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633. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 75-77

Les louanges peu justes & trop prodiguées dont il a chargé ce Journal, nous dispensent de lui en donner à cet égard.

634. (1767) Salon de 1767 « Dessin. Gravure — Demarteau » p. 335

Mais quand je pense que j’ai moins employé de temps à examiner deux cents morceaux, qu’il n’en faudrait accorder à trois ou quatre pour en bien juger ; quand j’apprécie scrupuleusement la petite dose de mon expérience et de mes lumières avec la témérité dont je prononce, et surtout lorsque je vois que moins ignorant d’un sallon à un autre, je suis plus réservé, plus timide, et que je présume avec raison qu’il ne me manque peut-être que d’avoir vu davantage pour être plus juste, je me frappe la poitrine, et je demande pardon à Dieu, aux hommes et à vous, mon père, et de mes critiques hasardées et de mes éloges inconsidérés.

635. (1902) La poésie nouvelle

Ils reprochent au symbolisme de n’être pas assez humain, assez ouvert à la vie, à la vérité, — ce qui n’est pas juste ; — au vers-librisme ils reprochent de détruire l’harmonie poétique, — ce qui n’est pas juste non plus ; — et ils se fondent sur cette double erreur pour opérer un retour aux traditions. […] Or, il y avait une philosophie plus juste dans les émerveillements et la terreur que la contemplation des choses inspirait aux premiers hommes. […] … Il propose donc de substituer à la dénomination courante, qui prête à la confusion, celle de Symbolistes, seule juste.‌ […] La « poésie d’analyse » serait bonne si la psychologie classique était juste, si toute la vie mentale consistait dans les idées claires et distinctes. […] L’expression est belle et elle est juste.

636. (1842) Discours sur l’esprit positif

Alors, en effet, régnera partout, sous divers modes, et à différents degrés, cette admirable constitution logique, dont les plus simples études peuvent seules nous donner aujourd’hui une juste idée, où la liaison et l’extension, chacune pleinement garantie, se trouvent, en outre, spontanément solidaires. […] Quelque satisfaisantes, par exemple, que soient devenues nos prévisions astronomiques, leur précision est encore, et sera probablement toujours, inférieure à nos justes exigences pratiques, comme j’aurai souvent lieu de l’indiquer. […] En même temps, cette grande destination pratique complète et circonscrit, en chaque cas, la prescription fondamentale relative à la découverte des lois naturelles, en tendant à déterminer, d’après les exigences de l’application, le degré de précision et d’étendue de notre prévoyance rationnelle, dont la juste mesure ne pourrait, en général, être autrement fixée. […] Mais cette juste reconnaissance ne saurait aller jusqu’à prolonger artificiellement ce régime initial au-delà de sa destination provisoire, quand l’âge est enfin venu d’une économie plus conforme à l’ensemble de notre nature, intellectuelle et affective. […] La combinaison rationnelle de ces deux idées mères, en constituant l’unité nécessaire du système scientifique, dont toutes les parties concourent de, plus en plus à une même fin, assure aussi, d’une autre part, la juste indépendance des divers éléments principaux, trop souvent altérée encore par de vicieux rapprochements.

637. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

J’eusse, si le maître, donné juste un dessus de panier, quitte à regretter que le reste dût disparaître, ou, alors, ajouté ce reste à la fin du livre, après la table des matières et sans table des matières quant à ce qui l’eût concerné, sous la rubrique « pièces attribuées à l’auteur », encore excluant de cette, peut-être trop indulgente déjà, hospitalité les tout à fait apocryphes sonnets publiés, sous le nom glorieux et désormais révérend, par de spirituels parodistes. […] Ce cri dans le ton juste, trop rare ici : On ne veut pas de nous dans les boulangeries. […] Barbey d’Aurevilly juge cette œuvre, honneur de notre époque, et qui sera tantôt l’honneur du siècle : « Salammbô est tombée définitivement dans le plus juste oubli. […] Mais au philosophe, à l’artiste comme à l’industriel, il n’est que juste de dire qu’elles offrent un champ nouveau d’observation, et de précieuses occasions, en même temps que d’agrandir leurs connaissances, — et qui n’en a besoin, même ou plutôt surtout, parmi ceux qui ont le plus d’acquis et sont le mieux doués ? […] été en butte à bien des critiques, justes ou non, ou les deux à la fois.

638. (1860) Cours familier de littérature. X « LIXe entretien. La littérature diplomatique. Le prince de Talleyrand. — État actuel de l’Europe » pp. 289-399

Juste récompense du sang et de l’or français, bravement mais déshonnêtement prodigués à une guerre illicite. […] Il n’y emportait aucune fortune, à peine le nécessaire pour quelques années d’exil ; mais il y emportait ses prodigieux talents de diplomate, son don d’à-propos, son aptitude à choisir l’heure juste des retours, sa résolution à ne rien laisser échapper des moindres avances de la meilleure fortune. […] XIX Ces considérations étaient trop justes pour échapper à ce diplomate inné, décidé à se rendre nécessaire à tous les gouvernements acceptables de sa patrie. […] Son juste dédain pour le caractère civique des peuples était une preuve de sa sagacité. […] Le silence est plus juste que l’éloge quand il s’agit d’hommes qu’on ne peut louer et qu’on ne veut pas accuser.

639. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIIe entretien. Vie du Tasse (3e partie) » pp. 129-224

C’est par là qu’il encourut les justes malédictions de la postérité. […] Altérez ou brisez une partie de ce miroir, l’intelligence verra juste dans la partie invulnérée du miroir ; elle verra faux ou elle ne verra rien que ténèbres dans la partie lésée de la glace. […] Voltaire a dit : « Les Français n’ont pas la tête épique. » Il nous semble plus juste de dire : Les âges où nous vivons ne sont pas épiques. […] Monseigneur dit alors avec juste raison, je crois, qu’il ne désirait pas d’autre distinction après sa mort que l’honneur qu’il avait reçu ce jour-là du Tasse. […] Il est juste alors, continua-t-il, qu’il connaisse sa propre valeur, qu’il ne se ravale pas lui-même.

640. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

Ainsi, avant Aristote, bien des gens d’esprit avaient émis sur les œuvres des poètes les opinions les plus justes et les plus graves ; mais personne avant lui n’avait essayé de faire de ces opinions un corps de doctrine, et de les approfondir en remontant jusqu’aux principes sur lesquels elles s’appuient. […] Les généralités par lesquelles débute Aristote sont assez brèves ; mais elles sont justes et profondes. […] La critique peut donc de nos jours user des matériaux les plus vastes ; et ses jugements peuvent être d’autant plus justes que les comparaisons sur lesquelles ils se fondent sont plus nombreuses. […] C’est de s’examiner soi-même ; c’est de conserver pure de toute souillure cette partie de son être qui comprend le juste et l’injuste ; c’est de la perfectionner au péril même de sa vie. […] Nous ne savons pas au juste ce qu’était la forme adoptée par la philosophie antérieurement à Platon.

641. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIVe entretien. Épopée. Homère. — L’Odyssée » pp. 445-524

Pour qui sait voir et sentir, la nature a mis la poésie partout, comme le feu caché dans les éléments ; il ne s’agit que de frapper le caillou pour que la flamme jaillisse ; il ne s’agit que de toucher juste le cœur pour que la poésie en découle à grandes ondes comme le sentiment. […] XI Mais cette mère de famille d’une sensibilité si juste et si exquise jouissait plus qu’une autre, par cette justesse et par cette délicatesse de sensibilité, des œuvres de l’art antique. […] C’est par ces tableaux naïfs, pathétiques, si propres à colorer de couleurs vraies et à toucher de sentiments justes l’imagination et le cœur des enfants, qu’elle voulut à cette époque nous lire elle-même l’Odyssée d’Homère. […] — Ce seraient deux mauvais sentiments, reprit ma mère ; la vanité doit s’oublier quand le cœur est brisé par une perte du cœur, et, la douleur étant dans les desseins de la Providence une loi de la nature, il n’y a point de lâcheté à pleurer ceux qu’on aime ; mais il y a orgueil ou hypocrisie à se prétendre impassible et à lutter contre sa juste sensibilité. […] Tel est le juste partage des vieillards… » La reconnaissance a lieu ; Ulysse se nomme ; Laërte cependant hésite encore et veut quelques preuves de plus de l’identité de son fils avec l’étranger.

642. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VII : Instinct »

Il était réellement remarquable d’observer que, partout où plusieurs Abeilles avaient commencé à creuser leurs excavations les unes près des autres, elles les avaient disposées juste à telles distances que, lorsque les bassins eurent atteint la largeur ordinaire d’une cellule, et une profondeur égale environ au sixième du diamètre de la sphère dont elles formaient un segment, leurs bords commencèrent à interférer de manière qu’ils communiquassent ensemble. […] Cette faculté que possèdent les abeilles d’élever un mur grossier juste dans le plan d’intersection entre deux cellules encore inachevées est importante à constater, en ce qu’elle s’appuie sur un fait qui semble, au premier abord, complétement en opposition avec ma théorie : c’est que les cellules externes des rayons de la Guêpe sont quelquefois parfaitement hexagones, mais le manque d’espace me défend encore d’entrer dans de longs détails à ce sujet. […] Mais si cette manière de voir est juste, nous devons trouver de temps à autre, dans la même espèce et dans le même nid, des neutres présentant diverses gradations de structure. […] Quand on voit les enfants ou les peuples sauvages beaucoup plus habiles que les adultes et que les peuples civilisés à tous les jeux d’adresse, de même qu’à l’exercice du lasso, de l’arc, ou du simple jet de la main, il faut bien avouer que la juste évaluation des distance est infiniment plus aisée à l’instinct qu’à l’intelligence, et que l’habitude des sens vaut mieux dans la pratique que le calcul de la réflexion et les études mathématiques. […] Darwin, que, selon les circonstances, les Abeilles bâtissent surtout en creusant un mur de cire, préalablement construit, et d’autres fois en construisant tout d’abord, à peu près dans leurs positions respectives, des cloisons plus ou moins épaisses, qu’elles n’ont plus qu’à ronger pour les réduire à leurs justes proportions.

643. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

  Tel est l’homme qui, d’après Guettée et Bausset, « a de justes droits à la reconnaissance des protestants. » Qu’aurait-il donc pu faire, dieux justes ! […] L’opinion publique abusée par des biographes de mauvaise foi et des historiens sans vergogne, considère l’Inquisiteur des Dragonnades comme l’un des hommes les plus vertueux et les plus justes qui ait paru sur la terre. […] Toutefois il ne serait peut-être pas impossible de réduire à leur juste expression ces qualités fameuses. […] La croix de Jésus, le juste et le pitoyable passée aux mains des prévaricateurs et des bourreaux, se dresse alors, dans tout l’éclat de sa victoire, sur les débris d’un peuple de trente millions d’hommes dont elle a fait sa proie, sa chose et sa conquête…‌ Réfléchissons à cela. […] A la Révocation de l’édit de Nantes il répondit, le même mois, par l’édit de Postdam où il disait notamment :‌ « Comme les persécutions et les rigoureuses procédures qu’on exerce depuis quelque temps en France contre ceux de la religion réformée ont obligé plusieurs familles de sortir de ce royaume et de chercher à s’établir dans les pays étrangers, nous avons bien voulu, touché de la juste compassion que nous devons avoir pour ceux qui souffrent pour l’Évangile et pour la pureté de la foi que nous confessons avec eux, par le présent édit, signé de notre main, offrir aux dits Français une retraite sûre et libre dans toutes les terres et provinces de notre domination ; et leur déclarer en même temps de quels droits, franchises et avantages, nous prétendons les y faire jouir, pour les soulager, et pour subvenir en quelque manière aux calamités avec lesquelles la Providence divine a trouvé bon de frapper une partie si considérable de son église. »‌ La réponse à cet appel ne se fit pas longtemps attendre.

644. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre V. Le roman romantique »

Hugo veut mettre en lumière, donne aux premiers volumes une grandeur singulière : et cette fois, le poète, si peu psychologue, a su trouver la note juste, marquer délicatement les phases, les progrès, les reculs, les angoisses et les luttes d’une âme qui s’affranchit et s’épure : Jean Valjean, depuis sa rencontre avec l’évêque, jusqu’au moment où il s’immole pour empêcher un innocent d’être sacrifié, Jean Valjean est un beau caractère idéalisé, qui reste vivant et vrai. […] Mais elle voit juste, et son œil retient fidèlement l’impression des choses. […] Il se croit une lumière des esprits, tout au moins un médecin qui, gravement, tâte le pouls au siècle, il réfléchit, disserte, expose, coupe son récit de tirades sociales ou philosophiques, où il affaiblit et délaie les observations justes dont l’action même du roman fournissait une expression concrète. […] Faguet reproche à Stendhal de confondre l’énergie volontaire avec la passion impulsive qui en est tout juste le contraire : il a tort, je crois.

645. (1920) Enquête : Pourquoi aucun des grands poètes de langue française n’est-il du Midi ? (Les Marges)

Chaumié a formulée, étant juste, quelles causes vous lui attribuez ? […] Chaumié est juste dans son ensemble, en s’en tenant strictement aux véritables grands poètes, comme Ronsard, Malherbe, Corneille, Racine, La Fontaine, Lamartine, Musset et Victor Hugo. […] Jacques Chaumié n’était pas juste. […] Jacques Chaumié paraît juste : les meilleurs poètes de langue française ont été, pour la plupart, élevés dans des pays de langue d’oïl.

646. (1914) Enquête : Les prix littéraires (Les Marges)

Les prix ont tout pour eux, puisqu’ils tendent à diriger le public, et à marquer la gloire juste ; Et tout contre eux, puisqu’on les donne à tort et à travers ; puisque des Comités, dont la Littérature est l’impossible souci, partout se fondent, envahissent la place, etc. […] Il suffit qu’une fois on tombe juste pour motiver leur existence. […] Dans la difficulté (pour plusieurs motifs) d’arroser juste, qu’on arrose la plus grande surface possible ! […] Serait-ce juste, serait-ce heureux, serait-ce profitable à la liberté d’écrire et de penser ?

647. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

Les paroles de Du Bellay sont du plus grand prix : « Si deux peintres, dit-il, s’efforcent de représenter au naturel quelque vifpourtrait, il est impossible qu’ils ne se rencontrent pas en mesmes traits et linéaments, ayantmesmeexemplairedevantlesyeux. » Rien de plus élevé et de plus juste, mais il y faut une condition : c’est que les deux peintres soient supérieurs. […] Henri Estienne avait une vue plus juste, quand, peu d’années après Du Bellay, il attaquait l’imitation de la littérature italienne. […] « L’illustre Ronsard, dit Pasquier dans ses Recherches, a porté la poésie française à sa perfection, ou jamais elle n’y parviendra. » Montaigne d’un sens si juste, ne le trouve guère éloigné de la perfection ancienne, « aux parties en quoy il excelle87. » Exemple éclatant de l’illusion où sont toujours les contemporains, fût-ce des esprits excellents sur le mérite d’un auteur. […] Prenant en outre les patois de l’ancienne France pour des dialectes, il conseilla d’y faire des emprunts des mots les plus significatifs, « sans se soucier, disait-il si les vocables sont gascons, poitevins, normands, manceaux, lyonnais, ou d’autres pays pourvu qu’ils signifient ce que l’on veut dire96. » Et toutefois, par une contradiction honorable, il reconnaissait le principe de l’unité du langage : « Aujourd’huy, disait-il, pour ce que nostre France n’obéist qu’à un seul roy, nous sommes contraints, si nous voulons parvenir à quelque honneur, de parler son langage97. » Ronsard ne suivit pas cette vue, qui était juste.

648. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

Amyot eut cette sorte de génie, qu’il sentit avec une admirable justesse tout ce que l’esprit français développé par cette première culture de l’antiquité, pouvait concevoir et exprimer d’idées générales, et qu’en traduisant un des écrivains de l’antiquité les plus riches en idées de cet ordre, il s’arrêta toujours au point juste où le génie de notre langue aurait résisté. […] S’il a rarement l’espèce de beautés supérieures qui naissent d’un plan fortement conçu et d’un sujet traité en rigueur, ni cette perfection intérieure et secrète de l’ensemble qui se fait sentir par la réflexion, il a une diversité infinie de pensées justes, délicates profondes, qui sont comme des lumières répandues sur tout le domaine de la pensée. […] Beaucoup même le regardent comme le premier ouvrage de génie, dans l’ordre des temps ; ce serait juste, s’il n’y avait d’écrivains de génie que ceux qu’on lit. […] Juste Lipse l’appelle le Thalès français, Pasquier le lit avec délices, et toutefois en fait moins d’éloges que de Ronsard.

649. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

Mais, si Demain est juste, il l’assoira dans le temple à côté de Chateaubriand et de Lamennais et saluera en elle la grande gloire féminine de la Bretagne. […] Puis, comme il dit tout ce qui lui passe par la tête, le bavard incohérent prononce quelques paroles assez justes, encore que trop vagues ; « Ils chantent vraiment, ces vers d’Émile Boissier. […] Chaque fois qu’un juste vient, comme Jésus de Nazareth, essayer de faire du bien, la foule le met en croix. […] que le sang de tous les justes retombe sur les bourreaux, et sur leurs enfants, et sur les enfants de leurs enfants !

650. (1902) La métaphysique positiviste. Revue des Deux Mondes

Renouvier et Littré qui ont « raisonné juste ! » Mais, de même que l’on peut faire une mauvaise tragédie « dans les règles », ainsi peut-on se tromper en raisonnant parfaitement juste. […] De ce que l’intelligence humaine est toujours la même en ses opérations, il n’en résulte pas que les vérités dont elle est capable soient toutes de la même nature ; et, en réalité, il y a autant de justes domaines ou de provinces particulières de la connaissance qu’il y a d’objets différens à connaître. […] Si les applications qu’il en a faites ne sont plus toutes justes, le principe est demeuré le même, et je crois pouvoir dire que ceux-là seuls ne l’ont pas vu qui ne l’ont pas voulu voir.

651. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Victor Hugo »

La réalité communique une bien autre puissance que le rêve à cet esprit qui a besoin d’être contenu comme un sein très volumineux et trop tombant, et qui, si la réalité ne le retient pas dans ses strictes limites et son juste cadre, se distend, s’éblouit et s’effare. […] Je la dirai comme un homme qui n’a pas trouvé le succès des Misérables juste et celui de la première Légende des Siècles assez grand, et qui trouve tout aussi disproportionné avec ce qu’elles sont l’insuccès des Chansons des rues et des bois, qui fut si féroce… Cette cruauté, du reste, de la part d’une Critique qui brûle trop ce qu’elle a trop adoré, n’est explicable que par le dépit de l’imagination trompée. […] Il est arrivé au point juste où l’instrumentiste et l’instrument se confondent, et la supériorité qu’il atteste est si grande que la Critique ne saurait croire qu’il put faire un progrès de plus, et que, pourtant, elle n’oserait l’affirmer ! […] de pareils vers, et j’en citerai encore si on veut, était la critique la plus sanglante et la plus juste qu’on pût faire de Hugo, l’auteur du Pape, et qu’en les citant, l’Église qu’il insulte et qu’il voudrait tuer, puisqu’elle n’a affaire qu’à un poète, était assez vengée comme cela… 2.

652. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Appendice — III. Un dernier mot sur M. de Talleyrand »

M. de Talleyrand n’avait peut-être à son avantage de plus que Retz, qu’un grand sens, une vue plus juste des situations.

653. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — Q — Quinet, Edgar (1803-1875) »

C’est un sage parce que c’est un juste.

654. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Trimouillat, Pierre (1858-1929) »

Une prosodie admettant l’inversion chère aux classiques ; un rythme et parfois des rimes trop respectueux de deux cents ans de tradition… Mais soyons juste !

655. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 128-130

Nous ne dissimulerons pas qu’il est des Censeurs, dont la sévérité peu éclairée, les difficultés minutieuses, la foiblesse, la pusillanimité, l’esprit de parti, peuvent donner de justes mécontentemens aux Auteurs les plus irréprochables.

656. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 6-7

Ce dernier Vers consacre tout-à-la-fois les louanges de ce Poëte, & fixe la juste idée qu’on doit avoir de ses talens.

657. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 366-368

L’Abbé d’Olivet en apporte une raison qui paroît assez juste.

658. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — W. — article » pp. 524-526

Watelet est, tout à la fois, Peintre & Poëte ; ses préceptes sont aussi solides, que ses descriptions sont justes & naturelles.

659. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De l’état de la France sous Louis XV (1757-1758). » pp. 23-43

Il trouve donc qu’il n’y a ni roi, ni généraux, ni ministres ; et cette expression lui paraît si bonne et si juste qu’il consent qu’on le comprenne lui-même dans la catégorie de ceux qui n’existent pas : Il me semble être le ministre des Affaires étrangères des Limbes. […] J’ai l’esprit trop juste, madame, et j’ai l’âme trop sensible pour résister à l’idée de notre situation présente et à venir, il est vrai que l’état de mes nerfs ajoute beaucoup à ma sensibilité naturelle. […] « Il n’y a qu’un ministre nouveau qui puisse prendre de nouveaux engagements. — Le duc de Choiseul est le seul qui puisse soutenir le système du roi ou le dénouer. » Telle est l’idée juste de Bernis ; mais, en tant qu’il se l’appliquait personnellement et qu’il la retournait contre lui-même, cette idée lui devenait un remords poignant et insupportable, et c’est ce qui explique ce mot de déshonneur qui revient si souvent sous sa plume : Souvenez-vous, écrit-il à Mme de Pompadour (dans la soirée du 26 septembre), qu’il est impossible que ce soit moi qui sois chargé de rompre les traités que j’ai faits.

660. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — I. » pp. 134-154

Mézeray, très bon historien pour ces derniers siècles, portait de Sully le jugement juste et vrai qu’il faut qu’on en porte encore, mais sans embellissement et sans enthousiasme : « Outre qu’il était infatigable, ménager et homme d’ordre, dit-il, il avait la négative fort rude, et était impénétrable aux prières et aux importunités, et attirait à toutes mains de l’argent dans les coffres du roi. » Tant que Louis XIV régna, il fut assez peu question des grandeurs et des gloires des règnes précédents. […] Parmi les remarques un peu longuement déduites, mais justes, au nombre de treize, qui précèdent les Mémoires de Sully, et dans lesquelles il est donné quelques conseils aux historiens futurs, il est une prescription qui est particulièrement vraie, et qu’il convient de nous appliquer à nous tous en l’étudiant, à savoir : Que les historiens ne témoignent point de vouloir faire des recherches trop exactes des défauts et des erreurs d’autrui, tellement secrets et cachés qu’ils ne sont connus d’aucune personne qui en ait reçu dommage ou offense, et desquels nulles voix publiques ne se sont jamais plaintes, ni que l’on ait su que les peuples en général ni en particulier en aient non plus reçu dommage visible et notoire. […] Ici le style s’abrège, s’affermit, et ce chapitre peut donner une juste idée de la manière du maître s’il avait pris plus souvent la plume.

661. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

Voilà déjà trois générations, ce me semble, qui se succèdent et dans lesquelles un nombre assez considérable d’esprits partis de points de vue fort différents se sont fait de Voltaire une assez juste idée, mais une idée qui est restée dans la chambre entre quelques-uns et qui a toujours été remise en question par la jeunesse survenante ; car les jeunes gens, à leur insu, au moment où ils entrent activement dans la vie, cherchent plutôt dans les hommes célèbres du passé et dans les noms en vogue des prétextes à leurs propres passions ou à leurs systèmes, des véhicules à leurs trains d’idées et à leurs ardeurs : soit qu’ils les épousent et les exaltent, soit qu’ils les prennent à partie et les insultent, c’est eux-mêmes encore qu’ils voient à travers ; c’est leur propre idée qu’ils saluent et qu’ils préconisent, c’est l’idée contraire qu’ils rabaissent et qu’ils rudoient. […] On se donne bien du mal pour arriver à être juste, à voir juste, et quand on a à peu près atteint le point, entrent à l’instant de nouveaux venus qui brouillent tout encore une fois, remettent tout en jeu, et, au nom de leurs passions ou de leurs convictions, ne veulent voir qu’un côté, sont excessifs dans l’enthousiasme comme dans l’invective ; et c’est ainsi que tout est à recommencer toujours.

662. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — II » pp. 126-147

S’étant trouvé un jour chez le célèbre coadjuteur de Paris, le futur cardinal de Retz, comme on vint à parler des traductions des poètes et que ce prélat eut avancé qu’il ne croyait pas qu’on en pût faire une de Virgile, à la fois agréable et juste, Marolles répliqua qu’avant de déclarer la chose impossible il faudrait essayer, et il se mit à l’œuvre incontinent : il a bien soin de nous avertir dans sa préface qu’il n’y employa que peu de mois. […] Il nous explique cela bien doucement quelques années après, à l’occasion de manuscrits considérables qu’il se voit obligé de retenir en portefeuille, « parce que, dit-il ingénument, les libraires qui regardent leur profit s’en sont un peu défiés pour le débit, ne l’ayant eu que fort médiocre pour mes autres ouvrages et même pour ma traduction de Virgile, qui est la plus juste, la plus belle et la plus élégante de toutes celles que j’ai faites, lesquelles néanmoins25 vont fort lentement en comparaison de beaucoup d’autres qui se débitent en foule… » Personne plus que lui ne donne de curieux détails sur son propre discrédit et sur sa baisse de plus en plus profonde. […] Il faut l’entendre parler de cette source de curiosité aimable : « J’ai parfaitement aimé ces choses-là, dit-il, et je les aime encore… Ceux qui ont été une fois touchés de cette sorte d’affection ne la sauraient presque abandonner, tant elle a de charmes par son admirable variété. » Il avait la mémoire présente de tout ce qu’il possédait en ce genre : on pouvait lui montrer une pièce quelconque ou antique ou moderne, il disait à l’instant s’il l’avait ou non parmi les siennes, et, dans ce dernier cas, il indiquait l’endroit juste où elle était classée : « Ce serait peut-être malaisé à croire d’un nombre aussi prodigieux que l’est celui des estampes que j’ai assemblées, si je ne l’avais éprouvé plusieurs fois.

663. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers. »

Je vais mettre à la suite, faute de portraits de la main d’un grand peintre, quelques esquisses faites pour donner une juste idée du personnage éminent qui passa, en quelque sorte, à côté de l’histoire sans y entrer. […] La dignité même de votre caractère, aux yeux du monde, reprend son lustre, puisque les hommes voient le juste prix que vous mettez à votre liberté, et que, quelles que soient les passions de jeunesse qui vous aient séduite, vous ne voulez plus maintenant faire le sacrifice de votre temps, là où vous n’êtes pas jugée digne de tout honneur25. […] Une société plus choisie saurait mettre un prix plus juste à votre mérite.

664. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite.) »

Les personnes si modérées, si désintéressées et si justes dans l’amitié, sont ordinairement peu sensibles. […] Comme nous ne jouissons pas ici de la liberté de la presse, le Parlement, par un Arrêt juste, s’il est, comme je n’en doute pas, conforme aux lois du royaume, mais néanmoins rigoureux, l’a décrété de prise de corps, et l’on prétend que, s’il n’avait pas pris la fuite, il aurait été condamné à la mort. […] Un naturel doux, sensible, un cœur honnête, un esprit juste, voilà les garants de l’historien32.

665. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Lettres inédites de Michel de Montaigne, et de quelques autres personnages du XVIe siècle »

Montaigne, qui avait quitté Rome dès le 15 octobre, était de retour dans son château le 30 novembre, juste à temps pour y recevoir cette lettre du roi qui ne lui eût pas laissé la liberté du refus. […] Il se loue donc d’avoir gardé la juste mesure dans l’exercice des charges publiques, de s’être donné à autrui sans s’être ôté à soi-même, « sans s’être départi de soi de la largeur d’un ongle. » On ne conduit jamais mieux la chose publique que lorsqu’on se possède ainsi. […] En somme, il conclut juste : il n’a pas fait monts et merveilles dans sa charge, il ne s’est pas entièrement satisfait lui-même ; il a fait pourtant mieux et plus qu’il n’avait promis à son entrée : il n’aura laissé après lui que de bons souvenirs et des regrets.

666. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Réminiscences, par M. Coulmann. Ancien Maître des requêtes, ancien Député. »

Évidemment le titre d’un ouvrage anglais, les Réminiscences d’Horace Walpole, l’a séduit ; mais, en laissant à la charge de l’auteur anglais le mot de Réminiscences pris en ce sens, je nie qu’en français ce soit le mot juste. […] Nous venons de voir et d’écouter en Béranger le Tallemant des Réaux de Benjamin Constant : il est juste maintenant d’entendre Sismondi, qui en est l’historien et l’apologiste équitable : 13 décembre 1830. […] Coulmann parle aussi très bien d’Alexandre de Humboldt, et il fait remarquer avec raison « qu’on n’a jamais vu un Allemand ni un Prussien plus jaloux et plus ambitieux que lui de la légèreté parisienne ; sa médisance tenait certainement plus du désir d’être amusant et agréable que de l’envie et de la malignité. » Ce sont là des traits heureux et justes.

667. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par. M. le Chevalier Alfred d’Arneth »

Marie-Antoinette remet les choses à point et leur fait leur juste part à l’un et à l’autre : « Il est bien vrai qu’il (Monsieur) n’a pas les inconvénients de la vivacité et turbulence du comte d’Artois ; mais à un caractère très-faible il joint une marche souterraine et quelquefois très-basse ; il emploie, pour faire ses affaires et avoir de l’argent, de petites intrigues dont un particulier honnête rougirait. […] Sur ce point seul ne suivez ni l’exemple ni les conseils de la famille ; c’est à vous à donner le ton à Versailles ; vous avez parfaitement réussi ; Dieu vous a comblée de tant de grâces, de tant de douceur et de docilité, que tout le monde doit vous aimer : c’est, un don de Dieu, il faut le conserver, ne point vous en glorifier, mais le conserver soigneusement pour votre propre bonheur, et pour celui de tous ceux qui vous appartiennent. (1er novembre 1770.) » Une des recommandations continuelles de Marie-Thérèse à sa fille et qui reviennent sans cesse et jusqu’à satiété, c’est, après celles qui regardent la santé et la vocation à être mère, de se garder des coteries, des apartés, des sociétés privées où le sans-façon domine, de ne jamais oublier qu’on est un personnage en vue, exposé sur un théâtre, ayant un rôle à remplir ; de ne se relâcher en rien, de se surveiller soi-même en tout, dans les petites choses comme dans les grandes ; de mépriser le qu’en dira-t-on, mais aussi de ne point prêter à de justes reproches. […] Des mots terribles échappent de temps en temps à la plume de Marie-Thérèse, adjurant sa fille et la pressant de se corriger ; je sais qu’il n’y faut pas attacher un sens qu’ils n’ont pas et qu’ils ne pouvaient avoir au moment où elle les écrivait ; l’histoire aussi a ses superstitions rétrospectives, dont un esprit juste doit se garantir.

668. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Cette débutante m’avait échappé et ne méritait pas une pareille indifférence : après Mlle Mars, il n’y a point d’ingénuités qu’elle n’égale ou ne surpasse ; elle n’est pas niaise comme il arrive quelquefois aux innocentes des autres théâtres, elle n’est que franche et naïve ; l’accent juste, vrai, une excellente tenue, beaucoup d’aisance, de simplicité, de naturel ; que de bonnes qualités presque enfouies à ce théâtre ! […] De nombreux auteurs dont elle avait interprété les ouvrages et entrevu ou connu la personne, elle avait retenu, sans prétendre pour cela les juger, une impression prompte et juste, le trait le plus vrai de leur physionomie, et quand on l’interrogeait à leur sujet, elle en parlait à ravir. […] On était à une fin de mois, et, pour de trop bonnes raisons, il n’y avait que juste assez pour deux sobres estomacs de femme.

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