D’abord, parce que l’effet de ce style, qui nous saute aux yeux, est connu, et que Flaubert ne peut plus bénéficier de la nouveauté de sa manière. Ensuite, parce que ce style ne s’applique plus à un sujet comme celui de Madame Bovary, qui, tout odieux qu’il fût, était vrai, brutalement vrai, rencontré dans le plain-pied et les hasards de la vie ; car, s’il ne l’eût pas rencontré, Flaubert n’était pas de force à le trouver par la seule conception de son esprit. […] La manière de Courbet est plus large : il procède par plus grands traits ; tandis que Flaubert procède par petits, accumulés, surchargés, ténus, n’oubliant rien, et détachant net l’ombre d’un ciron sur son grain de poussière… Les gens qui trouvent Flaubert un bien grand homme, car il en est qui sérieusement le mettent sur la ligne de Balzac, le vantent uniquement pour son style. Or, ce style, c’est la description, une description infinie, éternelle, atomistique, aveuglante, qui tient toute la place dans son livre et remplace toutes les facultés dans sa tête. […] Croyez-vous qu’il soit possible de mettre plus de réflexion, d’effort, de recherche, à exprimer des choses plus dégoûtantes dans un style plus fastueux ?
je n’aime pas également tous les endroits, si souvent cités, de Mme de Sévigné à son sujet ; elle abuse quelquefois, en parlant de lui, de ces folâtreries de style et de cette belle humeur d’expression qui font contraste avec les choses graves. […] Nous sommes devenus difficiles : le style purement judicieux nous rebute et nous ennuie, et Bourdaloue, en parlant, ne raffinait pas : il a l’expression claire, ferme, puisée dans la pleine acception de la langue ; il ne l’a jamais neuve (une ou deux fois il demande pardon d’employer les mots outrer, humaniser). […] Il s’occupait des choses et non des mots ; il n’avait pas la splendeur naturelle de l’élocution, et il ne la cherchait pas : il s’en tenait à ce style d’honnête homme qui ne veut que donner à la vérité un corps sans lui imposer de couronne. […] Dans une trame de style unie et simple, quelque chose désormais nous manque.
Si votre style est noble, il est encore plus épiscopal (M. de Noyon, pour le coup, était homme à avoir fourni ce trait-là et à l’avoir indiqué de sa main sur le manuscrit). […] Saint-Simon, qui nous a donné tant de détails animés sur cette séance et sur les suites, dit que l’abbé de Caumartin « composa un discours confus et imité au possible du style de M. de Noyon », et qu’il y contrefit le galimatias de celui qu’il voulait railler. […] Le style de Saint-Simon, dans ces notes rapides, est plus pétulant, plus pressé, plus heurté que nulle part ailleurs ; on y sent quelqu’un qui veut trop dire, qui veut tout dire à la fois C’est comme une source abondante qui a à sortir par un goulot trop étroit, et qui s’y étrangle. […] III, p. 206) : « Les sous-gouverneurs eurent des métiers différents, aux yeux du duc de Beauvilliers qui les choisit », mais il a dit « des mérites différents. » Il n’a pas dû dire, malgré ses gaietés de style, parlant de la vie débauchée que menait le chevalier de Bouillon (t.
D’Argenson, qui s’en réjouit, fait de son père, à ce propos, un curieux portrait qui n’a été imprimé qu’avec je ne sais quels adoucissements et corrections qui en dénaturent ou du moins en diminuent le caractère, et qui ôtent au style du fils sa verdeur et sa sève. […] On a dit quelquefois que d’Argenson n’avait pas de style à lui : que vous en semble ? […] Ce n’est pas le style d’un académicien ni d’un homme essentiellement poli ; ce n’est pas celui d’un grand seigneur, mais plutôt d’un bourgeois comme du temps de d’Aubray dans la Satyre Ménippée, ou si l’on aime mieux, d’un gentilhomme campagnard, de bonne race, nourri de livres, et qui s’exprime crûment, rondement et avec sève. […] Quand on dit C’est une jeunesse qui se divertit, c’est comme si on disait : Cela se divertit parce que cela est jeune. » — On a depuis fait droit jusqu’à un certain point à cette réclamation ; Paul-Louis Courier a remis en honneur ces vieilles locutions populaires, et Mme Sand, dans ses jolis romans rustiques, dit couramment une jeunesse, il est vrai que dans le beau style, on s’en prive toujours.
Tacite (1re partie) I L’histoire est de tous les genres de littérature celui qui supporte le plus la médiocrité de l’écrivain, d’abord parce que l’intérêt y est dans le fait plus encore que dans le style : le fait ou le récit se suffit, pour ainsi dire, à lui-même. Ensuite, parce que les événements que l’histoire raconte ont par eux-mêmes un attrait de curiosité, un intérêt, pour nous exprimer autrement, qui empêche le lecteur de faire attention à l’insuffisance ou à la médiocrité du style. […] III D’abord, il faut qu’il soit né poète, c’est-à-dire sensible, coloriste, éloquent de nature ; car comment ferait-il sentir dans son style ce qu’il n’aura pas senti lui-même ? […] J’en extrais ici quelques fragments et j’en ai refait un tout, en jalonnant ma route de ses plus beaux tronçons de style, comme on reconstruit une ville détruite dans le désert, en marchant d’un débris à un débris et d’un monument à l’autre, à travers la poussière des grandes choses qu’on foule aux pieds.
Médiocrité de style ; irrégularité de structure ; instinct dramatique. […] On apprend ainsi qu’il faut dans une tragédie des monologues, des chœurs, des songes, des ombres, des dieux, des sentences, de vastes couplets, de brèves ripostes, un événement unique, illustre, un dénouement malheureux, un style élevé, des vers, un temps qui ne dépasse pas un jour : tout cela pêle-mêle, sans subordination ni sens intérieur. […] Rien du style ni de la poésie, ni du pittoresque de Virgile ne subsiste ; mais l’action, la vie, la lutte, Hardy a senti tout cela : il dégage très justement les situations, et, dans son plat jargon, il fait dire aux personnages précisément ce qu’il faut qu’ils disent. […] Ceux-ci se piquent de style et d’esprit ; ils portent au théâtre le goût des pointes, des inventions romanesques, des fanfaronnades épiques : c’est avec eux que, sans négliger les Italiens, notre théâtre se met à vivre aux frais du répertoire espagnol.
Le fond de style est du temps de Louis-Philippe : on sent qu’il écrit entre Béranger et Thiers. […] Ce style de Michelet, âpre, saccadé, violent, ou bien délicat, pénétrant, tendre, en fait un des deux ou trois écrivains supérieurs de notre siècle. […] On comprendrait moins bien le génie historique de Michelet, si l’on n’avait vu dans ces ouvrages à quel point la poésie de son style et ce don d’évocation qui rend ses récits si vivants résultent d’une communion d’âme avec toutes les manifestations de la vie. […] Il mêle parfois à ses enseignements une indiscrète physiologie, une politique ou une philosophie d’apocalypse ; il exagère jusqu’à la dureté les reliefs de son style.
Il avait fort étudié le style de Jean-Jacques Rousseau, et il lui empruntait volontiers l’apostrophe. […] Il a volontiers le style gros, l’expression grasse, mais en général juste, saine. […] Joubert a très bien dit de lui et de son style qui affecte le nombre oratoire : « Le style de Dussault est un agréable ramage, où l’on ne peut démêler aucun air déterminé. » Des quatre critiques mentionnés ici, et sous son extérieur orné, Dussault, quand on y regarde, paraît le plus faible.
Tout à côté de Mme de Sévigné, avec moins d’imagination dans le style et de génie de détail, mais avec une invention poétique et romanesque pleine de tendresse, et une légèreté, une justesse d’expression incomparable, on trouve Mme de La Fayette. […] Elle tient bon pour Montaigne, qu’il ne goûtait pas ; elle s’en étonne, elle lui oppose ses raisons en maint endroit : Je suis bien sûre que vous vous accoutumerez à Montaigne ; on y trouve tout ce qu’on a jamais pensé, et nul style n’est aussi énergique ; il n’enseigne rien, parce qu’il ne décide de rien ; c’est l’opposé du dogmatisme : il est vain, — eh ! […] que de fois Mme Du Deffand, pour lui plaire, envia le style de cette « sainte de Livry » ! […] lui disait Walpole ; votre style est à vous, comme le sien est à elle. » Mme de Sévigné, d’ailleurs, est parfaitement jugée par Mme Du Deffand, ainsi que son cousin Bussy.
Il y a eu là un Chateaubriand primitif, et, selon moi, le plus vrai en sentiment comme en style, un Chateaubriand d’avant Fontanes, mais qui offre, avec des beautés uniques, les plus étranges disparates et un luxe de sève, une extravagance de végétation qu’on ne sait comment qualifier. […] En fait de style, M. de Chateaubriand, comme tous les grands artistes, a eu plusieurs manières. […] Mais c’est l’impression morale qui, dans le jugement public, l’a emporté de beaucoup sur l’effet du style. […] Et pourtant, malgré l’affectation générale du style, qui répond à celle du caractère, malgré une recherche de fausse simplicité, malgré l’abus du néologisme, malgré tout ce qui me déplaît dans cette œuvre, je retrouve à chaque instant des beautés de forme grandes, simples, fraîches, de certaines pages qui sont du plus grand maître de ce siècle, et qu’aucun de nous, freluquets formés à son école, ne pourrions jamais écrire en faisant de notre mieux.
Toutes les deux coupent court au style traînant, négligé, irrégulier, que les femmes (quand elles n’étaient pas Mme de Sévigné) se permettaient trop au xviie siècle. Mme de Maintenon aida autant que personne et tint la main à cette réforme dont le xviiie siècle hérita : « Je me corrigerai des fautes de style que vous remarquez dans mes lettres, lui écrivait le duc du Maine ; mais je crois que les longues phrases seront pour moi un long défaut. » Mme de Maintenon dit et écrit en perfection. Tout tombe juste, il n’y a pas un pli dans ce style-là. […] Mme Du Deffand, qui est littérairement de la même école, a très bien rendu l’effet que font les lettres de Mme de Maintenon, et on ne saurait mieux les définir : Ses lettres sont réfléchies, dit-elle ; il y a beaucoup d’esprit, d’un style fort simple ; mais elles ne sont point animées, et il s’en faut beaucoup qu’elles soient aussi agréables que celles de Mme de Sévigné ; tout est passion, tout est en action dans celles de cette dernière : elle prend part à tout, tout l’affecte, tout l’intéresse ; Mme de Maintenon, tout au contraire, raconte les plus grands événements, où elle jouait un rôle, avec le plus parfait sang-froid ; on voit qu’elle n’aimait ni le roi, ni ses amis, ni ses parents, ni même sa place ; sans sentiment, sans imagination, elle ne se fait point d’illusions, elle connaît la valeur intrinsèque de toutes choses ; elle s’ennuie de la vie, et elle dit : « Il n’y a que la mort qui termine nettement les chagrins et les malheurs… » Il me reste de cette lecture beaucoup d’opinion de son esprit, peu d’estime de son cœur, et nul goût pour sa personne ; mais, je le dis, je persiste à ne la pas croire fausse.
Son livre, écrit du style d’un homme qui a agi sur la langue qu’il parle avec la même force qu’il a pensé sur elle, fourmille de faits et de rapprochements inattendus à enchanter les scholiastes et les bibliophiles ; mais, il faut bien que la critique le lui dise : ces détails, curieux pour des… curieux, n’apprennent, en somme, rien d’important et de nouveau et qui fasse trouée de boulet dans nos esprits et dans l’ordre de nos connaissances sur l’histoire de la comédie. […] Un jour, quelque savant de son ordre déterrera son livre, comme un élégant monument enterré sous le sable ; car il se permet d’être élégant, ce monument, malgré sa solidité et sa masse ; il se permet d’être léger, travaillé, dentelé, d’un style délicieusement composite. […] pour ne pas trop s’étonner que tant d’esprit et de style n’aient pas sauvé tant d’érudition de l’oubli ou de l’inattention des têtes de linottes du xixe siècle. […] Suffit-il, quoique ce soit observé et bien dit, que Taine empâte les idées et que son style, bourré d’incises, soit trop visiblement travaillé et même un peu argileux ?
L’homme ordinaire, apercevant un lis, ne voit qu’une grande fleur blanche dont le calice évasé contient des fils jaunâtres ; le botaniste distingue la corolle, les six pétales, l’ovaire, le style, le stigmate, les étamines, les anthères, le pollen, les divers changements et les divers rapports de toutes ces parties depuis leur naissance jusqu’à leur mort. […] Le style, vraiment digne de la science, est celui d’un mémoire de physiologie. […] Ceci peut s’appeler la métaphysique des métaphores ; des fautes de style font ici des fautes de science ; le langage faux produit la pensée fausse ; en comparant des qualités et des pouvoirs à des êtres, on les change en êtres ; l’expression pervertie pervertit la vérité. […] Jouffroy met en lui l’âme, le moi, la substance, c’est par abus du style littéraire ; que toutes les métaphores par lesquelles on l’exprime désignent simplement la prépondérance habituelle de la tendance qui le constitue.
Leur style n’a pas de couleur et ne donne pas de secousses. […] Sujets et style, c’est là proprement notre littérature. […] Ils effleurent les ridicules, ils se moquent sans éclat et comme innocemment ; leur style est si uni, qu’au premier aspect on s’y méprend, on n’y voit pas de malice.
il n’a pas pu, pas su rendre les impressions de son âme, les conceptions de son esprit, emprisonné qu’il était dans le respect des convenances, des règles et du style. […] Pour le style de Ducis, en voici le son : C’est un de ces mortels qui. dans l’obscurité, Par de mâles travaux domptent l’adversité. […] Ducis avait du génie, l’âme haute, l’esprit large : et voilà où le respect du public, l’observance des règles, les scrupules de style l’ont mené.
Cette mode se marque par le caractère du style Louis XVI, dans l’ornementation et l’architecture : au rococo commence à succéder le pompéien ; on reprend les motifs de décoration que les fouilles récentes ont fait connaître ; des lignes plus simples, plus sévères commencent à rappeler la noblesse des formes antiques. […] Il y a un style Louis XVI dans la littérature, et le groupe de Paul et Virginie nous en présente la plus harmonieuse création. […] On peut reconnaître à chaque moment dans son style, dans le choix d’une épithète, dans certaines métaphores et figures, un emploi systématique des procédés d’élocution qui sont familiers aux poètes grecs et latins.
Il leur donna le sentiment de la beauté littéraire et de la vertu morale qu’elle recèle souvent. « Il nous formait à la précision et à la simplicité ; il nous donnait le goût du style net et franc, la haine de l’emphatique et du tortillé. » M. […] Car malgré son enthousiasme de collégien pour les rythmes larges et les sonorités cuivrées du style de Taine, Larroumet, dès qu’il réfléchit, se détourna de la philosophie systématique que construit la littérature, et préféra la souplesse désossée de Sainte-Beuve, le style à mille faces qui réfléchit tous les rapports des choses, la phrase au développement onduleux qui en dessine la mobilité vivante, l’information curieuse et l’induction aiguë qui ne substituent jamais des vues de l’esprit à l’observation du réel.
Et qu’on nous entende, ce n’est pas le fond de ces pièces que nous condamnons, c’est le procédé, le style, la composition, leur caractère de faits divers qui les situe en dehors même des productions françaises. […] Elles ont des qualités parallèles de clarté, de style net, de grâce, de pensée souriante. […] C’est un Balzacien dont le style est plus net et plus simple.
Au reste, la comparaison qu’Homère a faite des sanglots de Télémaque et d’Ulysse, aux cris d’un aigle et de ses aiglons (comparaison que nous avons supprimée), nous semble encore de trop dans ce lieu ; « et, s’étant jeté au cou, de Benjamin pour l’embrasser, il pleura ; et Benjamin pleura aussi, en le tenant embrassé » : c’est là la seule magnificence de style, convenable en de telles occasions. […] « Isaac fit entrer Rébecca dans la tente de Sara, sa mère, et il la prit pour épouse ; et il eut tant de joie en elle, que la douleur qu’il avait ressentie de la mort de sa mère fut tempérée121. » Nous terminerons ce parallèle et notre poétique chrétienne par un essai qui fera comprendre dans un instant la différence qui existe entre le style de la Bible et celui d’Homère ; nous prendrons un morceau de la première pour la peindre des couleurs du second. […] » Elle dit : et comme, lorsque le violent zéphyr amène une pluie tiède du côté de l’occident, les laboureurs préparent le froment et l’orge, et font des corbeilles de jonc très proprement entrelacées, car ils prévoient que cette ondée va amollir la glèbe, et la rendre propre à recevoir les dons précieux de Cérès, ainsi les paroles de Ruth, comme une pluie féconde, attendrirent le cœur de Noëmi. » Autant que nos faibles talents nous ont permis d’imiter Homère, voilà peut-être l’ombre du style de cet immortel génie.
Le style aussi a besoin de retouches. Quoique là où l’enthousiasme tient l’écrivain, ce style ait une splendeur touffue de savane, et qu’il s’élève et se balance puissamment comme la mer qui portait les caravelles de Colomb, il ne se soutient pas toujours, et il nous choque parfois par des inégalités singulières. […] Roselly de Lorgues, dans une prochaine édition, se débarrassera, nous n’en doutons pas, de cette mer d’herbes qu’on rencontre à certaines places dans son style.
» Tel est le style de Gobineau quand il se mêle d’être misanthrope. […] Mais si le livre est littérairement manqué, l’homme qui l’a écrit a des facultés littéraires quelquefois puissantes, souvent délicieuses, lorsqu’il échappe à quelques affectations de style retrouvées ici et là dans des phrases trop coquettes, et qui sont (ces affectations) la conséquence forcée de l’exquisité voulue, du trop de raffinement dans la conception et dans les sentiments. […] Il y a, si je ne me trompe, dans Gobineau, un La Bruyère enveloppé qui ne demande qu’à sortir avec armes et bagages, c’est-à-dire avec ses différences de style et d’originalité.
Il a retrouvé Bossuet en passant, pour ainsi dire, au travers de Voltaire ; et, s’attachant alors, comme Bossuet, à l’idée de la Providence, dont on pourrait l’appeler le théologien laïque, la grandeur de sa doctrine se communique parfois au caractère de son style. […] L’observation y fait défaut, sans doute ; et aussi la psychologie ; et encore une fois le style. […] Du style de Joseph de Maistre ; — et qu’à certains égards il est de la famille du style de Bossuet ; — ce qui s’explique, si tous les deux, parmi toutes les vérités de la religion, — se sont attachés particulièrement à l’idée de la Providence. — D’une autre ressemblance entre Bossuet et J. de Maistre ; — qui consiste en ceci que leur vrai caractère, — qui fut la douceur, — a différé du caractère de leur style ; — dans le même sens, et pour ainsi parler, de la même quantité. — Mais comme ils sont d’ailleurs séparés l’un de l’autre par un siècle ; — et que ce siècle est celui de l’Encyclopédie ; — Joseph de Maistre a des « lumières » que Bossuet n’avait point ; — et aussi des défauts. […] — Les taches du style de Balzac sont de la même nature, — eu égard à la différence de l’éducation et des temps, — que celles du style de Saint-Simon, dans ses Mémoires ; — ou de Shakespeare peut-être ; — et on hésite ; — mais on est tenté de croire que c’est pour cela qu’on a pu l’appeler, — après Saint-Simon et Shakespeare, — « le plus grand magasin de documents que nous ayons sur la nature humaine ». — Il s’agit d’examiner la valeur de ces « documents ». […] Le Manchy, Qaïn, L’Illusion suprême] ; — mais à son parti pris de ne prêter son vers qu’à l’expression des misères de l’humanité ; — non des misères de l’individu ; — et aussi peut-être à sa conception du style.
Nisard au style rengorgé, M. Saint-Marc au style dégagé.
Il est certain encore que ses Adversaires n’ont jamais pu lui contester le mérite des talens : il faudroit être bien injuste ou bien aveugle, pour ne pas convenir, après la lecture de ses Ouvrages, que peu d’Auteurs parmi nous ont l’esprit aussi vigoureux, le goût aussi sûr, & le style aussi piquant. […] Ne devons-nous pas lui pardonner de nous prodiguer les ingénieuses épithetes d’ignorant & de sot ; de trouver notre style pitoyable ; de soutenir que les Trois Siecles, dont voici la cinquieme édition, ne sont qu’une misérable compilation tombée dans un mépris dont elle ne se relevera jamais ?
La Henriade Si un plan sage, une narration vive et pressée, de beaux vers, une diction élégante, un goût pur, un style correct, sont les seules qualités nécessaires à l’Épopée, la Henriade est un poème achevé ; mais cela ne suffit pas : il faut encore une action héroïque et surnaturelle. […] Voltaire n’a flotté parmi tant d’erreurs, tant d’inégalités de style et de jugement, que parce qu’il a manqué du grand contrepoids de la religion : il a prouvé que des mœurs graves et une pensée pieuse sont encore plus nécessaires dans le commerce des Muses qu’un beau génie.
Comment ne pas reconnoitre que le style est l’empreinte de l’âme, & qu’il ne s’apprend point, qu’il ne s’imite point. […] Le style serré, plein, nerveux, sentencieux, fort de choses, est le style des penseurs ; mais ce style-là n’est point agréable, il aura peu de lecteurs. […] On s’est avisé depuis peu de vanter le style des hommes de Cour, comme le style par excellence & même de le proposer pour modèle. […] D’accord ; mais pourquoi le style des gens de Cour est-il simple ? […] J’aime l’innovateur, en fait de style ; il remplit la langue de termes & de tours vigoureux.
Est-il un style à la fois plus large, plus régulier, plus majestueux ? […] Pour elle comme pour tout écrivain, le style est l’homme. […] Fabre pour mettre son style à l’abri de tout reproche. […] Il nous reste à parler du style de M. […] Le beau matériel est dans leur style.
SON STYLE ET SON ESPRIT. […] Son style et son esprit. […] Tout est nouveau ici, les idées, le style, le ton, la coupe des phrases et jusqu’au dictionnaire. […] Carlyle a son style propre, et note son idée à sa façon ; c’est à nous de la comprendre. […] Il traduit en style poétique et religieux la philosophie allemande.
Dans cette classe très-nombreuse, mais si peu intéressante, sont compris les faux amateurs de l’antique, les faux amateurs du style, et en un mot tous les hommes qui par leur impuissance ont élevé le poncif aux honneurs du style. […] Mais le style en est vraiment beau et grandiose. […] Ce penseur a voulu dire qu’il n’aimait pas un peintre qui traitait tous les sujets avec le même style. […] Millet cherche particulièrement le style ; il ne s’en cache pas, il en fait montre et gloire. […] Le style lui porte malheur.
C’est ce même défaut qui rend le style de du Bartas inaccessible & dégoûtant. […] Ce style était en général celui de son tems. […] Le style de son Poëme est trop uniforme & trop soldatesque. […] Les caracteres de ce Drame sont élevés, soutenus, & le style répond aux caracteres. […] Le Méchant est un modele presque inimitable pour le style & le dialogue.
Le style égale souvent celui du Génevois, son modèle et son maître. […] Le style est un reflet brûlant du ciel d’Italie, aperçu par-dessus les cimes des Alpes. […] Mais l’âme, tantôt virile, tantôt féminine de madame de Staël, en inonde les pages d’une si magique et d’une si touchante poésie de cœur et de style, qu’on oublie le livre pour admirer l’écrivain. […] Le style de l’écrivain de l’Allemagne était partout à la hauteur de cette pensée ; c’était un chant plutôt qu’un style. […] Les Allemands ont beaucoup d’audace dans les idées et dans le style, et peu d’invention dans le fond du sujet ; leurs essais épiques se rapprochent presque toujours du genre lyrique.
Il lui faut absolument de la pensée et du style. […] Le beau style et le style vrai sont également légitimes. D’ailleurs le beau style est vrai à sa manière et le style vrai peut avoir sa beauté. […] À vrai dire le détail du style n’est pas ce qui importe le plus chez Balzac. […] La première de ces qualités supérieures, c’est le style.
Je ne connaissais l’abbé de Lamennais que par l’enthousiasme que m’avait inspiré, pour son style véritablement supérieur, son premier volume de l’Essai sur l’Indifférence en matière de religion. […] Les premières pages me transportèrent à d’autres temps, et, bien que je ne fusse pas dévot à la manière de l’auteur, ses doctrines exaltées et passionnées, la nouveauté et la perfection de son style me firent croire pendant quelques jours que l’auteur anonyme de ce livre, encore inconnu pour tout le monde, ne l’était pas pour moi. […] Je lus avec admiration les phrases, avec douleur les principes ; le radicalisme insultant à la bonne foi ne m’allait pas, mais la forme de ce style m’enchantait. […] Nous n’étions pas dans le temps des prophètes ; l’abbé de Lamennais en avait le style, mais le temps n’en avait pas l’esprit. […] Les beaux morceaux de style prophétique dont il est plein ne sont que des allusions éloquentes à la longanimité du peuple et à la bienfaisance du riche.
Le style et le goût empire dans Chateaubriand. […] Il n’a malheureusement pas su secouer tout à fait le goût de son temps, et je retrouve à chaque page ce qu’on pourrait appeler le style empire, un froid pastiche des formes antiques, une déplorable recherche de la noblesse banale et de la pureté sans caractère. […] Un tube enflammé pour un fusil, un glaive de Bayonne pour une baïonnette, des centaures au vêtement vert pour des dragons, un Cyclope pour un artilleur, voilà les artifices où il fait consister le style épique : et ces étonnantes expressions alternent avec des calumets de paix, des tomahawks, et tout le bric-à-brac du pittoresque local. […] Il est curieux de les comparer aux parties de l’Itinéraire qu’ils emploient ; on préférera souvent le style simple des impressions de voyage aux beautés écrites du roman. […] Il y a des parties mortes dans l’œuvre de Chateaubriand : ses idées philosophiques, son style empire, et — ce qu’il faut regretter — son romantisme classique, sa vision pittoresque de la civilisation grecque et romaine.
Plus retenus dans les sujets, ils l’ont été dans leur style. […] De l’esprit, c’est-à-dire des idées justes, exprimées d’un style piquant, il y en a en beaucoup d’endroits. […] Pénétrant dans tous les détails de ce style, dans ses jointures les plus cachées dans ses fausses délicatesses, dans ses grâces spécieuses ; demandant compte à chaque mot de sa valeur, de son rapport avec l’idée qu’il exprimait, de sa place dans la phrase, il se rendait comme témoin du travail du poëte, et faisait voir dans la faiblesse de la conception les causes des imperfections de la langue. […] Il donna le secret de la véritable harmonie en montrant que, loin d’être une qualité spéciale qui résulte de certaines combinaisons de sons, elle n’est que la suprême et dernière convenance d’un style qui réunit toutes les autres. […] Qu’à l’un de ces moments-là Malherbe nous tombe sous la main, d’où vient que nous sommes si surpris de cette vivacité, de cette verdeur d’un sexagénaire, de ce grand sens de ces vérités qui ont reçu leur forme dernière, de ce style si précis, si noble, si frappant ?