/ 3136
809. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Leonora, belle, éblouissante, avide de sensations, ardente dans ses fantaisies, froide de cœur, n’a pas de peine à enlever le jeune et fragile artiste : ce n’est rien de lui avoir jeté son bouquet sur la scène, et son mouchoir par mé-garde avec le bouquet, comme dans un vrai délire d’enthousiasme, il faut voir comme ensuite, dans la visite qu’il lui fait, elle le pique au jeu, lui bat froid, le mortifie, lui tient la dragée haute, le tourne et le retourne à plaisir, comme elle fait tout, en un mot, pour le chauffer, l’enflammer ; elle lui met au cœur un de ces amours furieux, dévorants, à la Musset, qui vous tuent sur place, ou qui vous laissent, pour le restant de vos jours, n’en valant guère mieux. […] Ajoutez que la pièce est dans la vraie mesure de l’art ; la moralité y est plutôt conclue qu’affichée ; elle reste à tirer, l’auteur ne l’impose pas ; et si l’on veut à toute force conjecturer que le jeune artiste au cœur trop faible, s’il avait écarté différemment, aurait trouvé un autre genre d’écueil dans le bonheur somnolent du mariage, comme il a trouvé sa perte sur la mer orageuse de la passion, il n’y a pas de raison absolue qui s’y oppose : vous êtes libre d’y rêver tout à votre aise. […] Sibylle n’apprend à lire que parce qu’elle veut comprendre les inscriptions funéraires qui lui tiennent au cœur. […] Le nom, l’image de Raoul, lui restent cependant gravés au cœur : sa destinée plus tard en dépendra. […] Alors que signifie ce mépris subit que Clotilde fait de lui à certain jour, comme s’il était indigne d’elle, comme si, « avec toute sa science, il n’avait ni cœur, ni âme, ni esprit…, rien de ce qui peut relever à ses yeux une femme qui tombe, lui voiler sa faute, lui ennoblir sa faiblesse, etc., etc. ? 

810. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite et fin.) »

ne troublez pas, Iannik, le cœur et l’âme de cette jeune fille : ils ne seront plus purs, ils ne réfléchiront plus les étoiles et le soleil béni !  […] Frotté plutôt qu’imbu de romantisme, il avait gardé un reste de poésie d’Empire ; le fond de son cœur était à Parny, je l’ai dit, et à Millevoye, pour l’élégie : les premières odes de Victor Hugo, si classiques encore, étaient son idéal et ses colonnes d’Hercule dans le lyrique. […] Non pas pour être alors vainqueur De l’amour que j’ai, car mon cœur La verra toujours jeune et belle ; Mais pour que son doux entretien Me gardât vieux longtemps près d’elle, Et sans que le monde en dît rien. […] Valéry Vernier, avec ses Filles de minuit : une pièce de ce dernier, Vingt ans tous les deux, serait assurément connue et célèbre, si par impossible on la supposait transmise de l’Antiquité et retrouvée à la fin de quelque manuscrit de l’Anthologie ; on y verrait une sorte de pendant et de contrepartie de l’Oaristys. — J’aurais certainement pu, si je les avais reçus à temps, joindre les Printemps du Cœur de M.  […] c’était sous le vert feuillage, Quand le front près du mien penché, Le jeune Erinn sur mon visage Tenait son regard attaché, C’était à lui qu’il fallait dire : Ne trouble pas le cœur d’Aniel ; Cœur troublé, qui d’amour soupire, Ne peut plus réfléchir le ciel.

811. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine. (suite et fin.) »

Il y ajouta quelques mots sur la tempête qui s’était élevée contre la maison et qui avait obligé des personnes qui s’y étaient retirées à s’en séparer ; que, pour le défunt, les ronces et les épines avaient étouffé pendant un temps ces précieuses semences que son cœur y avait reçues ; mais que, comme on avait lieu d’avoir une humble créance qu’il était une de ces heureuses plantes que le Père céleste a plantées lui-même pour ne souffrir jamais qu’elles fassent entièrement déracinées 108, elle avait repris vigueur et avait porté son fruit en son temps. […] Comme il est sourdaud et qu’il ne pouvait prendre plaisir, avec toute la nombreuse et belle assemblée, à écouter le répondant qui se fit admirer, il se dédommageait en parlant d’une chose qui lui tient fort au cœur : car ce silence lui paraît très-malhonnête et très-offensant, et s’il n’était aussi occupé qu’il l’est d’un déménagement (car il quitte le logis du cloître Notre-Dame où il était près le Puits, pour un autre qui a vue sur le jardin du Terrain), il aurait déjà produit quelque chose de vif : car il n’est pas aussi mort à lui-même sur pareil cas qu’on a sujet de croire que l’aurait été M.  […] Despréaux est droit d’esprit et de cœur, plein d’équité, généreux ami ; mais la nécessité de pardonner une injure, où est un chrétien qui veut être digne de son nom, ne semble pas avoir encore fait assez d’impression sur son esprit ni sur son cœur. […] Racine ; car, comme il avait le cœur fort pénitent depuis longtemps, il y a sujet de le croire, par la miséricorde du Seigneur, en possession de ce bienheureux repos où l’on prie efficacement pour ceux qui sont dans le trouble des passions de la vie. » Touchante et sainte confiance ! […] Le Peletier aussi louable que je dois être honteux de n’avoir pas, à mon âge, le courage de l’imiter. » Racine était de cette famille d’esprits distingués et de cœurs tendres, que se disputaient, on l’a dit, l’amour du roi et l’amour de Dieu ; il se le reprochait lui-même.

812. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre III. Inconvénients de la vie de salon. »

Tel homme de cœur et de talent, d’Argenson, fut surnommé « la bête », parce que son originalité dépassait le cadre convenu. « Cela n’a pas de nom, cela ne ressemble à rien », tel est le blâme le plus fort. […] L’indifférence du cœur est à la mode ; on aurait honte d’être vraiment ému. […] Il s’agit de revenir à la nature, d’admirer la campagne, d’aimer la simplicité des mœurs rustiques, de s’intéresser aux villageois, d’être humain, d’avoir un cœur, de goûter les douceurs et les tendresses des affections naturelles, d’être époux et père, bien plus d’avoir une âme, des vertus, des émotions religieuses, de croire à la providence et à l’immortalité, d’être capable d’enthousiasme. […] On choisit pour coiffure « des poufs au sentiment », dans lesquels on place le portrait de sa fille, de sa mère, de son serin, de son chien, tout cela garni des cheveux de son père ou d’un ami de cœur ». […] Néanmoins la mousse de l’enthousiasme et des grands mots laisse au fond des cœurs un résidu de bonté active, de bienveillance confiante, et même de bonheur, à tout le moins d’expansion et de facilité.

813. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Alphonse Daudet  »

Daudet traîne tous les cœurs après lui ; car il a le charme, aussi indéfinissable dans une œuvre d’art que dans un visage féminin, et qui pourtant n’est pas un vain mot puisque de très grands écrivains ne l’ont pas. […] On peut remarquer aussi que le charme ne va pas sans un cœur aisément ému et qui ne craint pas de le paraître (Homo sum, etc. ). […] Le cœur est remué, quoi qu’il fasse, comme dans les romans les plus « touchants » d’autrefois ; en même temps l’observation est aussi exacte et la forme aussi travaillée que dans tels romans d’aujourd’hui : c’est aussi bien « fait » que si ce n’était pas attendrissant ; on peut se laisser émouvoir sans vergogne. […] De quoi donc le cœur est-il touché ? […] Cette idylle si simple, si discrète, si chaste, qui même est à peine une idylle, avec tous ses détails si gracieux et si vrais, dans la douceur sereine de cette belle nuit d’été, cela gonfle le cœur et l’emplit d’une langueur vague, d’un désir de larmes, comme dit le vieil Homère, ou d’une envie de s’amuser à pleurer, comme dit la petite Victorine de Sedaine.

814. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXII. »

Là le génie de Young a retrouvé cette voix de la patrie, ces cris de cœur d’une nation belliqueuse qui avaient retenti jusque dans les accents du courtisan Waller, et inspiré de si beaux vers à Thompson. […] Dans un siècle d’innovation philosophique et d’ambition active, il ne vécut que pour la perfection de l’art, la curiosité de l’étude et la paix solitaire du cœur. […] Est-il besoin de dire ce qu’une telle vie, dans le siècle des grandes prétentions et des petites choses, dut nourrir de feu poétique et de verve originale au cœur du poëte anglais ? […] Il n’aura pas, comme Byron, couru le monde barbare et voluptueux de l’Asie pour y ramasser des images, et, s’il est possible, des accidents nouveaux de la nature et du cœur. […] « Chers compagnons de mon art mélodieux, chers à moi comme la lumière qui visite ces tristes yeux, comme les gouttes de sang qui réchauffent mon cœur, vous êtes morts au milieu des cris de notre patrie mourante ; je ne pleure plus.

815. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. »

Le poëte, en effet, a vraiment à cœur de rapprocher les divers cultes qui lui sont chers, celui de son vieux maître Béranger, de son ancien catéchiste de première communiante, M.  […] C’est d’un cœur charmant, d’une âme élevée, qui pense que tous les bons et beaux esprits devraient se rejoindre à une certaine hauteur et qu’une amitié commune est un lien. […] C’est le cœur qui a parlé, comme dans une de ces courtes prières de Racine converti. […] Dans un premier recueil, la Flûte de Pan, il s’est livré à des études de poésie en quelque sorte plastique et sculpturale ; il avait demandé à la nature extérieure le sens confus de ses harmonies et de ses symboles : aujourd’hui, sous le titre de la Lyre intime 46, il aborde le monde du cœur ; il se détache, non sans peine et sans effort, du grand Pan pour en venir à un sentiment plus distinct, plus défini, qui a pour objet la personne humaine. […] Il a donné, il y a quelques années, un récit cadencé, Héléna ; aujourd’hui, c’est Donald 47, l’histoire d’un employé, d’un industriel intelligent devenu un homme politique, probe, incorruptible, au cœur d’or et d’airain, qui résiste à toutes les tentations, à toutes les séductions, à force de conscience.

816. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Chants du crépuscule (1835) »

De ce nombre, la belle pièce xiii sur les suicides multipliés, plusieurs pièces d’amour qui sont de véritables élégies, xxi, xxiv, xxv, xxvii, surtout la vingt-neuvième, qui commence par ces vers : Puisque nos heures sont remplies De trouble et de calamités ; Puisque les choses que tu lies Se détachent de tous côtés… Cette dernière est, selon nous, d’une beauté de mélancolie, d’une profondeur rêveuse et d’une tendresse de cœur à laquelle n’avait pas atteint jusqu’ici le poëte. […] L’autre endroit que je voudrais corriger est celui où l’auteur montre la cloche et l’âme chantant et sonnant à la voix du Seigneur, quelles que soient les souillures contractées ; le passage finit par ce vers : Chante, l’amour au cœur et le blasphème au front. J’aimerais mieux : Chante, l’amour au cœur et la couronne au front ; car, du moment que le chant part et s’élance, plus de blasphème ! […] j’atteste les cieux que j’ai voulu le croire, J’ai voulu démentir et mes yeux et l’histoire : Mais non ; il n’est pas vrai que des cœurs excellents Soient les seuls en effet où germent les talents. Un mortel peut toucher une lyre sublime Et n’avoir, qu’un cœur faible, étroit, pusillanime, Inhabile aux vertus qu’il sait si bien chanter, Ne les imiter point et les faire imiter.

817. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Cours de littérature dramatique, par M. Saint-Marc Girardin. (2 vol.) Essais de littérature et de morale, par le même. (2 vol.) » pp. 7-19

Il a l’esprit, le cœur naturellement modérés, et je ne lui ai jamais vu de passion. […] Mais la poésie dramatique, celle qui présente les passions du cœur humain aux prises dans les diverses variétés sociales, celle-là il la recherche et il la goûte ; il aime à en disserter, et il trouve à en dire les choses les plus ingénieuses et les moins prévues, qui n’en sont pas moins justes pour cela. […] C’est ainsi que, prenant un à un les différents sentiments, les différentes passions qui peuvent servir de ressorts au drame, il nous en fait l’histoire chez les Grecs, chez les Latins, chez les modernes, avant et après le christianisme : « Chaque sentiment, dit-il, a son histoire, et cette histoire est curieuse, parce qu’elle est, pour ainsi dire, un abrégé de l’histoire de l’humanité. » M. de Chateaubriand avait, le premier chez nous, donné l’exemple de cette forme de critique ; dans son Génie du Christianisme, qui est si loin d’être un bon ouvrage, mais qui a ouvert tant de vues, il choisit les sentiments principaux du cœur humain, les caractères de père, de mère, d’époux et d’épouse, et il en suit l’expression chez les anciens et chez les modernes, en s’attachant à démontrer la qualité morale supérieure que le christianisme y a introduite, et qui doit profiter, selon lui, à la poésie. […] Il a des commencements de chapitres, parfaits de ton, de tenue, de sévérité, d’une haute critique ; puis il descend ou plutôt il s’élance, il saute à des points de vue tout opposés. « Mais ce n’est point ma faute à moi, dira le critique ; je n’invente pas mon sujet, je suis obligé d’en descendre la pente, et de suivre les modernes dans ces recoins du cœur humain où ils se jettent, après que les sentiments simples sont épuisés. » — Pardon, répondrai-je encore ; votre ingénieuse critique, en faisant cela, n’obéit pas seulement à une nécessité, elle se livre à un goût et à un plaisir ; elle s’accommode à merveille de ces recoins qu’elle démasque, et dont elle nous fait sentir, en se jouant, le creux et le faux. […] Il a de la gaieté dans l’esprit, il a du léger et du plaisant ; il sait toutes les finesses du cœur et les nuances de la société.

818. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre IV. Suite du parallèle de la Bible et d’Homère. — Exemples. »

C’est ainsi que les méchants sont reniés par ces cœurs stériles, par ces tas de pierres, sur lesquels, dans leur coupable prospérité, ils jettent follement leurs racines. […] » Joseph embrassa aussi tous ses frères, et il pleura sur chacun d’eux118. » La voilà, cette histoire de Joseph, et ce n’est point dans l’ouvrage d’un sophiste qu’on la trouve (car rien de ce qui est fait avec le cœur et les larmes n’appartient à des sophistes) ; on la trouve, cette histoire, dans le livre qui sert de base à une religion dédaignée des esprits forts, et qui serait bien en droit de leur rendre mépris pour mépris. […] La reconnaissance est mieux amenée dans la Genèse : une coupe est mise, par la plus innocente vengeance, dans le sac d’un jeune frère innocent ; des frères coupables se désolent, en pensant à l’affliction de leur père ; l’image de la douleur de Jacob brise tout à coup le cœur de Joseph, et le force à se découvrir plus tôt qu’il ne l’avait résolu. […] La Bible a mieux connu le cœur humain : elle a su comment apprécier cette exagération de sentiment, par qui un homme a toujours l’air de s’efforcer d’atteindre à ce qu’il croit une grande chose, ou de dire ce qu’il pense un grand mot. […] » Elle dit : et comme, lorsque le violent zéphyr amène une pluie tiède du côté de l’occident, les laboureurs préparent le froment et l’orge, et font des corbeilles de jonc très proprement entrelacées, car ils prévoient que cette ondée va amollir la glèbe, et la rendre propre à recevoir les dons précieux de Cérès, ainsi les paroles de Ruth, comme une pluie féconde, attendrirent le cœur de Noëmi. » Autant que nos faibles talents nous ont permis d’imiter Homère, voilà peut-être l’ombre du style de cet immortel génie.

819. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’Empire Chinois »

Il devient même une théorie. « Les Chinois — dit Huc — ont une « expression dont ils se servent à tout propos… Au « milieu des difficultés et des embarras, ils se disent « toujours : Siaosin, c’est-à-dire : Rapetisse ton cœur. » Et ils l’ont si bien rapetissé qu’il n’y en a plus. […] Bien des esprits plus fanatiques que ce prêtre, transformé en observateur, n’en proclameront pas moins la supériorité de la Chine et croiront à la force de sa vie, parce qu’ils verront dans le livre même de Huc ces mouvements d’un peuple rusé, vénal, mercantile, actif, fripon, et par-dessus tout spirituel, qui survivent à la vraie vie éteinte, la vie morale, la vie de la conscience et du cœur. […] Quant à nous, qui avons cherché dans le livre de Huc une occasion d’être juste envers un pays pour lequel nous n’avons jamais éprouvé de respect ni de sympathie, ce que nous avons trouvé de plus remarquable dans ce peuple, qui a le mouvement sans la vie, c’est l’esprit, — c’est ce genre de pensées qui ne viennent pas du cœur, par opposition avec les grandes qui en viennent et qui constituent le Génie, — c’est l’esprit comme les vieilles civilisations le comprennent, volatil, brillant, chatoyant, agaçant comme un diamant aux lumières, affilé comme un dard, passant comme une flamme, ou qui reste comme un parfum. […] Malheureusement, nous sommes obligés de choisir là où Huc ne choisit pas : « Si le cœur — disent les Chinois — n’est pas de moitié avec l’esprit, les pensées les plus solides ne donnent que de la lumière : voilà pourquoi la science est si peu persuasive et la probité si éloquente. […] Il n’a plus l’esprit qui tient à la santé du cœur et à la pureté des sentiments.

820. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Théodore de Banville »

Mais, franchement, la destination de la poésie, ce dictame des cœurs souffrants et cette volupté de l’intelligence, n’est pas de faire uniquement des vers comme ceux-ci : nugæ difficiles ! […] Dans l’esprit comme dans le cœur de l’homme, il y a souvent le mystère des développements inattendus ! […] La nature et ses grands spectacles, — car pour les poètes qui manquent de cœur il y a encore la nature, — la nature et ses grands spectacles : la mer, le ciel, les paysages, n’arrivent à la perception de Banville que de seconde main, par l’intermédiaire de quelque peintre dont il a vu les toiles ou de quelque poète dont il a lu et admiré les vers. […] Les larmes que les yeux de l’homme ont pleurées gardent la chaleur du cœur qui les répandit, et quand ce sont les yeux d’un homme de génie, elles se réchauffent encore, pendant des siècles, à la chaleur généreuse de celles qu’elles font verser ! […] Nous indiquerons le grand morceau : Le triomphe de Bacchus à son retour des Indes, pris, sauf erreur, au vieux Baïf : Le chant de l’Orgie avec des cris au loin proclame Le beau Lyœus, le Dieu paré comme une femme, Qui, le thyrse en main, passe rêveur et triomphant, A demi couché sur le dos nu d’un éléphant, etc., etc, et, avec plus d’éloges encore, la pièce appelée Désespérance, où l’assonance la plus inattendue a presque sur l’esprit puissance de pensée, et dissout les nerfs dans la plus noble des mélancolies : Tombez dans mon cœur, souvenirs confus, Du haut des branches touffues !

821. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « L’Abbé Prévost et Alexandre Dumas fils » pp. 287-303

Le livre célèbre que voici, ce livre de Manon Lescaut 31, exalté, exulté, adoré ; ce livre qui a pris et enlevé — sans avoir rien de La force d’un tourbillon — les imaginations et les cœurs, est un de ces livres à destinée que la Critique n’a pas encore expliqué. […] … Alfred de Musset, qui a osé traiter de Sphinx cette fille, au cœur ouvert comme la rue et dans lequel il est aussi facile de descendre, a dit là une sottise de poète. […] Et, d’ailleurs, il ne s’agit ici ni de guérison ni de description : il s’agit uniquement et exclusivement de critique, — et d’une critique qui, pour être complète, pour mériter ce nom de critique, doit être tout à la fois esthétique et morale, parce que toute œuvre de littérature ou d’art s’adresse nécessairement, et du même coup, à l’intelligence et au cœur. […] Il dit aussi, pour sortir de Saint-Lazare : « Rompre mes fers. » — « Elle m’assura — fait-il dire à Desgrieux encore — que son cœur était à moi et qu’il ne recevrait jamais d’autres traits que les miens… » Voilà les siens, à l’abbé Prévost ! […] Ici, le coup de foudre du cœur se confond avec le coup de foudre de la chaise de poste !

822. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Le Comte de Gobineau »

Un roman aussi étonnant que son titre, dans lequel le bout de l’oreille du diplomate qui n’est pas un âne perce sous la peau du romancier qui n’est pas un lion, car nous y avons une petite cour d’Allemagne et l’histoire de cœur d’un souverain qui abdique, non par amour de son peuple, mais par amour d’une petite personne de sa cour, absolument comme il le ferait dans un opéra-comique de M. de Saint-Georges. […] Hommes et femmes : Louis de Laudon, Wilfrid Nore, Conrad Lanze, le vieux Coxe, Jean-Théodore, Harriet, Aurore, Liliane, etc., sont des patriciens et des patriciennes de l’humanité, à blason dans la tète et dans le cœur ; et ce sont, ne l’oubliez pas ! […] Car il est misanthrope, Gobineau, comme doit l’être tout homme de cœur et d’esprit qui a passé trente ans, et on les a passés deux fois quand on est diplomate, quand on a aux mains— à ses blanches et irréprochables mains — de la malpropreté des hommes et des affaires, de cette infâme cuisine politique qui fait mal au cœur aux estomacs les plus solides ; il est misanthrope, et c’est la plus belle plume de son aile que cette misanthropie, qui donne à son accent toute sa profondeur et à son talent toute sa vérité. […] Eh bien, la main sur le cœur, comme l’y mettait Talma dans Manlius (laissez-moi vous l’y mettre !)

823. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

C’est elle, la voilà, la voici, vous la savez par cœur. […] prenez-les, il vous les cède et de grand cœur. […] pour oser, de gaieté de cœur, s’attaquer à Molière ! […] d’Ancourt comprit que c’était sa muse qui passait ; il la suivit, tenant son cœur à deux mains : Tout beau, mon cœur ! […] Il les aimait, il les flairait, il les savait par cœur.

824. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES » pp. 456-468

La tache de notre propre cœur est comme le miroir du mal en nous : plus elle s’étend, et plus le miroir devient complet. […] si vous la repoussez encore, elle se le tiendra pour dit, elle ne reviendra plus et se vengera en vous jetant au cœur l’ironie et les sécheresses. […] En vain les Adolphe et les René se croient le privilége de leurs orages ; tous les jeunes cœurs sensibles passent à peu près par les mêmes phases d’émotion, comme plus tard les judicieux arrivent aux mêmes résultats d’expérience. […] J’ai l’esprit assez bien fait pour comprendre que je n’ai pas le droit d’être mécontent, et je me sens le cœur trop large pour le croire rempli.

825. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les petites revues » pp. 48-62

À son front lisse perle une sourde langueur, Et son corsage en dur brocart semble moins roide ; Est-ce toi, si longtemps immobile, son cœur, Qui pourra la venir chasser cette langueur, Et faire étinceler enfin la somnolence De ses yeux, si longtemps glacés comme son cœur ? […] Il s’ensuit que le cœur joue dans la poésie un rôle prépondérant. […] Le cœur se fait comprendre par des analogies parce qu’il ne le peut par des définitions lesquelles ne sont pas de son ressort… La poésie a pour ennemie mortelle la méthode scientifique… « Sully Prudhomme. »   « La poésie ne peut être définie, heureusement, car, si l’on parvenait à l’enfermer dans une formule, personne n’en serait plus épris.

826. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XV » pp. 175-187

Qu’on se figure la multitude de tours, d’images, de mouvements qui ont dû naître de ces conversations, où les sens, l’imagination, le cœur, étaient en jeu ; où l’émulation de plaire et d’étonner excitait les amours-propres ; où la critique n’était pas moins exaltée par les rivalités que le besoin de produire par l’émulation de plaire ! […] Par sa conversation, la vie sociale s’était perfectionnée ; les personnes s’étaient classées ; les sympathies d’esprit, de cœur, de caractère, même de conditions sociales, s’étaient rencontrées, reconnues, agrégées ; les existences se touchaient diversement ; les distinctions les plus faiblement marquées entre les personnes, mettaient des nuances dans leurs relations réciproques. […] Aujourd’hui Racine ne mettrait pas dans la bouche d’un jeune prince déclarant son amour à une captive, cette humilité religieuse : Peut-être le récit d’un amour si sauvage Vous fait, en m’écoutant, rougir de votre ouvrage ; D’un cœur qui s’offre à vous, quel farouche entretient Quel étrange captif pour un si beau lien ! […] Il existait un grand nombre de lettres de Sévigné, modèles de style épistolaire ; on en avait de son cousin Bussy-Rabutin, homme de mauvais cœur, de mauvais esprit, mais d’assez bon goût ; En morale, on avait les nobles écrits de Balzac ; En métaphysique, la méthode de Descartes ; En didactique et en polémique, les Lettres provinciales ; En critique, plusieurs bons écrits de Port Royal, la critique du Cid ; En poésie, les belles odes de Malherbe, quelques ouvrages de Racan, de Segrais, de Benserade ; les chefs-d’œuvre de Corneille, Le Cid, Les Horaces, Cinna, Polyeucte, La Mort de Pompée, Le Menteur, Rodogune.

827. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 140-155

On y voit l’imagination la plus vive & la plus féconde, un esprit flexible pour prendre toutes ses formes, intrépide dans toutes ses idées, un cœur pétri de la liberté Républicaine, & sensible jusqu'à l’excès, une mémoire enrichie de tout ce que la lecture des Philosophes Grecs & Latins peut offrir de plus réfléchi & de plus étendu ; enfin une force de pensées, une vivacité de coloris, une profondeur de morale, une richesse d’expressions, une abondance, une rapidité de style, & par-dessus tout une misanthropie qu’on peut regarder comme le ressort principal qui a mis en jeu ses sentimens & ses idées. […] Y a-t-on vu renaître la franchise, la droiture, la générosité, le bonheur, & la paix ; ou plutôt, malgré ces cris hypocrites d’humanité, de bienfaisance, les cœurs ne paroissent-ils pas s’être rétrécis, desséchés, & avoir perdu leur énergie ? […] » Et d’avoir ajouté, avec autant de bon sens que de vérité : Fuyez ceux qui, sous prétexte d’expliquer la Nature, sement dans le cœur des hommes de désolantes doctrines, & dont le scepticisme apparent est une fois plus affirmatif & plus dogmatique, que le ton décidé de leurs Adversaires. […] Du reste, renversant, détruisant, foulant aux pieds tout ce que les hommes respectent, ils ôtent aux affligés la derniere consolation de leur misere, aux Puissans & aux Riches le frein de leurs passions ; ils arrachent du fond des cœurs le remords du crime, l’espoir de la vertu, & se vantent encore d’être les bienfaiteurs du genre humain.

828. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Guarini, et Jason de Nores. » pp. 130-138

Celles qui se piquoient d’avoir l’esprit orné, l’apprenoient par cœur. […] De Nores entassoit citations sur citations, prétendoit gagner sa cause d’autorité, ne s’embarrassant point du suffrage de l’esprit ni du cœur. […] De Nores trouvoit dans cette pensée la marque d’un cœur dépravé.

829. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Conçus dans les entrailles de leur siècle, tout le cœur humain se remue sous leur enveloppe. […] Il en a toujours une quand, à travers lui, nous atteignons le fond d’un cœur humain. […] Son cœur était très chaud. […] Ce cœur n’a pas cessé de battre parmi nous. […] Un écho s’éveille en lui pour les plus intimes battements de ces cœurs obscurs.

830. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

Je puis travailler à nouveau et ma première « copie » sera ceci que je veux finir en remerciant de tout cœur ceux et celles qui me soignent ! […] Et l’homme au jupon noir continue à ne pas saisir la poésie du geste et du cœur. […] Leur cœur s’attachait de préférence aux nobles lignes que les beaux éphèbes déployaient dans les exercices du gymnase. […] Quelle est cette langueur Qui pénètre mon cœur ? […] Racine, par contre, pour tracasser ses maîtres, apprit un jour par cœur, et écrivit de mémoire une nouvelle grecque, « Théogène et Chariclée » !

831. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome II

Est-ce ailleurs que dans le cœur humain que l’auteur de Cinna avait puisé cette admirable peinture de la colère et de la vengeance, qui luttent dans le cœur d’Auguste contre la générosité et la grandeur d’âme ? […] Serait-il donc vrai que le cœur humain n’est susceptible que d’une passion extravagante et brutale, qui naît le plus souvent dans les cœurs les plus abjects, et semble effacer l’auguste caractère qui distingue l’homme des animaux ? […] Si quelque chose touche le cœur dans Andromaque, c’est l’héroïque fidélité et la tendresse maternelle de la veuve d’Hector. […] qui les sait plus par cœur ? […] … ce sein qui palpite contre mon cœur !

832. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Godet, Philippe (1850-1922) »

Godet, Philippe (1850-1922) [Bibliographie] Le Cœur et les Yeux (1881). — Les Réalités (1886). […] Alphonse Lemerre Auteur de plusieurs volumes de poésie dont les principaux sont le Cœur et les Yeux et les Réalités, M. 

833. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « [Béranger] » pp. 333-338

Est-il besoin de rappeler à des générations qui, depuis soixante ans jusqu’à vingt, les savent par cœur, tant d’immortelles chansons ? […] … et toutes celles où il se remet, après les humiliations et les défaites, poète attristé, à sonder et à panser les plaies des cœurs vaillants ? […] Béranger, dans ses dernières années et avant que la maladie de cœur à laquelle il a succombé le retint dans sa chambre, se faisait remarquer par une qualité rare et qui dénotait l’excellence de sa nature : il était le plus activement obligeant et le plus utilement serviable des hommes.

834. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Tissot. Poésies érotiques avec une traduction des Baisers de Jean Second. »

Ses accents étaient si vrais et si conformes aux passions des cœurs, il y avait dans ses chants tant de jeunesse, un si profond enivrement de la jouissance, une incurie si profonde de l’avenir ! […] Il restait au fond des cœurs quelque chose d’ineffaçable, imprimé par l’adversité, je ne sais quoi de vague qui attristait, jusque sous les doigts des Millevoye et des Legouvé, la lyre épicurienne. […] Quelques années encore, et les nouveaux besoins déposés dans nos cœurs se sont démêlés ; chaque jour ils se démêlent davantage.

835. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre X. De la simplicité du style »

Sous prétexte que toucher ou convaincre son lecteur, c’est sacrifier l’art en le subordonnant à une autre fin que lui-même, on vide son discours de toute vérité, que la raison, la conscience ou le cœur pourraient saisir : on poursuit une beauté toute matérielle et physique, que nul mélange du vrai, du bien, du beau moral même ne vient corrompre, et l’on travaille son style pour l’œil et l’oreille du public : on se fait ciseleur, coloriste ; on sculpte des phrases marmoréennes, on exécute d’étourdissantes variations ; on a une riche palette, un clavier étendu. […] Ils ne conçoivent guère en effet et ne sentent que ce qui intéresse leur esprit et leur cœur. […] Cependant ces mêmes expressions, qui servent aux besoins les plus familiers de l’existence, que les plus grossières intelligences ravalent au niveau de leurs mesquines pensées, ont en elles-mêmes assez de sens et de vertu pour devenir égales sans effort aux plus hautes idées, aux plus nobles sentiments des grands esprits et des cœurs généreux.

836. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rollinat, Maurice (1846-1903) »

» Il entend « Satan cogner dans son cœur ». […] Maurice Rollinat, qui est jeune, a donné son cœur à cinq ou six dames qui l’ont ravagé. […] C’est le cri de l’âme, c’est l’envolée de la conscience, c’est une mélodie extra-humaine, toute de sensation, de raffinement, qui parle aux cœurs ensevelis dans le scepticisme égoïste du siècle, et qui fait, sous sa joie aiguë, jaillir la douleur.

837. (1888) Portraits de maîtres

Elles témoignent contre son jugement à une certaine date, mais elles glorifient son cœur. […] Que n’as-tu senti tout ce qui a passé dans mon cœur depuis quelques jours ? […] C’est pourtant le seul désir qui ne meurt pas dans mon cœur. […] Il remplit mon cœur. […] Ces prodigieuses contradictions dont parle Pascal sont entrées dans son cœur.

838. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

Il m’avait tout offert, avec des instances qui rendaient le refus difficile à un cœur touché de ses embarras ; j’avais tout refusé. […] Quant au style, je ne m’en occupai pas ; j’étais sûr que les événements eux-mêmes m’inspireraient, malgré mon peu d’habitude de la prose, la clarté, l’ordre, la lumière, le naturel et même la seule éloquence de l’histoire, la sensibilité communicative qui mêle du cœur au récit. […] Elle fut retrouvée par moi ; elle consentit à déchirer en ma faveur le voile de veuve et le linceul de ses jeunes souvenirs ; elle m’envoya son fils d’un second lit, jeune homme d’un nom sans tache, d’un rang élevé, d’un cœur filial, d’une conversation aussi discrète qu’instructive. […] Non pas cependant qu’on m’ait attribué aucune complicité de doctrines avec cet homme chimérique d’institutions, philosophe d’échafaud, impassible de meurtre, sans cruauté comme sans pitié dans le cœur, s’il avait un cœur, immolateur par système de tout ce qui résistait au froid délire d’un impossible nivellement sous le niveau de fer de sa guillotine. […] Mais je n’en avais pas eu moins tort, comme historien, d’avoir donné prétexte à ce reproche, non par mon cœur, mais par mon pinceau.

839. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

Ses lettres, le plus aimable et peut-être le plus original de ses ouvrages, ont révélé dans ce penseur absolu, dans ce logicien inexorable, un père presque plus père que les plus tendres ; car tout ce que ceux-ci ont d’entrailles pour l’enfant qui vit sous leur toit, tout près de leur cœur, de Maistre l’avait pour une fille née le jour même où il quittait son pays, et dont il cherchait « à se représenter la figure », entrevue et devinée par le cœur dans les tristesses de l’exil, et embellie par l’orgueil paternel. […] La pensée ne s’y joue pas autour du cœur ; elle veut y entrer de force, et il semble qu’elle y entre par les sens. […] Un mot en dira plus que tout ce détail : tout y vient du cœur, même l’esprit, qui chez tant d’autres vient de la tête ; à plus forte raison la passion, si éloquente et si simple, dans les vers d’Alfred de Musset. […] Cet amour il l’a épanché en une suite de petites pièces où sont décrits tous les spectacles de la mer, où est exprimé tout ce qu’il y a de poésie ingénue dans les cœurs vaillants qui ont fait amitié avec elle. […] C’est là son objet : tirer des lettres un enseignement pratique, songer moins à conduire l’esprit que le cœur, prendre plus de souci de la morale que de l’esthétique.

840. (1856) Cours familier de littérature. II « IXe entretien. Suite de l’aperçu préliminaire sur la prétendue décadence de la littérature française » pp. 161-216

Il était né de lui-même, fils de ses œuvres, comme on a dit plus tard ; écrivain de sentiment, il tirait tout de son propre cœur. […] Pour cette littérature froide, il n’était pas nécessaire alors d’avoir la chaleur qui vient du cœur ; il suffisait de la clarté qui vient de l’esprit. […] La France, hier si grande d’idées, de cœur et de langue, ne fut plus que l’ombre d’elle-même. […] Elle fit les gestes de la terreur sans en avoir ni la colère dans le cœur ni le glaive dans la main. […] Elle répudia du cœur la langue, les idées, la littérature d’un peuple dont le gouvernement avait pour premier ministre le bourreau.

841. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Le Roy, Grégoire (1862-1941) »

Le Roy, Grégoire (1862-1941) [Bibliographie] Mon cœur pleure d’autrefois (1889). […] Le Roy, par exemple, c’est une fenêtre où deux mains apparaissent en un geste d’énigme ; mais au lieu de donner à penser qu’il évoque ainsi un moment du cœur humain, ce poète a cru devoir en avertir dès les premiers mots, et en spécifiant qu’il s’agit des mains de la Mort.

842. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

Le cœur est insatiable parce qu’il aspire à l’infini. […] Garde-toi d’approcher la redoutable lumière de l’invisible amant dont ton cœur est épris. […] L’admiration est le signe d’une raison élevée servie par un noble cœur. […] L’intelligence avance à chaque pas, et le cœur s’élance à sa suite. […] Cette déclaration purement arbitraire n’a pas trouvé d’écho dans le cœur de cet homme.

843. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Aussitôt, en l’absence de ces jeunes fous qui se battaient là-bas de si bon cœur, le vieux parti royaliste et dévot se réveille, il s’oppose à ce qu’on joue ce drame que déjà il sait par cœur. […] Grands moralistes tous les deux, Molière et Rousseau, ils ont vu tous les deux le cœur humain, sous un aspect bien différent. […] Est-ce le chagrin qui a si fort irrité son cœur ? […] L’avocat de ce temps-là règne et gouverne ; depuis que la comédie a cessé de faire sa pâture des gens de robe, cet avocat a relevé son cœur et sa tête. […] Elle n’a plus d’amour dans le cœur, mais on comprend si bien que l’amour a passé par là !

844. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome III pp. 5-336

En effet, lorsqu’il me fallut exposer les principes du bon et du beau en tous les genres de littérature, et les causes de la décadence des esprits, je fus contraint de vous répéter que les sources de l’éloquence et de la poésie sortent du cœur ; et le cœur opprimé ne pouvait alors épancher ni ses vœux, ni ses regrets. […] Dégagé d’entraves, notre cœur s’épanouit, notre intelligence se relève, s’exalte, s’épure, notre raison se rassied, et notre courage s’étonne de s’être ralenti dans ses travaux. […] « Riche des sentiments en ton cœur médités, « Ta gloire est l’heureux fruit de tes adversités. […] Tout n’y doit-il pas aboutir à une importante moralité qui pénètre les cœurs, et qui éclaire la raison ? […] Car nous avons remarqué que tout ce qui est principalement élémentaire en littérature prend son origine de là, et ne se fonde que sur les sentiments du cœur.

/ 3136