Tout citoyen romain était orateur dans la mesure de son esprit et de son talent ; la grande loi, la loi suprême, la loi de la place publique, c’était la parole. […] Et le jour même des calendes de novembre, où tu te flattais de te rendre maître de Préneste, ne t’es-tu pas aperçu que j’avais pris mes mesures pour que cette colonie fût en état de défense ? […] Il se justifie victorieusement de cette tentative par des exemples d’autres écrivains romains : « Quant à moi, dit-il, qui, au milieu des soucis, des travaux, des orages, des discussions publiques, crois n’avoir jamais déserté le poste que le peuple romain m’avait confié, je crois devoir aussi, dans la mesure de mes forces, éclairer l’âme de mes concitoyens par mes travaux, mes études, mes veilles d’écrivain. […] « La beauté essentielle de l’ordre avait d’abord frappé l’esprit dans l’univers visible, et c’est de là que nous l’avons transporté dans nos actions et dans nos paroles, monde moral dont l’ordre est l’ornement ; puis vient la modération, ou la mesure qui nous fait éviter en tout l’excès ou la témérité, qui nous détourne d’offenser nos semblables par nos actions ou par nos discours, et de rien faire, en un mot, a qui soit indigne de la nature humaine. […] Lisez : « Appliquez, dit-il, ces mêmes principes à la modération, à la tempérance, qui est la sage mesure des passions et qui les soumet à la raison.
La puissance lyrique d’un génie se mesure souvent à la fréquence de la reprise de l’idée, ramenée sans cesse sous une forme nouvelle et plus frappante, au moment où on la croyait abandonnée ; c’est l’ondulation de la vague, ne quittant ce qu’elle porte qu’après l’avoir soulevé jusque sur sa crête aiguë, pour le laisser reprendre ensuite par une vague nouvelle. […] Le plaisir que nous donne « ce mouvement des vers qui va en mesure, on peut l’attribuer, selon lui, à ce que, par comparaison, il nous est commode de reconnaître des mots disposés en mètres ». […] Et, à mesure que les rides de l’eau s’élargissaient et se mouraient, Il vit l’apparition se reformer. […] Selon le caractère du moment, elle prend l’allure du grave alexandrin ou celle des vers plus courts et plus variés : certes, le poète a toute liberté, en présence d’un changement marqué dans le sentiment ou l’émotion, de changer aussi de rythme ; mais en prose, c’est à chaque instant que la pensée se taille sa forme et sa mesure, chacun de ses mouvements se traduit aussitôt par le nombre des mots et la coupe des phrases. […] Assurément il y aura toujours des choses que les vers sauront mieux rendre, mais il demeure incontestable que la prose, dont l’unique mesure est la pensée même et l’émotion, répond bien à la complexité croissante des connaissances et des idées.
Comme aussi le courant eût pu ne jamais trouver libre passage, pas même dans cette mesure insuffisante, auquel cas ne se seraient jamais dégagées sur notre planète la qualité et la quantité d’énergie créatrice que représente la forme humaine. […] Mais elle feindra sincèrement d’avoir recherché et obtenu en quelque mesure ce contact avec le principe même de la nature qui se traduit par un tout autre attachement à la vie, par une confiance transfigurée. […] L’arpenteur mesure la distance d’un point inaccessible en le visant tour à tour de deux points auxquels il a accès. […] Nous devons alors voir dans quelle mesure l’expérience mystique prolonge celle qui nous a conduit à la doctrine de l’élan vital. […] Ces questions, un mystique estimera qu’elles ne se posent même pas : illusions d’optique interne dues à la structure de l’intelligence humaine, elles s’effacent et disparaissent à mesure qu’on s’élève au-dessus du point de vue humain.
Il ne faut point exagérer en amour, dépasser dans ses paroles la mesure juste du sentiment qu’on éprouve. […] L’effort est aussi nécessaire et même bien plus nécessaire à mesure qu’on vieillit que dans la jeunesse. […] Les Français de 1789 étaient exaspérés contre les nobles parce qu’ils étaient presque les égaux des nobles ; c’est la différence légère qui se mesure, et c’est ce qui se mesure qui compte. […] Je consulterai le nombre d’heures nécessaires à fabriquer l’objet. — Mais le nombre d’heures mesure l’effort et non la valeur. […] c’est l’État législateur : l’État fixant la valeur des objets par mesure législative !
Carrel a prouvé, dans plus d’une occasion, que son dévouement à la liberté était sans calcul et sans mesure.
Elle apprendra ainsi à gouverner, dans la mesure du possible, les forces obscures auxquelles jusqu’à présent elle a obéi sans le savoir et elle fera un pas vers cette liberté qui est seule à sa portée et qui consiste à connaître le jeu des lois naturelles pour commander aux puissances de la vie et pour les employer à la satisfaction de ses besoins matériels comme de ses plaisirs esthétiques.
Depuis une douzaine d’années il a toujours été en dégénérant, et sa morgue s’est accrue à mesure que son talent s’est perdu.
Je pense très sincèrement avoir rendu service, dans une modeste mesure, non seulement aux lettrés et aux artistes, mais à tous ceux qui désirent simplement voir un peu clair et mettre un peu d’ordre dans ces matières.
Son domaine croît à mesure qu’on descend l’échelle des êtres. […] On agit, et l’on gagne ou l’on perd à mesure. […] Nous sommes trop près des romantiques pour ne pas nous répandre en protestations contre leurs défauts, d’autant plus grands à nos yeux que nous craignons presque d’y tomber encore ; notre esprit est en réaction trop directe avec le leur pour que nous puissions clairement démêler le vrai du factice dans l’art romantique, pas plus d’ailleurs que nous ne saurions apprécier dans une exacte mesure les exagérations de l’art contemporain. […] Que les objets grandissent dans les imaginations des hommes comme les rochers dans les brouillards, à mesure qu’ils s’éloignent224. » Napoléon d’une part, la Révolution de l’autre, étaient deux types épiques, l’un individuel, l’autre collectif, qui devaient s’imposer naturellement à l’imagination d’un poète, mais ces deux types grandirent dans son cerveau, à mesure que son génie même grandissait ; et cette sorte de croissance invincible a fini par produire des images gigantesques et déformées, en dehors de toute réalité. […] Nous nous affirmons par la lumière qui est sous notre sourcil… Si rien ne brille sous la paupière, c’est que rien ne pense dans le cerveau, c’est que rien n’aime dans le cœur. » Sur le démesuré même, il a des explications qui ont leur valeur philosophique : « L’immense diffère du grand en ce qu’il exclut, si bon lui semble, la dimension, en ce qu’il passe la mesure, comme on dit vulgairement, et en ce qu’il peut, sans perdre la beauté, perdre la proportion… Quels personnages prend Eschyle ?
Mais, comme j’ai dit, les images de Lamartine restent d’ordinaire inachevées et transparentes ; elles fondent et se dissolvent à mesure qu’elles surgissent : et de là leur charme singulier. […] Et dans mon âme, aussi pâlissant à mesure, Tous les bruits d’ici-bas tombaient avec le jour. […] Car Lamartine s’y contente de rêver tout haut et d’écrire à mesure, n’importe comment. […] La possibilité de l’assouvissement recule à mesure que les expériences se multiplient. […] Le possible est un mot qui grandit à mesure, Et le temps qui s’enfuit vers la race future A déjà fait ce que je vois !
Au sortir de ces études préliminaires, Manzoni aurait été en mesure, à volonté, d’entreprendre une histoire des Lombards comme auraient pu le faire Augustin Thierry et Fauriel, ou bien d’écrire une tragédie. […] Il s’agissait, par exemple, comme question principale entre les deux amis, de la mesure selon laquelle l’histoire et la poésie peuvent se combiner sans se nuire. […] Ses jugements, pleins de finesse et de mesure, étaient ma règle dans le doute ; et la sympathie avec laquelle il suivait mes travaux me stimulait à marcher en avant. […] N’oublions pas que la mesure de la moralité varie singulièrement avec les siècles et selon les pays ; l’imagination des poëtes a été de tout temps très-sujette à fausser cette mesure. […] Il apportait sa flûte (et il faut avoir vu Laënnec pour se le figurer ainsi en Lycidas), et, à mesure que l’autre lui rappelait les paroles, il essayait de les noter : Numeros memini, si verba tenerem !
Entre sa vie, et celle de ces seigneurs des lettres, il n’y avait aucune mesure, aucun point de comparaison. […] Mais dans quelle mesure ont-ils réussi ? […] Le plus souvent leur lyrisme garde cette mesure qui est, dit-on, un des caractères de leur race, et une des marques de leur esprit. […] Renonce donc à cette rime si lente et si capricieuse, à cette mesure intraitable, qui, sous espoir d’agrément, n’amène souvent que la langueur, compagne d’uniformité. […] Cette science, à mesure que le temps évolue, devient matérialiste.
Nous ne sommes hommes, pour l’auteur de l’Esprit des lois, que dans la mesure où nous sommes aptes à la société. […] On faisait cas de l’Essai de Voltaire sur la Nature du feu, et de ses Doutes sur la mesure des forces motrices, 1741. […] Et en effet quand on prend, comme Condorcet, le progrès scientifique pour mesure du progrès, qui ne serait frappé de tout ce que nous savons aujourd’hui et qu’on ne savait pas autrefois ? […] III]. — De quelques idées de Marivaux ; — sur la critique ; sur l’organisation du « maréchalat » littéraire ; — sur la condition des femmes et sur l’éducation des enfants ; — sur l’inégalité des conditions humaines. — Dans quelle mesure Marivaux lui-même a pris ses idées au sérieux ? […] I ; et Nisard, Les Ennemis de Voltaire, Paris, 1853] ; — Zulime, 1740 ; — Doutes sur la mesure des forces motrices, 1741 ; — Mahomet, 1742 ; — Mérope, 1743.
Janin, dans un article des Débats du 7 octobre 1857, ayant parlé du docteur avec amitié à la fois et mesure, je lui en adressai mon compliment bien sincère en ces termes : Ce 7 octobre 1807.
Jeune homme, qui vous destinez aux lettres et qui en attendez douceur et honneur, écoutez de la bouche de quelqu’un qui les connaît bien et qui les a pratiquées et aimées depuis près de cinquante ans, — écoutez et retenez en votre cœur ces conseils et cette moralité : Soyez appliqué dès votre tendre enfance aux livres et aux études ; passez votre tendre jeunesse dans l’etude encore et dans la mélancolie de rêves à demi-étouffés ; adonnez-vous dans la solitude à exprimer naïvement et hardiment ce que vous ressentez, et ambitionnez, au prix de votre douleur, de doter, s’il se peut, la poésie de votre pays de quelque veine intime, encore inexplorée ; — recherchez les plus nobles amitiés, et portez-y la bienveillance et la sincérité d’une âme ouverte et désireuse avant tout d’admirer ; versez dans la critique, émule et sœur de votre poésie, vos effusions, votre sympathie et le plus pur de votre substance ; louez, servez de votre parole, déjà écoutée, les talents nouveaux, d’abord si combattus, et ne commencez à vous retirer d’eux que du jour où eux-mêmes se retirent de la droite voie et manquent à leurs promesses ; restez alors modéré et réservé envers eux ; mettez une distance convenable, respectueuse, des années entières de réflexion et d’intervalle entre vos jeunes espérances et vos derniers regrets ; — variez sans cesse vos études, cultivez en tous sens votre intelligence, ne la cantonnez ni dans un parti, ni dans une école, ni dans une seule idée ; ouvrez-lui des jours sur tous les horizons ; portez-vous avec une sorte d’inquiétude amicale et généreuse vers tout ce qui est moins connu, vers tout ce qui mérite de l’être, et consacrez-y une curiosité exacte et en même temps émue ; — ayez de la conscience et du sérieux en tout ; évitez la vanterie et jusqu’à l’ombre du charlatanisme ; — devant les grands amours-propres tyranniques et dévorants qui croient que tout leur est dû, gardez constamment la seconde ligne : maintenez votre indépendance et votre humble dignité ; prêtez-vous pour un temps, s’il le faut, mais ne vous aliénez pas ; — n’approchez des personnages le plus en renom et le plus en crédit de votre temps, de ceux qui ont en main le pouvoir, qu’avec une modestie décente et digne ; acceptez peu, ne demandez rien ; tenez-vous à votre place, content d’observer ; mais payez quelquefois par les bonnes grâces de l’esprit ce que la fortune injuste vous a refusé de rendre sous une autre forme plus commode et moins délicate ; — voyez la société et ce qu’on appelle le monde pour en faire profiter les lettres ; cultivez les lettres en vue du monde, et en tâchant de leur donner le tour et l’agrément sans lequel elles ne vivent pas ; cédez parfois, si le cœur vous en dit, si une douce violence vous y oblige, à une complaisance aimable et de bon goût, jamais à l’intérêt ni au grossier trafic des amours-propres ; restez judicieux et clairvoyant jusque dans vos faiblesses, et si vous ne dites pas tout le vrai, n’écrivez jamais le faux ; — que la fatigue n’aille à aucun moment vous saisir ; ne vous croyez jamais arrivé ; à l’âge où d’autres se reposent, redoublez de courage et d’ardeur ; recommencez comme un débutant, courez une seconde et une troisième carrière, renouvelez-vous ; donnez au public, jour par jour, le résultat clair et manifeste de vos lectures, de vos comparaisons amassées, de vos jugements plus mûris et plus vrais ; faites que la vérité elle-même profite de la perte de vos illusions ; ne craignez pas de vous prodiguer ainsi et de livrer la mesure de votre force aux confrères du même métier qui savent le poids continu d’une œuvre fréquente, en apparence si légère… Et tout cela pour qu’approchant du terme, du but final où l’estime publique est la seule couronne, les jours où l’on parlera de vous avec le moins de passion et de haine, et où l’on se croira très clément et indulgent, dans une feuille tirée à des milliers d’exemplaires et qui s’adresse à tout un peuple de lecteurs qui ne vous ont pas lu, qui ne vous liront jamais, qui ne vous connaissent que de nom, vous serviez à défrayer les gaietés et, pour dire le mot, les gamineries d’un loustic libéral appelé Taxile Delord.
Lisez, par exemple, ces étranges Nouvelles correspondances interastrales, et surtout la Science de l’Amour, cruelle satire où toute mesure semble gardée dans la plaisanterie énorme.
Eh bien, ce tour de force, le magicien Soulary l’accomplit, et il vous met en quatorze vers symétriquement contournés et strangulés des mondes de pensées, de passions, et des boutades ; le tout dans une stricte et parfaite mesure.
La doctrine symboliste Les Décadents dissemblaient des Symbolistes en ce sens qu’ils admettaient l’émotion directe, la traduction exacte des phénomènes de la vie au lieu d’en exiger la transposition, qu’ils n’allongeaient pas outre mesure l’alexandrin et qu’ils usaient des poèmes à forme fixe.
Rigoley de Juvigny : on devient plus difficile à mesure qu'on voit plus de ressources dans un Ecrivain.
Quand la première saison est passée, quand le front se penche, quand on sent le besoin de faire autre chose que des histoires curieuses pour effrayer les vieilles femmes et les petits enfants, quand on a usé au frottement de la vie les aspérités de sa jeunesse, on reconnaît que toute invention, toute création, toute divination de l’art doit avoir pour base l’étude, l’observation, le recueillement, la science, la mesure, la comparaison, la méditation sérieuse, le dessin attentif et continuel de chaque chose d’après nature, la critique consciencieuse de soi-même ; et l’inspiration qui se dégage selon ces nouvelles conditions, loin d’y rien perdre, y gagne un plus large souffle et de plus fortes ailes.
Tandis qu’on ne fera pas mieux, ni même aussi-bien que les anciens, les hommes continueront à les lire et à les admirer, et cette véneration ira toujours en s’augmentant à mesure que les siecles s’écouleront sans qu’il paroisse personne qui ait pû les atteindre.
Il lui mesure le crâne. […] À mesure qu’il prend une conscience plus nette de son idéal, il trouve pour le traduire une forme plus appropriée. […] À mesure que s’installe en lui la souffrance, elle s’accompagne d’un besoin de faire souffrir. […] La sensibilité des hommes se mesure à ce sens qu’ils ont du mystère. […] Il faut qu’ils remplissent toute la mesure de leur génie.
Il m’est plus familier, je le tutoie, j’ai joué aux barres avec lui dans mon enfance, et, à mesure qu’il a grandi, il m’a fait part de ses douleurs. […] La pensée s’y trouve, voilà qui est certain ; mais il serait téméraire d’affirmer qu’il l’acceptait dans toute sa mesure. […] Oui, si l’on peut appeler heureux un homme qui vit dans l’illusion et l’erreur, qui ne connaît pas la mesure de ses forces et la valeur de ceux qui l’entourent. […] Il est en paix avec lui-même et avec les lois morales ; il connaît la mesure de ses forces et de ses aptitudes, ce qui équivaut à la pleine possession de soi-même. […] Nous nous oublions nous-mêmes en quelque sorte, nous oublions les jours à mesure qu’ils se succèdent, nous oublions les causes à mesure que les conséquences se déroulent.
Si, par exemple, c’est le pouvoir exécutif qui crée le pouvoir législatif, la loi ne sera qu’un décret, la loi ne sera qu’une mesure offensive ou défensive du pouvoir exécutif. […] De leur côté, les prêtres ultramontains ne gardèrent aucune mesure. […] Vous n’avez qu’à combattre le trop de moines, le trop de grands seigneurs, le trop d’oisifs et même le trop de célibataires, par les mesures exclusivement financières que j’indiquais plus haut. […] Il a soutenu ces trois propositions pendant toute sa vie et de plus en plus nettement et énergiquement à mesure qu’il approchait du terme. […] » Les protestants finirent par résister à ces mesures vexatoires, et on sait le reste.
À mesure que nous nous élevons par l’intelligence, elle augmente. […] Terrible et instructif calvaire où se mesure la puissance de la conviction. […] Il aime l’harmonie et la mesure. […] À mesure que monte le brouillard de la foi, il paraît pénétrer aussi les monuments et les perspectives. […] La patrie est à la fois dans la centralisation et dans la mesure.
Les temps sont peut-être venus de ne plus user de la métaphore des racines qu’avec mesure et tact. […] Y a-t-il une autre mesure pour les auteurs ? […] Bien d’autres mesures étaient bonnes encore. […] Elle marque une pause dans une mesure rythmique et divise un tableau. […] Dans quelle mesure le penserons-nous ?
Il donne aux fleurs leur aimable peinture ; Il fait naître et mûrir les fruits, Et leur dispense avec mesure, Et la chaleur des jours, et la fraîcheur des nuits.
La mesure des hommes est absolue, et, dans un sens ou dans un autre, la comparaison l’exagère toujours.
Celle qui, à vingt-cinq ans, avait débuté par se faire personne d’un certain âge ou même douairière du Marais, entre non moins exactement, à mesure qu’elle vieillit, dans les divers personnages de ce petit monde de dix à quatorze ans, en y apportant une morale saine, la morale évangélique, éternelle, qui s’y proportionne sans s’y rapetisser. « Son idée favorite, son idée chérie, est-il dit dans la préface d’une Famille, c’était que la même éducation morale peut et doit s’appliquer à toutes les conditions ; que, sous l’empire des circonstances extérieures les plus diverses, dans la mauvaise et dans la bonne fortune, au sein d’une destinée petite ou grande, monotone ou agitée, l’homme peut atteindre, l’enfant peut être amené à un développement intérieur à peu près semblable, à la même rectitude, la même délicatesse, la même élévation dans les sentiments et dans les pensées ; que l’âme humaine enfin porte en elle de quoi suffire à toutes les chances, à toutes les combinaisons de la condition humaine, et qu’il ne s’agit que de lui révéler le secret de ses forces et de lui en enseigner l’emploi. » Comment Mme Guizot, de raison un peu ironique, d’habitudes d’esprit un peu dédaigneuses qu’elle était, se trouva-t-elle conduite si vite et si directement à cette idée plénière de véritable démocratie humaine ? […] On sent que beaucoup de ces nuages d’épouvante, que l’imagination de loin assemble à plaisir, s’évanouissent dans le détail et à mesure qu’on aborde chaque sentier. […] Au tome second, les lettres xlix, l et suivantes traitent à fond, dans une admirable mesure, toute la question si délicate, si embarrassante, de l’éducation religieuse à donner aux enfants. […] Elle les ajoutait à mesure qu’ils lui venaient à l’esprit, et sans scrupule, en se disant : C’est pour ma mère !
Il veut que le magistrat accouple les hommes et les femmes les plus parfaits physiquement et moralement pour produire des enfants perfectionnés : « Il faut, dit-il, élever les enfants de ces couples parfaits, et non ceux des couples viciés. » Il veut que les magistrats maintiennent, par des mesures restrictives, la population de l’État toujours au même niveau. XVI Écoutez encore ; l’infanticide est à peine déguisé sous les mots : « Les enfants, à mesure qu’ils naîtront, seront remis entre les mains des hommes et des femmes réunis, et qui auront été préposés au soin de leur éducation, car les charges publiques doivent être communes à l’un et à l’autre sexe. […] Au lieu de prendre le contrepied de l’homme naturel et de l’homme historique, ce second Montesquieu suivrait pas à pas la nature humaine, pour lui faire des institutions à la mesure de ses organes, et non à la mesure de ses rêves.
Depuis la Renaissance, les écrivains supérieurs semblent à quelques égards procéder les uns des autres et, selon la belle image de Lucrèce, se passer de main en main le flambeau de la vie, qui brille de plus en plus à mesure qu’on approche de l’époque de perfection. […] La naïveté surannée des Confrères de la Passion, les grossières railleries des Enfants sans souci, ne méritaient pas les mesures de répression qui y mirent fin vers le milieu du seizième siècle. […] Le Cid est l’idéal de ceux qui peuvent faire des fautes sans souiller leur âme, et qui ne peuvent être vertueux que dans la mesure de la faiblesse humaine. […] Non qu’il ne sentît cette servitude de la mode : « J’ai cru jusqu’ici, écrit-il à Saint-Evremond, que la passion de l’amour est trop chargée de faiblesse pour être la dominante d’une pièce héroïque ; j’aime qu’elle y serve d’ornement et non de corps. » Mais cette mesure n’est-elle pas chimérique ?
Il n’y a pas de différence entre un complet sur mesure et un tout fait Belle Jardinière, entre un tacot et une belle voiture automobile. […] Pour le paganisme la vertu avait été une mesure ; pour le christianisme elle fut le conflit de deux passions en apparence diamétralement opposées. […] Ce fut la découverte d’une nouvelle Mesure. […] Mais un pouce est un monde quand on mesure dans l’immensité : c’est là le romantisme magique de l’orthodoxie.
Il fit de Ménalque la plus longue et la plus minutieuse des descriptions, revenant, insistant, s’appesantissant outre mesure. […] Il suffira, pour s’en convaincre, de remarquer qu’un personnage comique est généralement comique dans l’exacte mesure où il s’ignore lui-même. […] Les attitudes, gestes et mouvements du corps humain sont risibles dans l’exacte mesure où ce corps nous fait penser à une simple mécanique. […] La-a forme, la-a forme. » Mais ici se présente la première application d’une loi qui apparaîtra de plus en plus clairement à mesure que nous avancerons dans notre travail.
À mesure que la scène avance, l’image du diable à ressort se dessine mieux, si bien qu’à la fin les personnages eux-mêmes en adoptent le mouvement, Sganarelle repoussant chaque fois Pancrace dans la coulisse. […] À mesure que nous avançons dans cette étude des procédés de comédie, nous comprenons mieux le rôle que jouent les réminiscences d’enfance. […] La vie réelle est un vaudeville dans l’exacte mesure où elle produit naturellement des effets du même genre, et par conséquent dans l’exacte mesure où elle s’oublie elle-même, car si elle faisait sans cesse attention, elle serait continuité variée, progrès irréversible, unité indivisée.
Toutes les nations qui se sont détachées successivement du point central, du cœur de l’Asie, sont reconnues aujourd’hui pour des frères et sœurs de la même famille, et d’une famille empreinte au front d’un air de noblesse ; mais, dans cette famille nombreuse, il y a eu un front choisi entre tous, une vierge de prédilection sur laquelle la grâce incomparable a été versée, qui avait reçu, dès le berceau, le don du chant, de l’harmonie, de la mesure, de la perfection (Nausicaa, Hélène, Antigone, Électre, Iphigénie, toutes les nobles Vénus) ; et cette charmante enfant de génie, cette muse de la noble maison, si on la suppose retranchée et immolée avant l’âge, n’est-il pas vrai ? […] Entrez bien dans la mesure de mes réserves. […] Il se pourra quelquefois que, dans cette quantité d’appréciations, d’estimations successives, où je mettrai tout mon soin, nous différions un peu de mesure, qu’il y ait des cas où vous me trouviez moins vif que vous ne comptiez, et que vous admiriez plus que moi certaines qualités de nos écrivains ; je serai heureux d’être en cela comme en d’autres choses, dépassé par vous.