malgré toutes les justes remarques qui peuvent s’opposer à cette fausse vue philosophique qu’on a voulu donner de Fénelon, il y avait un instinct qui ne trompait pas entièrement ceux qui le traitaient avec cette faveur toute particulière ; car si ce n’est pas la doctrine de Fénelon qu’on peut dire tolérante, c’est sa personne et son caractère qui l’était, et il savait mettre en chaque chose un ton, un tour de grâce, une onction qui faisait tout passer, même les prescriptions rigoureuses. […] Ce sentiment d’équité en vue surtout des petits, ce bien du peuple le préoccupe encore visiblement en d’autres endroits ; mais ceci ne nous apprendrait rien de nouveau, et je passe aux autres lettres du Recueil. […] Directement il l’avait vu très peu, et il nous en avertit : « Je ne le connaissais que de visage, trop jeune quand il fut exilé. » C’était assez toutefois à un tel peintre qu’une simple vue pour saisir et rendre merveilleusement le charme : Ce prélat, dit-il, était un grand homme maigre, bien fait, pâle, avec un grand nez, des yeux dont le feu et l’esprit sortaient comme un torrent, et une physionomie telle que je n’en ai point vu qui y ressemblât, et qui ne se pouvait oublier quand on ne l’aurait vue qu’une fois.
Jeune homme sous la Restauration, il l’a traversée, il l’a vue tout entière comme on est le mieux placé peut-être pour voir les choses en observateur artiste, c’est-à-dire d’en bas, dans la foule, dans la souffrance et les luttes, avec ces convoitises immenses du talent et de la nature qui font que les objets défendus ont été mille fois devinés, imaginés, pénétrés, avant d’être possédés enfin et connus ; il a senti la Restauration en amant. […] je l’ai connue, je l’ai vue. […] Bette toute la première, qui donne son nom au roman, est une de ces exagérations : il ne semble pas que cette pauvre personne qu’on a vue d’abord une simple paysanne des Vosges, mal vêtue, mal mise, rude, un peu envieuse, mais non pas méchante ni scélérate, soit la même qui se transforme à un certain moment en personne du monde presque belle, et de plus si perverse et si infernale, un vrai Iago ou un Richard III femelle ! […] En un tout autre genre, mais avec une vue de la nature humaine qui n’est pas plus en beau ni plus flattée, M.
Pourtant Frédéric se forma vite ; il se forme à vue d’œil dans cette correspondance, et il vient un moment où il possède et manie sa prose française de manière à tenir tête vraiment à Voltaire. […] Les grands objets de comparaison étaient restés hors de sa portée et de sa vue : il parlait en cette matière tout à fait en homme qui n’avait vu ni conçu à aucun jour la beauté suprême et véritable. […] Ce n’était pas seulement un goût naturel qui portait Frédéric vers d’Alembert : « Nous autres princes, nous avons tous l’âme intéressée, disait Frédéric, et nous ne faisons jamais de connaissances que nous n’ayons quelques vues particulières, et qui regardent directement notre profit. » Frédéric avait songé de bonne heure à attirer d’Alembert à Berlin pour le faire président de son Académie. […] Frédéric avait ce caractère propre aux grands hommes, qu’avec lui la première vue surpassait encore l’attente.
Il était temps que je finisse le mien ; ma vue se trouble le soir, je vois les objets doubles, surtout ceux qui sont élevés ou à l’horizon ; mais ma confiance est en Celui qui a fait la lumière et l’œil. » Il est dans le coup de feu de ses tableaux ; l’enthousiasme le prend lui-même en se relisant, et il jouit le premier des beautés qu’il va introduire : « Il y a eu des moments, s’écrie-t-il, où j’ai entrevu les cieux, éprouvant, à la vérité, dans ce monde, des maux inénarrables. » Il sent qu’il a le charme ; le vieux censeur théologien qu’on lui a donné est séduit lui-même, et n’a pu s’empêcher de dire que c’était divin, délicieux : « Je sais combien il faut rabattre de ces éloges, mais ils me font plaisir. […] Vers la dixième Étude, il commence plus directement l’exposition de ses vues et des harmonies telles qu’il les conçoit, le jeu des contrastes, des consonances, des reflets et des réverbérations en toutes choses : il y a des détails très fins, mais c’est déjà bien subtil, et dans sa vieillesse, abondant de plus en plus dans son sens, il exagérera encore tous ses défauts, que nous étale démesurément son ouvrage final des Harmonies. […] Sa plume et son imagination s’accommodaient de ces vues, et la réalité ne le dérangeait pas. […] Il ne se refuse à aucun rêve, pourvu que le rêve rentre tant soit peu dans ses vues, et il s’y livre désormais avec méthode à la fois et une sorte de délire : on est en plein dans le mysticisme de la nature.
Partagé jusqu’à la fin entre des fonctions graves et le goût des lettres, dispersé avec originalité dans des études diverses, il n’a jamais donné à aucun de ses ouvrages ce feu continu, cette fusion égale, ce poli qui fait l’éclat ; avec des idées de tout genre, des vues vastes, des saillies pénétrantes, et une masse de connaissances précises, il n’a jamais eu la mise en œuvre et la mise en valeur, ce soin de la forme et de l’achèvement par où le talent s’accommode avec bonheur au goût de la société présente, et la ravit ou la domine en s’en rapprochant. […] De Brosses qui, à plus d’un égard, était bien du xviiie siècle, dut à ce retour vers une époque antérieure et vers des sources plus hautes, de n’être point engagé dans les partis et dans les ligues philosophiques de son temps ; il en eut plus de largeur de vues et d’indépendance. […] En allant visiter les îles Borromées, il nous parle du saint si vénéré, de Charles Borromée, ce grand personnage, bienfaiteur du pays, et qui a partout laissé sa trace : « Il est singulier qu’un homme qui a si peu vécu ait pu faire tant de choses de différents genres, toutes exécutées dans le grand, et marquant de hautes vues pour le bien public. » Il traite assez lestement ce petit faquin de lac Majeur qui s’avise de singer l’Océan et d’avoir des tempêtes : Les bords du lac, dit-il, sont garnis de montagnes fort couvertes de bois, de treilles disposées en amphithéâtre, avec quelques villages et maisons de campagne, qui forment un aspect assez amusant. […] De telles conceptions pourtant sur les origines et la fabrique intérieure des choses et sur les méthodes humaines naturelles, témoignent d’un esprit qui, de bonne heure, selon l’expression de Buffon, s’était trouvé porté au plus haut point de la métaphysique des sciences, et en avait occupé les sommets : de là sa vue s’étendait sur l’ensemble, et les détails se rangeaient à ses yeux sous de certaines lois.
Je jouirai toute ma vie de la vue d’un excellent morceau. […] Convenez du moins que sur cette multitude de têtes dont les allées de nos jardins fourmillent un beau jour, vous n’en trouverez pas une dont un des profils ressemble à l’autre profil, pas une dont un des côtés de la bouche ne diffère sensiblement de l’autre côté, pas une qui vue dans un miroir concave ait un seul point pareil à un autre point. […] Et puis, mon ami, croyez-vous qu’il n’y ait aucune différence entre être de l’école primitive et du secret, partager l’esprit national, être animé de la chaleur, et pénétré des vues, des procédés, des moyens de ceux qui ont fait la chose, et voir simplement la chose faite ? […] Mais ce que vous perdrez du côté des écarts, des vues, des principes, des réflexions, je tâcherai de vous le rendre par l’exactitude des descriptions et l’équité des jugements.
. — Effet produit par leur vue. — Moyen d’en éviter ou d’en réparer les effets. — Ouokolo, tyityirga, konkoma, gotteré. — Mœurs des guinné. — Leur caractère. — Moyen de se soustraire à leur malfaisance. — Intervention éventuelle. — Leurs unions avec la race humaine. — Leurs métis. — Enlèvements et substitutions d’enfants. — Les bàtitado. — Durée de la vie des guinné. — Goules et vampires. — Sorciers et anti-sorciers. — Jettatori — Végétaux, minéraux, objets, abstractions jouant un rôle dans les contes. — Talismans, remèdes merveilleux, armes magiques. […] Il y a lieu de les distinguer de ceux qui ne prennent cette forme qu’accidentellement et en vue d’un but à réaliser. […] Effet produit par la vue des guinné Comme pour les Napeae antiques, qui les voit devient fou et meurt le plus souvent. […] De bons grigris sont efficaces, soit pour l’écarter, soit pour guérir les effets fâcheux produits par sa vue.
Partout ailleurs nous ne faisons que deviner la force : ici nous apercevons la force ; partout ailleurs, quand deux faits s’accompagnent, nous n’observons que les deux faits et leur concours ; ici, par une exception merveilleuse, nous découvrons encore « ce je ne sais quoi qui s’applique aux corps, pour les mouvoir, les pousser, « les attirer20 », élément ou ingrédient particulier, vraiment « inexplicable ou ineffable, lorsqu’on veut chercher des exemples et des moyens d’explications hors du fait même de la conscience. » Il n’y a point d’autre vue semblable ; et quand vous concevez d’autres forces, c’est d’après la vôtre et sur ce modèle que vous en formez la notion. […] Ce n’est point par une vue directe et subite, c’est par une induction lente que nous découvrons la liaison de nos résolutions morales et de nos mouvements physiques. […] Mais ce jugement n’est point une vue spontanée, il n’est qu’une croyance acquise. La preuve en est qu’il est faux quelquefois ; car une croyance peut l’être, et une vue ne peut pas l’être.
Cependant sa moralité militaire avait à souffrir à la vue des désordres, suite de la victoire ; il y eut en effet de grands excès commis après tant de privations, à l’arrivée dans ces riches plaines, à l’entrée dans la terre promise : La richesse du pays rend à notre armée son amour du pillage, et je fais peste et rage auprès du général en chef pour faire fusiller quelques coupables ; car je prévois de grands malheurs si elle continue. […] Le commandant répondit qu’il dépendait du gouverneur de la citadelle qu’il allait prévenir… Nous lui fîmes dire que nous ne venions pas avec des vues hostiles, et sans attendre davantage nous entrâmes avec quarante dragons. […] La gloire militaire de Joubert, et qui le mit réellement en vue, il va l’acquérir à Rivoli et dans le Tyrol, c’est-à-dire dans les dernières opérations qui couronnèrent une campagne que rien depuis n’a surpassée.
Thiers, de l’intelligence, qui consiste à entrer dans l’esprit des situations et dans les vues des hommes d’État, nécessairement différentes selon les époques. […] Les écoles avancées et progressives sont allées chercher dans ses écrits des pensées à l’appui de leurs espérances ; les économistes ont pris plaisir à y relever les vues utiles et les projets d’améliorations positives. […] Rousseau, s’autorisant de l’exemple donné par ce singulier ecclésiastique, nous dit : « Un célèbre auteur de ce siècle, dont les livres sont pleins de grands projets et de petites vues, avait fait vœu, comme tous les prêtres de sa communion, de n’avoir point de femme en propre ; mais se trouvant plus scrupuleux que les autres sur l’adultère, on dit qu’il prit le parti d’avoir de jolies servantes, avec lesquelles il réparait de son mieux l’outrage qu’il avait fait à son espèce par ce téméraire engagement.
Mais, à part ces critiques de détail, il n’y a que des éloges à donner à la vue d’ensemble jetée sur la littérature d’alors, et à ces couleurs de flétrissure énergique, encore mieux applicables à la nôtre aujourd’hui. […] L’auteur ne s’est pas proposé le contraste dans une intention littéraire et pour but d’agrément, mais toujours d’après sa même vue morale. […] Mais ce qui me paraît certain, c’est que l’auteur y a outre-passé les conditions de vraisemblance et d’intérêt, parce qu’à ce moment il a perdu de vue ses personnages en eux-mêmes pour s’adresser à la galerie.
Certes, il ne faut pas regretter de voir les peuples passer de l’aspiration spontanée et aveugle à la vue claire et réfléchie ; mais c’est à la condition qu’on ne donne pas pour objet à cette réflexion ce qui n’est pas digne de l’occuper. […] Je donnerais tout au monde pour l’avoir vue à ce moment-là. […] À cette vue, une profonde tristesse saisit l’âme : C’en est donc fait !
D’ailleurs, indépendance absolue dans les recherches et les vues d’ensemble. […] Les deux chapitres283 qu’il a consacrés à étudier ce fait psychologique chez l’homme et chez les autres animaux, à en montrer les conséquences sociales, à rechercher comment la puissance intellectuelle et les aptitudes morales ont dû jouer un grand rôle dans le struggle for life de l’homme contre la nature, contre les autres espèces animales, contre les formes inférieures de sa propre espèce, renferment un grand nombre de faits intéressants, de vues curieuses et neuves ; bref, sont très propres à initier à la nouvelle méthode philosophique les esprits imbus des idées courantes. — Son Expression des Emotions traite un point de la corrélation du physique et du moral. […] Ces sensations, d’un caractère très général et les premières dans l’ordre chronologique, forment comme un genre à part ; 2° sensations organiques qui nous révèlent le bon ou le mauvais état de nos organes internes ; 3° goût ; 4° odorat ; 5° toucher ; 6° ouïe ; 7° vue.
Sarcey corrobore ses vues personnelles sur le théâtre, des opinions de la bourgeoisie parisienne et d’axiomes d’origine indécise. […] Envisageant l’histoire comme un problème de psychologie et émettant cette vue profonde que de tous les documents historiques, le plus significatif est le livre, et de tous les livres le plus significatif encore, celui qui a la plus haute valeur littéraire, M. […] Paul Bourget a publié des Essais de Psychologie d’une valeur littéraire que l’on s’est empressé justement de reconnaître ; mais il ne paraît pas que ces essais contiennent des vues scientifiques originales, ni que l’auteur tienne à défendre les thèses qu’il énonce.
N’oublions pas qu’il était de robe, et que M. de Bonald était d’épée ; ce qui peut expliquer en partie la différence de leurs vues. […] Cependant elle n’était pas subjuguée tout entière par ces passions aveugles et exaltées, et les esprits élevés qui la dirigeaient avaient d’autres vues ; mais ils n’osaient pas toujours les dire. […] Il serait impossible de surprendre une vue politique de quelque nouveauté et de quelque importance dans les Paroles d’un croyant, dans le Livre du peuple, dans l’Esclavage moderne, dans le Passé et l’avenir du peuple.
La vue de la beauté le touche, le pénètre, l’élève au-dessus de lui-même, et il s’abandonne à ce transport avec d’autant plus de charme qu’il ne craint pas de s’égarer. […] Reybaud est visible ; tous les critiques n’entrent pas dans des détails aussi domestiques ; mais que de fois des théories sur l’art, des vues historiques, toutes les recherches de l’esprit et de l’expression tiennent-elles la place de l’analyse que j’attends ! […] Il est peut-être impertinent d’affirmer qu’une chose ne se verra point, parce qu’elle ne s’est pas vue encore ; mais je ne puis m’empêcher de remarquer que l’art a jusqu’à présent précédé la critique, et je ne sais par quel privilège notre siècle verrait cet ordre interverti.
Mais il y a dans ce discours une autre idée toute pratique, et qui mérite qu’on la mette en vue et en saillie ; c’est ce que j’appellerai l’idée de centralisation historique provinciale : réunir dans un seul et même local tout ce qui se rapporte à l’histoire de la province sous forme graphique, c’est-à-dire tout ce qui est écrit ou tout ce qui peut se dessiner ; et pour être plus précis, j’emprunterai les termes de M. de Persigny lui-même : « fonder une sorte de cabinet historiographique où soient réunies toutes les sources d’informations ; par exemple, une bibliothèque de tous les livres ou manuscrits qui peuvent concerner le pays ; une seconde bibliothèque de tous les ouvrages faits par des compatriotes ; un recueil des sceaux et médailles de la province, ou fac-similé de ces objets ; une collection de cartes géographiques et topographiques du pays, de plans, dessins, vues, portraits des grands hommes ; des albums photographiques pour la reproduction des monuments archéologiques ; un cabinet de titres, chartes, actes authentiques, originaux ou copiés, et surtout un catalogue suffisamment détaillé de tous les documents qui peuvent intéresser la province, dans les collections publiques ou particulières, dans les archives, bibliothèques, musées et cabinets de Paris, des départements et de l’étranger. » Voilà l’idée dans son originalité, et elle peut trouver son application ailleurs.
Et puis, s’il n’est pas arrivé à une vue des choses beaucoup plus consolante que l’auteur de Rolla , au moins est-ce par des voies très différentes ; sa mélancolie est d’une autre nature, moins vague et moins lâche, plus consciente de ces choses, plus digne d’un homme… M. Sully Prudhomme me semble avoir apporté à l’expression de l’amour le même renouvellement qu’à celle des autres sentiments poétiques… Son imagination est d’ailleurs des plus belles, et sous ses formes brèves, des plus puissantes qu’on ait vues.
Désireux de donner tous les renseignements utiles, de mettre dans tout leur jour les monuments immortels que je reproduisais, je ne pouvais pourtant dépasser le but ; il ne m’était pas permis de les perdre de vue, de m’éloigner trop ; je devais me borner à en explorer, pour ainsi dire, attentivement les alentours. Mais, après avoir terminé ce premier travail, je voulus franchir les limites où il m’avait contraint de me renfermer ; je m’engageai alors librement dans les curieuses perspectives que j’avais vues s’ouvrira mes yeux, et j’essayai d’y pénétrer le plus avant qu’il me fut possible.
Tels sont les deux ou trois points que j’ai tâché de ne pas perdre de vue dans l’espèce de Discours qui forme à peu près une moitié de ce Manuel : voici maintenant ceux auxquels je me suis attaché dans les Notes perpétuelles qui en sont l’autre moitié ; et qui doivent servir à la première d’illustrations ou de preuves. […] Mais le moyen de vérifier des milliers de dates et de contrôler des centaines de faits, que la mémoire ne s’y fatigue et que la vue même ne s’y brouille ?
Comment, après les secousses de tant d’orages, rappeler le public aux objets de sa tranquille attention, et le rendre à ses premières vues ? […] Énée la trouve rappelant la présence de son époux à sa tendresse, et retraçant la vue de sa patrie à ses regrets trompés par une imitation touchante qui lui en offre la ressemblance. […] Ces dénombrements ne perpétuent pas même le souvenir des individus, et tiennent la place que réclame l’action et que doit occuper la vue intéressante des héros et des mœurs. […] Par le magique effet de cette exactitude dans le détail, le lecteur, présent partout, s’intéresse à tous les mouvements, assiste à toute l’action, et ne peut rien confondre ni rien perdre de vue. […] Je laisse aux historiens philosophes le développement de cette vue.
Mais, pour peu qu’on approfondisse le roman dramatique, on le voit se transformer en roman psychologique et sociologique, car on s’intéresse d’autant mieux à une action qu’on l’a vue naître, avant même qu’elle n’éclate, dans le caractère du personnage et dans la société où il vit. […] Dans la chambre d’Albert, la vue de deux pistolets lance Werther dans une discussion philosophique sur le suicide, discussion tout impersonnelle, bien éloignée encore de la résolution qu’il prendra un jour. […] Ajoutez à cela une certaine vue pessimiste de la nature humaine et de ses égoïsmes, comme on en trouve facilement chez toute âme de diplomate, et vous comprendrez la parenté étroite qui relie les visions déjà sanglantes de l’auteur de Rouge et Noir aux drames sombres de Zola. […] On a souvent blâmé Gœthe d’avoir fait se tuer son héros, au lieu de le laisser arriver à une vue plus nette, à un sentiment plus calme et à une existence tranquille après ses chagrins. […] La vieille Yvonne est merveilleusement peinte d’un bout à l’autre, seulement au lieu d’être vue progressivement, elle, la pauvre vieille, c’est au déclin de sa personnalité.
« La nature bien vue, disait Largillière, nous peut seule donner ces lumières originales qui distinguent un homme du commun… Les principes ne sont faits que pour vous mettre vis-à-vis de la nature12. » Soit, mais qu’appelez-vous nature bien vue ? […] Qu’en conclure, sinon que cette expression nature bien vue ne signifie rien autre que nature bien interprétée ? […] D’abord les deux troupes s’avancèrent parallèles sans se perdre de vue. […] Le parnassien positiviste ne regarde pas au-delà des apparences, ne suppose rien derrière les objets étalés à sa vue. […] comme on se demande ce que signifie l’expression de nature bien vue.
Dimanche, 10 avril (96). — Je l’ai vue pour la première fois. […] Outre cette vue supérieure par laquelle il saisissait le fond et le lien des sciences, M. […] Ampère reproduisit cette vue en 1832, à son cours du collège de France, M. […] Ampère, en répondant, gardait de même, et auquel il ajoutait de plus une expression de respect, comme s’il eût été quelqu’un de moindre : noble contradiction de vues, ou plutôt noble échange, auquel nous avons assisté, entre deux grandes lumières trop tôt disparues ! […] Ampère ses vues sur l’organisation des insectes, la découverte de M.
Je connaissais par ses récits tous les détails de l’intérieur de Clichy, cette Paphos de cette divinité, ce sanctuaire où toute l’Europe élégante en 1800 allait s’enivrer de la vue de Juliette ; son visage, ses expressions, ses formes, son costume, ses poses, ses langueurs, ses évanouissements pittoresques à une certaine heure de la soirée, où elle défaillait entre les bras de ses femmes, où on l’emportait toute vêtue sur son lit antique, où elle revenait à elle au parfum des eaux de senteur ruisselant sur ses blonds cheveux dénoués, et où les convives de la soirée défilaient ravis devant tant de charmes, attendris par tant de défaillances, mignardises de l’adolescence, de l’amour et de la mort. […] Son costume faisait aux yeux partie de sa personne ; il ne la parait pas, il la vêtissait ; on voyait qu’elle n’y avait pas songé, ou, si elle y avait songé, elle n’avait eu en vue que de la faire entièrement oublier ou de la confondre avec elle-même dans un tel accord de forme et de couleurs que sa robe et elle ne fissent qu’un dans le regard. […] — Je l’ai vue alors à son voyage en Angleterre, me dit la duchesse ; mais il n’y a ni pinceau, ni plume, ni parole qui puissent ressusciter cette apparition. […] Le lendemain, baignée de larmes, je venais de franchir la porte que je me souvenais à peine d’avoir vue s’ouvrir pour me laisser entrer ; je me trouvai dans une voiture avec ma tante, et nous partîmes pour Paris. — Je quitte à regret une époque si calme et si pure pour entrer dans celle des agitations ; elle me revient quelquefois comme dans un vague et doux rêve, avec ses nuages d’encens, ses cérémonies infinies, ses processions dans les jardins, ses chants et ses fleurs. […] Madame Récamier, à cette époque, laissait une trace de feu ou du moins de lumière partout où elle apparaissait ; on entreprenait de longs voyages uniquement pour l’avoir vue ; semblables à ces naturalistes qui entreprennent de longues traversées pour assister une fois par siècle à la floraison de l’aloès, on accourait de Londres, de Naples, de Berlin, de Vienne, de Pétersbourg, pour adorer de près dans une soirée la merveille des yeux.
Si cette vue est exacte, Dickens devra être un de ces hommes et toutes les particularités de son art pourront être appliquées par ce que l’on sait et ce que l’on suppose sur l’effet de l’ascendant des émotions dans un organisme spirituel. […] Une œuvre d’art ne saurait proclamer de morale, dans le sens usuel de ce mot, parce que le fait seul de proclamer une morale, d’en révéler une que l’on ne connaisse pas de date immémoriale, équivaut à exprimer sur la vie des vues erronées, partielles, nuisibles. […] De même qu’un auteur de cette espèce ne peut avoir du monde qu’une connaissance incomplète et partiale, il ne verra des hommes que certains gros côtés extérieurs et les verra déformés, enlaidis ou embellis, selon qu’à première vue ils lui plaisent ou déplaisent, dans l’immédiat retour que l’homme sentimental exécute après chaque regard jeté au dehors. […] Il est permis de croire en effet que la vision humoristique, émue, violemment partiale, va s’affaiblissant avec l’âge ; l’être affectif en vient peu à peu à se lasser et à se refroidir : il découvre lentement le monde tel qu’il est, hors de lui ; mais il le découvre graduellement, par côtés divers, partiellement, et l’éparpillement même de ses sensations le fait verser facilement dans l’étonnement, dans la terreur, dans une vue des choses pareille à celle de l’enfant et du poète. […] La pénétration psychologique lui est interdite, et cette vue reçoit une éclatante confirmation de l’impuissance de Dickens à faire vivre ses personnages autobiographies, David Copperfield et le petit Pip, ainsi que de la faiblesse générale de ses peintures de caractère.
une vue de la vigne-madame, à Rome . du même. […] Quoi, Monsieur Robert, de bonne foi, vous les avez vues comme cela ? […] Dans l’animal mort, objet hideux à la vue, les formes y sont, la vie n’y est plus. […] Voilà une description fort simple, une composition qui ne l’est pas moins et dont il est toutefois très-difficile de se faire une juste idée, sans l’avoir vue. […] Par quelle magie fait-on passer ma vue successivement par une épaisseur de ténèbres, une pellicule de lumière, où je vois voltiger des atômes, et une seconde épaisseur de ténèbres ?
. — Au milieu, une femme vue de dos, à moitié nue, bien blanche, avec des cheveux bruns crespelés, jase aussi en souriant avec son partenaire ; elle a l’air plus sensuel, et tient encore un miroir où elle vient de se regarder ; — enfin, dans le coin à droite, un homme vigoureux et élégant — une tête ravissante, le front un peu bas, les lèvres un peu fortes — pose en souriant son verre sur le gazon, pendant que sa compagne verse quelque élixir merveilleux dans le verre d’un long et mince jeune homme debout devant elle. […] Toutes ses femmes coquettes et doucement sensuelles étaient les idéalisations de celles que l’on avait vues et désirées le soir dans les concerts, aux Bouffes, à l’Opéra ou dans les grands salons. […] Mme Calamatta a peint une Femme nue à sa toilette, vue de face, la tête de profil — fond de décoration romaine. […] Borget Toujours des vues indiennes ou chinoises. — Sans doute c’est très-bien fait ; mais ce sont trop des articles de voyages ou de mœurs ; — il y a des gens qui regrettent ce qu’ils n’ont jamais vu, le boulevard du Temple ou les galeries de Bois ! […] Ce jeune artiste a déjà eu de beaux salons — sa statue est évidemment destinée à un succès ; outre que son sujet est heureux, car les pucelles ont en général un public, comme tout ce qui touche aux affections publiques, cette Jeanne d’Arc que nous avions déjà vue en plâtre gagne beaucoup à des proportions plus grandes.
« Admirez particulièrement la profondeur de cette dernière vue ! […] Mais notre vie est trop courte, notre vue trop bornée pour que nous puissions être autre chose qu’amis dans le sens de cette sublime possibilité. […] Nietzsche se laisse égarer ici par ses aspirations personnelles : il cesse d’être objectif, il ne tient plus compte de ce que l’auteur avait en vue. […] Ce qui n’empêche pas Nietzsche de rencontrer, à tout propos, des vues justes. […] Quand nous les employons, ce n’est jamais que temporairement, par fragments, en vue d’un effet cherché et voulu.
Nous l’avons vue enfin, dans l’art décoratif, pleinement émancipée, se jouant dans la libre fantaisie. […] Ce sera, par exemple, une vieille paysanne vue de profil, dont il s’agit de prendre rapidement un croquis. […] Il vous répondra qu’il les a faites telles qu’il les a vues : oui, telles qu’il les a vues par cette matinée glaciale, et sous l’impression de froid qu’elles lui donnaient. […] Dès qu’il perd de vue la nature, il devient banal, monotone et insipide. […] Pas un instant on ne doit perdre de vue le modèle.
Gardons-nous toutefois de méconnaître ce qu’il y avait de grand, d’utile, d’applicable à une société républicaine et libre dans ce premier programme, tracé tout en vue du travail et de l’émulation des membres, du concert et du progrès des connaissances humaines. […] Le premier Consul n’eut garde de se prêter à ce coup de tête d’ancien régime, et ce ne fut que trois ans plus tard qu’après mûre délibération il procéda à la réorganisation de l’Institut tout entier sur un plan conforme à ses vues de gouvernement. […] La salle de l’Académie était un peu petite pour ces orages imprévus qui d’un rien grossissaient à vue d’œil, et les sujets en eux-mêmes prêtaient rarement à ces débordements d’éloquence. […] Un article de sa réorganisation en 1803, et qu’elle ne devrait jamais perdre de vue, assigne une fonction particulière à la Compagnie des Quarante : « Elle est particulièrement chargée, nous dit cet arrêté fondamental plus précis qu’élégant, de la confection du Dictionnaire de la langue française ; elle fera, sous le rapport de la langue, l’examen des ouvrages importants de littérature, d’histoire et de sciences. […] Il faut, à chaque instant, justifier de son droit et de son privilège en étendant sa vue, en découvrant ce qui se fait ou se tente de remarquable alentour, en ne s’enchaînant pas à des doctrines métaphysiques ou littéraires inflexibles, en s’associant, sans se faire trop prier, toute intelligence supérieure et ornée, toute imagination puissante et féconde, de quelque bord qu’elle vienne ; en n’étant point des derniers à reconnaître l’avènement des talents chers au public et applaudis, en témoignant à l’occasion de l’estime à ceux mêmes qui ne sont pas de l’ordre académique, et qui comptent pourtant dans la grande confrérie des Lettres ; en n’affectant pas absolument de les ignorer.
Vues d’ensemble sur l’histoire des images et des idées. — Elles sont en conflit incessant de prépondérance. — Effet des lois internes et des incidents externes pour déterminer les prépondérantes. — Effacement temporaire, prolongé ou définitif de tout un groupe d’images. — Paralysies partielles ou totales de la mémoire, provoquées par la fatigue, par l’hémorragie, par un choc, par l’apoplexie. — Exemples. — Oubli des noms. — Oubli des noms prononcés, mais non du sens des noms écrits. — Restauration de facultés perdues. — Apparition de facultés nouvelles. — Exemples. — Les aptitudes et facultés sont liées à l’état organique. — Possibilité de deux états organiques tranchés et périodiquement successifs dans le même individu. — Cas d’une dame américaine. — Deux vies et deux états moraux peuvent se rencontrer dans la même personne. — Exemples. — En quoi consiste la personne morale. — Deux personnes morales pourraient se succéder dans le même individu. — Ce qui fait la continuité d’une personne morale distincte, c’est la renaissance continue d’un même groupe d’images distinctes. […] Un grand nombre d’entre elles s’effacent et ne reparaissent plus jusqu’à la fin de notre vie ; par exemple, avant-hier, j’ai fait une course dans Paris, et des soixante ou quatre-vingts figures nouvelles que j’ai bien vues, je ne puis en rappeler aucune ; il faudrait une circonstance extraordinaire, un accès de délire ou une excitation du haschich pour que, maintenant, elles aient chance de ressusciter en moi. […] Quand des Tuileries je veux aller au Panthéon, ou de mon cabinet à la salle à manger, je prévois à chaque tournant les formes colorées qui vont se présenter à ma vue ; au contraire, s’il s’agit d’une maison où j’ai passé deux heures, et d’une ville où j’ai passé trois jours, au bout de dix ans les images seront vagues, pleines de lacunes, parfois nulles, et je tâtonnerai ou je me perdrai. — Cette nouvelle propriété des images dérive aussi de la première. […] V On arrive ainsi à concevoir par une vue d’ensemble l’histoire des images et partant celle des idées dans un esprit humain. […] Si dans l’un des deux états les images ont des associations très exactes et très délicates, si, comme on le voit chez plusieurs somnambules66, des aptitudes supérieures se déclarent, si, comme on le remarque dans l’ivresse et après plusieurs maladies, les passions prennent un autre degré et un autre tour, non seulement les deux personnes morales seront distinctes, mais il y aura entre elles des disproportions et des contradictions monstrueuses. — Sans doute, quoique, chez les somnambules, les personnes hypnotisées et les extatiques, des contrastes semblables opposent la vie ordinaire à la vie anormale, leurs deux vies ne sont point nettement ni entièrement séparées ; quelques images de l’une s’introduisent toujours ou presque toujours dans l’autre ; et la supposition que nous avons faite reste, quand il s’agit de l’homme, une simple vue de l’esprit. — Mais dans les animaux elle rencontre des cas où elle s’applique avec exactitude ; tel est celui des batraciens et des insectes qui subissent des métamorphoses.
Où toutes les idées pèsent le même poids, où toutes les vérités ne sont que des idées, pourquoi une pointe n’aurait-elle point passé pour une vue de l’esprit ? […] Les images abondent, par cette illusion de l’esprit qui, n’ayant pas en vue une proposition considérable à prouver, donne à chaque détail un prix exagéré et force le langage, moins pour tromper les autres que parce qu’il se trompe lui-même. […] Parmi des vues d’une justesse admirable qui font de Montaigne un grand écrivain de tous les temps, il en est plus d’une où l’on reconnaît l’écrivain marqué des imperfections du sien. […] Charron a retenu de son maître les formes du langage, ces figures, ces redoublements de mots pour renforcer le sens, l’étendre, en embrasser toutes les nuances ; ces épithètes qui sont comme les faces diverses du même objet ; ces images, si chères aux esprits spéculatifs, pour lesquels une demi-vue équivaut à une vue claire et entière. […] Les personnes pieuses, celles qui, ne pouvant s’élever à ce haut état, ne goûtent les ouvrages de spiritualité que par les vues qu’elles y trouvent sur la vie, savent avec quelle onction particulière et quelle douceur saint François de Sales administre ces prescriptions.
Duperron ne les avait vues qu’en manuscrit, quand il en porta le jugement que j’ai rappelé, et qu’il s’avoua surpassé par un jeune homme de vingt ans, dans la seule chose qu’il pensât posséder du consentement de tous. […] On voyait avec une curiosité très vive ces nuances qui paraissaient l’enrichir, ces mots qui en grossissaient à vue d‘œil le vocabulaire ; on assistait, comme à un tournoi, à cette lutte entre notre langue et les langues anciennes et modernes, à qui aurait l’avantage des détails et du nombre des mots dans une description. […] Les lettres de Balzac touchaient à tout ce qui occupait alors les esprits : à l’érudition, qui s’était plutôt réglée que ralentie ; à la morale générale ; aux matières de foi, vues d’un esprit plus libre ; à la politique, nouveauté si attrayante alors ; aux événements de l’époque, aux rôles qu’y jouaient les principaux personnages. […] C’était une frivolité de dire que « les malades se guérissaient à la vue des lettres de Balzac » ; que « son livre n’était guère moins connu que l’eau et le feu » ; que « c’était le philtre qui faisait aimer le français aux nations qui habitent les bords de la mer Glaciale » ; que Sénèque, auprès de Balzac, n’était que monotonie, et Cicéron que vide ; qu’il était l’empereur des orateurs, comme si le titre d’orateur, objecte judicieusement un de ses critiques, pouvait appartenir à qui n’a jamais parlé en public. […] Mais que pouvait-il sortir, sinon d’ingénieuses déclamations de cette solitude où Balzac se croyait en vue à tout le monde parce qu’il ne voyait personne ?
La claire vue scientifique d’un univers où n’agit d’une façon appréciable aucune volonté libre supérieure à celle de l’homme devint, depuis les premiers mois de 1846, l’ancre inébranlable sur laquelle nous n’avons jamais chassé. […] C’était bien la règle que j’avais vue observée par mes maîtres de Tréguier et de Saint-Sulpice : Victum et vestitum, la table, le logement, et de quoi s’acheter une soutane par an. […] Observations, mais la vue du timbre m’interdit : l’idée que cette belle feuille de papier serait perdue m’arrêta. […] Depuis 1851, je ne crois pas avoir fait un seul mensonge, excepté naturellement les mensonges joyeux, de pure eutrapélie, les mensonges officieux et de politesse, que tous les casuistes permettent, et aussi les petits faux-fuyants littéraires exigés, en vue d’une vérité supérieure, par les nécessités d’une phrase bien équilibrée ou pour éviter un plus grand mal, qui est de poignarder un auteur. […] Eugène Burnouf, sur la vue d’un essai bien imparfait que je présentai au concours du prix Volney, en 1847, m’adopta comme son élève.