C’est là le point de départ obligé, résultant non d’une mode passagère, mais de la nature même ; car l’existence d’un système nerveux étant la condition de la vie psychologique, il faut remonter à la source, et montrer comment les phénomènes de l’activité mentale viennent se greffer sur les manifestations plus générales de la vie physique. […] Sans chercher à le suivre, bornons-nous à choisir dans cette étude deux points essentiels, traites avec originalité et profondeur : la nature du sens organique, la perception du monde extérieur par le toucher et la vue. […] Le stéréoscope donne l’illusion de la solidité en présentant à l’œil deux images dissemblables : par là, il imite la nature et produit les mêmes effets qu’elle ; tandis que la peinture, produisant deux images semblables, ne peut être confondue avec les objets solides. […] Si l’on y prend garde, la question qui en fait le fond est celle-ci : tous nos plaisirs et toutes nos douleurs, quelle qu’en soit la nature, peuvent-ils s’expliquer par un principe unique, sont-ils réductibles à une ou deux lois fondamentales166? […] Prenons acte toutefois de l’existence de cette spontanéité, de cette activité instinctive ; elle nous servira plus tard à mieux comprendre la nature de la volonté.
S’il consiste en un rapport qui résulte de la nature des choses, un même effet ne peut soutenir ce rapport qu’avec une seule cause, car il ne peut exprimer qu’une seule nature. […] La manière dont un phénomène se développe en exprime la nature ; pour que deux développements se correspondent, il faut qu’il y ait aussi une correspondance dans les natures qu’ils manifestent. […] Cet inconvénient est, en effet, compensé par la richesse des variations qui s’offrent spontanément aux comparaisons du sociologue et dont on ne trouve aucun exemple dans les autres règnes de la nature.
du sentiment que produisent en lui la régularité des lois de la nature et la marche calculée des astres, à l’idée d’un ordonnateur suprême ? […] Le premier est puisé au fond même de notre nature. […] Et un peu plus loin : Ce qui constitue proprement la bonté morale, c’est la fin que se propose l’agent libre, à savoir, le bien de ses semblables, et quelquefois aussi d’autres motifs, comme celui de ne pas blesser la dignité de sa nature, de nous conformer à l’ordre, et surtout de nous soumettre à la volonté de notre Créateur. […] Il raillait les métaphysiciens amateurs de métaphores, pour qui « l’entendement est le miroir qui réfléchit les idées », et qui définissent la volonté « une force aveugle guidée par l’entendement, éclairée par l’intelligence. » Mais au même instant il joignait l’exemple au précepte, et disait dans ce style choisi dont ses maîtres lui avaient donné le modèle : L’homme est porté à tout animer, à tout personnifier, à mettre quelque chose d’humain jusque dans les objets qui ont le moins de rapport à sa nature. […] Ils ne nous enseignent point à observer, à expérimenter, à induire ; ils ne font pas collection de faits, ils n’interprètent point la nature ; ils laissent Bacon gouverner les sciences expérimentales : c’est ailleurs qu’ils portent leurs efforts.
Le malheur des natures qui n’ont que des inspirations et des inclinations sans la foi est d’être à la merci d’un souffle et d’une vicissitude. […] Dans la nature même, un paysage inondé de lumière le touche moins qu’à demi embrumé. […] Pourquoi ces rapports d’amour que la nature, que la raison réclament entre Dieu et nous, pourquoi ces rapports n’existent-ils pas ? […] sur sa nature et sur sa destination ? […] Il constate, pour la société et pour la nature humaine, le besoin d’un rachat.
Les impudicités raffinées et effrénées de la décadence romaine, les obscénités splendides d’Héliogabale, les fantaisies gigantesques du luxe et de la luxure, les tables d’or comblées de mets étrangers, les breuvages de perles dissoutes, la nature dépeuplée pour fournir un plat, les attentats accumulés par la sensualité contre la nature, la raison et la justice, le plaisir de braver et d’outrager la loi, toutes ces images passent devant les yeux avec l’élan du torrent et la force d’un grand fleuve. […] Les êtres s’organisent en lui comme dans la nature, c’est-à-dire d’eux-mêmes et par une force que les combinaisons de son art ne remplacent pas120. […] Parmi ces mœurs de conquérants et d’esclaves, la nature humaine s’est renversée, et la corruption comme la scélératesse y sont regardées comme des marques de perspicacité et d’énergie. […] Blessé d’un désir soudain, Volpone se déguise en charlatan, et va chanter sous les fenêtres avec une verve d’opérateur ; car il est comédien par nature, en véritable Italien, parent de Scaramouche, aussi bien sur la place publique que dans sa maison. […] À proprement parler, l’homme est fou, comme le corps est malade, par nature ; la raison comme la santé n’est en nous qu’une réussite momentanée et un bel accident172.
Certainement la race était belle, mais elle s’était embellie par système ; la volonté avait perfectionné la nature, et la statuaire allait achever ce que la nature, même cultivée, ne faisait qu’à demi. […] Au fond du polythéisme est le sentiment de la nature vivante, immortelle, créatrice, et ce sentiment durait toujours. […] D’autres fois le nom du dieu faisait entrevoir sa nature. […] Pour le Grec, en effet, la nature est une conseillère d’élégance, une maîtresse de droiture et de vertu. La « concupiscence », cette idée que la nature nous induit à mal faire ; est un non-sens pour lui.
Évolution heureuse, et qui nous rappelle cette vérité, parfois méconnue, que les hommes ne sont pas seulement des esprits songeurs et des âmes repliées, mais des âmes pensantes dans des corps agissants, enveloppés les uns et les autres par l’humanité vivante et par la nature. […] Dans son Dominique, la nature est partout, fondue, mêlée, associée à l’action. […] Est-ce le sentiment de la nature ? […] Qu’est devenu l’être si bien doué pour le spectacle de la nature ? […] La justification de la peinture d’imagination, l’affranchissement du peintre qui peut se dégager du modèle, et qui n’est pas esclave de la nature, mais son maître, tout est là… ou du moins beaucoup de choses… Mais il faut que je vous quitte, Fromentin, maître !
L’essentiel, c’est d’avoir une méthode pour constater ce rythme ; c’est de savoir que nous ne tournons pas, en esclaves stupides, dans le cercle fermé des instincts bestiaux, mais que nous marchons au contraire de la servitude à la liberté, selon une loi qui est dans notre nature, mieux encore, dans notre volonté. […] Dès que nos intérêts économiques, politiques ou autres sont enjeu, il nous est difficile de céder à un raisonnement qui porte précisément sur ce cas particulier de nos intérêts ; la vision d’une loi très générale, aussi vieille que l’humanité et inhérente à la nature humaine, serait d’une éloquence bien plus persuasive pour les bons esprits, et donnerait à la masse elle-même cette foi en ses destinées qui lui manque depuis longtemps, et qui seule est créatrice des grandes œuvres. […] Pendant plusieurs années, j’ai renoncé à l’angoisse du pourquoi essentiel, me contentant du comment extérieur ; jusqu’au jour où j’ai dû me rendre à l’évidence : simplifier ainsi le problème, c’est en fausser les données ; c’est scinder violemment en deux le mystère de la nature universelle ; et c’est ravaler notre pensée que de renoncer à ce mystère. […] Il ne faut pas ramener la nature infinie au niveau de notre savoir et de notre intelligence ; c’est à nous de nous hausser jusqu’à elle, même sans espoir de réussir ; dans cette lutte de l’homme avec le sphinx, il n’y a pas de honte à être vaincu ; la honte est de fuir. […] L’influence de l’éducation et du milieu, la prudence imposée par les nécessités diverses de la vie, l’inertie inhérente à la nature humaine, les limites des intelligences, le poids de la tradition, tout cela suffit à expliquer pourquoi la majorité se soumet, d’une façon ou de l’autre, à la puissance d’un principe pourtant incomplet, forcément unilatéral ; ce principe impose l’accord essentiel ; les accents personnels en sont des variations ; variations du plus grand intérêt ; il y a là de quoi reprendre, d’un point de vue nouveau, presque tous les chapitres de l’histoire littéraire.
Il arrivera, je le crois, une époque quelconque, où des législateurs philosophes donneront une attention sérieuse à l’éducation que les femmes doivent recevoir, aux lois civiles qui les protègent, aux devoirs qu’il faut leur imposer, au bonheur qui peut leur être garanti ; mais, dans l’état actuel, elles ne sont, pour la plupart, ni dans l’ordre de la nature, ni dans l’ordre de la société. […] Il est dans la nature des choses, que, dans une monarchie où le tact des convenances est si finement saisi, toute action extraordinaire, tout mouvement pour sortir de sa place, paraisse d’abord ridicule. […] Une seule chance véritablement malheureuse pourrait résulter de l’éducation cultivée qu’on doit leur donner : ce serait si quelques-unes d’entre elles acquéraient des facultés assez distinguées pour éprouver le besoin de la gloire ; mais ce hasard même ne porterait aucun préjudice à la société, et ne serait funeste qu’au très petit nombre de femmes que la nature dévouerait au tourment d’une importune supériorité. […] Les femmes sentent qu’il y a dans leur nature quelque chose de pur et de délicat, bientôt flétri par les regards même du public : l’esprit, les talents, une âme passionnée, peuvent les faire sortir du nuage qui devrait toujours les environner ; mais sans cesse elles le regrettent comme leur véritable asile.
Les armes de la Nature se changent sous sa main en ornemens du Discours. […] Où l'Orateur se plaît sur-tout à nous promener, c'est dans le monde physique, dans le monde moral, le monde politique, le monde intellectuel…… Le plus doux de ses plaisirs est d'imprimer le respect, d'imprimer la crainte, d'imprimer à, d'imprimer sur, d'imprimer au dedans, d'imprimer au dehors…… Si nous le suivons dans des phrases de plus longue haleine, il nous dira d'abord que les passions, comme un limon grossier, se déposent insensiblement en roulant à travers les Siecles, & la vérité surnage ; que la Nature varie par des combinaisons infinies les facultés intellectuelles de l'homme, comme les propriétés des êtres physiques *. […] Il vous dira qu' il doit gouverner comme la Nature, par des principes invariables & simples, bien organiser l'ensemble, pour que les détails roulent d'eux-mêmes ; qu'il doit, pour bien juger d'un seul ressort, regarder la machine entiere, calculer l'influence de toutes les parties les unes sur les autres & de chacune sur le tout, saisir la multitude des rapports entre les intérêts qui paroissent éloignés ; qu'il doit faire concourir les divisions même à l'harmonie du tout, veiller sans cesse à retrancher la somme des maux qu'entraînent l'embarras de chaque jour, le tourment des affaires, le choc & le contraste éternel de ce qui seroit possible dans la Nature & de ce qui cesse de l'être par les passions *.
Il n’était d’aucune façon assez poète pour toucher à cet homme-poème ; il n’était d’aucune façon assez fort en nature humaine pour toucher à cet homme-roman. […] Il fallait y mettre un désintéressement fier, et y rencontrer l’expression juste d’un esprit qui n’étudie plus que l’intensité de la nature humaine dans les héros. […] Profondément religieux, d’éducation et de nature, il fut puritain et adultère dans un pays puritain, avec un éclat près duquel l’éclat des désordres de lord Byron s’efface ! […] V Tel il fut Nelson et tel fut sa vie, mélange inouï des deux infinis, dont parle Pascal, — le bien et le mal, — dont est fait cet autre infini qu’on appelle la nature humaine.
Il n’était d’aucune façon assez poète pour toucher à cet homme-poème ; il n’était d’aucune façon assez fort en nature humaine pour toucher à cet homme-roman. […] Il fallait y mettre un désintéressement fier et y rencontrer l’expression juste d’un esprit qui n’étudie plus que l’intensité de la nature humaine dans les héros. […] Profondément religieux d’éducation et de nature, il fut puritain et adultère dans un pays puritain, avec un éclat près duquel l’éclat des désordres de Lord Byron s’efface. […] V Tel il fut, Nelson, et tel fut sa vie, mélange inouï des deux infinis, dont parle Pascal, — le bien et le mal, — dont est fait cet autre infini qu’on appelle la nature humaine.
La nature vraie du nègre aurait échappé à ce rude peintre, qui en fait saillir si admirablement les grimaces quand elles s’individualisent dans quelqu’un, et, comme tant d’autres, cet esprit, qui semblait n’avoir rien de commun avec les badauderies contemporaines, y échouerait… ce ne serait rien de plus qu’un homme à la mer ! […] Quand Dieu veut dégoûter le monde de liberté, il lui offre en spectacle les nègres essayant de s’en faire une, comme ils ont fait depuis plus de soixante ans, rejetant la règle, créant des républiques et des empires, toujours d’imitation, et toujours aussi, en raison de leur nature même, retombant de leurs premiers maîtres sous la main de maîtres plus durs ! […] Quoique, après tout, l’éclat de rire soit le coup de fouet final et mérité qu’on puisse appliquer sur le râble de ce singe féroce qui a l’ingénuité de ses instincts puérils ou monstrueux, cependant la raillerie de l’écrivain serait plus noblement limitée et l’accent général de son livre y gagnerait si, au lieu de voir uniquement dans Soulouque le masque d’une individualité singulière, il voyait davantage en lui la nature et la destinée de sa race. […] Le christianisme, qui a déjà une fois modifié ces natures bestiales et enfantines, mais qui n’a pas — les doux maîtres partis — gardé sa conquête, tant le nègre redevient incorrigiblement ce qu’il était dans l’espace d’une génération, le christianisme, avec ses influences surnaturelles, pourrait seul constituer un état de civilisation relatif pour ces nègres, en pleine réaction, à l’heure qu’il est, de barbarie africaine, et dont Soulouque est bien plus l’instrument que la tête ; car un pareil homme n’est la tête de rien.
disait-il, ces gens ne voient pas que cela tient à la nature de votre talent. […] C’est ainsi que les savants raisonnent dans leur cabinet, mais ce n’est pas ainsi que les choses se passent dans la nature. […] La première société fut une famille, et dans une famille le pouvoir n’est pas élu, il résulte de la nature des choses. […] Tout à coup, après la conférence du 11 janvier, consacrée à prouver la Providence par l’ordre qui règne dans la nature, M. […] C’était la nature parlant par ses mille voix au cœur encore vierge de l’homme ; mais, enfin, c’était de la poésie.
L’imitation de la Nature, voilà le but essentiel auquel il faut tendre. […] Le chapitre qui regarde le Beau dans les Ouvrages d’esprit, est plein de réflexions profondes, instructives, lumineuses ; il semble y être l’interprete des Muses & de la Nature.
C’est toujours une imitation très fidèle de la nature, avec le faire qui lui est propre ; un faire rude et comme heurté ; une nature basse, commune et domestique.
Choisissez donc du chef-d’œuvre du jardinage ou de l’œuvre de la nature, de ce qui est beau de convention ou de ce qui est beau sans les règles, d’une littérature artificielle ou d’une poésie originale ! […] Le créateur, qui voit de haut, ordonne ; l’imitateur, qui regarde de près, régularise ; le premier procède selon la loi de sa nature, le dernier suivant les règles de son école. […] Le poëte ne doit avoir qu’un modèle, la nature ; qu’un guide, la vérité.
La cour de Louis XIV, en lui donnant la majesté des formes et en épurant son langage, lui fut peut-être nuisible sous d’autres rapports ; elle l’éloigna trop des champs et de la nature. […] Les tableaux de Virgile, sans être moins nobles, ne sont pas bornés à de certaines perspectives de la vie ; ils représentent toute la nature : ce sont les profondeurs des forêts, l’aspect des montagnes, les rivages de la mer, où des femmes exilées regardent, en pleurant, l’immensité des flots : Cunctaeque profundum Pontum adspectabant flentes. […] « Je ne pourrais résister aux larmes de ma mère. » Volcens va percer Euryale ; Nisus s’écrie : Me, me : adsum qui feci : ……………………… ………… mea fraus omnis : nihil iste nec ausus, Nec potuit……………………………………… Le mouvement qui termine cet admirable épisode est aussi de nature négative.
D’une loi royale, éternelle et fondée en nature, en vertu de laquelle les nations vont se reposer dans la monarchie Cette loi a échappé aux interprètes modernes du droit romain. […] Pomponius dans son histoire abrégée du droit romain caractérise cette loi par un mot plein de sens, rebus ipsis dictantibus regna condita . — Voici la formule éternelle dans laquelle l’a conçue la nature : lorsque les citoyens des démocraties ne considèrent plus que leurs intérêts particuliers, et que, pour atteindre ce but, ils tournent les forces nationales à la ruine de leur patrie, alors il s’élève un seul homme, comme Auguste chez les Romains, qui se rendant maître par la force des armes, prend pour lui tous les soins publics, et ne laisse aux sujets que le soin de leurs affaires particulières. […] Aussi la monarchie est-elle le gouvernement le plus conforme à la nature humaine, aux époques où la raison est le plus développée.
Elle s’est développée lentement, mais elle s’est développée de son fonds, sur place, en quelque sorte, et conformément à sa nature. […] Mais ces cantilènes n’ont absolument rien de lyrique et, pour peu qu’on essaie d’en imaginer la nature, elles ne sont à proprement parler que de l’épopée, diffuse, de l’épopée qui n’est pas encore, qui devient, mais déjà de l’épopée. […] Le sens et la nature de l’évolution sont donc ici bien clairs : il s’agit d’une différenciation des genres. […] Le drame ne s’est pas rendu compte qu’avant tout, dans sa nature ou dans son essence, il était action ; et pour ne s’en être pas rendu compte, on l’a vu devenir de procession, exposition d’abord, d’exposition spectacle, et finalement de spectacle étalage forain. […] L’élément celtique ; — et de la difficulté d’en déterminer aujourd’hui la nature ; — si surtout les langues celtiques et la langue latine sont elles-mêmes des langues sœurs [Cf.
« La nature de Dieu n’est pas changeante, ne se dissipe pas, pour se rassembler ensuite. […] Voilà ce qu’à mes yeux la Trinité même a dévoilé de splendeurs, derrière les ailes célestes et le voile divin du temple, sous lequel est cachée la souveraine nature de Dieu. […] Il est ton Fils, car il est de la même nature. […] Sans avoir la riche variété des mètres de Pindare ni l’audace de son langage, partout elle est élégante, neuve, singulière avec grâce, pleine du sentiment de la nature, et çà et là de quelques reflets égarés de l’imagination des sectaires orientaux. […] Tu es le père ; tu es la mère ; tu es mâle et femelle ; tu es la voix ; tu es le silence ; tu es l’essence qui as enfanté la nature ; tu es le roi ; tu es l’éternité du temps, autant qu’il est permis de te nommer.
… Mais leur âme ne sait pas exactement se servir de cette nature qui est si près d’elle et qu’elle pénètre. […] Par sa nature même, le talent des Goncourt les désignait pour devenir de ce jeu du sort des victimes qu’ils auraient qualifiées d’« exquises ». […] On peut se former quelque idée de ce que les autres feront parce que les autres participent de notre nature à tous, mais pas lui. […] On a incriminé ce qu’il y a d’incertain dans la nature de Blaise Eydieu : c’est cette incertitude au contraire qui lui donne sa portée esthétique et morale. […] Devant une mort de cette nature, quand même le cœur ne se reproche rien, l’esprit est bien loin d’être aussi tranquille.
Entre autres, il se mit seul et sans guide, à dessiner le paysage d’après nature. […] De quelque nature que soit un début, il cause toujours de la timidité. […] Il faut traiter des sujets humbles, simples, familiers même, si la nature nous a fait naître pour cela. […] La nature semblait avoir épuisé ses dons sur lui. […] Je viens de montrer ta figure ; David a insisté sur le plaisir que fait la nature naïvement rendue telle qu’elle se trouvait là.
L’amitié, la tendresse paternelle, filiale et conjugale, la religion, dans quelques caractères, ont beaucoup des inconvénients des passions, et dans d’autres, ces mêmes affections donnent la plupart des avantages des ressources qu’on trouve en soi ; l’exigence, c’est-à-dire le besoin d’un retour quelconque de la part des autres, est le point de ressemblance par lequel l’amitié et les sentiments de la nature se rapprochent des peines de l’amour, et quand la religion est du fanatisme, tout ce que j’ai dit de l’esprit de parti s’applique entièrement à elle. Mais quand l’amitié et les sentiments de la nature seraient sans exigence, quand la religion serait sans fanatisme, on ne pourrait pas encore ranger de telles affections dans la classe des ressources qu’on trouve en soi ; car ces sentiments modifiés rendent cependant encore dépendant du hasard : si vous êtes séparé de l’ami qui vous est cher, si les parents, les enfants, l’époux que le sort vous a donné, ne sont pas dignes de votre amour, le bonheur que ces liens peuvent promettre, n’est plus en votre puissance ; et quant à la religion, ce qui fait la base de ses jouissances, l’intensité de la foi, est un don absolument indépendant de nous ; sans cette ferme croyance, on doit encore reconnaître l’utilité des idées religieuses, mais il n’est au pouvoir de qui que ce soit de s’en donner le bonheur.
Daudet, Julia (1844-1940) [Bibliographie] Impressions de nature et d’art (1879). — L’Enfance d’une Parisienne (1883). — Fragments d’un livre inédit (1885). — Enfants et lères (1889). — Poésies (1895). — Notes sur Londres (1897). — Journées de femme ; Alinéas (1898). […] Parmi ses Impressions de nature et d’art, elle a jeté, comme des fleurs entre les pages, des vers d’une grâce triste, d’une couleur fine, d’une facture minutieuse et savante, délicatement ouvragés.
Quoiqu’il regne dans ce Roman un ton de métaphysique contre nature, sur-tout dans une femme, & très-nuisible à l’intérêt ; quoiqu’on y trouve quelques expressions alambiquées ; quoique le dénouement en soit totalement manqué, on ne peut cependant se refuser, en le lisant, au charme séducteur qui en rend la lecture agréable & en fait oublier les defauts. Tout ce que la tendresse a de plus vif & de plus touchant, tout ce que la nature, animée par le sentiment, tout ce qu’une élégante naïveté, la richesse des détails, la variété des images, la chaleur du style, le pathétique des situations peuvent offrir à l’ame pour l’intéresser, la captiver & l’attendrir, se trouve dans cet Ouvrage, préférable à mille autres du même genre.
Une grande pluie qui survint me fit croire la nature sensible à mes maux. […] disais-je, ce calme où se plaît la nature Ne peut-il pénétrer dans mon cœur agité ? […] L’amour de la nature et des beaux-arts se déclara en elle sous ce soleil nouveau60. […] But mighty Nature bounds as from her birth, etc. […] Triomphe, disait-il, immortelle Nature, etc.
Ni les circonstances ni la nature ne l’avaient fait pour le bonheur. […] et toi aussi, roi tout-puissant, rédempteur de ce reste perdu dont tu as pris la nature, ineffable et immortel amour ! […] Ce n’était point par scrupule, mais par nature ; son besoin et sa faculté dominante le portaient aux conceptions nobles. […] N’écoutant plus des odes, nous voulons voir des objets et des âmes : nous demandons qu’Ève et Adam agissent et sentent conformément à leur nature primitive, que Dieu, Satan et le Messie agissent et sentent conformément à leur nature surhumaine. […] Next, Thee I implore, Omnipotent King, redeemer of that lost remnant whose nature Thou didst assume, ineffable and everlasting Love !
En tout temps et en tout pays, il suffit qu’un changement considérable s’introduise dans la conception de la nature humaine, pour que, par contre-coup, on voie aussitôt l’utopie et la découverte germer sur les territoires de la politique et de la religion Mais cela ne suffit pas pour que la doctrine nouvelle se propage, ni surtout pour que, de la spéculation, elle passe à l’application. […] Deux condiments particuliers entrent dans la cuisine du siècle, et, selon la main qui les emploie, fournissent à tous les mets littéraires un assaisonnement gros ou fin Dans une société épicurienne à qui l’on prêche le retour à la nature et les droits de l’instinct, les images et les idées voluptueuses s’offrent d’elles-mêmes ; c’est la boîte aux épices appétissantes et irritantes. […] Il veut comme eux changer la religion régnante, il se conduit en fondateur de secte, il recrute et ligue des prosélytes, il écrit des lettres d’exhortation, de prédication et de direction, il fait circuler les mots d’ordre, il donne « aux frères » une devise ; sa passion ressemble au zèle d’un apôtre et d’un prophète Un pareil esprit n’est pas capable de réserve ; il est par nature militant et emporté ; il apostrophe, il injurie, il improvise, il écrit sous la dictée de son impression, il se permet tous les mots, au besoin les plus crus. […] Dans une société tout artificielle, où les gens sont des pantins de salon et où la vie consiste à parader avec grâce d’après un modèle convenu, il prêche le retour à la nature, l’indépendance, le sérieux, la passion, les effusions, la vie mâle, active, ardente, heureuse et libre en plein soleil et au grand air. […] Lettres 98 (sur les sciences modernes), 46 (sur le véritable culte), 11 à 14 (sur la nature de la justice).
Son œuvre est un poème, sa vie une poésie : en lui naissance, patrie, nature, génie, vie, amour, infortune et mort, tout est d’un poète. […] Ces belles apparitions de la nature, parmi ces laideurs et ces vulgarités de la misère romaine, attestaient encore, dans cette noble et forte race, la puissance éternelle de la sève qui produisit jadis tant de gloire et en qui germe toujours la beauté. […] Nous ne les rapporterons pas ; c’est l’atmosphère fabuleuse des grands hommes, l’imagination frappée voit plus beau que nature ce que la nature ordinaire ne peut expliquer. […] C’est une grande infortune, Madame, de perdre ses richesses, mais la pire est de se dégrader du rang où la nature nous fit naître. […] Il se délassait de ce travail en écrivant aussi quelques notes sur la nature du pays et sur le caractère des habitants ; il compare, avec assez de justesse pour un étranger, la France à l’Italie ; il attribue, comme Montesquieu, la mobilité du génie français à l’inconstante variété du climat.
La nature pacifique a donné depuis longtemps ses plus riches échantillons. Il a voulu savoir ce que pouvait donner la nature meurtrière. […] Il a visité l’Orient et gardé une vivante empreinte des splendeurs de la nature tropicale. […] On a trouvé bon le vénéneux nectar, et l’on en a pris à si haute dose, que la nature humaine en craque et qu’un jour elle s’en dissout tout à fait ! […] Elle est souvent parfaite ; parfois aussi il se permet des audaces, des négligences, des violences qu’explique la nature toute spontanée de son inspiration.
On peut aimer davantage autre chose, et même critiquer cela, mais il n’y a pas moyen de nier l’accent de nature qui est là ! […] Lui qui (je m’en souviens) s’est moqué autrefois si joliment des Impassibles, ne peut pas, sans inconséquence et perversion de sa nature, en devenir un. […] Alphonse Daudet — il faut l’en croire — se vante de l’avoir pris pour le sien, mais sa nature proteste contre son choix et sa préférence intellectuelle. […] les idées des Jeunes, à ce triste moment de la littérature et des arts, et contre lesquelles protestait la distinction de sa nature. Je ne sache pas, en effet, de nature plus opposée à l’idée du Réalisme, cette Bête du temps, que la nature de Daudet, le poète des Amoureuses, qui, André Chénier volontaire, ne pouvait pas vouloir faire guillotiner sa poésie par le tranchant fangeux de la plus abjecte des théories littéraires.
C’était comme un enivrement de lumière, comme un rêve extatique de la nature endormie. […] Il a ouvert ses grands yeux profonds au spectacle de la nature. […] Une confiance enthousiaste dans la nature la pousse à la recherche de ses plus secrets mystères. […] Cherche-t-il un refuge dans la nature, s’enfonce-t-il aux solitudes alpestres, il s’y sent enveloppé d’une muette terreur. […] Cependant, sa nature sérieuse ne saurait se laisser distraire longtemps à ce jeu avec les noirs fantômes.
Il a de ces ironies pénétrantes comme en ont les natures douloureuses et timides, douées d’organes plus fins, et que choquent, sans s’en douter, les brusqueries ou les grossièretés d’alentour. […] Littérairement, son goût était sain et sûr : Elle est si bon critique, non par théorie, mais par nature, disait Cowper, et elle a un sentiment si net de ce qui est bon ou mauvais dans une composition, que lorsque dans le doute je lui soumets (ce qu’en pareil cas je ne manque jamais de faire) deux sortes d’expression qui semblent avoir également droit à ma préférence, elle se décide, sans que je l’aie jamais vue se tromper, pour la plus droite et la meilleure. […] Il n’est question du sopha que dans le premier livre et pendant les cent premiers vers environ, après quoi l’auteur passe à ses thèmes de prédilection, la campagne, la nature, la religion et la morale. […] Tu sais que ma louange de la nature est la plus sincère, et que mes ravissements ne sont point évoqués exprès pour procurer des occasions de pompe et de peinture poétique, mais qu’ils sont vrais, et tu les as tous partagés. […] J’ai encore à dire ; je voudrais marquer les rapports de la mélancolie de Cowper avec celle de Pascal, ses ressemblances et ses oppositions de nature avec Rousseau, parler un peu de nous et de nos tentatives poétiques dans la même voie ; en un mot rentrer en France.
L’essentiel est que Louis XIV avait reçu de la nature un bon esprit et un grand cœur. […] « Après avoir donné les premiers moments aux mouvements de la nature, de l’amitié et de la considération que j’avais pour ce prince, et avoir donné au duc d’Enghien, son fils, la patente de général de mes armées, je m’appliquai à pourvoir à la sûreté de mes troupes… » Quoique je cite beaucoup, j’abrège encore. […] Et Goethe que l’on peut citer à côté de Boileau, Goethe le grand et judicieux critique, a observé excellemment que « lorsqu’une famille s’est fait remarquer durant quelques générations par des mérites et des succès divers, elle finit souvent par produire dans le nombre de ses rejetons un individu qui réunit en lui les qualités et les défauts de tous ses ancêtres : il en est de même, ajoute-t-il, des peuples célèbres qui, la plupart, ont vu naître dans leur sein des hommes profondément empreints de la physionomie nationale, comme si la Nature les avait destinés à en offrir le modèle. » Et il cite en exemple Voltaire, le plus Français des hommes, celui que la Nature semble avoir chargé de représenter la France à l’univers. Mais, comme phénomène non moins mémorable, il remarque que « dans les diverses classes et jusque dans les rangs les plus élevés de l’ordre social, des hommes se sont produits qui en ont rassemblé en eux tous les traits caractéristiques, au point d’identifier leur nom avec l’idée même de ces rangs et de ces classes, et d’en paraître comme la personnification vivante. » Et il cite pour exemple Louis XIV, que la Nature créa, dit-il, l’homme souverain par excellence, le type des monarques, le roi le plus vraiment roi qui ait jamais porté la couronne. […] Assez d’autres princes, selon l’observation de Chateaubriand, ont eu des vices dont rougit la nature humaine, de ces vices honteux et caverneux qui se cachent : Louis XIV a eu ses défauts, ses faiblesses de volupté et d’orgueil, sans, en rien dérober et en plein soleil.