Les spéculations des Pères grecs sur l’essence divine viennent d’un tout autre esprit. […] Il n’a pas été donné jusqu’ici à l’égarement d’esprit d’agir d’une façon sérieuse sur la marche de l’humanité. […] L’esprit du temps était aux petites églises ; c’était le moment des Esséniens ou Thérapeutes. […] Mais Philon est à peine juif d’esprit. […] Pelag., III, 2), sont empreintes du même esprit.
Mais, chez les anciens aussi, il a ses antécédents et presque ses modèles ; il va les chercher, à ses instants de loisir, chez Apulée, chez Pétrone, chez Martial, et il a parlé d’eux tous avec le sentiment de quelqu’un qui les entend mieux que par la lettre et par le texte, qui en ressaisit l’essence et l’esprit, et qui est, à quelque degré, de leur descendance. […] Il est, d’esprit aussi, comme de toute sa personne, bien portant et réjoui, un peu comme ces personnages gaillards de Molière, ces Dorine et ces Marton qu’il aime à citer, et qui disent des vérités le poing sur la hanche. […] Janin a une manière de s’en tirer en homme d’esprit et de marquer jusqu’à un certain point sa contrainte : il les loue trop. […] Arnauld bénit cette union de deux honnêtes cœurs, de deux esprits sincères ; mais l’illustre capitaine des batailles dogmatiques, qui, de près ou de loin, avait conduit toutes ces guerres, ne s’en tint pas à cette bénédiction suprême. […] Pavillon ; il s’y opposa autant qu’il le put, mais inutilement : « Les communautés, disait-il, dégénèrent toujours et ne conservent pas longtemps l’esprit de leur institut. » (Vie de M.
Au spectacle de cette période de terreur, c’est, je pense, une consolation de voir s’élever une autre grandeur que la grandeur de la cour, une autre autorité d’exemple et d’opinion, un autre modèle de société, une autre source de mœurs, d’idées, de principes ; c’est surtout un besoin pour les âmes douces et nobles, au milieu des tourments politiques qui les épuisent, d’entrevoir dans une société nouvelle un asile fermé à l’esprit de faction, et où se retrouvent les principales aménités de la vie civilisée. […] Madame de Scudéry était beaucoup plus jeune et a un tout autre esprit que Madeleine, sa belle-sœur. […] Mais elle n’avait encore rien publié alors ; ses premiers écrits n’ont paru qu’après le mariage de mademoiselle de Rambouillet et la mort de Louis XIII, en 1643 : elle fut jusque-là accueillie à l’hôtel de Rambouillet, non comme auteur, mais comme fille d’esprit, convenablement élevée, sœur d’un homme de lettres fort répandu, et aussi comme une personne peu favorisée de la fortune, dont la société, agréable à Julie qui était du même âge, n’était pas sans quelque avantage pour elle-même33. […] C’était l’ennemi du faux en toutes choses, du faux goût, du faux savoir ; du faux en morale, en politique, en littérature, en conversation ; l’ennemi des esprits faux et des cœurs faux. […] C’est le sort de toutes les maisons ouvertes par des personnages distingués, de recevoir parmi les gens de mérite, des esprits subalternes, mais obséquieux.
L’esprit, les graces, le naturel, la délicatesse, les images, la douceur & la facilité, le caractérisent particulièrement. […] Celles qui se piquoient d’avoir l’esprit orné, l’apprenoient par cœur. […] De Nores entassoit citations sur citations, prétendoit gagner sa cause d’autorité, ne s’embarrassant point du suffrage de l’esprit ni du cœur. […] Il leur accordoit de l’esprit : mais il leur contestoit le jugement. […] On reprochoit au prince de la poësie Italienne, d’avoir trop cherché l’esprit, la finesse & les embellissemens.
On peut s’en servir avec succès dans les fables et dans plusieurs autres ouvrages qui sont destinez pour instruire l’esprit en le divertissant, et dans lesquels le poëte parle en son nom et peut faire lui même l’application des leçons qu’il prétend nous donner. […] Il faut avoir trop d’esprit pour demêler toujours avec justesse l’application que nous devons faire d’une allegorie. […] Celles que des écrivains à qui personne ne refuse de l’esprit, ont hazardées en ce genre-là, n’ont pas autant réussi que celles où ils avoient bien voulu être moins ingenieux et traiter un sujet historique. […] Il les regarde comme des symboles et des énigmes, sous lesquels sont enveloppez des préceptes de morale, et des traits de satyre qui sont du ressort de l’esprit. Or une piece de théatre qui ne parle qu’à l’esprit, ne sçauroit nous tenir attentifs pendant toute sa durée.
Quoi de plus nouveau, en effet, que ces qualités de son talent et de son livre dans notre littérature recherchée, blasée, affectée, attifée, tour à tour spleenétique et vaporeuse, nerveuse et malade de cette maladie dont Heine disait, avec une ironie de rencontre plus profonde peut-être que son intention d’ironie : « Tous les hommes d’esprit sont malades de leur esprit même ! […] Pour une raison ou pour une autre : nature d’esprit, blessure au cœur, manque de bonté dans la vertu, tous les satiriques ont été cruels plus ou moins, soit dans leur rire, soit dans leur colère, soit dans leurs larmes ; or, pour la première fois, en voici un qui ne l’est pas, et dans les coups duquel on sent la pitié… Oui ! […] Indépendamment de son inspiration et de sa touche à pleine main, Bouniol a d’autres qualités encore, que les esprits amoureux exclusifs du détail ne verraient pas, mais que nous voyons, nous ! […] Seulement, quelque idée qu’on s’en fasse, on n’aura une notion juste du mouvement de cet esprit qui, si nous ne nous trompons, a le signe des forts : l’abondance, qu’en lisant dans le livre même : La France devant Dieu, Le Souverain et les sujets, La Leçon d’anatomie, La Barricade, Le Théâtre, La Peste littéraire, Les Catastrophes, Le Journaliste, Le Doigt de Dieu dans les révolutions, La Graine du Comédien, L’Amour des bêtes, Comment on se marie, La Morgue, et tant d’autres morceaux dont les titres seuls attestent éloquemment la largeur de circonférence dans laquelle l’auteur de la Croisade étend les rayons de son observation poétique.
Le langage est la prison de l’esprit. […] Il n’y a rien du nihiliste dans ces dispositions d’esprit. […] Comparés à ce que les hommes religieux proclament au sujet de leur savoir, de leur esprit sacré, tous les hommes probes de la science ne sont-ils pas pauvres d’esprit ? […] La sagesse serait une cachette du philosophe devant l’esprit ? […] L’esprit ancien prenait sa revanche.
Il n’y en a guère d’autres chez les enfants, les sauvages, les esprits incultes, et on n’en exprime guère d’autres dans la conversation ordinaire. […] Mon esprit n’a pas constaté leur liaison, il l’a fabriquée. Il faut donc admettre que ces propositions nous révèlent une fatalité de notre esprit et non une liaison des choses. […] Selon lui, ces propositions ont pour cause une force externe et sont, comme les autres vérités d’expérience, l’impression résumée que laissent les choses sur notre esprit. […] Un esprit fabriqué sur un autre modèle que le nôtre concevrait peut-être aisément des distances inégales entre nos deux perpendiculaires.
Pour moi, après bien des tâtonnements et des reprises, après y avoir songé et ressongé, je m’explique un peu autrement son caractère, son esprit, sa part dans l’exercice du métier de roi. […] L’essentiel est que Louis XIV avait reçu de la nature un bon esprit et un grand cœur. […] Son esprit était-il donc si fort au-dessous de sa volonté et de son caractère ? […] Un peu plus de respect envers le monarque rentrerait dans l’esprit même et dans le ton habituel d’un livre d’ailleurs excellent. […] C’est un abbé d’Étemare, homme d’esprit et informé de bien des particularités, qui donne cela pour certain.
La netteté, la résolution de l’esprit se retrouvent dans la parole qui ne fait qu’un saut sur le papier, et sans songer à ce qu’on appelle le style, ni y faire songer, il se trouve qu’on en a un. […] Émile a respiré de cet esprit qui flotte et murmure encore sous les saules et les peupliers d’Ermenonville. […] A peine peut-on espérer atteindre aux limites de l’esprit : quel homme prétendrait les reculer ? […] La fortune est la religion du jour, l’égoïsme l’esprit du siècle. […] Je ne pose que les points principaux et comme les premiers jalons de la double route ; mais il est clair qu’il y avait antagonisme, antipathie, incompatibilité entre les esprits et les procédés.
Notre esprit, percevant soudain une qualité commune en deux objets différents, ou créant entre eux un rapport qui les assimile, nomme l’un du terme qui convient ou qui appartient à l’autre : il fait une métaphore. […] Vouloir classer les métaphores usitées serait faire le dénombrement de tous les rapports perçus dans l’univers par l’esprit de l’homme : vouloir répartir en catégories les métaphores possibles serait aussi chimérique que de prétendre faire le tableau des découvertes futures de l’humanité. Tout tient à tout ; tout peut se comparer à tout, il suffit d’un moment pour qu’un rapport inaperçu soit perçu et qu’il existe au moins dans l’esprit qui le perçoit. […] Pour que la figure soit bonne, il faut qu’éveillant instantanément l’idée de l’objet sans que l’esprit sente le besoin de repasser par le mot propre qui le désigne, elle le présente accompagné et comme enrichi de tout ce que peuvent suggérer et l’objet signifié et l’expression figurée. […] Enfin il ne faut jamais oublier que la métaphore a pour objet d’indiquer à l’esprit une comparaison possible, et non d’instituer une comparaison formelle : le point de contact du mot propre et du terme figuré doit être indiqué avec une précision rigoureuse, mais rien de plus.
Sinon pour la raison, il était digne de lui pour l’esprit. […] Boileau, dans ses Satires, dans ses Épîtres, nous fait assister sans cesse au travail et aux délibérations de son esprit. […] On nous a tant fait Boileau sévère et sourcilleux dans notre jeunesse, que nous avons peine à nous le figurer ce qu’il était en réalité, le plus vif des esprits sérieux et le plus agréable des censeurs. […] Le vrai dans les ouvrages de l’esprit, voilà de tout temps sa Bérénice à lui, et sa Champmeslé. […] Tout cela, récité par Boileau chez M. de Lamoignon, avec cet art de débit qui rendait au vif l’inspiration, parlait à l’œil, à l’oreille, et riait de tout point à l’esprit.
Le président de Brosses, avec un esprit prodigieux, un goût vif et fin, et des parties de génie, n’est pas connu aussi généralement qu’il devrait l’être. […] J’ai nommé cet abbé, parce qu’indépendamment de l’esprit hardi, rabelaisien, philosophique, qui a sa ressemblance chez tous deux, le président de Brosses était à peu près de la même taille que lui, c’est-à-dire remarquablement petit. […] Un homme du premier ordre dans le droit et dans les lettres avait alors toute autorité à Dijon, et il exerça la plus grande influence sur la direction d’esprit du jeune de Brosses. […] S’il a pu souvent paraître accorder trop à l’esprit gaulois et à la gausserie gaillarde de toutes choses, il sait ici s’élever à un sentiment digne du spectacle qu’il a sous les yeux, et il s’inspire des mânes d’autrefois. […] Qu’on se figure cette diversité de physionomies, d’esprits, et même de tailles : de Brosses plein de trait et gesticulant à sa manière, entre Diderot qui s’échauffe et Buffon qui écoute.
Nos esprits malheureux et nos corps sont séparés pour l’éternité. […] Capuana se trouvent en quelque sorte impliqués dans la disposition essentielle de son esprit. […] Par quel phénomène un esprit complexe comme l’est M. […] Ainsi, en religion comme en politique, il est guidé par le même esprit libéral. […] Elles dénotent à la fois une rare distinction et une grande exaltation d’esprit.
Isidore, on divisa perpendiculairement en deux parties égales la lettre H, & l’on prit la premiere moitié I− pour signe de l’esprit rude, & l’autre moitié −I pour symbole de l’esprit doux. […] Mais ce que la grammaire greque nomme esprit se trouve quelquefois sur les voyelles & quelquefois sur des consonnes. […] Esprit . […] Notre distinction de l’h aspirée & de l’h muette répond à celle de l’esprit rude & de l’esprit doux des Grecs ; mais notre maniere est plus gauche que celle des Grecs, puisque leurs deux esprits avoient des signes différens, & que nos deux h sont indiscernables par la figure. […] Plus on a l’esprit juste & net, mieux on écrit & mieux on parle : or il n’y a rien qui soit plus propre à donner aux jeunes gens de la netteté & de la justesse d’esprit, que de les exercer à la traduction littérale, parce qu’elle oblige à la précision, à la propriété des termes, & à une certaine exactitude qui empêche l’esprit de s’égarer à des idées étrangeres.
— Saletés et banalités. — En quoi l’imagination anglaise et l’esprit de salon sont inconciliables. […] Disproportion de l’esprit anglais et des bienséances classiques. — Prior. — Gay […] Cet esprit n’est pas de l’esprit ; tout y est calculé, combiné, artificieusement préparé ; on attend un pétillement d’éclairs, et au dernier instant le coup rate. […] Ils montrent un esprit libéral, une modération continue, une raison impartiale. […] L’esprit humain tournait sur ses gonds, et aussi la société civile.
« Il est vrai, devons-nous ajouter par un esprit d’impartialité, avec l’Auteur du Siecle de Louis XIV, il est vrai, que tout le Livre portoit sur un fondement faux. […] Pouvoit-il oublier que ces Pensées ne sont que des éruptions intermittentes d’un esprit accoutumé à réfléchir profondément, & auxquelles les infirmités continuelles de l’Auteur n’ont pas permis de donner de la liaison & de la suite, comme il en avoit l’intention ? […] Dans un autre endroit, il ajoute : Ils ne pourront plus dire qu’il n’y a que de petits esprits qui aient de la piété ; car on leur en fait voir de la mieux poussée dans un des plus grands Géometres, des plus subtils Métaphysiciens, & des plus pénétrans esprits qui aient jamais été au monde.
Dans ces revues où s’assemble une jeunesse vaniteuse, l’esprit de coterie a totalement détruit l’esprit critique. […] On sait où se trouvent le talent, l’élégance et l’esprit. […] Chacun connaît l’esprit confus que possède M. […] Le Blond, sont des modèles d’élégance et d’esprit. […] Maurice Le Blond n’est pas un haut esprit.
L’esprit, sinon la vertu, y trouve son compte. […] La lettre tue, et l’esprit vivifie. […] quelle confiance en l’esprit humain ! […] À l’esprit classique ? […] Mais l’homme cultive le jardin de l’esprit.
L’esprit confondu se trouble devant une telle pensée. […] Ce n’est pas qu’elle ait trop d’esprit, comme on s’est plu à le dire, — on n’a jamais trop d’esprit, et ceux à qui on fait ce reproche ont seulement un esprit disproportionné ; ils manquent d’autre chose. […] Si l’esprit suffit, pourquoi l’accabler aujourd’hui ? […] La confusion dans l’esprit du public date de plus loin. […] Voix chevrotante, esprit capricant.
Pour bien juger de l’esprit de ces lettres, il ne faut point les prendre par telle ou telle phrase détachée, mais il convient de les lire dans leur ensemble. […] Ce n’est pas une pédanterie que je vous demande, ni une capucinade, c’est l’ouvrage d’une âme honnête et d’un esprit juste. […] Ou voit déjà assez ce qu’il faut penser de Bernis pour l’esprit et pour le jugement. […] En agissant ainsi, il était tout à fait dans l’esprit de ses instructions et dans la pente de son caractère personnel. […] On n’arrache pas facilement, des cœurs et des esprits d’un grand royaume, les racines profondes de la religion.
Depuis le mariage de ses filles, Mme de Tracy, soit à Paris, soit à sa campagne de Paray en Bourbonnais, donnait au moins six heures par jour à la lecture et au travail de l’esprit. […] Elles font un solide estomac à l’esprit ; elles enhardissent le goût, et on emprunte de leurs qualités à deux races. […] Mais bientôt les esprits renaissent, le foyer intérieur se ranime, elle se remet à vivre, à penser, à écrire à ses amis ou à les appeler près d’elle, amis de choix et d’un commerce sérieux, parmi lesquels il est juste de nommer MM. […] [NdA] Ce beau monsieur, homme d’esprit, qui est si peu militaire et qui fait de l’ironie en 1808, n’était autre que M. […] Française de cœur, elle avait dans l’esprit et dans le caractère de ces traits passionnément ou agréablement bizarres qui distinguent les filles d’Albion.
Un mot heureux qu’elle dit tout d’abord fit fortune et la classa pour l’esprit : il n’en faut pas plus en pareil cas. […] Votre Majesté ne saurait croire avec quelle noblesse, quelle présence d’esprit, Mme la dauphine s’est conduite ; et M. le dauphin paraissait un écolier auprès d’elle. […] M. le dauphin se mit la couverture sur le visage, mais ma princesse ne cessa de me parler avec une liberté d’esprit charmante, ne faisant non plus d’attention à ce peuple de Cour que s’il n’y avait eu personne dans la chambre. […] Ce qu’il y a de plus fatigant encore, ce sont toutes ces présentations qui ne finissent pas ; et elle veut retenir tous les noms, ce qui est un travail d’esprit terrible ; sans cesse occupée d’ailleurs de plaire et d’attentions. […] Le marquis de Valfons nous représente bien cet esprit de dénigrement et de critique qui se glisse au sein même des États-Majors, et qui n’est pas incompatible avec un certain dévouement.
On avait affaire à des esprits véritablement polis, et dont la conversation ou la correspondance familière s’ornait des rapprochements les plus heureux, des allusions les plus délicates. […] Et c’est ici que, pour donner une idée du poète tel qu’il le conçoit, il recourt au maître de l’esprit le plus sain, du goût le plus sûr, Horace. […] Ici l’on sent plus d’ardeur première et un esprit de progrès, de renouvellement. […] Pourquoi donc De Thou, homme de cette école et de cette lignée d’esprits, a-t-il été inconséquent au programme, et s’en est-il allé écrire en latin ? […] Il va au-devant d’une objection que des esprits superficiels vont refaisant sans cesse.
Pourquoi la retraite nous enlève-t-elle tes grâces, ton esprit ? […] On s’arrache un mot de moi comme une faveur ; on ne parle que de ma réputation d’esprit, de bonté, de mœurs. […] Comment ne me resterait-il pas dans l’esprit un léger nuage sur le rôle que remplira près d’elle le pasteur Empeytaz, depuis qu’on me l’a fait voir prenant si résolument le docteur Gay pour compère ? […] Eynard ; mais c’est assez d’en indiquer l’esprit essentiel et le principe. […] Elle n’avait jamais été une nature bien sensuelle : elle n’avait que l’ambition du cœur et l’orgueil de l’esprit.
C’est tantôt l’une, tantôt l’autre, qui, suivant les temps, y occupe le premier rang ; mais toujours y prédominent des goûts et un esprit aristocratiques. […] Entre ces esprits brillants qui se rencontrent, c’est une lutte à qui brillera le plus, un feu d’artifice où la pensée part en fusées, un pétillement étincelant de saillies et de mots spirituels. […] L’esprit, sous les mille formes qu’il peut prendre, y miroite et chatoie. […] L’homme de cour triomphe et l’esprit régnant s’incarne, comme toujours, en un type significatif. […] Que d’esprits rétrécis par le goût étroit des salons !
Dans ce petit corps très bien taillé et très joli, ce n’était qu’esprit, grâce, saillie et sel pur ; la gaieté du masque couvrait bien du bon sens et des idées profondes. […] Il semble croire que l’esprit de ces farces antiques a pu se perpétuer dans l’original moderne, et lui-même, le petit abbé, il en avait hérité quelque chose, même la bouffonnerie et la licence. […] L’incrédulité est le plus grand effort que l’esprit de l’homme puisse faire contre son propre instinct et son goût. […] On élaguerait les lettres d’affaires, celles où il rabâche, où il se bat les flancs pour avoir trop d’esprit. […] Turgot songeait, disait-on, à octroyer par édit, et de la vouloir très restreinte dans l’intérêt même de l’esprit français, qui se joue mieux et qui triomphe dans la contrainte.
Cette cour de Madame n’était que jeunesse, esprit, beauté, divertissement et intrigue. […] Toutes les femmes du monde, toutes les femmes d’esprit, Mme de Sévigné elle-même, trouvèrent qu’elle manquait de dignité. […] Faut-il croire ce qu’ajoute Madame, mère du Régent, qui nous dit avec sa franchise toute germanique : La Montespan, qui avait plus d’esprit, se moquait d’elle publiquement, la traitait fort mal, et obligeait le roi à en agir de même. […] Ce petit écrit, dans lequel deux ou trois traits au plus ne s’accorderaient pas entièrement avec l’idée classique qu’on se fait de Mme de La Vallière, lui a été attribué par la tradition la plus constante et lui a été compté dans l’estime de ses contemporains : « Il est certain, dit Mme de Caylus, que le style de la dévotion convenait mieux à son esprit que celui de la Cour, puisqu’elle a paru en avoir beaucoup de ce genre. » Mme de Montpellier dit également : « Elle est une fort bonne religieuse et passe présentement pour avoir beaucoup d’esprit : la grâce fait plus que la nature, et les effets de l’une lui ont été plus avantageux que ceux de l’autre. » Si Mme de La Vallière, à qui on avait refusé l’esprit du monde, passait pour en avoir beaucoup dans le genre de la dévotion, ce devait être en grande partie à cause de ce petit écrit qu’on avait lu et qu’on avait cru d’elle. […] Fort inférieure aux deux autres par l’esprit, elle leur est incomparablement supérieure par le cœur : on peut dire qu’à cet égard elle habite dans une autre sphère, où ces deux femmes d’esprit (et la dernière qui fut de plus une femme de raison) n’atteignirent jamais.
Le premier numéro du National (3 janvier 1830) contient un court article de Carrel sur Rabbe, ce Méridional mort à quarante-trois ans, qui « était entré dans le monde à la suite de brillantes études, avec un esprit remuant, un caractère intrépide, des passions vives ; une belle figure, de l’esprit, du cœur, un geste mâle et parlant, une éloquence noble, hardie, animée, entraînante ». […] Le 18 Brumaire avait vu commencer non la servitude, mais l’enchantement de tous les esprits. […] En ces années finales de la Restauration, il y avait un effort dans l’ordre de l’esprit, un essor marqué qui s’essayait en bien des genres. […] « On ne peut attaquer par trop d’endroits à la fois une production pareille, disait Carrel en concluant sur Hernani, quand on voit par la préface des Consolations la déplorable émulation qu’elle peut inspirer à un esprit délicat et naturellement juste. » L’éloge ici rachète certes la critique, et, venant d’un esprit aussi rigoureux, il honore. […] En général, la nature de son esprit était de ne comprendre les choses que par portions et graduellement.
Ces suites sont d’ailleurs des doctrines d’école, qui ont séduit pendant soixante ans les esprits les plus divers, et qui font corps avec l’esprit oratoire. […] Genève en est absente, mais l’esprit de Genève y est. […] Il nourrit pour le luxe, l’élégance, l’individualité de l’esprit, la même méfiance que Caton à l’égard des Grecs. […] La génération de 1820 est appelée à la vie de l’esprit par la paix. […] Mais il est de qualité, attentif, enthousiaste, abondant en femmes d’esprit et de goût.
Des métaphores excessives font passer devant l’esprit des rêves grotesques. […] L’esprit anglais consiste à dire en style solennel des plaisanteries folles. […] Nous sommes des esprits pratiques, et nous ne voulons pas que la littérature corrompe la vie pratique. […] Vous n’aurez point ce mérite immoral ; d’ailleurs il ne convient point à votre genre d’esprit. […] Vous ne pouvez former l’esprit d’un animal raisonnable qu’avec des faits.
Avec l’établissement de 1688, un nouvel esprit apparaît en Angleterre. […] L’Esprit des Lois de Montesquieu est aussi « l’esprit sur les lois. » Les périodes de Rousseau, qui enfanteront une révolution, ont été, dix-huit heures durant, tournées, polies, balancées dans sa tête. […] L’esprit y trouve une sorte de bal ; jugez de quel empressement il s’y porte ! […] La plupart, avec de l’esprit, sont tourmentés par leur esprit même. […] À toutes ces puissances d’esprit qui font le systématique, il ajoutait toutes les énergies du cœur qui font l’enthousiaste.
Il est esprit. […] C’est un esprit réfléchi. […] Il est essentiellement un esprit de tradition. […] Il est né en Lorraine, c’est un esprit germain. […] Mais peu d’esprits en sont dignes.
C’est, après tout, au talent, à l’esprit qu’il faut s’en prendre ; c’est là qu’est le point défectueux. Victorin Fabre avait des qualités de jeune homme, et supérieures à celles que cet âge présente d’ordinaire : il avait la générosité de la jeunesse, il y joignait un esprit grave, une application constante, une faculté d’analyse et d’examen qui, dans l’expression, savait se revêtir de nombre et d’un certain éclat. […] Les leçons suivantes, dans lesquelles on ne pouvait méconnaître les élaborations d’un esprit consciencieux et méditatif, parurent de plus en plus pénibles et sans résultat. […] Suard me disait un jour, en sortant de dîner chez le cardinal Maury (qui, par parenthèse, mangeait beaucoup), etc., etc. » Que d’esprits en sont là, ne marquant réellement qu’une heure ! […] Des morceaux qu’il a publiés sous les auspices de ces maîtres, et qu’ils ont couronnés, je préférerais l’Éloge de La Bruyère, qu’on relit avec plaisir et avec fruit : l’Éloge de Corneille, tant vanté, sent trop le rhétoricien encore ; l’Éloge de Montaigne accuse déjà un esprit fatigué, l’étouffement commence.
Il est pourtant des esprits plus fortement doués pour lesquels la raison des choses est l’objet constant et fixe d’une véritable passion et d’un violent besoin ; ils la poursuivent en toute recherche, la demandent à chaque circonstance, et, obsédés du tourment de l’atteindre, plutôt que de s’en passer, la supposent. Il semble que la vraie destination, le rendez-vous naturel de tels esprits ne puisse être que la philosophie ou la science, et que dans l’une ou l’autre seulement, ils puissent se donner satisfaction ou du moins carrière. […] Mais son exemple n’en demeure pas moins fécond et mémorable ; encourageant pour les esprits supérieurs qu’un instinct invincible pousse en toute espèce d’étude à la recherche des principes et des lois, puisqu’il agrandit pour eux la carrière, en leur ouvrant l’histoire ; glorieux pour celle-ci, puisqu’il l’enrichit d’un genre nouveau, l’élève en quelque sorte au rang de science, et lui assure ainsi les veilles de ceux-là même qui autrement peut-être lui eussent refusé jusqu’à leur estime. […] Son seul tort est d’avoir exclusivement rattaché à cet ordre unique de causes, des résultats auxquels ont concouru, pour une part indéterminée et peut-être immense, d’autres causes obscures et inappréciables, comme s’il en avait trop coûté à son esprit rigoureux d’admettre de la réalité ailleurs que là où il découvrait de l’ordre et des lois. […] de ces deux solutions si conformes mais si diversement exposées du même problème historique, l’une figure à mon esprit le spectacle de ces constructions géométriques, à la fois élégantes et hardies, qui sont nées comme de toutes pièces dans la tête de l’inventeur ; l’autre plutôt me rappelle ces mouvements gradués d’une analyse moins ambitieuse, ces transformations qu’on quitte et reprend à son gré, et auxquelles, chemin faisant, l’esprit se complaît si fort, qu’il ne se souvient du but qu’à l’instant où il l’atteint.
On vous l’a dit avec une parfaite raison : la culture rationnelle de l’esprit, le perfectionnement de l’être intellectuel et moral ne s’improvisent pas. […] Le problème du gouvernement des sociétés devient de plus en plus un problème scientifique, dont la solution suppose l’exercice des plus rares facultés de l’esprit. […] Il faudrait ajouter que la grande force de nos jours, c’est la culture de l’esprit à tous ses degrés. […] Ce pauvre XIXe siècle dont on dira tant de mal, aura eu ses bonnes parties, des esprits sincères, des cœurs chauds, des héros du devoir. […] La largeur d’esprit n’exclut pas de fortes règles de conduite.