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1227. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

Le temps que des fils couleur d’hiver viennent commencer à se mêler à leurs barbes, les vétérans du symbolisme ont entendu sur leurs œuvres plus de sottises que les tableaux de musée. […] Je ne discute pas les détails ; je ne veux pas dire que des jeunes gens venus après nous sont nos vassaux littéraires. […] Barbou, venu à Paris pour y acquérir un fonds de papeterie au quartier des écoles. […] et le poète se met à rêver à Lise, telle qu’il l’aima (car lui, est venu honorer son souvenir), à ses cheveux que le soleil venait dorer. […] On venait d’écrire beaucoup de petites épopées, et la prose de Salammbô paraissait plus capable de chant héroïque que le vers romantique ou parnassien.

1228. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

Les poètes célèbrent le grand comique, les comédiens viennent saluer son image. […] vous barbouiller la figure d’une moustache de Sganarelle et venir sur un théâtre recevoir des coups de bâton ? […] Enfin le beau-frère de Molière, Jean Aubry, décida un troisième prêtre, nommé Paysant, à venir. […] Avec Dom Juan, il vient d’avoir l’audace de faire monter l’athéisme sur le théâtre. […] Puis venaient : MM. 

1229. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

Pradier, le plus voluptueux de nos statuaires, n’en vient-il pas ? […] Les études classiques qu’avait voulues le père étaient terminées ; l’âge de la profession tant désirée était venu ; la peinture allait ouvrir, développer enfin ses horizons promis devant le jeune homme, qui, de tout temps, avait croqué, dessiné, imité. Il se disposait à partir prochainement pour l’Italie, lorsqu’une affection des yeux, que l’on crut d’abord passagère et qui n’a jamais cessé depuis, vint suspendre et ajourner encore une fois le rêve. […] Voilà donc un second parrain qui vint à M. […] Le lendemain, au réveil, c’était dimanche ; la foule va venir, il n’est plus l’heure de s’esquiver.

1230. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIe entretien. Le Lépreux de la cité d’Aoste, par M. Xavier de Maistre » pp. 5-79

Sa tendresse lui avait fait craindre de me troubler ; mais elle venait pour être à portée de me secourir au besoin. […] Je venais d’éprouver un nouveau chagrin. […] Des soldats, accompagnés de quelques habitants, vinrent aussitôt chez moi pour exécuter cet ordre cruel. […] Je les suivis des yeux jusqu’au bout de la prairie, et j’allais les perdre de vue dans les arbres, lorsque des cris d’allégresse vinrent frapper mon oreille : c’étaient leurs familles réunies qui venaient à leur rencontre. […] En achevant de la lire, je me sentis défaillir, épuisé par tout ce que je venais d’éprouver.

1231. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre VI. Bossuet et Bourdaloue »

Gaultier vient ensuite, pour le duc de Rohan-Chabot, et cite Archytas, Porphyre et les six ordres des démons, Orphée et Apollon, du grec et du latin, des vers et de la prose. […] Il fit ses études au collège des Jésuites de Dijon, et vint étudier la théologie au vieux collège de Navarre. […] Et de là vient la solidité de son œuvre. […] Tout Bossuet passe dans son style, et de là vient, comme nous le verrons, que l’orateur se double sans cesse d’un poète. […] Bourdaloue a excité une admiration unanime et incroyable : la cour l’a fait venir dix fois pour les Carêmes et les Avents.

1232. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Il pouvait lui venir même de la science ; car il en faisait plus d’estime que de la philosophie, et s’il l’avait quittée, c’est moins par manque de créance dans ses découvertes, que parce qu’il préférait les vérités qui touchent l’âme à celles qui n’intéressent que le corps. […] Aussi bien, s’il laissait derrière lui, oubliée ou surprise, cette raison superbe, qui empêcherait qu’elle ne vînt le troubler dans sa possession prématurée ? […] La gloire est venue chercher celui qui la fuyait. […] Dans celles qui touchent à la religion, il a vu plus loin que Bossuet, venu après lui, et pourtant un si grand homme ! […] S’il est vrai que l’idée en soit venue à Pascal du Gorgias de Platon, combien l’imitation est plus originale que le modèle !

1233. (1856) Cours familier de littérature. I « VIe entretien. Suite du poème et du drame de Sacountala » pp. 401-474

Les religieux qui l’accompagnent commencent à douter de sa sincérité, et menacent de l’abandonner à la merci du roi, qu’elle est venue affronter avec tant d’audace. […] il ne règne aucune suite dans ses discours ; il confond jusqu’à leurs noms, et rougit ensuite de lui-même lorsqu’il vient à s’apercevoir de son erreur. […] Le voilà qui, d’une main nerveuse, entraîne malgré lui un petit lionceau qu’il vient d’arracher à moitié repu à la mamelle de sa mère, et dont la crinière est encore tout en désordre. […] Je vais vous servir de guide… Le soleil, en ce moment, échauffe le ciel de ses rayons les plus ardents, et force à venir se réfugier sous l’ombrage les chantres silencieux de la clairière. […] Il vient d’accomplir un de ses généreux exploits en sauvant la vie au fils d’un brahmane.

1234. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

Elle fournit le foyer et le bois ; l’étincelle vient d’ailleurs. […] Il vient là comme à une féerie où comme à une représentation du cirque. […] Le siège de Strasbourg vient d’en témoigner ; la presse ; allemande elle-même le reconnaît. […] — Je viens, de la part de Son Altesse Impériale, vous prier de venir ce soir chez elle avec votre roman. — Quel roman ? […] Pour être à peu près heureux, il faut subir le mal, quand il vient, comme un orage, puis penser à autre chose.

1235. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — II. (Suite.) » pp. 463-478

Une grave complication, qui amena une catastrophe, vint altérer et envenimer ces relations, d’ailleurs assez innocentes et anodines, de Cagliostro avec le cardinal de Rohan. […] Ils montaient au Pic, et nous demandèrent si l’on voyait la plaine bien dégagée de vapeurs, car la curiosité seule les y conduisait, et ils venaient des montagnes du Béarn… Les Alpes ne m’ont point offert d’exemple d’une pareille curiosité : elle suppose cette inquiétude de l’esprit, ces besoins de l’imagination, cet amour des choses étonnantes, lointaines, fameuses, dont le bonheur paisible de l’habitant des Alpes ne fut jamais troublé, et dont le bonheur plus romanesque de l’habitant des Pyrénées se compose. […] Le voyageur a continué de gravir les étages de la vallée de Gavarnie en s’élevant du côté du Marboré vers l’Espagne : Tout le long de l’étroit passage que je viens, dit-il, de décrire, nous avions rencontré des bergers des monts voisins de l’Espagne, qui en descendaient pour changer de pâturages. […] Après les vaches venaient les juments, leurs poulains étourdis, les jeunes mulets, plus malins mais plus prudents ; et enfin le patriarche et sa femme, à cheval ; les jeunes enfants en croupe, le nourrisson dans les bras de sa mère, couvert d’un pli de son grand voile d’écarlate ; la fille occupée à filer sur sa monture ; le petit garçon, à pied, coiffé du chaudron ; l’adolescent armé en chasseur ; et celui des fils que la confiance de la famille avait plus particulièrement préposé au soin du bétail, distingué par le sac à sel, orné d’une grande croix rouge. […] Mais en même temps et en attendant que cette épopée encore à naître fut venue, Ramond, vers 1807, savait fort bien déterminer le caractère littéraire d’un siècle qui était le sien et qui a aussi sa force et son originalité : On le dépréciera tant qu’on voudra ce siècle, disait-il, mais il faut le suivre ; et, après tout, il a bien aussi ses titres de gloire : il présentera moins souvent peut-être l’application des bonnes études à des ouvrages de pure imagination, mais on verra plus souvent des travaux importants, enrichis du mérite littéraire… Nos plus savants hommes marchent au rang de nos meilleurs écrivains, et si le caractère de ce siècle tant calomnié est d’avoir consacré plus particulièrement aux sciences d’observation la force et l’agrément que l’expression de la pensée reçoit d’un bon style, on conviendra sans peine qu’une alliance aussi heureuse de l’agréable et de l’utile nous assure une place assez distinguée dans les fastes de la bonne littérature.

1236. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal de Dangeau. tomes III, IV et V » pp. 316-332

Au moment où le corps de la Dauphine est exposé dans sa chambre, avant l’autopsie, il s’est commis une irrégularité dont le narrateur ne manque pas de nous avertir : « Mme la Dauphine a été à visage découvert jusqu’à ce qu’on l’ait ouverte, et on a fait une faute : c’est que pendant ce temps-là, les dames qui n’ont pas droit d’être assises devant elle pendant sa vie, n’ont pas laissé d’être assises devant son corps à visage découvert. » Les choses se passent plus correctement en ce qui est des évêques : « Il a été réglé, nous dit Dangeau, que les évêques qui viennent garder le corps de Mme la Dauphine auront des chaises à dos, parce qu’ils en eurent à la reine ; l’ordre avait été donné d’abord qu’ils n’eussent que des tabourets. » L’acte de l’adoration de la croix, le jour du vendredi saint, est avant tout, chez Dangeau, l’occasion d’une querelle de rang, d’un grave problème de préséance : « Ce matin, les ducs ont été à l’adoration de la croix après les princes du sang. […] Il s’y est donné aussi toute carrière pour le soupçon et pour les profondeurs mystérieuses, ayant bien soin de faire entendre que cette mort subite n’est pas venue au hasard, et laissant planer l’accusation dans un vague infini. […] Quelques passages rapprochés, et qui deviennent aussi fréquents chez Dangeau que l’étaient autrefois les articles des jeux et des divertissements, en diront plus que tout : Dimanche 6 janvier (1692), à Versailles. — Le soir il y eut appartement ; mais le roi n’y vient plus. […] À son retour de Namur à Versailles, et dès le premier soir, Louis XIV voit entrer M. de Tourville, qui venait le saluer. […] Il nous en coûte quelques vaisseaux ; cela sera réparé l’année qui vient, et sûrement nous battrons les ennemis. » Parole encore de vrai roi, qui n’a ni l’humeur du despote, irrité que les choses lui résistent, ni la versatilité du peuple, dont les jugements varient selon le bon ou le mauvais succès.

1237. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — II » pp. 263-279

Dans la dernière année et quand la maladie déjà mortelle retenait Bossuet à Paris, il l’y venait voir, passait avec lui plusieurs heures, lui lisant l’Évangile et lui en parlant : entretiens doux et graves, élevés et purs, entre ces deux chrétiens si à l’unisson ; c’est là ce qu’on aimerait à entendre et à connaître ; mais Le Dieu ne nous donne que le titre de l’entretien. […] Ce ne serait pas ici le lieu toutefois d’appliquer à la rigueur le mot de Quintilien, qu’on n’est pas nécessairement le second pour venir le plus proche après quelqu’un, aliud proximum esse, aliud secundum. […] Si nous n’y prenons garde, et sans être Bossuet, nous faisons tous un peu comme Bossuet : nous sommes volontiers négatifs à l’égard de ceux qui viennent après nous, nous sommes un peu prompts à déclarer qu’ils n’auront jamais telle ou telle qualité. […] C’est à quoi l’on est d’abord le plus sensible ; leurs défauts nous sautent aux yeux, leurs qualités ne viennent qu’après. […] Il raccommode et réconcilie, après des pourparlers sans nombre, les membres du présidial et ceux de l’élection qui étaient en guerre ouverte et qui, par suite de couplets injurieux, étaient près d’en venir aux derniers éclats ; ayant rendu une sentence arbitrale qui est acceptée et signée des deux partis, il réunit le jour même à un dîner à l’évêché, et fait boire à la santé les uns des autres, ces guelfes et ces gibelins de la ville de Meaux.

1238. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Souvenirs et correspondance tirés des papiers de Mme Récamier » pp. 303-319

Mais si elle se tait volontiers, tous ses amis parlent et viennent tour à tour lui dire ce qu’ils pensent, ce qu’elle inspire, et témoigner de leurs sentiments avec une conformité profonde, avec un accord fondamental sous la variété des tons ; c’est tout un concert autour d’elle. […] J’allais (tant l’art de l’arrangeur est parfait, et tant il a mis d’attention à se dérober), — j’allais oublier d’avertir que le tout est lié par un récit biographique rapide, par des transitions indispensables, par des fils adroits et légers ; que toutes les explications nécessaires au lecteur lui sont agréablement et brièvement données, qu’elles viennent à propos au devant de lui ; que tous les petits faits, toutes les anecdotes qui se rattachent au cercle de Mme Récamier, celles qu’elle aimait à raconter elle-même, nous sont rendues avec ce tour net et dans cette nuance qui était le ton particulier de son salon ; qu’une fine critique, toujours convenable, corrige et relève, par-ci par-là, le trop de douceur dans les portraits. […] Mme Récamier laissa à d’autres, et à l’ami même que l’on vient d’entendre, le soin de consacrer son souvenir ; elle ne fit point ce qu’aurait souhaité M.  […] On vous a dit que l’encens m’était monté à la tête ; venez, et vous verrez ; il m’aurait fait un tout autre effet. […] Ainsi la description du château de Maintenon, malgré l’intérêt qui s’attache à un si noble séjour, méritait d’être supprimée : la plume de M. de Chateaubriand, en ces derniers écrits, n’est plus elle-même. — L’observation faite, il n’en est pas moins vrai que ces deux volumes nous offrent sur une femme qui fut un modèle de beauté et de bonté, et sur le monde qu’elle eut le charme et l’art de grouper jusqu’à la fin autour d’elle, une quantité de pièces intimes, agréables, imprévues, qui permettent aux nouveaux venus, s’ils en sont curieux, de vivre pendant quelques soirées dans une intimité inespérée et des plus choisies.

1239. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Mémoires du duc de Luynes sur la Cour de Louis XV, publiés par MM. L. Dussieux et E. Soulié. » pp. 369-384

M. de Nangis n’avoua jamais qu’il eût la permission et continua son chemin, répondant de mauvaises raisons à tout ce que lui dit M. le duc de Berry, et ensuite à M. le premier (le premier écuyer) qui était venu lui parler, étant persuadé que cette démarche déplairait au roi. […] » Ce discours étonna extrêmement tous les spectateurs, et dès le soir même toute la Cour vint faire des compliments à Mme la maréchale de Rochefort (grand-mère de M. de Nangis) et à M. de Nangis. […] Le maréchal, plus persuadé que jamais, vint dire au roi que c’était un seigneur espagnol vraisemblablement, mais qu’il ne le connaissait pas. […] Ayant été averti pour le travail, il donna à Barjac (son valet de chambre) sa clef pour lui ouvrir la porte ; Barjac n’ayant pu en venir à bout, M. le cardinal crut que c’était sa faute et y essaya lui-même ; le bruit fut entendu du cabinet, et l’on vint ouvrir. […] La mort subite de Mme de Vintimille à Versailles, à la suite de sa première couche, vient tout confondre et porter un coup bien rude au cœur de Mme de Mailly comme à sa fortune ; et quand une autre sœur (car on ne sort point d’abord de cette famille de Nesle) se présente pour disputer l’héritage de Mme de Vintimille, cette fois c’est une rivale qui s’annonce, une ambitieuse véritable, non plus une femme à rien partager : Mme de La Tournelle, la future duchesse de Châteauroux, veut et impose des conditions éclatantes, qui vont mettre fin au règne traînant de son aînée.

1240. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — II » pp. 107-121

Émancipés aujourd’hui, fils de l’Occident, héritiers de tant d’œuvres, et comme portés sur les épaules de tant de générations, espérons mieux ; mais, si nous nous appelons philosophes, n’en venons jamais, par une sorte d’orgueil intellectuel, à oublier les origines si grossières et si humbles de toute société civile. […] D’autres choisiront de préférence d’autres passages dans ses lettres ; pour moi, je l’aime mieux quand il est moins affirmatif, moins dogmatique, quand des accès de doute et de scepticisme le viennent saisir et qu’il les confesse avec ingénuité. […] Je suis perdu dans un océan de recherches, au milieu desquelles la fatigue et le découragement viennent parfois me saisir. […] Il ne lui avait manqué, avec le loisir, qu’un peu plus d’habitude des choses purement littéraires, et il y venait. […] Quoi qu’il en soit de ces excursions où j’aimerais à le suivre dans le champ de la littérature sérieuse, M. de Tocqueville, membre assidu et actif de l’Académie des sciences morales et politiques, venait assez peu à l’Académie française, au sein de laquelle il va être si magnifiquement célébré.

1241. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — III » pp. 174-189

Bonaparte lui écrivait le 30 mai : « Tous les renseignements qui me viennent sur la discipline de votre division, ainsi que sur la bonne conduite des officiers qui la commandent, lui sont favorables : cela vient de l’exemple que vous leur donnez et de la vigilance que vous y portez. » En faisant connaître à ses troupes cette lettre d’éloges, Joubert y joignait l’expression de ses sentiments en des termes qui, pour avoir été souvent répétés depuis et un peu usés par d’autres, ne cessent pas d’être les plus honorables et d’avoir tout leur prix dans sa bouche : Je fais connaître avec plaisir la lettre que je viens de recevoir du général Bonaparte, et je saisis cette occasion de témoigner mes sentiments à mes braves camarades. […] Une conformité sympathique d’opinions et d’idées avec Joubert, qui venait d’y prendre le commandement à la place de Brune, me portait à y rester pour attendre les événements qui se préparaient. […] C’était, sans contredit, le plus intrépide, le plus habile et le plus estimable des lieutenants de Bonaparte ; il avait favorisé, depuis la paix de Campio-Formio, la cause populaire en Hollande ; il venait en Italie, résolu, malgré la fausse politique du Directoire, de suivre son inclination et de satisfaire au vœu des peuples qui voulaient la liberté. […] Ce dernier commandait en chef lorsque Joubert vint le relever ; il eut le patriotisme de vouloir assister et prendre part à la bataille que le jeune général était pressé de livrer. […] C’eût été un maréchal Suchet venu plus tôt et de la première promotion.

1242. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte. »

Doré, et je viens bien tard pour me joindre à tous ceux qui en ont parlé si pertinemment. « Voilà un beau prometteur, dirait Sancho ; il paye ses étrennes à la Saint-Jean ; pourquoi pas à la Noël ? […] » Plus de quarante ans après, lorsque Cervantes eut fait la première partie de Don Quichotte et qu’un intrus s’avisa de la continuer en voulant lui ravir sa gloire, ce continuateur pseudonyme eut la malheureuse pensée d’insulter non-seulement à la vieillesse du noble et original écrivain, mais encore à son infirmité, à sa blessure, et de dire, en parlant au singulier de sa main et avec intention, « qu’il avait plus de langue que de mains. » Sur quoi Cervantes, dans la préface de la seconde partie de Don Quichotte, répliqua : « Ce que je n’ai pu m’empêcher de ressentir, c’est qu’il m’appelle injurieusement vieux et manchot, comme s’il avait été en mon pouvoir de retenir le temps, de faire qu’il ne passât point pour moi, ou comme si ma main eût été brisée dans quelque taverne, et non dans la plus éclatante rencontre qu’aient vue les siècles passés et présents, et qu’espèrent voir les siècles à venir. […] Une réflexion m’obsède, et qui sera venue certainement à d’autres que moi : goûtons, bénissons les douceurs de la civilisation acquise, et admirons comme en ces temps-là la condition des plus honnêtes gens n’avait rien de garanti ni d’assuré. […] qu’il fallait donc à ce Cervantes âgé pour lors de cinquante-huit ans, touchant au soir de la vie, et dont nous venons d’indiquer, bien légèrement encore, les opiniâtres infortunes, qu’il lui fallait d’imagination puissante et flexible, de ressort de caractère, de bonne humeur toujours prête et inaltérable, d’expérience variée, amassée de toutes parts naïvement et sans calcul, richement diversifiée et abondante, pour savoir ainsi instruire en se jouant et railler sans amertume ! […] Don Quichotte parut au mois d’avril ; l’incident du meurtre qui amena le dernier emprisonnement de Cervantes n’eut lieu qu’en juin de la même année, et vint faire encore une diversion fâcheuse à la première joie du succès.

1243. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

Tous ces récits étaient fort bien rendus et mimés, d’une voix quelque peu forte et robuste, par un homme de haute stature et en qui un filet de l’ironie paternelle se faisait encore sentir ; mais cette ironie n’était plus la source même et ne venait que par une sorte de transmission et d’habitude : elle était de souvenir plus que d’inspiration et de jet. […] On sait bien d’où il vient, celui-là ; il est tiré des grenadiers. — Et qu’est-ce qui t’a dit que ce n’était pas des tambours-majors ? […] S’il venait des tambours-majors, il ne nous aurait pas donné de vin ; il aurait tout bu. — Moi, ça m’est égal d’où qu’il vienne, mais je voudrais bien que l’Empereur fournît un grand ministre comme celui-là partout où je passe, etc. » « Je quittai la place, distrait moi-même par la bonne humeur et les bons propos de corps de garde. […] Beugnot », était l’expression naturelle qui venait en parlant de lui.

1244. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand »

Cette première existence de l’abbé de Périgord, homme de plaisir en même temps qu’agent général du clergé, et qui, à la veille de la convocation des États-Généraux, venait d’obtenir l’évêché d’Autun, n’est que très rapidement esquissée et à grands traits par sir Henry Bulwer, qui est pressé d’arriver à l’homme public. […] Sur quoi Talleyrand sans marchander se rend chez l’évêque de Babylone, et lui fait une fausse confidence : il lui dit que leur confrère Gobel est lui-même sur le point de les abandonner, que pour lui il sait trop à quoi cela les expose ; que sa résolution est prise, et qu’au lieu de risquer d’être lapidé par la populace, il aime encore mieux se tuer lui-même si l’un des deux vient à le lâcher. […] M. de Talleyrand a longtemps nié être venu cette fois à Londres pour un autre motif que celui d’échapper aux périls qu’il courait en France : ce qui n’empêcha point qu’il ne reçût l’ordre de quitter l’Angleterre en janvier 1794, parce qu’on l’y considérait comme un hôte dangereux13. […] Il écrivit à cette date à lord Grenville une lettre justificative, où il protestait de l’innocence de ses intentions et de ses démarches : « Je suis venu en Angleterre, disait-il, jouir de la paix et de la sûreté personnelle à l’abri d’une Constitution protectrice de la liberté et de la propriété. […] — Comment M. de Talleyrand avait-il pu écrire des mémoires à Danton et cependant être venu en Angleterre, simplement dans le dessein d’y chercher le repos ?

1245. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. BRIZEUX (Les Ternaires, livre lyrique.) » pp. 256-275

Il avait du bon sens, le reste vient ensuite, a dit La Fontaine ; et beaucoup de nos ambitieux se le sont répété un peu plus hardiment. […] Le Bonheur domestique, la Chaîne d’or, l’élégie du conscrit Daniel qui vient à Paris, et j’en pourrais citer bien d’autres, unissent à une forme parfaite et limpide une sensibilité douce, élevée, saine, qui émeut sans troubler, et qui fait mieux luire le ciel dans une larme. […] Par moments sa Bretagne lointaine lui échappait, la courtoisie florentine l’avait conquis, il allait oublier son Ithaque ; mais tout d’un coup un costume, un son d’instrument, un écho, venait réveiller son vieux culte et croiser ses amours. […] Un autre jour, le poëte, errant dans Rome, vient à découvrir qu’une église y est dédiée au pauvre évêque breton, à Malo, sous le nom italien de saint Mauto, et dès ce moment, pendant bien des journées, il ne pense plus qu’à son patron chéri ; si Saint-Pierre est, un soir, illuminé en l’honneur de quelque saint inconnu, il se dit que c’est pour le sien ; et, tout fier d’avoir signalé la basilique cachée, il s’écrie : Patron des voyageurs, les fils de ton rivage, Venus à ce milieu de l’univers chrétien, Connaîtront désormais ton nom italien, Et tu seras un but dans leur pèlerinage. […] Le poëte se considère comme un Breton venu du Midi et qui y retourne.

1246. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre II. Le mouvement romantique »

Nos littérateurs, qui n’étaient pas en général des érudits, ni très savants aux langues étrangères, eurent ainsi pour instructeurs les Guizot et les Barante, les Fauriel et les Raynouard, les Lœve-Veimars et les Pichot : avant qu’ils eussent voyagé, les paysages du Nord et de l’Orient vinrent les troubler de sombres ou radieuses visions. […] Musset et Gautier717, d’une autre génération de collégiens, furent, selon la diversité de leurs natures, plus imprégnés, l’un de classicisme et l’autre d’antiquité ; et si le moment vint, après le débordement des fantaisies moyen âge, où l’on se reprit à traiter des sujets grecs ou romains selon l’art romantique, la restauration des études universitaires y fut pour quelque chose. […] Les deux circonstances que je viens d’indiquer aidèrent les jeunes esprits à s’affranchir des règles classiques, à briser surtout les formes de la langue et de la versification. […] Sainte-Beuve, venu au romantisme en 1827, s’attachait à deux idées principalement dans son Tableau de la poésie au xvie siècle 728 et dans ses Pensées de Joseph Delorme 729. […] C’est une œuvre de combat, venue après la défaite : œuvre d’un esprit vigoureux et pénétrant, mais systématique, partial, fermé à tout ce que son parti pris ne l’autorise à comprendre, juge délicat des œuvres qu’il se reconnaît le droit d’admirer.

1247. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Poésies nouvelles de M. Alfred de Musset. (Bibliothèque Charpentier, 1850.) » pp. 294-310

J’y trouve un prétexte dont, après tout, je n’aurais pas besoin pour venir parler de M.  […] elle allait venir. […] Ce n’est pas au moment où M. de Musset s’élevait le plus haut que cette vogue mondaine s’est déclarée ; elle n’est venue qu’après, comme il arrive d’ordinaire, mais elle existe. […] Je ne viens point jeter un regret inutile Dans l’écho de ces bois témoins de mon bonheur : Fière est cette forêt dans sa beauté tranquille,               Et fier aussi mon cœur. […] Loin de moi les vains mots, les frivoles pensées, Des vulgaires douleurs linceul accoutumé, Que viennent étaler sur leurs amours passées               Ceux qui n’ont point aimé !

1248. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le cardinal de Retz. (Mémoires, édition Champollion.) » pp. 238-254

La conclusion et le but où il en fallait venir est que, le cardinal Mazarin étant incompatible avec cet âge d’or et ce règne de la Justice sur la terre, « il sera incessamment poursuivi jusques à ce qu’il soit mis entre les mains de la justice pour être publiquement et exemplairement exécuté ». […] Quand il venait à Paris sans la voir, il ne s’en consolait pas : « Vous lui faites souhaiter la mort du pape », écrivait Mme de Sévigné. […] Mme de Sévigné conseillait à sa fille de lui écrire également à ce sujet et de rentrer par là en correspondance avec lui : « Quand vous aurez écrit cette première lettre, croyez-moi, ne vous contraignez point ; s’il vous vient quelque folie au bout de votre plume, il en est charmé aussi bien que du sérieux : le fond de religion n’empêche point encore ces petites chamarrures. » C’était mieux pourtant ou pis que des chamarrures que les Mémoires où se complaisait en secret le cardinal de Retz, et qu’il venait d’achever à cette date, pour obéir à Mme de Caumartin, qui lui avait demandé le récit de sa vie. […] Ce grand frondeur qui, dans sa jeunesse, avait cherché vainement à tenir la balance entre les partis, entre Monsieur, le Parlement et la Cour, et qui, à défaut de balance, avait pris l’épée, et même contre M. le Prince, en était venu dans sa vieillesse à cet arbitrage innocent.

1249. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre III. Le cerveau chez l’homme »

Vient ensuite la comparaison des différentes races humaines. […] Une expérience en sens inverse de celles qui viennent d’être résumées a été faite sur le cerveau et sur le crâne des idiots. […] Darwin est venu ajouter une excitation particulière à ces sortes de recherches, car cette hypothèse n’irait à rien moins, quoique l’auteur ne s’explique pas sur ce point, qu’à faire de l’homme, comme on l’a dit, un singe perfectionné. […] Ne parlez pas de l’esclavage, si vous voulez, c’est votre droit ; mais, si vous en parlez, ne venez pas dire qu’il vous est égal qu’on se serve de vos arguments en faveur de l’iniquité ! J’ajouterai que, sans vouloir mêler la morale à la science, ni juger la valeur d’une dissection anatomique par ses conséquences sociales et religieuses, il est permis cependant, en présence de certains zoologistes si pressés de rabaisser l’homme jusqu’au singe et de se servir, pour le succès de leur thèse, de l’exemple du nègre, que cette thèse intéresse particulièrement, il est permis, dis-je, de demander d’où vient cette répulsion universelle que l’humanité civilisée éprouve aujourd’hui contre l’esclavage.

1250. (1876) Du patriotisme littéraire pp. 1-25

Parmi ces titres d’excellence que je viens revendiquer pour notre pays, saluons d’abord ce merveilleux instrument dont le génie français dispose selon l’aptitude particulière de chacun de ses grands ouvriers, saluons notre langue maternelle. […] Les Prosateurs du seizième siècle viennent à nous non sans quelque désordre, mais comme ils sont équipés, comme ils sont armés pour cette lutte du style et des idées où ils feront triompher la Patrie ! […] Nulle part les rythmes ne sont plus variés, plus abondants que chez nos poètes : si la création rythmique s’interrompt au dix-huitième siècle jusqu’à la venue d’André Chénier, le dix-septième avait ajouté ses trouvailles à l’héritage opulent de Ronsard et de Baïf. […] Si bien que chez nos voisins la langue nationale a beau prendre son essor, la tradition de nos paladins s’impose à ses poètes et à ses conteurs et de récits en récits vient aboutir à Pulci et à Boiardo. […] Des délégations de tous les pays venaient trouver ce châtelain de Ferney, toujours plus jeune sous le redoublement des années, et recevoir la parole d’émancipation de cette bouche qui avait si fréquemment jeté le cri de la pitié et de l’humanité méconnues.

1251. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 13, qu’il est des sujets propres specialement pour la poësie, et d’autres specialement propres pour la peinture. Moïens de les reconnoître » pp. 81-107

Cette pensée devient sublime par le caractere connu du personnage qui parle, et par la procedure qu’il vient d’essuier, pour avoir dit que des vers mauvais ne valoient rien. […] Si quelques-uns de ses traits avortent, s’ils ne frappent point précisement à son but ; s’ils ne rendent pas exactement toute l’idée qu’il veut exprimer, d’autres traits plus heureux peuvent venir au secours des premiers. […] L’affliction de ceux qui regardent le sacrifice d’Iphigenie vient du même sentiment de compassion, et cependant cette affliction doit se manifester differemment en chaque spectateur, suivant l’observation que nous venons de faire. […] Un autre porte le second doigt de sa main droite sur son nez, et fait le geste d’un homme qui vient d’être enfin éclairé sur des veritez dont il avoit depuis long-tems une idée confuse. […] Il est facile de conclure après ce que je viens d’exposer, que la peinture se plaît à traiter des sujets où elle puisse introduire un grand nombre de personnages interessez à l’action.

1252. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVI. »

« Auguste, dit Suétone, monté sur une galère, traversant le golfe de Naples et longeant la ville de Pouzzoles, fut salué de tous les points du rivage par les passagers et les matelots d’un navire venu d’Alexandrie, qui, tous couronnés de fleurs, s’écriaient, au milieu de l’encens des sacrifices : Par toi, César, nous vivons ; par toi, César, nous naviguons ; par toi, César, nous sommes libres et riches. […] Mais, alors même, un retour enjoué sur lui-même vient corriger la monotonie ou le mensonge de la louange. […] « Que l’épouse heureuse d’un époux sans égal vienne à sa rencontre, après les sacrifices aux dieux, et avec elle la sœur de l’illustre chef, et, sous une parure de pieuses bandelettes, les mères des jeunes filles et des jeunes hommes sauvés par sa victoire ! […] Drusus, celui que l’espérance trompée du peuple romain avait regardé comme un libérateur futur, venait d’écraser quelques peuplades demi-sauvages des Alpes germaniques, aux portes de l’Italie. […] « Le travail vient ensuite accroître la vigueur native.

1253. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome II

Il a compté bonnement sur la postérité et la postérité ne l’a pas trompé ; l’heure de sa moisson est venue. […] Il vient demander raison à Pyrrhus de l’affront qu’il lui a fait en lui enlevant Hermione qui lui était promise. […] qu’y venez-vous faire ? […] — Agamemnon (à part) : Heureuse du moins de ne pas m’entendre… Rentrez, Iphigénie, allez rejoindre vos compagnes Au moment d’une séparation si longue, viens, ma fille, viens que je te serre entre mes bras. […] Cette idée ne lui serait pas venue, si la pièce eût toujours été également méprisée à la ville.

1254. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Riotor, Léon (1865-1946) »

Léon Riotor a fait paraître un poème inspiré par une légende ou un lied en prose qui pourrait bien nous venir des bruines de la Hollande : non pas que ce poème manque de clarté, mais à cause du charme particulier à ces bords des mers du Nord qui semble s’en dégager. […] Le pauvre pécheur, qui fait rêver à celui de Puvis de Chavannes, l’appelle comme fait le Bûcheron de La Fontaine, et, comme lui aussi, trouve qu’elle vient trop tôt.

1255. (1818) Essai sur les institutions sociales « Avertissement de la première édition imprimée en 1818 » pp. 15-16

La cause qui a retardé la publication de cet écrit importe fort peu, et même serait assez difficile à expliquer : il suffira donc de prévenir que l’ouvrage ne vient pas d’être composé, et qu’il aurait dû être imprimé beaucoup plus tôt. […] Le retard qu’il a éprouvé ne peut donc lui avoir été nuisible sous ce rapport ; peut-être est-il vrai de dire plutôt qu’il lui a été favorable, car plusieurs des choses qu’il contient nous paraissent avoir reçu quelque lumière et quelque force de toutes les discussions qui viennent d’avoir lieu sur les théories sociales.

1256. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

Et il vient du pôle des banquises dansantes ! […] Plutôt, il laisse le drame venir. […] On le donna pour un art classique ; de là vint tout le mal. […] Ce n’est point une passion qui lui soit venue sur le tard. […] Et la dame venait.

1257. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [IV] »

Dans ce dernier cas, et si l’armée prussienne s’était séparée des Russes pour se porter sur Berlin, Ney, qui venait d’être chargé du commandement de plusieurs corps d’armée, devait se diriger sur cette capitale. […] « Ce 13 août 1813. — Enfin, mon cher Monnier, la mesure est comblée ; le courrier vient d’arriver avec toutes les promotions ; il n’y en a pas moins de 70052 pour notre corps d’armée. […] Il est plus spécialement l’historien et le critique militaire définitif du grand Frédéric : notre École de Saint-Cyr le vient aujourd’hui pour classique à ce titre. […] Ce fut vers ce temps, et d’après l’expérience qu’il acquit à cette nouvelle école, que quelques-unes de ses opinions antérieures en vinrent à se modifier : il avait cru jusque-là avec le monde entier que Napoléon était le seul obstacle à la paix, il commença à entrevoir que cette paix, eût-elle été sincèrement voulue par lui, n’aurait pas été si facile à obtenir en présence d’une telle coalition de haines. […] Dans la Vie politique et militaire de Napoléon, l’historien rentre dans le vrai et le vraisemblable : « Ney, est-il dit, attachant trop d’importance au mouvement sur Berlin, était prêt (à un moment) à s’y porter de sa personne. » Là eût été la faute, et c’est en cela que Jomini le combattit par toutes sortes d’objections que les renseignements et les ordres ultérieurs vinrent tout à fait confirmer.

1258. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres mêlées de Saint-Évremond »

Le bruit ayant couru dans Londres des raisons qui retardaient mon entrée, le chevalier de Grammont et le sieur de Saint-Évremond me sont venus trouver comme bons Français et zélés pour la gloire et l’autorité de Votre Majesté. […] Sa grâce n’étant pas venue à temps, dans les premières années, il se dit que ce ne serait plus une grâce, et il en prit son parti, il en fit son deuil une fois pour toutes. […] Je viens d’écrire un nom qui brûle ma plume. […] Lui-même a raconté avec sincérité comment il en vint à se guérir peu à peu de la soif de trop connaître161. […]  » Il me semble que cette fin de lettre, dans son obscurité, ne dément en rien, mais vient plutôt confirmer la version transmise par le président Bouhier.

1259. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — L'abbé de Lamennais en 1832 »

D’ailleurs le christianisme antérieur, qui s’en déduisait, renversait tous leurs préjugés sur le dogme catholique, dont, en effet, la plus large idée à nous, fils du siècle, nous était venue la veille par les conférences de Saint-Sulpice. […] C’est en Bretagne, à Saint-Malo, au mois de juin 1782, que naquit, d’une famille d’armateurs et de négociants, Félicité-Robert de La Mennais : cette famille Robert venait d’être anoblie (sous Louis XVI, je crois) pour avoir nourri à grands frais la population dans une disette. […] On voit d’où lui viennent les habitudes solides et anciennes de son style. […] Tous les deux, hommes d’avenir, prêtres selon l’esprit, sentant à leur face le souffle nouveau du catholicisme, ils ont, conformément à l’ordre de leur venue et à la tournure particulière de leur génie, exprimé diversement les mêmes vœux, les mêmes remontrances touchant la conduite temporelle des peuples. […] Il y eut un temps de sa vie où il chérissait la rêverie et la fuite du monde, au point de sauter par-dessus un mur à la campagne pour ne pas rencontrer un domestique de la maison qui venait par le sentier ordinaire.

1260. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « L’abbé Prévost »

Or, à part un très-petit nombre de noms grandioses et fortunés qui, par l’à-propos de leur venue, l’étoile constante de leurs destins, et aussi l’immensité des choses humaines et divines qu’ils ont les premiers reproduites glorieusement, conservent ce privilège éternel de ne pas vieillir, ce sort un peu sombre, mais fatal, est commun à tout ce qui porte dans l’ordre des lettres le titre de talent et même celui de génie. […] Sans doute quelques pèlerins du génie, comme Byron les appelle, viennent encore et jusqu’à la fin se succéderont alentour ; mais la société en masse s’est portée ailleurs et fréquente d’autres lieux. […] Cette réflexion nous a été inspirée au sujet de l’abbé Prévost, et nous croyons que c’est une de celles qui, de nos jours, lui viendraient le plus naturellement à lui-même, s’il pouvait se contempler dans le passé. […] On veut suivre dans la continuité de son tissu, on veut toucher de la main, en quelque sorte, l’étoffe et la qualité de ce génie dont on a déjà vu le plus brillant échantillon, mais un échantillon, après tout, qui tient étroitement au reste, et n’en est d’ordinaire qu’un accident mieux venu. […] Cléveland vint ensuite, puis Manon, et le Pour et Contre, dont la publication commencée en 1733 ne finit qu’en 1740.

1261. (1892) Boileau « Chapitre IV. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » » pp. 89-120

Et de là, d’abord, vient le reproche si souvent adressé à Boileau, de n’avoir point fait à l’imagination sa part dans l’œuvre poétique. […] Mais alors, imagination, génie, don du ciel, de quelque nom qu’on veuille appeler cette source première de poésie, d’où vient que Boileau n’en parle jamais ? […] « Car, disait Longin traduit par Boileau, lorsqu’en un grand nombre de personnes différentes de profession et d’âge, et qui n’ont aucun rapport ni d’humeurs ni d’inclinations, tout le monde vient à être frappé également de quelque endroit d’un discours, ce jugement et cette approbation uniforme de tant d’esprits, si discordants d’ailleurs, est une preuve certaine qu’il y a là du merveilleux et du grand. » Quand à la diversité des âges, des humeurs et des professions s’ajoute celle des races, des époques et des mœurs, l’uniformité d’approbation sera une marque bien plus certaine et plus indubitable encore de l’excellence des ouvrages. […] Et il répond par un des mots vraiment profonds qu’il ait jamais écrits : « Ce n’est point, comme se le persuadent les ignorants, une pensée que personne n’a jamais eue ni dû avoir : c’est au contraire une pensée qui a dû venir à tout le monde et que quelqu’un s’avise le premier d’exprimer. » Les grandes découvertes de la science sont des pensées qui devaient venir à tout le monde, et qui ne viennent qu’à quelques-uns. […] Le vrai, le grand lyrique, ce n’est pas un Baudelaire, un chercheur de sensations inouïes, perverses, morbides : c’est un Vigny, un Hugo, un Musset, un Lamartine, qui a souffert plus que nous des mêmes choses que nous : c’est celui qui a crié plus hautement les éternels lieux communs dont la pensée obscure opprime notre âme à tous, nos passions, nos misères, nos ignorances, et l’insoluble énigme : pourquoi suis-je venu ?

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