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1479. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Chamfort. » pp. 539-566

Je cherche, dans les Pensées de Chamfort, à en extraire quelques-unes qui soient d’une nature plus douce, plus conforme à ce sentiment simple, et qui aient de la tristesse sans trop d’âcreté : Je demandais à M… (ce M… c’est lui) pourquoi, en se condamnant à l’obscurité, il se dérobait au bien qu’on pouvait lui faire : « Les hommes, me dit-il, ne peuvent rien faire pour moi qui vaille leur oubli. » Que peuvent pour moi les grands et les princes ? […] Cet éditeur, sous le pseudonyme Stahl, vantant son auteur et me rencontrant sur son chemin, m’a fait la guerre ; rien de plus simple : cela l’accommodait. […] Lorsqu’on me donnera des républicaines comme Mme Roland, lorsqu’on me montrera des républicains simples, droits, intègres et savants comme M. 

1480. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

dis-je à Henri, rien n’est plus simple. […] Voilà cette histoire ; elle est bien simple, elle est facile à raconter ; et si vous n’étiez pas venu me chagriner par votre sortie contre Molière, je ne m’en serais pas mal tiré. […] Notre ami, tout rempli d’admiration pour cette comédie incomparable, disait cependant que les jeunes filles n’avaient rien à y voir, qu’elles étaient cruellement déplacées dans ce drame du plaisir et de la joie où l’amour et l’esprit se tiennent, si étroitement pressés, qu’il n’y a plus de place pour les plus simples sentiments du cœur ; il disait encore que la comédie de Molière, toute remplie de pères crédules, de vieillards amoureux, de jeunes gens éveillés, de soubrettes égrillardes, de valets goguenards, cette comédie où rien ne manque, pas même l’entremetteuse et l’escroc, n’était pas faite pour y faire apparaître des enfants frais et blonds.

1481. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre III : Règles relatives à la distinction du normal et du pathologique »

Pourquoi nous recommanderait-elle la plus rapide de préférence à la plus économique, la plus sûre plutôt que la plus simple, ou inversement ? […] Ainsi, le vol et la simple indélicatesse ne froissent qu’un seul et même sentiment altruiste, le respect de la propriété d’autrui. […] Mais si ce même sentiment devient plus fort, au point de faire taire dans toutes les consciences le penchant qui incline l’homme au vol, il deviendra plus sensible aux lésions qui, jusqu’alors, ne le touchaient que légèrement ; il réagira donc contre elles avec plus de vivacité ; elles seront l’objet d’une réprobation plus énergique qui fera passer certaines d’entre elles, de simples fautes morales qu’elles étaient, à l’état de crimes.

1482. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Sainte-Beuve » pp. 43-79

Homère est l’homme et Virgile est la femme… Idée bien simple, mais que, pour cette raison sans doute, tous les parallèles entre Virgile et Homère ont oubliée… Sainte-Beuve lui-même, qui darde si bien sa lancette dans la veine des sujets dont il veut nous faire voir le sang, Sainte-Beuve a omis comme les autres cette différence de sexe, dans la même nature de génie, qui pose d’un trait le rapport à établir entre Homère et Virgile et que la Critique a toujours manqué ! […] C’est, au contraire, un génie sui generis, — simple, spontané et profond, il a trop le cachet de la sibylle antique pour s’arranger aussi petitement que Sainte-Beuve semble le croire. […] Nous, nous pouvons dire de simple intuition et par le fait de notre connaissance présumée du genre d’esprit de Sainte-Beuve, de cet esprit si travaillé, si tortillé, à trompe déliée d’insecte, mais d’insecte empâté souvent dans des viscosités sucrées, qu’un tel esprit n’était pas troussé lui-même pour trousser une lettre.

1483. (1879) L’esthétique naturaliste. Article de la Revue des deux mondes pp. 415-432

Il s’est trouvé à tous les âges de l’humanité, il ne cessera pas d’y avoir des bons et des médians, des simples et des raffinés, des êtres nobles et des êtres pervers, des gens d’esprit et des sots, des natures froides et calculatrices et des tempéraments passionnés. […] J’accorde que les romanciers nous ont plus d’une fois fatigué avec leurs marquises et leurs comtesses ; il en est que la qualité entête tout simples bourgeois qu’ils soient nés, et qui, comme tel personnage de Molière « ne parlent jamais que duc, prince ou princesse ». […] Le vrai peuple de Paris seulement, avec ses enthousiasmes, irréfléchis mais généreux, sa soif de justice, sa charité simple et touchante, sa vaillance à la besogne si rude qu’elle soit, ses vertus de famille solides, malgré bien des irrégularités d’état civil et jusqu’en ces irrégularités, nous l’avez-vous jamais montré ?

1484. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIII. »

Les grammairiens, les eunuques, les gens de cour, tout le faste industrieux d’Alexandrie, ont pu rejeter une âme poétique vers les simples pensées de deux pauvres pécheurs, ou les gracieux souvenirs des bergers de Sicile, comme Versailles et les courtisanes du dix-huitième siècle ont pu faire rêver le désert de Paul et Virginie, et comme les cachots de la Terreur ont inspiré les vers divins à la Jeune Captive. […] La différence entre la poésie pastorale et la poésie rurale des Géorgiques, c’est la peinture de l’amour et l’expression dramatique dans la vie la plus simple. […] Ce charme est emprunté à la poésie plus antique, aux images plus simples encore de l’Orient ; il vient de cette poésie primitive de la Judée : et c’est ainsi que, par la puissance de l’imitation sur un heureux génie, par l’idéal qu’elle lui fait sentir dans les lointaines images d’un temps dissemblable du sien, un lettré de Syracuse et d’Alexandrie, un poëte de cour, chez un peuple vieilli de luxe et de servitude, a pu trouver cette gracieuse mélodie des idylles grecques, et ajouter, si tard, des fleurs fraîches écloses à la couronne d’Homère, de Simonide et d’Anacréon.

1485. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

Parole déplorable, diplomatie équivoque, quand elle n’est pas qu’une simple et basse hypocrisie ! […] Ce livre a pour titre : Jésus, et renferme peut-être, sons sa forme simple et châtiée, les meilleures inspirations du poète. […] De simples employés de l’état civil rempliraient admirablement leur office. […] Épiant tous les mouvements de l’ennemi, il assistait à toutes les rencontres et souvent faisait le coup de fusil comme un simple grenadier. […] Le 8 mai, le grand-duc ne put patienter davantage et alla en simple particulier à Versailles pour y assister à la procession des chevaliers du Saint-Esprit.

1486. (1896) Les Jeunes, études et portraits

Elles sont remplies de passions simples et grandes. […] Des fleurs sauvages, des simples et qui suivent la nature. […] La vie n’est pas suspendue, mais elle continue, bourgeoise et simple, après la tragique révélation. […] La réponse est très simple. […] Mais la réponse est fort simple.

1487. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Émile Augier » pp. 317-321

Il a été le premier à mettre en saillie ce contraste d’un simple homme de lettres comme lui, succédant à un homme politique qui avait joué un si beau rôle.

1488. (1874) Premiers lundis. Tome II « Revue littéraire »

Dans une dernière pièce, intitulée les Bluets, il compare ses vers à cette simple fleur, qui suffit à la bergère : De même il en advient pour tes vers, ô poète !

1489. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre premier. Que personne à l’avance ne redoute assez le malheur. »

Les indifférents, les connaissances intimes mêmes, vous représentent, par leurs manières avec vous, le tableau raccourci de vos infortunes : à chaque instant, les mots, les expressions les plus simples, vous apprennent de nouveau ce que vous savez déjà, mais ce qui frappe à chaque fois comme inattendu ; si vous faites des projets, ils retombent toujours sur la peine dominante ; elle est partout, il semble qu’elle rende impraticable les résolutions mêmes qui doivent y avoir le moins de rapport ; c’est contre cette peine alors qu’on dirige ses efforts, on adopte des plans insensés pour la surmonter, et l’impossibilité de chacun d’eux, démontrée par la réflexion, est un nouveau revers au-dedans de soi.

1490. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre VI. Exordes. — Péroraisons. — Transitions. »

Le madrigal, plus simple et plus noble en son tour… Si Boileau avait songé que tous ces genres n’avaient rien de commun que d’être des genres de poésie, et qu’ils ne se reliaient point l’un à l’autre, mais chacun à part à l’idée générale de ce second chant, destiné à exposer les règles des genres secondaires, il se serait épargné bien de la peine et n’aurait pas fait la joie de ses ennemis.

1491. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre premier. Du rapport des idées et des mots »

L’opération est unique et simple : c’est en changeant de mot qu’on modifie l’idée, et le mot et l’idée arrivent ensemble à leur forme juste et parfaite.

1492. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre II. Du sens et de la valeur des mots »

Le sentiment du style est précisément le discernement délicat de l’élasticité des mots : il faut posséder, par un don naturel ou une patiente étude, le secret de cette sorte de manipulation chimique, qui, par la combinaison des mots, change la couleur, le parfum, le son, la nature même de chacun d’eux et peut obtenir un tout, homogène et simple en apparence, où les éléments associés n’ont souvent gardé aucune de leurs propriétés individuelles.

1493. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Laforgue, Jules (1860-1887) »

Moréas la sympathie qui se doit, nous dirons hautement aussi qu’un poète est né de ce dernier quart de siècle ; il en est un dont les vers sont nouveaux après vingt lectures et suscitent toujours de nouvelles joies ; qui eut le cœur simple et l’âme noble, et une finesse plus fine que celle même de M. 

1494. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Marie Tudor » (1833) »

Shakspeare, comme Michel-Ange, semble avoir été créé pour résoudre ce problème étrange dont le simple énoncé paraît absurde : — rester toujours dans la nature, tout en en sortant quelquefois. — Shakspeare exagère les proportions, mais il maintient les rapports.

1495. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre VII. Suite du précédent. — Paul et Virginie. »

Les personnages sont aussi simples que l’intrigue : ce sont deux beaux enfants dont on aperçoit le berceau et la tombe, deux fidèles esclaves et deux pieuses maîtresses.

1496. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Restout » pp. 187-190

Il a l’air d’un Jupiter olympien, tant il est simple et majestueux.

1497. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Louis-Michel Vanloo » pp. 191-195

Rien n’est plus simple, plus naturel et plus vrai que cette dernière figure.

1498. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 50, de la sculpture, du talent qu’elle demande, et de l’art des bas-reliefs » pp. 492-498

Enfin la composition finit par plusieurs figures, dessinées sur la superficie du marbre par de simples traits.

1499. (1923) Les dates et les œuvres. Symbolisme et poésie scientifique

… Mallarmé vint ouvrir lui-même, me tendit la main, du geste simple qu’on a à la redonner à l’ami que l’on quittait hier. […] Moi aussi, une œuvre, et sur un plan, et c’est plus simple ! […] (Et inutile, dirons-nous, si l’on s’en tient à sa conception de simple traduction.) […] Avec ce simple livre édité par la « Plume », Verlaine a touché plus qu’avec toutes ses œuvres passées !! […] Là est « l’obscurité de Mallarmé » : non point en les idées qui sont simples, simplistes même, quasi non-existantes en certains cas.

1500. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

Osons dire qu’ici elle paraît plus grande et plus simple. […] Tout cela, sans doute, est plus animé qu’un simple récit, il y a plus de mouvement, du moins pour les yeux ; comment le nier ? […] Plus loin, dans cette même Lettre apologétique, Corneille se défendait ainsi de l’accusation de plagiat : « Vous m’avez voulu faire passer pour simple traducteur, sous ombre de soixante et douze vers que vous marquez sur un ouvrage de deux mille, et que ceux qui s’y connaissent n’appelleront jamais de simples traductions. […] Elle était, à ce qu’il paraît, des plus simples et des plus ordinaires. […] Or il est, ou du moins se croit, fils d’un simple pêcheur, de chez qui il s’est enfui tout jeune, emporté par l’esprit d’aventure et la soif de la gloire, pour se faire soldat.

1501. (1890) Nouvelles questions de critique

Si l’Académie française n’avance pas plus rapidement dans un travail très long, très pénible, et surtout très méticuleux, il y en a une bonne raison, très simple, mais très forte c’est qu’elle y est incompétente. […] Mieux que cela, et cette histoire, si je l’osais, je l’inviterais lui-même à l’écrire, à la condition seulement que ce fût d’un style plus simple, ou même plus naïf, mais surtout moins « littéraire ». […] La raison n’en est-elle pas bien simple ? […] Les faire donc passer du concret à l’abstrait, du propre au figuré, du simple au composé, de l’individuel au général, du semblable au contraire, de la désignation du tout à celle de la partie, quoi encore ? […] Il me paraît que ces deux définitions, très simples, ont de grands avantages.

1502. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

Ces vieillards, qui sont des dieux, ou à peu près, ne peuvent pas être comme les simples mortels. […] C’étaient de petits propriétaires ruraux, voire de simples fermiers. […] C’étaient aussi des maîtres d’école ou de simples ouvriers, tisserands ou laboureurs. Ils avaient de très belles âmes, simples, naïves et pures. […] Dès lors, simple ouvrier à la fabrique de tabac de Morlaix, il fut, de plus, auteur, acteur, directeur de théâtre, Shakspeare ou Molière breton.

1503. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre huitième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Victor Hugo »

Comme il s’agit d’un poète, nous ne pouvons savoir avec précision si cette idée était pour lui un simple symbole. […] ………………………………………… S’il s’agit du principe éternel, simple, immense, Qui pense puisqu’il est, qui de tout est le lieu, Et que, faute d’un nom plus grand, j’appelle Dieu, Alors tout change, alors nos esprits se retournent, ………………………………………… Et c’est moi le croyant, prêtre, et c’est toi l’athée178. […] Dès ces premiers vers le simple critique littéraire, tout en admirant le mouvement de l’ode, murmurera peut-être : « grandes épithètes, images obscures et incohérentes ;  » mais le philosophe, lui, retrouve toute une doctrine sous chaque mot : « l’insondable au mur d’airain », c’est l’inconnaissable de la métaphysique, qui ferme et mure pour l’intelligence le mystère du monde ; « l’obscurité formidable du ciel serein », c’est une allusion à la doctrine propre du poète sur le jour et la nuit, le jour étant aussi obscur en soi que la nuit même. […] Lisez la pièce des Contemplations qui a pour titre un simple point d’interrogation, et qui n’est tout entière qu’une grande antithèse :   ? […] Dumas aboutit à ce jugement, naïf à force de subtilité malveillante : « Il a aimé la liberté, parce qu’il a compris que la liberté seule pouvait lui donner la gloire telle qu’il la voulait, et qu’un simple poète ne pouvait aspirer à être au-dessus de tous que dans une société démocratique… Il a répudié la monarchie et le catholicisme, parce que, dans ces deux formes sociale et religieuse de l’Etat, il aurait toujours eu inévitablement quelqu’un au-dessus de lui. » Ainsi Hugo n’a pas d’autre raison à opposer au catholicisme que les intérêts de son orgueil personnel !

1504. (1920) Action, n° 2, mars 1920

Bien ne reste enfin, comme le parfum de la fée évanouie, que ce sourire de Shakespeare, sourire d’une adorable mélancolie, qui est la sienne, bien à lui, la racine de et sa fleur la plus rare : J’ai ma mélancolie à moi, faite de toute sorte de simples et où tout entre. […] Il a, si l’on peut dire, passé d’un dieu à un autre, d’un seul mouvement, par le simple poids de douleur de son existence ; il s’est donné, dans une pratique plus assidue, au dieu des Chrétiens, tel qu’il était, avec une dévotion plus nonchalante, vis-à-vis du dieu des juifs. […] Comment des lettrés sincères ont-ils pu réduire cette verve qui ne veut rien laisser perdre des injonctions profondes que recèlent les événements les plus futiles, à de la simple facétie ? […] L’art de lire ne s’est pas longtemps satisfait de la simple transcription des œuvres originales. […] Au contraire : ils sont complètement opposés l’un à l’autre, autant, que peuvent l’être l’esprit gaulois et l’esprit germanique ; celui-ci recherchant dans les combinaisons métaphysiques des possibilités divinement poétiques, celui-là composant mathématiquement, en simple constructeur de la motte de terre, des vérités intimes.

1505. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (1re partie) » pp. 337-416

On comprend, en lisant cette législation des songes, que Louis XIV, cet esprit simple, et Bossuet, ce génie de l’autorité, éloignèrent Fénelon du gouvernement des peuples et de l’éducation des princes. […] Combien un écrivain, qui sait puiser dans la vie familière le pathétique simple des scènes intimes, et fait d’une veillée entre un vieillard, un enfant et le souvenir d’une mère morte, un drame muet qui remue le cœur dans des millions de poitrines, combien, disons-nous, un tel écrivain doit-il être, à son gré, le maître des cœurs, ou l’apôtre des vérités ou le roi des sophismes ! […] De sales amours, plus semblables à des turpitudes qu’à des affections, souillent à chaque instant ces pages de jeunesse, ignoble philosophie des sens dont les images font rougir la plus simple pudeur ; sensualités grossières ; fleurs de vices dans un printemps de sensations que Rousseau fait respirer à ses lecteurs et à ses lectrices, et dont il infecte l’odorat des siècles. […] Amant prétendu de la nature, il méprise la simple beauté des jeunes filles de basse condition, pleines de prévenances et d’agaceries pour lui ; il avoue ses goûts tout aristocratiques pour le rang, l’orgueil, la parure des jeunes personnes de haut rang et de haute fortune.

1506. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

Simple artisan, ou plutôt artiste, mais artiste d’un talent bien inférieur aux grands statuaires de son temps à Athènes, il sculptait dans son atelier à peine autant qu’il était nécessaire pour nourrir sa femme et ses enfants ; sans cesse distrait du ciseau par la pensée, ouvrant sa porte à tout le monde, interrompant son travail pour répondre aux questions qu’on lui adressait sur toutes choses, courant ensuite de porte en porte et accostant lui-même les passants pour leur parler des choses divines, consumé du zèle de la vérité, missionnaire des foules, semant le bon grain à tout vent de la rue ou de la place publique : homme qu’on aurait considéré comme un fou, s’il n’avait pas été un modèle de toute vertu et un oracle de toute sagesse. […] VII Ces dialogues ont cependant de grands défauts, qui semblent tenir au génie un peu verbeux de la Grèce, et au génie un peu sophistique de Platon, plus qu’à l’âme naturellement ouverte, simple, sincère et courageuse de Socrate. […] Elle paraîtrait plus belle encore si elle était plus simplement exposée par Platon, non dans le style de l’école et de l’académie grecques, mais dans le style simple, naïf, limpide et populaire des paraboles évangéliques. Forme pour forme, j’avoue que je préfère la parabole au dialogue : la parabole est l’épopée de la vérité pour les simples ; le dialogue de Platon est le cliquetis des idées pour les sophistes.

1507. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIe entretien. L’Imitation de Jésus-Christ » pp. 97-176

On le retrouve à Paris en 1429, devenu simple catéchiste d’enfants dans l’église de Saint-Paul de Lyon. […] La nature cherche à se procurer ce qu’il y a de précieux et de beau, et elle a horreur de ce qui est vil et grossier ; mais la grâce se plaît aux choses simples et abjectes, ne dédaigne point ce qu’il y a de plus dur, et ne refuse pas de porter les habits les plus usés. […] Une âme pure, simple, ferme dans le bien, n’est jamais dissipée au milieu même des plus nombreuses occupations, parce qu’elle fait tout pour honorer Dieu, et que, tranquille en elle-même, elle tâche de ne se rechercher en rien. […] Ce n’est pas qu’il faille blâmer la science, ni la simple connaissance d’aucune chose ; car elle est bonne en soi et dans l’ordre de Dieu ; seulement on doit préférer toujours une conscience pure et une vie sainte.

1508. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

La raison en est simple : les peuples, avant leur âge de parfaite civilisation, n’ont ni assez de loisir, ni assez de richesse, ni assez de luxe public pour élever à leurs poètes ces édifices vastes et splendides, ces institutions de plaisir public qu’on appelle des théâtres et des scènes. […] Quels plus riches matériaux de langue un grand poète éclectique comme Racine pouvait-il trouver sous la main pour construire à sa gloire et à la gloire de sa nation le chef-d’œuvre achevé et insurpassable de la langue poétique française, si ce poète surtout savait choisir avec la sûreté de bon sens, la délicatesse de goût et le tact infaillible du caractère français ce qui convenait le mieux dans ces matériaux étrangers au génie sensé, clair, simple et naturel de la nation ? […] La langue n’est pas moins transformée que l’idée ; de molle et de langoureuse qu’elle était dans Andromaque, dans Bajazet ou dans Phèdre, elle devient nerveuse comme le dogme, majestueuse comme la prophétie, laconique comme la loi, simple comme l’enfance, tendre comme la componction, embaumée comme l’encens des tabernacles ; ce ne sont plus des vers qu’on entend, c’est la musique des anges ; ce n’est plus de la poésie qu’on respire, c’est de la sainteté. […] Mais ce n’était pas, dans l’esprit de Racine, une tragédie : c’était une idylle simple à la portée des jeunes filles et des enfants qui devaient en être les acteurs ; comme poésie de style, images, langue, sonorité, douceur et majesté, c’est la Bible elle-même non traduite, mais transvasée comme un rayon de miel d’Oreb sur la langue des femmes et des enfants d’une autre Sion !

1509. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

nous, petits enfants, nourris de la rosée de cette mamelle spirituelle, chantons ensemble de simples louanges, des hymnes véridiques au Christ-Roi ! […] » À côté de ces mètres faciles, l’instinct du premier prosélytisme multipliait des hymnes plus simples encore à la Trinité sainte, au Christ et surtout à la Vierge. […] Cette harmonie des Hellènes, si mélodieuse dans ses formes les plus connues, si complexe dans la variété de ses strophes, se réduisait à de simples versets de longueur à peu près égale. […] C’est ainsi que, dans les nombreuses poésies de Grégoire de Nazianze, on peut noter trois formes principales, diversement lyriques : la méditation ascétique du philosophe, l’hymne orthodoxe et populaire de l’évêque, la prière du simple chrétien, toujours sous le regard de Dieu.

1510. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — I. » pp. 19-35

Je crains pour vous une dévotion lumineuse, haute, qui, sous prétexte d’aller au solide en lecture et en pratique, nourrisse en secret je ne sais quoi de grand et de contraire à Jésus-Christ enfant, simple et méprisé des sages du siècle. […] Reprenez les lectures qui vous ont touchée, elles vous toucheront encore, et vous en profiterez mieux que la première fois. » Dans sa correspondance spirituelle avec Mme de Montberon, il se croit ou il se dit quelquefois sec, irrégulier ; il entre, au contraire, d’une manière fine et rapide dans les délicatesses de l’amour divin ; il en donne en termes prompts et menus la théorie, comme nous dirions, les préceptes ; il le veut simple, mais d’une simplicité à laquelle on n’arrive pas du premier coup.

1511. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

La raison m’en paraît simple, et je veux chercher à vous l’expliquer ; je ne sais si elle vous paraîtra juste. […] Il lui aurait fallu une compagne de « ce caractère doux, simple et aimant, que l’on trouve, disait-il, dans nos montagnes, et qui, lorsqu’il est joint à l’esprit naturel et même à une instruction solide, est plus fait pour plaire ».

1512. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La Divine Comédie de Dante. traduite par M. Mesnard, premier vice-président du Sénat et président à la Cour de cassation. » pp. 198-214

S’il nous est donné aujourd’hui, grâce à tant de travaux dont il a été l’objet, de le mieux comprendre dans son esprit, et de le révérer inviolablement dans son ensemble, nous ne saurions abjurer (je parle au moins avec la confiance de sentir comme une certaine classe d’esprits) notre goût intime, nos habitudes naturelles et primitives de raisonnement, de logique, et nos formes plus sobres et plus simples d’imagination ; plus il est de son siècle, moins il est du nôtre. […] Mais, on l’a remarqué, c’était sans doute Homère vengeur qui lui apparaissait, et qui le voulait punir des infidélités élégantes et des trahisons toutes volontaires qu’il exerçait sur ce simple génie.

1513. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

Il a donné quelque part sa théorie pour ce genre poétique grotesque, dont les plus gaies productions contribuent, selon lui, à l’entretien de la santé et devraient être les plus recherchées et les plus chéries de tout le monde : Ce n’est pas, dit-il, que je veuille mettre en ce rang les bouffonneries plates et ridicules, qui ne sont assaisonnées d’aucune gentillesse ni d’aucune pointe d’esprit, et que je sois de l’avis de ceux qui croient, comme les Italiens ont fait autrefois à cause de leur Berni, dont ils adoraient les élégantes fadaises, que la simple naïveté soit le seul partage des pièces comiques : je veux bien qu'elle y soit, mais il faut qu’elle soit entremêlée de quelque chose de vif, de noble et de fort qui la relève : il faut savoir mettre le sel, le poivre et l’ail à propos en cette sauce ; autrement, au lieu de chatouiller le goût et de faire épanouir la rate de bonne grâce aux honnêtes gens, on ne touchera ni on ne fera rire que les crocheteurs. […] Pour moi, qui me réserve de faire un choix sévère dans cette masse de poésies, ma simple conclusion sera : relisons ces livres du passé, connaissons-les bien pour éviter les jugements tout faits et nous former le nôtre, pour nous faire une juste idée avant tout des mœurs et des modes d’esprit aux diverses époques ; soyons comme les naturalistes, faisons des collections ; ayons-les aussi variées et aussi complètes qu’il se peut, mais ne renonçons point pour cela au jugement définitif ni au goût, cette délicatesse vive : c’est assez que nous l’empêchions d’être trop impatiente et trop vite dégoûtée, ne l’abolissons pas.

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