/ 2071
432. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre douzième. »

La morale de La Bruyère, c’est celle de Montaigne, de Molière, de La Fontaine, de Boileau ; c’est tout ensemble une grande liberté d’observation, qui reste d’ailleurs dans les limites de la convenance, et une certaine indifférence qui laisse à chacun ses défauts, et qui paraît satisfaite qu’un homme imparfait ne soit pas pire. […] En lisant les Caractères, je regrette de temps en temps l’autorité du prédicateur chrétien, qui me rendrait ma mobilité suspecte et me ferait craindre que mon indifférence sur les vices ne fût de la complicité ; mais, pour une fois que ma liberté m’est incommode et m’embarrasse, combien de fois ne suis-je pas flatté de l’avoir entière, et combien n’ai-je pas plus de goût pour l’écrivain supérieur qui a trouvé l’art de la caresser sans la corrompre ! […] Mais il était permis à un helléniste, et j’ajoute à un humaniste de ce mérite d’avertir le lecteur des erreurs où est tombé La Bruyère, et des libertés qu’il a prises avec l’original. C’est ce qui a été fait, pour les erreurs, par des notes ; pour les libertés, en les indiquant par des caractères italiques.

433. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IX. La littérature et le droit » pp. 231-249

Est-ce Taine ou un théoricien du marxisme (on pourrait aisément s’y tromper) qui a dit que la volonté est serve, et non maîtresse des faits ; que les concepts de justice, d’égalité, de liberté sont de la mauvaise métaphysique ? […] Les tempêtes sociales rendent difficile, sinon impossible, le paisible exercice de la liberté ; mais la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen avait posé ce principe, base de la législation future : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. » Ce droit, solennellement proclamé, n’en fut pas moins étranglé par l’Empire. […] On n’attend pas de moi, je pense, que je conte ici le long duel qui s’est engagé entre nos gouvernements successifs et la presse jalouse de sa pleine liberté.

434. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

En quelle mesure se montraient-ils partisans de l’autorité ou de la liberté ? […] C’est le triomphe de la monarchie absolue, le terme de la poussée plus que séculaire qui a détruit peu à peu les privilèges des nobles et les libertés des bourgeois au profit de la royauté. […] Cependant sous cette immobilité voulue, sous ce règne paisible de l’ordre et de la discipline, contre lesquels Molière et La Fontaine sont à peu près les seuls à regimber parfois, le mouvement de la vie continue quand même ; la monarchie de droit divin est à son apogée ; mais l’apogée est toujours voisin du déclin ; l’Eglise catholique, son alliée, a infligé une cruelle défaite à ses adversaires ; mais toutes deux, par l’excès même de leur tyrannie, provoquent le réveil de l’esprit de liberté ; en matière littéraire aussi, quoique le joug y soit moins lourd à porter, l’époque suivante verra déjà des essais, tout au moins des velléités d’émancipation. […] D’autre part, des auteurs qui se rattachent à l’époque antérieure, qui gardent quelque chose du temps de la Fronde : tels Corneille, Molière, La Fontaine, Retz, La Rochefoucauld, Saint-Evremond, même Mme de Sévigné ; tout soumis et pacifiés qu’ils sont avec la France entière, ils ont par moments une indépendance de pensée, une liberté de ton et d’allure, une verdeur de langage, voire une veine de gaillardise qui rappellent que leur jeunesse s’est écoulée dans une société moins régulière.

435. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

Avant de mourir, il s’était fait amener son jeune fils, le duc de Broglie actuel, âgé seulement de huit ans, et lui avait recommandé, malgré tout, de ne jamais déserter la cause de la liberté. […] Sur les questions de liberté individuelle, de liberté de presse, de 1816 à 1820, il insista toujours pour les solutions les plus libérales. […] Les plus beaux souvenirs de la race humaine se rattachent à ces époques glorieuses où les peuples qui ont civilisé le monde, et qui n’ont point consenti de passer sur cette terre en s’ignorant eux-mêmes, et comme des instruments inertes entre les mains de la Providence, ont brisé leurs fers, attesté leur grandeur morale, et laissé à la postérité de magnifiques exemples de liberté et de vertu.

436. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame Necker. » pp. 240-263

Je voudrais faire équitablement les deux parts, et juger cette personne de mérite en toute liberté, mais avec égards toujours et avec respect. […] Suard lui fait sa cour, etc., etc. » C’était cette foule de beaux esprits plus ou moins galants et mécréants ; c’était l’abbé Arnaud, l’abbé Raynal, c’était l’abbé Morellet à qui elle s’adressait, l’un des premiers, pour fonder son salon : La conversation y était bonne, nous dit Morellet, quoiqu’un peu contrainte par la sévérité de Mme Necker, auprès de laquelle beaucoup de sujets ne pouvaient être touchés, et qui souffrait surtout de la liberté des opinions religieuses. […] Dans une lettre où elle s’excuse de ne pouvoir leur présenter deux jeunes Zurichois, elle nous les montre ne pouvant se contraindre dans leurs propos, travaillant le matin dans leur cabinet, puis causant tout le reste du jour : Le matin est consacré à l’étude, et ils ont une si grande liberté de penser, qu’ils ne peuvent se résoudre à rencontrer un visage inconnu dans les maisons qu’ils fréquentent ; car qui dit liberté de penser, sous-entend un désir violent de parler ; j’en vois quelques-uns, et heureusement leurs mœurs, qui sont très honnêtes, corrigent l’impression de leurs principes, sans quoi il vaudrait mieux renoncer à ce genre de société.

437. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre II. Réalité des idées égalitaires »

Et peut-être les socialistes pourront-ils prouver, — étant donnée la façon dont se distribuent, en fait, les richesses, — que cette liberté est « illusoire », que cette égalité des droits économiques n’est pas « réelle ». […] Sautons par-dessus les monarchies, grandes et petites, qui ont étouffé de plus en plus la liberté primitive et brisé le ressort de la dignité18 : nous nous retrouvons, chez les Fuégiens ou les Iroquois, face à face avec le sentiment de l’indépendance individuelle et de l’égalité sociale. […] « La valeur de la détermination qui résulte d’une conviction personnelle, comme l’idée des droits et des devoirs de l’homme en général ne sont, suivant Zeller 26, des principes généralement reconnus que dans la période de transition qui coïncide avec la disparition de l’ancien point de vue grec. » La fameuse distinction de la « liberté à l’antique » et de la « liberté à la moderne » 27 repose sur cette observation que le véritable prix de l’individu était inconnu à la cité antique.

438. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre I. La quantité des unités sociales : nombre, densité, mobilité »

Il manque à leurs idées sociales une maîtresse pièce de l’égalitarisme tel que nous l’avons défini : et c’est le sentiment de la valeur propre à l’individu, le respect du for intérieur, le culte de la liberté personnelle. — Or, l’étroitesse même de leur cercle d’action n’est-elle pas une des raisons pour lesquelles le trait essentiel des républiques d’aujourd’hui fait défaut à la république d’autrefois ? […] L’individu, dont l’influence personnelle n’est plus qu’un élément imperceptible de la volonté sociale qui imprime au gouvernement sa direction, se replie en quelque sorte sur lui-même et met au-dessus de tout sa liberté propre. […] Constant sur la liberté des anciens comparée à celle des modernes sont justes, le seul accroissement des sociétés, par cela même qu’il rendait difficile à leurs membres l’exercice du gouvernement direct, est bien loin de s’opposer au progrès des idées égalitaires ; il y contribue au contraire, s’il est vrai qu’il aide, indirectement, à la constitution de l’individualisme que ces idées supposent. […] De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes, dans le Cours de Politique constitutionnelle, t. 

439. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Réception du père Lacordaire » pp. 122-129

Guizot en personne, un calviniste, un hérétique, le plus éloquent organe, pendant dix-huit ans, de la liberté ordonnée, de la liberté réglée et restreinte : — quel antagonisme !

440. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre III. Les traducteurs »

La violence des polémiques et des persécutions aide les esprits des savants à s’enclore dans leurs études innocentes : ils se détournent des questions brûlantes et actuelles, et achètent à ce prix la liberté de leurs recherches scientifiques, même la protection déclarée des grands. […] Le Contr’un, s’il n’est pas une traduction, est un écho : on y voit la passion antique de la liberté, l’esprit des démocraties grecques et de la république romaine, des tyrannicides et des rhéteurs, se mêler confusément dans une âme de jeune humaniste, la gonfler, et déborder en une âpre déclamation.

441. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre premier. Prostitués »

Elle a tué l’ange chez l’ouvrière en lui volant tout loisir ; elle l’a tué en elle-même en tuant sa liberté, en assujettissant le dieu aux caprices des brutes humaines. […] Et la pensée, qui se nourrit de liberté, mourut comme l’amour : on décora de son nom la flatterie et le sophisme comme le nom de l’autre dieu était porté par les baisers menteurs et par les comédies de caresses.

442. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre IV Le Bovarysme des collectivités : sa forme imitative »

On s’est fait illusion sur la liberté chez les anciens et pour cela seul, la liberté chez les modernes a été mise en péril. »7 D’un point de vue plus général, on pourrait aussi montrer que la Révolution française exprime un Bovarysme idéologique dont le mécanisme caché sera l’objet par la suite d’un complet examen, et qui, en la circonstance, a pour effet de substituer une réalité rationnelle à la réalité historique, de mettre le fait concret sous le gouvernement de l’idée abstraite.

443. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Feuilles d’automne » (1831) »

C’est le passage de l’unité religieuse et politique à la liberté de conscience et de cité, de l’orthodoxie au schisme, de la discipline à l’examen, de la grande synthèse sacerdotale qui a fait le moyen-âge à l’analyse philosophique qui va le dissoudre ; c’est tout cela ; et c’est aussi le tournant, magnifique et éblouissant de perspectives sans nombre, de l’art gothique à l’art classique. […] Cependant, dans la position indépendante, désintéressée et laborieuse où l’auteur a voulu rester, dégagé de toute haine comme de toute reconnaissance politique, ne devant rien à aucun de ceux qui sont puissants aujourd’hui, prêt à se laisser reprendre tout ce qu’on aurait pu lui laisser par indifférence ou par oubli, il croit avoir le droit de dire d’avance que ses vers seront ceux d’un homme honnête, simple et sérieux, qui veut toute liberté, toute amélioration, tout progrès, et en même temps toute précaution, tout ménagement et toute mesure ; qui n’a plus, il est vrai, la même opinion qu’il y a dix ans sur ces choses variables qui constituent les questions politiques, mais qui, dans ses changements de conviction, s’est toujours laissé conseiller par sa conscience, jamais par son intérêt.

444. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Première partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère des idées religieuses » pp. 315-325

Dès lors on n’a rien à redouter des prérogatives du Saint-Siège ; et ce que nous avons appelé les libertés de l’église gallicane, qui peut-être dans un temps nous a préservés de la contagion des hérésies, est devenu absolument sans objet. […] Cependant, pour rentrer dans mon sujet, j’avouerai, si l’on veut, que la triple tiare a souvent abusé de ses hautes prérogatives ; car pour elle aussi il a fallu que l’abus prouvât la liberté.

445. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXV. De Paul Jove, et de ses éloges. »

Le sénat de Venise, politique et hardi, commerçant et guerrier, voulait dominer sur la mer et s’étendre en terre-ferme ; une foule de villes et de républiques étaient agitées à la fois par les orages de la liberté et par ceux de la guerre ; des factions s’élevaient, se choquaient et tombaient ; des conjurés et des tyrans périssaient tour à tour ; des généraux qui n’avaient pour bien qu’une armée, la vendaient à qui voulait ou pouvait la payer. […] Paul Jove a fait l’éloge ou le portrait de tous ces hommes, la plupart plus courageux que saints ; mais dans cette foule de noms, on aime à retrouver à Florence, les Médicis ; à Milan, ces fameux Sforces, dont l’un simple paysan, devint un grand homme ; et l’autre, bâtard de ce paysan, devint souverain ; à Rome, les Colonnes, presque tous politiques ou guerriers ; à Venise plusieurs doges et quelques généraux ; à Gênes, ce célèbre André Doria, qui vainquit tour à tour et fit vaincre Charles-Quint, redoutable à François Ier et à Soliman, mais grand surtout pour avoir rendu la liberté à sa patrie, dont il pouvait être le maître.

446. (1894) Critique de combat

Ils veulent, dit-il, deux choses inconciliables : Liberté politique, tutelle économique. […] Autant d’atteintes à la liberté de l’individu. […] Guyot, approximation de la liberté par l’égalité, cela semble assez raisonnable. […] C’est nous qui vous crions au nom de l’avenir et de la liberté : Elargissez l’enfance !  […] Elle était nouvelle, cette doctrine de la liberté métaphysique, de la liberté en soi, vers 1840, quand elle fut formulée par Schopenhauer.

447. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

Le paradoxe de son engagement au café-concert, c’est un caprice de liberté, caprice impertinent et qui lui prouve mieux à elle-même sa liberté. […] Courbaud réclame, pour le poète, plus de liberté. […] Ce qui le tente, c’est la liberté que revendiquent les novateurs. […] Liberté du rythme. […] De l’entrain ; la plus aimable liberté.

448. (1932) Le clavecin de Diderot

En effet, il est difficile de ne pas se laisser emporter par ce torrent de mots, de métaphores, il est difficile de ne pas rester coi devant la puissance, la créativité, la liberté du langage de Crevel. […] Ce n’est pas un hasard si Jean-Jacques Pauvert, en 1966, a réédité Le Clavecin de Diderot dans la collection « Libertés ». […] Il y a contresens sur la liberté. […] Elle est la route de la liberté, une route qui ne veut pas se laisser perdre parmi les terrains vagues. […] La liberté de vouloir n’est donc, par conséquent, que la faculté de prendre des décisions en connaissance de cause.

449. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. VILLEMAIN. » pp. 358-396

Villemain, qui cédait de meilleure grâce à la faveur, ne gardait pas moins sa liberté de saillie et sa capricieuse allure. […] non, répondait-il ; nous aurons la liberté anglaise. » Il aimait dès lors et pressentait le genre d’éloquence anglaise, parlementaire, par instinct d’orateur et par besoin d’une honnête liberté dans la parole. […] Le vif et le mordant de ce rare esprit, sa liberté tout entière ne se déploie ou que dans le tête-à-tête, ou que devant tous. […] Des applaudissements inextinguibles solennisèrent ce moment, où tant de jeunes yeux brillaient d’étincelles et de larmes ; c’était aussi un serment de liberté et d’avenir.

450. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

S’il attaque ses voisins pour les soumettre à son pouvoir, il se déshonore ; s’il envahit leur territoire sous le prétexte d’y fonder la liberté, on le trompe ou il se trompe lui-même. […] « L’amour de la liberté commença la Révolution française ; l’Europe, désavouant la politique de ses rois, nous accordait son estime et son admiration. […] La justice avait été foulée aux pieds par les factions ; la liberté devait périr avec elle : aussi ne la revit-on plus. […] Dubois, qui jugea que, dans cette simple idée de magasin à l’anglaise, il n’y avait pas assez de chance d’action ; qu’il fallait y implanter une portion de doctrine, y introduire les questions de liberté littéraire, se poser contre la littérature impériale, et, sans songer à la politique puisqu’on était en pleine Censure, fonder du moins une critique nouvelle et philosophique. […] La question des Jésuites et de la liberté absolue d’enseignement prêta jusqu’au bout, sous la plume de M. 

451. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

Qu’on oublie donc que ces vers parlent de moi ; qu’au lieu de moi, retiré depuis longtemps de la lice, et qui n’ai fait que toucher superficiellement et avec distraction la lyre jalouse qui veut tout l’homme, on suppose un nom véritablement et légitimement immortel ; qu’on se figure, par exemple, que Solon, poète d’abord, et poète élégiaque dans sa jeunesse, puis restaurateur, législateur et orateur de la république athénienne, puis banni de la république renversée par l’inconstance mobile des Athéniens, puis rentré obscurément dans sa patrie, par l’insouciance du maître, y végète pauvre et négligé du peuple sur une des montagnes de l’Attique ; qu’on se représente en même temps un jeune poète d’Athènes, moins oublieux que ses compatriotes, bouclant sa ceinture de voyage, chaussant ses sandales, et partant seul du Parthénon pour venir visiter bien loin son maître en poésie, relique vivante de la liberté civique ; que Solon reçoive bien ce jeune homme, partage avec lui son miel d’Hymette, ses raisins de Corinthe, ses olives de l’Attique ; que le disciple, revenu à Athènes après une si bonne réception, raconte en vers familiers à ses amis son voyage pédestre, ses entretiens intimes avec le vétéran évanoui de la scène et se survivant, mutilé, à lui-même et à tous dans un coin des montagnes natales. […] tu connais ces arches de corolles Où le poète, heureux aux jours de liberté, Chantait, et pour ses vers trouvait des auréoles : La poésie et l’art enlaçaient leur beauté. […] J’écrivais le Conseiller du peuple, journal à cinquante mille abonnés, dans lequel je m’efforçais de modérer les esprits impatients à qui l’élan exagéré allait faire traverser la liberté ; je le voyais, je le disais. […] Sur cette clairière jaunissante où Laprade et tant d’autres étaient venus se transfigurer depuis Hugo, comme sur un humble Thabor des poètes, les chênes ont été abattus, pour convertir en une poignée d’or nécessaire les rêves mille fois plus dorés qui tombaient avec leur ombre de leurs cimes ; les sentiers battus par les pieds d’amis s’effacent, le château est désert ; le cheval Saphir, qui me portait, dans les grandes journées de feu de Paris, à la défense des foyers et des familles, et que la popularité honnête soulevait quelquefois des pavés sur les bras du peuple, erre seul aujourd’hui dans le pré sous ma fenêtre, paissant en liberté l’herbe d’automne ; de temps en temps je le vois relever la tête, regarder par-dessus le buisson, écouter les chars lointains, et hennir au vent, croyant toujours que ce sont ses maîtres qui reviennent le seller et le monter pour le conduire à la victoire ; puis, détrompé par l’attente vaine, il retourne tristement brouter près des bœufs roux et des vaches blanches, à la lisière des bois qui lui versent l’ombre ! Malédiction, ô cher compagnon de mes jours de fatigues, à ceux qui t’ont laissé dix ans brouter déferré sur cette herbe sèche, et moi languir inutile dans cette masure presque démolie sur ma tête, pendant que le sang généreux de la force et de la liberté coulait encore, inutile, dans nos vieilles veines !

452. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (1re partie) » pp. 305-364

C’est ainsi enfin qu’un homme, de bien plus de talent vrai que tous ces faux monnayeurs de ce qu’ils appellent l’idée, et de bien plus de style que tous ces frappeurs de mensonges à l’effigie de la vérité ; c’est ainsi que Victor Hugo, jeté sur son île solitaire, et à qui les latitudes de l’espace, la liberté de l’étendue, la complaisance du vide, les ondulations de l’Océan, les orages, les bruits, les écumes, les senteurs âpres des vagues ont porté à la tête, agrandi les horizons, creusé les aperçus, donné souvent le sublime, quelquefois le vertige, attendri l’âme jusqu’à la sensibilité maladive du mal universel, et fait du cœur d’un poète le grand muscle sympathique universel de l’humanité souffrante ; c’est ainsi, disons-nous en fermant ce livre, que notre ami a pleuré ses larmes de colère sur son Patmos de l’Océan, et que ce saint Jean du peuple a cru écrire pour le peuple en écrivant en réalité contre lui ! […] « — Bien, dis-je ; mais, si la concurrence est détruite, que devient le droit le plus précieux du travailleur, la liberté du travail ?  […] » m’écriai-je au milieu du rire de l’auditoire », et combien la société de tels socialistes ferait envier aux hommes le sort de la brute ruminante, qui va du moins paître en liberté et en paix l’herbe qu’elle ne mesure qu’à sa faim ! […] il n’y en a pas d’autre ; je vous défie tous d’en trouver une autre : donc il n’y a pas d’organisation du travail, de distribution des richesses forcée, autre que la distribution par la liberté, par la concurrence, par l’économie des travailleurs, et par les besoins des consommations libres, des capitalistes, etc. […] Ses fils travaillaient dans mon cabinet, aux Affaires étrangères ; j’étais fier du nom, et, en lisant dans les journaux ce programme de la république de propriété, d’ordre et de vraie liberté signé Hugo, je me félicitais qu’un si puissant esprit s’engageât dans l’armée où je servais moi-même la cause des améliorations populaires possibles, contre les démagogues de la rue, ces rêveurs de sang et de guerre, et contre les utopistes, ces démagogues de l’idée.

453. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Donc, cette croyance à la liberté illimitée de la presse était, en lui, ou une fiction à l’usage d’un imbécile, ou un crime contre l’ordre social. […] Il promit à la France de vaincre à lui seul la révolution, à l’aide de la liberté de la presse. […] Nous n’exigeons pas qu’un homme de lettres et un homme d’État, impliqués dans un même homme, compromette à tout propos son œuvre politique devant la multitude, par ses professions de foi philosophiques, téméraires et radicales, qui aliènent de lui la liberté et la raison d’une partie de son siècle. […] L’âge dans lequel nous vivons est une époque de doute, d’éclectisme et de transition, où tout le monde est convenu d’abriter sa conscience dans la liberté de croyance, de respecter dans les autres les dogmes auxquels nous ne croyons pas devoir adhérer nous-mêmes, laissant à Dieu de juger dans sa science universelle si ce que nous pensons de lui est plus ou moins digne de sa mystérieuse essence. […] Ses professions de foi et d’amour à la liberté de la presse ne lui permettaient pas de s’unir à la déclaration de haine à la presse, prélude des ordonnances de Juillet.

454. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

Il n’y a pas de risque que la raison moderne s’accommode jamais de ses exagérations ; mais telles de ses opinions qui ont fâché si fort ses contradicteurs, au temps des premières illusions de la liberté, suggéreront toujours des doutes utiles à qui saura de quels fonds de tendresse et de bonté elles sont sorties. […] Un récit qui nous l’eût expliqué n’eût pas rendu Néron plus aimable ; mais il nous eût appris par quelle dépravation une société, devenue incapable d’une liberté réglée, se rend tout à la fois la complice et la proie d’un de ces despotismes monstrueux auxquels on ose à peine croire, même sur la foi d’un Tacite. […] L’art d’écrire en vers s’est renouvelé ; la rime s’est enrichie, comme on le voulait au dix-septième siècle, par la richesse du sens ; la phrase poétique a repris son ancienne liberté ; le mot propre a été substitué à la périphrase, et le poète est allé le prendre hors de cette élite jalouse de mots auxquels un goût de cour, timide et circonspect comme l’étiquette, avait reconnu exclusivement la qualité de noble. […] Le caractère philosophique de ces livres, la morale tirée des événements, la profondeur et la gravité des maximes ; des vues supérieures et des leçons éloquentes sur la part de chacun dans la bonne et la mauvaise fortune des sociétés ; plus de penchant pour le principe d’autorité que pour le principe de liberté, dans une conviction égale de la nécessité des deux choses pour la bonne conduite et pour la gloire des sociétés humaines : toutes ces qualités indiquent que les nobles habitudes de l’enseignement public ont passé par là. […] Si son objet est élevé, si elle ne fait tort ni à l’esprit humain, qu’elle étudie dans son imposante unité, ni au génie de la France, qu’elle veut montrer toujours semblable à lui-même, ni à notre langue, qu’elle défend contre les caprices de la mode, il faut avouer qu’elle se prive des grâces que donnent aux trois premières sortes de critique la diversité, la liberté, l’histoire mêlée aux lettres, la beauté des tableaux, la vie des portraits, les rapprochements de la littérature comparée.

455. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre deuxième. Le développement de la volonté »

Désirer sous l’idée de sa propre liberté, avec la notion, de deux partis que l’on compare, ce n’est plus être poussé comme a tergo : c’est s’entraîner soi-même à l’action, quoique selon les lois déterminées de l’intelligence. […] Et nous appelons la spontanéité liberté quand elle est un développement de raisons conscientes dirigé par l’idée même de notre liberté. […] Il faut en outre tenir compte, comme nous allons le voir, de la réaction exercée sur le déterminisme par la notion de la liberté sous ses diverses formes et chercher ainsi dans le déterminisme bien compris, non au dehors, la seule liberté possible et désirable.

456. (1833) De la littérature dramatique. Lettre à M. Victor Hugo pp. 5-47

J’ai prévu même que la liberté du théâtre qui devait être un inévitable effet des événements de juillet, en enlevant tout frein à ceux qui ne reconnaissaient déjà plus les lois du savoir et de l’expérience, aiderait à violer bientôt celles de la décence et de la morale. […] Monsieur, je n’ai point l’honneur d’être connu de vous ; je n’ai pas plus de titre pour vous donner des conseils que je n’en ai pour faire la critique de vos ouvrages ; et si j’ai pris cette liberté, c’est que j’ai conçu l’espoir, tout en éclairant le public et le gouvernement sur la cause de la décadence de notre beau théâtre, de détruire quelques-unes de vos erreurs romantiques et de rappeler tous nos jeunes auteurs à des idées plus saines sur notre littérature dramatique. […] Personne, j’ose le croire, ne verra dans les avertissements que je prends la liberté de vous donner, les vils motifs de la haine et de l’envie. […] Certes vous ne seriez point venu lui dire qu’à la faveur de l’assoupissement de la nation il vous avait escamoté votre pièce, filouté les produits, et qu’il vous avait enfin dévalisé comme dans un bois, ou si la loi vous eût accordé la liberté de lui tenir en plein tribunal un pareil langage, vous auriez pu vous vanter de jouir de la grande chose ; et le grand homme, défendu par une nation libre, ne serait point mort à Sainte-Hélène. […] Quant aux autres spectacles qui ne recevraient aucune rétribution du gouvernement, ils conserveraient la liberté de leur commerce, sauf à nos législateurs à empêcher par de bonnes lois la corruption des mœurs et les scandales publics ?

457. (1908) Après le naturalisme

La liberté. […] La liberté forcée, c’est l’esclavage. […] Pour jouir intensément, en pleine liberté d’esprit, il faut vivre, bien vivre. […] Toute notre liberté consiste à nous tromper. Triste liberté dont nous ne pouvons pas vouloir.

458. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

S’il accepte cette pension, « adieu la vérité, la liberté, le courage. […] Il a enfin reconquis sa liberté et il la gardera. […] Mais, tout de même, ce n’est déjà plus la liberté. […] Nous avons la liberté de la presse, mais nous n’avons pas la liberté de conscience, ni la liberté d’association, ni la liberté d’enseignement. […] Ils se piquent de liberté et de hardiesse d’esprit.

459. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 5482-9849

Cette franchise, qui exprime originairement la liberté d’une nation, d’une ville, d’un corps, a bientôt après signifié la liberté d’un discours d’un conseil qu’on donne, d’un procédé dans une affaire : mais il y a une grande nuance entre parler avec franchise, & parler avec liberté. […] Dire son avis avec liberté, c’est ne pas craindre ; le dire avec franchise, c’est n’écouter que son coeur. […] Celles de Londres, excepté celles de la cour, sont souvent remplies de cette indécence que la liberté de la nation autorise. […] C’est, dit-on, un mauvais fruit de l’excellent arbre de la liberté. Mais si les malheureux auteurs de ces inepties ont eu la liberté de tromper les lecteurs, il faut user ici de la liberté de les détromper.

460. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre VI. Bossuet et Bourdaloue »

Il inspira la Déclaration de 1682, formulant les libertés de l’Église gallicane : indépendance des rois au temporel ; infaillibilité de l’Église universelle, et non du pape ; primauté du pape, mais égalité essentielle des évêques, comme ses pairs et successeurs directs des apôtres. […] Il ne voulait pas s’établir dans les profondeurs de leur conscience, de peur de violer leur liberté et de briser leur activité ; s’il eût voulu y entrer, l’eût-il pu ? […] Il n’a pas évidemment la liberté critique d’un savant de nos jours : sa raison est soumise à la foi. […] Au lieu de s’étonner que ce prêtre n’ait pas pensé comme un athée, il vaut mieux remarquer combien sa pensée a su garder de largeur et de liberté sans sortir de l’orthodoxie, et que nulle vérité ne lui a fait peur. […] Cette force d’érudition et de critique a rendu son ouvrage inébranlable ; et il a ainsi contribué à donner aux protestants la nette conscience de l’essence du protestantisme, qui est dans la liberté de la croyance individuelle et dans l’évolution du dogme.

461. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

Quoi, nous sommes ce peuple qui, à la fin du dernier siècle, — hier, au moment où nos pères venaient de naître, — illumine le monde entier par les éclats merveilleux de la plus sublime révolution qui se soit jamais accomplie ; nous sommes ce peuple qui, traversant l’Europe au bruit du canon, va porter à toutes les nations les germes d’une liberté encore endormie peut-être, mais que j’entends sourdre sous la terre ; nous sommes ce peuple qui se débat glorieusement à travers les neiges meurtrières et qui force, par sa défaite même, toutes les races à venir s’asseoir chez lui au grand banquet de la civilisation ; nous sommes ce peuple qui souffre d’une gestation d’avenir ; nous sommes ce peuple qui a eu tant de gloires magnifiques, tant de poignantes humiliations, et il faut donner des récompenses nationales à ceux qui chantent en français de cuisine les Grecs et les Romains ! […] Ils parlent de liberté comme s’ils ne l’avaient pas bâillonnée eux-mêmes ; ils parlent de religion comme s’ils ne l’avaient pas insultée jadis ; ils parlent des gouvernements passés comme s’ils ne les avaient pas jetés dans l’abîme à force de sottises ! […] Comptez-les, vous les connaissez, tous. — Ceux-ci étaient carbonari sous la restauration ; ils faisaient partie des sociétés républicaines, ils allaient partout clabaudant qu’il n’y avait pas de liberté pour la presse, pas de liberté pour le théâtre, pas de liberté pour l’enseignement. […] On la remplacerait par des lexicographes, des poëtes, des étymologistes, des romanciers, des historiens, des philosophes et des savants qui recevraient la mission de faire un vrai dictionnaire, d’écrire les origines de la langue française, d’encourager toute tentative nouvelle et sérieuse, de veiller à la liberté du théâtre, de rédiger le Code encore attendu de la propriété littéraire, de préserver partout les intérêts de l’esprit humain, de signaler toute découverte, de faire l’Encyclopédie moderne, d’envoyer des missionnaires à la recherche de toutes les belles choses encore inconnues dans le monde, de traduire incessamment les chefs-d’œuvre des langues étrangères, de formuler la foi la plus haute, de combattre les erreurs et les préjugés qui subsistent encore, de rééditer nos grands poëtes et nos grands prosateurs, enfin de chercher le beau, le vrai et le bien par tous les moyens possibles.

462. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — III » pp. 90-104

Il les harangue en son meilleur italien, et, dans cette occasion comme dans toute autre, il montre assez quelle importance il attache à savoir bien parler la langue des divers pays où il sert, et à joindre une certaine éloquence aux autres moyens solides : « Je crois que c’est une très belle partie à un capitaine que de bien dire. » Il remonte donc par ses paroles le moral ébranlé des Siennois, leur rend toute confiance, et l’on se promet, citoyens d’une part, colonels et capitaines de l’autre, de ne point séparer sa cause et de combattre jusqu’à la mort pour sauver la souveraineté, l’honneur et la liberté. […] Au commencement de la belle résolution que ce peuple fit de défendre sa liberté, toutes les dames de la ville de Sienne se départirent en trois bandes : la première était conduite par la signora Forteguerra, qui était vêtue de violet, et toutes celles qui la suivaient aussi, ayant son accoutrement en façon d’une nymphe, court et montrant le brodequin ; la seconde était la signora Piccolomini, vêtue de satin incarnadin, et sa troupe de même livrée ; la troisième était la signora Livia Fausta, vêtue toute de blanc, comme aussi était sa suite, avec son enseigne blanche. […] Dans la description de sa marche, il n’a garde d’omettre qu’il emmena avec lui et fit passer tous les Siennois compromis qui s’exilaient, et en voyant les adieux de ceux qui partaient et de ceux qui restaient, leur déchirement, et toute cette ruine et désolation d’un peuple « si dévotieux à sa liberté », il n’avait pu retenir ses larmes.

463. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — III » pp. 174-189

Par malheur, le gouvernement qui régissait alors la France ne présentait plus qu’un simulacre d’autorité ou de liberté, et n’était de force à relever et à maintenir résolûment ni l’une ni l’autre. « Les messieurs sont divisés entre eux », écrivait Bonaparte à Joubert, à la veille du retour. […] C’était, sans contredit, le plus intrépide, le plus habile et le plus estimable des lieutenants de Bonaparte ; il avait favorisé, depuis la paix de Campio-Formio, la cause populaire en Hollande ; il venait en Italie, résolu, malgré la fausse politique du Directoire, de suivre son inclination et de satisfaire au vœu des peuples qui voulaient la liberté. […] » — « Je lui parlai alors de Joubert, ajoute Fouché, comme d’un général pur et désintéressé, que j’avais été à portée de bien connaître en Italie, et auquel on pourrait, au besoin, donner sans danger une influence forte : il n’y avait à craindre ni son ambition, ni son épée, qu’il ne tournerait jamais contre la liberté de sa patrie. — Sieyès, m’ayant écouté attentivement jusqu’au bout, ne me répondit que par un C’est bien.

464. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite et fin.) »

Et ce sentiment se reproduisait encore avec bien de l’ampleur et de l’énergie dans ces paroles, lorsqu’il disait dans son aversion pour la politique étroite : « Dès qu’un poëte veut avoir une influence politique, il faut qu’il se donne à un parti, et, dès qu’il agit ainsi, il est perdu comme poëte ; il faut qu’il dise adieu à la liberté de son esprit, de son coup d’œil : il se tire jusque par-dessus les oreilles la chape de l’étroitesse d’esprit et de l’aveugle haine. […] Il était partout à l’étroit ; il jouissait de la liberté personnelle la plus illimitée, et il se sentait oppressé ; le monde lui était une prison. […] Ce sont, hommes et femmes, des marionnettes incapables de vivre ; elles ont des proportions habilement conçues, mais, sur leur charpente de bois ou d’acier, ces poupées n’ont absolument que du rembourrage ; l’auteur les fait manœuvrer sans pitié, les tourne et les disloque dans les positions les plus bizarres, les torture, les fustige, déchire leur âme et leur corps, et met sans pitié en pièces et en morceaux ce qui, il est vrai, n’a aucune chair véritable : — et tout cela est l’œuvre d’un homme qui montre de grandes qualités d’historien éloquent, et auquel on ne peut refuser une vive puissance d’imagination, sans laquelle il lui serait impossible de produire de pareilles abominations. » — Vous qui parlez sans cesse de liberté, qui la voulez dans l’art et en tout, soyez conséquents ; sachez admettre et supporter les manières de sentir, même les plus opposées à la vôtre, quand elles sont sincères.

465. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre III. Les explications anthropologique, idéologique, sociologique »

Dira-t-elle que la race latine ou la germaine portent « dans le sang » le sentiment de l’égalité, comme on a dit quelquefois que la première y portait l’amour de l’unité, et la seconde celui de la liberté ? […] On l’a justement remarqué : « L’idée de liberté est le grand ressort de l’Histoire des doctrines politiques45. » En affirmant « que les idées élaborées par la conscience et la raison de l’homme peuvent influer sur les faits et en déterminer le cours, l’historien affirme implicitement sa croyance aux effets de la liberté ».

466. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VI : M. Cousin philosophe »

Si vous aimez la liberté et la patrie, fuyez ce qui les a perdues. […] Notre psychologie va se réduire à deux théories : nous croyons à la liberté, parce que, si on la supprime, on supprime le mérite et le démérite, ce qui est immoral ; nous croyons à la raison, parce qu’on relève l’homme en lui attribuant une faculté distincte capable d’atteindre Dieu, et parce que, si on nie la raison, on compromet les preuves de l’existence de Dieu, ce qui est immoral ; nous allons donc défendre la raison et la liberté.

/ 2071