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551. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 35, de la mécanique de la poësie qui ne regarde les mots que comme de simples sons. Avantages des poetes qui ont composé en latin sur ceux qui composent en françois » pp. 296-339

D’ailleurs un latin éviteroit facilement cette collision desagréable à l’aide de son inversion, au lieu qu’il est rare que le françois puisse sortir de la difficulté par cet expedient. […] En troisiéme lieu les regles de la poësie latine sont plus faciles à pratiquer que les regles de la poësie françoise. […] Voilà pourquoi les vers hexametres latins sont égaux dans la prononciation, nonobstant la varieté de leur progression, au lieu que nos vers alexandrins sont très-souvent inégaux, quoiqu’ils aïent presque tous une progression uniforme.

552. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Première partie. Théorie de la parole » pp. 268-299

Ainsi toutes les générations humaines ; ainsi tous les peuples de tous les âges et de tous les lieux ; ainsi les vivants et les morts sont unis entre eux et avec Dieu par la parole. […] La cour de Rome s’est expliquée à cet égard en dernier lieu. […] Souvenons-nous du Forum, des tribunaux sur les places des villes et des bourgs, des actes dont une simple pierre enfoncée dans un lieu désigné, en présence de témoins, conservait seule la mémoire.

553. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre II. Réalité des idées égalitaires »

Essayons donc de prouver a posteriori qu’il se rencontre, dans quelques temps et quelques lieux, mais non dans tous les lieux et tous les temps, des idées sociales semblables à celles que nous avons définies a priori. […] Avant de fixer, s’il y a lieu, l’ordre de succession de leurs formes, nous voulons d’abord observer en fonction de quelles conditions ces formes varient.

554. (1925) Proses datées

Les lieux qu’elle décrit me sont familiers. […] la merveilleuse rencontre n’eut jamais lieu qu’en rêve. […] Dans les lieux où nous avons trop d’un passé trop lointain, quelque chose nous oppresse et nous opprime. […] La disposition des lieux a été modifiée. […] En effet, les lieux où ont vécu les hommes illustres ou célèbres exercent un vif attrait sur les contemporains.

555. (1885) L’Art romantique

Et il le bénit en ce même lieu. […] Au lieu du caprice brûlant ou rêveur, il devient une répugnante utilité. […] La seconde, une espèce de bonne mort faisant contraste ; un homme vertueux et paisible est surpris par la mort dans son sommeil ; il est situé dans un lieu haut, un lieu sans doute où il a vécu de longues années ; c’est une chambre dans un clocher d’où l’on aperçoit les champs et un vaste horizon, un lieu fait pour pacifier l’esprit ; le vieux bonhomme est endormi dans un fauteuil grossier, la mort joue un air enchanteur sur le violon. […] L’histoire de la jeunesse, sous le règne de Louis-Philippe, est une histoire de lieux de débauche et de restaurants. […] La majesté fulgurante de cette musique tombait là comme le tonnerre dans un mauvais lieu.

556. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXII » pp. 91-93

Le gallicanisme est une chose tellement mourante et morte en France, que nos évêques et archevêques, qui étaient les gardiens et défenseurs perpétuels de cette Église gallicane, vont les premiers sollicitant le pape de les autoriser à introduire dans leurs diocèses le bréviaire romain et la liturgie romaine au lieu des vieilles coutumes et réformes un peu dissidentes et appropriées qui marquaient l’originalité traditionnelle et nationale (voir dans les Débats des 3 et 4 août la lettre du pape à l’archevêque de Reims, et la réflexion très-juste des Débats le lendemain).

557. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 90-93

Un Orateur, par exemple, aura dit qu'un Ministre plénipotentiaire doit avoir ces trois qualités, la probité, la capacité, & le courage ; pour déguiser cette division, le plagiaire n'aura qu'à changer d'abord l'ordre de ces trois mots, & dire : le courage, la capacité, la probité ; mais comme ce déguisement ne suffiroit pas, il doit changer aussi les expressions, & mettre la fermeté au lieu du courage, la vertu au lieu de la probité, & à la capacité substituer la science ; enfin, pour cacher encore mieux son vol, il faudra qu'il dise que l'Ambassadeur doit être ferme, vertueux, & habile.

558. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Boucher » pp. 196-197

… Non… Ni moi non plus, et voilà pourquoi je m’essaie comme il me plaît, dans une chose qui n’a point de modèle en nature… Monsieur Boucher, vous n’êtes pas bon philosophe, si vous ignorez qu’en quelque lieu du monde que vous alliez, et qu’on vous parle de Dieu, ce soit autre chose que l’homme.

559. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Rathery »

Mais aussi pourquoi étrangler sa pensée dans un pareil nœud coulant quand on a assez de talent pour avoir besoin d’indépendance, quand on est fait pour nous donner un livre étoffé et corsé au lieu des maigreurs d’un Mémoire, — fût-il même couronné par l’Académie ?

560. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

La bienséance du lieu, l’honnêteté, votre présence, ni mon caractère, ne m’auraient permis une personnalité si coupable que de le désigner ironiquement. […] Ce sont là des beautés de tous les temps et de de tous les lieux. […] Voilà ce que Molière savait mettre en relief : voilà d’où rejaillit en lui le bouffon pour lequel on le blâme de quitter l’agréable et le fin, qu’il traitait, en son lieu, mieux que Térence même, et mieux que personne. […] On sait qu’elle consiste à renfermer un seul fait dans un seul jour et dans un seul lieu. […] Au lieu qu’un fat peint à Paris ne ressemblera point du tout à un fat de Londres.

561. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

Elle était en permanence ; et le père d’Étienne, qui, pour rien au monde, n’aurait voulu mettre le pied en ce lieu cinq jours auparavant, eut l’idée d’y conduire son fils. […] C’est vers le mois d’octobre 1796 qu’Étienne, âgé de quinze ans et demi, fit pour la première fois son entrée dans ces lieux. […] Quant au reste des objets rassemblés avec ordre et une symétrie élégante dans ce lieu, il consistait en figures, en fragments de figures ou d’ornements antiques moulés en plâtre. […] À peine Étienne l’eut-il reconnu, que, faisant le rapprochement de cette rencontre avec la visite et les dernières paroles de Topino, il exprima à Alexandre la ferme volonté de se retirer du lieu où ils étaient. […] Je lui serrai énergiquement la main pour toute réponse, et nous nous arrachâmes de ce lieu.

562. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome I

Toutes ces questions, qui touchent aux phénomènes les plus intimes de la fonction glycogénique, seront examinées dans un autre lieu. […] Nous connaissons son lieu d’origine qui est le foie, nous devons chercher maintenant le point où elle disparaît, de façon à comprendre l’ensemble du phénomène en le tenant, pour ainsi dire, par les deux bouts, avant d’étudier les variations intermédiaires. […] Nous nous mettrons donc maintenant complétement en dehors de l’alimentation, il n’y aura donc plus lieu de discuter si le sucre provient de là. […] Il y a lieu de croire que dans ces cas, comme dans celui des diabétiques, la substance qui se trouve dans le sang en assez grande quantité arrive avec lui dans les capillaires, et agit alors sur les extrémités nerveuses comme si elle venait d’être absorbée au contact de la muqueuse linguale. […] Le prussiate de potasse y apparaît d’abord, et le glucose en dernier lieu.

563. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

Il s’est bien peint à nous dans sa première forme littéraire lorsque, dès les premiers jours de son arrivée à Clermont, étant allé faire une visite à Vichy, il y rencontre des religieuses, des dames, un capucin à demi mondain, et des précieuses de province. « Faire des vers et venir de Paris, ce sont deux choses qui donnent bien de la réputation dans ces lieux éloignés. » Or Fléchier réunissait ces flatteuses conditions, ayant déjà publié des vers qu’on avait distingués dans les recueils du temps, et de plus étant prédicateur déjà fort goûté. Le compliment guindé que lui adressent les précieuses du lieu en l’abordant ; L’Art d’aimer, traduit par le président Nicole, qu’elles trouvent sur sa table, et qu’il leur prête avec le regret de ne pouvoir en même temps les rendre plus aimables ; la demande d’un sermon à faire, qui lui arrive précisément ce jour-là, tout cet ensemble compose un petit tableau malin, moqueur, assorti pourtant, et où rien ne jure. […] Après plusieurs jours de mauvais temps, et lorsqu’un rayon de soleil permet la promenade, il s’échappe volontiers et va chercher, ne fût-ce que dans quelque cloître, un lieu propice à la réflexion et à un paisible entretien. Il a introduit habilement et ménagé, à travers son récit, quatre ou cinq de ces entretiens développés, dans lesquels les personnes du lieu lui racontent, sur l’histoire et les événements du pays, ce qu’il n’a pu savoir directement de lui-même.

564. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

Mme de Sévigné écrivait à sa fille (7 octobre 1676) : « Quant à M. de La Rochefoucauld, il alloit, comme un enfant, revoir Verteuil et les lieux où il a chassé avec tant de plaisir ; je ne dis pas où il a été amoureux, car je ne crois pas que ce qui s’appelle amoureux, il l’ait jamais été. » Lui-même, au rapport de Segrais, disait qu’il n’avait trouvé de l’amour que dans les romans. […] Les lieux les plus vantés de la terre sont tristes et désenchantés lorsqu’on n’y porte plus ses espérances. […] Il en est des lieux comme des œuvres des hommes : quand une fois leur réputation est faite, chacun y passe à son tour et les admire ; si elle était à faire, bien d’autres qui sont sans nom pourraient concourir avec eux. Des lieux cités, la moitié est à rabattre, une moitié seule reste divine.

565. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE RÉMUSAT » pp. 458-491

Diverses raisons et circonstances arrêtèrent assez tôt ces débuts communicatifs, et mirent comme le signet aux conversations du héros avec la femme spirituelle : d’abord sa propre prudence à elle-même, une fois éclairée sur le peu de sûreté du lieu ; puis l’étiquette souveraine de l’Empire qui étendit son niveau. […] Les deux parts autrefois étaient sensiblement séparées ; on avait le sérieux, si l’on pouvait, dans le cabinet et dans la solitude ; on portait, on cherchait le frivole et le purement amusant dans le monde : il y avait lieu sans doute à un essai de transaction, de conciliation. […] La société cependant y gagne en intérêt, en noble emploi des loisirs ; et, en effet, quand elle n’est pas pour les personnes un accident, un lieu de passage et quelquefois de contrainte, mais un séjour habituel et nécessaire, il faut bien en tirer tout le parti possible, même y penser et y réfléchir tout haut, sans quoi on courrait risque de ne pas trouver le temps de réfléchir. […] Les romans de Walter Scott passaient alors le détroit ; on commençait à songer à l’exactitude dans la reproduction des lieux et des époques.

566. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

Il le disait avec l’accent et l’émotion de Virgile : Solitude où je sens une douceur secrète, Lieux que j’aimai toujours, ne pourrai-je jamais. […] Ils y demeurent opiniâtrement, et, pour les obliger à changer de lieu et à prendre une route, il leur faut un chef qu’on instruit à marcher le premier, et dont ils suivent tous les mouvements pas à pas. […] Il fait un joli portrait de la chèvre, vive, capricieuse et vagabonde : « Elle aime à s’écarter dans les solitudes, à grimper sur les lieux escarpés, à se placer et même à dormir sur la pointe des rochers et sur le bord des précipices. […] Là, s’il est quelque lieu sans route et sans chemin, Un rocher, quelque mont pendant en précipices, C’est où ces dames vont promener leurs caprices.

567. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre II. Le quinzième siècle (1420-1515) »

Il ne serait pas téméraire d’affirmer que c’est à Venise, voyant en quelle vénération la république conserve à Padoue un os de Tite-Live, qu’il a lu quelque traduction française ou italienne de l’historien romain : car on ne saurait trouver dans la Chronique de Louis XI une trace de la lecture de Tite-Live, au lieu que dans la Chronique de Charles VIII, beaucoup plus courte, la pensée de l’historien se reporte complaisamment vers les Romains et vers le peintre de leur grandeur. […] A deux ou trois moments décisifs, il ne nomme pas l’auteur du conseil qui a tout sauvé : et ce conseiller anonyme, on a tout lieu de croire que c’est lui. […] En troisième lieu, Commynes se fait une haute idée du pouvoir royal, procurant la force et la prospérité de l’État. […] La « rhétorique » des Machault et des Chartier, transportée à la cour flamande et chevaleresque des ducs de Bourgogne, s’était développée avec une étonnante puissance dans cette atmosphère de lourde fantaisie et de frivolité puérile : elle avait donné en telle abondance toute sorte de fruits monstrueux et grotesques, le plus étonnant fouillis de poésie niaise, aristocratique, pédantesque, amphigourique, allégorique, mythologique, métaphysique, un laborieux et prétentieux fatras où les subtilités creuses et les ineptes jeux de mots tenaient lieu d’inspiration et d’idées.

568. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Paul Verlaine et les poètes « symbolistes » & « décadents ». »

« Or, en quête sous les ramures, il s’est lassé, et la nuit est venue sur la vanité de son espoir présomptueux : parmi l’air le plus pur de désastre, en le plus plaisant lieu une voix disparate, un pin sévèrement noir ou quelque rouvre de trop d’ans s’opposait à l’intégral salut d’amour, et la velléité dès lors inerte demeurait muette, sans même la conscience mélancolique de son mutisme. […] « Non, et les lieux inutiles reverront sa visite : les pierres nuées qui lui plurent, il les ordonnera négligemment en un parterre de mousse dont il garde le puéril souvenir : par son unique vouloir esseulées, hors de mille s’étrangeront là quelques ramures vertes virginalement sur de droits rêves, et perplexes quand sous elles il laissera qui prévalaient d’oiseaux tels rameaux morts gésir, et devinée mieux que vue aux dentelles des verdures amènera large et molle une rivière où des lis gigantesques : un torse nu de vierge en l’eau s’ornera d’une toison mêlée à l’heure d’un soleil saignant son or mourant. […] Allez, rien n’est meilleur à l’âme Que de faire une âme moins triste… Je ne me souviens plus que du mal que j’ai fait… Dans tous les mouvements bizarres de ma vie, De mes malheurs, selon le moment, et le lieu, Des autres et de moi, de la route suivie, Je n’ai rien retenu que la bonté de Dieu. […] Quand on a trouvé que le lieu est un cabaret, tout s’explique assez aisément.

569. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre cinquième »

Des trois unités, Crébillon en observe au moins deux : celles de temps et de lieu. […] Le spectateur veut bien ne pas regarder de trop près aux moyens dont se sert le poète pour faire rencontrer ses personnages au même lieu et dans le même temps ; mais il ne consent ni à s’intéresser à plusieurs personnages à la fois, ni à s’intéresser médiocrement au principal. […] Il recommande la vérité des caractères, le développement des passions, l’unité d’intérêt et de temps, sinon de lieu, enfin, la perfection des vers pour faire durer tout le reste. […] Il y a même lieu d’admirer l’industrie avec laquelle le poète diversifie par les jeux de scène l’expression d’un sentiment qu’il n’a pas su varier en l’approfondissant.

570. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIV » pp. 126-174

Je pourrais ajouter en cinquième lieu une notice composée par Segrais et imprimée à la suite des Mémoires de mademoiselle de Montpensier, dont il était secrétaire. […] « Le plus beau quartier de la ville de Coquetterie est la grande place, qu’on peut dire vraiment royale 44… Elle est environnée d’une infinité de réduits, où se tiennent les plus notables assemblées de coquetterie, et qui sont autant de temples magnifiques consacrés aux nouvelles divinités du pays ; car, au milieu d’un grand nombre de portiques, vestibules, galeries, cellules et cabinets richement ornés, on trouve toujours un lieu respecté comme un sanctuaire, où sur un autel fait à la façon de ces lits sacrés des dieux du paganisme, on trouve une dame exposée aux yeux du public, quelquefois belle et toujours parée ; quelquefois noble et toujours vaine ; quelquefois sage et toujours suffisante ; et là, viennent à ses pieds les plus illustres de cette cour pour y brûler leur encens, offrir leurs vœux et solliciter la faveur envers l’amour coquet pour en obtenir l’entrée du palais de bonnes fortunes. » On lit dans un autre passage, que dans le royaume, « il n’est pas défendu aux belles de garder le lit, pourvu que ce soit pour tenir ruelle plus à son aise, diversifier son jeu, ou d’autres intérêts que l’expérience seule peut apprendre45 ». […] Quoique la pièce entière résiste à l’application qu’on en veut faire, nous ajouterons à nos précédentes observations que la pièce semble donner elle-même la date du temps et du lieu de la première représentation. […] Il y avait peut-être lieu pour Molière à prendre quelques précautions d’après les avanies faites à l’abbé de Pure, cinq ans auparavant.

571. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVII, l’Orestie. — les Euménides. »

— « Pas un lieu de la terre où je n’aie passé ! […] Seule entre tous les dieux, je sais où sont les clefs du lieu où la foudre de mon père est renfermée. […] Certes, elles sont très puissantes, les Érynnies augustes, auprès des Immortels qui habitent les lieux souterrains. […] L’âme pécheresse, c’est elle seule qui meurt. — Un homme est juste, il pratique le droit et l’équité ; — Il ne mange pas sur les Hauts Lieux le festin des fêtes, il ne lève pas les yeux vers les idoles, il ne souille pas la femme de son prochain ; — Il n’opprime personne, il rend au pauvre le gage de la dette, il donne son pain à l’affamé, il couvre d’un vêtement celui qui est nu ; — Il ne prête pas à usure, il retire sa main de l’injustice, et prononce, suivant le droit, entre celui-ci et celui-là ; — Il marche selon ma règle et il observe mes commandements. — Cet homme est un juste, il vivra, dit le Seigneur Dieu. — Mais cet homme engendre un fils violent qui fait tout le contraire de son père : — Il verse le sang, mange sur les montagnes, il rend impure la femme de son prochain, il lève les yeux vers les idoles, il opprime le pauvre et l’indigent. — Et il vivra ?

572. (1913) La Fontaine « VIII. Ses fables — conclusions. »

Je voudrais être en lieu d’où je pusse aisément Contempler la foule importune De ceux qui cherchent vainement Cette fille du Sort de royaume en royaume, Fidèles courtisans d’un volage fantôme. » Quand ils sont près du bon moment, L’inconstante aussitôt à leur désir échappe. […] Je ne crois point que la Nature Se soit lié les mains, et nous les lie encor Jusqu’au point de marquer dans les cieux notre sort : Il dépend d’une conjoncture De lieux, de personnes, de temps, Non des conjonctions de tous ces charlatans. […] « L’objet… (la chose extérieure) L’objet la frappe en un endroit ; Ce lieu frappé s’en va tout droit, Selon nous, au voisin, en porter la nouvelle ; Le sens de proche en proche aussitôt la reçoit. […] Il y a une grande école, qui est notre grande école classique, parfaitement respectée depuis trois siècles, excepté à un moment, mais ce n’est pas le lieu de dire ni pourquoi, ni comment.

573. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Première partie. De la parole et de la société » pp. 194-242

Il y aurait beaucoup de choses à dire sur les noms d’hommes et de lieux, qui eurent, dans les temps anciens, une énergie si singulière, qui furent une poésie si merveilleuse ; sur ces lieux sans nom qui étaient, selon Virgile, autour du palais d’Évandre ; sur ces autres lieux où, comme dit Lucain, nulle pierre n’était sans nom : c’est que la renommée s’était assise sur les ruines de Troie, et qu’elle n’avait point encore visité les sept collines qui devaient être la ville éternelle. […] Nous savons, et nous ne pouvons en douter, que les noms de lieux étaient significatifs, ainsi que les noms d’hommes.

574. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. Louis de Viel-Castel » pp. 355-368

Je sais qu’il faut faire la part du tâtonnement nécessaire, de l’apprentissage en tout régime qui recommence ; et pour ce qui est des Chambres particulièrement, pour l’éloquence et la discussion parlementaire, j’admets toute l’inexpérience première sans qu’il y ait lieu de s’en étonner. […] Il voulait bien, d’ailleurs, ne point parler trop injurieusement de ceux-ci, des 25 millions d’hommes qui formaient la masse de la nation : « Il est bien reconnu, disait-il, que les régnicoles, comme les émigrés, appelaient de tous leurs vœux un heureux changement, lors même qu’ils n’osaient pas encore l’espérer. » Ainsi, Français de 1792 qui couriez à la frontière, vous qui sauviez la patrie menacée, vous qui, à la suite des armées refoulées de la coalition, passiez le Rhin et l’Escaut et les Alpes, qui combattiez à Rivoli, à Zurich, aux pyramides et autres lieux, vous étiez des régnicoles ; il est bon de savoir le nom qu’on a.

575. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. »

Je ne parlerai donc pas de vous cette fois, Armand Renaud, auteur des Poëmes de l’amour 25, des Caprices de boudoir 26, et en dernier lieu des Pensées tristes 27, vous qui avez déjà eu trois manières ; qui, après avoir commencé par vous inspirer aux hautes sources étrangères et par moissonner la passion en toute littérature et en tout pays ; — qui, après vous être terriblement risqué ensuite aux ardentes peintures d’une imagination aiguë et raffinée, en êtes venu à vous interroger vous-même plus à fond, à vous sentir, à fouiller en vous, à chanter vos propres chants, à pleurer vos propres larmes. […] Il a déjà donné deux recueils, les Poésies parisiennes et en dernier lieu les Élévations 37, une manière de correctif.

576. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Chants du crépuscule (1835) »

Cette forme d’expression pour l’imagination et pour le sentiment, lorsqu’on la possède à un haut degré, est tellement supérieure, d’une supériorité absolue, à l’autre forme, à la prose ; elle est si capable d’immortaliser avec simplicité ce qu’elle enferme, de fixer en quelque sorte l’élancement de l’âme dans une attitude éternelle, qu’à chaque retour d’un grand et vrai talent poétique vers cet idiome natal il y a lieu à une attente empressée de toutes les âmes musicales et harmonieuses, à un joyeux éveil de la critique qui sent l’art, et peut-être, disons-le aussi, au petit dépit mal caché des gens d’esprit qui ne sont que cela. […] Dans la peinture des passions qui s’essayent tour à tour à ternir notre âme, le poëte les montre Qui viennent bien souvent trouver l’homme au saint lieu, Et qui le font tinter pour d’autres que pour Dieu.

577. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET (La Confession d’un Enfant du siècle.) » pp. 202-217

D’autres ont essayé de peindre tous les maux affaiblissants et le relâchement de la volonté, produits par un abandon tortueux et secret : lui, il s’est attaché à peindre le mal orgueilleux, ambitieux, d’une curiosité insatiable, impie, le mal du Don Juan renouvelé : « Il y a, dit-il, de l’assassinat dans le coin des bornes et dans l’attente de la nuit, au lieu que dans le coureur des orgies bruyantes on croirait presque à un guerrier : c’est quelque chose qui sent le combat, une apparence de lutte superbe : « Tout le monde le fait, et s’en cache ; fais-le, et ne t’en cache pas. » Ainsi parle l’orgueil, et, une fois cette cuirasse endossée, voilà le soleil qui y reluit. » Trois endroits, sans parler de celui auquel cette citation appartient, expriment et ramènent à merveille le sujet, le but du livre, qui disparaît et s’évanouit presque dans une trop grande partie du récit : ce sont, le discours nocturne de Desgenais à son ami, la réponse éloquente d’Octave à quelques mois de là, et, au second volume, certaines pages sur la curiosité furieuse, dépravée, de certains hommes pour ces hideuses vérités qui ressemblent à des noyés livides. […] Si l’auteur avait écrit ce premier chapitre (comme il convient aux préfaces) en dernier lieu et après son livre achevé, nul doute qu’il ne l’eût écrit tout différemment.

578. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Avertissement sur la seconde édition. » pp. 23-54

Ce n’est pas ici le lieu d’en faire remarquer l’esprit, & d’y répondre. […]   Répondrons-nous encore à une derniere imputation insérée dans le Mercure, où l’Auteur du Phyrrhonisme de l’Histoire ne craint pas d’assurer* qu’il sait de très-bon lieu que nous avons été payés pour lui nuire ?

579. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Évolution de la critique »

En assumant publiquement son rôle, le critique prenait pour admis que son verdict représentait non seulement son opinion personnelle, mais celle de nombreux lecteurs, et quand il manifestait son approbation ou sa désapprobation à l’endroit de l’œuvre dont il discutait, il avait soin de s’en rapporter aux règles, c’est-à-dire, en définitive, aux appréciations plus générales de critiques antérieurs, et en dernier lieu, à Aristote. […] Partant du principe que les choses morales ont, comme les choses physiques, des dépendances et des conditions, il esquisse la vie de chacun des écrivains qu’il veut étudier, montre le pays où il est né, le lieu où il a vécu, puis, analysant son œuvre et en dégageant les principaux caractères, il exprime fame qu’ils révèlent, en une formule à plusieurs termes.

580. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre V. Les esprits et les masses »

Un fauteuil rente de dix mille sesterces est une place gracieuse et commode, les gros émoluments font les teints frais et les bonnes santés, on vit vieux dans les douces sinécures bien appointées, la haute finance abondante en profits est un lieu agréable à habiter, être bien en cour cela assoit une famille et fait une fortune ; quant à moi, je préfère à toutes ces solidités le vieux vaisseau faisant eau où s’embarque en souriant l’évêque Quodvultdeus. […] Partout où il y a agglomération d’hommes, il doit y avoir, dans un lieu spécial, un explicateur public des grands penseurs.

581. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre I : Qu’est-ce qu’un fait social ? »

Ainsi, dans une assemblée, les grands mouvements d’enthousiasme, d’indignation, de pitié qui se produisent, n’ont pour lieu d’origine aucune conscience particulière. […] Par conséquent, il y aurait, tout au plus, lieu d’ajouter à la liste des phénomènes que nous avons énumérés comme présentant le signe distinctif du fait social une catégorie de plus ; et, comme cette énumération n’avait rien de rigoureusement exhaustif, l’addition ne serait pas indispensable.

582. (1912) L’art de lire « Chapitre V. Les poètes »

Oui, tout rythme est détruit et l’on se trouve en présence d’une de ces dissonances, ou plutôt d’une de ces arythmies que les poètes sans doute se permettent et même cherchent parfois, mais pour produire un effet particulier, à quoi ici on ne voit pas qu’il y ait lieu. […] Ce qui suit n’est qu’une phrase nombreuse ; du reste, elle l’est à souhait, et sans affectation ni raffinement, par où elle est un vrai modèle : « Vous verrez dans une seule vie toutes les extrémités des choses humaines, | la félicité sans bornes aussi bien que les misères, | une longue et paisible jouissance d’une des plus nobles couronnes de l’Univers, | tout ce que peuvent donner de plus glorieux la naissance et la grandeur accumulée sur une seule tête, | qui ensuite est exposée à tous les outrages de la fortune ; | la bonne cause d’abord suivie de bon succès | et, depuis, des retours soudains, des changements inouïs, | la rébellion longtemps retenue, à la fin tout à fait maîtresse, | nul frein à la licence ; les lois abolies ; la majesté violée par des attentats jusqu’alors inconnus, | l’usurpation et la tyrannie sous le nom de liberté, | une reine fugitive qui ne trouve aucune retraite dans trois royaumes | et à qui sa propre patrie n’est plus qu’un triste lieu d’exil, | neuf voyages sur mer entrepris par une princesse malgré les tempêtes, | l’océan étonné de se voir traversé tant de fois en des appareils si divers et pour des causes si différentes, | un trône indignement renversé et miraculeusement rétabli. » Cette période est composée de membres de phrase d’une longueur inégale, mais non pas très inégale, de membres de phrase qui vont d’une longueur de vingt syllabes environ à une longueur de trente syllabes environ et c’est-à-dire qui sont réglées par le rythme de l’haleine sans s’astreindre à en remplir toujours toute la tenue, et qui ainsi se soutiennent bien les uns les autres et satisfont le besoin qu’a l’oreille de continuité à la fois et de variété, de rythme et de rythme qui ne soit pas monotone.

583. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 3665-7857

Le poëte a beau vouloir transporter les spectateurs dans le lieu de l’action ; ce que les yeux voyent, devient à chaque instant ce que l’imagination se peint. […] Enfin de nuance en nuance, il se trouve avoir fait le portrait d’un homme content, au lieu du portrait d’un homme affligé. […] La fiction tient lieu aux amans de la réalité, & les plus passionnés n’adorent souvent que leur propre ouvrage, comme le sculpteur de la fable. […] Ainsi la simplicité ingénue est un caractere absolu & indépendant des circonstances ; au lieu que la naïveté est relative. […] Il suffit, direz-vous, à l’ambitieux d’être craint ; la crainte lui tient lieu d’amour : il domine, ses voeux sont remplis.

584. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Avant-propos » pp. 1-5

Je montrerai en troisiéme lieu, que les anciens avoient si-bien réduit l’art du geste ou la saltation, qui étoit un des arts subordonnez à la science de la musique, en methode reglée, que dans l’execution de plusieurs scenes ils pouvoient partager et qu’ils partageoient en effet la déclamation théatrale entre deux acteurs, dont le premier recitoit tandis que le second faisoit les gestes convenables au sens des vers récitez, et que même il se forma des troupes de pantomimes ou de comédiens muets qui jouoient sans parler des pieces suivies.

585. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

Le poète ne se montre pas plus favorable dans un cas que dans l’autre aux assemblées politiques ni aux cortès d’aucun temps ; mais en dernier lieu il est évident que toute sa foi royaliste s’était retirée de lui. […] Je rappelle, pour ceux qui le savent moins, ce que, tous, nous savions par cœur autrefois : Ainsi dans les forêts de la Louisiane, Bercé sous les bambous et la longue liane, Ayant rompu l’œuf d’or par le soleil mûri, Sort de son nid de fleurs l’éclatant colibri ; Une verte émeraude a couronné sa tête, Des ailes sur son dos la pourpre est déjà prête, La cuirasse d’azur garnit son jeune cœur ; Pour les luttes de l’air l’oiseau part en vainqueur… Il promène en des lieux voisins de la lumière Ses plumes de corail qui craignent la poussière ; Sous son abri sauvage étonnant le ramier, Le hardi voyageur visite le palmier. […] … L’homme est un lent voyageur qui envie ces passagers rapides ; rapides moins encore que son imagination, ils ont vu pourtant, en un seul jour, tous les lieux qu’il aime par le souvenir ou l’espérance… « Où vont-ils les nuages bleus et sombres de cet orage des Pyrénées ? […] J’ai caché à ma famille et à mes amis en France ma détention, j’ai crudevoir le faire… Étranger dans ces lieux, personne ne me tend une main secourable ; victime d’un cruel préjugé contre ma nation, qui confond tous les Français, je suis obligé de le combattre par les preuves de mon éducation ; j’ai beau faire, je suissouvent vaincu. […] Je m’instruirai à penser comme vous, si je ne puis agir aussi grandement… » Cette lettre, qui porte la date du 5 septembre 1766, avec désignation du lieu : « King’s Bench, in State-House, number 7 », est signée « Jean-René de Vigny, ancien mousquetaire et officier dans une des compagnies de la garde du roi de France. » Le nom n’est précédé d’aucun titre. — (Et, jusqu’à preuve du contraire, je soupçonnerais ce titre de comte de ne s’être joint au nom de De Vigny qu’à dater de 1814 : je ne propose, au reste, ce cas de généalogie nobiliaire que parce qu’il ne me paraît pas parfaitement résolu, et que j’ai vu le même léger doute à d’autres que moi.)

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