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964. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface d’« Hernani » (1830) »

Ces détails de critique peuvent ne pas être sans intérêt ni sans enseignements, mais ils sembleraient minutieux aujourd’hui ; la liberté de l’art est admise, la question principale est résolue, à quoi bon s’arrêter aux questions secondaires ? […] Il accepte les critiques qui en ont été faites, les plus sévères comme les plus bienveillantes, parce qu’on peut profiter à toutes.

965. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Joseph Scaliger, et Scioppius. » pp. 139-147

Auteurs morts & vivans, tous furent également immolés à sa critique. […] Le même Baillet observe que dieu, qui pouvoit faire succomber ce critique épouvantable à ses veilles continuelles, au travail excessif de ses études, permit qu’il vécut une vingtaine d’olympiades, & davantage, pour l’exécution de quelque grand dessein, & l’expiation des péchés des hommes.

966. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres mêlées de Saint-Évremond »

Il ne faut pas demander aux hommes de ce temps-là une critique historique bien profonde en ce qui concerne l’Antiquité : il y a bien loin, comme l’on peut penser, de Saint-Évremond à Niebuhr et à Monvnsen ; mais, au sortir des doctes élucubrations du xvie  siècle, et en se débarrassant du matériel de l’érudition et des questions de grammaire, il y eut alors quelques hommes de sens qui raisonnèrent à merveille sur les données générales qu’on avait à sa portée et sous la main : on dissertait volontiers sur le caractère des Romains et des Grecs, sur le génie de César et d’Alexandre. […] Les défauts premiers de la manière de Racine sont bien saisis : le poëte prête trop de tendresse aux anciens héros ; il les fait trop amoureux, trop galants, trop Français : Saint-Évremond a trouvé déjà toutes ces critiques, tant répétées depuis. […] L’esquisse rapide qu’il fait d’une tragédie d’Alexandre telle qu’il l’aurait souhaitée, d’un Porus doué d’une grandeur d’âme « qui nous fût plus étrangère » ; ce tableau qu’il conçoit d’un appareil de guerre tout extraordinaire, monstrueux et merveilleux, et qui, dans ces contrées nouvelles, au passage de ces fleuves inconnus, l’Hydaspe et l’Indus, épouvantait les Macédoniens eux-mêmes ; ces idées qu’il laisse entrevoir, si propres à élever l’imagination et à tirer le poëte des habitudes doucereuses, nous prouvent combien Saint-Évremond aurait eu peu à faire pour être un critique éclairé et avancé. […] Le sujet de Saint-Évremond n’était peut-être pas très-propre à un exercice académique ; car, on a beau proposer une Étude, non un Éloge, il y a des points qui sont plus du ressort de la critique familière et de la causerie que du développement oratoire, où il entre toujours un peu de convenu. […] Mais à voir tous ces adoucissements de la critique et toute la rançon d’éloges qu’il a fallu pour la faire passer, je ne puis retenir une réflexion : si M. 

967. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SUE (Jean Cavalier). » pp. 87-117

Mais, pour l’aborder plus à l’aise avec ma critique, je la concentrerai d’abord sur Arthur, qui est un roman tout à fait distingué et où il y a fort à louer, tant pour la connaissance morale que pour la façon. […] Avait-il bien dessein en cela, comme il le déclare dans la préface de la Vigie, d’amener, d’induire, par les critiques mêmes qu’on lui ferait, le parti libéral et philosophique à reconnaître qu’il n’est pas de bonheur pour l’homme sur la terre si on lui arrache toute illusion ? […] Toutes ces critiques, au reste, ces observations mêlées d’éloges et de réserves, l’auteur qui en est l’objet et à qui nous les soumettons nous les passera ; elles sont même, disons-le, un hommage indirect que nous adressons en lui à une qualité fort rare aujourd’hui et presque introuvable chez les hommes de lettres et les romanciers célèbres. […] Sue au contraire a toujours, avec une convenance parfaite, essuyé la critique sans la braver ; il n’y a jamais en aucune préface riposté avec aigreur ; homme du monde et sachant ce que valent les choses, il a obéi à son talent inventif d’écrivain et de conteur sans faire le grand homme à tout propos. […] Eugène Sue comme romancier, à la veille encore de ses Mystères de Paris ; à dater de ce jour-là, sa position en face du public et de la critique a visiblement changé : rien de surprenant que nous changions aussi.

968. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « UNE RUELLE POÉTIQUE SOUS LOUIS XIV » pp. 358-381

Un peu d’idylle, même en critique : je reprends ma houlette et je fais taire mon chien. […] Et combien n’y a-t-il pas, en effet, de Mme Des Houlières dans le goût comme dans les idées de cette spirituelle Launay, contre laquelle un illustre critique a été si ingénieusement sévère ! […] On ne parla d’autre chose pendant tout le souper ; chacun dit son sentiment sur la tragédie, et on se trouva plus disposé à la critique qu’à la louange. […] Tome V des Nouveaux Mémoires d’Histoire, de Critique et de Littérature, par l’abbé d’Artigny. […] Villemain qui, avec tant de qualités supérieures du critique, n’a pas le courage du jugement, n’a pu se défaire de l’idée que Mlle de Launay avait été femme de chambre, une soubrette !

969. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre douzième »

Cette incertitude se trahit à chaque instant dans un ouvrage de d’Alembert, que rendent d’ailleurs agréable la diversité des sujets et le mélange de la biographie et de la critique, les Éloges des membres de l’Académie française. […] Au reste, ce que la critique littéraire ôte à ce dernier, la science le lui rend. […] Ses Salons, parmi beaucoup de critiques justes et piquantes, ont le défaut de confondre les limites des arts, et de demander à la palette et au ciseau ce qu’il faut laisser à la plume. […] Toutes les nouveautés durables de la première moitié du dix-neuvième siècle, en poésie, en histoire, en critique, ont reçu de Chateaubriand ou la première inspiration ou l’impulsion décisive. […] Fontanes, dans une ode à Chateaubriand, lui dit : Contre toi du peuple critique Que peut l’injuste opinion ?

970. (1767) Sur l’harmonie des langues, et en particulier sur celle qu’on croit sentir dans les langues mortes

Notes (1) Ce dernier raisonnement, si péremptoire, est d’un chanoine de Rouen, qui n’ayant jamais été attaqué, ni même connu de l’auteur de cet article, a jugé à propos de lui dire beaucoup d’injures dans une critique qu’il a faite de trois ou quatre des nombreux articles donnés par cet homme de lettres à l’Encyclopédie 4. […] L’exactitude, disait un homme d’esprit, est la vertu d’un sot ; cet homme d’esprit avait tort en cela ; mais il est au moins certain que ce devrait être la vertu d’un critique qui reprend dans un ouvrage les points et les virgules, et qui assaisonne sa censure de beaucoup d’invectives. […] De se borner, dans ses critiques, à relever les erreurs de dates, de noms propres, d’une lettre mise pour une autre, d’une virgule de trop ou de moins, et autres méprises de cette espèce, à condition cependant qu’il y sera fort exact, ce qui ne lui arrive pas toujours ; mais de ne pas toucher aux raisonnements bons ou mauvais, et de s’abstenir de raisonner lui-même le plus qu’il lui sera possible. […] Enfin, on conseille à ce critique de ne point attaquer grossièrement des hommes tels que M. de Voltaire, dont toutes les satires du chanoine, latines et françaises, ne pourraient effleurer la réfutation. […] Cette critique se trouve dans une brochure publiée par le chanoine contre le Dictionnaire encyclopédique.

971. (1868) Curiosités esthétiques « IV. Exposition universelle 1855 — Beaux-arts » pp. 211-244

Méthode de critique — De l’idée moderne du progrès appliquée aux beaux-arts — Déplacement de la vitalité Il est peu d’occupations aussi intéressantes, aussi attachantes, aussi pleines de surprises et de révélations pour un critique, pour un rêveur dont l’esprit est tourné à la généralisation aussi bien qu’à l’étude des détails, et, pour mieux dire encore, à l’idée d’ordre et de hiérarchie universelle, que la comparaison des nations et de leurs produits respectifs. […] Cependant c’est un échantillon de la beauté universelle ; mais il faut, pour qu’il soit compris, que le critique, le spectateur opère en lui-même une transformation qui tient du mystère, et que, par un phénomène de la volonté agissant sur l’imagination, il apprenne de lui-même à participer au milieu qui a donné naissance à cette floraison insolite. […] J’ignore quel est le peintre qui a eu l’honneur de faire vibrer, conjecturer et s’inquiéter l’âme du grand romancier, mais je pense qu’il nous a donné ainsi, avec son adorable naïveté, une excellente leçon de critique. […] Ingres Cette Exposition française est à la fois si vaste et généralement composée de morceaux si connus, déjà suffisamment déflorés par la curiosité parisienne, que la critique doit chercher plutôt à pénétrer intimement le tempérament de chaque artiste et les mobiles qui le font agir qu’à analyser, à raconter chaque œuvre minutieusement.

972. (1899) Le roman populaire pp. 77-112

Une foule d’écrivains s’y essayent ; plusieurs y gagnent une fortune, une réputation, on pourrait dire une gloire d’une espèce particulière ; ils voient leur nom et leurs œuvres pénétrer dans des milieux où n’ont jamais pénétré ceux des maîtres de la littérature française ; ils intéressent, ils font pleurer, ils égayent, ils ennuient un peuple entier ; ils sont les vrais créateurs et les vrais soutiens d’une certaine presse, investis d’une puissance plus immédiate sur ses destinées que tous les écrivains politiques, les économistes, les critiques, les reporters et les correspondants de la rédaction, et je me rappelle que l’administrateur général d’un des plus importants petits journaux de Paris me disait que, dans la première semaine après le commencement d’un feuilleton, le tirage du journal montait ou s’abaissait de cinquante mille, de quatre-vingt mille exemplaires par jour, selon que le feuilleton plaisait ou ne plaisait pas. […] Mais je n’ai pas à faire ici de critique littéraire, et la seule chose que je veuille expliquer, c’est l’impossibilité de faire entrer le roman naturaliste dans le genre que j’ai appelé : le roman populaire. […] Un critique inconnu, un certain M.  […] Le combat intérieur qui la précède est plus magnifique encore, et il est conduit, ravivé, mené à son terme avec un art prodigieux. » De nos jours, un critique, l’un des plus sagaces et aussi l’un des plus sévères qui aient jugé Victor Hugo, — j’ai nommé Edmond Biré, — n’hésite pas à écrire ces lignes : « Si les Misérables avaient été continués et terminés dans le même esprit qui avait présidé à leur conception ; s’ils n’avaient pas été dénaturés, envenimés par les passions de l’auteur devenu démagogue et socialiste ; s’ils n’avaient pas été démesurément enflés par des épisodes qui débordent le cadre primitif, … l’œuvre du poète, qui reste encore très puissante et très belle, serait la plus admirable qu’il eût écrite, une des plus belles de notre littérature. » Tout le monde connaît la thèse, l’idée maîtresse des Misérables. […] La formule la plus nette en a été donnée par un de nos meilleurs critiques contemporains, un des plus ouverts cependant et des plus informés, M. 

973. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Ces légères critiques n’empêchent point que M.  […] Mais ici je m’arrête, pénétrer plus loin n’est pas l’affaire du critique. […] Elles forment le fond de cette critique indirecte que La Bruyère a hasardée du Tartuffe, en peignant son Onuphre. […] Mais que de critiques à faire dans le reste de l’interprétation. […] Vous m’annoncez que ma critique ne vous aura pas été inutile.

974. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Taine, dans ses Essais de critique et d’histoire, en a très agréablement et très spirituellement parlé ; M.  […] Trois choses sont devenues nécessaires en critique : le sentiment littéraire, l’érudition historique et la philosophie. […] Cependant, si nous adressions une critique à l’ouvrage de M.  […] En tout cas, les recherches de la critique l’ont ruinée pour toujours, et de fond en comble. […] Le livre eut quelque succès, mais souleva plus d’une critique.

975. (1930) Le roman français pp. 1-197

Pas même de « critique littéraire » au sens propre du mot. […] On ne voit pas trop bien ce que ces critiques reconstruisent. […] C’est la seule critique que je pourrais lui adresser. […] Le distingué critique littéraire du Temps, M.  […] limitée à la critique et à la démolition.

976. (1853) Portraits littéraires. Tome I (3e éd.) pp. 1-363

Hugo adresse à la critique. Jamais poète, en effet, n’a été traité par la critique avec plus de révérence et de ménagements. […] La critique n’a aucun intérêt à résoudre cette question. […] La critique n’a pas à s’occuper d’eux, puisque depuis longtemps, ils ont renoncé à s’occuper de littérature. […] Le mérite de ces œuvres est une question purement industrielle où la critique n’a rien à voir.

977. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mars 1886. »

  … Il convient d’ajouter que la critique berlinoise fait preuve en cette circonstance de beaucoup d’esprit et de tact. […] Également critique de peinture, il s’en prit avec virulence aux symbolistes pendant les expositions de 1876 et 1879. On remarquera qu’il est de l’opinion contraire de l’un des critiques dramatiques les plus connus d’alors : Francisque Sarcey (note suivante). […] Francisque Sarcey (1827-1899) était un critique dramatique et un journaliste français. D’abord enseignant, il devint ensuite journaliste au Figaro, critique dramatique au journal L’Opinion nationale et au Temps.

978. (1914) Boulevard et coulisses

Quand un de ces malheureux s’y risquait, il fallait voir avec quel entrain la critique le renvoyait à l’école ! […] Jules Lemaître lui consacra une étude dans la Revue Bleue et marqua tout de suite cette jeune notoriété du boulevard du sceau de la haute critique. […] Grosclaude y faisait les échos de théâtre et la critique dramatique, et il parlait des auteurs et des artistes sur un ton irrespectueux qui contraste étrangement avec la dévotion d’aujourd’hui. […] Il faudrait étudier encore, dans cette transformation de nos mœurs littéraires, le rôle de la critique qui, en France, a toujours été prépondérante. Ce rôle, la critique semble vouloir l’abandonner, et ce serait pour les lettres une perte irréparable ; car elle est le lien puissant et indispensable entre les écrivains et le public.

979. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. de Fontanes »

M. de Fontanes, que nous savons poëte, devient un critique au Mercure. […] Il était hors de lui : « Voilà de la critique, voilà de la littérature ! […] Poëte d’avant 89, critique de 1800, il va devenir orateur impérial. […] Villemain, d’abord disciple de M. de Fontanes dans la critique qu’il devait bientôt rajeunir et renouveler, l’allait visiter quelquefois dans ces années 1812 et 1813. […] Ce qu’on a depuis appelé le combat romantique n’était qu’à peine engagé, et sans la pointe de critique qui a suivi.

980. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXVII » pp. 306-312

Quant au fond des jugements, il satisfait en général, même ceux d’entre les témoins et acteurs survivants qui seraient tentés d’épiloguer le plus : il y a quelques points seulement où la critique porte avec raison. […] — Il est un genre de critique que peu de personnes s’aviseront de faire à l’ouvrage de M.

981. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre II. De la sensibilité considérée comme source du développement littéraire »

Au reste la critique de notre siècle a fait une rude guerre il toutes ces belles paroles ; elle nous a appris qu’il fallait les imputer plus souvent à l’homme d’esprit qui racontait, qu’à homme de cœur qui avait senti. […] Le remède est dans l’esprit : il faut l’élargir, le remplir, lui donner des habitudes de réflexion active, affiner ses pénétrations, son sens critique.

982. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’abbé Boileau, et Jean-Baptiste Thiers. » pp. 297-306

Il parut différentes critiques en 1703. […] La critique de Thiers fut appuyée d’une autre que donna le P.

983. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Mais Sainte-Beuve a tempéré sa critique d’une indulgence qu’il n’a pas toujours accordée à de beaucoup plus grands que Fléchier ; et M.  […] Ce n’était tout à l’heure que l’ignorance des règles élémentaires de la critique historique : c’en est ici le parfait mépris. […] Il tenait à cœur de se justifier de cette critique, et il avait raison. […] Seulement, il n’y a pas dans les Lettres de Voltaire un mot d’éloge qui tempère l’amertume de la critique, et, parmi des critiques sévères, il n’y a pas d’injures dans la feuille de Fréron144. […] Mais nous employons à ces critiques plus de mots qu’elles n’ont d’importance.

984. (1887) Études littéraires : dix-neuvième siècle

Certes il est très beau, ce livre, et nous aurons lieu de le dire quand nous le considérerons comme œuvre d’art et de critique. […] Le mot de Barthélémy : « tes Gloria Patri délayés en deux tomes », est l’expression basse et méchante d’une critique juste. […] Un bon livre de critique est un traité sur les dangers de la boisson. […] Il y a une foule de pages de critique ou de théorie littéraire très intéressantes dans Hugo, mais il n’y a ni critique ni théorie littéraire. […] Ses critiques sont non pas des analyses et des études psychologiques sur un écrivain, ce qu’elles devraient être si elles veulent qu’on les appelle critiques, mais des vision ».

985. (1888) Épidémie naturaliste ; suivi de : Émile Zola et la science : discours prononcé au profit d’une société pour l’enseignement en 1880 pp. 4-93

Tel était à peu près le fond des articles publiés par la jeune critique. […] Tous allaient, poussés par la renommée, apprécier, sur la foi des critiques, les œuvres du maître. […] De temps en temps, timidement et tout en qualifiant l’auteur de grand homme, quelques critiques ont bien hasardé de craintives et respectueuses observations. […] Et les critiques zolâtres de plaindre ce génie déclassé dans un milieu au-dessous de lui-même. […] c’était un égorgement, un massacre ; toute la critique hurlant à ses trousses, une bordée d’imprécations comme s’il eût assassiné les gens.

986. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Figurines (Deuxième Série) » pp. 103-153

Sa marque, comme critique, c’est d’être, avant tout et presque uniquement, préoccupé et amoureux des idées ; d’être un pur « cérébral », un pur « intellectuel », dirais-je, si ces mots étaient mieux faits et si un mauvais usage n’en avait corrompu et obscurci le sens. D’autres critiques racontent leur propre sensibilité à l’occasion des œuvres qu’ils analysent. […] Faguet est le critique le plus austèrement « objectif » que je sache (et c’est cela peut-être qui rend austère aussi la définition que je tente de son talent). […] Liberté fière, ignorance de toute intrigue, nulle vanité, simplicité de mœurs, humeur un peu farouche, bienveillance de pessimiste pour les personnes… je ne dis point que ces vertus ou ces dispositions sont impliquées par son scrupuleux objectivisme critique ; mais, quand on connaît qu’il les a en effet, le souvenir de ses livres fait qu’on n’en est point étonné, et que l’on s’y attendait. […] Mais, comme critique des « penseurs », il me paraît le critique idéal.

987. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

Le génie, c’est d’avoir à la fois la faculté critique et les dons du simple. […] Moi, critique inflexible, je ne serai pas suspect de flatterie pour un homme qui cherche la trinité en toute chose et qui croit, Dieu me pardonne ! […] Mais c’est une faute contre toute critique que de prétendre ériger une telle méthode en méthode scientifique et de faire d’une construction idéale une discussion objective sur les qualités d’un être. […] S’il s’est opéré un retour vers le catholicisme, ce n’est donc nullement parce qu’un progrès de la critique y a ramené, c’est parce que le besoin d’une religion s’est plus vivement fait sentir, et que le catholicisme seul s’est trouvé sous la main. […] Son œuvre a été de révéler à la critique une veine de beauté inaperçue dans les dogmes et le culte chrétiens ; mais il aurait dû s’en tenir au passé et ne pas chercher de poésie dans des platitudes jésuitiques.

988. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — II. (Fin.) » pp. 213-233

La Catherine de Médicis, telle qu’elle se présente et se développe chez Mézeray en toute vérité, est faite pour tenter un moderne : comme il n’y a guère de nouveau que ce qui a vieilli, et qu’on ne découvre bien souvent que ce qui a été su et oublié, le jour où un historien moderne reprendra la Catherine de Médicis de Mézeray en lui imprimant quelques-uns de ces traits un peu forcés qu’on aime aujourd’hui, il y aura un grand cri d’étonnement et d’admiration, et les critiques du moment auront à enregistrer une découverte de plus. […] C’est ainsi encore que le plus ou moins de goût que l’historien peut avoir pour les édits du chancelier de L’Hôpital ne l’empêche pas de nous rendre fidèlement l’état des esprits à cette époque critique où le parti des protestants faillit prendre le dessus dans le royaume. […] Son Abrégé chronologique parut en trois volumes (1667) ; il s’était fait aider, pour la partie ecclésiastique, du docteur Launoy, esprit critique, et qui avait un coin d’originalité en commun avec lui. […] [NdA] Ce curieux projet de privilège se trouve également aux Manuscrits de la Bibliothèque impériale dans les papiers de Mézeray, au milieu du volume intitulé Dictionnaire historique, géographique, étymologique, particulièrement pour l’histoire de France et pour la langue française ; c’est le même ouvrage que Camusat a publié sous le titre de Mémoires historiques et critiques, etc., par Mézeray.

989. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Le journal de Casaubon » pp. 385-404

Excellent critique, incomparable pour le grec, et ne le cédant à aucun pour le latin, ses remarques sur les anciens auteurs sont des trésors. […] Casaubon, né à Genève de parents français réfugiés, y professait le grec depuis l’âge de vingt-trois ans ; il était gendre de Henri Estienne, et sa femme, la plus féconde des mères, lui donnait chaque année un enfant ; il y avait quatorze ans déjà qu’il enseignait, et il s’était fait connaître au dehors par des ouvrages de première qualité en leur genre, notamment par ses travaux sur Strabon, sur Théophraste, lorsque le président de Thou eut l’idée, sur sa réputation, et l’estimant le premier des critiques, de l’attirer en France et de le rendre à sa patrie : après les ravages des guerres civiles, les études y étaient comme détruites, et l’on avait bien besoin d’un tel restaurateur des belles-lettres. […] À propos de cette critique de Commynes dans la bouche de Jacques Ier, faisons pourtant remarquer nous-même que, loin d’être léger dans son jugement des Anglais et des institutions anglaises, Commynes est bien informé, plein de sens, de prévoyance, et que dans la différence qu’il établit entre la manière dont les choses se passaient de son temps en France et en Angleterre, il devance tout à fait les publicistes modernes et Montesquieu. […] Cette critique est un suffrage de plus tout à l’honneur du sage historien.

990. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Idées et sensations : par MM. Edmond et Jules de Goncourt. »

J’ai le plaisir de les connaître particulièrement, et j’ai tant entendu déraisonner sur eux à propos de ce dernier drame spirituel et passionné, vif et hardi, incomplet et brusque, qui méritait la critique et l’attention, — j’ai tant entendu débiter, à ce sujet, de lieux communs et de fadaises (Melpomène, la dignité des genres, la Maison de Molière, etc.), que l’envie me prend d’esquisser le portrait littéraire de ces deux frères unis, ou plutôt de l’extraire du présent volume qu’ils viennent de publier, Idées et Sensations, — un recueil de pensées, de fantaisies et de petits tableaux, qu’ils ont dédié à Gustave Flaubert. […] Ils n’ont jamais assez de couleurs et de nuances pour nous les rendre ; il leur semble qu’ils n’en ont jamais assez dit, assez exprimé. « L’excès en tout est la vertu de la femme, ont-ils dit. — Trop suffit quelquefois à la femme. » Ils sont de ces critiques délicats et raffinés qui ont cette, vertu féminine : ils veulent du trop ; ils s’en contentent quelquefois. […] Voltaire a enterré le poème épique, le conte, le petit vers et la tragédie : Diderot a inauguré le roman moderne, le drame et la critique d’art. […] Assez de critiques et de chicanes comme cela !

991. (1829) De la poésie de style pp. 324-338

D’abord, s’il faut en croire les critiques, Jean Paul est intraduisible ; ils ont décidé qu’il était aussi impossible de traduire ses œuvres que de qualifier son génie. […] Quelque déguisement qu’il prenne, cette pensée est toujours sa pensée favorite et inspiratrice : c’est elle qui met en œuvre son imagination, qui donne un but à ses fictions les plus folles, qui relève et ennoblit ses peintures de la vie la plus triviale, qui a dicté ses recherches purement scientifiques, ses ouvrages de critique et d’esthétique, comme ses plus bizarres rêveries et ses plus obscures conceptions. […] Les critiques du temps déchiraient ces grandes figures, et, en prenant les lambeaux, qui n’offraient plus alors que des associations de mots en apparence fort bizarres, ils demandaient par exemple ce que signifiait le vent de la mort et ces orages qui devaient emporter René dans les espaces d’une autre vie. […] Aussi, en Angleterre Wordsworth11, en France les critiques de la nouvelle école poétique, en sont-ils venus à professer que le poète ne peut pas être compris de tout le monde, mais qu’il doit se faire son public, ses adeptes, ses fidèles, presque comme s’il écrivait dans une langue inconnue.

992. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Balzac. » pp. 443-463

Je tâcherai de le faire à l’égard de M. de Balzac, avec un sentiment dégagé de tout ressouvenir personnel31, et dans une mesure où la critique seulement se réserve quelques droits. […] Il appréciait peu la critique ; il avait fait sa trouée dans le monde presque malgré elle, et sa fougue n’était pas, je crois, de celles qui se peuvent modérer ni diriger. Il a dit quelque part d’un artiste sculpteur découragé et tombé dans la paresse : « Redevenu artiste in partibus, il avait beaucoup de succès dans les salons, il était consulté par beaucoup d’amateurs ; il passa critique comme tous les impuissants qui mentent à leurs débuts. » Ce dernier trait peut être vrai d’un artiste sculpteur ou peintre qui, au lieu de se mettre à l’œuvre, passe son temps à disserter et à raisonner ; mais, dans l’ordre de la pensée, cette parole de M. de Balzac, qui revient souvent sous la plume de toute une école de jeunes littérateurs, est à la fois (je leur en demande bien pardon) une injustice et une erreur. […] La critique la plus cordiale, celle d’un ami, d’un camarade, comme il l’était de Louis Lambert, aurait-elle jamais pu lui faire accepter quelques idées de sobriété relative, et les lui introduire dans le torrent de son talent, pour qu’il le contînt et le réglât un peu ?

993. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Charles Perrault. (Les Contes des fées, édition illustrée.) » pp. 255-274

Mais, à propos de ce crédit de Perrault et de ce rôle d’intermédiaire entre le ministre et les Académies, à en juger simplement, il m’est impossible, je l’avoue, de partager, l’opinion plus que sévère d’un critique respecté (M.  […] Contre les doctes de ses amis, Charpentier46, Ménage, le couple Dacier et les pédants en us ; contre ces illustres traducteurs qui, à la moindre critique sur Platon ou sur Homère, se fâchent « comme s’ils en étaient descendus en ligne directe (car des collatéraux ne prendraient jamais la chose si fort à cœur) » ; contre eux tous, Perrault, ce me semble, a d’emblée gain de cause devant nous. […] Il ne l’entend pas, et pourtant il jette à ce propos mille pensées fort neuves, fort spirituelles, et que la science critique a depuis plus ou moins exploitées ; il a des ouvertures imprévues et heureuses. […] Pour venger Pindare que l’autre insultait, il s’avisa d’un singulier moyen de défense, ce fut de faire son ode pindarique sur La Prise de Namur (1693), qui prêta tant à la critique et qui compromit la cause.

994. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — II. (Fin.) » pp. 476-495

Jordan, né à Berlin en 1700, avait douze ans de plus que le roi ; sa grande passion était pour les livres et pour les miscellanées littéraires, pour ce genre d’érudition ou de critique qui était une continuation et comme un débris du xvie  siècle, et qui, remplacé chez nous par une culture plus brillante au début du règne de Louis XIV, ne subsistait plus dans tout son honneur que hors de France, en Hollande, à Genève, à Berlin. […] C’était un ami de fondation ; Frédéric le consultait sur ses écrits et l’avait constitué son critique, son homme de lettres. […] D’Argens, dans je ne sais quel de ses ouvrages, avait fait des réflexions critiques sur l’amitié, et avait voulu prouver qu’on peut s’en passer et être heureux : Je ne suis malheureusement point de votre sentiment sur l’amitié, lui répond Frédéric (31 août 1745) : je pense qu’un véritable ami est un don du ciel. […] À l’histoire seule appartient le devoir de l’apprécier dans son ensemble, de marquer avec impartialité les mérites, les grandeurs et les défauts du souverain, et de prendre toute sa mesure : c’est assez pour la critique littéraire, si elle a pu rendre sur un point un hommage et une justice bien dus au plus littéraire des rois.

995. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VI. Daniel Stern »

Mme Daniel Stern avait-elle spéculé sur l’embarras dans lequel ce mot de « madame » devant un nom, même faux, jette nécessairement le critique, ou n’avait-elle voulu que se révéler, en se cachant, et jouir du privilège du masque, sans en avoir l’inconvénient ? […] Le curieux de sa rubrique aurait-il été de préconiser la liberté sans oser la prendre et sans vouloir qu’on la prît avec elle, en faisant la critique dupe ou victime d’une étiquette de bal masqué, qui lui donnait, à elle, toutes les cartes et l’impunité de son jeu ? […] … Quoi qu’il en soit de ces points de vue divers, la grande question qui domine les Esquisses morales et la pensée de leur auteur est l’émancipation de la femme, et c’est sur cette question que la Critique doit particulièrement insister. […] Mme de Staël, que des critiques sans observation et sans justice se sont permis d’appeler une virago, avait dans sa grosse tête, — et de femme, malgré sa grosseur, — plus d’homme cent fois que Mme Stern n’en a dans la sienne.

996. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « M. Viguier »

Il y avait entendu, trente années auparavant, tous les grands professeurs qui présidèrent à la renaissance de l’érudition et de la critique, et, entre autres, à Berlin, l’illustre Wolf. […] c’est un type romain, et vous avez beau le trouver charmant et ne pas vous lasser de l’aller entendre, de lui faire des compliments dans sa langue et de recevoir les siens, gardez-vous de lui dire que la critique littéraire est jusqu’à un certain point une branche de la philosophie et de la critique historique ; que le divin Dante tient quelquefois du barbare (sans en être moins étonnant et moins intéressant, tant s’en faut !)

997. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Chants du crépuscule (1835) »

Cette forme d’expression pour l’imagination et pour le sentiment, lorsqu’on la possède à un haut degré, est tellement supérieure, d’une supériorité absolue, à l’autre forme, à la prose ; elle est si capable d’immortaliser avec simplicité ce qu’elle enferme, de fixer en quelque sorte l’élancement de l’âme dans une attitude éternelle, qu’à chaque retour d’un grand et vrai talent poétique vers cet idiome natal il y a lieu à une attente empressée de toutes les âmes musicales et harmonieuses, à un joyeux éveil de la critique qui sent l’art, et peut-être, disons-le aussi, au petit dépit mal caché des gens d’esprit qui ne sont que cela. […] Cette critique de détail, quoique depuis longtemps on ait perdu l’habitude d’en faire, nous a paru indispensable en présence d’une production aussi importante de la maturité d’un poëte de génie. […] Au résumé, et malgré nos critiques, qui se réduisent presque toutes à une seule, à un certain manque d’harmonie parfaite et de délicate convenance, les Chants du Crépuscule non-seulement soutiennent à l’examen le renom lyrique de M.

998. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET (La Confession d’un Enfant du siècle.) » pp. 202-217

M. de Musset avait aussi le mérite de ne pas trop se flatter ; le ton sincèrement modeste de ses dernières préfaces contrastait d’une manière frappante avec la façon cavalière et presque arrogante de ses débuts, et cette modestie si rare, qui accueillait la critique, s’accordait bien avec le dégagement de moins en moins contestable de son talent. […] J’ai noté, dans ce chapitre II, page 8, une phrase sur Napoléon, sur son arc, sur la fibre humaine qui en est la corde, et sur les flèches que lance ce Nemrod, et qui vont tomber je ne sais où ; une pareille phrase, si on la lisait dans la traduction du Titan de Jean-Paul, ferait dire : « Cela doit être beau dans l’original, » et ce demi-éloge de la pensée serait, à mes yeux, la plus sensible critique du style et de l’expression. Avant de laisser le brillant et nouveau témoignage de force et de talent donné par M. de Musset, aux limites et presque en dehors de la critique littéraire sur laquelle nous avons trop insisté peut-être, que l’auteur, que l’ami nous permette un vœu encore.

999. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre I. Publicistes et orateurs »

Il est certain que ni les idées — et il y en a beaucoup — ni l’esprit — et il y en a plus encore — ni tous les dons du critique, de l’écrivain, de l’orateur même, ne suffisent à expliquer le plaisir complexe et complet que donne, à la foule comme aux délicats, M.  […] l’Idée de Dieu et ses nouveaux critiques, 1 vol. ; le Pessimisme au xixe s. […] Francisque Sarcey (né en 1828). sorti de l’École Normale en 1851. professeur de 1851 à 1858, puis journaliste, chargé de la critique dramatique au Temps depuis 1867, se fit remarquer par ses conférences dès les dernières années de l’empire. — Éditions : Souvenirs de jeunesse, in-16. 1884 ; Comment je devins conférencier, n-16.

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