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1066. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

Mais la fiction romanesque se produisit alors sous des formes plus sévères et plus nobles, et se trouva bornée dans ses applications par l’état social des peuples et par la supériorité même de leur instinct poétique. […] De quel prix seraient des ouvrages antiques où les aventures fictives s’uniraient à la peinture vraie des mœurs et de l’état social ! […] Cette révolution du goût fait supposer sans doute une connaissance plus répandue, une étude plus attentive de la langue et des ouvrages du poète anglais ; mais elle tient surtout aux changements de l’état social et des mœurs. […] On voit dans leurs écrits moins le génie personnel d’un homme que le savoir d’une époque ; leurs idées semblent un produit artificiel de la vie sociale. […] Il représente au plus haut degré ce qu’après de grandes destructions sociales les âmes devaient éprouver d’agitation et de doute.

1067. (1835) Critique littéraire pp. 3-118

Les uns ont sacrifié le bien-être social à la liberté ; les autres ont cherché le bonheur à l’ombre du trône d’un despote. […] C’est que sa place est ailleurs ; elle est au milieu du mouvement philosophique qui emporte le dix-huitième siècle, au milieu de ces prosateurs austères, harmonieux et sceptiques qui le mènent si doucement à une révolution sociale ; la place de Rousseau est au milieu de ces immortels réformateurs qui sont ses rivaux, mais auxquels il ressemble comme à des frères. […] Believe me, that equally proud of british friendship, equally convinced that the union of France and England, the leaders of modem civilisation, would prove a blessing to both, and countenance everywhere the generous efforts of liberty, and secure throughout Europe the steps of social improvements and promote human happiness ; believe me, Gentlemen, that all my countrymen would rise with me and rapturously propose with me the toast I beg to offer ; France and England for the world3 !  […] Soyez persuadés que mes compatriotes, fiers comme moi de l’amitié de l’Angleterre, comme moi convaincus que l’union de la France et de la Grande-Bretagne, ces deux reines de la civilisation moderne, sera pour nos deux pays une source de prospérité, qu’elle encouragera tous les généreux efforts de la liberté, qu’elle hâtera dans toute l’Europe les progrès de l’ordre social, et assurera le bonheur de l’humanité ; croyez, Messieurs, que tous mes concitoyens se lèveraient avec moi, s’uniraient à mon enthousiasme pour soutenir le toast que je demande la permission de proposer : la France et l’Angleterre pour le bonheur du monde ! 

1068. (1890) Impressions de théâtre. Quatrième série

Ce n’est pas non plus sa façon d’être hypocrite, lorsque cette façon est bien celle qui convient à sa condition sociale et à son éducation. […] Maître Guérin remplit une mission sociale. […] Les personnages ne seront que les représentants des diverses classes sociales et de leurs divers états d’esprit. […] Ce sont les personnages que Watteau embarque pour Cythère dans le tableau que vous savez : voilà tout leur état social. […] Quoi qu’on dise, et malgré son étiquette de convenu, c’est l’Art qui est forcé de reproduire les mannequins sociaux… afin d’être accueilli.

1069. (1923) Nouvelles études et autres figures

Mais ces personnages qui ne nous apprennent presque jamais leur origine, leurs antécédents, leur fonction sociale, — que fait Harpagon ? […] Les inégalités sociales s’y marquaient : elles ne choquaient personne. […] Or, Godwin, ce farouche ennemi du mariage, avait donné en 1797 à ses amis et ses admirateurs le scandale de se marier comme s’il eut été un homme ordinaire et soumis, comme les hommes ordinaires, aux conventions sociales. […] Par eux, leur patrie se mettait à la tête du mouvement social Ils apportaient à l’Allemagne une nouvelle force ; ils lui constituaient-une nouvelle tentacule impérialiste qu’elle étendait sur le monde. […] Reynaud, « un panthéisme dont les dures racines matérialistes disparaissaient, à ses yeux, sous la luxuriante frondaison d’idéalisme humanitaire et social qu’il en faisait jaillir ».

1070. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre II. La Nationalisation de la Littérature (1610-1722) » pp. 107-277

C’est qu’en France l’intention purement littéraire a été dominée par l’intention sociale, et la manie de se singulariser par le besoin d’avoir en foule des approbateurs de sa singularité. […] L’Académie française n’a pas été créée pour autre chose que pour inféoder les destinées de la littérature à celles de la France même ; et pour qu’il ne fût pas dit qu’une force sociale aussi considérable qu’était déjà celle de l’esprit pût échapper entièrement à l’action du pouvoir central. […] — la protection du roi les émancipait de la domesticité du grand seigneur ou du traitant ; les dispensait d’écrire désormais des « dédicaces à la Montauron » ; les classait à un rang, modeste encore sans doute, mais toutefois défini dans la hiérarchie sociale. […] C’est comme si l’on disait qu’aucun grand écrivain de ce temps n’a séparé l’idée de l’art de l’idée d’une certaine fonction ou destination sociale. […] Mais elles trahissent le désir de plaire, et c’est un dernier caractère de la transformation de la langue : plus logique et plus simple en sa construction, plus facile à suivre en son tour et plus spirituelle, elle devient en même temps plus « sociale », ou si l’on veut plus mondaine.

1071. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

Les Turcs ont une expression historique par laquelle ils définissent vaguement, mais heureusement, certaines natures et certains hommes qui ne trouvent pas leur définition juste dans les catégories de la vie sociale, et qui donnent cependant une dénomination très honorable et très distincte aux individualités éminentes de leur civilisation. […] Car le suicide est un crime religieux et social. […] — C’est au législateur à guérir cette plaie, l’une des plus vives et des plus profondes de notre corps social ; c’est à lui qu’il appartient de réaliser dans le présent une partie des jugements meilleurs de l’avenir, en assurant quelques années d’existence seulement à tout homme qui aurait donné un seul gage du talent divin.

1072. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

Enfin Rousseau s’indigne des vices de la civilisation, et la rejette ; tandis que toutes les pensées de Bernardin de Saint-Pierre tendent à perfectionner les vertus sociales. […] Osez proposer le Contrat social à une ville plus grande que Genève, et ces lois si savamment méditées ne produiront que d’effroyables révolutions. […] La solitude ramène en partie l’homme au bonheur naturel, en éloignant de lui le malheur social.

1073. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Troisième partie. Dictionnaire » pp. 243-306

. — Les Superstitions politiques et les Phénomènes sociaux, 1901. […] Œuvres. — Essai sur le Naturisme, Mercure de France, 1897, in-16. — Émile Zola devant les jeunes, La Plume, 1898, in-18. — Le Théâtre Héroïque et Social, Stock, 1901, in-18. — Georges Clemenceau, étude Sansot et Cie 1906, in-18. […] (Sous le pseudonyme de Giraut, notes d’actualité, politiques et sociales, (1901-1902) dans l’Effort.)

1074. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

La notion même du crime est étrangère aux simples données scientifiques ; elle est de nature morale et sociale. […] Premièrement, Albert Vandal croit à l’enchaînement des heures historiques, à l’évolution des phénomènes sociaux et aux nécessités de l’histoire. […] Puis, à l’époque du romantisme, un poète n’osait pas trop porter au théâtre ses bonnes folies très lyriques, sans racheter la courtisane par l’amour, le bouffon par le sentiment paternel, le valet par la revendication sociale, très sociale. […] … L’on se méfie, à cause du piteux résultat que d’autres obtinrent, pour avoir mis leur palette au service d’idées abstraites, ou littéraires, ou sociales. […] Il a vu des contradictions un peu partout, dans les faits sociaux et en lui-même.

1075. (1884) Propos d’un entrepreneur de démolitions pp. -294

L’égalité démocratique prise du plus bas possible devait, selon mes vues, réaliser un niveau social tel qu’il ne restât plus sous le soleil que les Bourbeux et les Croupissants. […] Cet arracheur de toutes les dents du crocodile social a jugé convenable de déclarer la guerre aux étudiants de Paris qu’il appelle « fils de bourgeois ». […] Mais le premier est un corsaire aux couleurs joyeuses, à l’action rapide, qui s’élance en chantant à l’abordage social et qui voudrait saturer sa minute d’existence de toutes les ivresses possibles, sans excepter l’ivresse religieuse elle-même, si ce mécréant pouvait la faire tenir dans son verre. […] Les révolutions, suivant eux, sont les fruits naturels du terroir social ensemencé par le vent des philosophies, et mûris au soleil de la raison… La plus stricte équité veut néanmoins qu’on distingue deux sortes de francs-maçons. […] Ils étaient nés pour végéter et pour germiner obscurément dans les plates-bandes soigneusement irriguées du potager social.

1076. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Un romancier, jusqu’ici, même s’il ne les notait pas, prenait soin de réaliser pour son compte par la pensée la situation sociale, les conditions d’existence, la profession, les ascendances de chacun de ses héros. […] Ainsi le simple fonctionnement de cet organisme social qu’était le petit « clan », prenait automatiquement pour Swann des rendez-vous quotidiens avec Odette et lui permettait de feindre une indifférence à la voir, ou même un désir de ne plus la voir, qui ne lui faisait pas courir de grands risques, puisque, quoi qu’il lui eût écrit dans la journée, il la verrait forcément le soir et la ramènerait chez elle. […] C’est au moment où Swann se rend compte que les Verdurin cherchent à le séparer d’Odette et favorisent le flirt de celle-ci avec Forcheville : En somme la vie qu’on menait chez les Verdurin et qu’il avait appelée si souvent « la vraie vie », lui semblait la pire de toutes, et leur petit noyau le dernier des milieux. « C’est vraiment, disait-il, ce qu’il y a de plus bas dans l’échelle sociale, le dernier cercle de Dante. […] Cette attitude venait de ce que presque tous ceux qui s’adonnaient à l’étude du cœur humain gardaient eux-mêmes des attaches avec la volonté, lui laissaient sur leur conscience une certaine suprématie, acceptaient implicitement une hiérarchie, d’origine sociale, qui la plaçait au sommet des forces psychologiques. […] Ainsi le simple fonctionnement de cet organisme social qu’était le petit « clan », prenait automatiquement pour Swann des rendez-vous quotidiens avec Odette et lui permettait de feindre une indifférence à la voir, ou même un désir de ne plus la voir, qui ne lui faisait pas courir de grands risques, puisque, quoi qu’il eût écrit dans la journée, il la verrait forcément le soir et la ramènerait chez elle.

1077. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIIe Entretien. Montesquieu »

un homme de la race de Confucius, d’Aristote, qui, jetant sur les institutions de l’Europe un regard créateur, infaillible, prophétique, ait cherché dans l’idéal vrai les principes d’amélioration, de perfectionnement, de justice, de nature à les introduire dans les lois sans subvertir le monde et à inoculer au corps social une dose de vérités absolues sans le faire mourir dans son opération médicale ? […] Rousseau ses fantaisies sans base du Contrat social ; à Fénelon ses utopies illogiques du Salluste ; il n’a point eu leurs erreurs, mais il n’a point eu leurs vertus.

1078. (1890) L’avenir de la science « X » pp. 225-238

Heureusement, il est d’autres langues moins tourmentées par les révolutions, moins variables dans leurs formes, parlées par des peuples voués à l’immobilité, chez lesquels le mouvement des idées ne nécessite pas de continuelles modifications dans l’instrument des idées ; celles-là subsistent encore comme des témoins, non pas, hâtons-nous de le dire, de la langue primitive, ni même d’une langue primitive mais des procédés primitifs au moyen desquels l’homme réussit à donner à sa pensée une expression extérieure et sociale. […] Le vrai sens des choses n’est possible que pour celui qui se place à la source même de la beauté, et, du centre de la nature humaine, contemple dans tous les sens, avec le ravissement de l’extase, ces éternelles productions dans leur infinie variété : temples, statues, poèmes, philosophies, religions, formes sociales, passions, vertus, souffrances, amour, et la nature elle-même qui n’aurait aucune valeur sans l’être conscient qui l’idéalise.

1079. (1856) Cours familier de littérature. I « Ier entretien » pp. 5-78

Rousseau, qui avait porté le rêve dans la politique, et dont le Contrat social, oracle la veille, venait de recevoir de la pratique et de la raison autant de démentis qu’il contient de chimères ; tantôt un Fénelon, dont le seul vice dans ses utopies sociales était de ne pas croire au vice ; tantôt un Platon, construisant des républiques comme des nuées suspendues sur le vide ; tantôt un Aristote, ce Montesquieu de l’antiquité, cherchant des exemples plus que des règles et faisant l’anatomie des gouvernements et des lois.

1080. (1856) Cours familier de littérature. II « XIe entretien. Job lu dans le désert » pp. 329-408

… Les politiques ont parlé d’un contrat social, où le peuple n’était pas préalablement entendu ; mais le contrat humain et divin, mais ce contrat entre la vie et le néant, mais ce contrat entre la victime et le supplice, qu’en dites-vous ? […] N’avez-vous pas remarqué que toutes les idées fausses, tous les rêves incohérents, toutes les utopies absurdes en politique, en constitutions sociales de ces trente dernières années, sont sorties de la tête d’un de ces hommes sédentaires, concentrés dans la contemplation exclusive d’une profession ou d’une occupation unique, manquant d’air dans la poitrine, de mouvement dans les pieds, d’espace dans les yeux, d’universalité dans le point de vue !

1081. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

Quoi, nous avons entendu parler parmi nous les hardis novateurs qui préparent l’avenir, nous avons écouté Saint-Simon, Fourier, Owen et les autres ; nous regardons avec anxiété vers les choses futures ; nous vivons au milieu de ces problèmes sociaux dont l’éclosion va changer la face du monde ; nous voyons la religion qui se lézarde et qui s’étaye sur des dogmes nouveaux pour ne pas s’écrouler comme une ruine ; tous les principes, tous les droits, tous les espoirs sont discutés et remis en question ; nous voyons la jeune Amérique qui fait la part belle à la civilisation prochaine ; nous voyons l’Australie qui se prépare à recevoir l’héritage de l’Amérique ; et nous commentons de mauvaises traductions de Platon, et nous faisons des tragédies sur Ulysse, et nous rimaillons des épîtres à Clio, et nous évoquons dans nos vers tous les dieux morts des Olympes détruits ; cela est insensé ! […] Ce mouvement, purement utilitaire, qui couvre le monde entier d’un réseau de chemins de fer, qui pousse sur tous les océans des flottes de navires à hélice, qui bâtit de vastes usines, qui substitue chrétiennement la force de l’association à la faiblesse individuelle, qui brise les vieux liens qui nouaient l’essor de la société, qui détruit les hiérarchies conventionnelles, qui se préoccupe surtout des classes déshéritées et qui cherche à donner à chacun une somme de bien-être plus grand, de vertus plus hautes, d’intelligence plus rayonnante, ce mouvement a besoin d’être dirigé ; pourquoi la littérature ne se chargerait-elle pas de cette mission qui se rattache aux œuvres vives du corps social actuel ?

1082. (1870) La science et la conscience « Chapitre I : La physiologie »

Où est le rôle, où est la place de la personne humaine dans une philosophie naturelle qui explique tout par un concours de forces physiques, dans une science historique qui explique tout par l’action irrésistible des grandes forces naturelles et sociales, dans une spéculation métaphysique qui explique tout par le procès logique des idées ? […] « L’obscure impression du besoin de se mouvoir inhérent au système musculaire est transformée par les cellules cérébrales en volonté, qui ensuite, au gré de l’éducation tant privée que sociale, prend toutes les complications intellectuelles et morales.

1083. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — III. (Fin.) » pp. 246-261

Dans son testament, Duclos a pris soin de mettre cet article épigrammatique : « Je donne à l’Académie mon buste du roi en bronze, et je la prie de me donner pour successeur un homme de lettres. » Personne, du reste, n’a joui plus agréablement que lui dans ses voyages, et en toute occasion, de l’avantage social qu’il y avait alors à être le confrère des gouverneurs de provinces, des archevêques et des ambassadeurs.

1084. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — II. (Fin.) » pp. 296-311

En d’autres temps Vicq d’Azyr avait montré plus d’un genre de courage : il avait fait preuve du courage du médecin en combattant hardiment l’épizootie de 1774 et en se plongeant, pour les purger, dans les foyers d’infection ; il avait fait preuve de courage civil lors de la fondation de la Société royale, en tenant tête de si bonne grâce aux attaques et aux assauts de la Faculté irritée : mais ici, dans un état social sans garanties et où toutes les passions sauvages étaient déchaînées, il se trouva faible et sans défense devant un nouveau genre de périls.

1085. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Les Chants modernes, par M. Maxime du Camp. Paris, Michel Lévy, in-8°, avec cette épigraphe. « Ni regret du passé, ni peur de l’avenir. » » pp. 3-19

Il semblerait vraiment, d’après ce qui précède, que MM. de Lamartine, Hugo, de Vigny et Balzac, à leurs débuts, aient été des libéraux en toute chose et qui souffraient (comme pouvait le faire Casimir Delavigne) des événements de 1815, tandis que tous ceux qui les ont vus et suivis pendant des années savent qu’ils étaient surtout, par leurs origines et leurs premières inclinations, dans le parti contraire, dans le parti dit royaliste, ce dont, au reste, on ne saurait les blâmer ; ils étaient les hommes de leur éducation et du milieu social où un premier hasard les avait placés.

1086. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — II » pp. 263-279

Dans l’ordre social où il vivait, et dans ce cadre religieux-politique dont il était l’un des liens, si Bossuet se fût montré tolérant comme nous l’entendons aujourd’hui et comme cela eût convenu à Bayle, c’est qu’il eût été plus ou moins indifférent.

1087. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Appendice » pp. 453-463

Le poète, à un moment de la pièce, met en opposition les deux points de vue, les deux ordres de considérations morales et sociales.

1088. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Fanny. Étude, par M. Ernest Feydeau » pp. 163-178

Mais après avoir encore une fois savouré ces tristes délices de la lecture d’Adolphe, avoir goûté cette finesse consommée d’expérience sociale, cette vérité aride et terne, si bien dissoute et démêlée, et avoir reconnu, par-dessus tout, le cachet d’élégance et de distinction achevée empreint dans l’ensemble, je n’ai pu m’empêcher d’admirer la différence des temps, des sociétés, des écoles diverses.

1089. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — III » pp. 174-189

Ce qui me paraît plus certain, c’est qu’il allait concourir à un changement social dont il n’avait point le secret, dont il ne mesurait pas la portée.

1090. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 44-63

Je sais qu’autrement, et en observant toutes les convenances sociales, un défenseur catholique, un journaliste ami de la Religion, peut être infiniment respecté et honoré, sans produire un grand effet.

1091. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 64-81

Je pourrais ajouter, si ce n’était ici une digression, qu’il y en a un troisième, celui qu’on rencontre par hasard dans le monde, doux, poli, non tranchant, modeste dans son langage, d’un coup d’œil et d’un ton de voix affectueux, presque caressant ; il est impossible de l’avoir rencontré quelquefois et d’avoir causé avec lui sans avoir reconnu dans cet ogre tant détesté, et qui a tout fait pour l’être, l’homme doué de bien des qualités civiles et sociales.

1092. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Lettres de Madame de Sévigné »

Mme de Simiane, ennuyée des réclamations, se décida à fournir à l’un de ses amis, le chevalier de Perrin, grand admirateur et chevalier posthume de Mme de Sévigné, les éléments d’une édition « à la fois plus complète et plus réservée » ; on avait fait des retranchements sur les personnes, sur les familles, sur tout ce qui semblait indiscret ou même superflu ; on avait biffé, on avait mutilé : la morale, la soi-disant bienséance sociale, avaient commis ce sacrilège.

1093. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. » pp. 31-51

Aussi eurent-ils là, comme les Romains, leur guerre sociale, et en partie leur guerre servile.

1094. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Elles sont si bien revenues d’un court moment d’erreur qu’elles s’imaginent, en le lisant, qu’elles n’ont jamais failli ; et, voyant un si habile avocat plaider pour elles, elles s’attendrissent à penser qu’elles sont restées quasi des anges de vertu. » Ne soyons pas nous-même plus rigoriste qu’il ne convient ; un peu d’hypocrisie sociale est chose nécessaire et qui ne messied pas : il en faut même dans l’art ; il en faut, mais, comme dit la chanson, pas trop n’en faut.

1095. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte. »

C’est par ces faits de l’ordre commun et de l’habitude de la vie relevés à deux ou trois siècles de distance, qu’on peut bien mesurer de combien la civilisation a marché et à quel point le climat social s’est partout adouci.

1096. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

Le vrai moment social de M. 

1097. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite et fin.) »

Je ne cherche, en insistant, qu’à dégager le sens historique de cette individualité disparate, de cette production parasite d’un régime social évanoui.

1098. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Sur la reprise de Bérénice au Théâtre-Français »

Pourquoi l’intelligence critique ne consentirait-elle pas au même effort équitable pour apprécier convenablement des œuvres moins hautes sans doute, plus délicates souvent, sociales au plus haut degré, et qu’il suffit de reculer légèrement dans un passé encore peu lointain, pour y ressaisir toutes les justesses et toutes les grâces ?

1099. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre V. La Fontaine »

Rien ne compense et ne contrepèse chez les derniers poètes du grand siècle les navrantes désillusions de l’égoïsme voluptueux : plus tard, le dévouement à l’humanité, la bienfaisance, la recherche du progrès social apporteront au sensualisme un principe de joie et de sérénité, aideront l’homme à se reprendre, à se relever par l’action.

1100. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VIII. Les écrivains qu’on ne comprend pas » pp. 90-110

À des allures sociales nouvelles correspondront des goûts insoupçonnés.

1101. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Le symbolisme ésotérique » pp. 91-110

Tant il est vrai que les révolutions sociales engendrent une épidémie de troubles nerveux.

1102. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre II : L’intelligence »

Dans l’étude comparative des constitutions sociales et politiques, comprise à la manière d’Aristote, Vico, Montesquieu, Condorcet, Hume, de Tocqueville, il faut « un esprit pénétrant, en d’autres termes une forte faculté identifiante, qui puisse réunir et extraire les ressemblances de l’obscurité des différences176. » Le progrès d’une classification consiste à associer, dans un même groupe, des êtres semblables malgré des dissemblances apparentes, à passer des identités superficielles aux identités fondamentales, de la division d’Aristote en animaux terrestres, marins et aériens, à la division de Cuvier, fondée sur la vraie nature et non sur des ressemblances accidentelles.

1103. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Madame Récamier. » pp. 121-137

Ce genre de création sociale, qui eut tant d’action en France et qui exerça un empire si réel (le salon même de Mme Récamier en est la preuve), ne remonte pas au-delà du xviie  siècle.

1104. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Walckenaer. » pp. 165-181

Il nous a très bien rendu le milieu social au sein duquel se passa son enfance, dans une notice biographique consacrée à M. 

1105. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Les romans de M. Edm. de Goncourt » pp. 158-183

Par son réalisme exact, par ses notes mises sous les yeux du public, par ses déductions avec preuves à l’appui, et ses caractères établis sur leurs actes, M. de Goncourt a pu accomplir pour des milieux et une époque restreints, des livres d’enquête sociale qui flottent entre l’histoire, et le recueil de notes psychologiques.

1106. (1876) Du patriotisme littéraire pp. 1-25

La vérité morale avait été explorée, scrutée, pénétrée par l’âge précédent, par le siècle des La Bruyère et des Bourdaloue : alors la vérité sociale fut recherchée pour la première fois, pour la première fois exposée avec quel rayonnement du génie et de l’esprit français !

1107. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Les deux cathédrales »

La lutte entre le nouveau monde et l’ancien m’apparaît aussi vive dans le domaine de l’art que dans la vie sociale.

1108. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

Les propriétaires du Journal des Débats se rappelèrent le talent qu’il avait montré à cette époque ; ils connaissaient sa vaste érudition, et surtout les qualités de son esprit tour à tour sévère et malin, austère et plaisant ; ils savaient qu’il maniait avec dextérité les armes de la censure et de la raillerie, qu’il ne ferait grâce à aucun défaut, qu’il n’épargnerait aucun ridicule, qu’il était en état de lutter avec les meilleurs critiques de l’époque ; qu’il possédait en littérature des principes fixes, invariables, qu’il ne craindrait pas d’attaquer l’amour-propre des auteurs vivants, et surtout qu’il se trouvait dégagé par sa position sociale de ces méticuleuses considérations, de ces ménagements puérils qui retiennent les traits de la critique dans le cercle étroit des petits intérêts particuliers, et ne leur permettent jamais de dépasser cet horizon borné. […] Les sophismes de la licence confondus par les principes de la liberté, les passions anarchiques enchaînées au pied du trône du premier empereur de Rome et du maître du monde, le fanatisme de la démagogie écrasé par l’esprit social et conservateur, tous les fantômes d’un patriotisme faux ou barbare disparaissant à l’aspect de la sagesse et des véritables vertus civiques, voilà les tableaux que nous présente cette sublime tragédie. […] Pour contenir un peuple ou bien pour l’émouvoir, Il faut aux maximes de la sagesse humaine, aux règlements de la police sociale, la sanction d’un Dieu rémunérateur et vengeur : si le voleur, l’assassin, le traître, le factieux, le tyran, n’ont à redouter que les hommes, c’est une bien faible barrière. […] Il ne faut pas être grand médecin pour prévoir l’effet que doit produire à la longue un pareil régime sur le corps social.

1109. (1923) Paul Valéry

Tu lui serais un dieu. » Hugo avait su exprimer dans Notre-Dame la rivalité sociale de l’architecture et des lettres ; Valéry songerait à une rivalité technique du monument et de la page. […] Il les plie à un usage social. […] Si elle m’arrivait de plus près, d’un moi habituel, social, prévisible, elle perdrait cette force, elle serait le telum sine ictu, et, à la limite, l’épingle sur la pelote des êtres qui pensent et écrivent par clichés. […] Le créateur des images sent que d’une réalité à une autre on peut toujours établir le pont d’une « métaphore », et que la capacité de φερειν, limitée chez l’homme ordinaire à la faculté de jeter une passerelle sur un ruisseau, devient chez un Hugo la puissance de lancer le pont sur la Manche, ou de creuser le canal de Suez, c’est-à-dire de réunir par l’art ce que la nature sociale sépare.

1110. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

Voilà, du moins, un curieux exemple d’une des plus constantes habitudes du théâtre classique et qui est, selon les cas, une faiblesse ou une force : je veux dire la simplification de la biographie et de l’état social des personnages, ou même la presque absence de détails précis sur leur condition et sur leur passé. […] Il les désigne encore par des périphrases telles que « coquettes de profession » ou « femmes à bonne fortune » ; mais, dès qu’elles ouvrent la bouche, il n’est plus possible de se tromper sur leur métier ni sur leur condition sociale. […] Puisque ce petit arrangement les rend tous heureux, ne vaut-il pas mieux qu’ils le croient d’accord avec la règle sociale ? […] Les institutions religieuses et sociales sont choses beaucoup plus purement matérielles et extérieures qu’on ne croit ; j’entends par là que beaucoup de créatures humaines les acceptent par force, par habitude ou par intérêt, mais sans être aucunement imprégnées des idées et des croyances sur lesquelles ces institutions sont censées reposer. […] Il y a, comme cela, des millions d’êtres, parmi nous, pour qui nulle morale et nulle religion n’est advenue, quoiqu’ils suivent ingénument certains rites sociaux, et qui doivent être tout à fait inutiles à la réalisation des « fins de l’univers », si toutefois l’univers a des fins.

1111. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

Autant dire que la famille Fabrecé est détruite, cette famille qui était une raison sociale. Une raison sociale se refait. […] L’auteur a vu un danger social, et il le désigne. […] On peut aussi l’employer à la défense des idées, à l’action politique ou sociale ; mais, d’abord, elle est un amusement. […] Dans l’ordre de la vie morale et sociale, on découvre ce qu’elle a démoli, sans rien bâtir.

1112. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre III. Le lien des caractères généraux ou la raison explicative des choses » pp. 387-464

Grâce aux documents conservés et par des procédés exacts de reconstruction méthodique, nous pouvons aujourd’hui supprimer la distance du temps, nous représenter en spécimens plus ou moins nombreux le Français ou l’Anglais du dix-septième siècle ou du moyen âge, l’ancien Romain, et même l’Indou de l’époque bouddhique, nous figurer sa vie privée, publique, industrielle, agricole, politique, religieuse, philosophique, littéraire, bref, faire la psychologie descriptive de son état moral et mental et l’analyse circonstanciée de son milieu physique et social, puis de ces éléments passer à des éléments plus simples encore, démêler les aptitudes et les tendances qui se retrouvent efficaces et prépondérantes dans toutes les démarches de son esprit et de son cœur, noter les conceptions d’ensemble qui déterminent tout le détail de ses idées, marquer les inclinations générales qui déterminent le sens de toutes ses actions, bref, distinguer les forces primordiales qui, présentes et agissantes à chaque moment de la vie de chaque individu, impriment au groupe total, c’est-à-dire à la société et au siècle, les caractères que l’observation lui a reconnus115. […] Par l’influence combinée de l’état antérieur et des aptitudes et facultés héréditaires, il explique son état social, intellectuel et moral au moment donné ; par l’influence combinée de cet état nouveau et des mêmes aptitudes et tendances héréditaires, il explique son état social, intellectuel et moral au moment postérieur, et ainsi de suite, soit en remontant le cours des temps depuis l’époque contemporaine jusqu’aux plus anciennes origines historiques, soit en descendant le cours des temps depuis les plus anciennes origines historiques jusqu’à l’époque contemporaine. — On conçoit que dans cette prodigieuse évolution, qui s’étend depuis la formation du système solaire jusqu’à celle de l’homme moderne, les lacunes soient grandes et nombreuses ; elles le sont en effet, et souvent nous n’avons pour les combler que des conjectures.

1113. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

J’insiste encore, car, pour le littérateur, c’est tout si on le peut rattacher à un vrai moment social, si on peut sceller à jamais son nom à un anneau quelconque de cette grande chaîne de l’histoire. […] Les déclamations même sur la noblesse, sur les inégalités sociales, sur les sciences, ces traces présentes de Jean-Jacques, deviennent des traits assez vrais du moment.

1114. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

XXXII Ma renommée de poète à peine éclos, ma qualité de diplomate français, l’accueil dont j’étais l’objet à la cour du souverain, mon bonheur intérieur, la présence de mes meilleurs amis, le loisir réservé à la poésie de ma vie comme à celle de mes pensées, ma reconnaissance pour tous ces dons de la Providence et mon penchant à la contemplation pieuse qui s’est toujours accru en moi dans les moments heureux de mon existence, comme les parfums de la terre qui s’élèvent mieux sous les rayons du soleil que sous les frimas des mauvais climats, semblaient me promettre une félicité calme dont je remerciais ma destinée ; lorsqu’un événement étrange et inattendu vint changer du jour au lendemain cet agréable état de mon âme en une sorte de proscription sociale qui se déclara soudainement contre moi, et qui me fit craindre un moment de voir ma carrière diplomatique coupée et abrégée au moins en Italie, ce pays du monde dont j’aimais le plus à me faire une patrie d’adoption. […] Quand lord Byron faisait parler Manfred, le Corsaire ou Lara ; quand il mettait dans leur bouche les imprécations les plus affreuses contre l’homme, contre les institutions sociales, contre la Divinité ; quand ils riaient de la vertu et divinisaient le crime, a-t-on jamais confondu la pensée du poète et celle du brigand ?

1115. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

Dans toutes les langues, l’homme a parlé et écrit en prose des choses nécessaires à la vie physique ou sociale : domesticité, agriculture, politique, éloquence, histoire, sciences naturelles, économie publique, correspondance épistolaire, conversation, mémoires, polémique, voyages, théories philosophiques, affaires publiques, affaires privées, tout ce qui est purement du domaine de la raison ou de l’utilité a été dévolu sans délibération à la prose. […] X Si nous parcourions ainsi successivement tous les phénomènes du monde visible ou du monde social, nous trouverions partout des éléments sans nombre de poésie cachés aux profanes dans toute la nature, comme le feu dans le caillou.

1116. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le buste de l’abbé Prévost. » pp. 122-139

Comme les hommes extrêmement sincères et naturels, ayant dû renoncer une fois à ce qui lui était le plus cher, il ne trouva plus ensuite de ressort suffisant et de point d’appui dans l’amour-propre social et dans la seule vanité mondaine.

1117. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — I. » pp. 279-295

Il représente une phase nouvelle et un progrès social dans la science qu’il cultivait avec succès ; il contribua plus que personne en son moment à la rendre facile, accessible, même élégante de forme, en la laissant sérieuse et solide ; à la tirer des écoles, sans la rendre pour cela frivole et sans la profaner.

1118. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — III » pp. 476-491

Voltaire, dont notre Révolution eût fait le désespoir (car jamais esprit ne fut à la fois plus aristocratique et plus libéral), excitait ses disciples de Cour à mêler aux discussions littéraires l’examen de l’état social de leur époque ; ce puissant intérêt, tout nouveau pour des esprits légers, les élevait à leurs propres yeux, en même temps qu’il ouvrait à leur curieuse ardeur un champ inconnu et sans bornes.

1119. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Guillaume Favre de Genève ou l’étude pour l’étude » pp. 231-248

» Pour Guillaume Favre le bonheur n’était point si court qu’un brûlant été, ni si passager qu’un jour d’orage ; il sut le fixer autant qu’on le peut ici-bas, et il se serait plu sans nul doute à répéter et à s’appliquer à lui-même, s’il l’avait connue, cette page riante et modérée que je lisais dernièrement dans le journal familier d’un homme de son âge, et qui y est inscrite sous ce titre assez naïf, Le Paradis sur terre 42 : En faisant ce matin, de bonne heure, une promenade agréable et par le temps le plus délicieux, respirant l’air le plus pur et admirant la tranquille et paisible gaieté du paysage, je me disais : Un homme de Moyen Âge, jouissant d’une bonne santé et d’une fortune un peu au-dessus de ses besoins stricts, et par là dans une situation sociale indépendante, pouvant se donner le séjour de la campagne en été, celui d’une grande ville en hiver, ayant quelque goût pour la littérature et les beaux-arts, usant de tous ces avantages qui peuvent cependant se trouver réunis assez facilement, et les appréciant avec un peu de philosophie, ne pourrait-il pas dire qu’il serait ingrat de penser avec le sage Salomon : Vanité des vanités, tout n’est que vanité ?

1120. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — I » pp. 1-17

dans cette maison de silence et de paix, un jeune homme obscur, timide, que Lamennais, distrait par ses visions sociales apocalyptiques, ne distingua jamais des autres, à qui il ne supposait que des facultés très ordinaires, et qui dans ce même temps où le maître forgeait sur son enclume ces foudres qu’on appelle les Paroles d’un croyant, écrivait, — lui —, des pages intimes beaucoup plus naturelles, plus fraîches, — tranchons le mot, plus belles —, et faites pour toucher à jamais les âmes éprises de cette vie universelle qui s’exhale et se respire au sein des bois, au bord des mers.

1121. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps. Par M. Guizot. »

On y sent se dessiner les formes d’esprit de l’auteur lui-même, confiance, espérance, certitude ; on y saisit ses origines intellectuelles et morales, son tour et son degré de libéralisme, ses limites distinctes et précises : « Je suis de ceux, dit-il, que l’élan de 1789 a élevés et qui ne consentiront point à descendre… Né bourgeois et protestant, je suis profondément dévoué à la liberté de conscience, à l’égalité devant la loi, à toutes les grandes conquêtes de notre ordre social.

1122. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet »

Michelet poursuit sans relâche, à travers les récréations d’histoire naturelle qui le délassent plutôt qu’elles ne le détournent, la série des études qui ont pour objet de continuer et de compléter les premiers volumes de son Histoire de France, commencée en 1833, interrompue en 1844, et qui doivent bientôt la rejoindre à son Histoire de la Révolution, conçue et composée depuis lors dans le feu des agitations sociales et des tempêtes civiles.

1123. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Halévy, secrétaire perpétuel. »

si l’on est d’un art particulier, tout en restant le confrère et l’ami des artistes, savoir s’élever cependant peu à peu jusqu’à devenir un juge ; si l’on a commencé, au contraire, par être un théoricien pur, un critique, un esthéticien, comme ils disent là-bas, de l’autre côté du Rhin, et si l’on n’est l’homme d’aucun art en particulier, arriver pourtant à comprendre tous les arts dont on est devenu l’organe, non-seulement dans leur lien et leur ensemble, mais de près, un à un, les toucher, les manier jusque dans leurs procédés et leurs moyens, les pratiquer même, en amateur du moins, tellement qu’on semble ensuite par l’intelligence et la sympathie un vrai confrère ; en un mot, conquérir l’autorité sur ses égaux, si l’on a commencé par être confrère et camarade ; ou bien justifier cette autorité, si l’on vient de loin, en montrant bientôt dans le juge un connaisseur initié et familier ; — tout en restant l’homme de la tradition et des grands principes posés dans les œuvres premières des maîtres immortels, tenir compte des changements de mœurs et d’habitudes sociales qui influent profondément sur les formes de l’art lui-même ; unir l’élévation et la souplesse ; avoir en soi la haute mesure et le type toujours présent du grand et du beau, sans prétendre l’immobiliser ; graduer la bienveillance dans l’éloge ; ne pas surfaire, ne jamais laisser indécise la portée vraie et la juste limite des talents ; ne pas seulement écouter et suivre son Académie, la devancer quelquefois (ceci est plus délicat, mais les artistes arrivés aux honneurs académiques et au sommet de leurs vœux, tout occupés qu’ils sont d’ailleurs, et penchés tout le long du jour sur leur toile ou autour de leur marbre, ont besoin parfois d’être avertis) ; être donc l’un des premiers à sentir venir l’air du dehors ; deviner l’innovation féconde, celle qui sera demain le fait avoué et’reconnu ; ne pas chercher à lui complaire avant le temps et avant l’épreuve, mais se bien garder, du haut du pupitre, de lui lancer annuellement l’anathème ; ne pas adorer l’antique jusqu’à repousser le moderne ; admettre ce dernier dans toutes ses variétés, si elles ont leur raison d’être et leur motif légitime ; se tenir dans un rapport continuel avec le vivant, qui monte, s’agite et se renouvelle sans cesse en regard des augustes, mais un peu froides images ; et sans faire fléchir le haut style ni abaisser les colonnes du temple, savoir reconnaître, goûter, nommer au besoin en public tout ce qui est dans le vestibule ou sur les degrés, les genres même et les hommes que l’Académie n’adoptera peut-être jamais pour siens, mais qu’elle n’a pas le droit d’ignorer et qu’elle peut même encourager utilement ou surveiller au dehors ; enfin, si l’on part invariablement des grands dieux, de Phidias et d’Apelle et de Beethoven, ne jamais s’arrêter et s’enchaîner à ce qui y ressemble le moins, qui est le faux noble et le convenu, et savoir atteindre, s’il le faut, sans croire descendre, jusqu’aux genres et aux talents les plus légers et les plus contemporains, pourvu qu’ils soient vrais et qu’un souffle sincère les anime.

1124. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Il a remué dans ce roman de grosses questions, plus grosses peut-être qu’il n’avait d’abord pensé : questions théologiques, sociales ; questions de présent et d’avenir.

1125. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

Les nations, pour se former, pour sortir de l’état social élémentaire et pour s’élever dans la civilisation et dans la puissance, ont besoin de tels hommes ; quand elles se sont défaites et qu’elles sont restées, des siècles durant, en dissolution et en déconfiture, elles en ont également besoin pour se reformer, et rien n’en saurait tenir lieu : elles languissent et traînent, ou s’agitent vainement, jusqu’à ce qu’elles aient trouvé cet homme-là.

1126. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — II »

Son style est complet en soi, aussi complet que son drame lui-même ; ce style est le produit d’une organisation rare et flexible, modifiée par une éducation continuelle et par une multitude de circonstances sociales qui ont pour jamais disparu ; il est, autant qu’aucun autre, et à force de finesse, sinon avec beaucoup de saillie, marqué au coin d’une individualité distincte, et nous retrace presque partout le profil noble, tendre et mélancolique de l’homme avec la date du temps.

1127. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Jean-Baptiste Rousseau »

De simples naissances, de simples morts de princes et de rois ont été d’éclatantes leçons, de merveilleux compléments de fortune, des chutes ou des résurrections d’antiques dynasties, de magnifiques symboles des destinées sociales.

1128. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre II »

Ses études premières exclusivement artistiques, et secondes uniquement politiques et sociales, ne le disposaient pas aux recherches de psychologie documentaire.

1129. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre III. Inconvénients de la vie de salon. »

Ils n’ont aucune notion de l’architecture sociale ; ils n’en connaissent ni les matériaux, ni les proportions, ni l’équilibre ; ils n’y ont jamais mis la main, ils n’ont point de pratique.

1130. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre onzième. »

La Rochefoucauld le prend sur le fait, alors que, par le relâchement de tous les liens sociaux, il s’échappe, laissant voir à nu toute cette corruption que refoule et contient l’excellence des polices humaines.

1131. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame la duchesse d’Angoulême. » pp. 85-102

Le monde, pour elle, se présentait comme partagé nettement en deux, les bons et les méchants : les méchants, c’est-à-dire tout ce que l’imagination humaine, dans les heures de paix et de régularité sociale, ose à peine se représenter à nu, la brutalité dans toute sa grossièreté et sa bassesse, le vice et l’envie dans toute l’ivresse ignoble de leur triomphe et dans la cruauté de leurs raffinements ; les bons, c’est-à-dire quelques-uns, touchés, pleurant, timides, adoucissant le mal à la dérobée et se cachant.

1132. (1889) Méthode évolutive-instrumentiste d’une poésie rationnelle

, tel est mon principe social… Ceci dit : que l’on me permette de prendre du Traité du Verbe les titres de mon œuvre et de ses parties et des livres, du livre I, le meilleur devenir, qui est l’historique poétique de la Matière éthérée évoluant à l’animal instinctif et sensationnel — au livre dernier, la loi.

1133. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre V. Mme George Sand jugée par elle-même »

Vous avez tous cru — même vous, Monsieur Sainte-Beuve, qui voulez que mes opinions en morale soient la religion de l’avenir, — que j’étais un écrivain d’ordre philosophique, ayant des idées sociales à faire triompher, écrivant des romans comme Rousseau pour prêcher et enseigner quelque chose ; espérant arriver à soulever par l’imagination, cette grande force, tous les sentiments de la vie contre la Loi et l’Opinion, — ces choses mal faites.

1134. (1900) Le lecteur de romans pp. 141-164

Je pense seulement que le livre sera bon si le lecteur, en le fermant, a senti plus vivement le danger, personnel ou social, de la faute ou de l’erreur que l’auteur a décrite, ou s’il a plus clairement compris la grandeur et la nécessité de la loi morale à laquelle il est, comme homme, obligé d’obéir.

1135. (1929) La société des grands esprits

Le hasard joue toujours un certain rôle dans les relations sociales et dans les recueils d’essais ou de portraits littéraires. […] Charles Morice, lui, trouve dans l’esprit unitaire du moyen âge son idéal social et religieux. […] Enfin, Jean-Jacques prend la simple qualité d’homme pour base de ses revendications sociales, et risque par ce biais encore de nous ramener à un état barbare. […] Évidemment, ajoute-t-il, il se commet plus de crimes dans l’état social que dans l’état sauvage : Jean-Jacques aurait pu le crier encore plus haut. […] Le milieu social, comme le milieu physique, est le produit non pas d’un seul déterminisme homogène, mais de divers déterminismes qui s’entrecroisent dans une vaste et mouvante complexité.

1136. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

Et quand on pense que cette bonne dame de Pontchartrain, si stricte tout à coup sur les convenances sociales, mais si indulgente pour la liaison de son gendre avec Mme de Rochefort, est elle-même un peu soupçonnée d’avoir eu une amitié du même genre pour le vieux président Roujault ! […] Cependant on ne saurait nier que la morale chevaleresque, la poésie chevaleresque n’existassent aussi à côté de ces mœurs grossières et barbares, de ce désordre social. […] « Je soutiens, a dit Sterne dans un fort bon sermon, que rien n’a fait plus de mal aux vertus sociales que ces hideuses peintures de la société où tant de philosophes se sont complu ; omettant tout ce qu’il y a de généreux dans le cœur de l’homme, elles l’abaissent au-dessous de la brute, comme un composé de tout ce qui est égoïste et bas. […] Il y a toujours un parti meilleur ou moins mauvais que l’autre, et l’homme social, intéressé et obligé de soutenir l’ordre social, est dans l’obligation de faire son choix ou il manque à la société et à lui-même… J’ai répondu aussi à Vignet, qui me regarde comme un pestiféré pour ne pas vouloir notre salut de la lance des Cosaques, ou du sabre du carabinier royal. […] Tu peux t’imaginer ce que moi, démissionnaire pour les Bourbons, écrivain religieux, royaliste, homme d’antipathie par une certaine élévation sociale aux masses des boutiques, des comptoirs et des cafés et des études d’avoué, etc., aux officiers de Mâcon, etc., tu peux t’imaginer ce que je dois être aux yeux de cette classe ardente, agitable, non intelligente en général.

1137. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

Elle a assez longtemps vécu dans ce monde où, comme modèle, elle a non seulement posé pour la statue de Sapho du sculpteur Caoudal, mais où elle a passé de bras en bras sans trop se douter de la situation sociale qu’elle se faisait. […] Le monde social, avec ses devoirs meurtriers, se trouvait écarté. […] Cette sensibilité contenue vite aigrie, qui se change en folles colères devant les aspects d’injustice de l’ordre social. […] Disciple ardent de Schopenhauer, amer, vaincu, révolté, Robert Guérin avait passé une partie de la nuit à dire son fait à la vie, à la décrépitude sociale, à l’humanité déchue, aux vanités de la gloire… et surtout à l’amour, source empoisonnée de toutes les misères et de tous les crimes d’ici-bas… Rien n’était resté debout, sauf les institutions… Mais, dans ces vingt pages enflammées, qu’il estimait, non sans orgueil, devoir faire quelque bruit, il avait pris soin de ne point tracer une seule fois, de peur de le rendre impérissable, le nom de l’indigne Christiane. […] Voilà de belles et éloquentes pages qu’il faut admirer en dépit de ceux qui veulent voir une régénération sociale où il n’y a qu’un symptôme de dégénérescence.

1138. (1913) Le mouvement littéraire belge d’expression française depuis 1880 pp. 6-333

  À l’intérieur même de la Belgique, le sol appelait certaines conditions de vie sociale et politique qui existaient déjà à l’état d’ébauches avant les Romains, et qui ont atteint leur pleine réalisation dans la glorieuse Belgique de nos jours. […] Je comprends que les Belges soient fiers d’une histoire qui a si complètement changé les choses, si bien que l’on peut dire que nulle part en Europe l’homme n’a plus radicalement transformé les conditions de sa vie sociale. […] Pendant cinquante ans, les questions politiques et sociales absorbent l’activité des Belges. […] On le voit, la Flandre ni la Wallonie ne manqueront de poètes… Depuis vingt-cinq ans, les préoccupations politiques et sociales n’ont point détourné la Belgique d’aspirations désintéressées. […] Wilmotte donna, en 1911, une série de conférences à la Sorbonne et, l’année précédente, Dwelshauwers, à l’École des hautes études sociales.

1139. (1913) Poètes et critiques

J’omets, de parti pris, quelques écrits où la préoccupation sociale, la propagande pour la paix écrasent un peu l’œuvre d’art, mais je ne puis assez dire tout ce qu’il y a d’invention ingénieuse et d’exquise naïveté dans ce recueil, récemment publié, le héâtre du Petit Chaperon Rouge. […] Son esprit sans timidité, mais bien plutôt aventureux et assez chimérique, engloutissait, sans trop y regarder, les formules du ontrat social. […] Maintenant supposez l’équilibre rompu entre ces deux pouvoirs mystérieux, qui sont comme le flux et le reflux de la vie intérieure chez les Suédois ; donnez la prédominance à « ce désir qui nous porte à sortir de nous », et vous aurez des révoltés contre les conventions sociales, à la façon du romantique Almqvist. […] C’est donc du seul examen de leurs idées sur les ouvrages de l’esprit, sur la vie humaine, sur l’état social, sur la question religieuse, qu’il a fallu faire jaillir tout l’intérêt des pages consacrées à nous expliquer ce qu’ils pensent. […] Et quelle chaleureuse admiration déterminaient chez le critique, à ce même moment, les « hallucinations » d’Émile Verhæren, ses visions symboliques de la vie des pauvres gens, ses essais d’épopée sociale, ses explosions de lyrisme tout moderniste !

1140. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

Pour que la deuxième racine soit coupée, il suffît d’une activité sociale déversée tout entière vers le futur, vers l’action immédiate, et d’un art jeté à l’impression momentanée. […] « L’épopée, dit Victor Hugo, a pu être fondue dans le drame, et le résultat c’est cette merveilleuse nouveauté littéraire qui est en même temps une puissance sociale, le roman. » C’est vrai, et quand on a écrit les Burgraves, la Légende des siècles et les Misérables, on met sous cette vérité bien des réalités intérieures que les critiques n’y mettent pas. […] Mais le critique et l’organique, qui sont la chaîne et la trame de la vie sociale, ils sont aussi la chaîne et la trame de la vraie critique, de la critique complète. […] Mentré sur les Générations sociales. […] Quand elle réalise un de ses très rares chefs-d’œuvre, elle se comporte devant la réalité littéraire comme le romancier devant la réalité morale ou sociale.

1141. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

Mais attendez un peu, et bientôt vous verrez l’apôtre de l’état naturel, poussé, par une inconséquence forcée, d’un excès dans l’excès contraire, au lieu des douceurs de la liberté sauvage, nous proposer le Contrat social et Lacédémone. […] Mais puisqu’ils renferment toute notre destinée en ce monde, demandons-leur quel sort si digne d’envie ils nous y réservent, quel ordre social ils chargent de notre bonheur, quelle politique enfin dérive de leur morale192. […] Tels sont les éléments sociaux que la morale de l’intérêt livre à la politique. […] Nul art social ne peut changer cette nature : on la peut couvrir plus ou moins ; elle reparaît toujours, surmonte et déchire les voiles dont l’enveloppe une législation mensongère.

1142. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

Il ne veut que nous faire pitié et peur, nous communiquer le sentiment de ce qu’il y a d’incurable et de désespéré dans le mal social. […] Et dans la Duchesse de Montélimar, c’est une maladresse sans doute, mais honorable, d’avoir voulu tout à coup s’élever, a certains moments, du ton du pur vaudeville à celui de la satire sociale… Malgré mes vœux, cette brave Duchesse n’avait pas totalement agréé au public de la « première ». […] Voilà plus de cent ans que la noblesse est morte comme classe politique et comme classe sociale ; et, pourtant, il n’y a pas à dire, elle survit comme caste mondaine. […] En vain, le temps passe, renouvelant toutes choses, modifiant la « position » des questions politiques et sociales : on demeure figé, ici, dans le jacobinisme étroit hérité du grand-père ; là, dans le culte monarchique hérité des aïeux. […] Il s’agit donc de trouver des intonations, des cris, des rires, des gestes, des mines qui correspondent à ces divers chatouillements, en tenant compte des différences d’âge, de condition sociale et de circonstances.

1143. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

La mission sociale qu’il se proposait ainsi était une façon comme une autre, mais romanesque, de s’évader d’une médiocrité pénible et d’en finir avec un malentendu familial. « Soldat, professeur, poète, négociant ou ministre, ce qu’il faut, ce que je veux, c’est être grand. » Nobles ferveurs, et dont quelques-unes, déjà, ont satisfait ce cœur exigeant ! […] État Civil annonçait un subtil enquêteur, déjà sollicité par des problèmes historiques, sociaux, politiques. […] Mais le rôle de l’écrivain, tout le porte à l’élargir dans le sens social ; de Barrès il tient cette volonté et le sentiment de la grandeur, du réalisme. […] Et dans Rousseau, croyez-vous alors qu’il puisse priser le Contrat social ? […] Comprendre que Philippe collabora à la revue d’« art social », L’Enclos, dirigée par Louis Lumet (1872-1923), qui parut d’avril 1895 à février 1899).

1144. (1940) Quatre études pp. -154

La vie sportive n’y est pas négligée, comme bien on pense ; la vie sociale y est active. […] Cette condition effroyable, cette duplicité de l’homme, qui semble s’accroître à mesure que la vie moderne exaspère davantage nos nerfs, brûle davantage notre sang, la raison ne peut pas l’expliquer ; et comme on détourne les enfants de leur douleur en leur montrant des jouets, elle divertit notre attention par des mirages, la politique, le progrès, le bonheur social, jouets d’enfants. […] * * * En effet, de ces deux attitudes à l’égard de la vie découle une différence encore : l’importance que les Français ont donnée à l’expression de la vie sociale dans leurs vers lyriques. […] Ils n’ont guère connu l’appétit de la mort ; au contraire, ils ont contribué à défendre les valeurs sociales qui sont la condition de notre durée. […] Luppol, Diderot, Paris, Éditions Sociales Internationales, 1936, p. 233 : « Maupertuis, ce naturaliste philosophe, qui présida pendant dix ans l’Académie de Berlin, fit le premier pas vers la matérialisation de la monade.

1145. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

Les premières scènes populaires et tragiques de la révolution de Paris et de Versailles, les hiérarchies sociales qui s’écroulaient, les anarchies qui s’entredéchiraient, et enfin la guerre de 1792, dans laquelle sa chère Allemagne commençait sa carrière de gloire par de mornes déroutes en Champagne et dans les Ardennes ; enfin, l’affection passionnée que Goethe portait à son prince et à son ami, le duc de Weimar, tout cela avait promptement refroidi le goût, plus littéraire que politique, du grand poète pour la Révolution. […] Rousseau ou de Proudhon contre l’ordre social, un rêve de liberté absolue se faisant à elle-même sa propre législation par l’énergie du cœur et par la force du bras.

1146. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

Le système du hasard n’explique rien, et il a ce très grand danger de porter les âmes à l’irréligion, mal social qui perd les individus et que le législateur doit énergiquement combattre. […] L’homme se sent le sujet d’une puissance qui est au-dessus de lui, bienfaisante et douce s’il l’écoute, implacable s’il lui résiste, et, quand la justice l’exige, anticipant le châtiment du dehors par ses tortures invisibles, dont le coupable a le douloureux secret, même quand il échappe à la vindicte sociale.

1147. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

Les hommes ne savent accepter avec reconnaissance ni de Dieu, ni de la Nature, ni d’un de leurs semblables, les trésors sans prix. » Mais ce ne sont pas seulement nos grands auteurs qui l’occupent et qui fixent son attention, il va jusqu’à s’inquiéter des plus secondaires et des plus petits de ce temps-là, d’un abbé d’Olivet, d’un abbé Trublet, d’un abbé Le Blanc qui, « tout médiocre qu’il était (c’est Goethe qui parle), ne put jamais parvenir pourtant à être reçu de l’Académie. » Cependant la France changeait ; après les déchirements et les catastrophes sociales, elle accomplissait, littérairement aussi, sa métamorphose. […] Chaque temps renferme tant de souffrances inexprimées, tant de mécontentements secrets, de lassitude de l’existence, et il y a pour chaque homme dans ce monde tant de relations pénibles, tant de chocs dans sa nature contre l’organisation sociale, que Werther ferait époque aujourd’hui, s’il paraissait aujourd’hui.

1148. (1909) De la poésie scientifique

L’on se rend compte alors, que, dénué d’idée directrice le concrétant en concepts philosophiques et sociaux, le « Symbolisme », de par son essence toute émotive, se soit scindé en autant de modes, mais tous également inaptes aux généralisations, que lui imposaient de vibrants tempéraments. […] René Ghil, d’où découle le principe de Philosophie qui soutient de sa charpente toute l’œuvre, s’échafaude avec la splendeur et le charme délicat d’idéalité d’une théogonie indoue. » — Gaston et Jules Couturat : René Ghil (Revue Indépendante, Août 1891) La philosophie et l’éthique  morale sociale Donc, l’univers phénoménal contient et éternellement développe sa Finalité.

1149. (1894) Textes critiques

Comme en Avant le lever du soleil, « drame social ». […] Floury, 6 fr. — Léon Parsons : l’Ordre social et le Contrat libre, plaq., Chamuel‌   Un homme, par des engins inventés par lui ou retrouvés de traditions perdues au reste, frappe à distance à son plaisir quiconque nuirait à sa liberté parfaite.

1150. (1926) L’esprit contre la raison

Ayons pitié des hommes qui n’ont compris que l’usage littéraire qu’ils pouvaient en faire et qui se vantent par là de préparer la renaissance artistique qu’appelle et qu’ébauche la renaissance sociale de demain. »am Et certes, en dépit des cadres de brutalité qu’on pourrait leur combiner, les usages littéraires ne seront jamais que des simagrées. […] J’entends que l’ensemble des combinaisons sociales ne saurait prévaloir contre l’angoisse dont est pétrie notre chair même […]/  On se suicide, dit-on, par amour, par peur, par vérole.

1151. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre IV. De la délimitation, et de la fixation des images. Perception et matière. Âme et corps. »

Ce qu’on appelle ordinairement un fait, ce n’est pas la réalité telle qu’elle apparaîtrait à une intuition immédiate, mais une adaptation du réel aux intérêts de la pratique et aux exigences de la vie sociale. […] Nous avons tenté autrefois l’application de cette méthode au problème de la conscience, et il nous a paru que le travail utilitaire de l’esprit, en ce qui concerne la perception de notre vie intérieure, consistait dans une espèce de réfraction de la durée pure à travers l’espace, réfraction qui nous permet de séparer nos états psychologiques, de les amener à une forme de plus en plus impersonnelle, de leur imposer des noms, enfin de les faire entrer dans le courant de la vie sociale.

1152. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — II. (Fin.) » pp. 36-54

Les lettres de Fénelon, à cette date, jettent un profond et triste jour sur la décadence de l’esprit public et la détérioration des caractères et de la morale sociale.

1153. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres complètes de Buffon, revues et annotées par M. Flourens. » pp. 55-73

Il se sert de tous les avantages que sa condition et son existence sociale lui fournissent, pour se perfectionner, non pour se dissiper et se corrompre.

1154. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Chateaubriand. Anniversaire du Génie du christianisme. » pp. 74-90

Ce sont là de ces coïncidences uniques, de ces harmonies sociales qui ne se rencontrent qu’à de longues distances : Fontanes, au début de son article, en résumait l’accord merveilleux et en traduisait le sens divin, avec autant d’élévation que d’élégance.

1155. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — III. (Fin.) » pp. 479-496

Il n’avait que dédain pour ceux qui rapportaient l’origine d’une si grande secousse à tel objet particulier de leur dépit ou de leur aversion : L’heure des révolutions sonne, messieurs, disait-il (et c’est dans un discours qu’il eut à prononcer comme préfet à l’ouverture du lycée de Clermont sous l’Empire), — l’heure des révolutions sonne quand la succession des temps a changé la valeur des forces qui concourent au maintien de l’ordre social, quand les modifications que ces forces ont subies sont de telle nature qu’elles portent atteinte à l’équilibre des pouvoirs ; quand les changements, imperceptiblement survenus dans les mœurs des peuples et la direction des esprits, sont arrivés à tel point qu’il y a contradiction inconciliable et manifeste entre le but et les moyens de la société, entre les institutions et les habitudes, entre la loi et l’opinion, entre les intérêts de chacun et les intérêts de tous ; quand enfin tous les éléments sont parvenus à un tel état de discorde qu’il n’y a plus qu’un conflit général qui, en les soumettant à une nouvelle épreuve, puisse assigner à chaque force sa mesure, à chaque puissance sa place, à chaque prétention ses bornes… Cette manière élevée de considérer les choses contemporaines comme si elles étaient déjà de l’histoire, dispense de bien des regrets dans le passé et de bien des récriminations en arrière.

1156. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — II » pp. 18-35

Le soir même le roi dit à Racine, directeur de l’Académie, qu’il approuvait l’élection. » L’Académie française tient ainsi sa place et a son coin dans le journal de Dangeau à côté des chasses, des promenades royales, des loteries et des jeux de Marly, des nouvelles de guerre et d’église ; elle a son importance sociale.

1157. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

tout ce qui s’accorde si bien avec la destinée terrestre et sociale de l’homme ne doit-il pas être considéré bien moins comme une illusion que comme une harmonie ?

1158. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Préface pour les Maximes de La Rochefoucauld, (Édition elzévirienne de P. Jannet) 1853. » pp. 404-421

Vaincu, évincé des premiers et des seconds objets de son ambition, rejeté dans son fauteuil par l’âge, par la goutte, par l’attrait de la douceur sociale et de la vie privée, il trouve à raisonner sur le passé, à en tirer des leçons ou plutôt des remarques, des maximes, qui s’appliquent aux autres comme à lui.

1159. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mémoires de Mme Elliot sur la Révolution française, traduits de l’anglais par M. le comte de Baillon » pp. 190-206

Elle insiste un peu plus que M. de La Marck, et selon son rôle de femme, sur les qualités sociales du prince et son amabilité superficielle ; mais pour le fond, elle nous montre encore plus, elle nous fait encore mieux comprendre son peu de caractère et de consistance, et cette absence de tout ressort moral qui le laissait à la merci des factieux et des intrigants, dont les groupes se succédèrent, se relayèrent jusqu’à la fin autour de lui, sans pouvoir jamais l’associer à quelque plan suivi ni rien faire de lui en définitive, dans le plus fatal des instants, qu’un criminel par faiblesse.

1160. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite) »

Les hommes ne savent accepter avec reconnaissance ni de Dieu, ni de la Nature, ni d’un de leurs semblables, les trésors sans prix. » Mais ce ne sont pas seulement nos grands auteurs qui l’occupent et qui fixent son attention ; il va jusqu’à s’inquiéter des plus secondaires et des plus petits de ce temps-là, d’un abbé d’Olivet, d’un abbé Trublet, d’un abbé Le Blanc, et de ce dernier il a dit ce mot qui est bien à la française : « Ce Le Blanc était un homme très-médiocre, et pourtant il ne fut pas de l’Académie52… » Cependant la France changeait ; après les déchirements et les catastrophes sociales, elle accomplissait, littérairement aussi, sa métamorphose.

1161. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. »

La réaction de 1815 peut s’étudier dans deux ordres principaux et parallèles de faits où elle s’est concentrée, déchargée, où elle a fait éruption : à savoir les condamnations capitales avec accompagnement de massacres organisés dans les départements du Midi, et les propositions de la Chambre introuvable, cette Chambre où il ne fut pas même permis de parler de ces massacres comme d’un on dit et par manière d’hypothèse, et de laquelle, pour peu qu’on l’eût laissée faire, toute une contre-révolution sociale allait sortir, au risque de faire éclater et sauter sur place la seconde Restauration dès sa naissance.

1162. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. »

Le premier Consul, avec son coup d’œil et sa parfaite connaissance des hommes, sut démêler dès le premier jour, dans les débris des anciens partis, tous les matériaux vivants, toutes les pierres ouvrières, si j’ose dire, qui pouvaient servir à l’œuvre de reconstruction sociale qu’il entreprenait.

1163. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre V. De la littérature latine, pendant que la république romaine durait encore » pp. 135-163

Les Romains ne montraient jamais, dans quelque circonstance que ce fût, une agitation violente ; lors même qu’ils désiraient d’émouvoir par l’éloquence, il leur importait encore plus de conserver la dignité calme d’une âme forte, de ne point compromettre le sentiment de respect, qui était la base de toutes leurs institutions politiques, comme de toutes leurs relations sociales.

1164. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre I. Composition de l’esprit révolutionnaire, premier élément, l’acquis scientifique. »

Transformation de l’histoire  Voltaire  La critique et les vues d’ensemble  Montesquieu  Aperçu des lois sociales.

1165. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre I. François Rabelais »

Jouant avec un merveilleux sang-froid son double personnage de sage et de fol, il dosa très modérément la satire sociale et irréligieuse, ne toucha jamais le dogme, et dissémina adroitement sous la satire morale et la bouffonne fantaisie une doctrine positive : dans le cinquième livre seul, les proportions sont décidément renversées, et ce n’est pas une des moindres marques de l’inauthenticité du cinquième livre, que la vie et la philosophie y cèdent presque toute la place à la polémique agressive.

1166. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

La Nouvelle Héloïse 503 est, avant tout, un roman philosophique : une foule de thèses sociales et morales sont posées, discutées, résolues dans des lettres particulières ; et le roman lui-même, dans l’ensemble de son développement, démontre une des thèses favorites de Jean-Jacques.

1167. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Pierre Loti »

A vingt-sept ans, Pierre Loti, qui a rêvé sur tous les océans et visité tous les lieux de joie de l’univers, écrit tranquillement, entre autres jolies choses, à son ami William Brown : … Croyez-moi, mon pauvre ami, le temps et la débauche sont deux grands remèdes… Il n’y a pas de Dieu ; il n’y a pas de morale ; rien n’existe de tout ce qu’on nous a enseigné à respecter ; il y a une vie qui passe, à laquelle il est logique de demander le plus de jouissances possible en attendant l’épouvante finale qui est la mort… Je vais vous ouvrir mon cœur, vous faire ma profession de foi : j’ai pour règle de conduite de faire toujours ce qui me plaît, en dépit de toute moralité, de toute convention sociale.

1168. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Stéphane Mallarmé » pp. 146-168

N’est-ce pas miracle que Mallarmé ait réussi à s’imposer à des esprits si divers, qu’il ait pu fournir de quoi séduire à la fois le réaliste Huysmans et le mystique Le Cardonnel, des partisans de l’art social comme Gustave Kahn et des dilettantes comme Henri de Régnier, des ironistes de la trempe de Laurent Tailhade et des moralistes de la nature d’un Remy de Gourmont ou d’un André Gide et qu’il ait pu retenir l’attention ensemble des outranciers du « symbolisme », et d’un esprit aussi lucide que Moréas ?

1169. (1890) L’avenir de la science « V »

La réforme religieuse et sociale viendra, puisque tous l’appellent ; mais elle ne viendra d’aucune secte ; elle viendra de la grande science commune, s’exerçant dans le libre milieu de l’esprit humain.

1170. (1890) L’avenir de la science « XVI »

De là encore la superbe poésie de ces types primitifs où s’incarnait la doctrine, de ces demi-dieux qui servent d’ancêtres religieux à tous les peuples, Orphée, Thot, Moïse, Zoroastre, Vyasa, Fohi, à la fois savants, poètes, législateurs, organisateurs sociaux et, comme résumé de tout cela, prêtres et mystagogues.

1171. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVI » pp. 413-441

Les souvenirs politiques, les habitudes morales, les relations sociales étaient tout opposées entre ces Mazarins et tout ce qui avait eu quelque rapport avec la maison de Rambouillet, dont il n’existait plus personne, lorsque les sociétés de Nevers et de ses parentes étaient florissantes.

1172. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

En un mot, Commynes est tellement moderne par les idées et par les vues, qu’on pourrait assigner en le lisant (ce qui est bien rare pour les auteurs d’une autre époque) la place qu’il aurait tenue à coup sûr dans notre ordre social actuel, et sous les divers régimes que nous avons traversés depuis 89.

1173. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Des lectures publiques du soir, de ce qu’elles sont et de ce qu’elles pourraient être. » pp. 275-293

S’améliorer, pour la classe laborieuse, ce n’est pas, selon moi, avoir telle ou telle idée politique, incliner vers tel ou tel point de vue social (j’admets à cet égard bien des dissidences), c’est tout simplement comprendre qu’on s’est trompé en comptant sur d’autres voies que celle du travail régulier ; c’est rentrer dans cette voie en désirant tout ce qui peut la raffermir et la féconder.

1174. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu, précédées d’une notice par M. le marquis de Bérenger. (1850.) » pp. 453-472

On a peine à se figurer à présent ce qu’étaient alors ces existences prodigieuses de princes bâtards tels que les Vendôme ; c’étaient de véritables monstruosités sociales, au sein desquelles se logeaient toutes les formes de licence et d’abus, et cet autre abus, cette dernière monstruosité entre toutes les autres, l’abbé courtisan et parasite.

1175. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Mme de Genlis. (Collection Didier.) » pp. 19-37

De la grâce, de l’élégance dans la forme, une grande affabilité sociale, le discernement mondain des caractères et le talent de s’y insinuer, une teinte universelle de sentiment qui colorait et dissimulait la pédanterie, c’étaient là ses charmes dans la jeunesse.

1176. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Droz. » pp. 165-184

Il garda de cette éducation commencée sous les belles années de Louis XVI, la faculté d’espérance sociale et de bienveillance universelle, une vue riante de l’humanité, une teinte de philanthropie dont il avait en lui le principe et le foyer, mais dont la couleur se ressentait de la date de son enfance et de sa première jeunesse.

1177. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Étienne, ou une émeute littéraire sous l’Empire. » pp. 474-493

Il représente à merveille dans son groupe, et avec plus de distinction que tout autre, cette bourgeoisie contente d’elle-même, et ne voulant qu’elle ni plus ni moins, ayant du sens, l’instinct des intérêts et des courants d’opinion immédiats, mais sans idées élevées, sans horizon, sans but social hautement placé.

1178. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — III. Franklin à Passy. (Fin.) » pp. 167-185

J’ai hâte d’en venir à son rôle philosophique et social, ce qui nous intéresse surtout aujourd’hui.

1179. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre III. Zoïle aussi éternel qu’Homère »

Les deux crânes se heurtèrent ; une étincelle, point faite pour être vue par ces hommes, s’échangea sans doute de la tête qui avait fait le Dictionnaire philosophique à la tête qui avait fait le Contrat social et les réconcilia.

1180. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Michelet »

II Ainsi, ne nous y trompons pas et insistons tout d’abord sur ce caractère : — Conseil essentiellement pratique, petit catéchisme de l’amour à l’usage de la jeunesse, manuel d’entraînement de la femme vertueuse, introduction à la vie du ménage et recette infaillible de bonheur domestique, individuel et social, voilà le livre de Michelet !

1181. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — La banqueroute du préraphaélisme »

La voici : Toute la pensée de Ruskin, tous ses efforts, toute sa doctrine, son idéal esthétique et social sont orientés vers le passé. ‌

1182. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XII : Pourquoi l’éclectisme a-t-il réussi ? »

Les drames et les romans devinrent des manuels de science ; on représenta, par des personnages, des moments de l’humanité, des époques de l’histoire, des réformes de politique, des thèses de législation pénale, « des questions d’organisation politique et sociale. » Nul poète ne daigna être simplement poète.

1183. (1888) Portraits de maîtres

Nous ne parlerons pas des doctrines philosophiques et sociales que trahissent nos jugements sur les hommes et sur les faits. […] Nul génie n’a été plus idéal et plus social à la fois. […] Illusion ou pratique, la recherche du progrès social impliquait un mode qui pût réaliser ce progrès. […] Après avoir constaté la facilité de ses concitoyens à se méconnaître mutuellement, il s’écrie (p. 98) : « Je voudrais confier au jeune homme une mission plus haute, celle de la pacification sociale. […] Un réfractaire ne nous paraît pas un héros d’épopée et nous ne croyons point qu’un soldat de l’an II, tel que celui qui est mis en scène, eût sanctionné de son assentiment cette violation du devoir social.

1184. (1927) André Gide pp. 8-126

Il ne chercha même pas dans ces spectacles de simples thèmes littéraires, des sujets à traiter, des figures à saisir sur le vif, mais il y apporta un beau zèle humanitaire et social ; il en retira des opinions sur les réformes possibles de nos institutions judiciaires. […] Lafcadio s’est aperçu qu’on ne s’affranchissait du lien social que pour s’exposer à un autre esclavage. […] La famille, cellule sociale, a dit M. 

1185. (1904) Zangwill pp. 7-90

Il y a des états sociaux où le peuple jouit des plaisirs de ses nobles, se complaît en ses princes, dit : “nos princes”, fait de leur gloire sa gloire. […] Les vertus de chacun sont déterminées par les besoins de la nature ; l’État où il n’y a pas de classes sociales est antiprovidentiel. […] Car vraiment si l’historien est si parfaitement, si complètement, si totalement renseigné sur les conditions mêmes qui forment et qui fabriquent le génie, et premièrement si nous accordons que ce soient des conditions extérieures saisissables, connaissables, connues, qui forment tout le génie, et non seulement le génie, mais à plus forte raison le talent, et les peuples, et les cultures, et les humanités, si vraiment on ne peut rien leur cacher, à ces historiens, qui ne voit qu’ils ont découvert, obtenu, qu’ils tiennent le secret du génie même, et de tout le reste, que dès lors ils peuvent en régler la production, la fabrication, qu’en définitive donc ils peuvent produire, fabriquer, ou tout au moins que sous leur gouvernement on peut produire, fabriquer le génie même, et tout le reste ; car dans l’ordre des sciences concrètes qui ne sont pas les sciences de l’histoire, dans les sciences physiques, chimiques, naturelles, connaître exactement, entièrement les conditions antérieures et extérieures, ambiantes, qui déterminent les phénomènes, c’est littéralement avoir en mains la production même des phénomènes ; pareillement en histoire, si nous connaissons exactement, entièrement les conditions physiques, chimiques, naturelles, sociales qui déterminent les peuples, les cultures, les talents, les génies, toutes les créations humaines, et les humanités mêmes, et si vraiment d’abord ces conditions extérieures, antérieures et ambiantes, déterminent rigoureusement les conditions humaines, et les créations humaines, si de telles causes déterminent rigoureusement de tels effets par une liaison causale rigoureusement déterminante, nous tenons vraiment le secret du génie même, du talent, des peuples et des cultures, le secret de toute humanité ; on me pardonnera de parler enfin un langage théologique ; la fréquentation de Renan, sinon de Taine, m’y conduit ; Renan, plus averti, plus philosophe, plus artiste, plus homme du monde, — et par conséquent plus respectueux de la divinité, — plus hellénique et ainsi plus averti que les dieux sont jaloux de leurs attributions, Renan plus renseigné n’avait guère usurpé que sur les attributions du Dieu tout connaissant ; Taine, plus rentré, plus têtu, plus docte, plus enfoncé, plus enfant aussi, étant plus professeur, surtout plus entier, usurpe aujourd’hui sur la création même ; il entreprend sur Dieu créateur.

1186. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1863 » pp. 77-169

Alors nous, de nous récrier sur tous les mots de valeur qui passent dans la conversation et qu’on ne compte pas, parce qu’ils ne sont pas dits par des gens bénéficiant d’une haute position politique ou sociale, et nous citons le mot superbe de Grassot, à son animal à lui, dans une pissotière : « Que t’es bête, viens donc, c’est pour pisser !  […] Et tous deux en parlant de l’écrivain, et en ne tenant pas compte de son influence sociale et politique, nous contestons sa valeur littéraire, nous osons rapporter l’opinion de l’abbé Trublet, le définissant « la perfection de la médiocrité », nous ne lui reconnaissons que la valeur d’un vulgarisateur, d’un journaliste, rien de plus, joint à de l’esprit, si vous voulez, mais de l’esprit pas d’une plus haute volée que celui qu’avaient toutes les vieilles femmes spirituelles du temps… Son théâtre, ose-t-on en parler ? […] Après des compliments, il nous demande pourquoi nous n’avons pas parlé des vertus provinciales, de la vie sociale de la province, de cette vie si particulière, si tranchée, si caractéristique, et qu’on trouvait surtout dans les villes de parlement comme Dijon, de cette vie aujourd’hui complètement morte… « Oui, reprend-il, la province ne se fait plus envoyer les livres de Paris, on ne lit plus ; quand il vient des voisins chez moi à la campagne, je leur donne des livres, personne ne les ouvre… » Puis il nous parle de l’article de Sainte-Beuve sur notre livre, et nous dit qu’à cette place où nous sommes, Sainte-Beuve venait souvent causer avec lui en 1848, lui avouant que c’était dans le but de l’étudier, et lui demandait comment il faisait pour parler, et prenait des notes, en se frottant joyeusement les mains : « Je lui ai connu bien des phases d’existence.

1187. (1880) Goethe et Diderot « Diderot »

Le xviiie  siècle, en effet, fut essentiellement polémiste, et tous les travaux de ses écrivains furent marqués de ce caractère horriblement pratique : le bouleversement de l’État social tel qu’il avait été constitué jusqu’alors. […] Fielding et Richardson, ces romanciers dans la plus complète acception du mot, en Angleterre, quand, en France, nous n’avions encore que des larves de romanciers, — les têtards du genre, — Fielding et Richardson, ces observateurs et ces peintres de l’âme humaine et de la vie sociale, ne se préoccupaient que de leurs œuvres et de la force d’impression qu’elles pouvaient avoir, non pas seulement sur les âmes de leur temps, mais sur les âmes de tous les temps. […] Il a embourgeoisé Rabelais, Sterne et Voltaire, en les imitant ; Sterne, Voltaire et Rabelais, des bourgeois comme lui de naissance sociale, mais de race de tête différente.

1188. (1891) La vie littéraire. Troisième série pp. -396

Mais il ne songe pas que les principes sociaux sont plus variables encore que les idées des philosophes et que, loin d’offrir à l’esprit une base solide, ils s’écroulent dès qu’on y touche. […] Toutes les idées sur lesquelles repose aujourd’hui la société ont été subversives avant d’être tutélaires, et c’est au nom des intérêts sociaux qu’invoque M.  […] Brunetière s’étant efforcé de démontrer dans la Revue des Deux Mondes que les philosophes et les savants sont responsables, devant la morale, des conséquences de leurs doctrines et que toute physique, comme toute métaphysique, cesse d’être innocente quand elle ne s’accorde pas avec l’ordre social. […] Brunetière pose la question sur le terrain de l’intérêt social — nous consentons à l’y suivre et nous ne nierons pas absolument le danger possible de telles ou telles théories mal comprises. […] L’aérostation, me dira-t-il, est une découverte avantageuse en somme et qu’on pouvait acheter au prix de la vie de plusieurs victimes, tandis que la psycho-physiologie est une illusion, et l’intérêt social vaut à coup sûr le sacrifice d’une illusion.

1189. (1887) Essais sur l’école romantique

ne nous parlez pas de ces poètes philosophes, qui pèsent les croyances à leur utilité sociale ou philosophique, et qui pensent presque honorer de leur protection les dogmes populaires qu’ils chantent. […] On reconnaît que ses bienfaits sont admirables pour la vie sociale et politique, que son impulsion est toute-puissante sur le bien-être des nations, mais, sitôt qu’il s’agit de littérature, on la désavoue. […] D’une autre part, quelles observations à faire sur cette société si pâle, si amoindrie, si pulvérisée, où l’on rit de ceux qui ont de l’enthousiasme, parce qu’on ne peut pas croire de bonne foi, et où l’on transige sur tout et avec tout le monde, de telle sorte qu’au lieu de vices et de vertus, il n’y a plus que des conventions sociales, et qu’au lieu de foi il n’y a plus que de l’indifférence ? […] Dans ce temps-là, du moins, un homme pouvait marcher du berceau à la tombe, d’un pas ferme et sûr, sans trébucher, sans hésiter entre mille chemins ; une main visible, au nom d’un pouvoir invisible, le menait à travers toutes les vicissitudes de la vie sociale, soldat, artiste, ouvrier, confesseur, l’œil fixé sur l’Église, hors de laquelle on disait : « Point de salut », c’est-à-dire point d’avenir. […] Mais, comme il n’est pas plus aisé pour la critique qui se respecte de faire de la littérature facile, sous une raison sociale, avec profils et dépens communs, que de l’admirer avec profits tout d’un côté et dépens de l’autre, chacun a repris sa position naturelle et son rôle de choix ; la critique a critiqué, et l’auteur a fabriqué.

1190. (1902) Le problème du style. Questions d’art, de littérature et de grammaire

Les échanges entre peuples sont aussi nécessaires à la revigoration de chaque peuple que le commerce social à l’exaltation de l’énergie individuelle. […] L’un de ces professeurs n’a-t-il point découvert récemment que le langage est un fait social, extérieur à l’individu, indépendant de ses organes ! […] L’imitation n’est pas le mensonge, faculté noble et primordiale, base de toute la civilisation, de toute la création sociale, de tous les arts, et de toutes les littératures ; c’est tout le contraire, c’est la sincérité, c’est la naïveté. […] C’est l’huile versée sur les rouages et les joints de la machine sociale ; c’est la ouate ou la paille d’emballage. […] Schopenhauer nous apprit à reconnaître dans les phénomènes sociaux la lutte de l’intelligence et de l’instinct ; il nous apprit aussi à mieux analyser les causes de l’amour, et aussi à ne pas nous effrayer du mal et même à reconnaître sa nécessité.

1191. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

Michelet, au commencement de son Histoire de France, a appelé d’une manière plus générale et plus philosophique, « la vive et rapide sympathie du génie gallique, son instinct social ?  […] C’est sur le terreau des mœurs corrompues et sous le fumier social qu’on fait pousser l’idylle, fleur d’arrière-saison, arrosée par l’art poétique. […] Les passions que des convenances sociales, des intérêts divers, avaient tenues secrètes, ne connaissent plus de frein. […] — là les diplomates, ici les artistes ; dans ces deux genres rentreraient aisément toutes les espèces sociales… Louis XIV ne paraissait jamais qu’en perruque : il en avait une petite, courte, pour le matin, pendant qu’on lui faisait la barbe ou qu’il était sur sa chaise d’affaires (Voir, pour ce dernier mot et pour tout ce qui s’y rattache, le Dictionnaire de l’Académie et l’Index des Mémoires de Saint-Simon) ; et une autre, grande, majestueuse, pour l’apparat, lequel commençait dès le petit lever, tout de suite après la chaise d’affaires. […] … Ce changement a été opéré par une douce et ravissante jeune fille, qui m’aime et que j’aime… C’est la première fois que je sens que le mariage peut rendre heureux ; malheureusement, elle n’est pas dans la même position sociale que moi… Ma jeunesse, je le sens, commence maintenant, si je n’étais pas toujours un pauvre infirme !

1192. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — I. » pp. 234-253

Vous vous croyez au dernier degré ; mais le prince de Ligne qui ne se contente pas à peu de frais, et qui porte dans cette grâce et dans cette félicité sociale quelque chose de ce feu, de cette poésie vivifiante que nous lui avons vu mettre dans les entreprises de guerre, dira en complétant son modèle et en nous laissant par là même son portrait : Si, ajouté encore à cela, on inspire l’envie de se revoir, si l’on y fait trouver un charme continuel, si l’on a une grande occupation des autres, un grand détachement de soi-même, une envie de plaire, d’obliger, de prendre part aux succès d’autrui, de faire valoir tout le monde ; si l’on sait écouter ; si l’on a de la sensibilité, de l’élévation, de la bonne foi, de la sûreté, et un cœur excellent ; oh !

1193. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — I. » pp. 431-451

Tous ces retours de Gibbon sont sans doute exclusivement dans un intérêt politique et social, et ses paroles trouvent encore moyen de s’y imprégner d’un secret mépris pour ce qu’il ne sent pas.

1194. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — I » pp. 93-111

Voltaire, qui en avait pris connaissance dès l’année 1739, l’appelait un « ouvrage d’Aristide », et Rousseau, qui s’en autorisa plus tard dans son Contrat social, a dit : « Je n’ai pu me refuser au plaisir de citer quelquefois ce manuscrit, quoique non connu du public, pour rendre honneur à la mémoire d’un homme illustre et respectable qui avait conservé jusque dans le ministère le cœur d’un vrai citoyen, et des vues droites et saines sur le gouvernement de son pays. » M. d’Argenson n’était pas encore ministre lorsqu’il composa cet ouvrage, et il était sorti du ministère lorsqu’il le revit pour y mettre la dernière main.

1195. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « II » pp. 21-38

Le nouveau recueil de lettres dessine très bien ce vieillard de quatre-vingts ans qui tout d’un coup rajeunit, qui se multiplie pour écrire au ministre réformateur et à ceux qui le servent, aux Trudaine, aux de Vaisnes, aux Dupont de Nemours, et s’écrie gaiement : « Nous sommes dans l’âge d’or jusqu’au cou. » Il était arrivé à Voltaire ce qui arrive naturellement à toute grande renommée littéraire qui est jointe à une existence sociale considérable, mais ce qui devait lui arriver à lui plus qu’à un autre, à cause de son activité prodigieuse et des preuves éclatantes qu’il en avait données.

1196. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — III — Toujours Vauvenargues et Mirabeau — De l’ambition. — De la rigidité » pp. 38-55

Dans les lettres qui suivent, la discussion continue et traîne un peu sur ce thème de l’éducation sociale du chevalier, Vauvenargues s’y dessinant de plus en plus comme un maître de grâce sérieuse et persuasive, et Mirabeau se redressant bientôt en homme de race et en patricien opiniâtre qui ne veut rien retrancher des défauts et qui entend respecter jusqu’aux tics de la famille.

1197. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance inédite de Mme du Deffand, précédée d’une notice, par M. le marquis de Sainte-Aulaire. » pp. 218-237

Un véritable citoyen servira sa patrie de son mieux par son esprit et par ses talents, mais n’ira pas écrire sur le pacte social pour nous faire suspecter la légitimité des gouvernements et nous accabler du poids des chaînes que nous n’avions pas encore senties.

1198. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Édouard Charton) il avait le droit, en le félicitant d’adresser ces sérieuses et cordiales paroles où respire la vraie morale sociale : « Vous voilà donc marié.

1199. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. (Suite et fin) »

Mais, comme phénomène non moins mémorable, il remarque que « dans les diverses classes et jusque dans les rangs les plus élevés de l’ordre social, des hommes se sont produits qui en ont rassemblé en eux tous les traits caractéristiques, au point d’identifier leur nom avec l’idée même de ces rangs et de ces classes, et d’en paraître comme la personnification vivante. » Et il cite pour exemple Louis XIV, que la Nature créa, dit-il, l’homme souverain par excellence, le type des monarques, le roi le plus vraiment roi qui ait jamais porté la couronne.

1200. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Les frères Le Nain, peintres sous Louis XIII, par M. Champfleury »

Un fait isolé ne prouve rien, et, comme dit le proverbe, une hirondelle ne fait pas le printemps ; mais des séries de faits ou d’objets sont des témoins irrécusables, et qui servent de fondement ou de garantie à toute histoire naturelle, sociale, politique.

1201. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Œuvres complètes de Molière »

C’était un de ces moments si précieux pour la haute éducation de l’esprit, où les masques se détachent, où les physionomies ont toute leur expression, où les caractères ont tout leur jeu, où les conditions sociales s’opposent violemment les unes aux autres, où les travers, les vices, les ridicules se montrent avec une pétulance fanfaronne… » Non content d’une large et riche Introduction, qui se poursuit et se renouvelle même en tête du second volume par une Étude sur la troupe de Molière, M. 

1202. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. (suite) »

La situation est celle-ci : deux inconnus qui ignorent réciproquement leur vrai nom, qui supposent ou soupçonnent seulement leur situation sociale exacte, et dont toute la liaison se passe dans le mystère, dans une sorte d’enchantement furtif et rapide qu’ils dérobent à leurs entours.

1203. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite et fin.) »

Le livre n’était pas dans le ton ni dans la note du jour ; ces gens de combat avaient trop à faire autour d’eux ; ils avaient bien d’autres dadas en tête avec leur Encyclopédie ou leur Contrat social et leur Émile.

1204. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire de la Grèce, par M. Grote »

Il n’y a de certainement vrai, selon lui, dans une légende poétique que la couleur, et encore cette couleur locale, cette vérité sociale et morale n’est point du tout celle des héros et des temps représentés ; elle n’appartient qu’à l’âge du poëte qui raconte et qui chante.

1205. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Idées et sensations : par MM. Edmond et Jules de Goncourt. »

Je n’exige pas qu’ils aiment Suard et Morellet, mais qu’ils les voient tels qu’ils étaient, ni plus ni moins, dans ce milieu social où tout se passait encore avec convenance, avec mesure.

1206. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. »

On n’aurait pas l’idée, d’ailleurs, de s’occuper particulièrement de lui : il n’offre qu’un intérêt assez médiocre comme individu ; il était assez spirituel, mais sans pouvoir passer pour véritablement distingué : c’est comme existence, comme variété et bizarrerie de condition sociale, que le personnage est curieux à connaître : prince du sang, abbé, militaire, libertin, amateur des lettres ou du moins académicien, de l’opposition au Parlement, dévot dans ses dernières années, il est un des spécimens les plus frappants, les plus amusants à certains jours, les plus choquants aussi (bien que sans rien d’odieux), des abus et des disparates poussés au scandale sous un régime de bon plaisir et de privilège.

1207. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

Si on recherche avec curiosité les traditions locales, les vieux noëls en patois, les vestiges d’une culture ou d’une inspiration ancienne, il faut noter aussi ce qui est vivant, le poëte plein de vigueur qui, dans le moindre rang social où il se tient, enrichit tout d’un coup de compositions franches, originales, suivies, son patois harmonieux encore, débris d’une langue illustre, mais enfin un patois qu’on croyait déshérité désormais de toute littérature.

1208. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre premier. Les sensations totales de l’ouïe et leurs éléments » pp. 165-188

Nous n’avons point ici ces éléments communs, images, représentations, idées générales, auxquels se réduisent les diverses inventions humaines et les diverses combinaisons sociales.

1209. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

Ajoutons que ces chefs-d’œuvre mêmes ne sont pas absolus, mais relatifs à l’état social et à l’âge plus ou moins avancé des peuples pour lesquels l’historien a écrit son histoire.

1210. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Le père Monsabré »

Illusions si l’on veut ; mais sur quoi, je vous prie, se peuvent fonder l’harmonie sociale, la paix des âmes, le bonheur relatif dont l’homme est capable, sinon sur des illusions ?

1211. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Henry Rabusson »

Sous l’enveloppe de la politesse et des conventions sociales, les mêmes instincts primordiaux continuent d’agir.

1212. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Car, dans bien des cas, lorsqu’on la prodigue, elle peut sembler un instrument du discours, un effet oratoire et social, bien plutôt encore qu’une élévation intime et toute sincère.

1213. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Féletz, et de la critique littéraire sous l’Empire. » pp. 371-391

Un homme puissant replaçait sur ses bases l’ordre social et politique.

1214. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Balzac. » pp. 443-463

Car ici, notons-le bien, nous n’avons plus affaire seulement aux travers, aux ridicules, ni même aux folies humaines, c’est le vice qui est le ressort, c’est la dépravation sociale qui fait la matière du roman.

1215. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Confessions de J.-J. Rousseau. (Bibliothèque Charpentier.) » pp. 78-97

René, en effet, n’est autre que ce jeune homme de seize ans transposé, dépaysé au milieu d’une autre nature et au sein d’une autre condition sociale ; non plus un apprenti graveur, fils d’un bourgeois de Genève, d’un bourgeois du bas, mais chevalier, noble, voyageur en grand, épris des muses : tout, au premier aspect, revêt une couleur plus séduisante, plus poétique ; l’inattendu du paysage et du cadre rehausse le personnage et caractérise une nouvelle manière ; mais le premier type sensible est là où nous l’indiquons, et c’est Rousseau qui, en regardant en lui-même, l’a trouvé.

1216. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Vauvenargues. (Collection Lefèvre.) » pp. 123-143

Il y rend au mot vertu son sens magnifique et social : Le mot de vertu emporte l’idée de quelque chose d’estimable à l’égard de toute la terre… La préférence de l’intérêt général au personnel est la seule définition qui soit digne de la vertu, et qui doive en fixer l’idée.

1217. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand. (Berlin, 1846-1850.) » pp. 144-164

Il est inconcevable qu’envisageant tout, comme il le faisait, au point de vue supérieur de l’État et de l’intérêt social, Frédéric ait considéré la religion comme un de ces terrains neutres où l’on peut se donner rendez-vous pour le passe-temps et la plaisanterie des après-dîners.

1218. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Nouveaux documents sur Montaigne, recueillis et publiés par M. le docteur Payen. (1850.) » pp. 76-96

Et, loin de s’abattre et de maudire le sort de l’avoir fait naître en un âge si orageux, il s’en félicite tout à coup : « Sachons gré au sort de nous avoir fait vivre en un siècle non mol, languissant ni oisif. » Puisque la curiosité des sages va chercher dans le passé les confusions des États pour y étudier les secrets de l’histoire et, comme nous dirions, la physiologie du corps social à nu : « Ainsi fait ma curiosité, nous déclare-t-il, que je m’agrée aucunement de voir de mes yeux ce notable spectacle de notre mort publique, ses symptômes et sa forme ; et, puisque je ne la puis retarder, je suis content d’être destiné à y assister et m’en instruire. » Je ne me permettrai pas de proposer à beaucoup de personnes une consolation de ce genre ; la plupart des hommes n’ont pas de ces curiosités héroïques et acharnées, telles qu’en eurent Empédocle et Pline l’Ancien, ces deux curieux intrépides qui allaient droit aux volcans et aux bouleversements de la nature pour les examiner de plus près, au risque de s’y abîmer et d’y périr.

1219. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — I. » pp. 84-104

Je crois pourtant que ce serait attribuer trop de portée à cette collaboration de sa jeunesse que d’y voir un commencement de doctrine sociale suivie, à laquelle il serait revenu dans sa période républicaine finale.

1220. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — I. » pp. 322-340

On peut dire qu’il n’avait embrassé ni senti à aucun instant l’esprit et le génie de cette grande époque ; le côté héroïque comme le côté social lui avait échappé ; il n’y avait vu partout que les excès et les désordres, les bassesses ou les ridicules.

1221. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Boileau. » pp. 494-513

Boileau avait plus de verve devant le monde, plus d’entrain social que Racine ; il payait de sa personne.

1222. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — II. (Fin.) » pp. 246-265

Ce rôle de l’homme d’État, qui, à chaque moment social, est le principal et le plus actuel, n’est pas le seul, et deux forces en lutte gouvernent le monde.

1223. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1873 » pp. 74-101

C’était Gambetta, le tribun, le dictateur, l’inventeur des nouvelles couches sociales.

1224. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1880 » pp. 100-128

Et de cette vie de voyage, de ces compagnonnages avec des êtres de toutes sortes, de ces lectures économiques, statistiques, sociales, dans une existence où n’existe pas le besoin du sommeil, il est sorti un tout autre garçon, que celui que j’ai connu.

1225. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une préface abandonnée » pp. 31-76

Vous vous étonnez bien haut qu’ils n’épousent pas comme vous, qu’ils n’aient pas un pot au feu comme vous, qu’ils ne se tiennent pas dans les exigences sociales comme vous !

1226. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre III. Personnages merveilleux des contes indigènes »

C’est une croyance bien portée et qui élève d’un degré social quiconque en fait profession.

1227. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édelestand du Méril »

. — En vain du Méril épuise-t-il toutes les ressources du génie de la recherche et du renseignement sur les pays qui sont placés le plus loin de nous, comme, par exemple, la Chine et l’Inde, il écrit bien moins l’histoire de leurs théâtres que l’histoire des impossibilités d’avoir un théâtre chez ces nations immobiles, stupéfiées par des états sociaux monstrueux… J’ai parlé plus haut d’historien humain retrouvé dans l’historien des mots, dans l’anatomiste des langues.

1228. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IX. Mémoires de Saint-Simon » pp. 213-237

oui ; Saint-Simon, l’aristocrate violent et inflexible, l’homme de la race, de la tradition, de la distinction, de l’étiquette, de la politesse, de ces mille nuances sociales que nous, les déclassés, les pressés de vivre, les locomotives humaines, nous n’avons guère que le temps de mépriser, Saint-Simon a trouvé des admirateurs là où il les aurait le moins cherchés, s’il avait pu nous deviner, ce qui l’eût tué d’apoplexie !

1229. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « J. de Maistre » pp. 81-108

Il en élève les coutumes et jusqu’aux préjugés à la hauteur de lois immuables, et si le xviiie  siècle lui apparaît le plus profondément perdu de raison de tous les siècles, et, dans ce siècle, Jean-Jacques Rousseau le plus perdu des philosophes, c’est que le xviiie  siècle et Rousseau, l’auteur du Contrat social et de l’Inégalité des conditions, sont, de tous les temps et de tous les hommes, ceux qui ont le plus méconnu la voix infaillible et l’autorité souveraine de l’Histoire.

1230. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Jean Richepin »

Mais je ne sache pas que la condamnation judiciaire qui l’a frappé ait supprimé le livre ; je ne sache pas qu’elle puisse l’ôter des mains qui l’ont acheté et de la mémoire de ceux qui l’ont lu ; je ne sache pas, enfin, que cette condamnation doive empêcher la Critique littéraire de rendre son jugement aussi, non sur la chose jugée, qu’il faut toujours respecter pour les raisons sociales les plus hautes, mais sur les mérites intellectuels d’un poète au début de la vie4 et aux premiers accents d’un talent qui chantera très ferme plus tard, si j’en crois la puissance de cette jeune poitrine.

1231. (1900) La province dans le roman pp. 113-140

La chose est aisée, car cette classe, à peu près disparue, avait survécu, diminuée, à la Révolution, et, en cherchant bien on trouverait encore, dans les bourgs éloignés des chemins de fer, quelques exemplaires de ce provincial renforcé, demi-paysan, demi-citadin, qui eut jadis son influence, son rôle humble et considérable dans l’histoire sociale de la France.

1232. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XV. »

Là se remarque bien cette action générale de l’esprit d’un peuple conduit par degré à un point plus élevé de puissance et de culture sociale.

1233. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

Mais, si un roman est une œuvre de science et d’art s’adressant à l’humanité tout entière, au-dessus du moment et du code social, visant à un absolu de vérité, j’ai raison. […] Et pour bien vous résumer ma pensée, voyez ce que vous aurez à souffrir comme écrivain si le succès incontestable que va avoir La Terre était dû plutôt à quelques pages qui froissent brutalement les convenances sociales qu’à ces qualités indiscutables qui ont fait de vous un des plus grands romanciers français. […] Hector Malot continue la voie qu’il s’est si brillamment tracée, sans se soucier de savoir dans quelle école on l’a classé ; son talent ne s’en porte que mieux ; libre de cette préoccupation un peu humiliante qui consiste à travailler pour plaire à la coterie de Jacques ou à celle de Pierre, réfugié avec d’amples provisions d’observation dans une retraite calme et respectée, l’auteur de Conscience élabore toujours quelque idée philosophique ou sociale, et, quand vient le jour de la jeter dans le moule d’un roman, il sait la montrer sous la forme claire, précise et vigoureuse qui est la marque de son talent.

1234. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Il n’en existe pour moi que dans la disproportion entre vos paroles et celles qui sont de convention, d’usage, de nécessité sociale dans la circonstance où vous vous trouvez. […] De la pensée il passe à la parole, et de la parole à l’acte, sans que rien l’arrête jamais, ni conventions sociales, ni mœurs, ni préjugés, ni habitudes. […] C’est qu’après toutes nos révolutions et les principes de 89, dont on fait si grand étalage, nous sommes encore aussi embéguinés de conventions sociales que pouvait l’être un courtisan du roi-soleil ; c’est que nos gouvernants ont changé, et non pas nos mœurs. […] Il eût fallu les justifier au moins, en donnant à Harpagon un état dans le monde, un rang à soutenir, en mettant son avarice aux prises avec sa condition sociale. […] Il n’y a là d’étude ni dépassions, ni de caractère, ni de milieu social.

1235. (1848) Études critiques (1844-1848) pp. 8-146

Le roman-feuilleton joue donc, en quelque sorte, à ce moment de notre existence sociale, le rôle d’un abécédaire perfectionné et orné d’images en taille douce. […] Étudiant plutôt le dessous que le dessus, amenant sous nos yeux les hommes et les femmes du temps de Périclès ou de Marc Antoine et nous les faisant connaître tels que les institutions sociales et les mœurs les avaient modifiés ; en un mot nous donnant un tableau dans le goût de cette scène de sorcellerie antique, qui forme une des plus belles parties du second Faust. […] Mais pour ce qui est des livres contemporains, leurs auteurs savent trop, en général, que les convenances sociales ont tracé autour de la pensée des barrières difficiles à franchir, et qu’il ne faut pas un mot bien rude pour faire baisser les yeux à une si délicate personne.

1236. (1902) La poésie nouvelle

Science sociale : Henri Mazel. ‌ […] Parfois, le symbole prend une valeur morale, sociale même. […] Délivré des anciennes hantises, le poète s’écarte de son propre tourment et il se passionne pour l’immense douleur humaine…‌ Les questions sociales l’avaient, dès sa jeunesse, inquiété. […] Le problème se dessine dans la troisième partie de cette grande épopée sociale, les Aubes. […] Vielé-Griffin a considéré que le rôle, — même social, — du poète était de ne songer qu’à son art, d’embellir, quant à lui, le rêve humain de la Beauté.‌

1237. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

Lui, le moins promoteur en apparence et le moins en avant, pour les façons, des écrivains de sa date, il eut sa fonction sociale aussi. […] Naudé avait toujours admiré et vénéré Campanella (ardentis penitus et portentosi vir ingenii, comme il l’appelle sans cesse), Campanella novateur et investigateur en toutes choses, en philosophie, en ordre social, conspirateur et chef de parti un moment239, et qui du fond d’un cachot obscur retraçait et rêvait sa Cité du Soleil.

1238. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (3e partie) » pp. 249-336

Cette société des camps a des lois sociales plus étroites, plus promptes, plus absolues, plus draconiennes que les lois de la société civile. […] Qui n’estimerait pas ces trois vertus sociales, ces trois instincts organisateurs, administrateurs et défenseurs des peuples, sans lesquels il n’y a pas de peuples, il n’y a que des hordes ou des individualités ?

1239. (1860) Cours familier de littérature. X « LIXe entretien. La littérature diplomatique. Le prince de Talleyrand. — État actuel de l’Europe » pp. 289-399

Presque aussi orateur et plus homme d’action que son maître, Danton, sans aucune utopie sociale et sans aucun fanatisme républicain, n’avait au fond que le geste frénétique et la voix tonnante du démagogue enchérisseur de popularité sur ses rivaux de clubs et de tribunes ; mais il avait autant que Mirabeau ce qu’on peut appeler le coup d’œil de l’Europe. […] Son hôtel, ou plutôt son palais, était plein, depuis l’atrium jusqu’au salon, d’une foule immense et somptueuse, dans tous les costumes, sous toutes les décorations de toutes les époques où il avait joué les grands rôles de la vie sociale, et rendu des services publics ou des services personnels à cette multitude de clients.

1240. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

— Il serait bon, dis-je, qu’un second Sauveur vînt nous délivrer de l’austérité pesante qui écrase notre état social actuel. […] » Il croit que la sagesse des opinions s’épure, en montant par le loisir, l’étude, l’aisance, la philosophie, de classe en classe sociale, et que la division du travail est aussi nécessaire dans l’œuvre du gouvernement libre que dans les œuvres manuelles de l’artisan ; il pardonne donc une aristocratie intellectuelle dont il est lui-même le premier exemple, et il recommande à ses disciples d’en tenir compte.

1241. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

Relisez les pages sur les deux extrémités du vieil ordre social, le peuple et la cour (« L’on parle d’une région… » etc., et « L’on voit certains animaux farouches… » etc.), et sur la guerre (« Petits hommes, hauts de six pieds… » etc.). […] Personne, enfin, n’a mieux vu la vanité du décor politique, social et religieux de son temps, et n’a entendu plus de craquements dans le vieil édifice.

1242. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

Fils de cette société profondément troublée, royaliste, comme il le dit si bien, qui s’était rallié à ce que les révolutions avaient laissé de monarchie, homme d’expédient puisqu’il était un esprit politique, il avait pris la surface pour le dessous des choses, et, fait pour écrire l’histoire un jour, il n’avait pas, jusqu’à cet Empire, sorti une première fois des entrailles qui l’avaient porté et qui s’étaient refermées pour le reporter et l’enfanter encore, trouvé le sens de ces infatigables redites de l’Histoire : 1789, 9 Thermidor, 1804, Restauration, Quasi-Légitimité, Démocratie sociale. […] Ce ne sont pas, en effet, les grandes physionomies qui sont les plus difficiles à retracer ; ce sont les vulgaires, agitées par leurs prétentions, et parfois si grotesquement contrastantes avec le rôle politique ou social qu’elles remplissent.

1243. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

Shakespeare le braconnier, le vagabond, le comédien, le déraillé social, eut heureusement l’amour de la famille, affirme hardiment François Hugo, qui, comme nous le lui avons reproché, cherche beaucoup trop le Shakespeare de la vie réelle dans le Shakespeare littéraire. […] Ce grand génie de l’ordre humain, Shakespeare, à l’intuition sociale, ne croyait pas que la bâtardise fût un fait indifférent dans la vie d’un homme, un fait simplement mélancolique.

1244. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « L’abbé de Bernis. » pp. 1-22

La première commotion passée, il se dit avec ce bon sens et cette réflexion sans amertume dont il était pourvu et qui formait la base de son caractère : « Je n’ai plus de fortune à faire : je n’ai qu’à remplir honnêtement la carrière de mon état, et à m’acquérir la considération qui doit accompagner une grande dignité : pour cela la retraite est merveilleuse. » C’est sous cette dernière forme, non plus politique, non plus tout à fait mondaine, non pas absolument ecclésiastique, mais agréablement diversifiée et mélangée ; c’est dans cette retraite suivie et couronnée bientôt d’une grande ambassade, qu’il nous sera possible de l’étudier désormais en sa qualité de cardinal, et que nous aimerons à reconnaître de plus en plus en lui le personnage considérable, d’un esprit doux, d’une culture rare et d’un art social infini.

1245. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — III » pp. 178-197

Ainsi béni du ciel, je fais le tableau de mon bonheur. » Mais c’est dans le chant du Soir d’hiver qu’il achève de se peindre à nous en son cadre favori, aux moments les plus heureux, et dans tout le charme d’un raffinement social innocent et accompli.

1246. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — II » pp. 316-336

La question, si sacrée pour nous, de tolérance et de respect de toutes les convictions et professions de foi sincères compatibles avec l’ordre social n’était pas dégagée alors.

1247. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Maine de Biran. Sa vie et ses pensées, publiées par M. Ernest Naville. » pp. 304-323

En 1814, il se donna pourtant un plaisir social bien en accord avec ses goûts méditatifs.

1248. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Journal et mémoires du marquis d’Argenson, publiés d’après les manuscrits de la Bibliothèque du Louvre pour la Société de l’histoire de France, par M. Rathery » pp. 238-259

[NdA] Je le définis ainsi d’après son livre même, qui est déjà un symptôme des temps (1743), et qui parut dans l’intervalle qui sépare le publications de l’abbé de Saint-Pierre du Contrat social de Jean-Jacques ; livre tout logique, tout de raison ou de raisonnement, qui procède par principes et conséquences, ne tient nul compte des faits existants ni des précédents historiques, et pousse l’idée jusqu’à son dernier terme sans faire grâce d’un seul chaînon.

1249. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres, publiées par M. de Falloux. »

Le salon de Mme Swetchine trouva donc, au milieu de ce grand naufrage social, une sorte d’à-propos et de champ plus librement ouvert au genre d’entretiens qu’on y affectionnait de préférence.

1250. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Merlin de Thionville et la Chartreuse du Val-Saint-Pierre. »

Il lui parle de la religion d’une manière à fort étonner un jeune séminariste encore novice et très sincère : il ne la prenait, en effet, que par le côté social et politique, et pour l’utilité morale ; hors de là, il n’en acceptait rien et se croyait tout à fait libre et dégagé dans son for intérieur, « ne voyant le péché que dans l’injustice, le défaut de charité et le scandale.

1251. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. De Pontmartin. Causeries littéraires, causeries du samedi, les semaines littéraires, etc. »

Il doit faire des observations à son jeune pupille, lui représenter les inconvénients d’une belle-mère qui est sortie des voies sociales communes, et qui s’est fait un nom admiré des uns, insulté des autres : ……….Onerat celeberrima natam Mater……………….

1252. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier (suite et fin.) »

Les vrais moralistes sont ceux qui voient les choses comme elles sont et qui tiennent compte des circonstances sociales ou des exceptions personnelles.

1253. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance »

C’est ainsi qu’une nuit, en Italie, il rêva qu’il était à Genève, en tiers avec sa sœur et une autre dame genevoise ; celle-ci se mit à lui parler avec franchise de ses qualités et défauts, et, entre autres vérités un peu dures, elle lui dit : « J’ai encore un reproche impardonnable à vous faire : c’est d’avoir abandonné votre patrie, et d’avoir voulu renoncer au caractère de citoyen genevois. » — Je me défendis d’abord, nous dit Sismondi, qui a pris soin de relater par écrit ce songe, en représentant que la société n’était formée que pour l’utilité commune des citoyens ; que, dès qu’elle cessait d’avoir cette utilité pour but et qu’elle faisait succéder l’oppression et la tyrannie au règne de la justice, le lien social était brisé, et chaque homme avait droit de se choisir une nouvelle patrie.

1254. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Réminiscences, par M. Coulmann. Ancien Maître des requêtes, ancien Député. »

Je ne l’aurais pas remarqué si cette incertitude dans l’expression ne se rattachait à beaucoup d’autres incertitudes et indécisions de l’honorable auteur amateur qui, avec de l’esprit, de l’amabilité et de belles qualités sociales, me paraît être resté toujours dans des intervalles et des entre-deux.

1255. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — M. de Sénancour, en 1832 »

Deux enfants nés de son mariage, sa femme atteinte d’une lente et mortelle maladie, les difficultés politiques et sociales d’alors, l’assujettirent, autant qu’il semble, à diverses nécessités qui contrariaient ses penchants.

1256. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — Note »

Elle était alors dans une veine d’amertume et de misanthropie sociale, à la veille de rompre un lien déjà ancien, dans un véritable isolement moral, et se demandant quels amis et quel ami elle se pourrait choisir parmi tous ces visages nouveaux de gens à réputations diverses qu’elle affrontait pour la première fois.

1257. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. (Les Pleurs, poésies nouvelles. — Une Raillerie de l’Amour, roman.) » pp. 91-114

Elle attribue beaucoup, pour l’inspiration élégiaque des Latins, aux obstacles que rencontrait l’amant dans la situation sociale de la femme, obstacles qui ne pouvaient être écartés que par elle ; elle ajoutaït en finissant : « S’il se trouvait donc un individu dont le sort, en aimant, dépendit absolument de la volonté, des désirs, des penchants d’un autre, sans qu’il lui fût permis de rien faire pour se le rendre favorable ; dont tous les sentiments éternellement réprimés se consumassent en souhaits inutiles, n’aurait-il pas un grand avantage pour la peinture des agitations du cœur ?

1258. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET. » pp. 177-201

Mais, indépendamment de ces talents établis qui poursuivent leur œuvre, en la modifiant la plupart, et avec raison, selon une pensée sociale, voilà qu’il s’élève et se dresse une troisième génération de poëtes, dont on peut déjà saisir la physionomie distincte et payer l’effort généreux.

1259. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Boileau »

Les circonstances extérieures étant données, l’état politique et social étant connu, on conçoit quelle dut être sur une nature comme celle de Boileau l’influence de cette première éducation, de ces habitudes domestiques et de tout cet intérieur.

1260. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre I. La littérature sous Henri IV »

L’édifice social, politique, religieux, moral est reconstruit ; chacun s’y loge à sa place pour travailler dans sa sphère.

1261. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jules de Glouvet »

Et, par exemple, il y a des livres qui sont d’un artiste incomplet, où il serait facile de signaler des fautes et des lacunes, et qui plaisent néanmoins par la sincérité avec laquelle ils laissent transparaître l’homme qui les a composés, son caractère, son tour d’esprit, ses habitudes, sa condition sociale.

1262. (1887) Discours et conférences « Réponse au discours de M. Louis Pasteur »

Quoi qu’il en soit de ce va-et-vient qui demeure trop individuel pour fournir une base d’appréciation, deux faits prépondérants continuent à exercer leur action sociale.

1263. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre IV »

En logeant leur héroïne à un étage social supérieur, en la plaçant dans une de ces positions que côtoient naturellement les centres de la fortune et de l’élégance, MM. 

1264. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de La Tour-Franqueville et Jean-Jacques Rousseau. » pp. 63-84

Un jour, en une heure d’abandon, causant de ses ouvrages avec Hume, et convenant qu’il en était assez content pour le style et l’éloquence, il lui arriva d’ajouter : « Mais je crains toujours de pécher par le fond, et que toutes mes théories ne soient pleines d’extravagances. » Celui de ses écrits dont il faisait le plus de cas était le Contrat social, le plus sophistique de tous en effet, et qui devait le plus bouleverser l’avenir.

1265. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mlle de Lespinasse. » pp. 121-142

la passion se rit de ces impossibilités sociales et de ces barrières.

1266. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

Autrement, s’il était donné à tous de lire si aisément dans les cœurs et de pénétrer les motifs cachés, la plupart des liaisons, des amitiés, et la sûreté même du commerce social, y périraient.

1267. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Diderot. (Étude sur Diderot, par M. Bersot, 1851. — Œuvres choisies de Diderot, avec Notice, par M. Génin, 1847.) » pp. 293-313

Si l’Encyclopédie fut l’œuvre sociale et principale de Diderot en son temps et à son heure, sa principale gloire à nos yeux aujourd’hui est d’avoir été le créateur de la critique émue, empressée et éloquente : c’est par ce côté qu’il survit et qu’il nous doit être à jamais cher à nous tous, journalistes et improvisateurs sur tous sujets.

1268. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — II. (Fin.) » pp. 308-328

Pénétré de la difficulté de l’invention sociale en tant qu’elle s’élève au-dessus d’une certaine agrégation première toute naturelle et grossière, et qu’elle arrive à la civilisation véritable, il ne la conçoit possible que grâce à de merveilleuses passions en quelques-uns et à une héroïque puissance de génie : « Il faut, pense-t-il, que les premiers législateurs des sociétés, même les plus imparfaites, aient été des hommes surnaturels ou des demi-dieux. » Grimm, en politique, se rapproche donc beaucoup plus de Machiavel que de Montesquieu, lequel accorde davantage au génie de l’humanité même.

1269. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — I. » pp. 329-349

» Le même Voltaire écrivant à l’abbé Morellet et voulant, il est vrai, le flatter comme ami de Turgot et comme adversaire de Necker, relevait dans l’ouvrage une suite de phrases étranges : Je ne vous dirai point, d’après un beau livre nouveau, que les calculs de la nature sont plus grands que les nôtres ; que nous la calomnions légèrement ; … qu’un œil vigilant, capable de suivre la variété des circonstances, peut fonder sur une harmonie le plus grand bien de l’État ; qu’il faut suivre la vérité par un intérêt énergique, en se conformant à sa route onduleuse, parce que l’architecture sociale se refuse à l’unité des moyens, et que la simplicité d’une conception est précieuse à la paresse, etc.

1270. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — II. (Fin.) » pp. 350-370

Necker avait compris quelque chose de l’immense danger social qui était prêt à sortir de toutes les doctrines irréligieuses du xviiie  siècle, et il venait montrer les avantages publics de la religion, l’appui efficace, l’achèvement qu’elle seule apporte à l’ordre général, en même temps qu’il parlait avec persuasion du bonheur intime et de la consolation intérieure qu’elle procure à chacun.

1271. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Arnault, de l’Institut. » pp. 496-517

On comprend la haute moralité sociale qui ressort de cette fable grandiose et tout à fait classique entre celles du recueil d’Arnault.

1272. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse esthétique »

Et la douleur entière, la vraie, le désir de l’éviter, étant les derniers mobiles de toute l’activité animale, humaine et sociale, nous comprenons maintenant pourquoi les suprêmes émotions esthétiques sont improductives d’actes, comme nous l’avons dit au commencement de ce chapitre ; ces émotions comprennent toutes les souffrances harcelantes de l’existence, mais sans les aiguillons des périls, des angoisses, des menaces, des maux prévus ou ressentis.

1273. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Émile Zola » pp. 70-104

De lugubres incidents, propres à faire douter de la justice sociale, la torture de Lalie par son père, l’arrestation de Martineau mourant, sont racontés avec complaisance.

1274. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Pourquoi des sujets si éloignés dans le lieu et dans le temps, pourquoi des personnages si haut placés dans la hiérarchie sociale, des rois, des princes ?

1275. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre III : Concurrence vitale »

Cette nécessité d’une grande masse d’individus pour la conservation de l’espèce explique, je pense, quelques faits singuliers dans la nature : ainsi quelques plantes très rares sont extrêmement abondantes dans les endroits disséminés où elles se trouvent ; tandis que quelques plantes sociales demeurent telles, c’est-à-dire abondantes en individus, même aux derniers confins de leur station.

1276. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « X. Ernest Renan »

N’y aurait-il à cela que l’énervation des forces sociales ; en avons-nous tant que déjà nous puissions impunément les diminuer ?

1277. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

Ainsi, non par l’imitation d’exemples ignorés, mais par une rencontre naturelle, la politesse sociale renaissait parmi nous, sous ces mêmes influences de chants et de poésie que les anciens regardaient comme ayant civilisé le monde.

1278. (1929) Amiel ou la part du rêve

On discerne si un enfant prend le pli conformiste ou le pli de la résistance, et on voit souvent l’élan d’une famille entière aller dans le sens de l’accord ou dans le sens de la discorde, tous deux important à l’éclat ou à la force, à la santé ou au mouvement du corps social. […] C’étaient parmi ses aînés Ernest Naville et Élie Lecoultre, parmi ses compagnons d’âge Heim, François Bordier, Vuy ; tous, comme lui, de petite bourgeoisie calviniste (sauf le dernier, catholique de Carouge, ce qui amena, dans le groupe, des guerres religieuses bien autochtones) : du bas par leur condition sociale, du haut par leur sérieux. […] Elle donne cinq leçons par jour, elle lit beaucoup ; malade elle-même, elle soigne une maison de malades ; elle n’omet aucun des minuscules devoirs sociaux de l’exigente Genève ; et de la flèche de Saint-Pierre, devant sa fenêtre, elle dit : Voilà ma force ! […] Méconnaître ce corps de l’œuvre, on l’attend d’autant moins de Valéry que nul n’a mieux revendiqué la place du corps et l’exigence de la précision. « Ce qu’il y a de plus profond dans l’homme, dit-il, c’est sa peau. » Qu’est-ce qu’une œuvre, sinon un extérieur, une peau, la peau sociale, notre peau qui est pour autrui autant que pour nous, qui n’est pour nous qu’en étant pour autrui, pour autrui qu’en étant pour nous ?

1279. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

L’art lui-même et les faits sociaux peuvent fournir d’utiles lumières et compléter les révélations de la plume. […] Villemain, avant de trouver dans la corruption de l’état social et dans le désespoir de la philosophie, un plus triste argument contre la divinité, que cette impuissance du suicide regardée comme une imperfection, et cette jalousie du néant attribuée même aux dieux. » A de telles défaillances, il était impossible de ne pas reconnaître une société en dissolution, déjà troublée par les convulsions qui annonçaient sa fin prochaine. […] » La même affectation se retrouve dans certaines habitudes sociales, par exemple dans le costume. […] Et, à côté de la faiblesse opprimée, il montre la force triomphante, le vice égoïste et la richesse impitoyable ; et résume sa pensée sur le mal social, par cette invocation : Ô forêts ! […] Au surplus, si Mme Sand ne s’est jamais peinte dans le costume de son sexe, il faut la chercher, dans ses œuvres comme dans sa vie réelle, sous des vêtements virils ; et alors n’est-ce pas elle que, dans le roman de Valentine (1832), on doit voir sous les traits d’un jeune étudiant, né ennuyé, rempli d’aspirations vagues, de désirs d’indépendance, de haine et de mépris pour les conventions sociales et les situations vulgaires ?

1280. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre III. De la signification de la vie. L’ordre de la nature et la forme de l’intelligence. »

Mais ceci même nous révèle, dans la genèse de l’individu, une hantise de la forme sociale, comme s’il ne pouvait se développer qu’à la condition de scinder sa substance en éléments ayant eux-mêmes une apparence d’individualité et unis entre eux par une apparence de sociabilité. […] Si l’on prend un Infusoire assez volumineux, tel que le Stentor, et qu’on le coupe en deux moitiés contenant chacune une partie du noyau, chacune des deux moitiés régénère un Stentor indépendant ; mais si l’on effectue la division incomplètement, en laissant entre les deux moitiés une communication protoplasmique, on les voit exécuter, chacune de son côté, des mouvements parfaitement synergiques, de sorte qu’il suffit ici d’un fil maintenu ou coupé pour que la vie affecte la forme sociale ou la forme individuelle. […] Il le doit à la vie sociale, qui emmagasine et conserve les efforts comme le langage emmagasine la pensée, fixe par là un niveau moyen où les individus devront se hausser d’emblée, et, par cette excitation initiale, empêche les médiocres de s’endormir, pousse les meilleurs à monter plus haut.

1281. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — I. » pp. 88-109

Quant à ses notes sur Gui Patin, il y parle plus volontiers de la Révolution française et de la décadence sociale que de Gui Patin même et du xviie  siècle.

1282. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — III. (Fin.) » pp. 371-393

Il voyait dans l’amour qu’on avait pour elles une des passions dominantes, une des vertus sociales du Français.

1283. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Étienne de La Boétie. L’ami de Montaigne. » pp. 140-161

Elle en réserve la perfection et l’exquise délicatesse pour les femmes qui ont su rester fidèles aux vertus de leur sexe, et pour les hommes qui savent le leur pardonner, mais qui, près d’elles et avec les années, y retrouvent leur compte : « Quand elles n’ont point usé leur cœur par les passions, leur amitié est tendre et touchante ; car il faut convenir, à la gloire ou à la honte des femmes, qu’il n’y a qu’elles qui savent tirer d’un sentiment tout ce qu’elles en tirent. » J’insiste sur cette espèce et cette qualité d’amitié que Montaigne a oubliée et qu’il semble avoir regardée d’avance comme impossible ; elle est le produit d’une culture sociale très perfectionnée.

1284. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

Pour ce sauvage qui n’a pas l’idée de la beauté, qui ne compare pas, dont une continuelle rivalité sociale n’entretient ni n’exalte l’imagination, rien de pareil n’existe, et « l’instant rapide du plaisir, selon l’heureuse expression de M. de Meilhan, est pour lui une flèche décochée dans l’air, et qui ne laisse aucune trace ».

1285. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

C’est dans les années qui suivirent la Terreur et dans le triomphe des institutions idéologiques dites de l’an III que Saint-Martin eut son jour et son heure d’utilité publique, et, si l’on peut dire, sa fonction sociale, lorsque âgé de cinquante-deux ans, élève aux Écoles normales, il engagea son duel avec la philosophie régnante dans la personne de Garat, et que l’homme modeste atteignit le brillant sophiste au front.

1286. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

À force de vouloir tout deviner dans le passé et dans l’avenir, de tels hommes ne voient plus rien de certain autour d’eux ; ils croient savoir au juste ce qui se passait dans le paradis terrestre et ce qu’était Adam avant son sommeil, ce que redeviendra l’homme après sa réparation, et ils n’entendent rien aux conditions les plus indispensables et les plus immédiates de l’ordre social et du bon ménage politique.

1287. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

La pétulance a pris la place de la vivacité et de l’enjouement. » On ne peut tout dire ni tout extraire : qu’il me suffise de bien marquer qu’en ce qui est de la corruption sociale de son temps, d’Argenson est un témoin précis, véridique, et quelquefois même une preuve de ce qu’il avance.

1288. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

Sur un point j’ai dit qu’il avait moins raison au fond : c’est qu’avec sa théorie du plaisir, et qui ne va qu’à désennuyer l’homme, à l’amuser, il n’entre pas dans le sentiment élevé, largement conçu, patriotique et social, qui transporte, qui enivre les générations et les peuples de l’idée de gloire, sentiment qui respire comme une flamme dans l’âme d’Achille, dans celle de son chantre, qui de là passe un jour dans celle d’Alexandre, et qui va encore après trois mille ans faire battre d’émulation un cœur généreux.

1289. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

La France, en ne s’asseyant pas, et, à travers tout, en ne se sentant point satisfaite à demi, y a gagné d’être en étude, en expérience, en éducation perpétuelle, d’être comblée, puis épuisée, mais non pas rassasiée sous Louis XIV, de grandir par la pensée, même sous Louis XV, — surtout sous Louis XV, — d’en venir à la nécessité d’un 89 et d’un 1800, c’est-à-dire à un état social plus complètement débarrassé des liens du passé, à une plus grande perfection civile.

1290. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « François Villon, sa vie et ses œuvres, par M. Antoine Campaux » pp. 279-302

À cette époque, faute de civilisation, il n’y avait point encore ces maximes d’honneur et de délicatesse sociale qui nous apprennent à faire la différence entre ce qui est une bassesse et ce qui n’est qu’une espièglerie.

1291. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La femme au XVIIIe siècle, par MM. Edmond et Jules de Goncourt. » pp. 2-30

MM. de Goncourt n’ont pas poussé si loin leur étude, et, en effet, c’est à 89 que s’arrêtait naturellement leur sujet ; c’est la femme de l’ancien régime qu’ils ont tenu à nous montrer, à la fois dans son unité et dans toutes ses variétés sociales.

1292. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc (suite et fin.) »

Un jour vint et une heure, un moment social, non calculé, non prévu, général, universel, où il se trouva, — sans que personne pût dire ni à quelle minute précise, ni par quelle transformation cela s’était fait, — où, dis-je, il se trouva qu’une langue nouvelle était née au sein même de la confusion, que cette langue toute jeune, qui n’était plus l’ancienne langue dégradée et dénaturée, offrait une forme actuelle et viable, animée d’un souffle à elle, ayant ses instincts, ses inclinations, ses flexions et ses grâces : le français des XIe et XIIe siècles, cette production naïve, simple et encore rude et bien gauche, ingénieuse pourtant, qui allait bientôt se diversifier et s’épanouir dans des poèmes sans nombre, dans de vastes chansons chevaleresques, dans des contes joyeux, des récits et des commencements d’histoires, venait d’apparaître et d’éclore aux lèvres de tout un peuple.

1293. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

Elle essaye de décrire « le charme d’une prison » où l’on est délivré de tout soin importun, de toute distraction fâcheuse, « où l’on ne doit compte qu’à son propre cœur de l’emploi de tous les moments. » Elle trouve, pour exprimer ce sentiment particulier de quiétude, des paroles qui eussent fait honneur aux anciens sages : « Rendu à soi-même, à la vérité, sans avoir d’obstacles à vaincre, de combats à soutenir, on peut, sans blesser les droits ou les affections de qui que ce soit, abandonner son âme à sa propre rectitude, retrouver son indépendance morale au sein d’une apparente captivité, et l’exercer avec une plénitude que les rapports sociaux altèrent presque toujours. » Elle se plaît à revenir sur cette idée, si chère à sa passion, qu’elle est présentement dispensée de toute lutte, à l’endroit qui lui est le plus sensible, et qu’elle peut s’abandonner sans scrupule et sans danger à une effusion innocente.

1294. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite et fin.) »

Le premier paragraphe rétrograde sur les maux, les excès de la révolution, rembrunit tout à coup les figures ; on se dresse, on se regarde, on s’indigne ; mais on s’attend à des retours aux bienfaits, aux grands résultats de régénération sociale.

1295. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [I] »

On le sait maintenant, grâce aux travaux qui se poursuivent avec ardeur et qui ne remontent guère au-delà de ces trente dernières années : dans le haut moyen âge, époque complète, époque franche, qui, sortie d’un long état de travail et de transformation sociale, avait rempli toutes ses conditions et s’était suffi à elle-même, la langue, la littérature française qui était née dans l’intervalle, qui était sortie de l’enfance, qui était arrivée à la jeunesse (de même que l’architecture, que la théologie, que la science en général et que les arts divers), avait eu son cours de progrès et de croissance, une sorte de premier accomplissement ; elle avait eu sa floraison, son développement, sa maturité relative : poétiquement, une belle et grande végétation s’était produite sur une très-vaste étendue, à savoir l’épopée historique, héroïque.

1296. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

Cependant, si les vices qui ont déshonoré la Grèce s’y retrouvent dans toute leur laideur, ils ne s’y montrent plus dans leur audace ; ils ne sont plus attribués qu’à des êtres difformes ou ridicules, placés par l’esprit, le cœur et le sang, au dernier degré de l’échelle sociale.

1297. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

La Restauration, au moins au début, semblait remplir un des vœux de M. de Barante ; ses liaisons sociales, on l’a vu, ses goûts modérés, ses lumières, et, pour les nommer par leur nom, ses vertus civiles, le disposaient à l’ordre constitutionnel sagement entendu, c’est-à-dire à ce qu’on augurait du régime nouveau.

1298. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

Ses idées en philosophie sociale ne se modifièrent que par un contre-coup assez éloigné de ce moment : au sortir du 9 thermidor, il paraît avoir cru encore aux ressources du gouvernement par (ou avec) le grand nombre : il écrivait à Fontanes, qui, caché durant quelques mois, reparaissait au grand jour : « Je vous vois où vous êtes avec grand plaisir.

1299. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre III. L’Histoire »

Il y a en lui un sentiment, principe et limite ci la fois de l’individualisme, qui le légitime et le contient ; ce sentiment, tout-puissant sur lui, et qui lui sert de règle à juger toutes les actions d’autrui, c’est l’honneur féodal, le respect du pacte et du lien social, qui lient unis le vassal et le suzerain.

1300. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

La vérité des fabliaux est une vérité surtout idéale, comme celle des chansons de geste et des romans bretons : les unes nous montrent le rêve héroïque, les antres le rêve amoureux de nos aïeux, et dans les fabliaux c’est un autre rêve encore, un rêve de vie drolatique et libre, tel que peut le faire un joyeux esprit qui, par convention, élimine pour un moment toute notion de moralité, d’autorité et d’utilité sociale.

1301. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

Paul de Gabry : J’ai lieu de craindre que ma physionomie n’ait trahi ma distraction incongrue par une certaine expression de stupidité qu’elle revêt dans la plupart des transactions sociales.

1302. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Octave Feuillet »

L’étrange affectation de ne regarder comme intéressante que la classe sociale la plus restreinte, et celle justement où l’originalité des individus a le plus de chances de s’effacer ou de s’atténuer !

1303. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre premier »

Ces tours si vifs et si heureux cette élégance peu ornée, parce que l’ornement gâterait le sens, ces proverbes populaires semés dans l’entretien à l’appui des réflexions, ce sont les vraies traditions de la comédie, et de tous ces ouvrages de formes diverses, dont la vie sociale est la matière.

1304. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre quatrième »

La science politique et sociale dans Montesquieu, l’histoire dans Voltaire, l’exposition éloquente des découvertes scientifiques dans Buffon, sont comme autant de facultés nouvelles de l’esprit français.

1305. (1900) Poètes d’aujourd’hui et poésie de demain (Mercure de France) pp. 321-350

Si l’on s’en tient au sens étroit et étymologique, presque rien si l’on passe outre, cela peut vouloir dire individualisme en littérature, liberté de l’art, abandon des formules enseignées, tendances vers ce qui est nouveau, étrange, bizarre même ; cela peut vouloir dire aussi idéalisme, dédain de l’anecdote sociale, antinaturalisme.

1306. (1890) L’avenir de la science « XIX » p. 421

C’est un facile lieu commun que de parler à tout propos de palingénésie sociale, de rénovation.

1307. (1887) Discours et conférences « Rapport sur les prix de vertu lu dans la séance publique annuelle de l’Académie française »

Même celui qui est soutenu dans l’accomplissement du devoir par sa situation sociale, le bourgeois vertueux, s’il est permis de s’exprimer ainsi, vous ne le couronnez pas.

1308. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XI. La littérature et la vie mondaine » pp. 273-292

Il n’a pas fallu moins qu’une révolution sociale, brisant la, prépondérance du monde, pour qu’une révolution du goût fit enfin renoncer à cette coutume de farder tout ce qui n’était pas réputé assez noble.

1309. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

Quels étaient leur langue, leur style, leur situation sociale, leur pays d’origine, leur conception du monde, leur tempérament, etc., etc. ?

1310. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVII et dernier » pp. 442-475

À l’exemple de cette société, elle fit de la conversation et des correspondances épistolaires, le moyen d’exercer, de perfectionner, de tenir en haleine, d’exciter par l’émulation, les facultés que la nature a départies aux Français pour rendre la vie sociale, douce, heureuse, et faire envie à tout le monde civilisé.

1311. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre II »

Elle a choqué souvent, blessé parfois, inquiété toujours, mais elle n’a jamais ennuyé ; elle est brusquée, décousue, sans vérité sociale et sans vie morale ; mais elle amuse, elle intéresse, elle tient en haleine, elle jette aux yeux la poudre d’or de l’esprit ; elle vivra, je le crois du moins, quoiqu’elle n’ait fait que se donner la peine de naître… tout au plus.

1312. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

Pourtant, il est certainement l’un de ces hommes à propos de qui il serait permis, à certains jours, de s’adresser cette question : « Qui peut dire et savoir ce qu’arrive à penser, sur toute matière religieuse et sociale, un homme de plus de quarante ans, prudent, et qui vit dans un siècle et dans une société où tout fait une loi de cette prudence ? 

1313. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

En les proposant, M. de Broglie faisait évidemment violence à ses théories antérieures, à ses combinaisons constitutionnelles les plus chères, à ses vues bienveillantes de morale sociale et humaine ; mais cette fois, en face d’un forfait immense, il vit la réalité à nu, et, en homme de bien courageux, il n’hésita pas.

1314. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « L’abbé Galiani. » pp. 421-442

Galiani avait pris à dessein cette forme du dialogue, comme plus française : « Cela est naturel, disait-il ; le langage du peuple le plus social de l’univers, le langage d’une nation qui parle plus qu’elle ne pense, d’une nation qui a besoin de parler pour penser, et qui ne pense que pour parler, doit être le langage le plus dialoguant. » Quant au fond, en combattant les idées absolues et les raisonnements des économistes, Galiani visait à faire entrevoir les idées politiques qui doivent régir et dominer même ces matières.

1315. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Mme de Caylus et de ce qu’on appelle Urbanité. » pp. 56-77

Puis, avec l’usage et le temps, il en vint à exprimer plus encore, et à ne pas signifier seulement une qualité du langage et de l’esprit, mais aussi une sorte de vertu et de qualité sociale et morale qui rend un homme aimable aux autres, qui embellit et assure le commerce de la vie.

1316. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

Tout est relatif, et Camille, l’anarchiste d’hier, dans sa lutte contre le misérable Hébert, représente en vérité la civilisation et presque le génie social, comme Apollon dans sa lutte contre le serpent Python.

1317. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — II. (Lettres écrites du donjon de Vincennes.) » pp. 29-50

Pour être juste, n’oublions jamais le point de départ et le but : le point de départ, c’est-à-dire le style abrupt, accidenté, escarpé, de ses ancêtres, d’où il lui fallait descendre à tout prix pour conquérir à lui les masses et déployer ses larges sympathies ; le but, c’est-à-dire l’orateur définitif qui sortit de là et qui domina puissamment son époque dans la plus grande tourmente sociale qui fut jamais.

1318. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Lambert et madame Necker. » pp. 217-239

Ailleurs, dans un petit Traité de la vieillesse, elle parlera de la dévotion, non pas comme d’un faible, mais comme d’un soutien à mesure qu’on avance en âge : « C’est un sentiment décent et le seul nécessaire… La dévotion est un sentiment décent dans les femmes, et convenable à tous les sexes. » Cette manière d’envisager la religion est irréprochable au point de vue social et moral ; mais le vrai chrétien demande davantage, et je conçois que le digne M. de La Rivière n’ait pas été entièrement satisfait, à cet égard, des dispositions de son amie.

1319. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame Necker. » pp. 240-263

Chez celle-ci c’était la prudence sociale, la convenance stricte qui régnait avant tout ; chez l’autre c’était la vertu et un fonds de bonté qui perçait jusque dans le désaccord et le blâme.

1320. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

Cela touché, il faut vite reconnaître ses aimables qualités sociales, cette facilité à prendre à tout, cette finesse sous la bonhomie et cette cordialité qui sait trouver une expression ingénieuse : « J’ai toujours éprouvé, disait-il, qu’il m’était plus facile de me suffire à moi-même dans le chagrin que dans la joie.

1321. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — II. (Suite.) » pp. 23-46

Il y a l’effet produit sur le corps social.

1322. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — II. (Fin.) » pp. 411-433

Quant aux religions, sans aller plus avant, il n’a pas moins manqué à la vérité sociale.

1323. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Henri Heine »

Il sait raconter de jolies histoires de fées, combiner un rapide scénario de ballet, se moquer galamment de ses créanciers, attaquer les puissances politiques et sociales avec le rire d’Aristophane, puis, comme ce dernier, faire chanter les oiseaux et babiller de jolies femmes.

1324. (1920) Action, n° 4, juillet 1920, Extraits

Et ainsi le social ne sera-t-il jamais présenté en détail exact, en une peinture objective de la misère (comme par l’art de 1890), mais il sera toujours envisagé comme une perspective générale, enregistré dans les grandes idées humanitaires.

1325. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution française »

Dans les publications exclusivement révolutionnaires, dans les Mémoires du temps rédigés par les amis de la Révolution, par ceux-là qui la croyaient une vérité sociale et un événement providentiel, il n’a point demandé aux ennemis, à notre parti, au parti de la monarchie, des armes suspectes et des documents d’une équivoque autorité.

1326. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « V. M. Amédée Thierry » pp. 111-139

Thierry, mais il est beaucoup plus social.

1327. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’art et la sexualité »

Je suis bien certain que mon livre aura un effet extraordinaire, et qu’immense sera la révolution morale et sociale qui en résultera ».‌

1328. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

Quoi qu’il en soit, avant ces épreuves trop violentes qu’impriment aux plus nobles caractères nos révolutions si rapides et nos fantaisies sociales trop réitérées, combien avaient été souvent heureuses les hardiesses d’imagination de ce talent jeune et libre, alors qu’on le voyait, comme il l’a dit lui-même : Jeter le vers d’airain qui bouillonne et qui fume Dans le rhythme profond, moule mystérieux D’où sort la strophe ouvrant ses ailes dans les cieux.

1329. (1898) Essai sur Goethe

En les combattant, les chevaliers combattaient donc pour l’Empire : « Ils voulaient médiatiser […] Ils poursuivaient un but social d’une signification éminente. […] Gœtz a représenté, pour lui, dans le domaine social, la nature et la liberté, comme Shakespeare les représentait dans le domaine littéraire, comme le gothique les représentait dans celui de l’art. […] … » En réalité, son Gœtz, si l’on veut lui trouver un sens général, est un frère aîné de Carl Moor, le brigand modèle, redresseur des torts des honnêtes gens ; malgré tout l’effort de Goethe pour lui donner une couleur « renaissance », il demeure un homme de la fin du XVIIIe siècle, qui a lu le Contrat social et l’Émile. […] On l’attendait en l’adorant, en l’admirant, en tuant le temps comme on pouvait : la politique du duché, dirigée par le conseiller privé Schmidt et par le duc en personne, marchait fort bien sans lui ; quant à la vie sociale, elle ne fut troublée par aucun incident, sinon que la duchesse-mère voulut apprendre le grec et l’italien. […] Chacun à sa manière, Gœtz et Werther expriment ce rêve : le premier, en nous faisant admirer un héros qui, dressé contre les forces sociales de son temps, les brave, et, même vaincu, les domine ; le second, en nous attendrissant sur une intéressante victime des conditions normales de la vie sociale.

1330. (1925) La fin de l’art

J’aurais cru le contraire, que l’amour n’y avait aucune part, du moins avant, et que d’ailleurs l’amour, tel que nous le concevons, n’avait nulle place dans leurs relations sociales. […] L’hygiène sociale ne doit pas faire oublier l’hygiène individuelle dont le premier commandement est une saine nourriture.

1331. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre III. La Révolution. »

Lentement, par degrés, la révolution morale accompagne la révolution sociale : l’homme change en même temps que l’État, dans le même sens et par les mêmes causes ; le caractère s’accommode à la situation, et l’on voit peu à peu dominer dans les mœurs et dans les lettres l’esprit sérieux, réfléchi, moral, capable de discipline et d’indépendance, qui seul peut soutenir et achever une constitution. […] La raison oratoire avait formé le théâtre régulier et la prédication classique ; la raison oratoire produit la Déclaration des Droits et le Contrat social. […] Le déisme et l’athéisme ne sont ici qu’une éruption passagère que le mauvais air du grand monde et le trop-plein des forces natives développent à la surface du corps social.

1332. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

Il a du reste réussi dans cet essai de peinture à larges touches ; il a soutenu copieusement cette thèse intéressante que l’histoire naturelle et sociale des Rougon-Macquart est une épopée pessimiste de l’animalité humaine13. […] Je soupçonne qu’il est fort loin d’être un adepte des théories religieuses et sociales de Diderot, ce qui ne l’a pas empêché de rendre justice aux qualités morales et même dramatiques du philosophe. […] L’autre consiste à comparer ce qui est à ce qui devrait être, à chercher, non plus pourquoi telle loi s’est établie, mais si elle est conforme à l’idée que nous nous faisons de la justice ; elle part du présent pour marcher à la conquête de l’avenir ; elle est logique et idéaliste ; elle a été pratiquée par Rousseau au siècle dernier et par tous les novateurs de nos jours ; comme elle fait ressortir les imperfections de l’état social à la lumière d’une conception de l’esprit, comme elle montre un droit idéal en dehors et au-dessus des faits, elle porte à corriger les abus, à modifier les coutumes et les codes ; elle mène à des conclusions réformatrices ou même révolutionnaires. […] Taine, il condamne le Contrat social et « son influence désastreuse », sans se demander si la force qui pousse en avant n’est pas, à certains moments, aussi utile que celle qui tire en arrière. […] Je ne serais pas fort surpris que son idéal social fût une sorte d’aristocratie bourgeoise et savante, aux mains de qui seraient remises la direction des affaires politiques et les destinées des classes inférieures.

1333. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Certes, je ne crois pas qu’au point de vue social l’œuvre de la femme puisse être considérée comme moins importante que celle de l’homme. […] Mme Pauline de Grandpré, admirable dans ses efforts sur un point spécial, est un esprit étroit, à la catholique, et qui sourit à la plupart des injustices sociales. […] Rien ne sera fait de vraiment utile que ce qui sera fait pour tous, et ils mentent les féministes restreints, comme les antisémites, comme tous ceux qui fragmentent la question sociale. […] Bob était bien amusant quand il était petit : ses étonnements et ses précoces compréhensions, également embarrassants pour son pauvre abbé, nous disaient de façon piquante les incohérences de la vie sociale. […] La Fronde lui est aujourd’hui une tribune commode, et elle y expose copieusement ses idées sociales.

1334. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

A force de parler littérature, on finissait par croire que la poésie était une sorte d’état social qui en valait bien un autre. […] Le premier il a agité dans les assemblées la question sociale ». […] Amateur de calembours futiles et d’érudition sérieuse, Mazel a publié des livres de psychologie sociale et quelques drames historiques dont la réprésentation serait une tentative curieuse. […] Un mot de Taine lui fit découvrir Cournot, qui orienta ses idées vers la philosophie sociale. […] Il a, non pas méconnu, mais radicalement ignoré les obligations d’attitude et de milieu qui accompagnent ordinairement l’accroissement d’une situation sociale.

1335. (1880) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Première série pp. 1-336

Il n’y a de satire sociale que celle qui, comme la satire d’Aristophane, décèle chez le poète une constante préoccupation de la dignité de l’homme31 : les fabliaux sont presque tous indécents ; quelques-uns sont orduriers. […] Cette force dont parlait l’historien ne s’est exercée, ne s’est déployée que dans le domaine de l’action, — politique ou religieuse, — et rien ou presque rien n’en a passé ni dans la distribution de la justice sociale, ni surtout, puisqu’ici c’est le seul point qui nous intéresse, dans le domaine de la littérature. […] Le seul Jean-Jacques peut-être, avec son intrépidité de logicien et son souffle de déclamateur, a composé l’Émile d’ensemble et son Contrat social d’une haleine, comme on faisait au siècle précédent. […] Ajoutez qu’en même temps la vie sociale, de plus en plus artificielle, achève de déshabituer l’homme du spectacle et du sentiment de la nature. […] En tout cas, Picard est l’un des premiers qui aient remis à la scène la satire, non plus d’un ridicule ou d’un défaut, mais d’une condition, de toute une classe sociale, et c’est bien là, si nous ne nous trompons, le propre de la comédie de mœurs : le Demi-monde, les Faux Bonshommes, les Vieux Garçons.

1336. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville (suite et fin.) »

Ce n’est pas à une nation démocratiquement constituée comme la nôtre, et chez laquelle les vices naturels de la race ont une malheureuse coïncidence avec les vices naturels de l’état social, ce n’est pas à cette nation qu’on peut laisser prendre aisément l’habitude de sacrifier ce qu’elle croit sa grandeur à son repos, les grandes affaires aux petites ; ce n’est pas à une pareille nation qu’il est sain de laisser croire que sa place dans le monde est plus petite, qu’elle est déchue du rang où l’avaient mise ses pères, mais qu’il faut s’en consoler en faisant des chemins de fer et en faisant prospérer au sein de la paix, à quelque condition que cette paix soit obtenue, le bien-être de chaque particulier.

1337. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres mêlées de Saint-Évremond »

Mais, pour ce qui est de sa vie et de sa carrière en France, on en a tous les détails, avec les accessoires et toutes les circonstances sociales qui peuvent l’éclairer et y donner intérêt.

1338. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « M. MIGNET. » pp. 225-256

Saint Boniface, jugé au point de vue civil, y représente avec héroïsme, avec sublimité, l’énergie sociale conquérante, le bienfait de l’idée nouvelle.

1339. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre II. Deuxième élément, l’esprit classique. »

Dans cet énorme monde moral et social, dans cet arbre humain aux racines et aux branches innombrables, ils détachent l’écorce visible, une superficie ; ils ne peuvent pénétrer ni saisir au-delà ; leurs mains ne sauraient contenir davantage.

1340. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIIe entretien. Poésie sacrée. David, berger et roi » pp. 225-279

Quant à moi, j’avoue que je souhaiterais pour tous une telle Constitution, car elle seule réalise ce que tous les hommes désirent, ce que tous les politiques sages ont cherché à leur donner, ce que Moïse seul sut concevoir et exécuter, c’est-à-dire une organisation sociale qui fait comprendre au peuple que c’est « la loi, et non l’homme, qui règne, que la nation doit librement accepter ce gouvernement divin de la raison et de la loi, et l’exercer sans tyrannie, que nous n’avons pas été créés pour être enchaînés et contraints comme des esclaves, mais pour être guidés et conseillés par une puissance invisible, sage et providentielle. » Telle était la Constitution théocratique de Moïse.

1341. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre II. Les romans bretons »

Elles répondent à un besoin nouveau, à un état d’esprit que l’évolution sociale et politique développe de jour en jour davantage chez des générations que transporte moins la rudesse vigoureuse des chansons de geste.

1342. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

Ses Lettres nous sont une image merveilleusement fidèle de la vie noble au xviie  siècle, dans tous ses aspects et ses emplois, à la cour, en province, aux champs, à la comédie, au sermon, dans l’intimité domestique, dans les relations sociales, dans la représentation des grandes charges : les impressions journalières de Mme de Sévigné font un des documents d’histoire les plus sincères qu’on puisse consulter.

1343. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. Le théâtre romantique »

Tout le génie et toute la vertu dans la plus grande bassesse sociale : voilà Ruy Blas.

1344. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Francisque Sarcey »

Louis XI ne manquera pas de s’agenouiller devant les figurines de son chapeau ; Henri IV sera constamment jovial ; Marie Stuart, pleureuse ; Richelieu, cruel… » (Flaubert, Bouvard et Pécuchet)  S’il s’agit de questions morales, le public a sa solution toute prête, celle que l’usage et quelquefois l’égoïsme ou l’hypocrisie sociale ont consacrée.

1345. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Ferdinand Fabre  »

Presque toujours il apporte dans les relations sociales des façons polies et cérémonieuses derrière lesquelles il se retranche ; ou, s’il est bonhomme et jovial, cette bonhomie ne nous renseigne guère mieux sur sa vie intérieure.

1346. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Nous nous flattons de sentir l’unité de l’Etat dans la multiplicité des fonctions sociales.

1347. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre II : La Psychologie. »

Le principe fondamental de l’école utilitaire, c’est que le seul critérium possible de la justice ou de l’injustice des actions consiste dans leurs conséquences calculables, c’est-à-dire dans leurs tendances : « Toujours depuis que l’homme est devenu un être social et moral, l’observation et le raisonnement ont montré constamment que certaines actions — par exemple, dire la vérité — tendent en général à augmenter le bonheur de l’humanité ; et que certaines actions contraires — par exemple, mentir, — tendent à porter atteinte au bonheur de l’humanité.

1348. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — Y. — article » pp. 529-575

Elles n'ont produit que l'égoïsme, & l'égoïsme est le poison des vertus sociales ; il étouffe même les sentimens paternels.

1349. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre VIII »

L’heure vient où la loi sociale atteint et punit ceux qui la transgressent.

1350. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Malesherbes. » pp. 512-538

Rapprochant les doctrines politiques et philosophiques longtemps professées par ce grand homme de bien, des réformes sociales qui se sont réalisées depuis, il en a tiré des vues justes et neuves.

1351. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Bussy-Rabutin. » pp. 360-383

Sans nous en prévaloir pour ce qui est du fond des âmes, il nous faut ici reconnaître que nous avons infiniment gagne depuis lors en moralité sociale et publique, en moralité extérieure.

1352. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — I. (Dialogues inédits.) » pp. 1-28

Voilà des injures, et, sous toutes les raisons de famille qui seraient inextricables à débrouiller, il entrait dans sa persécution contre son fils quelque chose de ce sentiment de haute précaution publique et sociale qui lui aurait fait enfermer et coffrer en leur temps, s’il en avait eu le pouvoir, ces mauvais sujets qui s’appelaient Retz ou César.

1353. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « André Chénier, homme politique. » pp. 144-169

Il montre que cette société, et toutes celles qui en dépendent, ces confréries usurpatrices, « se tenant toutes par la main, forment une sorte de chaîne électrique autour de la France » ; qu’elles forment un « État dans l’État » ; que « l’organisation de ces sociétés est le système le plus complet de désorganisation sociale qu’il y ait jamais eu sur la terre ».

1354. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1859 » pp. 265-300

Ce sont les aperçus religieux de Swedenborg, mais ça n’a pas de base… Malaise des esprits, trouble des âmes, religiosité remuant dans l’ombre, agitations sourdes de la veillée d’armes d’une suprême bataille livrée par le catholicisme, toute une mine de mysticisme couvant sous le scepticisme du xixe  siècle, il y a de cela dans les paroles de mon dentiste, sous le coup de la question italienne, des lettres pastorales des évêques, de la levée de boucliers de l’Église en faveur du pouvoir temporel ; et il y a dans ces paroles comme l’annonce d’une sorte de fièvre et de délire des consciences ; et j’y vois, germant déjà dans le petit bourgeois éclairé, l’anarchie des croyances et le gâchis social que cela prépare dans un avenir très prochain.

1355. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre III. L’histoire réelle — Chacun remis à sa place »

La Révolution française, liquidation de la première forme sociale du christianisme, peut venir.

1356. (1913) La Fontaine « IV. Les contes »

Voilà le petit groupe social auquel La Fontaine songe presque toujours.

1357. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IX. Eugénie de Guérin »

Tirée de sa campagne, amenée en parure, comme une princesse des contes de fées, sous l’éclat intimidant des lustres, elle y vint sans embarras, sans disgrâce, avec un aplomb chaste et patricien qui disait bien, malgré les torts de la fortune, pour quel rôle social elle était faite.

1358. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre III. De la nature du temps »

Pas tout à fait, parce que nous vivons une vie sociale et même cosmique, autant et plus qu’une vie individuelle.

1359. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

Ce n’est pas un problème social soulevé pour le plaisir du paradoxe, c’est une étude des deux forces qui se combattent en nous : le doute éclairé d’en bas, l’espérance éclairée d’en haut [ici ce n’est pas précisément de mauvais style], ôtez-nous un de ces éléments, nous n’existons plus, nous n’imaginons plus… Supprimez la foi : le monde acceptera aveuglément ce qui est aujourd’hui, sous prétexte que demain n’est pas à nous, proposition raisonnable mais stupide, parce qu’elle paralyse… C’est avec un art infini, une adresse merveilleuse et surtout une bonne foi complète, que l’auteur a exposé cette lutte universelle, résumée par les agitations intérieures de quelques personnages pris dans le milieu le plus actuel et le mieux connu… » Elle comprend encore très bien que toute œuvre d’imagination n’est, après tout, digne de l’estime des hommes que si, en son fond, et par les réflexions qu’elle suggère, par l’état d’âme où elle nous laisse, elle est, tout comme un dialogue de Platon, une recherche de la sagesse, que si elle se demande, au moins, même quand elle ne peut pas répondre : « Où est le vrai ? […] Sans citer aucun de ses détracteurs (pas une ligne ; c’est très distingué), George Sand répond par une simple analyse de Lélia, analyse qui, contre l’habitude de George Sand, est d’une précision, d’une netteté, d’une littéralité à servir de modèle : « On m’accuse, dit-elle, d’avoir écrit contre les lois sociales et en faveur de je ne sais quelle liberté de la passion déchaînée. […] « Epris de ces vues d’ensemble qui avaient éclairé si fortement l’histoire de Salammbô, il a exprimé cette fois l’état général qui marque les heures de transition sociale. […] La majorité des opinions qui a disposé de nos destinées jusqu’à ce jour et qui n’a pas su nous donner un état social libre et logique a été médiocre, en effet, et c’est une douce punition que de la vouer au ridicule… Nous ne pouvons exiger d’un artiste qu’il nous raconte l’avenir ; mais nous pouvons le remercier de nous faire d’une main ferme la critique du passé. […] Il prouve que cet état social est arrivé à sa décomposition et qu’il faudra le changer très radicalement.

1360. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre II. La parole intérieure comparée à la parole interieure »

La parole extérieure est assujettie à certaines conditions, les unes physiologiques, les autres sociales : à parler trop vite, la langue s’embarrasse ; si l’on parvient, comme certains acteurs, à concilier une extrême volubilité avec l’articulation la plus nette, on est mal compris par des auditeurs dont on surmène l’attention ; pour parler distinctement, se faire bien entendre et bien comprendre, il faut parler lentement ; puis il y a la nécessité toute physique de reprendre haleine de temps en temps, la parole n’ayant lieu que pendant l’expiration, le larynx étant impropre à vibrer normalement durant l’aspiration. […] Taine donne alors ici un autre exemple, montrant cette fois la concentration intime d’émotions comme de représentations morales et sociales dans un mot, d’où son pouvoir sur nous.

1361. (1885) L’Art romantique

Ceux qui l’ont bien connu ont pu apprécier, en maintes occasions, sa fidélité, son exactitude et sa solidité tout anglaise dans les rapports sociaux. […] Les dandys se font chez nous de plus en plus rares, tandis que chez nos voisins, en Angleterre, l’état social et la constitution (la vraie constitution, celle qui s’exprime par les mœurs) laisseront longtemps encore une place aux héritiers de Sheridan, de Brummel et de Byron, si toutefois il s’en présente qui en soient dignes. […] Cela vient non seulement, je crois, de ce que la France a été providentiellement créée pour la recherche du Vrai préférablement à celle du Beau, mais aussi de ce que le caractère utopique, communiste, alchimique, de tous ses cerveaux, ne lui permet qu’une passion exclusive, celle des formules sociales. […] De cette tyrannie contradictoire résulte une lutte qui ne s’applique qu’aux formes sociales, enfin un niveau, une similarité générale.

1362. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

Dira-t-on que, dans un certain état social, il a dû exister, pour l’esprit humain, des procédés naturels et spontanés, qu’il appliquait à un nouveau langage ? […] Toutes les conditions sociales, nous l’avons vu, fournissaient des troubadours. […] Là, les plus beaux souvenirs de leur poésie ont pris leur source ; là, le mouvement social a commencé ; là, les gouvernements même ont pris un caractère nouveau ; là, les premiers grands hommes ont paru, non plus isolément, dispersés à de longs intervalles, comme du temps de Charlemagne, mais réunis, groupés ensemble, s’animant l’un par l’autre. […] On aperçoit de plus, dans ce testament vengeur de la poésie provençale, dans ces derniers chants inspirés par la haine contre Rome, la marque d’un changement social. […] On serait tenté de croire que dans ces châteaux massifs, dans ces tourelles gothiques, la vie était grossière, que sous le harnois nulle élégance sociale ne se mêlait à la rudesse extérieure et matérielle des mœurs.

1363. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

Il voit le mal, il voit la souffrance, il s’insurge contre les injustices et les gênes de l’état social (le Joug) ; mais il ne désespère point de l’avenir et il attend la cité définitive des jours meilleurs (Dans la rue, la Parole). […] Voyez par là-dessus le Bossuet de Rigaud, front arrondi et dur comme un roc, bouche sévère, face ample et bien nourrie, tête rejetée en arrière ; magnifique dans l’écroulement des draperies pesantes et des satins aux belles cassures (il ne traînait pas toutes ces étoffes en chaire, mais je le vois ainsi quand même) : Bossuet, gardien et captif volontaire d’un des plus puissants systèmes de dogmes religieux et sociaux qui aient jamais maintenu dans l’ordre une société humaine, et participant, dans toute son attitude, de la majesté des fictions dont il conservait le dépôt. […] Il reste que ce soit la plus haute qualité intellectuelle, morale et sociale des personnages, et la plus grande dignité de l’action, c’est-à-dire, en somme, quelque chose de tout à fait étranger à l’exécution et d’extérieur, si je puis dire, à ce qui est proprement l’œuvre d’art ; quelque chose qui n’augmente ni ne diminue le mérite et la puissance de l’artiste et qui ne suppose chez lui que certains goûts et certaines préférences. […] Zola (et sûrement dans tous les derniers) quelque chose d’analogue à cette prodigieuse maison de la rue de Choiseul, quelque chose d’inanimé, forêt, mer, cabaret, magasin, qui sert de théâtre ou de centre au drame ; qui se met à vivre d’une vie surhumaine et terrible ; qui personnifie quelque force naturelle ou sociale supérieure aux individus et qui prend enfin des aspects de Bête monstrueuse, mangeuse d’âmes et mangeuse d’hommes. […] Et peut-être aussi que les bons tours que la nature inférieure joue aux conventions sociales flattent l’instinct de rébellion et le goût de libre vie qu’apporte tout homme venant en ce monde.

1364. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. de Fontanes »

La Terreur passée, Fontanes put reparaître, et son nom le désigna aussitôt à d’honorables choix dans l’œuvre de reconstruction sociale qui s’essayait. […] Il resta donc attaché au seul pouvoir qui fût possible alors, s’efforçant en toute occasion, et dans la mesure de ses paroles ou même de ses actes, de lui insinuer, à ce pouvoir trop ensanglanté d’une fois, mais non pas désespéré, la paix, l’adoucissement, de l’humaniser par les lettres, de le spiritualiser par l’infusion des doctrines sociales et religieuses : Graecia capta ferum victorem cepit… Quand on lit aujourd’hui cette suite de vers où se décharge et s’exhale son arrière-pensée, l’ode sur l’Assassinat du Duc d’Enghien, l’ode sur l’Enlèvement du Pape, on est frappé de tout ce qu’il dut par moments souffrir et contenir, pour que la surface officielle ne trahît rien au-delà de ce qui était permis. […] Ces noms, suivant lui (et il les présentait de la sorte à l’Empereur), étaient des garanties pour les familles, des indications manifestes de l’esprit social et religieux qu’il s’agissait de restaurer.

1365. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

Luchet lut avec le plus grand étonnement, dans le journal du directeur en question, un article où les théories multiples de la science dite humanitaire et les idées sociales du Fouriérismey étaient résumées avec une concision et une lucidité si extraordinaire, que ces quelques lignes donnaient l’accès immédiat de toutes les combinaisons obscures des adeptes des phalanges et des phalanstères. […] Luchet passe pour l’homme le plus fort de France sur cette nouvelle science sociale ; et quand on parle Fouriérisme, on ne manque pas de dire : Ah ! […] Les idées de réforme religieuse et sociale qui lui assiégeaient la tête avaient sans doute altéré son cerveau.

1366. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

Ils ont porté la vie sociale aussi légèrement que la vie religieuse. […] Moins de moyens et d’outils, moins d’instruments industriels, de rouages sociaux, de mots appris, d’idées acquises ; un héritage et un bagage plus petits et partant d’un maniement plus aisé ; une pousse droite et d’une seule venue, sans crises ni disparates morales ; partant un jeu plus libre des facultés, une conception plus saine de la vie, une âme et une intelligence moins tourmentées, moins surmenées, moins déformées ; ce trait capital de leur vie va se retrouver dans leur art. […] L’homme n’est plus ce qu’il était, et ce que peut-être il aurait bien fait de rester toujours, un animal de haute espèce, content d’agir et de penser sur la terre qui le nourrit et sous le soleil qui l’éclairé ; mais un prodigieux cerveau » une âme infinie pour qui ses membres ne sont que des appendices et pour qui ses sens ne sont que des serviteurs, insatiable dans ses curiosités et ses ambitions, toujours en quête et en conquête, avec des frémissements et des éclats qui déconcertent sa structure uni maie et ruinent son support corporel, promené en tous les sens jusqu’aux confins du monde réel et dans les profondeurs du monde imaginaire, tantôt enivré, tantôt accablé par l’immensité de ses acquisitions et de son œuvre, acharné après l’impossible ou rabattu dans le métier, lancé dans le rêve douloureux, intense et grandiose comme Beethoven, Heine et le Faust de Gœthe, ou resserré par la compression de sa case sociale et déjeté tout d’un côté par une spécialité et une monomanie comme les personnages de Balzac.

1367. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Werther. Correspondance de Goethe et de Kestner, traduite par M. L. Poley » pp. 289-315

Il y a celui de la vie régulière et de la famille, de la morale domestique et sociale, ce qui saute aux yeux tout d’abord pour peu qu’on se place en idée dans la situation.

1368. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

Pour remonter la vie à partir de ce point où le premier torrent de jeunesse ne pousse plus, il évoque, il embrasse dans son temps quelque vaste pensée religieuse, sociale, politique même, comme ces machines un peu artificielles à l’aide desquelles on remonte les grands fleuves.

1369. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

Et m’autorisant plus que jamais de mon expérience d’homme de la presse et avec qui la presse sait bien qu’elle peut tout se permettre sans aucun risque, je dirai : « Ô vous tous qui avez du mérite, un mérite social et de nature à être apprécié de vos concitoyens, ne faites pas la guerre à la publicité.

1370. (1892) Boileau « Chapitre V. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » (Fin) » pp. 121-155

Nous admettrons que, certaines formes littéraires étant liées à certains états d’âme et à certains moments de la civilisation, il y ait des genres qui naissent, comme il y en a qui périssent ; par exemple, le drame bourgeois est légitimé par la même transformation sociale qui semble avoir mis la tragédie hors d’usage.

1371. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre IV. Racine »

La Fronde était vaincue, et le règne de Louis XIV commençait : la forme supérieure de la vie sociale devenait la vie de cour, brillante et vide ; la noblesse, exclue du gouvernement de l’État, n’avait plus d’autre affaire que de se montrer au roi, et de faire la cour aux dames.

1372. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre IV. Chateaubriand »

Il y a même dans René un dilettante de la révolte et du crime qui se fait une volupté d’être seul contre toute la société : « Se sentir innocent et être condamné par la loi était dans la nature des idées de René une espèce de triomphe sur l’ordre social ».

1373. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

Il faut que les questions sociales et philosophiques soient bien difficiles pour que nous ne les ayons pas résolues dans notre effort désespère.

1374. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « I »

Les problèmes politiques et sociaux le passionnaient, mais en tant seulement qu’ils offraient quelque chose de saisissable, et surtout quelque rapport à l’avenir de l’art : « Nous n’aurons un art que le jour où l’on ne fera plus de politique » disait-il (IV, 377, VIII, 137. etc.) ; il était profondément religieux, mais toute théologie lui était antipathique au plus haut degré, il lui fallait voir de ses yeux le Christ crucifié et entendre de ses oreilles le soupir poussé sur Golgotha (Bayr.

1375. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

Donner les nouvelles sociales, la philosophie des aspects des salons et de la rue, — commencer par un premier article sur l’influence de la fille dans la société présente, — un second sur l’esprit contemporain et sur ce que le monde et même les jeunes filles ont emprunté à la blague et à l’esprit de l’atelier, — un troisième sur la bourse et la plus-value des charges d’agent de change, etc., etc.

1376. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

Il ne possède plus les gradations de la politesse, selon l’échelle sociale des gens avec lesquels il se rencontre, il ne possède plus les gradations de l’intelligence, selon la compréhension des êtres avec lesquels il se trouve en contact.

1377. (1809) Quelques réflexions sur la tragédie de Wallstein et sur le théâtre allemand

Dans la première, on voyait Prométhée, bienfaiteur des hommes, leur apportant le feu du ciel, et leur faisant connaître les éléments de la vie sociale.

1378. (1913) La Fontaine « VII. Ses fables. »

Ensuite vient l’histoire exacte des castors, des castors qui, non seulement ont l’instinct animal, l’instinct proprement dit animal, mais l’instinct social, qui ont une hiérarchie dans les cités qu’ils édifient.

1379. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Du docteur Pusey et de son influence en Angleterre »

Tous — même ceux qui n’ont ni le respect, ni la foi que le catholicisme inspire, c’est-à-dire ceux-là qui n’ont pas la science du catholicisme, — proclament que l’unité et l’universalité sont le but suprême de la vie sociale, et que hors d’elles il n’y a que gouvernements imparfaits, absence de justice et d’harmonie.

1380. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

Quinet, car nous voyons en lui une intelligence éminente, animée d’une ambition généreuse, pleine de savoir et d’ardeur, empressée à l’étude aussi bien qu’à l’invention, façonnée à la poésie, sinon par les passions et la pratique de la vie sociale, au moins par les livres et les voyages. […] Il semble que l’auteur soit arrivé au désabusement poétique, en passant par le désabusement social, qu’il soit dégoûté des artifices de la composition, des ruses et des coquetteries du récit, des machines dramatiques, aussi bien que des gouvernements. […] Chacun de ces ouvrages signale un perfectionnement très sensible dans l’instrument littéraire ; mais tous, pourtant, sont empreints d’un commun caractère ; ils procèdent plutôt de la pensée solitaire et recueillie, écoutant au-dedans d’elle-même les voix confuses de la rêverie et de l’imagination, que d’un besoin logique de systématiser, sous la forme épique ou dramatique, les développements d’une passion observée dans la vie sociale, ou d’une anecdote compliquée d’incidents variés. […] Hugo eût pris pour thème des questions politiques et sociales sans se résigner au souci de les étudier.

1381. (1894) Études littéraires : seizième siècle

. — C’était en même temps une nouvelle conception sociale, et l’idée du citoyen remplaçant celle du sujet, et l’idée de patrie remplaçant celle de fidélité dynastique, et l’idée de contrat libre remplaçant, confusément encore, l’idée d’attache traditionnelle, héritée et comme organique. — Tout cela était gros des conséquences les plus imprévues un siècle auparavant et les plus considérables.  […] En Allemagne, la Réforme étranglait net la Renaissance, en retardait l’avènement jusqu’au xviiie  siècle, ce qui explique en grande partie toute l’histoire politique, toute l’histoire sociale et toute l’histoire littéraire de ce pays longtemps arriéré, brusquement lâché, en un essor plus rapide que celui des autres peuples. […] Enfin, non pas sur Calvin, malheureusement, mais surtout le mouvement social, moral et religieux qui l’a précédé et dont il procède, l’admirable livre de J.Janssen, l’Allemagne et la Réforme, qui vient d’être traduit en français avec le plus grand soin par M.  […] Il leur reproche leur inutilité sociale, sans songer que le thélémiste rabelaisien est inutile aussi à la société, et « ni ne garde la maison comme le chien, ni ne tire l’aloi comme le bœuf, ni ne produit laine et lait comme la brebis, ni ne porte faix comme le cheval » ; il leur reproche leur grossièreté, leur ignorance, leur malpropreté, leur couardise et leurs mauvaises mœurs. […] Il lui donne de la bonté ; car s’il ne suffit pas du bon sens pour être bon, du moins le bon sens persuade qu’il n’y a rien de plus raisonnable et de plus judicieux que d’être bon. — Son bon sens lui donne surtout et toujours l’idée de justice ; car la justice n’est pas autre chose que la raison appliquée ; c’est la raison sociale.

1382. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

Ajoutons, à l’honneur des lettres actuelles, que généralement ceux qui les cultivent ne veulent pas renoncer aux obligations de la vie sociale et aux sévères douceurs de la vie de famille. […] et quand elles ne verront plus dans la religion que l’intérêt des prêtres, seront-elles bien loin de ne voir dans les maximes sociales les plus sacrées que l’intérêt des riches, dans la morale qu’un frein ridicule à leurs plaisirs ? […] Pour établir ce que l’on croit une vérité, vérité de pure théorie souvent ou du moins toujours contestable, faut-il s’exposer à ébranler d’autres vérités qui sont le fondement même de l’ordre public et de la vie sociale ? […] Le roman, sous le rapport des idées et sous le rapport du style, s’est affaissé : j’entends le roman qui voulait à tout prix rester populaire, et les maîtres se sont peu à peu écartés, comme s’ils eussent ignoré la langue parlée au fond de ces couches sociales qui viennent d’apprendre leurs lettres et qui déjà épèlent. […] Élève-toi à des efforts qui aient pour but le bonheur du monde ; ne laisse pas ton cœur se rouiller dans la solitude ; sors enfin de tes rêves ; deviens sociale ; fais-toi la fiancée de l’action, sans quoi tu te rideras comme une vieille fille !”

1383. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre premier. Aperçu descriptif. — Histoire de la question »

Interprète de l’écriture, antécédent ordinaire de la parole audible, expression naturelle et immédiate de la pensée silencieuse, la parole intérieure est toujours au premier rang parmi les facteurs de la vie sociale et de la vie individuelle. […] Toujours préoccupé de vérités immuables, de principes sociaux éternels, Bonald n’a pas le sens du devenir ; il comprend mal la vie du langage ; de même, en psychologie, s’il observe parfois avec précision, il généralise trop vite, il néglige les nuances dès qu’il a trouvé l’antithèse où il se complaît à enfermer sa pensée ; la sécheresse, en psychologie, est toujours inexactitude ; il était difficile de reconnaître la vie de l’âme, cet être « ondoyant et divers », dans les formules concises où Bonald prétendait la résumer ; enfin et surtout, il avait à l’avance compromis son autorité comme psychologue par les conséquences démesurées qu’il avait cru pouvoir tirer d’une observation d’ailleurs bien faite.

1384. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite et fin.) »

Veuillez en effet vous souvenir, récapitulez en idée la vie passée de Talleyrand, depuis son début sous Calonne, ou, si vous aimez mieux, depuis sa messe à la Fédération, ou encore depuis certain traité fructueux entamé avec le Portugal sous le Directoire, premier point de départ de sa nouvelle et soudaine opulence, et voyez où tout cela aboutit, à quels honneurs, à quels profonds témoignages de respect, et de la part des hommes les plus purs et les plus autorisés, les maîtres jurés en matière de moralité sociale.

1385. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. VILLEMAIN. » pp. 358-396

Un de ces inconvénients, c’est, en écrivant sur les auteurs ou en touchant certaines idées religieuses, sociales, d’être trop tenté de prendre les personnes ou les choses par leur surface embellie, par l’expression convenable et consacrée selon laquelle elles se produisent.

1386. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LOUISE LABÉ. » pp. 1-38

Mercure, d’autre part, est nommé avocat d’office de Folie, et il fera son devoir en conscience, « bien que ce soit chose bien dure à Mercure, dit-il, de moyenner déplaisir à Vénus. » Le discours d’Apollon est un discours d’avocat, un peu long, éloquent toutefois ; il peint Amour par tous ses bienfaits et le montre dans le sens le plus noble, le plus social, et comme lien d’harmonie dans l’univers et entre les hommes.

1387. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE KRÜDNER » pp. 382-410

MADAME DE KRÜDNER197 Dans les personnes contemporaines dont les productions nous ont amené à étudier la physionomie et le caractère, nous aimons quelquefois à chercher quels traits des âges précédents dominent, et à quel moment social il serait naturel de les rapporter comme à leur vrai jour.

1388. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

Ai-je trop présumé pourtant, en un moment de grandes querelles politiques et de formidables assauts, à ce qu’on assure71, de croire intéresser le monde avec ces débris de mélodie, de pensée et d’étude, uniquement propres à faire mieux connaître un poëte, un homme, lequel, après tout, vaillant et généreux entre les généreux, a su, au jour voulu, à l’heure du danger, sortir de ses doctes vallées, combattre sur la brèche sociale, et mourir ?

1389. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

La liberté qu’il aime n’est que la dignité de l’homme social : elle n’est ni son délire ni sa fureur.

1390. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIe entretien. La passion désintéressée du beau dans la littérature et dans l’art. Phidias, par Louis de Ronchaud (1re partie) » pp. 177-240

XIII Hugo, qu’il faut toujours nommer le premier dans ces nomenclatures des belles imaginations, nous dit qu’il est par la moitié de son sang Franc-Comtois ; Rouget de Lisle, qui eut le rare bonheur d’être un jour le chant héroïque de la patrie menacée, le tocsin des cœurs, le sursum corda des baïonnettes, était Franc-Comtois ; Charles Nodier, le plus aimable des hommes, le plus fantaisiste des poètes, le plus Romain et le plus Français à la fois des ennemis de la terreur démagogique et de la tyrannie soldatesque, était Franc-Comtois ; Fourier, Considérant, Proudhon, tous ces esprits spéculatifs qui écrivent leur poésie en chiffres et qui jettent leur imagination par-dessus l’ordre social, aimant mieux inventer l’impossible que de ne rien inventer du tout, sont Francs-Comtois.

1391. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Donc, cette croyance à la liberté illimitée de la presse était, en lui, ou une fiction à l’usage d’un imbécile, ou un crime contre l’ordre social.

1392. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 décembre 1886. »

Attendra-t-on que les théâtres de Paris se disputent les œuvres de Wagner pour s’apercevoir qu’elles sont entrées dans nos mœurs et qu’elles forment d’ores et déjà l’un des éléments de notre existence sociale ?

1393. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre II : La Psychologie »

Lewes, dans son récent ouvrage238, n’est pas simplement un organisme animal ; c’est aussi une unité dans un organisme social.

1394. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

On ne risque d’être artiste que lorsque, obéissant aux parties nobles et originales de soi-même, on s’est délivré des servitudes sociales.

1395. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre deuxième. Le développement de la volonté »

Enfin, cette qualité n’est pas purement sensitive et hédonique, mais encore intellectuelle, esthétique, morale et sociale.

1396. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1855 » pp. 77-117

On appellera ça, la révolution sociale.

1397. (1856) Cours familier de littérature. II « IXe entretien. Suite de l’aperçu préliminaire sur la prétendue décadence de la littérature française » pp. 161-216

Les œuvres de Rousseau rappellent le Genevois, le républicain, le prolétaire, le pasteur arcadien, le philosophe aigri contre la médiocrité inique du sort, se vengeant, par des utopies, de l’inégalité forcée des conditions sociales.

1398. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Villemain » pp. 1-41

c’est lui qui se croit menacé dans la personne de la littérature, parce qu’au rebours d’exorbitantes prétentions trop longtemps soutenues, la littérature n’est plus considérée maintenant comme la première des forces sociales !

1399. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

Je ne veux pas humilier mon pays ; il a l’instinct de ce qui est noble, grand et élevé ; — mais son organisation sociale l’amoindrit ! […] qui ne sortent jamais de chez eux sans être munis de leurs principes de morale religieuse et sociale, — comme un maçon de son mètre ou de sa toise, — et s’en servent avec un sérieux bouffon pour mesurer des badineries littéraires. […] About pourrait se dire : « Les grands mouvements de l’opinion ne se produisent jamais autour des petites œuvres : à Rome, la roche tarpéienne était aussi élevée que le Capitole ; en France, à certains jours de crise sociale, la populace, hors d’elle-même, déterrait les morts illustres pour les traîner sur la claie : le feuilleton en masse s’est rué sur feu-Guillery : donc si Guillery a péché, ç’a été un grand coupable ! 

1400. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

Les raisons politiques, tirées de l’état présent des esprits, ne manquaient pas à l’argumentation de Camille Jordan : il les développait pleinement et les mettait en lumière ; mais elles étaient vraies alors et avouées, ces raisons de prudence sociale et de sagesse, partout autre part qu’au sein des corps officiels, pour qui l’intérêt personnel et l’instinct de conservation offusquaient le droit, et qui, sans cesse sur la défensive et se sentant menacés, n’avaient de prochain salut et de ressource que dans une crise violente. […] Il discute les moyens, il indique les points essentiels et les articles du programme ; il réfute les objections des empressés et des intéressés, des enthousiastes et des ambitieux, de tous les courtisans de la veille, et enfin il présente sans chimère, en homme d’ordre et de liberté, toutes les conditions, selon lui possibles, mais à la fois indispensables, qui eussent été à remplir, de la part du chef illustre que la France s’était donné, pour consommer l’œuvre de la réparation sociale et pour arriver (le mot déjà est de lui) jusqu’au « couronnement de l’édifice115. » Ceux qui ont prétendu et qui prétendent plus que jamais aujourd’hui que l’Empire était implicitement et nécessairement renfermé dans le Consulat, que l’un n’a été que la déduction et, pour ainsi dire, l’épanouissement de l’autre, devraient lire cette brochure de Camille Jordan : ils reconnaîtraient peut-être qu’il y avait en réalité deux issues possibles, que l’esprit du temps et la nature des choses ne commandaient pas l’une plutôt que l’autre, et que ç’a été surtout dans le caractère et la toute-puissante personnalité du chef qu’a été la raison dominante et invincible de la solution qui a prévalu.

1401. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

Nous voyons chaque jour des hommes faire pour leur parti, pour leur secte, pour leur pays, pour leurs projets favoris de réforme politique et sociale, ce qu’ils ne voudraient pas faire pour s’enrichir ou se venger eux-mêmes. […] We daily see men do for their party, for their sect, for their country, for their favourite schemes of political and social reform, what they would not do to enrich or to avenge themselves.

1402. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre V. La philosophie. Stuart Mill. »

Son petit écrit On liberty est aussi bon que le Contrat social de votre Rousseau est mauvais. —  C’est beaucoup dire. —  Non, car Mill conclut aussi fortement à l’indépendance de l’individu que Rousseau au despotisme de l’État. —  Soit, mais il n’y a pas là de quoi faire un philosophe. […] La seconde est puissante en astronomie, dans les parties supérieures de la physique, en physiologie, en histoire, dans les dernières démarches de toute science, partout où les phénomènes sont fort compliqués, comme la vie animale et sociale, ou placés hors de nos prises, comme le mouvement des corps célestes et les révolutions de l’enveloppe terrestre.

1403. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1865 » pp. 239-332

Est-ce qu’il y aurait chez nous une naturelle prédestination de l’aîné et du cadet, comme elle fut sociale autrefois. […] Point d’esprit, point de trait, mais un tour cherché, une façon de vieil acteur qui prend ses temps, avec un fond d’impertinence de causeur gâté, un mépris affecté de tout ce qui est illusion, pudeur, convenance sociale.

1404. (1864) Le positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill

Son petit écrit On liberty ; est aussi bon que le Contrat social de votre Rousseau est mauvais. — C’est beaucoup dire. — Non, car Mill conclut aussi fortement à l’indépendance de l’individu que Rousseau au despotisme de l’État. — Soit, mais il n’y a pas là de quoi faire un philosophe. […] La seconde est puissante en astronomie, dans les parties supérieures de la physique, en physiologie, en histoire, dans les dernières démarches de toute science, partout où les phénomènes sont fort compliqués, comme la vie animale et sociale, ou placés hors de nos prises, comme le mouvement des corps célestes et les révolutions de l’enveloppe terrestre.

1405. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Vous voyez d’avance les tirades philosophiques, sociales et humanitaires que nous ne manquerions pas de lâcher en pareilles circonstances. […] Il exalte la bonté, la fraternité, la vie sociale. […] Cela était bon sous Rousseau ou sous M. de Bonald ; mais le Contrat social et la Législation primitive ne sont plus que des parures de bibliothèque.

1406. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

Il y a plusieurs formes pour la satire, c’est au poète seul qu’il appartient de choisir entre ces formes de valeur diverse ; selon l’instinct de sa pensée, selon ses habitudes sociales, selon la trempe de son caractère, il se décide pour l’une ou pour l’autre. […] À Dieu ne plaise que je conseille jamais à personne de versifier la discussion des questions sociales ! […] Malgré sa prédilection obstinée pour les thèses philosophiques, il ne paraît pas se douter de la différence qui sépare l’expérience de l’expérimentation, et confond, comme à plaisir, le langage des sciences physiques et celui des sciences sociales. […] Il a circonscrit le thème de son éloge dans les étroites limites de la biographie ; il nous a montré M. de Tracy débutant, comme Descartes, dans la carrière des armes avant d’aborder l’étude de la philosophie ; il nous a parlé du château de ses aïeux ; il nous a récité jusqu’à la devise inscrite au front de ce château ; mais après avoir épuisé la biographie extérieure, la vie sociale de M. de Tracy, il n’a pas entamé la biographie intellectuelle, la biographie du philosophe.

1407. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

Je respecte très bien, quand il faut ; quand je veux, quand je sais qu’il faut, quand je suis averti, quand je me méfie ; les compartiments sociaux, les catégories sociales. […] Je ne suis pas suspect d’oublier les classements sociaux, ni d’en oublier ni d’en méconnaître l’importance. […] Mettons que c’est une pièce essentielle, un gond, un genou, une articulation de ma philosophie sociale. […] Tout ce que nous avions de différence, d’écart entre nous donnait précisément, était précisément ce qui donnait une valeur, peut-être unique, à cette perpétuelle référence mutuelle, ce qui la rendait peut-être uniquement précieuse ; fructueuse, renseignante ; cette grande distance de classe et de situation sociale ; distance extérieure, mais intérieure, devenue intérieure depuis des générations, entrante intérieure, entrée intérieure, pénétrée intérieure, entrée dans le sang, teinture entrée dans le sang de la race ; et cette grande distance de caractère, de tempérament, d’âme (non de cœur), cette grande distance intérieure, devenue extérieure, sortante extérieure, qui sort par la peau, par (tous) les pores de la peau, qui se manifeste socialement même, qui fait de vous un optimiste si profondément triste, et de moi un optimiste, un pessimiste quelquefois courageux.

1408. (1892) Sur Goethe : études critiques de littérature allemande

Il n’était point possible de choisir des personnages je ne dirai pas d’une condition plus basse, — ce serait mal répondre à la pensée de Goethe que d’employer ici ce langage des vanités sociales, — mais, certes, il n’y en-a point où il paraisse moins de cet éclat extérieur et conventionnel qui, dans les œuvres d’art, séduit aussitôt les imaginations. […] Le mal existait, produit naturel de l’état social à cette époque. […] Mais on ne saurait nier la grande portée sociale qu’il emprunte des circonstances présentes, et l’on n’ébranlera point les conclusions morales auxquelles il nous mène. […] Cette simplicité de goûts et de vie, outre qu’elle mettait plus d’abandon et de fraîcheur dans les relations sociales, devait avoir nécessairement pour effet de rendre les imaginations et les cœurs plus sensibles à l’attrait de la poésie, seule magnificence et seul plaisir qui parussent permis, seule déesse brillante qui vînt jeter son éclat et sa diversité sur ces jours uniformes. […] Non qu’il ait voulu donner à son œuvre une haute portée politique et sociale ; en eût-il eu l’ambition, la puissance lui aurait peut-être manqué.

1409. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

On lit, au tome ixe de ses Œuvres complètes, un écrit intitulé : Réflexions sur les différents caractères des hommes, et qui, bien qu’on s’explique peu le motif qui le lui aurait fait composer, se rapporte assez bien à l’ordre d’idées, d’habitudes sociales et d’inclinations littéraires, où l’on sait que Fléchier a vécu et auquel il resta fidèle jusqu’à la fin.

1410. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « MÉLEAGRE. » pp. 407-444

Il est arrivé ainsi, au grand regret et déplaisir déjà de Fénelon en son temps, que la langue française poétique s’est vue graduellement appauvrir, dessécher et gêner à l’excès, qu’elle n’a jamais osé procéder que suivant la méthode la plus scrupuleuse et la plus uniforme de la grammaire 118, que tout ce qui est droit, licence et gaieté concédée aux autres poésies, a été interdit à la nôtre, et qu’on n’a fait presque nul usage, en cette voie, des conformités naturelles premières qu’on se trouvait avoir par un singulier bonheur avec la plus belle et la plus riche des langues, conformités que, deux siècles et demi après Henri Estienne, Joseph de Maistre retrouvait, proclamait hautement à son tour119, et qui tiennent en bien des points à la conformité même du caractère et du génie social des deux nations.

1411. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

Il répugne à la lente accumulation des connaissances positives ; il n’est pas classificateur ; il n’est pas obligé d’être naturaliste et historien, comme le voulait Goethe, « docteur ès sciences sociales », comme le voulait Balzac ; sitôt que vous entrez dans la description, dans l’analyse, vous sortez de son domaine.

1412. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre I. Le quatorzième siècle (1328-1420) »

Le xive et le xve siècle forment entre le moyen âge et la Renaissance une longue époque de transition, pendant laquelle tout l’édifice intellectuel et social du moyen âge tombe lentement, tristement en ruines, mais pendant laquelle aussi pointent de ci, de là, les germes épars encore et chétifs de ce renouvellement universel qui sera la Renaissance.

1413. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre II. Le quinzième siècle (1420-1515) »

Mais l’étrange chose, et faite pour plonger nos consciences d’honnêtes gens, respectueuses des catégories sociales, dans des abîmes de scrupule, l’étrange chose qu’on puisse se demander laquelle en somme valut le mieux de ces deux âmes, et si ce n’est pas dans les profondeurs troubles de celle du ribaud qu’on aurait chance de rencontrer le plus de noblesse morale !

1414. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

De là l’immense disproportion qui peut, à certaines époques, exister entre la religion et l’état moral, social et politique.

1415. (1772) Éloge de Racine pp. -

Cette espèce d’illustration est aussi d’un prix réel quand elle est avouée par les suffrages publics ; et la considération sociale qu’elle répand sur les écrivains et les artistes émane de la même source que les honneurs accordés aux services rendus à l’état dans les places et les professions les plus éminentes.

1416. (1857) Articles justificatifs pour Charles Baudelaire, auteur des « Fleurs du mal » pp. 1-33

Mais non : le journal va chercher ses lecteurs, le livre attend les siens Et parce qu’on a publié Modeste Mignon dans le Journal des Débats et le Lis dans la vallée dans la Revue de Paris, faut-il ne pas écrire Splendeurs et Misères des courtisanes, un des plus beaux livres d’analyse sociale qui aient été écrits en langue française ?

1417. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

. — Sans doute ; et en voici les raisons : la disposition des cirques antiques, l’intervention du chœur, les grandes robes et les masques des acteurs, les rôles de femmes joués par des hommes, enfin l’extrême simplicité de l’action et l’ordre tout païen des idées et des sentiments, eussent formé de trop choquantes disparates avec nos habitudes sociales et notre civilisation chrétienne, pour que la tragédie grecque pût être posée toute droite sur notre théâtre, comme une statue qui change de piédestal.

1418. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VI. L’effort intellectuel »

C’est, pour le romancier ou le dramaturge, une thèse à développer en événements, un sentiment, individuel ou social, à matérialiser en personnages vivants.

1419. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

Ce n’est plus un condottiere, mais un petit bourgeois, qui s’élève peu à peu dans l’échelle sociale à force de travail, d’économie et de sagesse pratique. […] « Sydney Smith, écrit-il, a joué un rôle très modeste dans l’évolution sociale de l’Angleterre. […] Une jeune fille se lamente, condamnée à quelque solitaire détresse — faute sans doute d’une dot — à moins que, des régions fabuleuses où sont ignorées les convenances sociales, quelque amant chevaleresque ne daigne la recueillir. […] Taine, en joignant à l’étude du caractère et de la vie des auteurs, pour mieux éclairer leur œuvre, l’étude du milieu historique et social où ils avaient vécu. […] Ordonner à une femme (qui n’a pas de raison pour être autre chose) d’être Jeanne d’Arc, à merveille : cela peut même avoir de bons résultats sociaux.

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