean-Jacques et des reflets de Werther ; mais cela lui avait passé : il s’était rassis ; il était devenu vieux ; vers l’âge de trente-cinq à quarante ans, il était redevenu Bernois ou avait tâché de le redevenir, de se faire un homme sérieux, un homme politique, un bailli, un syndic ou syndicateur (comme ils disent), un aspirant au conseil souverain de son canton ; il s’acclimatait petit à petit à l’ennui ; en un mot, à l’exemple du commun des hommes, il était en train de vieillir, et il y réussissait par le cours naturel des ans et des choses, quand les événements qui, à la suite du grand mouvement de 89, bouleversèrent son pays, vinrent le secouer lui-même et le déranger, le déconcerter et l’affliger d’abord ; mais bientôt il se remit, il voyagea, il trouva des oasis et des asiles, des cercles heureux où l’amitié lui vint rendre la joie, l’espérance et l’harmonie de sentiments à laquelle il aspirait par sa nature : et c’est alors qu’il rajeunit tout de bon. […] Nature communicative, il avait besoin de mouvement autour de lui et de réponse. […] Il paraît avoir craint qu’un si grand mouvement d’idées ne finît par quelque dérangement d’esprit.

577. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps. Par M. Guizot. »

Guizot, dont c’était la pensée bien arrêtée et qui a la faculté de s’isoler des passions et des instincts populaires, nous montre très bien comment ces passions et ce besoin de mouvement, assez vaguement représentés d’abord (à l’état de simple velléité) dans les conseils de la nouvelle monarchie par M.  […] Je m’étonnerais donc (si je ne le savais si absolu dans sa manière de voir) qu’aujourd’hui qu’il examine à loisir ces affaires du passé, il ne se soit point posé un seul moment cette question : Que serait-il arrivé en 1830, si dans les rangs de ce ministère Laffitte, ou à côté, il s’était trouvé à temps un homme véritable, un Casimir Perier du mouvement et d’une politique plus hardie, agressive et non plus défensive ? […] Guizot, le 29 juin 1831, c’est-à-dire sous Casimir Perier déjà : « L’état général des esprits me préoccupe ; je les ai vus s’altérer, se gâter rapidement depuis un mois… C’est un mélange d’irritation et de découragement, de crainte et de besoin de mouvement ; c’est une maladie d’imagination qui ne peut ni se motiver ni se traduire, mais qui me paraît grave.

578. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite.) »

Le premier mouvement de Cervantes, en apprenant cette désagréable nouvelle et en recevant le croc-en-jambe, fut d’être irrité ; mais il redoubla aussitôt de courage, il se piqua d’honneur, et la dernière partie de son ouvrage sent l’aiguillon. […] Un jour, Philippe III, du balcon de son palais, voyant un étudiant qui, sur les bords du Mançanarès, lisait un livre et interrompait souvent sa lecture en se frappant de la main le front et en faisant des mouvements extraordinaires de plaisir et de joie : « Cet étudiant est fou, dit le roi, ou il lit Don Quichotte. » Les courtisans qui étaient là coururent vérifier le fait, et c’était vrai. […] Soldat, aventurier, esclave algérien, employé de finance, prisonnier, romancier, c’est un Gil Blas, mais un Gil Blas assombri, et qui n’est pas destiné à s’écrier comme l’autre dans sa jolie maison de Lirias : Inveni portum… » C’est étrangement rabaisser Cervantes (toujours d’après notre auteur), que de soutenir qu’il a employé la fleur de son génie à combattre l’influence de quelques romans de mauvais goût, dont le succès retardait sur les mœurs du siècle et n’avait plus aucune racine dans la société d’alors : « Ce que je crois plutôt, s’écrie le nouveau commentateur, qui a lu son Don Quichotte comme d’autres leur Bible ou leur Homère, et qui y a tout vu, c’est que le chevaleresque Cervantes, qui s’était précipité dans ce qui, à la fin du xvie  siècle, restait de mouvement héroïque, dut se sentir abattre par le désenchantement d’un croyant plein de ferveur qui n’a pas trouvé à fournir carrière pleine, qui dans l’exagération de son idéal s’est heurté et blessé contre les réalités, et qui, après avoir été contraint d’abdiquer l’action, s’est condamné à une retraite douloureuse, s’est réfugié dans ses rêves, et en dernier lieu, dans un testament immortel, lance à son siècle une satire qui n’était pas destinée à être comprise de ce siècle et dont l’avenir seul était chargé de trouver la clé. » Et nous adjurant à la fin dans un sentiment de tendre admiration, essayant de nous entraîner dans son vœu d’une réhabilitation désirée, l’écrivain, que je regrette de ne pas connaître, élève son paradoxe jusqu’aux accents de l’éloquence : « Ah !

579. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Poésies, par Charles Monselet »

Je comprends très-bien le mouvement équitable et généreux qui porte un homme du métier, et qui en sait les épines, ennuyé à la fin de n’entendre parler de Fréron chez Voltaire que comme d’un âne, d’un ivrogne et de pis encore, à s’enquérir du vrai et du faux, et à vouloir vérifier une bonne fois l’exactitude de ces accusations infamantes. […] Fréron, dans cette grande lutte et ce mouvement d’idées qui partageait le xviiie  siècle, avait choisi le rôle de défenseur de l’autel et des saines doctrines contre les philosophes : quand on se donne une telle mission, il faut être deux fois irréprochable. […] Les mouvements lyriques qui viennent par intermèdes y font comme la symphonie entre deux services : « Suspendez au plafond les jambons de Bayonne et de Westphalie, couronnés de lauriers, etc. » La vision finale où le gastronome, transporté en idée sur son Thabor, ou sur sa montagne de Nébo, comme Moïse, voit de là tout le matériel et le personnel d’animaux, gibiers et végétaux, qu’il a consommés durant sa vie, ferait un digne couronnement des noces de Gamache.

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