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814. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Le Palais Mazarin, par M. le comte de Laborde, de l’Institut. » pp. 247-265

Les lettres qu’on a de lui à la reine ne laissent aucun doute sur la vivacité des démonstrations passionnées qu’il se permettait ou peut-être qu’il se commandait en lui écrivant ; mais il paraîtrait, si l’on s’en rapportait au témoignage de Brienne et de sa vertueuse mère, que cet amour se contint d’ailleurs en des termes assez platoniques, que l’esprit de la reine s’avouait surtout charmé de la beauté de l’esprit du cardinal, et que c’était un amour enfin dont on pouvait parler à une confidente jusque dans l’oratoire et sur les reliques des saints, sans trop avoir à en rougir et à s’en accuser. […] Mais Louis XIV surtout, qui, enfant, aimait peu Mazarin et se sentait froissé par lui comme roi et comme fils (les fils instinctivement aiment peu les amis trop tendres de leur mère), qui plus tard l’avait apprécié et comprenait l’étendue de ses services, était toutefois impatient que l’heure sonnât où il put enfin régner.

815. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Patru. Éloge d’Olivier Patru, par M. P. Péronne, avocat. (1851.) » pp. 275-293

Sa mère le gâtait. […] Sa mère qui, veuve d’un riche procureur au Parlement, voulait qu’il devînt un avocat célèbre, lui voyant de l’aversion pour ses cahiers, les jetait elle-même au feu, et lui donnait des romans à lire.

816. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Étienne, ou une émeute littéraire sous l’Empire. » pp. 474-493

Dans La Petite École des pères, comme dans Les Deux Mères (1802), deux pièces que M.  […] Étienne, qui venait de perdre en ce moment sa mère, et qui avait décidément besoin d’une plume pour le défendre, trouva celle d’Hoffman qui, dans une lettre datée de Passy et insérée dans les journaux, le 30 janvier 1812, annonça un peu solennellement « qu’il était temps de terminer le procès qui s’était élevé entre la comédie des Deux Gendres et celle de Conaxa », ajoutant qu’il avait en main toutes les pièces décisives pour trancher le différend.

817. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Fervaques et Bachaumont(1) » pp. 219-245

… Rolande de Jarnailles est sortie putréfiée du ventre de sa mère. […] Mais la femme — la mère des enfants — n’a de destinée et de dignité que dans le mariage, du moins jusqu’à ce moment ; car l’effroyable mouvement qui emporte la société et l’arrache à toutes les lois chrétiennes, un de ces jours emportera aussi le mariage, et tous les bâtards y comptent bien !

818. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Michelet »

— si tu ris ici, si tu trouves ceci un amusement, un sujet de plaisanterie, j’aime mieux que tu ries à la mort de ta mère… » La mort de ta mère !

819. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

Ma mère, sois bénie entre toutes les femmes ! […] Comme une mère son enfant. […] Jésus se détourne de la nature et de sa mère avec dédain. « Qu’y a-t-il de commun entre vous et moi ?  […] Vous reniez vos mères et par votre naissance et par vos miracles. […] Avec l’ardeur sombre d’un fakir, il maudit la vie dans sa source et l’homme dès les entrailles de sa mère.

820. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

La pensée de sa mère suffit à faire tomber cette incrédulité, et, dans ce même Roman d’un enfant à côté de ses lassitudes et de ses doutes » il a écrit une page bénie que je voudrais enchâsser loi comme un pur joyau ; « Pour ma mère, j’ai presque gardé intactes mes croyances d’autrefois. […] Je connais, pour ma part, un bébé de vingt mois, à qui sa mère chante souvent de la musique, du Wagner, du Lecoq, de l’Auber. J’ai vu cet enfant caresser sa mère pour qu’elle chante, et se fâcher, regimber, interrompre, jusqu’à ce qu’on lui recommence le morceau préféré : l’air du Grâal. […] Le doux poète des berceaux et des mères nous remet devant les yeux encore un berceau et encore une mère. […] La mort de sa mère, dit-il, lui avait donné la foi. « Si tu savais, lui écrit une de ses sœurs, madame de Farcy, si tu savais combien de pleurs tes erreurs ont fait répandre à notre respectable mère ; combien elles paraissent déplorables à tout ce qui pense et qui fait profession, non seulement de piété, mais de raison !  

821. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

Épouses et mères escortent jusqu’à la gare les maris ou les fils qui s’en vont. […] Sa mère l’accompagne. […] Il regrette sa mère, cruellement. […] Or, il entend sa mère et sa tante qui causent à demi-voix. […] La vraie mère préférait abandonner son enfant plutôt que de le voir périr.

822. (1874) Premiers lundis. Tome I « Anacréon : Odes, traduites en vers française avec le texte en regard, par H. Veisser-Descombres »

Amour trouva celle qui m’est amère (Et j’y étois, j’en sais bien mieux le compte) : Bonjour, dit-il, bonjour, Vénus, ma mère.

823. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Les legs de l’exposition philosophie de la danse »

… et que, moi, ma mère m’avait vendue à treize ans !

824. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Platon, et Aristote. » pp. 33-41

Il se vit enveloppé dans les pièges séduisans de la plus subtile dialectique, & proféra ces paroles qui tombent sur son ancien disciple : Il a rué contre nous, comme un poulain contre sa mère.

825. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Joseph Scaliger, et Scioppius. » pp. 139-147

La fille, aussi déréglée que la mère, après la fuite d’un mari scélérat qu’on alloit faire brûler pour le crime le plus infâme, exerça la profession de courtisane.

826. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Troisième faculté d’une Université. Faculté de droit. » pp. 506-510

Un père, une mère qui méprise l’instituteur de son fils l’avilit, et l’enfant est mal élevé ; un souverain qui n’honore pas les maîtres de ses sujets les avilit, les réduit à la condition de pédants, et la nation est mal élevée.

827. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1863 » pp. 77-169

Sa mère, qui était très belle, défigurée par la petite vérole, avait fait couvrir de crêpe tous les miroirs de la maison, en sorte que la petite fille grandit sans se voir, et tourmentée par l’idée qu’elle avait le nez en forme de pomme de terre… On la maria jeune à un tailleur français de Moscou. […] … La mère qui regardait sa toute petite fille, sa fille de huit ans, se renversant sur moi, et me jetant par ses yeux, par ses gestes, par l’étreinte de ses mains, par tout son corps, la tendresse de sa petite âme si étrangement tendre, se mit à dire avec un sourire, le sourire de la Joconde : « Oh ! […] Sa mère, née en 1794, et qui garde la vitalité des gens de ce temps, sous ses traits de vieille femme, montre les restes d’une beauté passée, alliée à une sévère dignité. Un intérieur provincial austère, et la jeune fille vivant entre la studiosité de son oncle et la gravité de sa grand-mère, a pour les hôtes d’aimables paroles, de gais regards bleus, et aussi une jolie moue de regret, quand, sur les huit heures, après le bonsoir de ma vieille, adressé par le fils à sa mère, la grand-maman emmène sa petite-fille dans sa chambre, pour bientôt se coucher. […] Cela plaît à Flaubert qui a horreur de l’exercice, et que sa mère est obligée de tourmenter, pour qu’il descende dans le jardin.

828. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

Laure devint mère onze fois, et neuf de ses enfants lui survécurent. […] Le père, la mère et la fille refusent à l’unanimité l’alliance de Beauséant. […] vous êtes ma mère ? […] Avant de prendre pour bru une fille mère, il n’est pas mal d’y regarder à deux fois. […] comment songerait-il à distraire, comme un esprit frivole, la mère de son enfant ?

829. (1910) Rousseau contre Molière

Qui est-ce qui empêche les mères de les élever comme il leur plaît ? […] Toute fille doit avoir la religion de sa mère et toute femme celle de son mari [et par conséquent en changer si son mari est d’une autre religion que sa mère ? […] Quand cette religion serait fausse, la docilité qui soumet la mère et la fille à l’ordre de la nature efface auprès de Dieu le péché de l’erreur. […] Cependant la véritable mère de famille, loin d’être une femme du monde, n’est guère moins recluse dans sa maison que la religieuse dans son cloître. […] Mères, faites du moins vos compagnes de vos filles.

830. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

« Est-il dans l’ordre des choses vraisemblables, dit-il, qu’une mère propose à ses deux fils d’assassiner leur maîtresse, et que dans le même jour cette même maîtresse, qui n’est point représentée comme une femme atroce, propose à deux jeunes princes, dont elle connaît la vertu, d’assassiner leur mère ?  […] On n’a pas fait assez d’attention à la situation critique des deux princesses, qui sont en garde l’une contre l’autre, et se tiennent mutuellement en échec ; tandis que les jeunes princes, doux, vertueux, sensibles, sont ballottés par les passions de leur mère et de leur maîtresse. […] Il est clair que ce n’est qu’un moyen dont elle se sert pour écarter l’orage qui la menace, en mettant les princes entre elle et leur mère. […] s’accordent toutes les deux à demander aux jeunes princes, l’une la tête de leur maîtresse, l’autre la tête de leur mère ! […] La mère doit-elle parler à sa fille comme elle parle au tyran ?

831. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La réforme prosodique » pp. 120-128

C’est, je crois, Racine qui a commencé à rimer faiblement, en ce sens qu’il se sert souvent d’adjectifs au bout de deux vers, redoutables et épouvantables, qu’il y emploie des mots presque congénères : père, mère, chose que Malherbe eût évitée, qu’il n’a presque jamais la consonne d’appui.

832. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Malherbe, avec différens auteurs. » pp. 148-156

Mes trois sœurs, mon père & ma mère, Le grand Eléasar mon frère, Mes trois tantes, & monsieur d’Is : Vous les nommé-je pas tous dix ?

833. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre VI. Harmonies morales. — Dévotions populaires. »

Une mère perdait-elle un fils dans un pays lointain, elle en était instruite à l’instant par ses songes.

834. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — S’il est plus aisé, de faire une belle action, qu’une belle page. » pp. 539-539

Que demain la ville de Paris soit en flammes ou par un accident ou par une hostilité, et mille âmes fortes se décèleront : pour sauver leurs enfants, des pères mourront, des mères marcheront à travers des charbons ardents ; toute l’énergie de la bonté naturelle se dévoilera en cent manières effrayantes.

835. (1826) Mélanges littéraires pp. 1-457

Ne l’appelons plus notre mère, mais notre tombe. […] Lorsque tu perdis ta mère, peu de temps après ta naissance, je te pris sous ma garde. […] Un père vertueux, une mère pudique, suffisaient au besoin de son cœur : il n’aimait qu’eux, et il les aimait depuis son enfance. […] Quelle mère tendre leur a conseillé d’en couvrir le fond de matières molles et délicates, telles que le duvet et le coton ? […] Ce fut là que le Sauveur lui légua sa mère.

836. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Mort de la Reine mère. […] Sa mère, Marie Cressé, appartenait à une famille qui exerçait depuis longtemps à Paris la profession de tapissier. […] Celui-ci le présenta, connue chef d’une troupe qu’il adoptait, au Roi et à la Reine mère, et Molière parvint ainsi à être autorisé à donner des représentations à Paris. […] Les filles de la Reine mère avaient un grand renom de beauté, et recevaient bien des hommages qu’elles ne savaient pas toujours repousser. […] Il voulait le faire arrêter sur-le-champ, mais la Reine mère l’en détourna par ce mot bien simple, mais sans réplique : « Quoi !

837. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

Je suis comme Gustave Wasa : j’ai attaqué Christiern, mais on a placé ma mère sur le rempart. […] Père et mère servent leurs enfants…, le père davantage peut-être encore que la mère. […] Je sais des mères qui ont vu partir des enfants de dix ans et ne les ont revus qu’hommes de vingt. […] Elle était d’origine annamite par sa mère. […] Il a suivi gravement les funérailles de sa mère.

838. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

Mlle Germaine Necker, élevée entre la sévérité un peu rigide de sa mère et les encouragements tantôt enjoués, tantôt éloquents, de son père, dut pencher naturellement de ce dernier côté, et devint de bonne heure un enfant prodigieux. […] Cette disposition se montra tout d’abord dans son enthousiasme pour son père, enthousiasme que le temps et la mort ne firent qu’accroître, mais qui a sa source en ces premières années ; c’était au point de paraître, en certains moments, comme jalouse de sa mère. […] ce temps où nos destinées auraient pu s’unir pour toujours, si le sort nous avait créés contemporains. » Et plus loin, parlant de sa mère : « Il lui fallait l’être l’unique, elle l’a trouvé, elle a passé sa vie avec lui. […] Je me la figure dans le cabinet d’étude, sous les yeux de sa mère assise, elle debout, se promenant de long en large un volume à la main, et tour à tour lisant le livre de rigueur quand elle s’avançait vers sa mère, et puis reprenant le roman sentimental, quelque nouvelle de Mme Riccoboni peut-être, lorsqu’elle s’éloignait à pas lents. […] Mme de Staël, en revenant si fréquemment sur ce rêve, n’avait pas à en aller chercher bien loin des images : son âme, en sortant d’elle-même, avait tout auprès de quoi se poser ; au défaut de son propre bonheur, elle se rappelait celui de sa mère, elle projetait et pressentait celui de sa fille59.

839. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

François Zola, ingénieur de mérite et bienfaiteur de la Provence, était en effet d’origine italienne, mais la mère du romancier, née à Dourdan, en pleine Île-de-France, d’une vieille famille beauceronne, était, celle-ci, bien française, de sorte que nous constatons chez Émile Zola un mélange de sang fort intéressant. […] Il a célébré les saintes mamelles des mères, richement épanouies pour la santé des futures races. […] Désormais, de savoir que Juliette ou Elvire eussent pu devenir mères, cela ne nous offensera nullement, et la vue de la grossesse elle-même ne nous apparaîtra plus, j’en suis sûr, comme un spectacle antiesthétique. […] Après avoir fleuri, après s’être épanouis à la lumière, les voici retournés à la vieille terre de France, leur nourrice et leur mère, afin d’en rajeunir la substance antique. […] Des hommes ont lutté héroïquement à Cuba et en Crète pour leur indépendance ; des Arméniens, par centaines de mille ont été massacrés, leurs villages pillés et incendiés ; des prisonniers, arrêtés pour leurs opinions, ont été épouvantablement torturés à Montjuich ; des Français, déportés à la Guyane, ont été exécutés en masse sous couleur de répression d’une révolte, révolte fomentée par des agitateurs louches ; les mécaniciens anglais ont attendu plusieurs mois qu’un secours leur vînt contre l’audacieuse férocité et leurs patrons ; enfin, la Grèce, cette Grèce dont tout homme ayant une âme ne peut prononcer le nom sans être remué d’une émotion presque sacrée, cette Grèce, notre mère vénérable, éternelle patrie de toute beauté, a été bâillonnée et enchaînée par les bandits de l’Europe financière, pendant que, riant de ses sursauts héroïques et désespérés, le Turc immonde la violait.

840. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vernet » pp. 130-167

Ce terrible incendie, au milieu duquel hommes, femmes, enfans, pères, mères, frères, sœurs, amis, étrangers, concitoyens, tout périt, vous plonge dans la consternation, vous fuyez, vous détournez vos regards, vous fermez vos oreilles aux cris, spectateur peut-être désespéré d’un malheur commun à tant d’êtres chéris, peut-être hazarderez-vous votre vie, vous chercherez à les sauver ou à trouver dans les flammes le même sort qu’eux. […] — Oui, l’abbé, le génie, et puis le bon choix des sujets, l’homme de nature opposé à l’homme civilisé, l’homme sous l’empire du despotisme, l’homme accablé sous le joug de la tyrannie, des pères, des mères, des époux, les liens les plus sacrés, les plus doux, les plus violens, les plus généraux, les maux de la société, la loi inévitable de la fatalité, les suites des grandes passions. […] Je voyais de toutes parts les ravages de la tempête ; mais le spectacle qui m’arrêta, ce fut celui des passagers qui épars sur le rivage, frappés du péril auquel ils avaient échappé, pleuraient, s’embrassaient, levaient leurs mains au ciel, posaient leurs fronts à terre ; je voyais des filles défaillantes entre les bras de leurs mères, de jeunes épouses transies sur le sein de leurs époux ; et au milieu de ce tumulte, un enfant qui sommeillait paisiblement dans son maillot ; je voyais sur la planche qui descendait du navire au rivage une mère qui tenait un petit enfant pressé sur son sein, elle en portait un second sur ses épaules, celui-ci lui baisait les joues ; cette femme était suivie de son mari, il était chargé de nippes et d’un troisième enfant qu’il conduisait par ses lisières ; sans doute ce père et cette mère avaient été les derniers à sortir du vaisseau, résolus à se sauver ou à périr avec leurs enfans.

841. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

Une mère qui allaite, une aïeule qu’on vénère, un noble père attendri, des cœurs dévoués et droits, non alambiqués par l’analyse, les fronts hauts des jeunes hommes, les fronts candides et rougissants des jeunes filles, ces rappels directs à une nature franche, généreuse et saine, recomposent une heure vivifiante, et toute subtilité de raisonnement a disparu. […] Sa mère ne mourut qu’en 1672 : « Je l’en ai vu pleurer, écrit Mme de Sévigné, avec une tendresse qui me le faisoit adorer. » Sa grande douleur, on le sait, fut à ce coup de grêle du passage du Rhin. […] Le duc de La Rochefoucauld fut depuis victime des journées de septembre 1792, et massacré à Gisors par le peuple, derrière la voiture de sa mère et de sa femme qui entendaient ses cris.

842. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (4e partie) » pp. 1-63

Je ne sais au fond ce qu’était Cornélie, cette mère des Gracques qui élevait des conspirateurs contre le sénat de Rome et qui les formait à la sédition, vertu des ambitieux populaires. […] Elle n’est plus ni femme, ni mère, ni Française. […] Odieuse à la mère, favorite du père, mentor des enfants, à la fois démocrate et amie du prince, ses élèves sortirent de ses leçons pétris de la double argile du prince et du citoyen.

843. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (1re partie). Littérature scientifique » pp. 221-288

La mort de leur mère les surprit alors ; ils la pleurèrent tous deux comme la racine commune de leur existence. […] Un jeune Asturien de dix-neuf ans, le plus jeune des passagers, mourut, et sa mort impressionna péniblement Humboldt à cause des circonstances qui avaient motivé le voyage ; le jeune homme allait chercher fortune, pour soutenir une mère chérie qui attendait son retour. […] Bientôt je serai près de notre mère, je jouirai de l’aspect d’un monde d’un ordre supérieur.” — “Je n’ai pas l’ombre d’espoir, je ne croyais pas que mes vieilles paupières continssent tant de larmes.

844. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIV » pp. 126-174

d’Aubignac était petit-fils par sa mère de cet Ambroise Paré, chirurgien de Charles IX, qui hacha si cruellement, avec de mauvais ciseaux, le doigt de l’amiral Coligny fracassé par la balle de son assassin. […] On admet comme excuse la maladie du père et de la mère, et point celle du mari et de ses enfants. […] L’habitude du travail en famille, la réunion de la mère de famille et de ses filles autour d’une taille de travail est le seul moyen d’enseigner les usages du monde où les jeunes personnes sont destinées à vivre, le seul moyen de donner à leur esprit le développement convenable, à leur langage la facilité et la mesure appropriées à leur condition.

845. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre IV. Shakespeare l’ancien »

Traduisez : dieux sauveurs, dieux bienfaisants, dieux illustres, dieux aimant leur mère, dieux aimant leurs frères, dieux aimant leur père. […] La mère n’est pas là. […] Maintenant ôtez du drame l’Orient et mettez-y le Nord, ôtez la Grèce et mettez l’Angleterre, ôtez l’Inde et mettez l’Allemagne, cette autre mère immense, All-men, Tous-les-Hommes, ôtez Periclès et mettez Élisabeth, ôtez le Parthénon et mettez la Tour de Londres, ôtez la plebs et mettez la mob, ôtez la fatalité et mettez la mélancolie, ôtez la gorgone et mettez la sorcière, ôtez l’aigle et mettez la nuée, ôtez le soleil et mettez sur la bruyère frissonnante au vent le livide lever de la lune, et vous avez Shakespeare.

846. (1857) Articles justificatifs pour Charles Baudelaire, auteur des « Fleurs du mal » pp. 1-33

Aujourd’hui, le mot fille est de si mauvais ton, qu’aucune mère, même dans les dernières classes du peuple, ne veut avoir de filles. […] Il aurait pu y ajouter cette franche déclaration de l’auteur d’Albertus : Et d’abord, j’en préviens les mères de famille, Ce que j’écris n’est pas pour les petites filles      Dont on coupe le pain en tartines. […] Cette qualité est frappante dès le second morceau, intitulé Bénédiction, où l’auteur présente l’action fécondante du malheur sur la vie du Poète : il naît, et sa mère se désole d’avoir porté ce fruit sauvage, cet enfant si peu semblable aux autres et dont la destinée lui échappe ; il grandit, et sa femme le prend en dérision et en haine ; elle l’insulte, le trompe et le ruine ; mais le Poète, à travers ces misères, continue de marcher vers son idéal, et la pièce se termine par un cantique doux et grave comme un final d’Haydn : Vers le Ciel où son œil voit un trône splendide, Le Poëte serein lève ses bras pieux, Et les vastes éclairs de son esprit lucide Lui dérobent l’aspect des peuples furieux : « — Soyez béni, mon Dieu, qui donnez la souffrance Comme un divin remède à nos impuretés, Et comme la meilleure et la plus pure essence Qui prépare les forts aux saintes voluptés !

847. (1913) La Fontaine « VIII. Ses fables — conclusions. »

A toute force enfin elle se résolut D’imiter la nature et d’être mère encore. […] Cependant soyez gais ; voilà de quoi manger. » Eux repus, tout s’endort, les petits et la mère. […] « — Il a dit ses parents, mère !

848. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Taine » pp. 305-350

Toujours est-il que, dans son histoire des Origines de la France contemporaine, il n’est et ne veut être que l’anatomiste impassible de la société dont nous sommes sortis avec la maladie héréditaire qu’engendre toute race et qu’elle lègue à la race dont elle est la mère et qui la suit. […] Il dit la honte et le déshonneur de la mère dont, hélas ! […] Il a prouvé que partout où il y avait des révolutionnaires, il y avait des Jacobins, c’est-à-dire des minorités triomphantes, qui, sorties du nombre, répudient et oppriment le nombre ; filles des majorités, qui tuent leurs mères !

849. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — II. (Fin.) » pp. 322-341

Il arrive que ce petit Julien, être sensible, passionné, nerveux, ambitieux, ayant tous les vices d’esprit d’un Jean-Jacques enfant, nourrissant l’envie du pauvre contre le riche et du protégé contre le puissant, s’insinue, se fait aimer de la mère, ne s’attache en rien aux enfants, et ne vise bientôt qu’à une seule chose, faire acte de force et de vengeance par vanité et par orgueil en tourmentant cette pauvre femme qu’il séduit et qu’il n’aime pas, et en déshonorant ce mari qu’il a en haine comme son supérieur. […] C’est une idée heureuse que celle de ce jeune Fabrice, enthousiaste de la gloire, qui, à la nouvelle du débarquement de Napoléon en 1815, se sauve de chez son père avec l’agrément de sa mère et de sa tante pour aller combattre en France sons les aigles reparues.

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