Il eût donné plus de réalité à sa poésie, qui s’égare trop volontiers en vagues sentiments et en peintures générales ; son goût plus sûr lui aurait souvent fait aimer plus de simplicité ; du moins les éternelles redites du Dictionnaire des amants eussent-elles été davantage épargnées.
Si la dramatique angoisse de la chrétienté aux approches de l’an 1000 a été reléguée par la critique contemporaine au nombre des légendes, la réalité n’est guère moins sombre.
Il les remplit d’illusions sur leur propre mérite ; il les emprisonne ; il risque de leur enlever à jamais le sens et l’intelligence de la réalité et de faire d’eux, pour toute la vie, des écoliers, — tout flambants du prestige emprunté de l’École, mais des écoliers.
On les voit ingénieux, distingués, remarquables ; mais aucun jusqu’ici qui semble devoir sortir de ligne et grandir à distance, comme certains de nos pères, auteurs du premier mouvement : aucun dont le nom menace d’absorber les autres et puisse devenir le signe représentatif, par excellence, de sa génération : soit que, dans ces partages des grandes renommées aux dépens des moyennes, il se glisse toujours trop de mensonge et d’oubli de la réalité pour que les contemporains très-rapprochés s’y prêtent ; soit qu’en effet parmi ces natures si diversement douées il n’y ait pas, à proprement parler, un génie supérieur ; soit qu’il y ait dans les circonstances et dans l’atmosphère de cette période du siècle quelque chose qui intercepte et atténue ce qui, en d’autres temps, eût été du vrai génie. […] Il y a à dire que l’intelligence, si fidèle qu’elle soit, ne donne pas tout, que son miroir le plus étendu ne représente pas suffisamment certains points de la réalité, même dans la sphère de l’esprit. […] Jouffroy avait eu cette matinée culminante sur la Dôle, qu’il avait remarqué ce pâtre sur ce plateau, et que sa contemplation avait trouvé à une heure déterminée de sa jeunesse une forme de tableau si en rapport et si harmonieuse, je me l’étais souvent figuré, en effet, sur un plateau élevé des montagnes, avec moins de soleil, il est vrai, avec un horizon moins meublé de réalités et d’images, bien qu’avec autant d’air dans les cieux.
Mais un seul homme a été qui vraiment fut un artiste ; Beethoven, seul de tous, a constamment et dans une entière conscience, institué au-dessus de la réalité habituelle ce monde artistique d’une réalité meilleure : il a balayé de son art les immondices et les ornements inutiles, il a connu et recréé tout le domaine, à jamais possible peut-être, de son art : il a soumis ses œuvres, sans arrêt, à une théorie, mais à une théorie lente et sérieuse, et qui nous apparaît seulement sous les œuvres qui en naquirent. Les chefs-d’œuvre qui enlèvent entièrement à la réalité coutumière, Beethoven seul les a créés.
Les vestiges du passé de l’humanité, les cités ensevelies de Palmyre, de Ninive, du Yucatan nous émeuvent, soit dans la réalité, soit dans les livres, et nous ne sommes point saisis d’une crainte délicieuse, quand nous parcourons une carrière ou un musée géologique. […] Si je me laisse aller à la rêverie, je puis bien m’imaginer errer dans les rues de Bagdad ou de Bassora ; mais en ouvrant les yeux, je me retrouve dans mon cabinet et je suis ramené bien vite à la réalité. […] Ainsi s’explique le phénomène du rêve et la croyance à la réalité objective de nos idées et de nos sensations.
C’est un grand avantage pour un auteur de pouvoir faire beaucoup parler de soi, en se mettant sous la protection des lois, d’avoir un célèbre avocat qui puisse vous dire en face « que vous avez reçu une mission de votre génie pour rappeler notre littérature à la vérité, non à cette vérité de convention et d’artifice, mais à cette vérité qui se puise dans la réalité de notre nature, de nos mœurs et de nos habitudes ». Votre éloquent défenseur, qui sans doute connaît tous vos ouvrages, a vu peut-être une grande réalité de nature dans votre Marion de Lorme, qui se prostitue à un magistrat pour sauver son amant, ou dans le viol d’une jeune fille qui n’est pas trop fâchée de l’événement, ou dans le mauvais lieu que va visiter François Ier. Passez-moi cette réflexion ; mais je n’ai pu m’empêcher de la faire en songeant qu’un grand orateur, un célèbre jurisconsulte peut très mal raisonner quand il s’agit de théâtre, et qu’il vaut beaucoup mieux une vérité de convention et d’artifice qu’une réalité de nature qui ferait baisser les yeux à la jeune femme de l’avocat, s’il la conduisait aux pièces de son client.
L’homme qui passe sa vie à brasser les réalités de l’histoire, ce qui demande de la solidité et de l’aplomb, ne peut pas rester compromis et lancé sur ce principe glissant du devenir de Hegel ou du tout coule d’Héraclite, sur lequel il patine aujourd’hui. […] Trop fort dans la réalité pour s’abuser sur le personnage de l’Italie, il l’a déterminé, on vient de le voir, dans son premier volume, avec une netteté souveraine. […] Qu’un tel mot cachât une idée, — ou, meilleure fortune pour un mot, qu’il dispensât d’en avoir une ; — que ce fût là une vérité ou un sophisme, une réalité ou une chimère, la chose que ce mot exprimait existait non pas seulement de fait, mais aussi avant d’être nommée, et M.
La réalité communique une bien autre puissance que le rêve à cet esprit qui a besoin d’être contenu comme un sein très volumineux et trop tombant, et qui, si la réalité ne le retient pas dans ses strictes limites et son juste cadre, se distend, s’éblouit et s’effare. […] ce n’est plus là le poète (trop rare) de La Bataille d’Eylau du même volume, de cette bataille qui le fait sublime comme elle par la simplicité la grandeur sévère, la concision rapide, et cela par la raison qu’elle est une réalité qui lui prend l’âme et l’emplit toute, et qui ne lui permet pas, à cet homme de mots, un mot de trop.
Mais, s’il est immérité, par hasard, et qu’un second, plus vrai, plus justifié, n’en vienne pas couvrir la chance menteuse, on fait pis que de tomber, on sombre… Le Public, désabusé, de taupe devenu lynx, et furieux d’avoir été taupe, prend une revanche cruelle, et on paie en même temps pour la réalité nouvelle et pour la vieille illusion. […] Or, encore, il est évident que la passion qui brûle et bouleverse la vie, que l’amour qui se méprend, la faiblesse qui tombe, l’égoïsme qui dévore, la haine qui se venge, la pitié qui se sacrifie, toutes les fautes enfin, ces moitiés de crime, quand ce n’est pas le crime tout entier, il est bien évident que tout cela s’agite et se remue, et n’habite pas le bleu des dessus de porte des maisons tranquilles ; mais ce n’est pas moins la réalité, pour être agitée, la réalité hors de laquelle il n’y a ni mélodrame, ni drame, ni roman, ni rien de littéraire que la syntaxe et des rhétoriques… qui ne servent plus !
On sent, aux épisodes du récit, la forte réalité de l’expérience, non pas peut-être, la réalité des événements et des personnages, mais, certes, la vérité des sentiments et des caractères. […] L’art du théâtre ainsi pratiqué est une imitation de la réalité actuelle et c’est à cela qu’il se borne d’ordinaire. […] Bien plus, son idéalisme intransigeant niait la réalité même. […] Tribulat Bonhomet est stupide parce que, comme disait Flaubert, « il croit, comme une brute, à la réalité des choses ». […] Ne constituent-ils pas une sorte de réalité idéale où l’humanité aime à se représenter à ses propres yeux ?
Dostoïewski poussant plus loin encore la déformation que ces observateurs passionnés font subir à ce qu’ils voient, en vient, à force de perpétuel et trépidant émoi, à fantastiser, si l’on peut dire, la réalité, à réduire les personnages en des sortes de fous constamment furieux ou hagards, les descriptions en hallucinations de songe, les scènes en péripéties de cauchemar, et agit ainsi sur le spectateur, moins par le contenu réel de ce qu’il lui montre, que par le sentiment qu’il donne de l’état de conscience trouble et dément dans lequel l’auteur dut se trouver pour déformer ainsi tout ce que le monde lui montre. […] Évidemment, et cela est généralement admis, une œuvre d’art n’est telle que par ce qu’elle ajoute ou ôte à la réalité, par la marque qu’elle porte du tempérament de l’artiste, par le caractère qu’il exalte en elle de façon à la rendre mieux ordonnée, plus émouvante, concentrée et une que ne le sont les faits vrais à l’état brut où l’homme non artiste les perçoit. […] Ces sentiments transposés dans l’esthétique, c’est-à-dire dans le fictif, sont plus poignants que ceux de plaisir et de calme admiration que procure l’idéalisme, plus graves que ceux d’émoi, de transport, de violent intérêt que donne le romantisme ; les spectacles qui les inspirent peuvent rester tout proches du vrai ; en effet, on voit que la pitié et l’horreur sont provoquées fort souvent par la réalité pure et il ne faut que la modifier fort peu pour les exciter violemment, que d’ailleurs cette exactitude relative en son apparence sont faciles à l’artiste réaliste puisque la misère et la bassesse qu’il tend à entrer dans l’homme sont des traits que, par dénigrement et par pessimisme, on croit volontiers plus marqués qu’ils ne sont. […] Envisagée au point de vue le plus général, celle-ci est une déformation de la réalité.
Il l’emportait sur la montagne et le tentait en lui déroulant le triple monde de la passion, de la réalité et des chimères. […] Pour inventer une histoire qui s’emparât de l’homme dans sa réalité complète, Audin n’avait que lui. […] Comme tous les artistes puissants, à force de creuser dans ce gypse, dans cette prose, dans cette réalité abaissée, il devait finir par retrouver cette poésie cachée dans les entrailles de toutes choses, même les plus antipoétiques à ce qu’il semble, et qui est la poésie tirée de sa gangue, — ce diamant d’une eau si pure, — le plus intime de la vérité ! […] Mais ces notes, — fixés d’impression qu’il devait reprendre et féconder avec cette force de souvenir qui a peut-être plus de relief que la réalité même, — sont des ébauches trop hâtées et trop incomplètes pour qu’il soit convenable de les publier.
Daru est de ceux qui ne croient point à la réalité de cette conjuration : selon lui, le gouvernement de Venise n’était nullement hostile au duc d’Ossone, vice-roi de Naples, dans les projets ambitieux que celui-ci nourrissait pour son élévation personnelle et contre la monarchie espagnole. […] Daru, aurait désiré qu’une plus grande part y fût faite à l’histoire des sciences et des lettres dans la personne des Bretons célèbres ; mais le même critique se montrait, en revanche, peu disposé à admettre la réalité du noble combat des Trente, que l’historien maintenait de tout son pouvoir comme étant vrai en vertu de la tradition seule, comme devant l’être et le paraître par la beauté même de l’action.
S’emparant des doutes de la science, des incertitudes qui semblent la partager encore, se donnant pour auxiliaires les illustres naturalistes qui, soit par conviction, soit par prudence, ont biaisé ou qui même ont nié absolument la réalité et la possibilité de la transformation des espèces, M. […] Il est bien plutôt occupé à rompre l’arrangement artificiel et les antithèses spécieuses qu’engendre la parole, pour se remettre sans cesse en présence de la vérité des objets et de la réalité nue.
Il ne jouit pleinement des types que dans les réalités qui les altèrent. […] Qu’on suive Pantagruel dans son tour de France : on verra comment Rabelais fait ressortir les choses d’un trait bref, avec quelle vigueur il enlève en trois mots une esquisse : au contraire, dans les amples scènes du roman, dans les discours étalés et les larges dialogues, dans la harangue de Janotus, dans les propos des buveurs, dans le marché de Panurge et Dindenaut, dans la défense du clos de l’abbaye ou dans cette étourdissante tempête, on sera confondu de la patience et de la verve tout à la fois avec lesquelles Rabelais suit le dessin de la réalité dans ses plus légers accidents et ses plus baroques caprices.
Et, pour la première fois, près de lui, on sentait, on touchait la réalité de la pensée ; ce que nous cherchions, ce que nous voulions, ce que nous adorions dans la vie existait ; un homme, ici, avait tout sacrifié à cela. » Avez-vous remarqué dans cette citation de Gide la phrase : « On trouvait là d’abord un grand silence ? […] La réalité ne compte plus.
III Deux bons chapitres (xiii et xiv) sur la sympathie, l’imitation et l’émotion idéale, c’est-à-dire celle qui a pour cause de pures idées et non des réalités, précèdent l’exposition esthétique. […] On traduirait cette doctrine dans la langue de Kant en disant : les vérités scientifiques et morales sont subjectives ; toute leur réalité est en nous et non hors de nous.
Chez Pariset, l’anatomie trop souvent fait défaut, même l’anatomie au moral : en peignant ses personnages, il n’a pas et ne rend pas assez le sentiment de la réalité. […] C’est ce sentiment de réalité et de vérité qu’il s’agit d’introduire de plus en plus, bien qu’avec discrétion toujours et avec goût, dans l’éloge historique.
Plus d’une fois il s’élève ; le sentiment de la réalité et la vivacité de son affection humaine lui suggèrent une sorte de poésie : Je dois bientôt quitter celle scène, écrivait-il à Washington (5 mars 1780) ; mais vous pouvez vivre assez pour voir notre pays fleurir, comme il ne manquera pas de le faire d’une manière étonnante et rapide lorsqu’une fois la guerre sera finie : semblable à un champ de jeune blé de Turquie qu’un beau temps trop prolongé et trop de soleil avaient desséché et décoloré, et qui dans ce faible état, assailli d’un ouragan tout chargé de pluie, de grêle et de tonnerre, semblait menacé d’une entière destruction ; cependant, l’orage venant à passer, il recouvre sa fraîche verdure, se relève avec une vigueur nouvelle, et réjouit les yeux, non seulement de son possesseur, mais de tout voyageur qui le regarde en passant. […] Franklin, vieux, lisait peu les poètes ; il en est un pourtant qui, par son naturel, sa grâce simple, et la justesse de ses sentiments, sut trouver le chemin de son cœur : c’était William Cowper, l’humble poète de la vie morale et de la réalité.
Eh bien, si je regarde autour de nous, et si je considère les principaux événements de l’histoire du monde depuis le Contrat social, il me semble que le principe de la souveraineté sort de plus en plus de l’utopie pour entrer dans la réalité des faits. […] Soyez l’interprète, l’avocat de cette grande époque, et réveillez dans ma conscience le goût de ces sortes de vérités que j’oublie trop, j’y donne les mains ; mais, pour me toucher, il faut que vous partagiez ma passion, car vouloir que je sois un contemporain de Bossuet qui accorde quelque chose à Voltaire et à Montesquieu, voilà qui est impossible : ce n’est pas là la réalité.
Il faut qu’il y ait des autorités et des prééminences investies de quelque force morale, et qui n’aient pas à faire vérifier chaque matin la réalité de leurs pouvoirs. […] Comme ceux qui ont cultivé ces sciences n’ont pas voulu voir où elles manquaient, les premiers sont arrivés à nier la réalité des objets extérieurs ; les seconds se trouvaient amenés à nier l’existence de l’âme. […] Les sentiments leur paraissent avoir plus de réalité que les actions. […] Ce consentement ou contrat est donc en effet le principe rationnel de son existence ; mais ce contrat est tacite, il l’a toujours été, conséquemment il n’a pas de réalité. […] Une foule d’écrits utiles et instructifs se répandent ; le savoir devient plus facile à acquérir, mais précisément pour cette raison il a souvent plus d’apparence que de réalité.
Rêves et réalités, par Mme M.
Sa pensée se projette au-dessus des êtres et des choses, franchit les réalités physiques et rapporte les visions des au-delà entrevus.
Parfois, au soir, il rêvait de se promener dans le Luxembourg, grilles fermées ; de marcher dans les allées noires en songeant à des choses très lointaines ; ses yeux se fermaient sur le monde visible et s’ouvraient sur le rêve que déployaient devant lui la réalité de ses hallucinations et ses enfilades de perspectives infinies.
Tout cela est utopie à l’heure présente ; tout cela sera réalité dans l’avenir.
Mais je ne crois pas qu’on puisse accepter cette simplification excessive de la réalité, et cela pour plusieurs raisons.
L’instinct logique et scientifique, qui se ramène à une attente de l’intelligence, n’est que l’anticipation de la réalité même par le désir d’unité dans la multiplicité.
À ceux qui le blâment d’avoir accepté sur la mort des maris de Lucrèce certaines rumeurs populaires à demi fabuleuses, il répondrait que souvent les fables du peuple font la vérité du poète ; et puis il citerait encore Tacite, historien plus obligé de se critiquer sur la réalité des faits que le poète dramatique : Quamvis fabulosa et immania credebantur, atrociore semper fama erga dominantium exitus.
Le plaisir qu’on sent à voir les imitations que les peintres et les poëtes sçavent faire des objets qui auroient excité en nous des passions dont la réalité nous auroit été à charge, est un plaisir pur.
Mais ici nous ne pouvons pas sortir du monde positif, de la sphère de la réalité ; l’imagination doit rester attachée à ce qui est dans le moment actuel.
Par le premier j’exprime, autant qu’il est en moi, la nature même de l’objet, — sa réalité.
En somme, cette théorie est fort platonicienne et par conséquent assez claire Nous n’avons aucune connaissance directe de rien, pas même de notre âme ; mais toute réalité est symbolique, tout n’est que symbole. […] Ils ont le charme de la variété ; ils nous font souvent mieux connaître l’auteur que des œuvres plus considérables en apparence, mais ramassées sur une matière unique et d’horizon plus restreint ; ils nous offrent de charmants voyages au pays des idées, qui est celui de la réalité vraie, ou qui la résume avantageusement par des raccourcis synthétiques. […] Ou, s’il y en a un, c’est « la lutte entre les faits proposés par la réalité, et la réalité idéale », ou entre la matière brute et l’effort du romancier pour la « styliser », ou encore « entre ce que la réalité lui offre et ce que, lui, prétend en faire » ; ou enfin, le « sujet profond », c’est « la rivalité du monde réel et de la représentation que nous nous en faisons ». […] Chez ces idéalistes et ces contemplatifs — attachés à la plus haute ou même à la seule réalité, les idées — M.
Une réalité brillante, un idéal naïf ne sont pas incompatibles. […] Je ne me souviens pas d’avoir, pendant cette longue période de travail, passé le pont des Arts, ni jamais acheté d’eau. » Sans doute Raphaël exagère un peu l’économie, mais la correspondance de Balzac avec sa sœur montre que le roman ne diffère pas beaucoup de la réalité. […] Il n’accepta rien des mythologies et des traditions du passé, et il ne connut pas, heureusement pour nous, cet idéal fait avec les vers des poëtes, les marbres de la Grèce et de Rome, les tableaux de la Renaissance, qui s’interpose entre les yeux des artistes et la réalité. […] Vers la fin de sa vie, il a fait quelques courts poëmes en prose, mais en prose rhythmée, travaillée et polie comme la poésie la plus condensée ; ce sont des fantaisies étranges, des paysages de l’autre monde, des figures inconnues qu’il vous semble avoir vues ailleurs, des réalités spectrales et des fantômes ayant une réalité terrible. […] Il ne s’agit pas de transporter directement la nature sur la toile, de copier la réalité comme on la voit car dans l’art il y a cent mille réalités de saisir les jeux de l’ombre et de la lumière, de reproduire l’air de tête qui vous plaît, le sourire qui vous a charmé.
Il ne croit pas à la réalité des êtres qui semblent l’environner, mais il croit à la réalité des idées qu’il s’en forme. […] « On oppose, écrit-il, la réalité à l’idéal, comme si l’idéal n’était pas la seule réalité qu’il nous soit permis de saisir. » Conclusion : l’idéalisme est la seule forme légitime de l’art. […] Vous prouverez ainsi au peintre et au modèle qu’il y a sous l’apparence quelque réalité. […] Il est piquant d’allier, comme lui, le bouffon à l’exquis, la fantaisie subtile au sens le plus net de la réalité. […] Que de contradictions entre ses rêves et la réalité !