Notre raisonnement, si sûr de lui quand il circule à travers les choses inertes, se sent d’ailleurs mal à son aise sur ce nouveau terrain. […] Dans un premier chapitre, nous essayons au progrès évolutif les deux vêtements de confection dont notre entendement dispose, mécanisme et finalité 1 ; nous montrons qu’ils ne vont ni l’un ni l’autre, mais que l’un des deux pourrait être recoupé, recousu, et, sous cette nouvelle forme, aller moins mal que l’autre.
Ce mal est si bien une maladie, que le poète trop savant en marque le siège : « Telle est l’agitation du cœur de Médée. […] Sa femme, plus maîtresse d’elle-même, le raille et ne donne prise au mal que pendant son sommeil ; elle n’est que somnambule. […] Ils écoutent des laquais qui se gourment avec des gens du peuple, des cochers qui injurient ceux qui les paient mal. […] Javotte est un chef-d’œuvre d’éducation bourgeoise mal entendue. […] La série des maux est indéfinie, et si variée !
J’y serais mal vu, et comme bâtard, et comme étranger. […] Mais elle n’a pu conjurer les progrès du mal. […] Labussière dit : « Ce serait mal ». […] D’un bout à l’autre, j’ai été ravi, et sans me donner aucun mal pour cela. […] Ce gentil petit ménage qu’il aime trop, il risquera d’abord de le détruire en l’aimant mal.
» Ce n’est pas mal féminin, non plus. […] Je m’en veux de n’avoir pas dit, d’avoir trop dit, d’avoir mal dit. […] D’aucun mal je ne suis tout à fait innocente… Il n’y a rien de pur. […] Du bien, du mal, pourvu qu’il en parlât. — Et ce matin ? […] Elle décrivait, non pas trop mal, mais insuffisamment, la maison.
Le Français porte mal le mensonge. […] Étant allé, par ordre de son maître, surveiller les apprêts du lunch, il y avait été fort mal reçu. […] J’avoue que, jusqu’à la lecture de ce livre, je connaissais mal le prince dont la mort fut un deuil cruel pour la France. […] » ou bien : « Peut-être serons-nous plus mal un jour ! […] Je m’y présentai, le soir, tard, sans penser à mal, pour saluer et remercier le Prince.
Là n’est pas le mal, mais ce qui est grave, c’est que M. […] Mais que j’ai de mal ! […] Je les expose toujours mal. […] Mal, pour l’emploi du temps. […] Parler de soi est toujours mal.
Ce n’est pas le monde qui s’écroule ; c’est une jeune fille qui a le mal d’amour. […] Elle se conduit quelquefois bien, quelquefois mal, sans grand goût pour le bien ni pour le mal, parce qu’elle rêve quelque chose de mieux que le bien et de pire que le mal. […] Le mal se déclare, s’installe, grandit. […] Les affaires vont mal : on s’achemine rapidement vers la faillite. […] Le 2 Décembre avait fait tout le mal.
Dans son pays, selon la coutume de chez lui, le bon Germain buvait pas mal de bière. Et, à Rome, ce jour-là, faute de bière, il avait bu pas mal d’orvieto ou de chianti. […] Elle se trouve mal ; on l’emmène. […] Il s’est aperçu qu’on a du mal à juger de tout en parfaite logique. […] On le donna pour un art classique ; de là vint tout le mal.
Un tel poème, qui n’aurait pas eu d’inconvénient lu entre incrédules, aux derniers soupers du grand Frédéric, et qui aurait fait sourire de spirituels mécréants, prit un tout autre caractère en tombant dans le public : il fit du mal ; il alla blesser des consciences tendres, des croyances respectables, et desquelles la société avait encore à vivre. […] J’ai cherché dans l’absence un remède à mes maux, etc. […] Ainsi, quand je partis, tout trembla dans cette âme ; Le rayon s’éteignit ; et sa mourante flamme Remonta dans le ciel pour n’en plus revenir… Ce sentiment qui se trahit dans le détail et qui respire dans tout l’ensemble, c’est une singulière complaisance du poète à décrire le mal qu’il a causé, et cette complaisance, à mesure qu’on avance dans la lecture, l’emporte visiblement sur la douleur, sur le regret, au point de choquer même la convenance.
Toujours, à l’origine, la foi qui ne doute de rien, la tradition qui se plaît aux habitudes, la routine encroûtée et tenace, se sont opposées à la recherche, et ont lancé d’abord injure et anathème à ceux qui la tentaient : toujours, la découverte une fois démontrée et accomplie, la foi, la tradition vaincues ont dû s’en accommoder, et, reculant un peu, elles ont réparé tant bien que mal leurs lignes rompues, déclarant, toute réflexion faite, que les derniers résultats ne changeaient rien en définitive aux antiques croyances et que, bien au contraire, celles-ci s’en trouvaient confirmées et raffermies. […] J’avais dix-sept à dix-huit ans quand je lisais cette suite de débauches d’esprit, et jamais depuis je n’ai eu la tentation d’en ouvrir un seul volume ; non par crainte, il est vrai, qu’ils me fissent du mal, mais par le sentiment profond de leur indignité. […] De même qu’un honnête homme évite l’entretien des femmes perdues de mœurs et des hommes déshonorés, de même un chrétien doit-il éviter la lecture des ouvrages qui n’ont fait que du mal au genre humain.
Pour mes nuits sans sommeil et mes travaux sans fruit, Pour ma vie en ruine et mon bonheur détruit ; Pour les pleurs trop amers que je n’ai pu répandre, Pour mon foyer en deuil dont ils ont pris la cendre, Pour ma moisson brûlée et mon champ dévasté, Pour le mal qu’ils m’ont fait et qu’ils m’ont souhaité, Qu’ils soient tous… ah ! […] L’intelligence dit au cœur : « Le monde n’a pas un bon père, « Vois, le mal est partout vainqueur. » Le cœur dit : « Je crois et j’espère ; « Espère, ô ma sœur ! […] Oui, je suis mal servi par des cordes nouvelles Oui ne vibrent jamais au rhythme de mon cœur ; Mon rêve de sa lutte avec les mots rebelles Ne sort jamais vainqueur !
Entre tant de poëmes de circonstance, où le faste des mots et des ornements cachait mal la disette de l’inspiration, les Oiseaux du Sacre se distinguaient par leur originalité naïve, touchante, convenable à une délicatesse de femme, d’une femme qui savait aussi faire entendre des accents de liberté. […] L’un s’est creusé, lui seul, son mal imaginaire ;… L’autre n’a plus d’enfant ! […] Chacun s’en revient seul, rouvre son mal et pleure, Heureux s’il peut pleurer !
il m’écrivait à moi-même ces lignes aimables et familières, dans lesquelles il s’exagérait beaucoup trop sans doute la nature du service dont il parlait ; mais, même à ce titre, elles me sont précieuses, elles m’honorent, elles me vengeraient au besoin de certains reproches qu’on me fait parfois de m’aller prendre d’abord à des talents moins en vue ; elles le peignent enfin dans sa modestie sincère et dans sa façon allègre de porter ses maux : « Bonjour, … monsieur, vous ne me reconnaissez point ! […] Ce n’était pas des yeux que venait son mal, mais d’un gonflement redoutable de la rate et du foie. […] Les horribles douleurs qu’il endurait n’altéraient en rien son égalité d’humeur, et, entre deux plaintes sur ce qu’il souffrait, il laissait échapper une de ces adorables saillies qui en faisaient un homme tout à fait à part. » La fin du séjour à Vichy fut triste, le retour fut lamentable : après quelques jours pourtant, il sembla que le mal avait un peu cédé, et l’ardeur du malade pour le travail aurait pu même donner à croire qu’il était guéri.
8 Il a l’air, comme Agnès, de « ne point entendre mal aux choses qu’il fait », tant il les fait naturellement. […] Il se prosterne devant les bâtards ; il adore Mme de Montespan ; il remarque, quand le roi révoque l’édit de Nantes, que « sa principale favorite, plus que jamais, c’est la vertu. » Encore, parmi tant de génuflexions, a-t-il peur de mal louer ; ayant dit du roi que « sa bonne mine ravit toutes les nymphes de Vaux », il se reprend comme un poëte craintif du Bas-Empire, se demandant « s’il est permis d’user de ce mot en parlant d’un si grand prince. » Il quête de l’argent humblement au monarque et à d’autres. […] Jamais il n’a fait de mal à personne ; il ne semble pas qu’il en ait dit de personne, sinon en général et en vers.
Dans l’induction, on observe mal les faits dont on tire la loi. […] Nous interprétons à mal toutes les actions des gens que nous n’aimons pas, à bien toutes celles des gens que nous aimons. […] Dans un propos de morale pratique, on ne cherchera pas les fondements de l’idée du bien ; on n’en discutera point l’essence et l’origine, et, quoiqu’on pense là-dessus, on admettra les définitions vulgaires du bien et du mal.
Il faut prendre garde aussi que certains traits de leur vie, qui nous laisseraient indifférents si nous les rencontrions dans une vie d’homme, ne nous disposent à la rigueur ou à trop d’indulgence et que nous ne soyons induits à trop bien traiter celles qui ont été vertueuses et trop mal celles qui ne l’ont pas été — à moins que ce ne soit tout juste le contraire. […] Il commet beaucoup d’autres omissions, dont nous devons le remercier pour nos filles Près de Mme d’Épinay, Mme d’Houdetot, si plaisante par son ignorance du mal, par son obéissance prolongée aux bonnes lois de nature, par son indulgence que la Révolution ne put même inquiéter, et par le divin enfantillage d’un optimisme sans limites Et, après cette colombe octogénaire, voici surgir Mme Roland, une fille de Plutarque, une enthousiaste, une envoûtée de la vertu antique, qui, lorsqu’elle écumait le pot chez sa mère, songeait à Philopœmen fendant du bois Voici trois maîtresses d’école, trois enragées de pédagogie : Mme de Genlis, le type de la directrice de pensionnat pour demoiselles, sentimentale et puérile ; Mme Necker de Saussure, esprit solide et supérieur, d’un sérieux un peu funèbre, le modèle des gouvernantes protestantes ; Mme Guizot, très bonne âme, avec quelque chose d’ineffablement gris, écrivant ce que peut écrire une demoiselle qui, à quarante ans, épouse M. […] Je ne sais si, mal comprise, vous êtes pour quelque chose dans les erreurs d’Emma Bovary ; mais alors c’est donc par vous qu’il lui reste assez de noblesse d’âme pour chercher un refuge dans la mort.
Aimable imagination, souveraine de nos esprits, dès qu’on se livre à ton vol enchanteur, l’infortune fuit, les rayons de l’espérance dorent la perspective du bonheur ; l’homme de génie échauffé par toi, se trouve dans son malheureux destin au-dessus de ses revers, & même il les oublie ; il porte en lui un trésor que ne peut lui arracher la Fortune : Animé d’un feu céleste, il exerce sa pensée, elle se repose sur les objets les plus sublimes ou les plus rians, & l’image de ses maux est effacée. Baçon emprisonné sous la voûte d’un cachot, commandoit à son ame de franchir ces murs épais, elle méditoit l’ordre éternel de l’Univers, le mélange inévitable de bien & de mal, la succession nécessaire du plaisir & de la douleur. […] Que ces têtes étroites, ces ames mal nées indifférentes sur l’intérêt général, concentrées dans leurs petits intérêts ne voyent que ce qui les blesse, vous hommes de Lettres & dignes de ce nom, vous ne profanerez point une plume qui ne doit être consacrée qu’au bien public, en la faisant servir à l’orgueil d’immoler un rival ; c’est à vous de donner l’exemple de ce généreux désintéressement, de cette impartialité qu’on est en droit d’attendre de vous, & que vous exigeriez pour vous même..
Le goût, bien ou mal satisfait, de lire, conduit presque déjà à un principe de critique il est un critérium excellent dont ne songent point à se départir d’honnêtes judiciaires envisageant la lecture comme une distraction (et c’est dénommer avec maestria ce que d’éminents philosophes peinent à dire un jeu absorbant et désintéressant), les clientes de la « Lecture Universelle », un sou par jour et par volume, estiment les romans que la buraliste leur « conseille » en proportion inverse du temps qu’elles ont dépensé à les lire ; et leur exaltation pour tel Prévost ou Duruy se confond, à la réflexion, avec une reconnaissance pécuniaire pour ces maîtres qui se laissent dévorer si vite. […] Je sais aussi que les auteurs sont mal satisfaits pour l’ordinaire. […] Il importe peu que j’écrive plus mal que le romancier, ou même que je n’écrive pas du tout : ce n’est pas de mon style qu’il s’agit, mais du sien.
Au déclin du polythéisme, Cicéron écrivait encore : « Nos ancêtres ont voulu que les hommes qui avaient quitté cette vie fussent comptés au nombre des dieux… Rendez aux dieux Mânes ce qui leur est dû ; ce sont des hommes qui ont quitté la vie, tenez-les pour des êtres divins. » Dans cette vie muette et voilée qu’il continuait sous la tombe, le mort gardait ses passions terrestres : des haines et des amours brûlaient sous sa cendre, une éruption pouvait toujours sortir de ce volcan mal éteint. […] Qu’il doit rendre le mal pour le mal, comme c’est l’usage chez les hommes ?
Le vice moderne qui a fait le plus de mal peut-être dans ces derniers temps a été la phrase, la déclamation, les grands mots dont jouaient les uns, et que prenaient au sérieux les autres, que prenaient au sérieux tous les premiers ceux mêmes qui en jouaient. Je ne veux pas dire que nous ne soyons malades que de ce mal-là, ni qu’il ne se rattache aussi à beaucoup d’autres ; mais je crois que ce mal a été l’un des plus contagieux, l’un des plus directement nuisibles depuis bien des années, et que ce serait avoir beaucoup fait que de travailler à nous en guérir.
« Ô mes amis90, disait-il, vous qui habitez la grande cité, les hauteurs de la blonde Agrigente, vous, zélateurs des bonnes œuvres, vous, asile ouvert aux étrangers, vous, ignorants du mal, salut ! […] Ils me suivent par milliers, demandant où est le sentier battu qui conduit au bonheur, les uns sollicitant des prédictions, les autres la guérison des maux divers qui les affligent. » Ces promesses d’Empédocle lui donnaient un caractère d’oracle ou de magicien : « Quel secours, disait-il91, peut écarter les maux et la vieillesse ?
Il finit comme il avait commencé, par la maladresse et l’inconduite, n’ayant réussi ni à être heureux ni à être honnête, n’ayant employé un esprit viril et un talent vrai que pour son mal et le mal d’autrui. […] Ils composent mal ; et s’embarrassent de matériaux. […] Les scènes sont mal liées ; elles changent vingt fois de lieu. […] La vraisemblance n’est pas bien gardée ; il y a des déguisements mal arrangés, des folies mal simulées, des mariages de paravent, des attaques de brigands dignes de l’opéra-comique. […] je vois que cela vous fait mal au cœur.
Les personnages pataugent dans des intrigues mal agencées, et n’en sortent pas. […] C’est fort mal parler. […] Leur dit-on qu’ils écrivent mal ? […] Il a ri de ce mal, mais il l’a dénoncé, comme mal à la fois, et comme risible. […] La machinerie dont l’odeur lui augmentait son mal de mer.
Nos auteurs ont prodigué mal à propos le merveilleux, par une servile imitation du poëte grec. […] devin qui ne prédis que des malheurs, tu ne m’as jamais rien dit d’agréable ; tu ne te plais qu’à prophétiser des maux, et jamais on n’a vû de toi une bonne action, ni entendu une bonne parole. […] En vérité Hector prend bien mal son tems pour être prophete. Quand il l’auroit été de profession, il auroit dû se dispenser de l’être dans les circonstances présentes ; mais il prie encore aussi mal qu’il prophetise mal à propos. Il ne demande pas que sa femme soit délivrée de tant de maux ; il demande seulement de mourir avant que d’entendre ses cris, et de voir les violences qu’elle doit éprouver.
Or, voici une belle occasion de donner un démenti à ceux qui nous firent parler mal à propos. […] N. se moque de l’Église constitutionnelle, ce n’est pas l’embarras ; le mal est qu’elle déteste la nôtre et qu’elle n’en veut point. […] L’origine du mal, l’origine des langues, les destinées futures de l’humanité, — pourquoi la guerre ? […] Il faut avouer aussi que cet aimable homme ne sait pas mal son métier. […] Le mal est tel, qu’il annonce évidemment une explosion divine.
Mais si la société est mal faite, ce qui arrive ? […] Phèdre connaît la monstruosité de son amour et s’efforce de le faire taire ; Néron, obstiné dans son crime, sait parfaitement qu’il fait mal. Ce monde d’exaltés met encore le mal et le bien à leur juste place et il les reconnaît pour tels. […] En vérité, il fut trahi et ne nous causa que du mal. […] Il va de soi qu’il faudra accepter quelques restrictions dans l’évocation du mal.
Mais les vues de ce genre qu’on rencontre dans son étude sur la parole sont mal coordonnées, peu précises, parfois même inexactes. […] Mais la réflexion n’a pas le privilège d’engendrer des habitudes ; la rêverie aussi laisse après elle des tendances reproductrices ; seulement elles sont moins fortes, et surtout la réflexion seule prévoit et veut les habitudes qu’elle engendre ; la rêverie est insouciante, elle est parfois une puissance de mal, parce qu’elle ne prévoit pas ses effets. […] Thomas D’Aquin cite Aristote (De Anima, III, 13, 429a1 : « le Philosophe affirme : ‘l’âme ne perçoit intellectuellement rien sans image’« et poursuit (passage cité par Egger) : « Notre intelligence, selon l’état de la vie présente où elle est unie à un corps passible, ne peut passer à l’acte sans recourir aux images. »[, passage mal traduit par le P. […] L’ordre suivi par Cardaillac est très défectueux, surtout parce qu’il rattache les faits à une série de problèmes mal posés. […] Le rival américain de Max Müller, Withney [Nom mal orthographié : il s’agit du linguiste américain Whitney, William Dwight (1827-1894), professeur de sancrit et de philologie comparée à Yale College.
Or, la charrue va mal avec la flûte ; les doigts qui ont le cal ne sont pas légers. […] Daphnis répond en reprenant et jouant sur les mêmes termes : « Et moi aussi j’ai une flûte à neuf voix, enduite de cire blanche en haut comme en bas ; je l’ai construite tout dernièrement, et j’ai même encore mal à ce doigt, parce que le roseau, s’étant fendu, m’a coupé. […] Qui est-ce qui m’a apporté un tel mal ? […] « Et m’ayant regardée, l’homme sans tendresse fixa ses regards à terre, il s’assit sur le lit et là il dit cette parole… » Arrêtons-nous, reposons-nous un instant ici après de si fortes images : tel apparaît l’antique quand on l’envisage sans aucun fard et dans toute sa vérité : J’ai parlé du tableau de Stratonice ; chez Théocrite c’est la femme, c’est la Stratonice qui se sent atteinte du mal d’Antiochus ; c’est elle qui reste gisante sur ce lit, elle qu’une sueur glacée inonde, et qui fait ce mouvement convulsif lorsqu’elle a vu entrer l’objet pour qui elle se meurt. […] Ces femmes de Syracuse sont venues à Alexandrie pour assister aux fêtes d’Adonis : on les voit au début qui s’apprêtent à sortir ensemble pour aller au palais ; elles jasent entre elles de leur logement, de leur toilette ; elles disent du mal de leurs maris.
Plus vieille de soixante ans, elle fait de ce portrait un personnage vivant ; mais ce personnage mal appris se confesse et se dénonce. […] Sa confusion encyclopédique, sa prétention audacieuse et mal réglée à toucher à toutes les connaissances, ce grotesque étalage d’érudition où se trahit le sentiment de l’unité de l’esprit humain ; toutes ces choses furent alors d’informes mais précieux rudiments de culture intellectuelle, et des germes féconds pour l’avenir. […] N’est-il pas admirable de reconnaître sous cet entassement de connaissances confuses et mal digérées, l’esprit français déjà si sûr, si hardi et si vaste, à peu près comme on distingue, sous l’amas d’ornements dont les sculpteurs chargeaient l’enveloppe des cathédrales, les grandes et simples lignes de l’architecte ? […] Et n’est qui de ses maux l’allege ; Car enfans n’a, frere ne sœur, Qui lors voulsist estre son pleige (caution). […] Corps féminin, qui tant es tendre, Polli, souef si précieux Te faudra-t-il ces maux attendre ?
Juana est son nom, elle aime don Paez, lansquenet de la garnison ; la description de leur amour ne dissonerait pas mal dans une page obscène de l’Aretin. […] Moi si jeune, enviant ta tristesse et tes maux ! […] Le mal est plus solide : Érostrate a raison. […] Byron, Heine, Musset et tant d’autres ont fait faire un demi-siècle de chemin à la poésie sur la route du mal ! […] Tu respectes le mal fait par la Providence, Tu le laisses passer, et tu crois à ton Dieu.
Le vin lui donne bien du mal ; la reine ne boit que des vins d’Italie. […] On le payait mal ou point. […] Partout ailleurs ils se raccordaient mal ; ils ne tenaient ni n’aboutissaient à rien. […] Le mal, le vice, se réduisent au faux, à l’absurde. […] Ce jour-là se révèle le mal profond, et peut-être irrémédiable, de notre société.
Je n’y vois aucun mal. […] Il s’est donné assez de mal pour cela. […] Quel mal nous fait sa vie ! […] On lui en veut de tomber si mal. […] Les domestiques sont négligents, la maison mal tenue, tout le train est défectueux ; les enfants ont été mal élevés.
Ils sont des vociférateurs, non plus des interprètes, et leurs masques sont mal attachés. […] On devine la présence invisible du mal. […] Est-ce un mal ? […] Mais qui donc échappe à ce mal ? […] Nous avons tous une parcelle de son mal.
Louable ou non, il n’est pas mal de se rendre compte de cette manière et de ce genre de talent qui, avec ses défauts, a son prix, et dont quelques productions plaisent encore. […] À ses yeux il n’y a pas de grands hommes proprement dits : Il n’y a ni petit ni grand homme pour le philosophe : il y a seulement des hommes qui ont de grandes qualités mêlées de défauts ; d’autres qui ont de grands défauts mêlés de quelques qualités : il y a des hommes ordinaires, autrement dits médiocres, qui valent bien leur prix, et dont la médiocrité a ses avantages ; car on peut dire en passant que c’est presque toujours aux grands hommes en tout genre que l’on doit les grands maux et les grandes erreurs : s’ils n’abusent pas eux-mêmes de ce qu’ils peuvent faire, du moins sont-ils cause que les autres abusent pour eux de ce qu’ils ont fait. […] Par ces mots bien ou mal placés, Marivaux ne veut pas toutefois faire entendre qu’un fonds commun d’esprit manquât dans ces siècles réputés barbares : loin de là, il estime que l’humanité, par cela seul qu’elle dure et se continue, a un fonds d’esprit de plus en plus accumulé et amassé : c’est là une suite lente peut-être, mais infaillible de la durée du monde, et indépendante même de l’invention soit de l’écriture, soit de l’imprimerie, quoique celles-ci y aident beaucoup : « L’humanité en général reçoit toujours plus d’idées qu’il ne lui en échappe, et ses malheurs même lui en donnent souvent plus qu’ils ne lui en enlèvent. » Les idées, d’un autre côté, qui se dissipent ou qui s’éteignent, ne sont pas, remarque-t-il, comme si elles n’avaient jamais été ; « elles ne disparaissent pas en pure perte ; l’impression en reste dans l’humanité, qui en vaut mieux seulement de les avoir eues, et qui leur doit une infinité d’autres idées qu’elle n’aurait pas eues sans elles ». […] » Marivaux, très judicieux tant qu’il se tient ainsi dans le point de vue général, ne veut pas qu’en se mettant à écrire, un jeune homme imite personne, pas plus les modernes que les anciens ; car les anciens « avaient, pour ainsi dire, tout un autre univers que nous : le commerce que les hommes avaient ensemble alors ne nous paraît aujourd’hui qu’un apprentissage de celui qu’ils ont eu depuis, et qu’ils peuvent avoir en bien et en mal.
Dans le journal de ses dernières années, écrit ou dicté par lui, il ne dit de mal de personne, et y nomme même Saint-Simon à la rencontre, indifféremment. […] Villars en était venu à se défier de la fidélité de l’électeur dans l’alliance, tant il le voyait indécis, mal entouré, et sollicité en sens contraire par sa famille et par ses proches ; il craignait d’un moment à l’autre une défection : « Cette bataille empêche un grand changement », écrivait-il à Chamillart au lendemain d’Hochstett ; et il ajoutait : Je crois devoir vous supplier, monsieur, de représenler à Sa Majesté qu’il est bon qu’elle paraisse entièrement satisfaite de la valeur de M. l’électeur, de celle du comte d’Arco, des troupes de M. l’électeur, bien que dans la chaleur du combat je n’aie pu m’empêcher de me plaindre un peu de leur flegme10. […] Par un mélange de fermeté, de vigueur et de tolérance, d’adresse à manier les esprits et de discours appropriés, « offrant la grâce à ceux qui se soumettaient, ne faisant point quartier à ceux qui résistaient, et surtout ne leur manquant jamais de parole », Villars réussit, de concert avec M. de Basville, à tout éteindre, du moins à éteindre le mal dans ses principaux foyers. […] En Italie, il lui faudrait tout d’abord entrer dans un système de guerre qu’il n’a pas conçu et qui n’est pas le sien : Présentement M. le duc de Vendôme a fait toutes ses dispositions, lesquelles je crois être très sages ; mais, quelque respect que j’aie pour ses projets, chacun a sa manière de faire la guerre, et j’avoue que la mienne n’a jamais été de vouloir tenir par des lignes vingt lieues de pays… Encore une fois, monsieur, si quelque chose allait mal en Italie, j’y volerais… Il n’y a qu’à conserver ; et si Sa Majesté, qui m’a dit autrefois elle-même et avec bonté les défauts qu’elle me connaissait, a bien voulu les oublier dans cette occasion, il est de ma fidélité de les représenter.
Un jour, du milieu de ces ignominies, qui ne laissaient pas de fournir matière à sa verve, Villon eut un accent de patriotisme, et il lança contre les ennemis de l’honneur français une ballade dont l’énergique refrain aurait encore son écho ; il maudit et honnit, sur tous les tons, qui mal vouldroit au royaume de France ! […] Il est plus certain qu’il fut très mal accueilli sur le territoire de l’évêque d’Orléans, Thibault d’Aussigny, et qu’y ayant commis, par suite de cette même nécessité qui fait saillir le loup hors du bois, quelque nouveau méfait, quelqu’une de ces peccadilles dont il était si fort coutumier, il fut jeté dans les prisons de Meung-sur-Loire, y languit tout un été au fond d’un cul de basse fosse, et ne dut sa grâce qu’à Louis XI, nouvellement roi, qui vint à passer en cette ville de Meung dans l’automne de cette année 1461. […] Vieilli avant l’âge, sans en être devenu plus fort contre les vices de sa jeunesse, le cœur encore mal guéri de l’amour dont il avait tant souffert, sans ressource, sans espoir, dénoncé au mépris public par son passé et par sa prison récente ; — dans de pareilles circonstances, croyant en avoir fini avec la vie, et comme s’il eût déjà été étendu sur son lit de mort, il dicta le poème qui porte le titre de Grand Testament… Le Petit Testament contenait les adieux et les legs de Villon à ses amis en 1456 : Le Grand Testament renferme aussi une longue suite de legs satiriques ; mais ces legs, au lieu de constituer le fond même du poème, comme ils constituent celui du Petit Testament, n’en sont en réalité que le prétexte et que la partie accessoire. […] [NdA] Au reste il n’est pas mal que Villon ait été délivré de prison par Louis XI.