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1331. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lebrun, Pierre (1785-1873) »

Édouard Fournier Il échapperait à notre temps, s’il était resté ce que son âge, — il naquit en 1785, — voulait qu’il fût d’abord : un arrière-classique, un poète de l’Empire, rimant des Odes sur la Guerre de Prusse, sur la Campagne de 1807 et des tragédies telles qu’Ulysse et Pallas, fils d’Évandre ; mais il lui appartient, par la part qu’il prit au mouvement rénovateur, avec sa pièce de Marie Stuart assez fièrement imitée de celle de Schiller et surtout avec son brillant Voyage en Grèce, l’œuvre la plus sincère, la plus vraie de couleur et la plus éclatante qui ait été inspirée chez nous par la guerre des Hellènes. […] Eugène Lintilhac Parmi les lyriques, nous retrouvons l’inévitable Lebrun-Pindare qui se survit ; son homonyme Pierre Lebrun, beaucoup plus sincère, qui, dans ses odes (Au Vaisseau de l’Angleterre, Sur la Grande Armée, À Jeanne d’Arc, Sur la Grèce, etc…), se montre un précurseur direct, quoique trop sage de Béranger et de Victor Hugo… Mais quels émules il eut en son temps ! Pour mesurer le vide de cette poésie officielle, le faux goût de ces oripeaux mythologiques du Style Empire, qu’on aille méditer cette chute d’une strophe du temps, en face du bas-relief de l’Arc-de-Triomphe où Napoléon est si lourdement couronné : Et qui pourra prêter, pour tracer ton histoire, Une plume à Clio ?

1332. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Préface » pp. 1-3

Comment réussir à l’y intéresser, surtout en ces temps de préoccupation politique et d’orage ? […] Les temps redevenant plus rudes, l’orage et le bruit de la rue forçant chacun de grossir sa voix, et, en même temps, une expérience récente rendant plus vif à chaque esprit le sentiment du bien et du mal, du juste et de l’injuste, j’ai cru qu’il y avait moyen d’oser plus, sans manquer aux convenances, et de dire enfin nettement ce qui me semblait la vérité sur les ouvrages et sur les auteurs. […] Des juges ordinairement plus sévères ont bien voulu dire de ces articles du Constitutionnel, et en les approuvant : « Il n’a pas le temps de les gâter. » J’accepte le jugement, trop heureux d’y trouver à ce prix un éloge.

1333. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 23, quelques remarques sur le poëme épique, observation touchant le lieu et le tems où il faut prendre l’action » pp. 179-182

Section 23, quelques remarques sur le poëme épique, observation touchant le lieu et le tems où il faut prendre l’action Un poëme épique étant l’ouvrage le plus difficile que la poësie françoise puisse entreprendre, à cause des raisons que nous exposerons en parlant du genie de notre langue et de la mesure de nos vers, il importeroit beaucoup au poëte qui oseroit en composer un, de choisir un sujet où l’interêt general se trouvât réuni avec l’interêt general se trouvât réuni avec l’interêt particulier. […] Que le poëte choisisse donc son sujet en des tems qui soient à une distance convenable de son siecle, c’est-à-dire en des tems que nous n’aïons pas encore perdus de vûë, et qui soïent cependant assez éloignez de nous pour qu’il puisse donner aux caracteres la noblesse necessaire sans qu’elle soit exposée à être démentie par une tradition encore trop recente et trop commune.

1334. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome III

L’exemple des mauvaises mœurs détruit les impressions religieuses, le temps en affaiblit le souvenir. […] Il fallait du temps pour cela ; mais enfin la bombe a crevé, et chacun en a ressenti les éclaboussures. […] Mais ce qui révolta tous les esprits, c’est la bassesse et la lâcheté de Vendôme, absolument contraires aux mœurs et à l’esprit du temps où l’on suppose qu’il a vécu. […] Quelque temps après il se rendit à Ferney, et instruisit Voltaire de l’effet des premières représentations de L’Orphelin de la Chine. […] Et dans quel temps un dictateur fut-il jamais plus nécessaire ?

1335. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

Cette nature était allemande par le terroir, grecque par la beauté, française par l’indépendance des préjugés des lieux et des temps. […] Nos temps n’ont pas d’exemple d’une commotion pareille imprimée par quelques pages à l’imagination du monde. […] De tout temps et en tout pays l’homme aspire plus haut que sa nature bornée ici-bas, immortelle ailleurs ; de tout temps, disons-nous, l’homme, ambitieux d’infini, s’est cassé la tête contre les murs de sa prison terrestre ; il a voulu être dieu, au moins pour un temps, au moins ici-bas, et, pour conquérir cette puissance surhumaine, il l’a empruntée tantôt à Dieu par la prière, tantôt au diable, cette parodie malfaisante de la Divinité. […] Il faudra bien que la poésie y remonte si elle ne veut pas salir sa robe dans la lie des ruisseaux où l’on s’efforce de l’entraîner depuis quelque temps. […] … songez à moi quelquefois un petit moment ; j’aurai assez de temps pour me souvenir de vous !

1336. (1856) Cours familier de littérature. II « XIIe entretien » pp. 429-507

Ce n’est pas la voix d’un homme, c’est la voix d’un temps. […] Ce n’est pas au moment du coup qu’on sent la douleur, c’est au contrecoup : il faut du temps à tout, même au supplice. […] « Appelleras-tu en leur temps des signes dans les cieux, l’Ourse et sa brillante race ? […] « Mais, lorsqu’il en est temps, quand elle élève ses ailes, elle se rit du cheval et du cavalier. […] « L’homme né de la femme vit très peu de temps, et ce petit espace de temps est comblé de beaucoup de misères.

1337. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

Ce temps est loin ; et c’est peut-être pour cela que la comédie de M.  […] Il ne serait que temps, mais on n’ose plus l’espérer. […] Snobisme ou cabotinage, c’est bien la marque du temps où nous vivons. […] le bon temps que celui où j’exerçais cette profession surannée !  […] s’écrie-t-il ; j’aurai toujours le temps ! 

1338. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

Et il promet que le surréalisme interviendra à temps pour favoriser la liberté de l’esprit. […] Dans quelle mesure l’œuvre exprime-t-elle le temps, le pays ; à quoi sert-elle ? […] Maurois, les meilleurs Anglais de ce temps-ci, un Strachey, un D.  […] Il n’était plus temps. […] Ils avaient bien le temps.

1339. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome II

Cela prouve, ce que nous avons dit ailleurs, qu’il est inexact de comparer la sécrétion d’une glande salivaire observée pendant un temps limité pour juger de la sécrétion de celle du côté opposé, dans le même temps. […] Après ce temps, j’y fixai la petite vessie de caoutchouc. […] Nous vous demandons la permission de nous arrêter quelque temps sur ce sujet. […] Berthelot a repris dans ces derniers temps ces expériences avec beaucoup de soin. […] La sécrétion commençait très peu de temps après l’ingestion des aliments dans l’estomac.

1340. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

Elle nous sépare des temps où nous vivons et nous reporte aux temps où nous voudrions revivre. […] Saisi d’une fièvre chaude, il a frappé avec colère la terre du pied ; il s’est précipité dans l’éternité par dégoût du temps. […] Cette parenté de l’homme par l’âme, commune avec tous les êtres animés de la nature, est une charité poétique qui caractérise ses poèmes et qui donne à ses descriptions la double vie du temps et de l’éternité. […] XXV La vraie poésie de Laprade, c’est la poésie de ce temps, c’est la nature. […] Nous avons, comme un autre, les passions nobles et collectives du temps où nous vivons ; nous aimons avec une sainte ardeur la liberté régulière, le patriotisme honnête renfermé dans les bornes du droit public, la grandeur irréprochable de notre pays, pourvu que cette grandeur de la patrie ne soit pas l’abaissement des autres nations, qui ont le même droit que nous de vivre grandes sur le sol et sous les lois que le temps a légitimées pour tous les peuples.

1341. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (1re partie) » pp. 305-364

Je la suivis quelque temps comme un oisif qui se promène, et je priai un obligeant inconnu, qui avait franchi avec moi la muraille, d’aller me chercher un cabriolet à la place la plus voisine où il pourrait en rencontrer un. […] nous ne sommes plus au temps où le poëte Parlait au ciel en prêtre, à la terre en prophète ! […] « À sa voix, en vos temps de folie et de crime, « Les révolutions ont ouvert leur abîme. […] « Ils ne sont pas du monde et du temps dont nous sommes. […] Les étudiants volent l’honneur des grisettes ; les grisettes, le temps et l’argent des étudiants, et les économies de leurs mères.

1342. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (3e partie) » pp. 161-219

Ils surprirent le Pape au lit, lui laissant à peine le temps de se lever. […] Il le laissa passer pour se donner du temps ; Pie VII passa et arriva à Rome porté sur les bras et sur le cœur du peuple. […] Consalvi mourut peu de temps après ce dernier entretien. […] Il y a et il y a eu en tout temps des esprits contentieux, ambitieux, impolitiques, mal nés, et qui ne connaissent les doctrines auxquelles ils se prétendent attachés, que par la haine que les partis contraires leur inspirent. […] Il ne demandait à la Providence que de survivre assez de temps pour lui élever un tombeau qu’ombragerait le sien ; il en confia le dessin et l’exécution à Canova, qu’il aimait comme il avait aimé Cimarosa.

1343. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre I. Le broyeur de lin  (1876) »

Le sens de ces origines obscures se perdit avec le temps. […] Mais déjà, vers le temps de la Révolution, ils étaient devenus rares. […]  » Au bout de quelque temps, ce fut cruel. […] Le sacristain avait été vu dans l’église tout le temps de l’office. […] Depuis ce temps, on ne vit presque plus le broyeur de lin ni sa famille.

1344. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

Il y a des gens qui croient que le temps consacré aux brouillons est du temps perdu, et qu’il vaut bien mieux écrire tout de suite la copie définitive. […] La vie, cela se passe dans le temps. […] Au reste, le temps manque pour réfléchir. […] La différence entre le temps de Voltaire et le temps de Sainte-Beuve est ici frappante. […] Un temps très court, comme le temps qui s’est écoulé depuis l’armistice, nous permet déjà de tracer des courbes et d’enregistrer une évolution.

1345. (1902) Les poètes et leur poète. L’Ermitage pp. 81-146

Il fut le doux prophète des temps nouveaux. […] Il y a temps pour Lamartine, pour Vigny, pour Hugo, temps pour Musset, pour Baudelaire et pour Verlaine. […] De Vigny, la harpe solennelle des vieux temps hébraïques. […] Irez-vous lui demander ce qu’il pense du temps et de l’espace, ou de l’avenir des sociétés ? […] C’est l’âme la plus naturellement poétique des temps modernes avec Byron, Shelley, Ronsard, Le Tasse.

1346. (1888) Impressions de théâtre. Première série

On s’est plu, de notre temps, à en rechercher les origines. […] Il y a donc encore des enfants, dans ce temps morose ? […] Il est temps qu’il tue Claudius. […] Le groupe Schaunard, c’est la bohème littéraire de ce temps-là. […] Mais le temps efface bien des choses.

1347. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

Elles étaient trop avancées pour le temps. […] Cousin qui n’eut pas le temps d’apprendre l’allemand suffisamment, fut initié en français, par MM.  […] C’était peu de temps avant mon départ pour l’Allemagne. […] Aux unités d’action, de temps, et de lieu, de la tragédie classique, nous avons substitué l’unité d’impression, la seule vraie, et au lieu de la chercher par des voies détournées, nous la poursuivons en ligne droite… Le système classique est né de la vie de son temps ; ce temps est passé : son image subsiste brillante dans ses œuvres, mais ne peut plus se reproduire. […] Aujourd’hui, ne serait-il pas temps de mettre fin à cette ironie trop prolongée ?

1348. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre III. Des Ruines en général. — Qu’il y en a de deux espèces. »

Il y a deux sortes de ruines : l’une, ouvrage du temps ; l’autre, ouvrage des hommes. […] Quand Dieu, pour des raisons qui nous sont inconnues, veut hâter les ruines du monde, il ordonne au Temps de prêter sa faux à l’homme ; et le temps nous voit avec épouvante ravager dans un clin d’œil ce qu’il eût mis des siècles à détruire.

1349. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

Je t’avertis à temps !  […] Ainsi chaque chose a son temps, et ce temps donne le cachet à chaque chose, et réciproquement. […] Mais moi, qu’ai-je fait pour lui dans le même temps ? […] Passez, notaire, où il resta le même temps. […] Il composait, en ce temps-là, David Séchard.

1350. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

Mais ce que les anciens ont de beau et de bon n’est-il pas de tous les temps ? […] À le bien prendre, tous les grands écrivains ont été romantiques de leur temps. […] En attendant, et je crois que j’attendrai long temps, recevez l’assurance des sentiments les plus distingués, etc., etc. […] De tout temps il y a eu une petite divergence entre l’opinion du public et les arrêts de l’Académie. […] L’amour, ce sentiment des modernes qui n’était pas né du temps de Sophocle, anime la plupart de ces sujets ; par exemple, l’aventure de Limousin et Raimbaud.

1351. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

Depuis ce temps nos écrivains furent des spécialistes, nos romans des monographies très fouillées de phénomènes contingents, d’épisodes exceptionnels. […] Voici le temps des Apparus dans mes chemins et le talent du poète va subir une totale et logique métamorphose. […] Au temps où il débuta dans les lettres régnait la plus étrange confusion. […] Et c’est pour cela, qu’il faudrait s’y arrêter quelque temps. […] Il nécessite un site et un temps.

1352. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIIe entretien » pp. 87-159

Ces poètes, ces orateurs, ces hommes d’État, bien que remplacés sur les trois scènes par des hommes qui soutiennent le nom de leur patrie, semblent avoir épuisé pour un temps la prodigieuse fécondité de l’esprit humain dans le commencement de ce siècle. […] Mais notre titre de Français du dix-neuvième siècle ne doit pas nous empêcher cependant de rendre justice à notre patrie et à notre temps. […] Ainsi consolons-nous d’être les fils de ces deux ou trois siècles qui ont perdu leur temps à calquer des langues et des littératures mortes. […] Nous essayerons de résoudre cette question littéraire quand nous examinerons les œuvres du plus grand comique de tous les temps et de toutes les nations. […] Sa langue, jusque-là heurtée par la pensée, et hâtée par la précipitation qui ne lui laissait pas le temps de rien polir, y prit l’ampleur de Cicéron.

1353. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — II. (Fin.) » pp. 364-380

Le Théâtre-Italien d’alors, à quelques égards, c’était le Gymnase du temps. […] Les pièces de Marivaux semblent faites pour tenter ainsi et susciter, de temps à autre, des acteurs et des actrices qui cherchent la distinction, et qui sont destinés aux caractères fins et de bonne compagnie. […] À le peindre suivant l’idée qu’en donnent les cœurs volages, on en ferait un enfant ; et voilà justement comme on l’a compris de tout temps. […] Ses amis, sous prétexte de l’enrichir du temps du Système, l’avaient ruiné. […] Marivaux, étudié surtout par les hommes du métier, par les critiques ou les auteurs dramatiques, a autant gagné que perdu avec le temps : il est plein d’idées, de situations neuves qui ne demandent qu’à être remises à la scène avec de légers changements de costume.

1354. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — I. » pp. 381-397

Ainsi la poésie, ainsi l’éloquence, sont des dons naturels qui, du temps de Villehardouin et de Quènes de Béthune, n’étaient pas moins réels ni de près, peut-être, moins frappants qu’ils ne le seront à des âges de société plus en vue. […] En ce temps-là, le gouvernement de Venise n’était plus ce qu’il avait été autrefois ; le doge ne représentait plus cette espèce de monarque électif visant à l’hérédité, nommant les magistrats, décidant à peu près souverainement de la paix ou de la guerre, et qui, avec un peu d’art, faisait agréer à rassemblée générale du peuple ses résolutions à l’avance arrêtées. […] Commynes, dans le temps de l’expédition et de la conquête de Charles VIII en Italie, fut envoyé à Venise pour tâcher d’y conjurer le mauvais vouloir, d’y maintenir la neutralité et d’empêcher d’y nouer la ligue formidable qui allait mettre, au retour, le monarque français à deux doigts de sa perte. […] Mais que fera ce bon doge aveugle et nonagénaire, ainsi croisé, en ces temps de rude guerre et où il s’agissait surtout pour les chefs de payer de leur personne ? […] Et puis, outre cette culture du millet qu’on a rappelée spirituellement, il y a, ne l’oublions pas, à compter aussi cette autre semence invisible et légère qu’on appelle la gloire, qui n’est point aussi vaine qu’on le croirait, qui étouffe et chasse des cœurs les tièdes mollesses, les empêche à temps de se corrompre, et qui, impérissable par essence, s’entretient dans les âmes et les races généreuses à travers les siècles86.

1355. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — III. (Fin.) » pp. 162-179

Le président Jeannin, qui prévoyait qu’on n’aboutirait point par cette voie, fit en juin un voyage en France, dans lequel il se fixa avec Henri IV sur la conduite à tenir ; il avait amené le roi à son idée de conclure une longue trêve au lieu d’une paix, et de retour en Hollande, trouvant le projet de paix rompu, il y substitua heureusement et à temps sa proposition moyenne pour laquelle, avec un peu d’effort de son côté, tout le monde bientôt s’accorda. […] Deux grands rois qu’on a essayé de séparer de votre amitié sont demeurés fermes et constants en leur première affection, et n’ont eu ensemble qu’un même avis en la conduite de cette affaire… La plus grande prudence aux affaires d’importance est de se servir de l’opportunité, et de considérer qu’en peu de temps les changements arrivent en l’instabilité des choses humaines et des volontés des hommes, qui rendent impossible ce qui était auparavant aisé. […] Il avait tâché de lui faire rétablir et payer une pension de France qui lui avait été autrefois accordée par Henri III, et de le ramener, s’il se pouvait, dans sa patrie ; il en écrivit à Villeroi qui promit de s’y employer : « J’ai trouvé aussi, écrivait-il à Scaliger, M. de Sully plus doux et courtois que je ne pensais. » Mais on différa trop, et Scaliger eût le temps de mourir avant le bienfait : Il est fort regretté ici, où sa vertu et grande suffisance aux lettres ont été mieux reconnues qu’en France, écrivait le président Jeannin à de Thou, et à la vérité c’est honte à nous de n’en avoir eu plus de soin pendant qu’il a vécu. […] Nervèze, une des belles plumes du temps, en fit le sujet d’une épître consolatoire adressée au père (1612). […] Rathery la connaissance d’une lettre de Jeannin à Villeroi, écrite vers le temps de la régence.

1356. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — I » pp. 1-17

Ce journal unique en effet, et dans lequel durant plus de trente ans Dangeau écrivit ou dicta tous les soirs ce qui s’était fait ou passé à la Cour dans la journée, n’est qu’une gazette, mais exacte et d’un prix qui augmente avec le temps. […] Mais en ce qui est du journal, ce qui amusait véritablement Mme de Maintenon (elle le dit et ce devait être, elle flatte peu, même ses amis), ce qui lui rappelait ce qu’elle avait oublié et qui l’obligeait parfois à rectifier quelques-uns de ses souvenirs, n’est-ce donc rien pour nous, et ne devons-nous pas savoir gré à celui qui nous met à même d’avoir comme vécu à notre tour en ce temps-là ? […] Il y établit un principal instituteur qui choisissait les autres, ce qui n’empêchait pas le marquis et l’abbé de Dangeau, son frère, de venir de temps en temps inspecter la manutention et l’ordre de la maison. […] il y avait mieux, il y avait de l’exactitude du physicien, du statisticien qui prend note chaque jour de certaines variations du temps et de ce qui se passe dans l’atmosphère. […] Vers le temps où Monseigneur prend cette résolution, on remarque chez Dangeau une phrase qui revient presque constamment chaque jour, par exemple : « Monseigneur se promena à pied dans les jardins avec Mme la princesse de Conti et les filles. — Mme la Dauphine passa l’après-dînée chez Mlle Bezzola ; elle y va les jours que Mlle Bezzola n’a point eu la fièvre. » Mlle Bezzola était une femme que la Dauphine avait amenée d’Allemagne, son intime confidente, et à laquelle elle était très attachée.

1357. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — II » pp. 76-92

Molière, qui sait son Lucrèce, n’a guère eu le temps ni l’occasion, près de Gassendi, d’aller jusqu’à Homère. […] Pour composer une Énéide, il faut le talent d’abord ; il faut aussi que le temps et les princes y soient propices ; et rien de cela ne se rencontrait au berceau de La Franciade. Au lieu de venir à l’une de ces grandes époques où le monde se rassoit, Ronsard tombait dans un temps où tout bouillonne, et où, pour ainsi dire, on entre dans la chaudière. […] Chapelain est un esprit judicieux, réglé, de tout temps un peu lourd, venu à la suite, et digne finalement par ses vers de toute la risée de Boileau et de tout notre oubli. […] J’avais alors beaucoup de choses à vous dire plus nécessaires que celles-là, et à peine avais-je assez de temps pour vous le dire.

1358. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Essai sur l’Histoire générale des sciences pendant la Révolution française. »

Quoiqu’il aimât beaucoup à raconter, on sait peu de choses précises sur sa jeunesse et les premiers temps de sa vie ; car les anecdotes contées et écoutées debout, au coin de la cheminée, s’envolent et, il lui répugnait de rien écrire qui ressemblât à une biographie, ou même de répondre aux questions de ce genre, pour peu qu’elles eussent un but. […] Il aimait à parler de ce temps-là, des circonstances qui précédèrent et suivirent la bataille. […] Les procédés employés pour le purifier demandaient beaucoup de temps ; le seule construction des moulins à poudre eût exigé plusieurs mois : avant ce terme, la France était subjuguée. […] Remarquez bien qu’on leur demande d’indiquer le poison ; car, en ces temps de soupçon et de haine, on n’hésite pas, on a besoin de croire à toutes les sinistres rumeurs ; elles font partie de l’exaltation publique et la soutiennent ; et c’est Robespierre, le plus soupçonneux des hommes par tempérament et par système, qui préside le Comité. […] Les volumes de Mélanges contiennent quelques articles insérés au Mercure de France, à ce Mercure déjà mort ou mourant dès le temps de La Bruyère, depuis lors remourant sans cesse, et qu’on essayait de ressusciter en 1809, sous le titre de Nouveau Mercure.

1359. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

Calemard de Lafayette était, il y a une quinzaine d’années, un jeune littérateur de Paris ; il s’occupait de poésie et de critique ; il était du groupe de l’Artiste et en train de se faire un nom, tout en se livrant à ses goûts préférés, lorsque, vers ce temps, des circonstances de famille et de fortune l’enlevèrent à la vie parisienne : il avait le bonheur et l’embarras d’être propriétaire foncier ; il se retira dans ses terres aux environs du Puy, dans la Haute-Loire, et se mit à les exploiter lui-même ; il prit goût à l’agriculture, à l’amélioration du sol et des colons ; l’amour de la poésie l’y suivit, et il combina ces deux amours, celui des champs et celui des vers : il en est résulté le poème dont j’ai à parler et qui a paru il y a quelques mois. […] C. de Lafayette que Buffon dirait ce qu’il disait des chantres des Jardins, des Saisons et des Mois son temps, qu’ils parlaient tous comme s’ils n’avaient jamais vu ni les mois, ni les jardins, ni les saisons : ici tout nous montre l’homme pratique qui habite au cœur de son sujet. […] Remarquez bien que ce Virgile que vous invoquez n’a point procédé ainsi contre les philosophes et théoriciens de son temps, contre le grand Lucrèce qui était bien le plus terrible des négateurs : il ne lui a point jeté la pierre ; il l’a honoré et respecté encore, même en s’en séparant. […] Le progrès est frappant sur tous les poèmes des champs et de l’agriculture qui ont précédé, soit dans le dernier siècle, soit au commencement de celui-ci : c’est un progrès analogue à celui de notre jeune école de paysagistes sur ses prédécesseurs au temps du premier Empire. […] Le temps n’est plus où Mécène, au nom du maître du monde, demandait à Virgile des Géorgiques ; aussi n’avons-nous que des fragments.

1360. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Etienne-Jean Delécluze »

Delécluze, qui a beaucoup écrit, n’est pourtant pas, à proprement parler, un écrivain ; mais c’est un des originaux de ce temps-ci. […] Avant d’entrer dans l’atelier même de David, le jeune Étienne fut admis, par manière de stage, dans celui de Moreau, élève de David, et à qui ce dernier avait prêté pour un temps l’atelier où était son tableau des Horaces. […] Après l’état des lieux, on a le dénombrement et le signalement, des élèves dont aucun, à ce moment-là, si, l’on excepte Granet, n’était destiné à devenir un grand peintre ; le temps des Gérard, Gros, Girodet, était passé : celui d’Ingres ne devait venir qu’un peu après. […] Louis David, son École et son Temps, Souvenirs par M.  […] On a grandement abusé de ce titre d’élève de David ; il y en eut un des plus obscurs dont Étienne ne parle pas ou qu’il ne met que dans sa liste de la fin, et qui dut être de ce temps ou d’un peu après.

1361. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Il y vécut dans les premiers temps avec Berthaud et Hégésippe Moreau, au n° 3 de la rue des Beaux-Arts. […] Son intimité avec Berthaud et surtout avec Hégésippe Moreau, avec qui il vécut quelque temps, je l’ai dit, rue des Beaux-Arts, et à qui même il prêta plus d’une fois sa grande redingote verte d’un vert clair, pourra devenir l’objet d’un chapitre intéressant. […] Veyrat n’est pas seulement une des figures poétiques, c’est une des âmes, un des témoins de ce temps-ci : un Donoso Cortès de la Savoie. […] Je reviens maintenant, et du temps accompli, Sire, à Dieu comme à vous, je demande l’oubli ! […] Il avait passé ce temps de proscription à Rennes, dans sa propre maison.

1362. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « APPENDICE. — CASIMIR DELAVIGNE, page 192. » pp. 470-486

Delavigne ne sut point se retirer à temps et s’obstina à poursuivre au delà du terme une mission déjà achevée. […] L’ensemble de son talent et de ses ouvrages n’a cessé de le mériter : en ce temps d’inégalités, de revirements et de cascades sans nombre, la conscience poétique suivie, la continuité du bien et de l’effort vers le mieux marquent un trait de force et d’originalité aussi. […] Elle ne le fut chez les Grecs eux-mêmes, et dans cette démocratie d’Athènes, que durant un temps. […] Son vieux et noble père, pour avoir tant vécu du temps de Robert Walpole, n’a pas assez d’expérience. […] A la scène, cela romprait à temps cette nuance estimable d’Odilon Barrot qui tient trop de place au fond de la pièce.

1363. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — II »

En d’autres temps, en des temps comme les nôtres, où les proportions du drame doivent être si différentes de ce qu’elles étaient alors, qu’aurait-il fait ? […] Du temps de Racine, Fénelon, son ami, son admirateur, et qui semble un de ses parents les plus proches par le génie, écrivait de Molière : « En pensant bien, il parle souvent mal. […] Quoi qu’il en soit, il énonçait à coup sûr, dans cette lettre à l’Académie, l’opinion de plus d’un esprit délicat, de plus d’un académicien de son temps, et Racine lui-même se serait probablement entendu avec lui pour critiquer sur beaucoup de points la diction de Molière. […] Il causa quelque temps avec le prélat qui, l’ayant aperçu, l’avait fait appeler par politesse. […] Il usait son temps et son crédit à ces démarches, avec un zèle où il entrait quelque pensée d’expiation.

1364. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — II. (Fin.) » pp. 206-223

Je ne veux pas dire qu’il la peignit simplement, ni de la manière qu’elle-même, en son meilleur temps, eût préférée ; je dis seulement qu’avec les moyens et les procédés de couleur qui étaient à lui, il nous rendit vivement la sensation de la Grèce. […] Barthélemy, en voulant se forcer, confond tous les tons ; il s’y ressouvient, en commençant, des chœurs d’Esther et des psaumes hébreux de la captivité ; puis il parle au nom des cœurs sensibles de tous les temps et de tous les pays. […] Depuis quelque temps une autre Grèce est redevenue de mode, plus franche, assure-t-on, plus réelle et mieux calquée sur les originaux, souvent aussi trop peu élégante. […] Il lui restait son Cabinet des médailles ; mais de tels asiles, dans les temps de révolution, ne sont point inviolables et sacrés. […] Barthélemy, disait-il dans ce langage sentimental du temps, mais où perçait une affection sincère, Barthélemy fut un excellent homme à tous égards.

1365. (1903) Considérations sur quelques écoles poétiques contemporaines pp. 3-31

Il y eut de tout temps, en matière poétique, les novateurs et les conservateurs, les anciens et les modernes. […] La plupart du temps, d’ailleurs, ceux qui attaquent les Symbolistes ne les ont pas lus. […] À la vérité, Racine dans les Plaideurs, Corneille, parfois même Boileau, s’étaient laissés aller de temps à autre à ce déplacement de la césure, mais sans se rendre compte de l’avantage et de l’utilité d’une telle licence. […] Ce qui est ferme est par le temps détruit, Et ce qui fuit au temps fait résistance. […] Il ne s’agit pas, sans doute, de l’employer à tout coup, mais encore faut-il qu’on en ait, de temps à autre, la possibilité.

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