Il se répandit jusque dans le style historique, comme on le remarque dans la collection appelée la Byzantine, et surtout dans les histoires de Procope. […] Et c’est là que nous avons puisé cette espèce de style, que nous croyons si nouveau aujourd’hui.
— Que le second mérite du Menteur est d’être une comédie littéraire. — Le style du Menteur, et, à ce propos, de la qualité du style de Corneille. — III. […] Et de nombreux exemples vous prouveraient qu’encore plus aisément il peut même se passer de style. N’est-ce pas aussi bien ce que l’on entend quand on nous parle d’un style de théâtre, dont il semble, en vérité, que l’incorrection serait le premier privilège ? […] Vous voyez pourquoi j’ai tant insisté sur le style de ses premières comédies. […] Ainsi, j’en admire beaucoup la justesse, la force, et la vérité de style.
Sous ce flegme du visage et du style bouillonnaient des passions furieuses. […] Il a le style d’un chirurgien et d’un juge, froid, grave, solide, sans ornement, ni vivacité, ni passion, tout viril et pratique. […] C’est pourquoi son style ordinaire est l’ironie grave. […] To call a man a fool and villain, and an impudent fellow, only for differing from him in a point merely speculative, is, in my humble opinion, a very improper style for a person of his education. […] … If certain ermines and furs be placed in a certain position, we style them a judge ; and so an apt conjunction of lawn and black satin, we entitle a bishop.
C’est celui-ci, disent-ils, qui a porté leur langue à son point de perfection, qui a surpassé tous les autres en force et en majesté… J’ai lu quelque chose du Dante à grande peine ; il est difficile à entendre, tant par son style que par ses allégories, ………………………… Car un sublime dur S’y trouve enveloppé dans un langage obscur. […] Sans doute il le sentit plutôt en artiste qu’en philosophe ou en historien ; il le prit plutôt par le style que par l’ordre de ses idées ; il méconnut le théologien ; il négligea le côté tendre, suave même et idéalement amoureux ; il ne l’aborda que par L’Enfer, ne le suivit point au-delà, et y laissa ses lecteurs comme si ç’avait été le vrai but. […] Quoi qu’il en soit, ce dilettante brillant et incrédule dut à quelque chose de fier et de hardi qu’il avait dans l’imagination, et qui tenait sans doute à ses origines méridionales, d’être le premier chez nous à parler dignement de Dante, et même de le juger très finement sur des beautés de détail et d’exécution qui semblaient être du ressort des seuls Italiens : Il faut surtout varier ses inversions, disait-il en pensant au travail imposé aux traducteurs ; le Dante dessine quelquefois l’attitude de ses personnages par la coupe de ses phrases ; il a des brusqueries de style qui produisent de grands effets ; et souvent, dans la peinture de ses supplices, il emploie une fatigue de mots qui rend merveilleusement celle des tourmentés. — Quand il est beau, disait-il encore, rien ne lui est comparable. […] Il lui faisait d’ailleurs la grâce d’y reconnaître, sans doute sur parole, « une foule de beautés de style et d’expressions qui devaient être vivement senties par les compatriotes du poète, et même quelques morceaux assez généralement beaux pour être admirés par toutes les nations. » On en était là au commencement de ce siècle.
Et si l’on en vient au style tant discuté, tant contesté, qu’on me permette d’y revenir encore moi-même dans un dernier mot. […] C’est une immense impertinence que de prétendre occuper si longuement les autres de soi, c’est-à-dire de son style. […] Thiers, en prétendant établir comment on se passe d’un style proprement dit, donne au même moment l’exemple d’un style vif, pressé, excellent.
Ce style enfant du vieux traducteur sauve et corrige, sans en avoir l’air, toutes ces nudités, ces indécences innocentes et ignorantes d’elles-mêmes. […] Son style, qui a été tant vanté, est peut-être ce qui mérite moins de l’être : c’est un style de sophiste tel qu’il était…, qui lient de l’orateur et de l’historien, et qui n’est propre ni à l’un ni à l’autre, plein de métaphores, d’antithèses et de ces figures brillantes qui surprennent les simples et qui flattent l’oreille sans remplir l’esprit. […] Le paysage est tout à fait dans le style du Poussin, et quelques traits ont suffi pour dessiner dans la perfection le fond sur lequel se détachent les personnages. » Ils en reparlèrent encore les jours suivants ; mais ce fut dans la conversation du 20 mars 1831, pendant le dîner, que les idées échangées entre Gœthe et son disciple épuisèrent le sujet ; on y trouve le jugement en quelque sorte définitif sur cette production charmante, Goethe venait de relire l’ouvrage dans le texte de Courrier-Amyot, et il en était plein ; son imagination tout hellénique s’en était sentie consolée et rajeunie : « Le poème est si beau, disait-il, que l’on ne peut garder, dans le temps misérable où nous vivons, l’impression intérieure qu’il nous donne, et chaque fois qu’on le relit, on éprouve toujours une surprise nouvelle.
Il ne lui en est resté, dans le style et dans la parole, que l’indispensable. […] L’orateur, à un endroit, a très-bien caractérisé et loué le style uni et limpide de M. de Bausset, qui réfléchit quelque chose de ce XVIIe siècle dont il parcourt l’histoire. […] C’est Byron, je crois, qui a dit du style d’Hazlitt qu’il ressemblait à une éruption de petite vérole. Presque tous les styles modernes sont dans ce cas, plus ou moins gravés.
L’élégie chez Millevoye n’est pas comme chez Parny l’histoire d’une passion sensuelle, unique pourtant, énergique et intéressante, conduite dans ses incidents divers avec un art auquel il aurait fallu peu de chose de plus du côté de l’exécution et du style pour garder sa beauté. […] Millevoye n’a pas l’invention du style, l’illumination, l’image perpétuelle et renouvelée ; il a de l’oreille et de l’âme, et, quand il dit en poëte amoureux ce qu’il sent, il touche. […] C’était le temps de la mode d’Ossian et d’un Charlemagne enjolivé, le temps de la fausse Gaule poétique bien avant Thierry, des Scandinaves bien avant les cours d’Ampère, de la ballade avant Victor Hugo ; c’était le style de 1813 ou de la reine Hortense, le beau Dunois de M. […] Il y a loin de là à la Neige, qui est le même sujet traité par M. de Vigny dans un tout autre style, dans un goût rare et, je crois, plus durable, mais qui a aussi sa teinte particulière de 1824, c’est-à-dire le précieux.
L’amour espagnol, la jalousie espagnole ont un tout autre caractère que les sentiments représentés dans les pièces italiennes ; il n’y a ni subtilité, ni fadeur dans leurs expressions ; ils ne représentent jamais ni la perfidie de la conduite, ni la dépravation des mœurs ; ils ont trop d’enflure dans le style ; mais tout en condamnant l’exagération de leurs paroles, l’on est convaincu de la vérité de leurs sentiments. […] Ce n’est pas néanmoins que des mots aussi sonores soient un avantage pour tous les genres de style, ni même pour tous les genres de poésie. […] Je crois, au contraire, que cette extrême facilité de la langue est un de ses défauts, et l’un des obstacles qu’elle offre aux bons poètes pour élever très haut la perfection de leur style. […] Métastase cependant a su faire de ses opéra presque des tragédies, et quoiqu’il fût astreint à toutes les difficultés qu’impose l’obligation de se soumettre à la musique, il a su conserver de grandes beautés de style et des situations vraiment dramatiques.
Où trouver maintenant dans le style le portrait du poëte ? Un géomètre n’a point de style. […] Ainsi dissoute, elle languira ; en perdant sa brièveté, elle perdra son énergie ; en se multipliant, elle s’évanouira. — Que deviendra le style dans cet affaiblissement de l’action et des caractères ? […] Alors naîtra le vrai style poétique : la liberté des tournures, la variété des mètres, l’irrégularité des rimes et l’allure onduleuse de la phrase, ne détruiront pas l’unité de la période et la mélodie réglée des vers ; la diversité et l’aisance de la prose s’allieront à l’enchaînement et à la symétrie de la poésie ; et la fable sera en même temps une conversation et un chant.
Il définit auteurs classiques ceux « qui sont devenus modèles dans une langue quelconque » ; et, dans tous les articles qui suivent, ces expressions de modèles, de règles établies pour la composition et le style, de règles strictes de l’art auxquelles on doit se conformer, reviennent continuellement. […] Un vrai classique, comme j’aimerais à l’entendre définir, c’est un auteur qui a enrichi l’esprit humain, qui en a réellement augmenté le trésor, qui lui a fait faire un pas de plus, qui a découvert quelque vérité morale non équivoque, ou ressaisi quelque passion éternelle dans ce cœur où tout semblait connu et exploré ; qui a rendu sa pensée, son observation ou son invention, sous une forme n’importe laquelle, mais large et grande, fine et sensée, saine et belle en soi ; qui a parlé à tous dans un style à lui et qui se trouve aussi celui de tout le monde, dans un style nouveau sans néologisme, nouveau et antique, aisément contemporain de tous les âges. […] Buffon, dans son Discours sur le style, insistant sur cette unité de dessein, d’ordonnance et d’exécution, qui est le cachet des ouvrages proprement classiques, a dit : Tout sujet est un ; et, quelque vaste qu’il soit, il peut être renfermé dans un seul discours.
L’emploi d’une forme de style, l’expression d’une conception particulière quelconque, que cet emploi soit original ou qu’il puisse paraître entaché d’imitation, est un fait ayant pour cause prochaine, comme tout le livre, la toile, la partition dont il s’agit, un acte physique de leur auteur, poussé par quelque besoin de gloire, d’argent, par un mobile, instinctif, n’importe, de faire une de ces œuvres. […] Un écrivain qui se décidera d’instinct à user d’un style coloré, c’est-à-dire d’une série de formes verbales tendant à rendre et à suggérer minutieusement l’aspect sensible des choses et des gens, sera un homme qui percevra parfaitement cet aspect à l’aide de sens aiguisés, à l’aide de résidus de sensations extrêmement aptes à revivre, de souvenirs de sensations tout prêts à renaître en images, et doué de plus d’un catalogue bien complet de mots propres à rendre ses perceptions et ses souvenirs ; par contre, l’activité même de ces formes sensuelles de l’intelligence se sera ordinairement développée aux dépens de son idéation, en sorte qu’il possédera des objets une connaissance plutôt individuelle que générique, qu’il aura une aptitude médiocre aux notions et aux sciences abstraites. […] Ces dispositions sensuelles de l’intelligence auront ailleurs pour effet, d’accroître énormément les facultés d’expression de la couleur et, par suite, de ne faire concevoir les objets que représentés se fondant en certaines formes verbales, en un certain style de peinture. […] Enfin le fait même de la contention et de la pudeur qui lui fait s’imposer un style lapidaire, éviter les confessions, les apostrophes, les insistances, s’abstenir de se montrer ouvertement dans ses œuvres, est un indice significatif de sa volonté et de son humeur.
Progrès et caractère de Malherbe Voilà le progrès de Malherbe, qui aboutit à la création du style dont la première génération des classiques du xviie siècle usera. […] Faut-il imputer aussi à Malherbe la fatale distinction d’une langue et d’un style nobles ? […] Si l’on compense les critiques que cet enragé contradicteur adressait à Desportes par sa plus ordinaire pratique, on se persuadera qu’il ne reconnaît point une langue poétique plus noble que la langue épurée du bon usage : il distingue très sensément la langue commune des langues techniques, et pour la clarté, il se réduit à celle-là ; mais, de celle-là, tout est bon, et les trivialités énergiques de ses plus beaux vers nous démontrent que le principe unique de la noblesse du style réside pour lui dans la qualité de la pensée.
Le résultat de ce travail fut un système de signes réduits au nombre minimum, mais merveilleusement précis, clairs, aptes à fournir une infinité de combinaisons ; et la qualité du style sera précisément équivalente à la valeur intellectuelle de ces combinaisons. […] Pour tous les esprits qui ne sont pas artistes, en dehors de la précision scientifique, la beauté du style ne peut consister qu’à exercer l’intelligence par la désignation indirecte de l’objet, ou la désignation simultanée de plusieurs objets. […] On cause dans le style des maîtres français et italiens, qui sont des modèles de beau langage.
À cela près de quelques négligences de style, comme des entrailles qui se manifestent, etc., — qui trahissent le journaliste sur la brèche qui ne tire pas toujours juste par l’expression, — c’est un écrivain du xviie siècle à faire croire qu’il en est un. J’ai cherché en vain l’épithète, l’épithète révélatrice des grands, poètes et qui rapproche d’eux les grands prosateurs, je ne l’ai pas trouvée dans ce style grave qui ne nous entraîne que par sa pression d’ensemble, véritablement formidable. […] Mais ce style, qui roule comme un fleuve, semble n’en avoir pas besoin.
Mais ce diable au corps, je ne l’ai pas vu dans sa vie, je ne le vois point dans ses écrits, — les écrits où le style est l’homme, a dit Buffon, — et je ne le vois pas davantage dans ses opinions, qui furent tout ce qu’il fut jamais ! […] Prenez et lisez-en une page au hasard, sans dire le nom de l’auteur, et je défie qu’on reconnaisse plus le style d’Alexis de Tocqueville que le style d’un autre !
III Quant au style, il est évident que l’auteur des Victimes d’amour est de cette école qui part de Stendhal, qui partait lui-même de Voltaire, passe par M. […] C’est un positif de raison comme de style, qui, à force de positif, a la main gourde dont parle Montaigne. […] La préoccupation de ce malheureux livre, où il y a de l’étude et parfois du style, mais rien de sincère, de franc et de naïvement emporté, la préoccupation se trouve partout, c’est la manie de faire de l’école hollandaise, de cette école hollandaise transportée dans la littérature, et qui les perdra tous, ces romanciers sans idée, qui veulent tout écrire et ne rien oublier, parce qu’il est plus aisé de peindre les bretelles tombant sur les hanches des hommes qui jouaient au bouchon (v. p. 68), que d’avoir un aperçu quelconque ou de trouver une nuance nouvelle dans un sentiment.
Le premier s’est étudié à donner à la Muse les formes simples et sévères de la muse antique ; le second, qui a souvent adopté le style des pères et des prophètes, ne dédaigne pas de suivre quelquefois la muse rêveuse d’Ossian et les déesses fantastiques de Klopstock et de Schiller. […] Jusque dans ses essais informes, on trouve déjà tout le mérite du genre, la verve, l’entraînement et cette fierté d’idées d’un homme qui pense par lui-même ; d’ailleurs, partout la même flexibilité de style ; là, des images gracieuses, ici des détails rendus avec la plus énergique trivialité… Il n’y aura point d’opinion mixte sur André de Chénier.
L’originalité et la gloire de son œuvre est justement d’avoir ramené vers les vérités fortes et salubres nos esprits égarés dans l’invraisemblable, le paradoxal et l’impossible, d’avoir exprimé ces vérités immortelles dans un style ferme, net, franc, de bonne école et de bonne race, d’avoir fait circuler dans les veines de la comédie moderne, après tant de fièvres et de langueurs, un reste de ce sang vigoureux et pur qui semblait tari depuis les maîtres, et de n’avoir pas craint de nous paraître banal pour être plus sûr d’être vrai. […] La première de ces choses qui l’a posé, comme on dit, et sur le souvenir de laquelle il vit toujours, fut Lucrèce, imitation grossière et faible, dans le détail et dans le style, de Corneille et d’André Chénier.
Un roman paraît qui, s’écartant des nombreuses œuvres imitées des esthétiques admises, est original par le cas psychologique qu’il étudie et inaugure, avec les quelques livres marquants de ceux qui débutent, un nouveau style et un nouvel art. […] Et si l’on joint à cette originalité fondamentale celle du faire, le style, qui n’est plus ni coloré, ni abandonné au rendu des choses visibles, mais abstrait et apte à figurer les faits de l’âme des procédés qui ne sont pas la description, mais l’analyse psychologique et rapprochent ainsi la Course à la Mort des dernières œuvres de M.
Les corrections manuscrites que nous avons publiées montrent que tous les grands écrivains, Bossuet, Pascal, Buffon, Chateaubriand, Flaubert ou Hugo ont à peu près employé les mêmes procédés ; pourquoi donc ne pourrait-on pas, comme nous l’avons fait, dégager de tous ces exemples des conclusions identiques sur le style, l’épithète, le verbe, l’originalité, le relief ? […] Voilà la thèse, Quant aux auxiliaires, nous conseillons d’en surveiller l’emploi pour la perfection absolue du style, mais c’est une question secondaire.
Ce style, où il ne manque que des nerfs, du sang, du mouvement et de la lumière, ce style dur, mais épousseté et propre, lisse comme un parchemin qui joue la vie… pour des myopes, ne peut être admiré ou aimé sincèrement de personne.
L’écrivain futur est au fond de ce style solide, rapide et ferme, lequel n’a pas, il est vrai, le coup de lime définitif qui donne au fer l’éclat de l’acier, mais qui brille de force à plus d’un endroit et semble mépriser toutes les petites gentillesses littéraires de ce temps d’énervation et de prétention intellectuelle pour aller au fait, l’appréhender et le rendre avec un relief vigoureux. S’il n’y a pas d’idéal, il est vrai, il y a de l’action dans ce style viril et musclé.
Charles-Henri Hirsch, qui sont narrées avec quelques qualités de style, les véritables éphémérides des hors-la-loi et de la crapule. […] Le style en est vif, coloré, incisif, les images saisissantes, le mouvement emporté : à chaque page surgissent des traits mordants et de vraies trouvailles d’expression. […] Précis, pur, un peu maniéré parfois, le style de M. […] Mais deux originalités lui demeurent personnelles : sa vision, d’abord, qui refond mille éléments divers, anciens ou modernes, et qui met dans ses créations une si fraîche spontanéité ; puis son style qui toujours lui reste propre. […] L’aisance du récit se retrouve dans le style même qui, net, souple, fluide, poétiquement rythmé même, unit la couleur intense à la plus rare sobriété.
MM. de Goncourt ont regardé à la loupe ce phénomène dans tous ses détails, et ils nous l’ont rendu avec cette saillie de style qui est une autre loupe fixée sur l’objet regardé et déjà grossi. […] Comme art et comme style, c’est ce qu’ils ont l’habitude de faire : du kaléidoscope dans son tournoiement incohérent et son flamboiement tintamarresque pour l’œil ; mais d’intention, voici qui est nouveau pour MM. de Goncourt et je ne l’aurais jamais cru, d’un assez joli petit machiavélisme et perversité. […] Mais, à cela près des habitudes d’écrire et d’un style laborieusement faux, dont je soupçonne jusqu’à la corruption peut-être encore plus systématique que vraie, je ne croyais pas, certes ! […] En fait de style, ils allaient jusqu’à tuer sous eux un cheval tous les jours, et je le leur ai reproché… Il ne faut pas monter en casse-cou la langue française. […] Si nous avions dans le style les inépuisables ressources de leur vigueur, de leur souplesse presque fluide, de leur grâce ondoyante, de leur précision presque mathématique, de la propriété des mots, comme ils ont, eux !
Sur le premier plan de cet admirable tableau, on voit Mithridate et Monime, deux figures du style le plus large et le plus noble. […] Il n’y avait qu’un magicien tel que Racine qui, par les enchantements de son style, fût capable de rendre aimable une femme aussi odieuse. […] En polissant l’expression, on acquiert un droit à la pensée ; le style en vers est une création. […] Si La Fontaine a bien plus d’esprit et d’imagination, s’il est plus poète, Boursault a un style mieux accommodé à la scène, plus propre à l’instruction particulière qu’Ésope tire sur-le-champ de sa fable. […] Ces vers burlesques sont tirés de la gazette de Loret, écrite en mauvais style de Scarron, et quelquefois plaisante à force d’être ridicule.
À cet effet, il s’était presque créé un style. […] La sérénité manque à son style comme la santé à son talent, cette santé littéraire qui, selon le mot d’un de ses cadets, plus exceptionnel, plus décadent, mais plus savoureux, « fait les chefs-d’œuvre imperméables et décisifs ».
Ce « Chef d’École » — rôle ou d’ailleurs l’appelait la qualité d’aîné de sa petite bande (il a quelque 30 ans) — n’est ni le plus fécond ni le plus original de ces poètes, néanmoins l’accent tout particulier de tel de ses poèmes, les qualités de sonorité et de coloris qui distinguent son style font de ses œuvres des livres de bibliothèque. […] Gustave Kahn Qui fut directeur de La Vogue, revue morte l’an dernier et dont la collection mérite, d’être relue, me semble avoir dépassé le but visé dans ses récents Palais nomades et avoir, en dégageant son style de toutes les coupes poétiques habituelles, façonné sous le nom de vers rythmiques une prose cadencée qui ne justifie pas la disposition typographique du volume ; — mais la pensée reste d’un poète.
A propos du style de Montaigne qui, parlant avec image des abeilles et de leur miel composé de mille fleurs, ajoute : « Ce n’est plus ni thym ni marjolaine ; » le panégyriste s’écrie : « Voilà tout Montaigne ! […] Le Discours sur la Critique montre à quel degré le jeune écrivain en avait déjà le génie pour toute la partie du style et des convenances. […] On comparait je ne sais plus quel style de nos jours à celui-là : « Oh ! […] Villemain se détachait nettement de ceux du Globe qui parlaient avec peu de révérence de la langue courtisanesque de Louis XIV, qui traitaient cavalièrement le grand style de Bossuet, et faisaient bon marché de l’originalité française. […] Travaillons donc, selon notre mesure, à approcher de ceux-là ; travaillons à en être, à garder l’art, le style, le bien-dire.
Il est des esprits chagrins qui ne regardent jamais un tableau qu’avec le désir d’y reconnaître des fautes de dessin, qui ne prennent jamais un livre qu’avec l’espoir d’y découvrir des incorrections de style. […] Peut-être trouvera-t-elle dans le récit qu’elle lui demandera des principaux événements de sa vie, dans sa physionomie, dans son costume même, l’explication de la nature de son talent, de la forme de ses compositions, de la couleur de son style et du mouvement de ses idées. […] Les événements qui se passent sous les yeux d’un poète, la nature des lieux qu’il habite, l’air même qu’il respire, ont une influence directe, une action puissante sur ses idées, sur ses impressions, sur son style, sur son génie enfin. […] Comment ses conceptions, ses idées, son style même pourraient-ils ne pas s’en ressentira Les lois, les mœurs, les croyances surtout, ne sont pas moins à étudier que les lieux et les événements, dans l’appréciation du génie d’un poète. […] Nous chercherons ensuite si cette fable est bien conduite, et si toutes les parties qui la composent se lient entre elles avec vraisemblance ; puis nous verrons si les caractères sont bien pris dans la nature, si les sentiments sont en rapport avec les caractères, et si le style est en harmonie avec les sentiments.
Il conseille aux poëtes de son école de se retirer au bagage avec les pages et les laquais, aux cours des princes, « où vos beaux et mignons escritz, leur dit-il non de plus de longue durée que vostre vie, seront reçus, admirés et adorés. » « J’ay tousjours estimé, ajoute-t-il, nostre poésie françoise estre capable de quelque plus haut et meilleur style que celui dont nous nous sommes si longuement contentés. » Que la France, si longtemps stérile, « soit grosse enfin d’un poëte dont le luth face taire ces enrouées cornemuses, non aultrement que grenouilles, quand on jecte une pierre dans leur marais. » Quel sera le caractère de la poésie, telle que Du Bellay l’imagine et la désire pour la France ? […] « L’imitation des nostres, dit-il dans la préface de la première édition de ses Odes, m’est tant odieuse, d’autant que la langue est encores en son enfance, que pour cette raison je me suis eslongné d’eux, prenant style à part, sens à part, œuvre à part, ne désirant avoir rien de commun avec une si monstrueuse erreur. » Il attaque les rimeurs, et principalement les courtisans, « qui n’admirent qu’un petit sonnet pétrarquisé ou quelque mignardise d’amour qui continue toujours en son propos ». […] Il se fait illusion quand, pour donner des exemples du style noble, il oppose à ces deux vers, qu’il méprise avec raison, comme étant du style bas, Madame en bonne foi, je vous donne mon coeur N’usez point envers moi, s’il vous plaist, de rigueur… ceux-ci, qu’il présente pour modèle de la noblesse du langage Son harnois il endosse ; et, furieux aux armes, Porfendit par le fer un scadron de gendarmes. […] Mais, moins heureux que Rabelais, qui, de temps en temps, secoue les liens de l’érudition, se rendant libre de sa mémoire, où étaient entassées et où fermentaient tant de langues et de sciences diverses, et nous donne comme les premières épreuves d’une image parfaite de l’esprit français cultivé par l’antiquité, Ronsard ne s’égara pas d’un pas, comme il s’en vante, des vers repliés de Pindare ; il ne sut pas marcher seul ; et dans tout cet amas de vers où brillent de vives étincelles, il n’y a pas une seule pièce d’un style franc et libre, où la poésie française puisse reconnaître son point de perfection. […] Malgré la précoce beauté de ces grands traits de philosophie chrétienne, qui sont la part de la Réforme dans Ronsard, et quoiqu’il y ait en beaucoup d’endroits de son recueil de l’imagination, du feu, de la fécondité, quelque invention de style, ce poète équivoque placé entre les petites perfections de la poésie familière de Marot et la haute poésie de Malherbe, ne sera jamais un auteur qu’on fréquente ; mais, comme représentant d’une époque, il y aura toujours justice à l’apprécier et profit à l’étudier.
La Bruyère imite visiblement son style ; La Fontaine le médite, Bayle se sert de son doute, comme d’une arme légère, contre les mille erreurs de l’esprit humain. […] Dans les xviie et xviiie siècles, ce sont les idées ; dans le xixe , où l’on est plus désintéressé et plus libre sur les idées, où l’on est à peu près aussi loin des rancunes jansénistes que de l’incrédulité des philosophes, c’est le style qu’on étudie et qu’on remet en honneur. […] Méthode attrayante, mêlée de tous les genres et de tous les tons ; le dogmatique arrêté à temps, coupé par des récits et de piquantes confidences sur lui-même, jamais pédantesque, même aux endroits où Montaigne paraît être le plus sérieusement de l’opinion qu’il professe la causerie jamais vaine ; l’auteur remplaçant à propos par un discours serré le laisser-aller du causeur ; tous les genres de style agréablement mêlés, depuis le plus relevé jusqu’au plus familier, sans attendre que le relevé ait trop tendu l’esprit du lecteur, ni que le familier l’ait relâché, toutes les formes du discours appelant toutes les ressources de la langue. […] Je prends de la fortune le premier argument ; ils me sont esgalement bons154. » Comme il a le mieux peint son humeur, Montaigne a le mieux défini son style « Le parler que j’ayme, dit-il, c’est un parler simple et naïf, tel sur le papier qu’à la bouche ; un parler succulent et nerveux, court et serré, non tant deslicat et peigné que véhément et brusque, Haec demum sapiet dictio, qUse feriet plutôst difficile qu’ennuyeux, esloigné d’affectation, desreglé, descousu et hardy, chaque loppin y face son corps ; non pedantesque, non fratesque, non plaideresque. » C’est là, en effet, le style de Montaigne. […] Montaigne n’a pas parlé de Plutarque d’un style plus vif, ni sous une impression plus forte et plus présente des fruits qu’il avait tirés de cette lecture : « M’amye, j’attendois d’heure à autre une lettre.
Le style diffus peut convenir aux orateurs : il leur est permis d’étendre leurs raisons, et de les offrir sous diverses faces, pour suppléer par cette abondance, à ce qui peut échapper aux auditeurs. […] Les epithétes dans les poëtes médiocres contribuent beaucoup à cette lâcheté de style ; comme elles sont aux bons auteurs un moyen de force et de précision. […] Pour moi, j’ai tâché véritablement de lui ressembler dans les odes que j’appelle anacréontiques ; j’ai voulu y donner une idée de son esprit, de ses moeurs et même de son style. […] J’ai mieux aimé, pour faire au moins quelque chose de nouveau, imaginer quelques fictions du genre de celles d’Anacréon, les traiter à sa maniére, et chercher selon mes forces, cette douceur et cette facilité de style, qui sont un de ses plus grands charmes. […] Cela est presque devenu le style de l’ode : les bons et les mauvais auteurs l’employent également ; et moi-même, à proportion, je suis tombé là-dessus dans les plus grands excès.
C’est un archéologue qui se permet d’avoir du style, ce qui est assez audacieux pour un archéologue, et qui publie encore en ce moment un livre très-savant et très-intéressant sur les sépultures de l’ancienne Égypte. […] Toujours est-il qu’involontairement cette figure de Fanny nous rappelle un autre visage, celui de madame Bovary, mais en adouci et en distingué ; comme le style de l’auteur de Fanny nous rappelle aussi, par le fil coupant et la précision intuitive, le style de M. […] XIII La forme, le style de Catherine d’Overmeire est la forme, le style de Fanny, à laquelle M. Feydeau est revenu… Heureusement, après son essai de byronisme dans Daniel, le Byronien infortuné, dont le style est fait de sécheresses qui craquent dans sa phrase comme des bottes de maroquin travaillées à la mécanique, ne recommencera plus de tentative poétique en prose.
Quand sir Walter Scott en viendra à la campagne d’Italie et à la correspondance de Bonaparte avec Joséphine, il comparera le style étincelant de ces lettres au langage d’un berger arcadien, et il ajoutera ces singulières paroles qu’on croirait entendre sortir des lèvres froncées d’une milady autour d’une table à thé : « Nous ne pouvons nous dispenser de dire que dans certains passages, qu’assurément nous ne citerons pas, cette correspondance offre un ton d’indélicatesse (indelicacy) que, malgré l’intimité du lien conjugal, un mari anglais n’emploierait pas, et qu’une femme anglaise ne regarderait pas comme l’expression convenable de l’affection conjugale. » Risum teneatis… Maintenat que nous avons un échantillon du XVIIIe selon sir Walter Scott, prenons une idée du tableau qu’il trace de la révolution francaise : « La définition du tiers état par Sieyes fit fortune, au point que les notables demandèrent que les députés du tiers fussent égaux en nombre aux députés de la noblesse et du clergé réunis, et formassent ainsi la moitié numérique des délégués aux États généraux. » Mais on sait que l’Assemblée des notables se prononça contre le doublement du tiers, et que le bureau présidé par Monsieur fut le seul qui vota pour cette mesure. […] Parmi tant de graves découvertes, sir Walter Scott ne néglige pas les plus menus détails ; il affecte d’entremêler son style de locutions françaises y et n’est pas moins heureux investigateur sac ce point que dans le reste. […] Quoiqu’il y ait une sorte d’impertinence à décider du style d’après une traduction, il est impossible de ne pas remarquer que sir Walter Scott, comme à plaisir et pour combler son œuvre de tous les ridicules, a pris un singulier travers.