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645. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

Peut-être donne-t-on à ces différents traits une valeur qui ne leur appartient pas entièrement. […] Dans cette pièce, le Tasse est représenté sous des traits qui ont fait dire de cette œuvre à J. […] Bien plus, c’est le livre de Werther qui devient le trait d’union entre Stella et le proscrit. […] Plusieurs des traits qu’il a prêtés à Joseph Delorme sont empruntés à sa propre physionomie. […] Quelques traits nous font bien apprécier son caractère.

646. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

Voilà sans doute un des traits de la race slave : la réceptivité sans bornes. […] Il le vaut pour l’érudition, la culture, et le dépasse par la netteté du trait. […] Alors s’expliquent sa brièveté, sa marche légère, son don de l’anecdote, de l’esquisse et du trait, la non-fatigue dans tous les genres. […] De tels papiers ont trait à la vie quotidienne (remerciements, encouragements, défaillances brèves suivies de reprises). […] Cet impitoyable analyste fixe là en quelques axiomes moqueurs et glacés les traits dégradants des gens du monde de son époque.

647. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

Il reste toutefois, même dans cette correspondance d’idées, assez de détails intimes pour que cette noble physionomie s’y précise en traits plus accusés et plus individuels. […] Pour m’éprouver, je me touchai avec ingéniosité de mille traits aigus d’analyse jusque dans les fibres les plus délicates de ma pensée. […] Les traits intimes et permanents de ma personne dérivent de ce travail séculaire, accompli pour mon « moi », bien avant qu’il ne fût apparu. Ces traits me précédaient. […] Leur touche est divine quand ils dessinent d’un trait un horizon.

648. (1896) Études et portraits littéraires

Edmond Biré l’a relevé avec justesse, ce livre se tait sur les mouvements généreux, les nobles actions, les traits héroïques. […] Et il ne se contente pas de les décrire en traits généraux, rien n’étant plus éloigné de son talent que l’ample rhétorique. […] Mais la caractéristique de l’œuvre ne se trouve pas dans ces traits isolés. […] Y a-t-il là des traits d’affinité avec saint François de Sales ? […] Il appuie sur le trait, il insiste, il récidive.

649. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Aussi le pessimisme fut-il le trait commun de presque toutes les œuvres, de tous les talents voici quarante ans. […] Peindre un esprit, c’est peindre une génération, du moins dans quelques-uns de ses traits essentiels. […] Voulant se tracer une peinture spirituelle du monde, le philosophe emprunte les premiers traits à sa propre expérience. […] Cette contradiction s’explique par un autre trait de ce caractère si complexe. […] Car, un troisième trait marque cet hésitant, et c’est si logique, il est au suprême degré un influençable.

650. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « au lendemain du saint-simonisme  » p. 505

au lendemain du saint-simonisme Un des traits les plus caractéristiques de l’état social en France, depuis la chute de la Restauration, c’est assurément la quantité de systèmes généraux et de plans de réforme universelle qui apparaissent de toutes parts et qui promettent chacun leur remède aux souffrances évidentes de l’humanité.

651. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Auriac, Victor d’ (1858-1925) »

Mallat Victor d’Auriac chante les blondes matinées ensoleillées, les taillis criblés de traits d’or et les nids énamourés.

652. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Calemard de Lafayette, Olivier (1877-1906) »

Léonce de Lavergne ou Arthur Young ; quand, par exemple, il étudie l’étable et le bétail ; quand il nous fait assister au premier essai de la nouvelle charrue, de l’instrument aratoire moderne qui a contre soi la routine et bien des jaloux ; quand il nous décrit la race des bœufs du mézenc (montagne du pays), qui, au labour, craignent peu de rivaux et qui rendent au maître plus d’un office : Le lait, le trait, la chair, c’est triple bénéfice.

653. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vermenouze, Arsène (1850-1910) »

. — Ce sont des impressions de pays, croquis de mœurs, traits de légendes, scènes de nature, études d’animaux familiers ou sauvages.

654. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Préface » pp. -

L’histoire de la société polie veut, pour être traitée convenablement, une plume légère qui sème à chaque pas de sa course des traits brillants et gracieux, comme Le Petit Chien de La Fontaine qui, en secouant sa patte, en faisait tomber des diamants, des perles et des rubis.

655. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 220-221

Avec de la sévérité, on trouveroit qu’elles manquent quelque-fois de cette douceur, de ce naturel, de cet agrément qui doivent être le vrai caractere de ces sortes de productions ; mais elles offrent des traits d’esprit, un langage assez correct, & c’en est assez pour mériter de l’indulgence.

656. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » p. 366

Ces Contes, faits pour amuser des enfans, ne laissent pas d’être lus avec avidité, parce que tous les hommes s’enflamment aisément pour le merveilleux, & que la fécondité qui caractérise l’imagination arabesque, y a répandu certains traits capables de flatter un moment les esprits.

657. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 95-96

Ce genre est l’Histoire, dont il a défiguré l’esprit & le style, en la surchargeant de traits plus oratoires qu’historiques, d’une intempérance de figures, d’un luxe d’expressions déplacées, d’une affectation de grands mots qui ne produisent que des sons, lorsqu’on a droit d’attendre des réflexions ou des faits.

658. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — II. (Suite.) » pp. 155-174

Cet acharnement que met d’Andelot, à plusieurs reprises, à voler à Rosny son butin et ses prisonniers pour en tirer rançon et gloire, est un trait de mœurs. […] Le compliment du maréchal de Biron qui le visite en passant est un autre trait qui montre bien les restes de chevalerie et de féodalité à la Froissart dans cette bataille déjà moderne ; voyant les prisonniers dans la chambre du blessé, et l’étendard conquis près de son chevet : Adieu, monsieur mon compagnon, lui dit le maréchal ; vous ne devez point plaindre vos plaies ni votre sang répandu, puisque vous remportez une des plus signalées marques d’honneur que saurait désirer un cavalier le jour d’une bataille, et que vous avez là des prisonniers qui vous fourniront de quoi payer vos chevaux tués, faire panser vos blessures, et boire du bon vin pour faire de nouveau sang. […] Ici nous avons encore un autre trait du caractère de Rosny : il est fidèle, il est dévoué, mais il n’est pas désintéressé, et ne se pique pas d’une certaine délicatesse.

659. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — II. (Fin.) » pp. 213-233

La Catherine de Médicis, telle qu’elle se présente et se développe chez Mézeray en toute vérité, est faite pour tenter un moderne : comme il n’y a guère de nouveau que ce qui a vieilli, et qu’on ne découvre bien souvent que ce qui a été su et oublié, le jour où un historien moderne reprendra la Catherine de Médicis de Mézeray en lui imprimant quelques-uns de ces traits un peu forcés qu’on aime aujourd’hui, il y aura un grand cri d’étonnement et d’admiration, et les critiques du moment auront à enregistrer une découverte de plus. […] Il en est qui sont peints, en passant, d’un seul trait qu’on remarquerait dans Tacite et qui échappe ici tout simplement. […]  » Ces traits singuliers en représentent beaucoup d’autres qui ne nous sont point parvenus.

660. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — I. » pp. 431-451

D’esprit proprement dit, d’esprit avec trait et jet (wit), il n’en a aucun. […] C’est bien le même homme qui, se jugeant plus tard à l’âge de cinquante-quatre ans, presque au terme de sa carrière, disait de lui encore : « Le sol primitif a été considérablement amélioré par la culture ; mais on peut se demander si quelques fleurs d’illusion, quelques agréables erreurs n’ont pas été déracinées avec ces mauvaises herbes qu’on nomme préjugés. » Culture, suite, ordre, méthode, une belle intelligence, froide, fine, toujours exercée et aiguisée, des affections modérées, constantes, d’ailleurs l’étincelle sacrée absente, jamais le coup de tonnerre : c’est sous ces traits que Gibbon s’offre à nous en tout temps et dès sa jeunesse. […] Suard a le bon goût de ne pas forcer les traits et de rester dans la mesure.

661. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « De la poésie de la nature. De la poésie du foyer et de la famille » pp. 121-138

Tel nous le voyons de loin sans trop lui faire injure : il a du trait, quelque imagination, de l’élégance, de la roideur. […] Cowper voit dans cette disposition et dans ce vœu universel un cri de la conscience qui, longtemps méconnue, mais non abolie, rappelle toute créature humaine à son origine et à sa fin, et l’avertit de sortir du tourbillon des villes, de cette atmosphère qui débilite et qui enflamme, pour revenir là où il y a des traces encore visibles, des vestiges parlants d’un précédent bonheur, et « où les montagnes, les rivières, les forêts, les champs et les bois, tout rend présent à la pensée le pouvoir et l’amour de Celui qui les a faits. » Et dans une description minutieuse et vivement distincte, où il entre un peu trop d’anatomie, mais aussi de jolis traits de pinceau, il donne idée de la manière d’interpréter et d’épeler la création, et il montre qu’ainsi étudié, compris et consacré, tout ce qui existe, loin d’être un jeu d’enfant ou un aliment de passion, ne doit plus se considérer que comme une suite d’échelons par où l’âme s’élève et arrive à voir clairement « que la terre est faite pour l’homme, et l’homme lui-même pour Dieu. » Tout cela est grave et solennel sans doute, il faut s’y accoutumer avec le poète : Cowper, c’est à bien des égards le Milton de la vie privée. […] L’esprit qui réclame un divertissement nécessaire devrait se tourner vers les écrivains d’une plus solide qualité, dont les traits bien ménagés et le style classique donnent à la vérité un lustre et font sourire la sagesse.

662. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

Les traits y sont contractés, les yeux fatigués, le front soucieux, les joues pâles. […] Les caractères, suivant lui, les personnages des fables de La Fontaine, quels qu’ils soient, animaux, hommes ou dieux, ce sont toujours des hommes et des contemporains du poète ; et il s’applique à de démontrer, en parcourant les principales catégories sociales, roi, courtisans, noblesse, clergé, bourgeoisie, peuple, et en les retrouvant en mille traits dans sire lion, dans maître renard, maître Bertrand, ours, loups, chats et rats, mulets et baudets, etc., etc. […] Parlant d’un coin particulier du Béarn, il dira : Ici les hommes sont maigres et pâles ; leurs os sont saillants et leurs grands traits tourmentés comme ceux de leurs montagnes.

663. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

Il se trompe sur le compte de ses derniers et jeunes amis, jusqu’à les qualifier au rebours du trait dominant. —  L’ardent Bersot, dira-t-il de l’aimable, du bon, de l’honnête, du judicieux et vif, mais non pas ardent Bersot. — On s’y perdrait encore une fois à vouloir relever tous les à-peu-près et toutes les inexactitudes de cette partie des Souvenirs de M.  […] Que je sais de lui des traits délicats et d’une âme toute libérale ! […] la plupart de ses jugements littéraires d’alors, courus et touchés à peine, sont restés charmants : — et sur Xavier de Maistre et son frère, si différents, mais semblables en un point, et en général sur les écrivains de Savoie, fins, sagaces et jamais lourds, et desquels on peut dire que « la finesse italienne a passé par là » ; — et sur Mme de Souza, le romancier aux aimables nuances, qui excelle à cent pages d’amour délicat, mais chez qui « cette délicatesse est compensée par l’absence de tout trait fort et profond : le premier volume de ses romans amuse beaucoup, le quatrième lasse toujours » ; — et sur Mme de Staël, contre laquelle il lance des paroles d’un pronostic, effrayant ; et sur Mme de Genlis, qui a trouvé moyen, avec infiniment d’esprit, de faire entrer l’ennui dans ses livres, car l’hypocrisie de salon les glace ; et sur M. de Jouy, à qui il accorde un peu trop en faveur de son Sylla et de ses vers tragiques dignes de la prose ; et sur Andrieux, dont on essaya un moment de faire l’arbitre du goût ; il écrivait de ce dernier en janvier 1823 : « M. 

664. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Le mariage du duc Pompée : par M. le comte d’Alton-Shée »

Voilà notre don Juan au complet, et de plus qui se croit un bon mari, ce qui est le trait comique. […] On aurait ainsi, à leur moment de délire et d’abandon, le signalement des générations si nombreuses que de loin l’on confond, et à qui l’on ne peut plus que dire avec le poète : Passez, passez, Ombres légères, Allez où sont allés vos pères Dormir auprès de vos aïeux… On saisirait en quelques traits leur physionomie distincte. […] Ce n’eût pas été trop d’un prince de Ligne pour être l’historiographe des princes de l’esprit, — un historiographe comme il en faut aux choses sacrées et dites sous la rose, … un écouteur qui entend à demi-mot, qui court et qui passe, qui ne note que quelques traits rapides et charmants.

665. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Ce qu’il y a de certain, c’est qu’au gré des amis de l’auteur, Bosc ne prit point encore assez de précautions ; car, au milieu de remerciements et d’éloges mérités, on lui reprocha non seulement d’avoir laissé « des redites qu’il eût été aussi facile que nécessaire d’éviter », mais encore de n’avoir pas émoussé ou retiré certains traits cruels et injustes. […] Le préjugé vulgaire nommait Barbaroux, — « Barbaroux dont les peintres ne dédaigneraient pas de prendre les traits pour une tête d’Antinoüs ! […] Mais les preuves manquaient : elles sortent aujourd’hui, elles se produisent ; et c’est ici véritablement un trait essentiel, caractéristique, qu’on est heureux de ressaisir et de voir se dessiner avec éclat.

666. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par le chevalier d’Arneth »

Il y a cependant un trait d’esprit, et assez joli, dans une lettre écrite par la jeune reine au comte Franz de Rosenberg et qui est imprimée ici pour la première fois. […] Dans l’Antiquité la poésie s’en fût saisie aussitôt ; elle l’eut chantée, idéalisée à l’envi et fixée sous des traits déterminés, dans un type immuable. […] Il n’y a plus moyen d’ajouter un trait, de pousser à la perfection, à l’art, de composer sa Princesse de Clèves à souhait.

667. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. »

On a (excepté peut-être pour la partie militaire) les éléments et tous les traits originaux d’un portrait ; ou plutôt, rien qu’à feuilleter du doigt ces deux jolis volumes et à les parcourir en tous sens, le portrait se crayonne et s’achève de lui-même en nous, non sans avoir amené, chemin faisant, toutes sortes de réflexions et de remarques plus ou moins morales et philosophiques. […] Ce trait seul suffirait pour juger à quel point la confiance du prince fut mal servie dans cette occasion par ceux qu’il en avait honorés. » Il était donc curieux ou plutôt actif ; il voulait moins s’instruire que se distraire et s’amuser. […] A ce dernier trait prévu, l’aimable nièce de M. de Feletz baissait les yeux, le spirituel vieillard lançait un vif éclat de rire, et toute la table faisait écho. — Et c’est là ce que j’appelle du bon xviiie  siècle.

668. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Le trait une fois échappé court, blesse, irrite. […] Cette indifférence du fond, qu’acquièrent les hommes publics trempés ou blasés, il la commandait à tous ses traits ; il l’avait imposée à son visage, qui est devenu par là proverbial ; il avait le masque imperturbable, sans grimace ni sourire. […] Comme ce n’est point de l’histoire sévère que j’écris en ce moment, et que je ne vise qu’à mettre en lumière quelques traits essentiels d’un haut et curieux personnage, je veux marquer encore par un contraste sensible ce qu’il avait de supérieur en son genre et en quoi, par exemple, il l’emportait incomparablement pour la tenue, pour le secret, l’esprit de conduite et une dignité naturelle sur des acolytes, gens de beaucoup d’esprit, mais légers, intempérants, et qui ne venaient que bien loin à sa suite dans l’ordre de la politique et de l’intrigue.

669. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SOUZA » pp. 42-61

Une jeune fille qui sort pour la première fois du couvent où elle a passé toute son enfance ; un beau lord élégant et sentimental, comme il s’en trouvait vers 1780 à Paris, qui la rencontre dans un léger embarras et lui apparaît d’abord comme un sauveur ; un très-vieux mari, bon, sensible, paternel, jamais ridicule, qui n’épouse la jeune tille que pour l’affranchir d’une mère égoïste et lui assurer fortune et avenir ; tous les événements les plus simples de chaque jour entre ces trois êtres qui, par un concours naturel de circonstances, ne vont plus se séparer jusqu’à la mort du vieillard ; des scènes de parc, de jardin, des promenades sur l’eau, des causeries autour d’un fauteuil ; des retours au couvent et des visites aux anciennes compagnes ; un babil innocent, varié, railleur ou tendre, traversé d’éclairs passionnés ; la bienfaisance se mêlant, comme pour le bénir, aux progrès de l’amour ; puis, de peur de trop d’uniformes douceurs, le monde au fond, saisi de profil, les ridicules ou les noirceurs indiqués, plus d’un original ou d’un sot marqué d’un trait divertissant au passage ; la vie réelle, en un mot, embrassée dans un cercle de choix ; une passion croissante qui se dérobe, comme ces eaux de Neuilly, sous des rideaux de verdure, et se replie en délicieuses lenteurs ; des orages passagers, sans ravages, semblables à des pluies d’avril ; la plus difficile des situations honnêtes menée à fin jusque dans ses moindres alternatives, avec une aisance qui ne penche jamais vers l’abandon, avec une noblesse de ton qui ne force jamais la nature, avec une mesure indulgente pour tout ce qui n’est pas indélicat : tels sont les mérites principaux d’un livre où pas un mot ne rompt l’harmonie. […] Dans Eugène de Rothelin, l’auteur n’en est plus à cette donnée à demi personnelle et la plus voisine de son cœur ; ce n’est plus une toute matinale et adolescente peinture où s’échappent d’abord et se fixent vivement sur la toile bien des traits dont on est plein. […] Ceux qui ont l’honneur de connaître Mme de Souza trouvent en elle toute cette convenance suprême qu’elle a si bien peinte, jamais de ces paroles inutiles et qui s’essaient au hasard, comme on le fait trop aujourd’hui ; un tour d’expression net et défini, un arrangement de pensée ingénieux et simple, du trait sans prétention, des mots que malgré soi l’on emporte, quelque chose enfin de ce qu’a eu de distinctif le dix-huitième siècle depuis Fontenelle jusqu’à l’abbé Morellet, mais avec un coin de sentiment particulier aux femmes.

670. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

J’essaierai de marquer ici quelques traits de sa manière. […] Lacordaire qui effraie aisément, quand on en isole quelques traits et qu’on n’en veut entendre que certains éclats. […] Sous la figure de l’abbé de Janson, il a peint lui-même, à son insu, quelques traits de sa propre nature, de sa propre ambition spirituelle d’apôtre : « L’apostolat, dit-il, qui était sa vraie, son unique vocation, le tourmentait et l’emportait dès les premiers jours de son sacerdoce. » On était à la fin de l’Empire : M. de Janson cherchait une carrière à son zèle, un champ pour y semer la parole, et n’osant songer à la France, alors muette, il errait en esprit de l’Amérique à la Chine, de la Chine aux bords du Gange : Tout à coup, au sein même de la patrie, poursuit l’orateur, un cri prodigieux s’élève : le descendant de Cyrus et de César, le maître du monde, avait fui devant ses ennemis ; les aigles de l’Empire, ramenées à plein vol des bords sanglants du Dniepr et de la Vistule, se repliaient sur leur terre natale pour la défendre, et s’étonnaient de ne plus ramasser dans leurs serres puissantes que des victoires blessées à mort.

671. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Les hommes, les caractères sont exprimés, à la rencontre, par des traits vigoureux ; mais le tout manque d’un certain éclat, ou plutôt d’une certaine animation intime et continue. […] Dès que sa passion pourtant était en jeu, dans ses articles de polémique, dans ses brochures, il avait bien du trait et de l’acéré. […] Il les caractérise, l’un après l’autre, à grands traits.

672. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mme du Châtelet. Suite de Voltaire à Cirey. » pp. 266-285

Il semble avoir été tracé par une Furie à froid, qui sait écrire, et qui grave chaque trait en trempant sa plume dans du fiel ou dans du vitriol. […] Le trait final est aussi le plus perfide et le plus humiliant ; on l’y montre comme s’attachant à tout prix à la célébrité de M. de Voltaire : « C’est lui qui la rend l’objet de l’attention du public et le sujet des conversations particulières ; c’est à lui qu’elle devra de vivre dans les siècles à venir, et, en attendant, elle lui doit ce qui fait vivre dans le siècle présent. » Pour compléter la satire, il faut joindre à ce portrait de Mme du Châtelet, par Mme Du Deffand, les lettres de Mme de Staal (de Launay) à la même Mme Du Deffand, où nous est représentée si au naturel, mais si en laid, l’arrivée de Mme du Châtelet et de Voltaire, un soir chez la duchesse du Maine, au château d’Anet : « Ils apparaissent sur le minuit comme deux spectres, avec une odeur de corps embaumés. » Ils défraient la société par leurs airs et leurs ridicules, ils l’irritent par leurs singularités ; travaillant tout le jour, lui à l’histoire, elle à Newton, ils ne veulent ni jouer, ni se promener : « Ce sont bien des non-valeurs dans une société où leurs doctes écrits ne sont d’aucun rapport. » Mme du Châtelet surtout ne peut trouver un lieu assez recueilli, une chambre assez silencieuse pour ses méditations : Mme du Châtelet est d’hier à son troisième logement, écrit Mme de Staal ; elle ne pouvait plus supporter celui qu’elle avait choisi ; il y avait du bruit, de la fumée sans feu, il me semble que c’est son emblème. […] c’était une affaire d’État alors, et l’avenir d’un homme en dépendait.) — « Il faut à tout moment, s’écrie-t-elle, le sauver de lui-même, et j’emploie plus de politique pour le conduire que tout le Vatican n’en emploie pour retenir la chrétienté dans ses fers. » Ce dernier trait est au moins solennel et peut sembler disproportionné, mais c’est ainsi que raisonne la passion.

673. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Confessions de J.-J. Rousseau. (Bibliothèque Charpentier.) » pp. 78-97

Je vais travailler pour ainsi dire dans la Chambre obscure ; il n’y faut point d’autre art que de suivre exactement les traits que je vois marqués. […] En la peignant, le style de Rousseau s’adoucit et s’amollit avec grâce, et en même temps on découvre aussitôt un trait, une veine essentielle qui est en lui et dans toute sa manière, je veux dire la sensualité. […] Ce trait est encore essentiel ; il tient à cette nature de bourgeois et d’homme du peuple que j’ai noté dans Rousseau.

674. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Étienne Pasquier. (L’Interprétation des Institutes de Justinien, ouvrage inédit, 1847. — Œuvres choisies, 1849.) » pp. 249-269

Au retour, il débuta comme avocat au barreau de Paris (1549), et en même temps, pour occuper ses loisirs, il se livra à la poésie, à la composition littéraire, caractère qui distingue sa génération d’avocats, et Pasquier entre tous les autres : « Lorsque j’arrivai au Palais, dit-il, ne trouvant qui me mît en besogne, et n’étant né pour être oiseux, je me mis à faire des livres, mais livres conformes à mon âge et à l’honnête liberté que je portois sur le front : ce furent des Dialogues de l’amour… » Les dialogues galants et amoureux, les sonnets qu’Étienne Pasquier publia dans ces années de jeunesse, et auxquels il se reportait avec complaisance et sourire en vieillissant, ne prouvent rien autre chose que de l’esprit, de la facilité, de la subtilité ingénieuse, et on n’y trouve d’ailleurs aucun trait original qui puisse assigner rang à leur auteur parmi les vrais poètes. […] L’un d’eux, pour exprimer qu’il était « prompt et dru à la besogne », ajouta, en lui parlant, qu’il était franc au trait : « métaphore, nous dit Pasquier, qui est tirée des bons chevaux qui sont au harnois ; dont je ne me fusse jamais avisé, pour n’avoir été charretier ; un pitault de village me l’apprit ». […] Ce serait ne pas tout rendre à sa mémoire que de ne pas remarquer que cette qualité du judicieux, si essentielle en lui, et qu’il possédait avec tant de plénitude et d’étendue, est celle aussi qui a reparu comme un trait distinctif et comme une ressemblance de famille chez le dernier et le plus illustre de ses descendants.

675. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Maintenon. » pp. 369-388

En ces années de jeunesse, le trait principal de son caractère et de sa position dans le monde me paraît avoir été celui-ci : elle était de ces femmes qui, dès qu’elles ont un pied quelque part, ont à l’instant l’art et le génie de se faire bien venir, de se rendre utiles, essentielles, indispensables en même temps qu’agréables en toutes choses. […] Telle Mme de Maintenon était chez ses amies, Mme d’Heudicourt, Mme de Montchevreuil, telle à l’hôtel d’Albret et à celui de Richelieu ; d’une attention à plaire à tout le monde, et d’une complaisance industrieuse que Saint-Simon a notée avec raison et qu’il a peinte aux yeux comme il sait faire : car, au milieu de ses exagérations, de ses injustices et de ses inexactitudes, il y a (ne l’oubliez pas) de grands traits de vérité morale dans ce qu’il dit de Mme de Maintenon ; mais l’explication qu’il donne de ce zèle empressé a plus de dureté qu’il ne convient, et je m’en tiendrai à celle qui nous est indiquée par Mme de Maintenon elle-même. […] Quand les dames de Saint-Cyr la pressaient dans sa retraite dernière d’écrire sa vie, elle s’en défendait, en disant que ce serait une histoire uniquement remplie de traits merveilleux tout intérieurs : « Il n’y a que les saints qui pourraient y prendre plaisir. » Et elle croyait parler humblement en s’exprimant ainsi.

676. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — I. » pp. 401-420

Elle intercepta une de ces dépêches, y lut les particularités de ses relations avec d’Aubigny ; mais ce qui la piqua le plus, c’est que l’ambassadeur ajoutait comme dernier trait qu’on les croyait mariés. […] C’est, en effet, un trait original et des plus distinctifs du caractère de Mme des Ursins que d’avoir su être une personne aussi tranquille au fond, sous une forme aussi active et dans une destinée si agitée ; et c’est à cela qu’elle dut, après une chute si rude à soixante-douze ans, de s’en être allée mourir en paix et de vieillesse à quatre-vingts. Mais il est encore bien d’autres traits à relever dans sa nature, et qui la mettent en parfait contraste avec son amie Mme de Maintenon.

677. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le président de Brosses. Sa vie, par M. Th. Foisset, 1842 ; ses Lettres sur l’Italie, publiées par M. Colomb, 1836. » pp. 85-104

Quand de Brosses visita le Vatican, il y trouva les élèves de notre Académie de peinture occupés à copier les tableaux de Raphaël, et il n’en fut point satisfait du tout : leur dessin lui parut correct, le contour exact : « Mais on n’y retrouve plus, disait-il, ce feu ni ce trait hardi des originaux. […] Je joindrai ici quelques-uns de ses jugements divers qui ont particulièrement trait au goût français : sur la musique, par exemple, — il jugeait la nôtre ce qu’elle était alors. […] Qu’on se figure cette diversité de physionomies, d’esprits, et même de tailles : de Brosses plein de trait et gesticulant à sa manière, entre Diderot qui s’échauffe et Buffon qui écoute.

678. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre V. Séductions pour la compréhension de la psychologie indigène. — Conclusion »

Le conteur, pour flatter l’Européen, prendrait comme type de la beauté pure les traits de la race blanche. […] Chez eux ils regardent comme les plus beaux et les plus belles ceux dont les traits du visage et la couleur de la peau se rapprochent le plus de la race blanche ». […] -F., Les deux amis peuhl, et celui de la coquette où se trouve un trait de l’histoire de Damon et Pythias (Les deux amis brouillés par une maîtresse).

679. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 272-273

Dans ce dessein, il laisse à part les traits qui appartiennent à l’Histoire profane, & se contente d’indiquer ceux qui ont des rapports nécessaires avec les événemens qu’il raconte.

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