Mais, toute souffrante qu’elle est incontestablement, tout exposée qu’on la voit aux fléaux de la nature et à l’incurie de ses guides, cette pauvre humanité ne paraît pas empressée de courir à l’un plutôt qu’à l’autre de ces paradis terrestres qu’on lui propose.
Gaston, Duc d’Orléans, disoit plaisamment, à l’occasion du mariage d’un Auteur pauvre avec une Demoiselle qui n’étoit pas riche, que la faim & la soif se marioient ensemble.
Son talent principal consistoit à disserter sur tous les Ouvrages nouveaux nouveaux, à les critiquer sans ménagement, à tourner en ridicule les Auteurs, à amuser les Sociétés où sa malignité le faisoit rechercher : pauvre genre de distinction, qui fait le seul mérite de tant d’Aristarques ambulans, dont les lumieres se bornent à prononcer, dans les Cafés & autres Bureaux d’esprit, sur tout ce qui paroît ; Etres déterminés à ne rien approuver que ce qui est marqué au coin des Fabriques qu’ils protégent, mais dont le Public rejette les censures, comme il ignore leur existence.
Corbière, Rimbaud, Mme Desbordes-Valmore, Villiers de l’Isle-Adam, Stéphane Mallarmé et lui-même Paul Verlaine, dit Pauvre Lélian. […] Verlaine s’était portraicturé lui sixième, sous le nom de Pauvre Lelian ; cette fois, et c’était mieux, l’influence shakespearienne lui avait glissé cet anagramme. […] La littérature de cette toute première période est pauvre numériquement de talents. […] Rien de pauvre comme le fond de philosophie cléricale et réactionnaire d’où procèdent Hugo et Lamartine. […] Lazare, de pauvres esprits, des mystiques de nul intérêt, on n’a pas le droit de les représenter comme l’élite de l’humanité… : ceci est de l’appréciation purement personnelle.
D’un côté, nous avons un Béranger bonhomme, sensible, indulgent et béat, toujours le verre en main et pleurnichant, bénissant le pauvre et la fille légère, trinquant avec le curé joufflu et le vieux sergent, présidant aux danses de la guinguette, de l’air d’un Franklin attendri : voilà un Béranger vulgaire et qui a été cher à beaucoup, qui l’est peut-être encore. […] Et moi aussi j’ai été malade, j’ai été profondément triste, et, de plus, j’étais bien pauvre et je n’avais pas reçu d’éducation. […] Vous voyez, elle a sauvé un pauvre chansonnier, fort mauvais sujet au dire de nos dévots de place… Moi, j’avais le déisme dans le cœur, et j’ai vécu.
. — Une visite d’enfant me vint couper mon histoire hier (une histoire de pauvre vieille et de mendiante sur son grabat). Je la quittai sans regret, j’aime autant les enfants que les pauvres vieux. […] Je lis à un endroit du Journal : « Filé ma quenouille et lu un sermon de Bossuet. » Ou bien, après quelque élan mystique où elle s’est sentie comme ravie dans la quiétude défloraison : « Allons, ma pauvre Âme, reviens aux choses de ce monde.
Ce sont les détails de toutes ces journées de marche qu’il faut lire : la première station à l’auberge très-suspecte du Soleil bleu, le guet-apens du brigand Agostin et cette attaque à main armée qui tourne en bonne humeur ; la rencontre du marquis de Bruyères, jeune gentilhomme aussi bien en point et aussi florissant que Sigognac est pauvre ; l’invitation et la réception des comédiens à ce brillant et confortable château de Bruyères, où ils donnent une représentation applaudie ; le congé et le départ bien rémunérés ; l’enlèvement volontaire de la soubrette à l’une des pattes d’oie du chemin ; puis la disette qui revient, la route qui s’allonge, la neige qui tombe, les rafales qui forcent le chariot de s’arrêter ; le pauvre Matamore, le plus maigre de la troupe, qui n’y peut tenir et qui succombe d’inanition et de froid ; la recherche qu’on fait de lui par ces steppes de neige, quand on s’est aperçu de sa disparition, son enterrement lugubre : — et cela s’appelle Effet de neige. […] Ce sentiment se prononce surtout lorsque Sigognac, honteux d’être à charge à ses tristes compagnons sans leur rendre aucun service, et les voyant en peine et tout désemparés depuis la perte du pauvre Matamore, s’offre à le remplacer lui-même, à mettre de côté sa véritable épée, et, sous le nom grotesque de Capitaine Fracasse, qui sera désormais le sien, à faire son rôle sur les tréteaux, en attendant fortune meilleure : un regard d’Isabelle l’en récompense.
Gautier ne soit pas homme à se laisser prendre en flagrant délit d’un dessein littéraire prémédité et qui aurait l’air sérieux, quoiqu’il se moque lui-même très-agréablement de la plupart des pauvres diables dont il s’est senti d’humeur à s’occuper cette fois, et quoiqu’enfin dans sa post-face (les préfaces sont le pont-aux-ânes, et dans un livre sur les grotesques il est bien permis de les mettre à l’envers) il ait paru faire bon marché de l’effort capricieux et léger qu’il venait de tenter, nous remplirons tout gravement à son égard notre métier de critique, et dussions-nous être réputé de lui bien pédant, bien académicien déjà, nous rendrons justice à l’idée logique de son livre, nous la discuterons, sans préjudice toutefois des brillantes fantaisies et des mille arabesques dont il l’entoure. […] Gautier, il m’était arrivé de rendre mon impression personnelle en ces termes : « Je viens de lire tous les détails relatifs à l’affaire de ce pauvre poëte Théophile et à son délit. […] Comme il a précédemment loué et félicité Théophile d’avoir proscrit les divinités mythologiques et qu’il s’est écrié à ce sujet : « Ne croyez pas non plus qu’il fît un grand cas de ce pauvre petit cul-nud d’Amour ; il lui plume les ailes impitoyablement, » etc., etc. ; comme il vient à quelques pages de là de s’exprimer de ce ton absolu, que va-t-il faire lorsqu’il rencontre dans ces mêmes stances, qu’il proclame les plus admirablement amoureuses de la poésie française, le petit dieu Cupidon en personne : Ne crains rien, Cupidon nous garde… ?
si alors, un peu après, quelque pauvre jeune fille paysanne venait apporter, en la tournant dans ses mains, une lettre de sa façon pour un soldat du pays, et la remettait, pour l’affranchir, avec, toute sorte d’embarras et rougissant jusqu’aux yeux, elle aussi, tout bas, rougissait en la prenant et se disait : C’est comme moi ! […] La pauvre mère sommeillait-elle alors ? […] ma pauvre fille !
Absolument dénué du sens psychologique, il ne peut voir l’individu : un pauvre qu’il rencontre devient tout de suite le pauvre 873. […] Les Pauvres Gens (cf. le thème directement traité dans Oceano Nox).
Le malheureux a conservé cette illusion, que c’est la faute de l’Université s’il n’y a pas plus d’esprits originaux en France, et qu’un professeur de rhétorique est un homme qui s’est donné pour tâche d’étouffer le génie chez les pauvres potaches confiés à ses soins. […] nous savons, tout de suite que c’est un imbécile, et « quel pauvre cerveau de paysan laborieux, quelle étroitesse d’intelligence cachent la solennité de ce lauréat académique fabricant d’in-octavos, sa parole à son d’ophicléide faite pour les hauteurs de la chaire », Mais M. […] Et maintenant tournez quelques feuillets, et voyez au dernier chapitre le récit du mariage : « Et Védrine disait son saisissement en voyant paraître, dans cette salle de mairie, la duchesse Padovani, pâle comme une morte, navrée, désenchantée, sous une toison de cheveux gris, ses pauvres beaux cheveux qu’elle ne prenait plus la peine de teindre.
En parlant de cet homme excellent, médiocre en tout, excepté par le cœur, qui fut un missionnaire zélé et un assez pauvre évêque, l’orateur a trouvé des accents touchants et des mouvements pathétiques. […] Drouot était fils d’un boulanger de Nancy, le troisième de douze enfants : Issu du peuple par des parents chrétiens, il vit de bonne heure, dans la maison paternelle, un spectacle qui ne lui permit de connaître ni l’envie d’un autre sort, ni le regret d’une plus haute naissance ; il y vit l’ordre, la paix, le contentement, une bonté qui savait partager avec de plus pauvres, une foi qui, en rapportant tout à Dieu, élevait tout jusqu’à lui, la simplicité, la générosité, la noblesse de l’âme, et il apprit, de la joie qu’il goûta lui-même au sein d’une position estimée si vulgaire, que tout devient bon pour l’homme quand il demande sa vie au travail et sa grandeur à la religion. […] Le soir, on éteignait la lumière de bonne heure par économie, et le pauvre écolier devenait ce qu’il pouvait, heureux lorsque la lune favorisait par un éclat plus vif la prolongation de sa veillée.
Le pauvre président Hénault, on le voit, n’était pas mort ; mais, depuis des années, il n’en valait guère mieux, et n’était qu’une ruine. […] Il est très doux ; il ne mord personne ; il n’était méchant qu’auprès de sa maîtresse. » Or, dans une lettre de Walpole, datée du 4 mai 1781, je lis ces mots : « Le petit chien de ma pauvre chère Mme Du Deffand est arrivé. Elle m’avait fait promettre d’en prendre soin la dernière fois que je la vis ; ce que je ferai très religieusement, et je rendrai la pauvre bête aussi heureuse que possible. » Je n’ai pas voulu faire comme Buffon, et oublier le chien de l’aveugle.
… Pauvre et orphelin, j’ai été nourri du pain de votre charité. » Et il ajoute cette note de peur qu’on en ignore : « L’auteur, à l’âge de neuf ans, a été nourri six mois par les sœurs de la Charité de la paroisse Saint-André-des-Arcs, et l’on sait que, jusqu’à l’âge de dix-neuf ans, il a été élevé et nourri par charité. » J’ai insisté sur ce premier point qui avait son importance, et parce que, tout examen fait, nous en pouvons déjà conclure la méchanceté et la malice des ennemis de La Harpe, sa vanité qui s’exalte aisément, et aussi son fonds de générosité et de sincérité, « un de ces fonds propres à porter le repentir », a très bien dit de lui Chateaubriand. […] Vers ce temps, le jeune élève, ou qui cessait à peine de l’être, fut accusé d’une action odieuse qu’on a souvent réveillée contre lui : il eut l’imprudence de faire, en société avec quelques-uns de ses camarades, plusieurs couplets contre divers membres du collège d’Harcourt ; mais ce n’était « ni contre ses maîtres ni contre ses bienfaiteurs », assure Boissy d’Anglas : « Cette plaisanterie était l’ouvrage de plusieurs jeunes gens, et M. de La Harpe fut le seul puni parce qu’il était pauvre, sans appui, sans état, sans protecteur, et parce qu’il eut le courage de garder à ses compagnons le secret le plus inviolable. » Ce récit, qui est selon la vraisemblance, réduit cette peccadille de jeunesse à sa juste proportion. Mais que penser d’un régime dans lequel le pauvre jeune homme fut enfermé pour cette faute à Bicêtre d’abord, puis, par grâce spéciale, au For-l’Évêque, où il demeura plusieurs mois ?
Ce petit peuple pauvre, intelligent, « éminemment sociable, porté aux mœurs douces, gai et spirituel, fin jusqu’à la subtilité, plein de bonhomie pourtant », est très bien peint par M. […] La situation de cette pauvre église était en plus d’un lieu comme désespérée : Genève était et devait rester conquise par le calvinisme ; mais, de plus, le diocèse entier était entamé et envahi. […] François de Sales n’était encore que coadjuteur de l’évêque de Genève ; Henri IV ne négligea rien pour se l’attacher : « Il me fit des semonces d’arrêter en son royaume qui étaient capables de retenir, non un pauvre prêtre tel que j’étais, mais un bien grand prélat. » François de Sales fit alors, tant à Fontainebleau devant le roi que dans les principales chaires de Paris, des prédications nombreuses ; il fut choisi pour prononcer l’oraison funèbre du duc de Mercœur, qui mourut vers ce temps-là.
Je n’écoute plus le fils d’Hugo, je suis tout à coup rejeté dans ces cruels six mois, où deux fois par jour, j’ai traîné mon pauvre frère à ce cruel supplice, sans pouvoir le sauver. […] Je me rappelais, ces temps-ci, le mot de ma pauvre vieille cousine de Bar-sur-Seine : « Vous verrez, je ne vivrai pas longtemps, je suis si fatiguée, si fatiguée ! […] Aujourd’hui j’ai un saisissement, en tombant sur la nouvelle de la mort de ce pauvre garçon.
Il n’est plus jeune ici, il n’est plus mauvais sujet, il ne se porte plus bien, il a, dans son corps de lanterne, deux maladies à casser le corps d’un pauvre homme, et il est obligé d’entrer, à toute minute, dans des pantalons collants, malheur comique dont il ne rit pas ! […] Pauvre homme maltraité et vexé, il se contente de grogner éternellement contre sa belle, d’un grognement monotone qui n’a jamais pu l’amener à changer de façons et à devenir bonne fille pour lui, seulement une fois ! […] du pantalon collant avec lequel il est obligé jusque de ramer, le pauvre galérien !
De belles pensées graves, une pitié profonde pour les humbles et les petits, ont une certaine parenté avec les vers émus des Pauvres gens, de Victor Hugo.
Je suis Gentilhomme Normand, D’une ancienne & pauvre Noblesse, Vivant de peu tranquillement Dans une honorable paresse.
Ils purent bien comparer sa Phédre à celle de Racine, faire des Sonnets, débiter des Plaisanteries, cabaler dans les Sociétés de leur temps, ressource ordinaire des Présidens & Présidentes des Bureaux d’esprit ; le pauvre Pradon n’y gagna que du ridicule.
Outre le Magasin des Enfans, ceux des Adolescentes, des Pauvres, Madame le Prince de Beaumont a donné encore d’autres Ouvrages, comme les Lettres de Madame du Montier, les Principes de l’Histoiré Sainte, une Instruction pour les jeunes Dames qui entrent dans le monde & se marient, les Mémoires de Madame la Baronne de Batteville, &c.
Mon fils, je suis un pauvre pécheur. […] pauvre homme, tu es bien à plaindre. […] Ce sont de pauvres hères plutôt souffrants qui ne savent pas s’adapter à la vie. […] Qui êtes-vous, pauvres êtres ? […] Tu vivras pauvre et sans gloire… Renonces-tu ?
Pauvre tante, qui s’ennuie tant sans moi ! Pauvre maman, que j’abandonne ! […] Pauvre maman ! […] Pauvre Piétro ! […] On reconnaît sa sonnette, et il faut l’entendre parler au garçon et à son pauvre frère.
quel mal après tout peut faire un pauvre auteur ? […] C’est priver les artistes du gain légitime qu’ils feraient avec les riches ; c’est priver ceux qui ont fait des fortunes du droit naturel d’en jouir ; c’est étouffer toute industrie ; c’est vexer à la fois les riches et les pauvres. — On ne doit pas plus régler les habits du riche que les haillons du pauvre. […] Si vous défendez au riche de manger des gélinottes, vous volez le pauvre qui entretiendrait sa famille du prix du gibier qu’il vendrait au riche. […] Le citoyen qui, par son faste, humilie le pauvre, l’enrichit par ce même faste beaucoup plus qu’il ne l’humilie. […] N’est-ce pas celle d’un gueux qui voudrait que tousles riches fussent volés par les pauvres, afin de mieux établir l’union fraternelle entre les hommes ?
Aujourd’hui, c’est un coin politique et historique ; demain, une poésie ou une rêverie mélancolique ; après-demain, quelque roman sanguinaire ou licencieux, puis tout d’un coup une chaste et grave et religieuse production ; il faut que la pauvre critique aille toujours à travers cela, il faut qu’elle s’en tire, qu’elle s’en teigne tour à tour, qu’elle voie assez de chaque objet pour en jaser pertinemment et d’un ton approprié. […] Moi, critique, qui la fourre dans mes jugements et sentences, je fais comme un pauvre chirurgien qui soigne ses malades, panse, saigne et tranche avec une sensibilité qui s’y dépense douloureusement et stérilement.
Jean Richepin publia son volume des Blasphèmes, on put voir clairement pourquoi il avait oublié le Christianisme et son influence sur les pauvres dont il écrivait l’histoire. […] Il nous le découvre moins dans sa Chanson des gueux, si heureusement renouvelée ces temps-ci par les Soliloques du pauvre, de M.
Il était pauvre et il boudait la fortune ; toujours bâtard, il se renfrognait. […] Le bâtard, en effet, doit se dire, malgré lui, que son père, qui n’en mérita pas le nom, et sa mère, qui déshonora ce titre sublime, ont eu, neuf mois durant, des tentations horribles, en maudissant à part eux, en leur pauvre enfant, le révélateur de leur faute.
D’ailleurs, pour pénétrer impunément dans les institutions tapageuses, les mœurs brutales, les travaux fiévreux et les entreprises gigantesques de ce peuple d’Effrénés, qui a commencé par la révolte contre la mère patrie et qui est toujours à la veille de la guerre fratricide entre ses enfants, il faudrait une force et une froideur de tête inaccessibles au vertige, et ce n’était pas le cas de ce pauvre Tocqueville, qui, entré là-dedans, en ressortit sceptique pour toute sa vie, en en pensant tout et n’en pensant rien, Montesquieu Brid’oison ! […] Enfin, car il faut en finir, je voudrais, après avoir passé par toutes ces brumes pointées de petites lueurs, et par toutes ces petites lueurs clignotant dans ces brumes, savoir, en fermant ce livre de faits incohérents et d’opinions confuses, si l’auteur de La République américaine croyait à l’avenir de sa République, quand, préalablement, il nous a avoué que le passage aux affaires d’un homme comme le général Jackson pourrait détruire de fond en comble le système américain, et qu’il est convenu de la justesse du mot de l’orateur anglais qui prétendait que Jackson avait fait passer un char attelé de quatre chevaux à travers cette pauvre Constitution américaine !
Qui oserait toucher irrespectueusement à cette arche de la Comédie humaine et à Balzac, ce Balzac presque insulté, il y a vingt ans, jusque par ce pauvre petit Doudan, qui n’était pas méchant, mais qui eut le tort, toute sa vie, de pondre les jolis œufs qu’on a dénichés depuis, dans un nid d’oies académiques qui les a gâtés ! […] Seulement, le dix-huit Brumaire de Balzac, qui a fini par cette merveille des Parents pauvres, n’a pas été suivi d’un Waterloo !
I Un des bonheurs de la Critique, qui n’en a pas immensément, la pauvre chère fille ! […] » Il faut bien le reconnaître, malgré la tradition badaude des Écoles, malgré les phrases des pédants, dupes de celles qu’ils écrivent, malgré la popularité facile des idées abjectes, qui réussissent toujours, au fond, ce sont de pauvres hommes intellectuels dans l’ordre philosophique que Bacon, — grand de loin, petit quand on s’approche, — Locke, Condillac, Destutt de Tracy, Laromiguière, Cabanis lui-même et Broussais, — tombé de son propre matérialisme à lui dans le matérialisme fantoche de Gall et de ses bosses !
Peut-être est-ce d’une main gourde de vieillesse ou endolorie de blessures que le vieux soldat chroniqueur, Don Quichotte anticipé, avait écrit, pour l’honneur de la vérité, cette pauvre relation ignorée, et bonne pourtant à remettre en lumière à l’usage des grands cœurs, s’il en reste encore, et José-Maria de Heredia l’y a remise. […] Et il s’est trouvé qu’ainsi traduite, la pauvre relation était un chef- d’œuvre !
Elle n’est pas plus poète que les autres femmes qui ont péri dans leurs luttes avec le Vers ou que le Vers, incoercible à leurs pauvres efforts, a dédaignées. […] Si vous rencontrez un pauvre sans baptême, Donnez-lui le pain que l’on vous a donné, Parlez-lui d’amour comme on fait à vous-même, Dieu dira : c’est bien, voilà l’enfant que j’aime.
Nous sommes ici bien loin de ce pauvre Walckenaer, ce stérile écho de la rhétorique de tout le monde, lequel reste assis sur son petit paquet de renseignements comme un commissionnaire en retard, quand nous avons déjà traversé et retraversé le sujet qu’il traite et que nous sommes en possession de tout La Fontaine à propos de ses Fables, de tout cet homme qui est moins un homme qu’une nature, tant il est profond, varié et infini dans sa simplicité. […] Il était, lui, le pauvre, le luxe de ces gens riches ; car, dans ce temps-là, les gens riches faisaient cas du génie, et personne ne fut plus peut-être agréé et aimé des femmes que cet homme qui mettait ses bas à l’envers… Les témoignages sur ce point abondent, et le pudibond Walckenaer en a des rougeurs qui surprennent de traverser ainsi son vieux maroquin.
S’il avait éclaté d’idéal, s’il avait porté cette marque brillante et délicate du génie, il attendrait probablement encore, obscur et dédaigné, sa pauvre heure de gloire (Milton, hélas ! […] Le tendre Mâniloff, à qui « on voudrait voir une passion, une manie, un vice, afin de lui savoir quelque chose », Mme Koroboutchine, Nozdref le hâbleur, Pluchkine l’avare, — ces tics plutôt que ces passions, — ne peuvent pas être mis à côté de la magnifique variété d’individualités qui foisonne dans La Comédie humaine, et qui sont taillées si profond que les gens qui ne voient pas à une certaine profondeur ne les croient plus vrais, les pauvres myopes !
Évidemment, je n’appelle pas romans-feuilletons tous les livres publiés en feuilleton, tels chefs-d’œuvre qui, comme les Parents pauvres, par exemple, auraient été ou seraient obligés de passer par cette porte basse de la publicité, sous cette fourche caudine de l’imagination publique. […] La princesse Médeline, la femme pauvre qui boit de l’absinthe et qui est assez folle ou assez bête pour s’imaginer que son amant, le Saint-Bertrand, ne fera pas les mêmes infamies qu’elle a faites, cette Putiphar à contre-sens de la trahison qui veut que Joseph lui résiste au moment où elle le tente, et viole sa conscience en lui jetant des billets de banque à la figure, n’a d’originalité que celle de son impossibilité même.