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417. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XV. Des ouvrages sur les différentes parties de la Philosophie. » pp. 333-345

., est plein d’idées lumineuses ; mais il y a quelques principes dangereux, & l’ouvrage est trop diffus. […] in-12., à l’usage des enfans, qui est bien écrit, & plein d’utiles moralités.

418. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Topffer »

Ces voyages, distribués en trois parties : — la Grande-Chartreuse, — le Mont-Blanc, — et Gênes, — ont donc l’intérêt d’une œuvre mûre dans laquelle les triples facultés de Topffer battent ce plein après lequel peut-être il n’y a plus qu’un commencement de reflux, dans le talent comme dans la mer. […] Le peintre de mœurs, chez Topffer, manque de repli, de profondeur, de ce coup d’œil qui fouille, jusqu’au fond, le sac plein ou vide du cœur de l’homme et la besace de sa vanité !

419. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Erckmann-Chatrian » pp. 95-105

Il y a enfin dans Erckmann-Chatrian tout le contraire de ce qu’il cherche : — un homme de la réalité, de la lumière, du plein jour, un coloriste naïf et parfois vaillant, qui trémousse la couleur sur la palette et la jette sur sa toile avec une brutalité joyeuse et souvent heureuse. […] Cela suffirait seul pour justifier nos observations sur Erckmann-Chatrian, qui, de nature, n’est pas fait pour ce monde à part, surnaturel et clair-obscur, ou fantastique, et dont le talent n’a qu’au plein jour de la vie réelle et corpulente, sa force et son intensité.

420. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

Ainsi, divisant les matières avec soin pour ne pas les traiter vaguement, je m’efforcerai à les réduire en un corps de doctrine, en théorie complète de littérature, dont les principes auront une pleine évidence. […] Ce Rollin, translateur des histoires de l’antiquité, dont la mémoire était pleine de faits et de harangues politiques et sacrées, alliait-il à ses leçons littéraires des incidences oratoires sur les affaires des républiques et des empires ? […] Le tout ainsi justement regardé, paraît exact, plein de raison, et l’on voit que les figures s’accordent bien, et se soutiennent mutuellement. […] Du reste il est plein d’excellents morceaux et étincelle de beaux traits, qui m’ont paru dignes d’être imités sur notre théâtre. […] Jamais l’épouvante d’un meurtrier, à l’apparition d’un spectre supposé, ne choqua moins la raison : le parterre se leva tout entier, plein de terreur, et les marques de son suffrage confirmèrent ce que j’avais prévu.

421. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre IV. Services généraux que doivent les privilégiés. »

La France ressemble à une vaste écurie où les chevaux de race auraient double et triple ration pour être oisifs ou ne faire que demi-service, tandis que les chevaux de trait font le plein service avec une demi-ration qui leur manque souvent. Encore faut-il noter que, parmi ces chevaux de race, il est un troupeau privilégié qui, né auprès du râtelier, écarte ses pareils et mange à pleine bouche, gras, brillant, le poil poli et jusqu’au ventre en la litière, sans autre occupation que de toujours tirer à soi. […] À la fin le troupeau écorché découvrira ce qu’on fait de sa laine. « Tôt ou tard118, dit un Parlement dès 1764, le peuple apprendra que les débris de nos finances continuent d’être prodigués en dons si souvent peu mérités, en pensions excessives et multipliées sur les mêmes têtes, en dots et assurances de douaires, en places et appointements inutiles. » Tôt ou tard, il repoussera « ces mains avides qui toujours s’ouvrent et ne se croient jamais pleines, ces gens insatiables qui ne semblent nés que pour tout prendre et ne rien avoir, gens sans pitié comme sans pudeur ». — Et ce jour-là les écorcheurs se trouveront seuls. […] Mais il vit parmi les misérables auxquels il doit l’aumône, et il garde au fond du cœur une amertume secrète contre le richard oisif qui, les poches pleines, l’envoie faire, avec des poches vides, un ministère de charité. […] Lancé hors de sa voie, il donne, il achète, il bâtit, il échange, il vient en aide aux gens de son monde, le tout en grand seigneur, c’est-à-dire en jetant l’argent à pleines mains.

422. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série «  Leconte de Lisle  »

Alors, le cœur révolté contre l’Être, mais les yeux pleins du prestige de ses formes ; indigné des monstruosités de l’histoire, mais désarmé par l’intérêt de son mécanisme et ébloui par la richesse de ses décors ; soulevé contre le spectre des religions, mais apaisé par l’idée qu’un jour peut-être elles auront vécu ; conspuant l’humanité et l’adorant à la fois, il alla prendre pour héros l’antique rebelle, le premier après Lucifer qui ait crié : Non serviam ! […] C’est le soir ; ils rentrent dans la ville avec leurs femmes et leurs troupeaux,     Suants, échevelés, soufflant leur rude haleine     Avec leur bouche épaisse et rouge, et pleins de faim Le tombeau de Kaïn est au sommet de la plus haute tour. […] Viennent alors les idylles, Glaucé, Klytie, Kléariste, la Source, etc., songes d’amour enchanté, tout près de la nature, pleins d’images ravissantes, presque sans pensée. […] Attachés à la terre par leur corps robuste plein de désirs grossiers, ils n’en sont pas moins obsédés par la pensée de l’invisible, par le désir de la cité d’en haut ; ils ne la conçoivent pas d’ailleurs d’une façon beaucoup plus raffinée que leurs aïeux ne faisaient le paradis d’Odin  Les Indous, émus par la souffrance universelle, pratiquaient une charité purement terrestre, épanchaient sur leurs frères une immense pitié ; on ne peut dire qu’ils aient sacrifié cette vie à une vie future, puisque ce qu’ils attendaient de la mort ou de l’extase, c’était l’anéantissement de la personnalité. […] Pour une fois qu’elle est douce comme dans les dernières strophes des Clairs de lune, délicieuse comme dans la Bernica, sublime comme dans le Sommeil du Condor  l’Effet de lune, et surtout les Hurleurs nous la montrent pleine de désespoirs et d’épouvantements.

423. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff (suite) » pp. 317-378

On désire respirer à pleine poitrine un air pur et léger, et non cet air étouffant à force de parfums et d’humidité. […] Mon âme désirait un bonheur si plein ! […] Elle est jolie ; son visage est pâle, mais plein de fraîcheur ; ses yeux sont doux, sa bouche sérieuse et son regard innocent ! […] Tout reposait et, dans ce repos, la vie se montrait pleine de sève et de jeunesse. […] Aussitôt, il se rejeta dans l’ombre portée d’un massif de noisetiers, et resta longtemps immobile, plein de surprise.

424. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon » pp. 423-461

À force de le vouloir définir dans toutes ses diversités et ses exubérances, il ne faut pas non plus faire de ce style un monstreah : très souvent il n’est que l’expression la plus directe et la plus vive, telle qu’elle échappe à un esprit plein de son objet. […] Peu après, à l’occasion de l’ambassade de Rome, qu’il fut près d’avoir un peu à son corps défendant et qui manqua, Mme de Maintenon exprimait sur Saint-Simon un avis qui ne démentait point son bon sens : elle le disait « glorieux, frondeur et plein de vues ». Plein de vues, c’est-à-dire de projets systématiques et plus ou moins aventurés. […] Ce petit boudrillon voulait qu’on fît le procès à M. le duc du Maine, qu’on lui fît couper la tête, et le duc de Saint-Simon devait avoir la grande maîtrise de l’artillerie. — Voyez un peu quel caractère odieux, injuste et anthropophage de ce petit dévot sans génie, plein d’amour-propre et ne servant d’ailleurs aucunement à la guerre ! […] Sachons enfin comprendre que la nature est pleine de variétés et de moules divers ; il y a une infinité de formes et de talentsak.

425. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIe entretien. Phidias, par Louis de Ronchaud (2e partie) » pp. 241-331

Tu rentres, et le matin suivant te trouve, avant la pleine aurore, au coin de ton feu flamboyant de sapin, devant ta table chargée de livres et de crayons, les yeux levés et rêveurs promenés sur l’horizon des montagnes, et cherchant lentement dans ta mémoire les images dont tu avais besoin pour peindre, dans ton poème, la félicité de l’homme. […] que le beau, cette rosée du ciel qui tombe en plein sur cette terre, coule à pleine séve de tes recherches classiques dans tes souvenirs, et de tes souvenirs dans tes vers, et de tes vers ou de ta prose dans l’âme charmée de tes lecteurs ! […] Ces édifices gigantesques, dont la grandeur imposante étonne l’esprit et le refoule sur lui-même, plein d’une crainte mystérieuse, ressemblent aux nations endormies sous l’oppression des religions d’État et du despotisme oriental. […] J’erre tout le jour, muet, dans ces ruines, et je rentre l’œil ébloui de formes et de couleurs, le cœur plein de mémoire et d’admiration ! […] Mais quel horizon Platon devait avoir de là sous les yeux, quand Athènes, vivante et vêtue de ses mille temples inférieurs, bruissait à ses pieds comme une ruche trop pleine ; quand la grande muraille du Pirée traçait jusqu’à la mer une avenue de pierre et de marbre pleine de mouvement, et où la population d’Athènes passait et repassait sans cesse comme des flots ; quand le Pirée lui-même et le port de Phalère, et la mer d’Athènes, et le golfe de Corinthe, étaient couverts de forêts de mâts ou de voiles étincelantes ; quand les flancs de toutes les montagnes, depuis les montagnes qui cachent Marathon jusqu’à l’Acropolis de Corinthe, amphithéâtre de quarante lieues de demi-cercle, étaient découpés de forêts, de pâturages, d’oliviers et de vignes, et que les villages et les villes décoraient de toutes parts cette splendide ceinture de montagnes !

426. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIe entretien. Le Lépreux de la cité d’Aoste, par M. Xavier de Maistre » pp. 5-79

Jenin le père nous attendait avec des guides pour le lendemain, et des granges pleines de paille et de foin odorant pour la nuit. […] C’était une brune très vive, mais d’une vivacité caressante, pleine de grâces, et sans étourderie. […] Mes yeux étaient pleins de larmes : qui n’eût été touché d’une telle affection ? […] Je rentrai plein de rage dans ma demeure, en criant : Malheur à toi, Lépreux ! […] À cet aspect, je reculai plein d’un saint effroi.

427. (1856) Cours familier de littérature. I « VIe entretien. Suite du poème et du drame de Sacountala » pp. 401-474

Vois l’aveugle rejeter, plein de terreur, loin de lui la couronne de fleurs dont une main amie vient de parer sa tête, et que, dans son erreur, il prend pour un odieux serpent. […] Instruite actuellement de la vérité tout entière, tu ne dois plus conserver le moindre ressentiment pour un époux qui, de sa pleine volonté, n’eût jamais cessé de te chérir. […] Il grava sur la surface de ces rochers un grand drame héroïque plein des exploits de Rama. […] Le cœur trop plein qui s’épanche en paroles reçoit du soulagement. […] Toutes les fois que je pense à ma fille, mes douleurs se renouvellent : c’est comme un fleuve toujours plein, dont la source ne tarit point.

428. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

Il me semble que nous sommes revenus à ces temps pleins d’ombre du paganisme où les dieux vermoulus tressaillaient sur leurs autels désertés, en écoutant avec terreur les vagissements du nouveau-né de Bethléem ; il me semble qu’au milieu de nous j’ai vu passer des apôtres et que l’on entend parler dans les airs les voix encore indécises d’une religion nouvelle. […] Ils ont à eux une façon d’idiome hiératique que le vulgaire n’entend pas ; c’est un patois hiéroglyphique qu’il faut étudier longtemps avant de le comprendre ; je sais que ces formules particulières servent souvent à voiler bien des opinions fausses, bien des découvertes insensées, bien des théories absurdes, mais je sais aussi qu’elles recouvrent parfois de merveilleuses histoires, pleines de féeries, pleines d’aventures magiques arrivées entre des astres, entre des métaux, entre ces mille atomes qui nous entourent et que nous ne soupçonnons pas. […] Les Géorgiques de Virgile, poëme agricole et plein d’actualités, sont cent fois plus belles que la diffuse Énéide. […] Figurez-vous ceci cependant : la littérature de France se déclarant en grève et restant dans le silence ; l’Europe épouvantée se tournerait de toutes parts pour chercher la lumière et roulerait, pleine d’angoisses et de terreurs, à travers des ténèbres sans fin. […] Mal définie, à peine reconnue, ignorant encore ses droits, cherchant en vain son code, qu’on semble vouloir lui refuser obstinément, la profession littéraire est pleine de souffrances, elle est en travail et accable souvent ses élus les meilleurs.

429. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Les Chants modernes, par M. Maxime du Camp. Paris, Michel Lévy, in-8°, avec cette épigraphe. « Ni regret du passé, ni peur de l’avenir. » » pp. 3-19

Il a fait précéder son recueil d’une préface altière, militante, pleine de prédictions et de promesses, comme le sont les préfaces de poètes. […] Il y en a qui sont allés jusqu’aux Orientales et pas au-delà ; il y en a qui sont allés jusqu’aux Feuilles d’automne et qui croient encore que ç’a été là sa plus pleine et sa plus belle saison. […] Je ne voudrais point, par exemple, qu’en célébrant avec reconnaissance cette bonne servante qui l’a soigné enfant en rappelant les promenades où elle l’emmenait, il allât jusqu’à dire : Et le froid Luxembourg où le long des parterres J’arrachais, malgré toi, les fleurs à pleine main, Pendant que tu causais avec des militaires Vers qui tu te penchais en disant : « À demain ! 

430. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Appendice » pp. 453-463

Après avoir entendu la lecture (comme on aurait désiré que vous pussiez l’entendre, messieurs) de cette composition vraiment classique et pleine d’urbanité, le jury n’a pas été surpris de rencontrer le nom de l’auteur, M.  […] Sans doute, tout ne s’y tient pas également ; la source est pleine de fraîcheur, mais elle ne coule pas dans un canal régulier. […] Oscar Honoré, de la Société des gens de lettres. — La nouvelle qui a obtenu le second accessit a pour scène les bords de la mer sur les côtes de Normandie, et pour sujet un épisode de la vie de pêcheur : au milieu de figures simplement vraies se détache celle de Pierre, qui donne son nom au récit, et qui est pleine d’idéal et de sensibilité.

431. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers (tome xviie ) » pp. 338-354

Tous ceux, au contraire, qui voulaient à tout prix l’inviolabilité du cœur de la nation ; aux yeux de qui le triomphe de la double invasion avait été la plaie saignante dont on ne s’était pas relevé encore, la plaie intestine qui, même guérie et fermée en apparence, continuait de gêner les mouvements, de paralyser la force et la pleine action de la France ; tous ceux qui, en 1814, avaient pensé comme les soldats de Fontainebleau, et comme aujourd’hui encore M.  […] Et s’il est arrivé que, lui sorti de la scène politique, la France n’ait point dépéri ; que cet être collectif, cet être idéal et redoutable qu’on appelait la coalition, et qui est demeuré pendant tant d’années un grand spectre dans l’imagination des gouvernants, ait été conjuré enfin par un enchanteur habile et puissant ; que la France soit redevenue elle-même tout entière sur les champs de bataille anciens et nouveaux et dans les conseils de l’Europe ; si, à cette heure même où nous écrivons, une province, une de ses pertes, est recouvrée par elle et lui est acquise, moins à titre d’accroissement que de compensation bien due, et aussi comme un gage manifeste de sa pleine et haute liberté d’action, on est sûr qu’en cela du moins le cœur de l’historien du Consulat et de l’Empire se réjouit ; que si une tristesse passe sur son front, c’est celle d’une noble envie et de n’avoir pu, à son heure, contribuer pour sa part à quelque résultat de cet ordre, selon son vœu de tous les temps ; mais la joie généreuse du citoyen et du bon Français l’emporte. […] En lisant cette belle histoire qui sans doute a ses défauts, ses redites et ses longueurs, mais où rien n’est oublié ; où toutes les sources contemporaines se sont versées dans un plein et vaste courant ; où se déploie, sous air de facilité, une si grande puissance de travail ; où tout est naturel, — naturellement pensé —, naturellement dit ; si magnifique partout de clarté et d’étendue, et qui offre dans le détail des touches de la plus heureuse finesse ; où le style même, auquel ni l’historien ni le lecteur ne songent, a par endroits des veines rapides et comme des venues d’autant plus charmantes ; — en achevant de lire cette histoire, à laquelle il ne manque plus qu’un ou deux volumes de complément et de surcroît, je dirai encore ce que diront à distance tous ceux qui la liront : c’est que, quelque regret qu’ait droit d’avoir l’historien dans l’ordre de ses convictions politiques, la postérité trouvera qu’il n’eût pu employer les années fécondes de son entière maturité à rien de mieux qu’à édifier un tel monument.

432. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Campagnes de la Révolution Française. Dans les Pyrénées-Orientales (1793-1795) »

Plein de zèle et bouillant d’ardeur, aimé des soldats, appelé d’eux tous le caporal Dagobert, parce qu’il était toujours le premier au feu, il va faire preuve d’idées hardies, au besoin même de conceptions d’ensemble, mais surtout de qualités spéciales brillantes, et illustrer bien des épisodes de ces premières guerres. […] La Convention, à la suite d’un débat public, apporta des restrictions aux pleins pouvoirs dont avaient été jusqu’alors investis ses commissaires aux armées. […] Figure attachante, originale, pleine de générosité et de candeur ; vieil officier gentilhomme devenu le plus allègre et le plus jeune des généraux républicains ; uniquement voué au drapeau, à la patrie ; sans arrière-pensée, sans grand espoir ; ne sachant trop où l’on allait, mais pressé, mais avide comme tous les grands cœurs de réparer les retards de la fortune et de signaler ses derniers jours par des coups de collier valeureux et des exploits éclatants !

433. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803, (suite et fin) » pp. 16-34

Despréaux le satirique avait un frère aîné, satirique également, mais un peu plat, un peu vulgaire ; un autre frère chanoine, très gai, plein de riposte ; riche en belle humeur, mais un peu grotesque, un peu trop chargé et trop enluminé ; la nature avait combiné en Despréaux les traits de l’un et de l’autre, mais avec finesse, avec distinction, et avait aspergé le tout d’un sel digne d’Horace. […] Qui n’a connu un talent que tard et ne l’a apprécié que dans son plein ou dans ses œuvres dernières ; qui ne l’a vu jeune, à son premier moment d’éclat et d’essor, ne s’en fera jamais une parfaite et naturelle idée, la seule vivante. […] Ils ont des talents royaux, j’en conviens ; mais là-dessous, au lieu de ces âmes pleines et entières comme les voudrait Montaigne, est-ce ma faute si j’entends raisonner des âmes vaines ?

434. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « GLANES, PÖESIES PAR MADEMOISELLE LOUISE BERTIN. » pp. 307-327

Ce que je préfère pourtant dans le volume, ce que j’y ai cherché d’abord avec une curiosité pleine d’intérêt, c’est ce qui touche à la femme et à ses propres émotions, aux tristesses voilées, si distinctes de tant d’autres aujourd’hui qui s’affectent et vont s’affichant. […] Mais ce n’est que vers 1828 que cette école (j’emploie souvent ce vilain mot pour abréger) a pleine conscience et science d’elle-même, qu’elle s’organise avec plus d’étude et de sérieux, qu’elle marche en avant d’un air d’ensemble, chacun sur son point, et plusieurs avec originalité. […] Alfred de Musset, que s’il jetait souvent à la face du siècle d’étincelantes satires comme la dernière sur la Paresse, que s’il livrait plus souvent aux amis de l’idéal et du rêve des méditations comme sa Nuit de Mai, il serait peut-être en grande chance de faire infidélité à son groupe, et de passer, lui aussi, le plus jeune des glorieux, à l’auréole pleine et distincte154.

435. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires de madame de Staal-Delaunay publiés par M. Barrière »

Cousin, dans l’esquisse pleine de feu qu’il a tracée dès femmes du xviie , leur a décerné hautement la préférence sur celles de l’âge suivant ; je le conçois : du moment qu’on fait intervenir la grandeur, le contraste des caractères, l’éclat des circonstances, il n’y a pas à hésiter. […] Je sentois cependant que chaque instant l’éloignoit de moi, et ma peine prenoit le même accroissement que la distance qui nous séparait. » Nous surprenons ici le défaut ; cette peine qui croît en raison directe de la distance, c’est plus que du philosophe, c’est bien du géomètre ; et nous concevons que M. de Silly ait pu dire à sa jeune amie dans une lettre qu’elle nous transcrit : « Servez-vous, je vous « prie, des expressions les plus simples, et surtout ne faites « aucun usage de celles qui sont propres aux sciences. » En homme du monde, et plein de tact, il avait mis d’abord le doigt sur le léger travers. […] Les scènes railleuses où apparaissent Mme du Châtelet et Voltaire jettent au passage une variété pleine d’éclat.

436. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie-Antoinette. (Notice du comte de La Marck.) » pp. 330-346

. — Je fus étonné, ajoute-t-il en passant, non pas que la reine eût désiré tant de facilités, mais qu’elle eût osé se les procurer. » Cette simple phrase, jetée en courant, est pleine d’insinuations, et les ennemis n’ont pas manqué de la relever. […] Sa lèvre inférieure était plus marquée et plus forte qu’on ne le demande à la bouche d’une jolie femme ; sa taille aussi était un peu pleine ; mais l’ensemble était d’un grand air et d’une souveraine noblesse. […] Pendant longtemps cette gracieuse femme, pleine de confiance au prestige de la royauté et ne songeant qu’à le tempérer doucement autour d’elle, ne s’occupa point de politique, ou du moins elle ne le faisait que par accidents, et en quelque sorte poussée à bout par son cercle intime.

437. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Pensées de Pascal. Édition nouvelle avec notes et commentaires, par M. E. Havet. » pp. 523-539

Né en 1623 d’une famille pleine d’intelligence et de vertu, élevé librement par un père qui était lui-même un homme supérieur, il avait reçu des dons admirables, un génie spécial pour les calculs et pour les concepts mathématiques, et une sensibilité morale exquise qui le rendait passionné pour le bien et contre le mal, avide de bonheur, mais d’un bonheur noble et infini. […] La méthode qu’il emploie dans ses Pensées pour combattre l’incrédule, et surtout pour exciter l’indifférent, pour lui mettre au cœur le désir, est pleine d’originalité et d’imprévu : On sait comment il débute. […] Il est bien vrai qu’au moment où il se demande si la nature entière n’est pas un fantôme, une illusion des sens, et où, pour être logique, il se place dans cette supposition d’un doute absolu, il est bien vrai qu’il se dit : « Cet état de suspension m’étonne et m’effraie ; il me jette au-dedans de moi dans une solitude profonde et pleine d’horreur ; il me gêne, il me tient comme en l’air : il ne saurait durer, j’en conviens ; mais il est le seul état raisonnable. » Au moment où il dit cela, on sent très bien, à la manière même dont il parle et à la légèreté de l’expression, qu’il n’est pas sérieusement effrayé.

438. (1759) Observations sur l’art de traduire en général, et sur cet essai de traduction en particulier

Les Anglais ont assez bien traduit quelques tragédies de Racine ; je doute qu’ils traduisissent avec le même succès les fables de La Fontaine, l’ouvrage peut-être le plus original que la langue française ait produit ; l’Aminte, pastorale pleine de ces détails de galanterie, et de ces riens agréables que la langue italienne est si propre à rendre, et qu’il faut lui laisser ; enfin les Lettres de madame de Sévigné, si frivoles pour le fond, et si séduisantes par la négligence même du style. […] Sénèque, si excellent à citer et si fatigant à lire de suite, qui tourne sans cesse avec une rapidité brillante autour du même objet, différent en cela de Cicéron, qui avance toujours vers son but, mais avec lenteur ; Lucain, le Sénèque des poètes, si plein de beautés mâles et vraies, mais trop déclamateur, trop monotone, trop plein de maximes et trop dénué d’images ?

439. (1899) Psychologie des titres (article de la Revue des Revues) pp. 595-606

Maurice Barrès donna Sous l’œil des Barbares, les causeurs et les critiques trop nombreux qui parlent des livres après les avoir à peine feuilletés, s’imaginèrent que l’auteur entendait par ces Barbares, à la mode romantique, les imbéciles, les bourgeois, les Philistins, tandis qu’au contraire il comprenait dans ce terme tous les hommes, fussent-ils de la plus haute, de la plus délicate culture, qui attentent à l’intégrité de notre moi, ou empêchent que nous en prenions pleine conscience. […] Au xiiie  siècle Saint Bonaventure, le Docteur séraphique, donnait ses pensées et ses prières sous ce titre plein de poésie : l’Itinéraire de l’âme vers Dieu. […] Habitude vicieuse et pleine de périls au théâtre surtout : car le public — il faut bien le constater — n’aime guère l’abscons ni le mystérieux, et, peu enclin à chercher la signification secrète des mots, affectionne les idées simples et d’assimilation facile.

440. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVI. »

« Parlerai-je de Titius, dit-il183, destiné bientôt à retentir dans les bouches romaines, lui qui n’a pas craint d’aborder la pleine source de Pindare, par dégoût des lacs immobiles et des courants ouverts à tous ?  […] Horace refait l’hymne entier : « Où m’entraînes-tu191 plein de toi, Bacchus ? […] De là le jugement du critique ancien qui nous dit : « Des a poëtes lyriques, Horace est presque le seul digne d’être lu ; car il s’élève par moment, il est plein d’enjouement et de grâce, et, dans la variété de ses images et de ses expressions, il déploie la plus heureuse audace.

441. (1922) Gustave Flaubert

Sa jeunesse avait été pleine d’hallucinations sensuelles. […] Mais elle était pleine de convoitise, de rage et de haine. […] Les deux amis sortent ensemble de l’obscurité normande, abordent en compagnie la pleine lumière et le grand courant. […] Mais il y a aussi la conscience d’un sujet plein de vérité profonde, à la fois occidentale et hindoue. […] L’homme qui se donne, après l’homme qui a tué, l’équilibre entre l’intensité de la pénitence et l’abondance du sang versé, le plateau plein de grâce qui compense peu à peu le plateau plein de meurtre, et sur lequel le lépreux transfiguré en Jésus-Christ, enlève au ciel le criminel transfiguré en saint.

442. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

» dit Moréas, plein de courtoisie, « mais il n’a pas été mal, pas mal du tout, pour son temps. […] Ils produisent leurs vers à petit pas comptés : ils ne les tirent pas d’une source pleine et abondante. […] Le poète s’amusait comme un enfant qui regarde des estampes pleines d’horreurs. « Le chanoine Docre !  […] Il est un peu maigre, Racine, pour l’oreille qui demande des sons pleins et fournis. […] Poil-de-Carotte s’aventure au milieu des ténèbres, plein de frayeur, et voit des monstres sans nom le menacer dans l’obscurité.

443. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

« Cicéron abuse, dit La Harpe, de la facilité qu’il a d’être abondant, il lui arrive de se répéter… Il déborde parce qu’il est trop plein. […] Un autre a le ventre ouvert, et tombe « en saisissant ses entrailles à pleines mains ». […] Balancés en palanquins, portés sur le dos des éléphants, nous traverserions des forêts de cocotiers pleines de paons et de colibris. […] Accablantes étaient les bourrades que celui-ci déchargeait à pleins poings. […] Sa stature était moyenne, sa poitrine large, son front vaste, ses yeux pleins de feu, d’énergie et de fierté.

444. (1896) Études et portraits littéraires

L’écrivain et le penseur s’y montrent au plein de leur force. […] Jusqu’à son livre de l’Intelligence, qui est plein de pittoresque. […] Vrai tableau flamand, plein de bien-être calme et d’abondance plantureuse. […] Sous son enveloppe rude se cache un cœur très tendre, plein de délicatesses et de pudeurs exquises. […] Il faudrait reproduire en entier un morceau où tout se tient d’une harmonie si pleine.

445. (1929) Amiel ou la part du rêve

Elle emmène aujourd’hui un Genevois plein d’ivresse. […] Tout cela rendait le voyage du Nord plein d’attrait pour les imaginations berlinoises ou berlinisantes. […] Amiel, en 1849, commençait ses cours au plein de l’agitation causée par la rupture de Scherer avec l’Église. […] … Vers la trentaine, il avait pensé épouser une belle jeune fille, pleine de feu, d’enthousiasme pour l’art, qu’il comparait à Corinne. […] Des journées belles et pleines, comme les chars de vendange vaudoise, lui préparaient le vin des souvenirs éternels.

446. (1902) La poésie nouvelle

Ces symboles enfantins étaient donc pleins de vérité. […] Ceux qui le virent se souviennent de lui comme d’un homme très bien élevé, un peu cérémonieux et froid, de conversation fine, peu abondante, mais pleine de grâce et d’imprévu. […] Mais sa simplicité est pleine d’agrément, et les jeux combinés de la lumière et de l’eau la varient de mille manières. […] Elle est d’abord « pleine de sève et de fraîcheur » ; ensuite, elle s’appauvrit et s’épuise : on n’invente plus, on imite, et les belles imaginations vives sont remplacées par des poncifs. […] Moréas, plein d’ardeur dans ses convictions et enflammé d’un noble souci d’art, désavoue les œuvres qui ne s’accordent plus avec son esthétique.

447. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

L’atmosphère y est pleine de souvenirs et comme saturée d’âme. […] Cela est plein de génie. […] Devenu chrétien, il fut plein de Bossuet. […] Hugo est plein de feu, de sang et de larmes. […]     Ce poète est donc plein d’illusions, et, parfois, d’illusions « à rebours ».

448. (1902) Propos littéraires. Première série

Mon dictionnaire est plein d’erreurs. […] Tout cela est bien vivant et tout plein de vraie et reconnaissable rumeur humaine. […] Ils avaient pleine confiance l’un dans l’autre. […] Et ici, avec pleine raison, selon moi, M.  […] Il était déjà plein de talent.

449. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ferdinand Denis »

L’idée qui a présidé à l’ouvrage est celle-ci ; La poésie tire son premier charme des images qu’elle emprunte à la nature ; dans nos tièdes contrées, au sein d’une civilisation toute-puissante, cette nature a peine à se faire jour et n’est pas à l’aise pour se déployer : là seulement où un climat de feu la féconde sans relâche, et où le voisinage de l’homme ne la met point à la gêne, pleine de vie et de jeunesse, elle éclate dans toute sa solennité. […] Parfois aussi des contrastes heureux reposent l’âme flétrie ; le dernier trait du tableau est plein de charme, quoique non tout à fait exempt du séduisant défaut que nous reprochons à M. 

450. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — II »

Entre ces limites, l’intérêt le plus gracieux, celui des jeunes filles et des jeunes gens qui n’ont pas encore aimé, est surtout pour l’amour jeune, adolescent, plein de pudeur et de mystère, pour le premier et le plus frais amour ; l’admiration et la sympathie des âmes fortement remuées par les passions s’attachent de préférence à l’amour plus complet, plus sévère et aussi plus fatal, tel qu’il éclate souvent au milieu de la virilité ou même sur le déclin, résumant et consumant du dernier coup toutes les puissances de notre être. […] Je partis plein de confiance dans sa bonté.

451. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Marcel Prévost et Paul Margueritte »

« Pleins de résignation, mais aussi d’espoir, ils se contemplaient en leurs vêtements de deuil, en leur mélancolie d’émigrants. […] Je me sens moi-même, après des lectures comme celles-là  commencées avec ennui, achevées avec émotion  tout plein de confiance et tout prêt à me laisser consoler de la vie.

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