Il est vrai que cette compréhension ne se révèle qu’aux âmes extrêmement sensibles, aux intelligences douées d’une pénétration supérieure ! […] Grâce au pouvoir magique des sons, leurs âmes s’étaient un moment confondues dans l’étreinte d’un même sentiment de sympathie profonde. […] Ce sont deux mondes où tout diffère, la forme, la couleur, la composition, l’âme. […] À cette question qu’il se pose : Comment l’âme doit-elle se mouvoir selon la musique nouvelle ? […] Richard Wagner a voulu une autre espèce de mouvement de l’âme, voisine comme je viens de le dire de l’action de nager ou de planer.
pour mon âme abattue Tous lieux sont désormais pareils : Je porte dans mon sein le poison qui me tue ; Changerai-je de sort en changeant de soleils ? […] Millevoye, lui, rencontre et introduit un soupir de l’âme que n’avait pas l’élégie sensuelle de Parny ; il est au fond tout païen encore, mais déjà mélancolique et d’une veine de sensibilité qui mène et achemine de loin à la première manière de Lamartine. […] Cousin, dans un de ces éloquents discours funéraires, tels qu’il les savait prononcer, a très-bien défini Charles Loyson en ce peu de mots : noble esprit, âme tendre, jeune sage, et le pied sur cette tombe entrouverte, le bras solennellement étendu, il s’écriait en finissant : « Encore un mot, mon cher Loyson. […] Cette espèce de rendez-vous à prochaine échéance qu’il n’hésitait pas à donner à l’âme de Loyson se trouva heureusement fort ajournée : mais il est juste de dire que, s’il tarda de près d’un demi-siècle à le rejoindre, il ne l’oublia jamais ; il aimait à s’en entretenir avec nous ; il provoquait notre ami M. […] Sans doute, et je suis le premier à le reconnaître, la méthode de Maine de Biran, qui consiste proprement à saisir et à présenter dans un cours d’observations psychologiques la véritable histoire de l’âme, n’a pas attendu pour se produire « ces toutes dernières années » ; je n’ai garde d’oublier les Jouffroy, les Damiron, et M.
Ils n’ont point de romans, comme les Anglais et les Français, parce que l’amour qu’ils conçoivent n’étant point une passion de l’âme, ne peut être susceptible de longs développements. […] C’est que, dans leur situation politique et morale, l’âme ne peut avoir son entier développement ; leur sensibilité n’est pas sérieuse, leur grandeur n’est pas imposante, leur tristesse n’est pas sombre. […] Des idées religieuses positives, soit chez les Mahométans, soit chez les Juifs, soutiennent et dirigent dans l’Orient les affections de l’âme. Ce n’est pas ce vague terrible qui porte à l’âme une impression plus philosophique et plus sombre. […] La mélancolie des peuples du Nord est celle qu’inspirent les souffrances de l’âme, le vide que la sensibilité fait trouver dans l’exigence, et la rêverie qui promène sans cesse la pensée, de la fatigue de la vie à l’inconnu de la mort.
Une haute notion de la divinité, qu’il ne dut pas au judaïsme, et qui semble avoir été de toutes pièces la création de sa grande âme, fut en quelque sorte le principe de toute sa force. […] On comprend, d’un autre côté, que Jésus, partant d’une telle disposition d’âme, ne sera nullement un philosophe spéculatif comme Çakya-Mouni. […] Souvent des âmes très grandes et très désintéressées présentent, associé à beaucoup d’élévation, ce caractère de perpétuelle attention à elles-mêmes et d’extrême susceptibilité personnelle, qui en général est le propre des femmes 215. […] Une idée absolument neuve, l’idée d’un culte fondé sur la pureté du cœur et sur la fraternité humaine, faisait par lui son entrée dans le monde, idée tellement élevée que l’église chrétienne devait sur ce point trahir complètement ses intentions, et que, de nos jours, quelques âmes seulement sont capables de s’y prêter. […] La belle âme de Philon se rencontra ici, comme sur tant d’autres points, avec celle de Jésus.
Cette âme droite, juste et noble, s’était de bonne heure fixée, et, à aucun moment depuis, elle ne vacilla. […] Mais à la fin de cette année 1795, si l’enveloppe gardait en elle quelque chose de la première jeunesse, l’âme était mûre, elle était faite et aguerrie désormais. […] Dans ce récit exact, méthodique, sensé et touchant, Madame donne la mesure de sa raison précoce et de son bon jugement dans les choses de l’âme. […] Même à travers l’habitude des peines, une sorte de joie enfin surnageait comme il arrive aux âmes austères et éprouvées que la religion a guidées et consolées dans tous les temps. […] Ne demandez à cette âme, de bonne heure froissée et dépouillée, ni coquetterie d’esprit ni grâce légère.
Huysmans se figure le mécanisme de l’âme humaine, exagère certaines facultés, amoindrit l’action de certaines autres, que ses romans tranchent sur leurs congénères, se sont nécessairement revêtus d’un style original et aboutissent à une philosophie générale déduite jusqu’en ses extrêmes conséquences. […] Cette conception de l’âme humaine est, chez M. […] Huysmans ne trouvait pas à loger dans ces âmes étroites, tout l’épanouissement de ses qualités de peintre verbal. […] Ce raffinement, A Rebours en est le catéchisme et le formulaire ; tout ce qui, dans la réalité, peut meurtrir une âme délicate est écarté de ce précieux livre, est assourdi, amolli, sublimé et assuavi. […] Et toutes ces propriétés cachées d’une âme muette, se manifestent en ce corps des intelligences littéraires, le style.
En âme et en génie, je ne sais pas si elle se croit, mais je sais bien qu’elle veut qu’on la croie naïve comme de l’eau ! Et cette idée sur la spontanéité de son génie m’étonne moins, après tout, que l’idée qu’elle veut nous inculquer de la candeur de son âme. L’opinion a pensé toujours tout le contraire de ce que Mme Sand nous apprend sur sa pauvre petite âme, ignorante, involontaire, enfantine, et voilà pourquoi elle essaye aujourd’hui de l’éclairer, cette opinion, en se confessant ! […] Elle lui a tant et tant répété qu’elle avait du génie, que cette âme modeste a fini par le croire et même qu’elle avait le plus beau des génies, le génie qui n’a sa raison d’exister dans aucun effort de facultés, et n’est, comme Dieu, simplement que parce qu’il est. Mme Sand, pour qu’on ne puisse pas s’y tromper, comme on s’est trompé sur son âme, nous prévient qu’elle n’a que celui-là.
Aux âmes poétiques, nous demandons de nouveaux rêves, de nouvelles aspirations, bien plutôt qu’une nouvelle prosodie ! […] » D’abord ce qui semble importer plus que la rime et le rythme, c’est l’âme du poète. […] vous gardiez quand même Votre rire puéril… » Et bientôt l’âme d’avril, l’âme de la lumière Expira dans un rythme funèbre, sur un la. […] où pris-tu l’âme d’être seul au monde ? […] Mais alors, surtout en vers libres, il faut une science extrême du rythme, qui est l’âme de toute poésie.
L’âme est une fille du ciel et son voyage est une épreuve. […] Et là, je m’endormais presque, l’âme défaillante, le cœur fêlé par l’éclat de ma tendresse. […] Dans ses paupières et dans son âme les ténèbres sont rentrées comme au ciel. […] Tout disparaît, tout se renouvelle avec une rapidité qui me déchire l’âme. […] Ton âme seule compte, l’oiseau dont je suis la cage !
Il est une même chair, une même âme avec les autres hommes. […] Il est porté à s’abandonner à ces influences complexes qui le sollicitent de partout et qui sont la société concentrée et résumée dans son âme. […] L’ironie comporte une certaine supériorité de l’âme par rapport à ses idées, à ses passions, à ses préoccupations du moment. […] Et l’âme individuelle répondra en invoquant l’hostilité forcée de tous contre chacun, l’isolement réel de chaque moi. […] La morale de l’ironie est évidemment celle d’un être qui est mal adapté à la vie, et c’est le cas de l’homme partagé entre son âme égoïste et son âme sociale, entre le « moi » et « les autres ».
Plus haut que les autres par les facultés, plus fort par l’âme, il a marché plus vite ; sa conduite a tout le frappant d’un présage. […] Les désordres, qui se multiplièrent, amenèrent la réaction évangélique de Wesley et de Whitefield, qui arracha tant d’âmes à l’Église anglicane. […] qui se resserrerait, au contraire, si l’âme d’un de ceux entre qui elle subsiste toujours se retrempait aussi dans l’obéissance et dans la vraie foi. […] L’âme délicate du Dr Pusey n’était pas trempée pour bouillonner dans les luttes et y résister ou s’y accroître. […] non plus dit à la manière des apostats, en lançant le sang de son flanc entrouvert vers le ciel, mais arraché d’une âme déjà sainte et déjà conquise, qui proclame avec résignation sa défaite.
Mais au xve siècle, c’était différent, et, si vaurien qu’on fût, il fallait pour se les permettre au moins plus qu’une âme de valet… Le Moyen Âge, qui a tout grandi, grandissait les petits coupables par l’atrocité du supplice. […] Le talent garde le mystère des impressions dont il est formé dans nos esprits ou dans nos âmes. […] Villon a toujours gardé en lui l’amour de sa mère, cet amour qui nous embaume si mélancoliquement la vie quand notre mère n’est plus, la foi ardente du Moyen Âge au Dieu crucifié, le sentiment de l’honneur de la France, et la fidélité dans l’amour, — même dans l’amour coupable et trahi — l’immortelle fidélité des âmes fortes ! […] Campaux la rattrape aujourd’hui, et la force à regarder l’âme de l’homme empreinte dans ses vers, pour faire pardonner à sa vie. Et vraiment, si l’imagination humaine est ainsi faite que, dans les poèmes de lord Byron, par exemple, elle pardonne même au crime en faveur d’un noble sentiment que l’âme a gardé dans sa pureté première, si la fidélité de Conrad le Corsaire est plus belle enchâssée dans cette vie de bandit, comme un diamant qui rayonnerait mieux dans une monture noire, cette fidélité dans l‘amour qu’il avait, lui aussi, profitera au pauvre Villon.
Quand on n’a que le livre d’un homme, on n’a guères que la lettre morte de son talent et de son âme ; mais quand on étudie l’un et l’autre à la lumière d’une correspondance ou d’une autobiographie, on en tient réellement la lettre vivante, et la Critique peut hardiment se prononcer. […] J’y ai admiré cette hauteur d’âme qui s’élève si fort au-dessus des petits brillants des Isocrates… Le grand, le pathétique, le sentiment, voilà mes premiers maîtres. […] Je vais vous lire encore… » « Votre état me touche (continuait-il en 1745), à mesure que je vois les productions de votre esprit si vrai, si naturel, si facile et quelquefois si sublime… » Et, en 1746, faisant toujours la boule de neige de ces incroyables éloges : « Je vais lire vos portraits, — lui mandait-il. — Si jamais je veux tracer celui du génie le plus naturel, de l’homme du plus grand goût, de l’âme la plus haute et la plus simple, je mettrai votre nom au bas… » Ailleurs, à propos de cette détestable et ridicule déclamation, fausse comme les larmes d’un catafalque, sur la mort d’Hippolyte de Seytres, tué dans la campagne de Bohême, il avait déjà comparé Vauvenargues à… Bossuet ! […] Supposez-le riche et lancé dans le monde d’alors, il n’y aurait point englouti un puissant esprit qu’il n’avait pas, mais il y eût abaissé son âme. […] Il sourit amèrement quand il parle à son ami Mirabeau « de traîner son esponton dans la crotte », et il n’a pas l’air de comprendre que cela, qui le dégoûte, le préserve de traîner son âme, plus avant que son esponton, dans les fanges brillantes de son siècle !
Seulement, cette brise de l’esprit finit par ne plus rafraîchir son âme, quoiqu’elle y fit toujours ces plis charmants qui sont des rires ou des sourires. « On la croit sèche, — dit Sainte-Beuve, cité par M. de Saint-Aulaire, — et elle ne l’est point. Toutes ses lettres attestent, au contraire, l’ardeur de cette âme qui, sans l’ennui, aurait peut-être en passion égalé celle de Madame de Staël, et qui se donne par les faits de si beaux soufflets à elle-même quand elle écrit, dans la Correspondance : “Je n’ai ni tempérament, ni roman.” » Assurément je ne parlerai point, et pour cause, de son intimité avec le président Hénault, le Sigisbé d’une partie de sa vie. […] des mots comme Pascal en laisserait tomber de son âme sombre : « L’ennui, c’est l’hydre de la vie. […] C’est que Madame Du Deffand a aimé le monde et n’aime que le monde, et que le monde ne nous rend rien pour tout ce qu’il prend à nos âmes ! […] Le ton de ce monde qui énerverait le talent, l’âme et la plus forte pensée, ce ton qu’à son époque on appelait le bel air, était odieux à son esprit comme un ennemi personnel : « Je ne le peux souffrir », écrit-elle.
Quand on n’a que le livre d’un homme, on n’a guère que la lettre morte de son talent et de son âme, mais quand on étudie l’un et l’autre à la lumière d’une correspondance ou d’une autobiographie, on en tient réellement la lettre vivante, et la Critique peut hardiment se prononcer. […] J’y ai admiré cette hauteur d’âme qui s’élève si fort au-dessus des petits brillants des Isocrates… Le grand, le pathétique, le sentiment, voilà mes premiers maîtres. […] Si jamais je veux tracer celui du génie le plus naturel, de l’homme du plus grand goût, de l’âme la plus haute et la plus simple, je mettrai votre nom au bas… » Ailleurs, à propos de cette détestable et ridicule déclamation, fausse comme les larmes d’un catafalque, sur la mort d’Hippolyte de Seytres, tué dans la campagne de Bohême, il avait déjà comparé Vauvenargues à… Bossuet ! […] Supposez-le riche et lancé dans le monde d’alors, il n’y aurait point englouti un puissant esprit qu’il n’avait pas, mais il y eût abaissé son âme. […] Il sourit amèrement quand il parle à son ami Mirabeau « de traîner son esponton dans la crotte », et il n’a pas l’air de comprendre que cela, qui le dégoûte, le préserve de traîner son âme, plus avant que son esponton, dans les fanges brillantes de son siècle !
Les yeux fermés, c’est la meilleure manière de regarder l’âme. […] Non que ce fût mobilité d’âme ; mais des espérances coupées d’accablement, c’était sa situation. […] Dieu leur éclipse l’âme. […] Ce sourire mécanique, produit par trop de mâchoire et trop peu de peau, montre les dents plutôt que l’âme. […] Point de départ : la matière ; point d’arrivée : l’âme.
Elle se nomme Kundry, et a comme deux âmes, deux existences diverses qui alternent l’une avec l’autre. […] C’est la révolution d’une âme dans l’orage de la sympathie. […] Une paix profonde, une douceur inconnue inonde l’âme de la femme repentie. […] Dans la musique même, si belle qu’elle soit, il y a plus de soif de l’éternel repos que de la vie éternelle, qui est la vie active de l’âme et de l’esprit. […] Ces mots désignent donc un état positif de l’âme, état de satisfaction pleine et profonde.
On aurait mieux compris s’il avait dit : l’âme. C’était bien l’âme qu’il voulait dire. […] Cette démonstration de la substantialité de l’âme, M. […] Que n’es-tu sourde, ô toi-même, comme elle, ô mon âme ? […] En revanche, l’amour des âmes continue après la mort.
La noblesse, qui était et restait l’âme de la guerre, se voyait pour la première fois assujettie à des règlements stricts et à des obligations continues qui choquaient son esprit et qui aggravaient ses charges. […] Mme de Maintenon, au sein de ces établissements dont elle était l’âme et la mère, et dont elle ordonnait en tous sens la ruche, peut se comparer à cette abeille infatigable. […] Fénelon y développa le goût de la dévotion fine, subtile, à l’usage des âmes d’élite ; Racine, sans le vouloir, y fit naître le goût des lectures, de la poésie et de ces choses dont le parfum est si doux, mais dont le fruit n’est pas toujours salutaire. […] À un moment ou à un autre, la joie qui n’est que l’épanouissement de l’âme reparaît, et elle ne cesse point de courir à travers les actions. […] Pendant les guerres, il sait qu’il a à Saint-Cyr dans ces jeunes âmes, filles de Saint-Louis et de la race des preux, « des âmes guerrières, bonnes religieuses et bonnes Françaises ».
Il a fort puisé, pour ce travail, dans un volume précédemment publié à Genève (1857), et dans lequel on a recueilli, avec des fragments du Journal intime de Sismondi, une série de lettres confidentielles et cordiales adressées par lui à deux dames de ses amies, l’une italienne, l’autre française, et au célèbre réformateur américain Channing : on y voit le cours de ses sentiments en politique, en religion, en toute chose, le fond même de son âme. […] Si elle le voyait, par exemple, engoué à première vue de Benjamin Constant et tout disposé à lui donner cœur pour cœur, âme pour âme, elle l’avertissait et lui disait : « Tu vas me trouver pis que ridicule, mon Charles, si je me mêle encore de te donner des avis sur Constant. […] Son âme généreuse et fière appartenait à ces siècles de grandeur et de gloire que j’ai cherché à faire connaître. […] Il me semble que l’amie d’Alfieri, celle qui consacre désormais sa vie à rendre un culte à la mémoire de ce grand homme, sera prévenue en faveur d’un ouvrage d’un de ses plus zélés admirateurs, d’un ouvrage où elle retrouvera plusieurs des pensées et des sentiments qu’Alfieri a développés avec tant d’âme et d’éloquence… » Mme de Staël fait souvent les frais de la correspondance. Il est question d’elle presque dans chaque lettre ; on a, par ce témoin fidèle, et plus exactement encore qu’on ne le savait jusqu’ici, tout le mouvement de ses inquiétudes et de ses anxiétés, toutes ses fluctuations d’âme en ces années dites de l’exil.
Son âme se trouble, sa conscience s’émeut, il l’interroge avec inquiétude : — « Agni ! […] J’enverrai aux hommes un Mal qui séduira leurs âmes, et ils embrasseront tous avec amour leur propre fléau. […] Au fond de leur âme assombrie, il laisse l’Espérance, captive divine qui la colore d’une teinte d’arc-en-ciel. […] C’est Pallas, la Sagesse céleste, qui pose le papillon de l’âme sur la tête de ses créatures. […] Il y avait sympathie native, fraternité d’âmes entre le jeune héros et le vieux Titan.
« Le corps d’un athlète et l’âme d’un sage » ; c’est ainsi que le définissait plus tard Voltaire aux heures de justice et d’équité. […] Il voudrait nous convaincre que « le bonheur est au-dedans de nous-même ; que la jouissance paisible de notre âme est notre seul et vrai bien ». […] À la manière dont il parle « de cet horrible dégoût de soi-même, qui ne nous laisse d’autre désir que celui de cesser d’être », on voit que si cette âme calme et supérieure n’a jamais été atteinte du mal des Rousseau, des Werther et des futurs René, elle n’a pas été sans le reconnaître et sans le dénoncer à sa source : « Dans cet état d’illusion et de ténèbres, dit-il, nous voudrions changer la nature même de notre âme ; elle ne nous a été donnée que pour connaître, nous ne voudrions l’employer qu’à sentir. » Le vrai sage, selon lui, est celui qui sait maîtriser ces fausses prétentions et ces faux désirs : Content de son état, il ne veut être que comme il a toujours été, ne vivre que comme il a toujours vécu ; se suffisant à lui-même, il n’a qu’un faible besoin des autres, il ne peut leur être à charge ; occupé continuellement à exercer les facultés de son âme, il perfectionne son entendement, il cultive son esprit, il acquiert de nouvelles connaissances, et se satisfait à tout instant sans remords, sans dégoût, il jouit de tout l’univers en jouissant de lui-même. […] À tout le mal qu’il dit des passions, on peut lui opposer cependant une seule, chose : « Mais vous-même, pourrait-on lui dire, auriez-vous échappé à cet ennui, à cette langueur de l’âme qui suit l’âge des passions, si vous n’aviez pas été soutenu et possédé de cette passion fixe de la gloire ? […] En général, Buffon peint la nature sous tous les points de vue qui peuvent élever l’âme, qui peuvent l’agrandir, la rasséréner et la calmer ; il aime d’un mot à tout ramener à l’homme ; il a de la volupté souvent dans le pinceau, mais il n’a pas cette sensibilité où Rousseau et d’autres excelleront : Buffon est un génie qui manque d’attendrissement.
Il faut un aliment à ces âmes ardentes, et leur passion ne se rassasie que dans la contemplation anxieuse du devoir et de l’éternité. […] Si, comme dit Bossuet, Dieu a fait la révolution d’Angleterre pour sauver l’âme de Madame, le plus subtil historien n’aperçoit pas dans les événements la moindre trace de ce projet ; et si le soleil est fabriqué pour éclairer les hommes, les habitants du soleil, qui sont en bon lieu pour observer sa nature, n’ont pas encore découvert sa fin. […] Comme beaucoup d’Anglais, comme toutes les âmes passionnées et concentrées, il avait un sentiment profond des beautés de la nature. […] Ces beaux objets communiquaient leur calme à son âme, et ses premières pensées s’éveillèrent, non dans un malaise secret, mais dans un heureux recueillement. […] Ce fut un bonheur pour lui ; délivré de la concentration violente qui l’emprisonnait en lui-même, et habitué à considérer les forces comme des lois et des qualités des choses, il ne prétendit point que les forces fussent des êtres, ni que l’âme fût une force.
Le même principe, fécond en conséquences, s’applique à ces affections comme à tous les attachements du cœur ; si l’on y livre son âme assez vivement pour éprouver le besoin impérieux de la réciprocité, le repos cesse et le malheur commence. […] Dans la seconde supposition, peut-être la plus naturelle, le sentiment maternel, accoutumé par les soins qu’il donne à la première enfance, à se passer de toute espèce de retour, fait éprouver des jouissances très vives et très pures, qui portent souvent tous les caractères de la passion, sans exposer à d’autres orages que ceux du sort, et non des mouvements intérieurs de l’âme ; mais il est si tristement prouvé que, dès que le besoin de la réciprocité commence, le bonheur des sentiments s’altère, que l’enfance est l’époque de la vie, qui inspire à la plupart des parents l’attachement le plus vif, soit que l’empire absolu qu’on exerce alors sur les enfants, les identifie avec vous-mêmes, soit que leur dépendance inspire une sorte d’intérêt, qui attache plus que les succès mêmes qu’ils ne doivent qu’à eux, soit que tout ce qu’on attend des enfants alors, étant en espérance, on possède à la fois ce qu’il y a de plus doux dans la vérité et l’illusion, le sentiment qu’on éprouve, et celui qu’on se flatte d’obtenir. […] La base principale d’un tel lien, l’ascendant du devoir et de la nature, ne peut être anéanti ; mais dès qu’on aime ses enfants avec passion, on a besoin de toute autre chose que de ce qu’ils vous doivent, et l’on courre, dans son sentiment pour eux, les mêmes chances qu’amènent toutes les affections de l’âme : enfin, ce besoin de réciprocité, cette exigence, germe destructeur du seul don céleste fait à l’homme, la faculté d’aimer, cette exigence est plus funeste dans la relation des parents avec les enfants, parce qu’une idée d’autorité s’y mêle, elle est donc par la même raison plus funeste et plus naturelle ; toute l’égalité qui existe dans le sentiment de l’amour suffit à peine pour éloigner de son exigence l’idée d’un droit quelconque ; il semble que celui qui aime le plus, par ce titre seul, porte atteinte à l’indépendance de l’autre ; et combien plus cet inconvénient n’existe-t-il pas dans les rapports des parents avec les enfants ? […] La conclusion que j’ai annoncée, c’est que les âmes ardentes éprouvent par l’amitié, par les liens de la nature, plusieurs des peines attachées à la passion, et que par-delà la ligne du devoir et des jouissances qu’on peut puiser dans ses propres affections, le sentiment, de quelque nature qu’il puisse être, n’est jamais une ressource qu’on trouve en soi, il met toujours le bonheur dans la dépendance de la destinée, du caractère, et de l’attachement des autres.
. — Les Petites Âmes pressées (1898). — Les Fleurs de la Passion (1900) […] Évidemment, il assigne à la poésie le rôle d’une musique spéciale, et la veut consacrée à l’expression d’états de l’âme spéciaux : de ces larges et troubles coulées d’images, par instants envahissant l’esprit, incapables d’être notées dans une prose, et constituant, pour la psychologie, l’essence même des émotions… La forme musicale de M. […] Le lied des trois cavaliers, dans sa simplicité dolente un peu, est si bien pour que s’endorme l’âme ou pour qu’elle rêve de voir, elle aussi, passer au tournant de la route l’ombre claire, la belle ombre pâle. […] Une douceur en émerge, c’est le lied : restitution d’humanité, définitive en sa musique suave et brève, où chante l’âme de banales et divines aventures plébéiennes ou de ces souvenirs que les héroïsmes, les joies ouïes malheurs séculaires incrustent en le cœur des races ; le lied, dont l’adaptation au verbe français est le bien évident de M.
Un écrivain qui refuse de croire en un Dieu auteur de l’univers, et juge des hommes dont il a fait l’âme immortelle, bannit d’abord l’infini de ses ouvrages. […] Ne nous parlez plus de mystères de l’âme, du charme secret de la vertu : grâces de l’enfance, amours de la jeunesse, noble amitié, élévation de pensées, charme des tombeaux et de la patrie, vos enchantements sont détruits ! […] Lui qui s’est élevé avec tant de force contre les sophistes, n’eût-il pas mieux fait de s’abandonner à la tendresse de son âme, que de se perdre, comme eux, dans des systèmes, dont il n’a fait que rajeunir les vieilles erreurs203 ? […] Au lieu de cette tendre religion, de cet instrument harmonieux dont les auteurs du siècle de Louis XIV se servaient pour trouver le ton de leur éloquence, les écrivains modernes font usage d’une étroite philosophie qui va divisant toute chose, mesurant les sentiments au compas, soumettant l’âme au calcul et réduisant l’univers, Dieu compris, à une soustraction passagère du néant.
Maurice Maeterlinck C’est bien neuf et bien beau d’avoir eu l’idée et le courage de commencer par l’âme. […] Et les voici, les fillettes mystérieuses, tout imprégnées de l’odeur de leur âme et si humainement inexplicables ! […] Et Bûchette et Jeanie, qui regarde en dedans, et Ilsée, Ilsée qui est l’apparition la plus essentielle que je sache ; et Marjolaine qui, la nuit, jette des grains de sable contre les sept cruches multicolores et pleines de rêves, et Cice, la petite sœur de Cendrillon, Cice et son chat qui attendent le prince ; et Lily, puis Monelle qui revient… Je ne puis tout citer de ces pages, les plus parfaites qui soient dans nos littératures, les plus simples et les plus religieusement profondes qu’il m’ait été donné de lire, et qui, par je ne sais quel sortilège admirable, semblent flotter sans cesse entre, deux éternités indécises… Je ne puis tout citer ; mais, cependant, la Fuite de Monelle, cette Fuite de Monelle qui est un chef-d’œuvre d’une incomparable douceur, et sa patience et son royaume et sa résurrection, lorsque ce livre se renferme sur d’autres paroles de l’enfant, qui entourent d’âme toute l’œuvre, comme les vieilles villes étaient entourées d’eau… [Mercure de France (août 1894).]
Un exemple de si chaste et pieuse uniformité agit plus que tout sur cette imagination aisément saisie, sur cette âme à peine échouée et encore trempée du naufrage. […] En habile docteur et praticien de l’âme qu’il était, M. […] Lemontey, dans une notice spirituelle, mais sèche et légère, n’a pas craint de l’appeler une âme théâtrale et vaine. Qui oserait, après avoir assisté avec nous de près à sa pénitence, l’appeler autrement qu’une pauvre âme délicate et angoissée ? […] et où l’on ne dira que juste par cette expression de pitié, qui sera encore, à bien prendre, une générosité d’âme.
Il est de la race, désormais éteinte sans doute, des génies universels, de ceux qui n’ont point de mesure, parce qu’ils voient tout plus grand que nature ; de ceux qui, se dégageant de haute lutte et par bonds des entraves communes, embrassent de jour en jour une plus large sphère par le débordement de leurs qualités natives et de leurs défauts non moins extraordinaires ; de ceux qui cessent parfois d’être aisément compréhensibles, parce que l’envolée de leur imagination les emporte jusqu’à l’inconnaissable, et qu’ils sont possédés par elle plus qu’ils ne la possèdent et ne la dirigent ; parce que leur âme contient une part de toutes les âmes ; parce que les choses, enfin, n’existent et ne valent que par le cerveau qui les conçoit et par les yeux qui les contemplent. […] Jules Lemaître L’âme de Hugo, et c’est tant pis pour moi, est trop étrangère à la mienne. […] Il y en a, comme Coppée, qui ont une âme cii ailes de moineau ; qui va, légère, amusée, gouailleuse, tendre et gaie à la fois, se poser sur tous les arbres des squares et guetter les humbles joies et les humbles drames pour en faire une chanson. Victor Hugo avait une âme en tôle. […] Les sirènes, jadis, aux soirs de l’île heureuse, Ont charmé le passant ailleurs, mais l’Exilé D’ici n’a vu jaillir de la mer douloureuse Que, seule à tel Destin farouche et flagellé, La Muse véhémente avec l’âme en sa chair Du vent mystérieux et de toute la Mer.
Mais les âmes ont la fièvre. […] Il me semblait pourtant que le fandango dure depuis un bon bout de temps). « Le philtre a pour l’éternité confondu leurs âmes. » Le fait est que, pour confondre les âmes, la pharmacie a des moyens irrésistibles. […] Au lieu de peindre avec une précision impossible à obtenir des sons, les motifs intérieurs qu’il supposait agir dans l’âme de ses héros, il a tout simplement rendu leurs mouvements extérieurs et l’amoureux transport qui les saisit. […] La musique, le plus vague des arts, ne peut, en fait de mouvements de l’âme ou du cœur, exprimer que des généralités. […] Au moment, dans le grand prologue, où le héros quitte le royaume des Esprits souterrains et abdique, sa royauté pour se vouer corps et âme à l’amour humain, il jure à sa mère de retourner auprès d’elle si jamais « sa couronne serait défleurie, son cœur brisé » ; et c’est !
Vous n’avez pu sortir de ces entretiens sans que votre âme ait été remuée et fécondée. […] Telle est l’âme des vrais savants, un foyer d’enthousiasme, voilé souvent sous les nuages de la méditation, dans les intervalles laborieux de la recherche, mais toujours brûlant au dedans. […] C’est là un moment psychologique de l’humanité, particulièrement propice à la grande inspiration, tout ce qui est humain appartenant aux poètes, tout ce qui touche à la vie de l’âme, à ses idées, à ses tourments, à ses espérances ou à ses désespoirs. […] Car la terre en ses flancs couve l’âme qui ment Et vient s’épanouir en lui. Voilà donc l’âme retrouvée au terme de cette longue odyssée à travers les sommets et les abîmes de la science, une âme fille de la Terre, dernier terme et dernier effort d’un long enfantement.
l’homme noir de l’Escurial, le dur Trappiste de la Royauté, le bourreau des Flandres… à distance, n’est pas ce qu’on peut appeler une âme tendre ; mais il n’en a pas moins aimé. […] C’est que Philippe II, qui n’est pas un grand homme, qui n’est pas un grand roi, qui n’est pas même une grande âme, eut cependant dans l’âme qu’il avait un grand amour pour une grande chose : Dieu et l’Église, qui n’en faisaient qu’une à ses yeux ! […] Mais ses vices étaient moins forts que sa foi et ne purent arracher jamais de son âme Dieu et l’Église, qu’y avait gravés la main de sa mère et que son âme garda, comme un marbre son inscription. […] Il n’y avait plus que cela qui vécût, pour l’honneur de l’âme humaine pervertie ! […] Âme primitivement tendre pourtant, qui a étouffé sa pitié et durci ses entrailles dans un fanatisme de liberté aussi dépravé que dépravateur !
J’avais terminé mon premier livre, Légende d’âmes et de sangs, poèmes en essai passant par quelques parties de mon plan d’alors, rudimentaire encore. […] Race silencieuse, tenace et patiente, d’âme primitive sous certains aspects, antireligieuse mais encore très attachée à des superstitions, à des coutumes, où l’on reconnaît la même source « Toi, tu es de chez nous ! […] Je crois à l’Ame. […] Le premier souhait était, dirons-nous, la vraie et instinctive expression de son âme. […] Mots qu’il s’agira pour lui (et l’excès de ce souci devenant procédé, le vaincra) de douer d’une âme, d’une âme qui les rendra désormais étrangers à la multitude qui pourtant s’en sert quotidiennement « Les mots ont une âme, dit Maupassant en son Etude sur Flaubert.
Leur religion les faisait jeûner et ouvrir leur bourse à l’Église ou aux pauvres, elle ne leur inspirait pas de réfléchir sur la Trinité ou sur le mode d’union de l’âme au corps. […] C’est le tour d’esprit, ce sont les procédés intellectuels et les habitudes de raisonnement qui produisent aussi la Divine Comédie : il n’y manque que l’âme et l’art de Dante. […] Au-dessus de ces simulacres d’humanité planent les dieux, Amour, Vénus, qui semble émanée de l’âme de la daine comme Amour de l’âme du galant, enfin Raison, autre dédoublement de la personne morale du héros, qui lui déconseille la douloureuse carrière de l’amour. […] L’œuvre est d’un art bien insuffisant : mais dans l’âme de l’homme point comme une obscure lueur, aube de la Renaissance encore lointaine. […] Mais l’institution monastique est l’âme de l’Église : l’idéal chrétien ne se réalise à peu près que par l’ascétisme des couvents, où s’épanouissent les saintes fleurs de pauvreté et de pureté.
L’auteur est évidemment de ceux chez qui le goût s’inspire aux sources de l’âme. […] La littérature, ainsi comprise et cultivée, se peut appeler la fleur et le parfum de l’âme. […] Entre un clergé qui possède les âmes et une féodalité ignorante et guerrière, il n’y a point de place pour une classe de lettrés distincte et indépendante. […] Comme l’Église au moyen âge, ils possèdent les âmes : que peuvent-ils désirer de plus ? […] Leurs livres n’étaient que la meilleure partie de leur âme ; ils vivaient leurs ouvrages avant de les écrire.
Il se réconcilie avec les siens, par un mouvement d’âme où l’artiste a bien sa part. […] Mon âme est comme un colombier tout plein de colombes. […] Ainsi germa l’amour dans mon âme surprise. […] Mais qu’est cette âme collective ? […] Leurs désirs, leurs besoins passaient dans mon âme, ou mon âme passait dans la leur.