Imaginez le paysan qui vit toute la journée en plein air, qui n’est point, comme nous, séparé de la nature par l’artifice des inventions protectrices et par la préoccupation des idées ou des visites.
« M. de La Fontaine, dit l’abbé Poujet, son confesseur, ne pouvait s’imaginer que le livre de ses _Contes_ fût un ouvrage si pernicieux.
Il n’imagine d’ailleurs que comme il juge : le document demande sa vision, et où le document se tait, il cesse de voir.
Nous nous sommes trop imaginé que de l’a priori et de la logique, fouettés avec du talent, faisaient de l’histoire.
Il s’imaginera être saint Labre, s’humiliera, pour le rachat de ses péchés, jusqu’à mendier sur les routes, dans les villages, sous le porche des églises.
Le progrès, sauf quelques déceptions, s’est accompli selon les lignes que j’imaginais.
Il existe une maladie propre au biographe : c’est de s’imaginer qu’il a inventé son héros et, partant, d’avoir pour lui un amour paternel, mieux encore, la tendresse aveugle et verbeuse d’une mère qui ne tarit pas sur les moindres faits et gestes, sur les plus insignifiants propos du cher enfant.
Dans la séquence d’événements appelée cause et effet, on imaginait une troisième chose appelée force ou puissance, qui n’était pas la cause, mais en émanait.
Comme nous n’avons jamais eu aucune expérience d’un point de l’espace sans d’autres points au-delà, ni d’aucun point du temps sans d’autres points qui le suivent, la loi d’association inséparable fait que nous ne pouvons penser aucun point du temps et de l’espace, quelque distant qu’il soit, sans imaginer immédiatement d’autres points plus éloignés.
Elle peut entasser Libelles sur Libelles ; le dépit peut emprunter toutes les formes, éclater ouvertement, parler à l’oreille, affecter le ton d’une fausse bénignité ; la haine & la vengeance peuvent tout imaginer & tout tenter, prêter toutes leurs bouches au mensonge ; elles ne fermeront jamais la nôtre à la vérité….
On peut à la rigueur se l’imaginer seul au monde, constituant à lui tout seul le monde, et continuant à créer.
Diminuer la confiance à l’heure même où on la réclame plus que jamais ; faire douter de soi, surtout quand il faudrait y faire croire ; ne pas rallier toute la foi de son auditoire quand on prend la parole pour ce qu’on s’imagine être un devoir, c’était manquer le but.
Par moments on imagine surprendre le phénomène de la transmission de l’idée, et il semble qu’on voit distinctement une main prendre le flambeau à celui qui s’en va pour le donner à celui qui arrive. 1642, par exemple, est une année étrange.
Les mauvais succès de ses tentatives pour reformer les abus et pour établir l’ordre qu’il avoit imaginé dans son cabinet, les lumieres que donne l’expérience et qu’elle seule peut donner, lui font bien-tôt connoître que son prédecesseur s’étoit bien conduit, et que le monde avoit raison de le loüer.
On imagine ce que peut être, avec un pareil point de départ, tout le reste de sa classification.
N’est-ce point pour cela qu’il imagine son monde des Idées, vivant dans le sein de Dieu, substances et âmes intérieures de toutes tes choses qui existent ?
Il a réalisé spontanément tout ce qu’il a senti, tout ce qu’il a imaginé.
Ne faudrait-il pas même connaître la forme matérielle des théâtres anciens, les fonctions du chœur, enfin tout cet ensemble qui fut imaginé pour produire l’effet qu’il devait produire ?
Il n’était pas venu dans la pensée d’imaginer que l’invention du langage pût être au pouvoir de l’homme.
En l’absence de William Shakespeare, trépassé il y a trois siècles, Beaumont-Vassy avait pensé à nous ressusciter le galbe imposant de cet halluciné sublime dans je ne sais quel drame, — ou plutôt dans je ne sais quelle scène historique de longue haleine comme ont imaginé d’en écrire les hommes qui ne savent pas remuer puissamment l’échiquier du théâtre, où les conceptions de la pensée se carrent et se cubent sous l’empire des plus difficiles combinaisons.
Comme Buloz a fait sa fortune dans la direction de sa Revue, Véron a fait la sienne dans la direction de l’Opéra, et pour cette raison les voilà tous deux en posture d’hommes infiniment habiles, aux yeux de ces forts jugeurs qui s’imaginent que le succès fait toujours équation avec du génie !
» Pour un pareil mot, il aurait mérité que Lamartine lui eût renversé un second encrier sur la tête… Quant à moi, je ne conserverai pas ces effluves du génie et de l’encrier de M. de Lacretelle qui font le livre d’aujourd’hui, et je m’imagine que le public ne les conservera pas plus que moi.
Les philosophes, qui croient avoir inventé ce qu’ils retrouvent, s’imaginent que la psychologie est d’hier.
Kant imagine des choses en soi d’un côté, et d’autre part un Temps et un Espace homogènes au travers desquels les choses en soi se réfractent : ainsi naîtraient d’un côté le moi phénomène, celui que la conscience aperçoit, et de l’autre les objets extérieurs.
On y voit une mère, Rodelinde, et une très bonne mère, et qui aime son fils, mais qui n’en imagine pas moins de le faire tuer par le roi Grimoald, afin de rendre ce tyran odieux. […] J’imagine que Corneille, encouragé, poussa sa pointe. […] Mais si Antigone était l’œuvre originale de quelque jeune écrivain français, j’imagine qu’il eût dit : « — L’auteur a commis une première faute très grave. […] Ces jeunes gens s’imaginent qu’il s’agit de frapper fort Il suffit de frapper juste, comme dit l’autre. […] Il imagine et emploie, pour traduire une idée dramatique, les jeux de scène et les sensations visuelles concurremment avec les mots, et cela sans effort.
Tout auprès, un tableau, peint avec du noir et du blanc, représente un groupe de moines violâtres, les plus étranges qu’on puisse imaginer… Sont-ce des moines ? […] Cela n’est-il pas bien imaginé ? […] Édouard Thierry a pu s’imaginer qu’il est avec Corneille des accommodements, de raconter la pièce originale. […] Non, je n’imagine pas de plus vraie et de plus heureuse gloire que celle de ce félibre qui s’inquiète de faire des citoyens en faisant de beaux vers ! […] et voici bien qui me passe : ils s’imaginent qu’ils comprendront et sentiront du premier coup des sites qu’ils n’ont pas pratiqués, qu’ils n’ont jamais vus !
On n’imaginera jamais la quantité de lettres de recommandation qu’il écrivait pour ses amis. […] Il y eut là des discussions qui dépassent tout ce qu’on peut imaginer. […] Dans ce Paris, « vaste désert d’hommes », où chacun vit seul, Faguet a vécu l’existence la plus solitaire qu’on puisse imaginer. […] Elle était réellement comme je l’imaginais, la plus séduisante des femmes. […] On imagine l’effroi de la confiante marraine, quand elle sentit, au milieu de la nuit, danser sur son nez une invisible bête frôlante qu’on manœuvrait comme un pantin.
Imaginez un énorme amas de ces matériaux, mais taillés au hasard, non combinés ni concertés d’avance. […] Nous ne pouvons en ces matières tenir le vrai, mais seulement imaginer le probable ; et il y a plusieurs probables. […] Ainsi les écrivains, vers la fin des littératures, imaginent des composés imprévus, et font de savoureux mélanges du moderne et de l’antique. […] Il ne s’agit plus maintenant que d’imaginer les actes de dévouement par où cette fidélité s’élèvera jusqu’à l’héroïsme. […] (Quatrième symbole, j’imagine. ) Elle voudrait les tremper dans l’eau. « C’est au bord d’une fontaine qu’il vous a trouvée ?
Remarquons, soit dit sans scandale entre nous, qu’il s’imaginait hardiment qu’un ange envoyé par l’Éternel pour chercher la paix et le silence sur notre globe, et pensant que leur asile devait être l’enceinte des cloîtres, ne les y rencontrait pas, et pouvait ne trouver à leur place que la discorde dans les monastères. […] Ils s’imaginaient étendre aussi, par leur esprit moderne, les bornes de l’art des anciens ; l’infériorité des ouvrages de ces novateurs sur ceux de Voltaire, prouve s’il a bien fait de garder la route battue pour faire avancer les lumières. […] Or, si la fable la plus mince, imaginée par l’espièglerie du satirique, s’agrandit et prend une telle consistance de l’observation des localités, combien plus importe cette condition aux fables vraiment grandes et héroïques ! […] » Quel épisode mieux imaginé pour apprendre aux guerriers à redevenir citoyens, et à distinguer l’abus de la valeur militaire qui se vend à la tyrannie, de l’usage vertueux et magnanime de cette même valeur, qui se consacre à la cause de la majesté des lois ! […] Supposer que le génie peut monter de progrès en progrès à un plus haut point, c’est s’imaginer que la création n’a point limité la justesse des proportions qui composent l’ensemble des êtres parfaits en leur espèce, et que le plus beau des hommes du temps passé ne put atteindre à la perfection des formes qui embelliront les hommes à venir.
La thèse ne doit servir que d’aiguillon, de stimulant pour imaginer une aventure humaine. […] Vous avez lu, j’imagine, dans Cosmopolis, l’article froidement facétieux auquel je fais allusion. […] Il imagine ceci, de dire à Louise : « Votre mari a une maîtresse. […] Si Prétextat, sans nommer Frédégonde, imaginait quelque moyen discret d’éloigner Mérovée du lieu où son assassin compte le joindre, manquerait-il à son devoir de confesseur ? […] Il s’agit d’imaginer les circonstances qui peuvent lui rendre le plus pénible le devoir de la restitution.
Mais… il était noble, quoique depuis moins longtemps qu’il ne se plaisait à l’imaginer, et de moins haute origine. […] J’imagine qu’ils le doivent à la pratique des Fleurs du mal et aux pernicieux exemples de Charles Baudelaire. […] Elle a d’ailleurs autre chose à faire, et si les romanciers s’imaginent, s’ils étaient assez naïfs, assez « romantiques » pour s’imaginer que sans eux, sans leurs Termite ou sans leurs Sébastien Roch, la critique, embarrassée de son rôle, serait obligée de chômer, c’est l’occasion de leur dire qu’on ne saurait s’en faire une idée plus étroite et plus fausse. […] Elle avait compté sans son fils qui prétend, lui, garder l’enfant pour lui tout seul, et qui, pour le soustraire à l’envahissante affection de l’excellente grand-mère, n’imagine rien d’autre ni de mieux que de déménager. […] Il ne se proposait, j’imagine, que de leur être désagréable ; car quelle « rhétorique » peut-il y avoir à trouver une ressemblance douteuse, une comparaison mauvaise, un rapprochement malheureux ; — et à le dire, très simplement ?
On s’imaginerait que dès lors Corneille sait qu’il a trouvé sa voie et ne va plus en sortir ? […] Si les conséquences en sont tragiques, cet incident plus que familier paraît déroger un peu à la majesté classique telle qu’on l’imagine. […] C’est un jugement mesquin et chiche, où la louange est distillée goutte à goutte et comme à regret ; nous pouvons cependant imaginer que ni le Cardinal, ni Scudéry avec son ver luisant, ne durent être fort contents de cette cote mal taillée. […] Dorante, qui l’a rencontrée par hasard comme on vient de le voir, mais qui croit qu’elle se nomme Lucrèce (tandis qu’il croit que Lucrèce se nomme Clarice), refuse le mariage proposé par son père, et, pour excuse, imagine de lui dire qu’il est marié. […] s’écria-t-il, ce rôle est fort bien imaginé : Corneille a voulu nous donner la plus haute idée du mérite de son héros, et il est glorieux pour Rodrigue d’être aimé par la fille de son Roi en même temps que par Chimène.
. — Importance de la façon d’imaginer. […] La réponse définit d’avance toute son œuvre ; car à chaque ligne il imagine ; il garde jusqu’au bout l’allure qu’il avait d’abord. […] Il voit cette chambre, il en compte les carreaux, il imagine les longs plis des rideaux sombres, les creux du lit qu’il a défait, la porte à laquelle on peut frapper.
Presque sans art, l’esprit clairvoyant que j’imagine n’a qu’à céder à ce besoin de conter qui souvent s’empare de nous et nous entraîne à rapporter aux autres les événements qui nous ont touché et il pourra enfanter des chefs-d’œuvre… « L’intelligence complète des choses en fait sentir la beauté naturelle, et les fait aimer au point de n’y vouloir rien ajouter, rien retrancher, et de chercher exclusivement la perfection de l’art dans leur exacte reproduction… » « L’histoire, ajoute-t-il, c’est le portrait… Pour les rendre que faut-il ? […] Le général Bonaparte imagina d’employer ces divers moyens comme il suit. […] M. de Talleyrand cherchait à complaire aux frères en disant qu’il fallait imaginer pour le premier Consul une autre position que celle qu’il tenait de la Constitution.
Dieu ne voudrait pas permettre, pour son honneur, à sa créature d’imaginer une Providence éternelle plus belle que la sienne ; nous serons bien étonnés là-haut de trouver un monde de morts plus beau cent fois que nous n’avons rêvé ! […] Je suis choqué que vous autres qui croyez en Dieu, vous imaginiez que, pour être au désespoir trois ans de ce qu’une maîtresse vous a quittés, il faille croire en Dieu. De même un Montmorency s’imagine que, pour être brave sur le champ de bataille, il faut s’appeler Montmorency.
J’imagine qu’il se fût étrangement défié de nos néo-catholiques, de ces gens qui font des gestes pieux et qui, mis au pied du mur, confesseraient qu’ils ne croient même pas à la divinité du Christ. […] J’imagine qu’involontairement (car les idées, chez lui, se faisaient concrètes avec une singulière rapidité), il se représentait le prêtre « libéral » sous les espèces de celui qu’il apostrophe dans les Libres Penseurs, au chapitre des Tartufes : « Pour Dieu ! […] Je ne suis pas un « libre penseur », car c’est une grande sottise de s’imaginer que l’on peut penser librement.