/ 1682
1026. (1900) Molière pp. -283

Prenez la préface des Précieuses, sa première pièce faite à Paris, vous y verrez le plaisir, la joie folle de se savoir devenu enfin quelque chose à Paris, Parisien ! Et cette joie, toute naïve qu’elle est, est touchante, car le sentiment est profond et sincère. […] Cette joie si sentie nous donne la mesure de ses chagrins, quand il errait, complètement inconnu, du bourg à la ville et du château à la grange, récoltant ici des mépris et là des compliments plus outrageants que des mépris. […] et, puisque tu m’es enlevé, j’ai perdu mon support, ma consolation, ma joie ; sans toi il m’est impossible de vivre. […] Prenons un ancien, celui qui aura le plus disserté ce sentiment ; mettons-nous à lui expliquer tout ce que nous plaçons, sous ce nom, d’élans généreux, d’espérances consolantes, de souffrances raffinées, de joies pures.

1027. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note I. De l’acquisition du langage chez les enfants et dans l’espèce humaine » pp. 357-395

Un jet d’eau qu’elle a vu pendant trois mois sous ses fenêtres la mettait tous les jours dans un transport de joie toujours nouvelle ; de même la rivière au-dessous d’un pont ; il était visible que l’eau luisante et mouvante lui semblait d’une beauté extraordinaire : « L’eau, l’eau !  […] Deux fois ces jours-ci (vingt et unième mois), et chaque fois à plusieurs reprises, avec la joie d’une découverte, il a dit lune en voyant un O et un D majuscules dans le titre d’un journal.

1028. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (4e partie) » pp. 1-63

La soudaineté de la chute, l’incertitude prolongée, les vicissitudes de crainte et d’espérance, la bataille qui se livrait aux portes et dont ils étaient le prix sans même voir les combattants, les coups de canon, la fusillade retentissant dans leur cœur, s’éloignant, se rapprochant, s’éloignant de nouveau comme l’espérance qui joue avec le moment, la pensée des dangers de leurs amis abandonnés au château, le sombre avenir que chaque minute creusait devant eux sans en apercevoir le fond, l’impossibilité d’agir et de se remuer au moment où toutes les pensées poussent l’homme à l’agitation, la gêne de s’entretenir même entre eux, l’attitude impassible que le soin de leur dignité leur commandait, la crainte, la joie, le désespoir, l’attendrissement, et, pour dernier supplice, le regard de leurs ennemis fixé constamment sur leurs visages pour y surprendre un crime dans une émotion ou s’y repaître de leur angoisse, tout fit de ces heures éternelles la véritable agonie de la royauté. […] On vit même une joie secrète luire sur ses traits à travers la gravité et la tristesse du moment.

1029. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (5e partie) » pp. 65-128

Marie-Antoinette dépouilla la robe noire qu’elle avait portée depuis la mort de son mari, elle revêtit une robe blanche en signe d’innocence pour la terre et de joie pour le ciel. […] Une joie intérieure et une consolation secrète brillèrent depuis ce moment sur son visage.

1030. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVe entretien. Vie de Michel-Ange (Buonarroti) »

À la fin, le pontife, impatienté de cette longue attente, viola l’enceinte, fit renverser les échafaudages, déchirer les toiles qui masquaient la voûte et jeta une longue exclamation de joie et d’admiration. […] « Et si je me consume délicieusement dans leur clarté, c’est que je sens se refléter dans ma propre glace cette joie inextinguible qui dilate éternellement dans le ciel le cœur de ceux qui jouissent de l’éternelle beauté ! 

1031. (1912) Enquête sur le théâtre et le livre (Les Marges)

C’est si vrai qu’Antoine, fidèle à lui-même, essaie de le réouvrir en son vaste Odéon où nous voyons avec joie le succès récompenser enfin son inlassable effort, et que M.  […] La lecture d’un beau livre dépasse en joie et en profit pour le cœur et l’esprit vingt années d’un tel gaspillage scénique : le dégoût du tréteau et le respect du livre sont des gages de santé et de loyauté intellectuelle.

1032. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

Mais nous qui ne sommes plus enivrés de cette joie du premier emportement, nous qui, revenus à l’âme, y avons trouvé l’éternel besoin de religion, qui est au fond de la nature humaine, nous avons cherché autour de nous et, plutôt que de rester dans cette pénurie devenue intolérable, nous sommes revenus au passé et nous avons accepté telle quelle la doctrine qu’il nous léguait. […] En l’âge de la force, quand l’esprit critique est encore dans sa vigueur, que la vie apparaît comme une proie appétissante et que le plein soleil de la jeunesse verse ses rayons d’or sur toute chose, les instincts religieux se contentent à peu de frais ; on vit avec joie sans doctrine positive ; le charme de l’exercice intellectuel adoucit toute chose, même le doute.

1033. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VIII, les Perses d’Eschyle. »

Quelle joie orgueilleuse pour Athènes de la voir paraître, déjà soucieuse, bientôt accablée ! […] Même dans ce temps de calamité, donnez chaque jour votre âme à la joie, car les richesses sont inutiles aux morts. » Le monde poétique n’a pas de plus grande apparition que celle du Darius d’Eschyle.

1034. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Edgar Allan Poe  »

Par l’intérêt, il sait saisir, abandonner, reprendre, tromper, stupéfier et accabler, allumer la cupidité, la cruelle joie de la chasse à l’homme, la soif de vengeance et la soif d’aventures, les effrois de l’horreur et la douceur lointaine du rêve. […] Par contre celle-ci qu’affectaient seuls les spectacles tragiques, son originalité à laquelle répugnaient les sujets rebattus, unis à son rationalisme réfractaire à toute émotion, firent qu’il ne sut montrer de l’amour, source de vie et de joie, que les aspects macabres, tragiques et fous, la Vénus des vertiges et la Vénus tumulaire.

1035. (1913) La Fontaine « VIII. Ses fables — conclusions. »

Selon eux, par nécessité, Sans passion, sans volonté : L’animal se sent agité De mouvements que le vulgaire appelle Tristesse, joie, amour, plaisir, douleur cruelle, Ou quelque autre de ces états. […] Par exemple, ce que je vous ai fait remarquer en souriant : L’animal se sent agité De mouvements que le vulgaire appelle Tristesse, joie, amour, plaisir, douleur cruelle… Voilà, sans encore aborder son plaidoyer, voilà un premier jalon que le poète, j’allais dire que l’avocat, que le poète plante pour fixer les esprits sur cette idée à laquelle il tient.

1036. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET (La Confession d’un Enfant du siècle.) » pp. 202-217

La résistance de Mme Pierson, la tristesse résignée d’Octave, les sons de la voix aimée qui n’éveillent plus en lui ces transports de joie pareils à des sanglots pleins d’espérance, sa pâleur, qui réveille au contraire en elle cet instinct compatissant de sœur de charité ; puis, au premier baiser, l’évanouissement, suivi d’un si bel effroi, cette chère maîtresse éplorée, les mains irritées et tremblantes, les joues couvertes de rougeur et toutes brillantes de pourpre et de perles ; ce sont là des traits de naturelle peinture qui permettraient sans doute de trouver en cet épisode la matière d’une comparaison, souvent heureuse, avec Manon Lescaut ou Adolphe, si une idée simple et un goût harmonieux avaient ici ménagé l’ensemble, comme dans ces deux chefs-d’œuvre.

1037. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Lettres de Rancé abbé et réformateur de la Trappe recueillies et publiées par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont-Ferrand. »

On a dans ces lettres le véritable Rancé tout pur, parlant en personne, simplement, gravement, avec une tristesse monotone, ou avec une joie sans sourire qui ressemble à la tristesse elle-même et qui ne se déride jamais.

1038. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre III. L’écrivain »

Encore faut-il qu’elle ne persévère point d’un bout à l’autre dans le même style, mais qu’elle change, qu’elle ondule, par toutes sortes de tours sinueux, de la joie à la tristesse, du sérieux à la plaisanterie.

1039. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Leconte de Lisle, Charles-Marie (1818-1894) »

Il ne s’agit plus dès lors d’une souffrance ou d’une joie simplement anecdotiques, mais la phrase ainsi proférée garde intacte à jamais sa valeur absolue et générale, parce qu’elle a révélé non point le médiocre caprice sentimental d’un homme quelconque, mais l’ensemble même de l’univers prenant conscience de soi, en une brusque fulguration, dans cette pensée individuelle.

1040. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre IV. L’antinomie dans l’activité volontaire » pp. 89-108

— L’homme fort est aussi l’homme libre ; le sentiment vivace de joie et de souffrance, la hauteur des espérances, la hardiesse des désirs, la puissance de la haine sont l’apanage du souverain et de l’indépendant ; tandis que le sujet, l’esclave, vit opprimé et stupide34. » La liberté de l’individu, c’est la dose supérieure d’énergie vitale ; c’est la diversité ; c’est la volonté d’indépendance ; c’est l’originalité triomphante.

1041. (1890) L’avenir de la science « Préface »

Quand j’essaye de faire le bilan de ce qui, dans ces rêves d’il y a un demi-siècle, est resté chimère et de ce qui s’est réalisé, j’éprouve, je l’avoue, un sentiment de joie morale assez sensible.

1042. (1899) L’esthétique considérée comme science sacrée (La Revue naturiste) pp. 1-15

Et peut-être aurons-nous la joie de voir naître un jour la race de héros dont sans nul doute auparavant, nos statues auront incarné les traits pompeux, dont nos poèmes auront chanté les magnifiques destinées, dont nos tableaux auront contenu les proportions implacables et dont nos hautes symphonies auront développé la vivante rêverie.

1043. (1901) La poésie et l’empirisme (L’Ermitage) pp. 245-260

On a pu croire qu’en ces dix dernières années la frénésie de lettres eût atteint à son paroxysme suprême et qu’elle ne dût désormais que décroître pour la paix, la joie, le salut des véritables écrivains qui font leur œuvre sciemment, légitimement, en silence. — Mais on a cru… parce qu’on espérait. — La politique nous valut une trêve qu’on rêva bienfaisante et qui ne fit en somme, qu’aggraver la confusion.

1044. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre IX. La pensée est-elle un mouvement ? »

Sans doute l’âme n’est pas détruite par là même, et elle conserve encore virtuellement la puissance de penser ; mais la pensée actuelle, mais la pensée individuelle, la pensée enfin accompagnée de conscience et de souvenir, cette pensée qui dit moi, celle-là seule qui constitue la personne humaine et à laquelle notre égoïsme s’attache, comme étant le seul être dont l’immortalité nous intéresse, que devient-elle à ce moment terrible et mystérieux où l’âme, en rompant les liens qui l’unissent à ses organes, semble en même temps rompre avec la vie d’ici-bas, en dépouiller à la fois les joies et les misères, les amours et les haines, les erreurs et les souvenirs, en un mot perdre toute individualité ?

1045. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre IV. Littérature dramatique » pp. 202-220

Je me ferai ton ange ou me ferai ta chienne,                          Et, tienne, Je consens à souffrir et consens à mourir Dans l’holocauste heureux de mon être asservi, Si la souffrance de mon âme doit t’orner de joie, Si la mort de ma chair doit te garder la vie !

1046. (1860) Ceci n’est pas un livre « Décentralisation et décentralisateurs » pp. 77-106

Tous ces détails, colportés par les Quatre, feront demain la joie des soirées de M. 

1047. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte Gaston de Raousset-Boulbon »

Si le Père Deschamps était à Avignon, écris-lui de ma part, je suis sûr que tu le combleras de joie.

1048. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VIII. Du mysticisme et de Saint-Martin »

Nous l’affirmons avec une joie qu’un regret tempère : un catholique qui se serait plus hautement avoué dans un tel livre, et qui y aurait mis bravement le crucifix sur son cœur, aurait dit davantage ; mais, sur la limite où M. 

1049. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Vie de la Révérende Mère Térèse de St-Augustin, Madame Louise de France »

Comme on sent, sous la plume qui se promène avec tant de bonheur en ces purulences, l’envie triomphante du démocrate moderne suivant avec une joie féroce la décomposition de ce sang royal et héroïque, qui a trop duré, mais qui ne s’est pas décomposé si vite que, pour hâter son épuisement et en voir la fin, on n’ait pas employé la guillotine, cette saignée du médecin Marat !

1050. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VII. »

Que s’il échappe au lot de la mort somnolente, et, vainqueur, emporte l’honneur du combat, tous, jeunes et anciens, le vénèrent : et, après de grandes joies éprouvées, il descend chez Adès.

1051. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

Prisonnier de Kurchid-Pacha et bientôt guéri de sa blessure, il s’attendait à être empalé, quand, à sa grande joie, sa peine fut commuée en celle des galères. […]   Tu devines avec quelle joie je revins à Férouzat l’année suivante. […] Une joie étrange illumina les traits du coupable, et il expira. […] Tout le monde alors se pâmait de joie, excepté le jeune Philippe, garçon fier et timide, à qui tout cela paraissait cruellement insupportable. […] Cette joie leur est encore et leur sera longtemps refusée.

1052. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

C’était une joie d’écouter l’auteur de Tartarin parler littérature. […] Un doute seul gâte ma joie  : Ce Grec était-il vraiment un Grec ?  […] Les engueulades de Moréas faisaient la joie des consommateurs et prenaient de telles proportions, qu’il n’y avait vraiment plus moyen de se fâcher. […] la joie, la joie de pétrir les mots, et les caresser, et leur donner de belles lignes pures… Tout ça sent le mauvais lyrisme ; il bruine dehors et la vie aussi… » (5 septembre 99) Charles Guérin savait qu’il avait du talent, et il était même parfois très exigeant sur le chapitre des louanges qu’il attendait de ses amis. […] Je n’ai connu de pareilles joies qu’en relevant les ratures des Mémoires de Chateaubriand, sur le manuscrit Champion, que l’on peut considérer comme la dernière copie du célèbre ouvrage.

1053. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

Quelle est la joie assez complète pour que nous ne soyons pas toujours contraints de rechercher quelque chose de mieux que le monde ne peut nous donner ? […] Il reconnaît avec joie que ses forces sont encore tout entières et qu’elles mèneront l’œuvre à bonne fin. […] Ce chœur d’amis et de camarades se divise infailliblement en deux bandes : la bande des amis sages et studieux, compagnons des heures graves et confidents des peines et des joies sérieuses ; la bande des amis gais et pétulants, compagnons des heures de folie, et complices des joies bruyantes. […] Aimez-vous la danse et le chant, vous pouvez vous en donner à cœur joie. […] Elis Wyn décrit cette lutte avec la joie triomphante d’un bon anglican qui ne sait lequel de ses adversaires il aime mieux voir écraser.

1054. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

Nous ne croyons pas avoir éprouvé de joie plus vive en notre vie que lorsque Gérard, détachant du paquet six carrés de papier rouge, nous les tendit d’un air solennel, en nous recommandant de n’amener que des hommes sûrs. […] L’eau de la pompe arrosait ce menu d’une simplicité primitive, et les deux camarades avaient le caractère ainsi fait qu’ils devaient éprouver une certaine joie à réduire leur vie au strict indispensable. […] Une telle joie ne devait sans doute pas durer. […] On espère qu’il reproduira Faust tout entier, et j’attends surtout avec joie la cuisine des sorcières et les scènes du Brocken. […] comme il en savourait les qualités et quelle joie sincère et lumineuse à la vue d’une belle chose !

1055. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

Tous goûtions des joies d’enfants. […] Il glisse immédiatement des mains de Glatigny à celle de Lisane qui bondit de joie. […] Tu sais bien que la seule joie des vieux, c’est le bonheur des jeunes. » Et patati et patata. […] Tu la prives de la seule joie qu’elle puisse avoir. […] Joie dans la salle.

1056. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

Le seizième siècle n’en sait rien ; mais dans sa joie effrontée il semble pressentir qu’il joue de son reste. […] Soulagé des reproches de la conscience et des terreurs de la mort, l’homme se voit transporté dans la paix, dans la joie ; les exigences incessantes du moi se taisent devant l’inépuisable aliment dont l’âme est rassasiée. […] Le doute de Descartes est sage ; il est provisoire ; bien loin de satisfaire son âme, il lui est à charge, et Descartes voit arriver avec joie l’instant où il pourra échanger son doute contre des convictions fortes et durables. […] Peu d’auteurs, ce me semble, sont faits pour donner à l’intelligence des joies aussi vives. […] Il y a de légères et frivoles circonstances du temps qui ne sont point stables, qui passent, et que j’appelle des modes : la grandeur, la faveur, les richesses, la puissance, l’autorité, l’indépendance, le plaisir, les joies, la superfluité.

1057. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIe entretien. Épopée. Homère. — L’Iliade » pp. 65-160

« Ainsi, lorsque, dans le firmament, à la lueur de la lune argentée, les radieuses étoiles scintillent, lorsque les vents se taisent dans les airs et que la transparence de la nuit laisse découvrir au loin les collines, les vallées, les hautes cimes des montagnes, le vaste espace des cieux qui s’étend devant nous laisse apercevoir tous les astres, et le cœur du berger est plein de joie… Ainsi brillent çà et là les feux que les Troyens ont allumés devant Ilion et le Xanthe aux flots rapides. […] Lui qui, lorsque le sommeil s’emparait de lui et qu’il interrompait ses jeux d’enfance, s’endormait sur une couche molle où, sur le sein de sa nourrice, son cœur goûtait une douce joie…… Ils sont encore dans ton palais, ô Hector, tes riches vêtements ourdis par la main des femmes ! […] Alors il était la joie d’Ilion et de tout son peuple ! 

1058. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (1re partie) » pp. 313-408

et quel être heureux, s’il n’avait souffert lui-même, ne sourirait de pitié à ces petites joies que l’infortuné se fait en consolation d’une journée d’ennui et de marasme ; joies niaises à qui n’a point passé par là, et que dédaignerait même un enfant : prendre dans la rue le côté du soleil ; s’arrêter à quatre heures sur le pont du canal, et, durant quelques minutes, regarder couler l’eau, etc., etc. […] De là mille larmes encore, mais délicieuses et sans amertume ; de là mille joies secrètes, mille blanches lueurs découvertes au sein de la nuit ; mille pressentiments sublimes entendus au fond du cœur de la prière, car une telle âme n’a de complet soulagement que lorsqu’elle a éclaté en prière, et qu’en elle la philosophie et la religion se sont embrassées avec sanglots.

1059. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIIe entretien. Balzac et ses œuvres (3e partie) » pp. 433-527

Les particularités de cette scène pleine d’observations et de couleurs locales ne peuvent être appréciées qu’entre les buttes de Montmartre et les hauteurs de Montrouge, dans cette illustre vallée de plâtras incessamment près de tomber, et de ruisseaux noirs de boue ; vallée remplie de souffrances réelles, de joies souvent fausses, et si terriblement agitée, qu’il faut je ne sais quoi d’exorbitant pour y produire une sensation de quelque durée. […] Cependant j’étais en proie à une terreur que comprendront ceux qui, dans leur vie, ont éprouvé les joies illimitées d’une passion vraie. […] Ses yeux verdâtres, semés de points bruns, étaient toujours pâles ; mais s’il s’agissait de ses enfants, s’il lui échappait de ces vives effusions de joie ou de douleur, rares dans la vie des femmes résignées, son œil lançait alors une lueur subtile qui semblait s’enflammer aux sources de la vie et devait les tarir ; éclair qui m’avait arraché des larmes quand elle me couvrit de son dédain formidable et qui lui suffisait pour abaisser les paupières aux plus hardis.

1060. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

Non moins finement rendu, le sentiment complexe, fait de mépris et d’émerveillement, qu’inspire à l’Américain Jerry ce futile Paris, ville de joie et capitale du plaisir. […] Le cœur libre désormais, Lia accepte sans répugnance l’idée de ce mariage de raison : « Évidemment, dit-elle, il doit y avoir des émotions et des joies dont il faut bien que je fasse mon deuil… Mais elles sont très mêlées, ces joies-là, je le sais… J’aimerai M. 

1061. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

Après tout, ces filles ne me sont point déplaisantes, elles tranchent sur la monotonie, la correction, l’ordre de la société, elles mettent un peu de folie dans le monde, elles soufflettent le billet de banque, et elles sont le caprice lâché, nu et libre et vainqueur, à travers un monde de notaires et ses raisonnables et économiques joies. […] Depuis vingt-cinq ans, elle nous bordait tous les soirs dans nos lits, et tous les soirs, c’étaient les mêmes éternelles plaisanteries sur sa laideur et la disgrâce de son physique… Chagrins, joies, elle les partageait avec nous. […] Par une porte ouverte derrière moi, d’une petite pièce où le soleil donne en plein, il m’arrive des caquetages de sœurs et d’enfants, de jeunes joies, de bons petits éclats de rire, toutes sortes de notes et de vocalisations fraîches : un bruit de volière ensoleillée… Des sœurs en blanc, à coiffe noire, passent et repassent ; une s’arrête devant ma chaise.

/ 1682