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1301. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre premier. » pp. 15-203

Mais, pour éclaircir ce fait, il est à propos de jeter un coup d’œil sur le règne de .Claude et le caractère de cet empereur. […] Narcisse est jeté dans un cachot (Id. ibid. […] Vous presserez-vous d’absoudre, ou de condamner, ou de gémir sur la destinée des gens de bien jetés entre des scélérats puissants ? […] Anicet jette furtivement un poignard à ses pieds, crie que c’est un assassin dépêché par Agrippine, et le fait charger de chaînes (TACIT. […] Il est entouré de poëtes : il jette des hémistiches ; ils s’écrient : Beau !

1302. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Elle doit masquer la misère de notre destin d’un voile aussi riant que celui que jettent ces corolles et ces mousses sur la nudité des vieux murs ». […] Au milieu des plus jolis récits champêtres, le patriotisme exigeant de cette femme d’officier jette toujours quelque mélodramatique épisode d’invasion. […] Je vais aujourd’hui jeter une dizaine des plus prolifiques dans la même charrette. […] » Mais, quelques jours après, le pauvre père se plaint et se récrie : « Je t’en prie, ne me jette pas à la tête tant de virgules. […] Je jette au panier les notes qui disent et prouvent longuement que la prose de Camille Bruno louée par M. 

1303. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

Comment deux hommes d’esprit, connus par de bons et loyaux succès au théâtre, ont-ils pu aller se jeter dans un pareil guêpier ? […] Il faut qu’on ait jeté un sort à cet homme d’esprit, dont le style jouait du poignard avec tant de grâce. […] Nos deux théâtres lyriques sont pour elle deux grands fleuves trop profonds et trop bruyants : elle cherche un petit ruisseau, et ne le trouvant pas, elle se jette dans un égout. […] Tandis que son confrère de la Patrie, jette, sans les trier, une poignée de rivales, d’émulés tout au moins, à la tête de la Ristori, il couche l’avenir aux pieds de Mirrha, et le déshérite, au profit de l’éminente artiste italienne, du droit d’initiative : « Pia, dit M.  […] J’en extrais la phrase suivante, qui a dû produire une impression bien vive, si elle a été jetée au milieu de la population parisienne rangée, samedi dernier, sur le passage de la reine Victoria : L’esprit de notre vie est jaloux des individualités et ne permet à un individu de devenir grand qu’à l’aide de l’universalité des êtres.

1304. (1929) Amiel ou la part du rêve

La pensée y descend en un calme profond, Et tout ce qu’on y jette, amour, bienfait ou haine, Ne remonte jamais du fond. […] Sa hardiesse est prudente ; elle ne jette jamais le manche après la cognée et ne lance point son va-tout. […] Le lendemain, il est jeté (par la nourriture de la brasserie, bière et jambon, croit-il) vers les lectures galantes, Bernard, Bertin, Bernis. […] Quand Méphistophélès vient revoir son cher Ferney, il jette en passant un regard entendu sur le professeur Amiel, il ajoute un portrait à la Guerre civile de Genève. […] Précisément Amiel a posé le problème en les mêmes termes, le résolvant en sens inverse ; le journal-intimiste, l’intérieur, le perpétuel refusant, a jeté l’anathème à la peau.

1305. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

Cependant la jeune fille ne s’accommodait point de l’emportement de sa mère, qui la tourmentait continuellement et qui lui faisait essuyer tous les désagréments qu’elle pouvait inventer : de sorte que cette jeune personne, plus lasse peut-être d’attendre le plaisir d’être femme que de souffrir les duretés de sa mère, se détermina un matin de s’aller jeter dans l’appartement de Molière, fortement résolue de n’en point sortir qu’il ne l’eût reconnue pour sa femme, ce qu’il fut contraint de faire. […] Elle passa tout d’un coup de l’emportement à la douleur ; les pistolets lui tombèrent des mains, et elle se jeta aux pieds de Molière, le conjurant, les larmes aux yeux, de lui rendre son acteur, et lui exposant la misère où elle allait être réduite, elle et toute sa famille, s’il le retenait. « Comment voulez-vous que je fasse ? […] Lorsqu’il jette sur elle un regard sérieux, Son devoir aussitôt est de baisser les yeux, Et de n’oser jamais le regarder en face, Que quand d’un doux regard il lui veut faire grâce. […] Là, votre pruderie et vos éclats de zèle Ne furent pas cités comme un fort bon modèle ; Cette affectation d’un grave extérieur, Vos discours éternels de sagesse et d’honneur, Vos mines et vos cris aux ombres d’indécence Que d’un mot ambigu peut avoir l’innocence, Cette hauteur d’estime où vous êtes de vous, Et ces yeux de pitié que vous jetez sur tous, Vos fréquentes leçons et vos aigres censures Sur des choses qui sont innocentes et pures ; Tout cela, si je puis vous parler franchement, Madame, fut blâmé d’un commun sentiment. […] Elmire a lu depuis longtemps dans le cœur de l’hypocrite: elle n’est ni surprise ni fâchée de sa déclaration ; en femme habile, elle comprend tout le pouvoir que lui abandonne celui qui jette le trouble dans sa maison.

1306. (1902) La poésie nouvelle

La Guerre avait jeté, dans toute cette région des Ardennes, le désarroi. […] Comme on passe en vue de Sainte-Hélène, l’envie le prend de visiter l’île fameuse et, le capitaine refusant de faire escale, il se jette à la nage. […] Ils ont jeté dans l’eau profonde leurs filets noirs sur le grouillement des mauvais sorts épars là, dans la vase. […] Mais, despotique, le vicaire flaira son démoniaque paganisme et la jeta dans la rivière. […] Et là encore, c’est l’Oubli qui jette des fleurs fanées et se tourne vers les prochains printemps.

1307. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

Napoléon cependant fit mieux, il ne la jeta que par terre. […] Mais Louis XI lui manda par un valet qu’il le ferait coudre dans un sac et jeter à la rivière. […] Maillard, comme de raison, développe les siens dans les formes consacrées ; mais il y jette son âme. […] Et les seigneurs le plaisantèrent sur sa laideur et sa bêtise, après quoi ils lui jetèrent une aumône et entrèrent dans le palais. […] Il se jeta dans de vastes entreprises et, après avoir exploité cinq ans les mines d’argent de Capharnaüm, il devint assez riche pour acheter tout ce qui se vend.

1308. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

Parce qu’il s’est trouvé de bonne heure jeté dans les chemins d’une critique infiniment multiple et que, d’autre part, il a tout goûté de ce qu’il a compris, M.  […] Imaginez maintenant que l’homme supérieur se trouve jeté par les hasards de sa naissance en plein courant démocratique, et vous apercevrez quels contrastes du milieu et du caractère ont amené M.  […] Sans même avoir recours à des confidences de vie privée, nous comprenions, rien qu’avec ses livres, — et j’ai tenté de l’établir dans l’essai que je complète ici, — combien l’écrivain s’était trouvé jeté dans de mauvaises circonstance ? […] D’autres fois, il jette un cri de forçat que sa besogne accable. […] Celui qui jette ses regards sur le développement scientifique de cette première moitié du siècle, après avoir contemplé la misère des autres entreprises, peut-il retenir un élan d’admiration ?

1309. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

Au soir, en s’en revenant, comme il faisant froid et que l’abbé, en petite redingote grise, n’avait pas de manteau, Janin lui jeta le sien et l’obligea de le garder. […] Cette exaltation à toute force et à tout propos de l’esprit français par Nisard finit par impatienter et par jeter dans l’excès contraire. […] — Quand Musset sent que sa verve traîne et commence à languir, il se jette à corps perdu dans l’apostrophe. […] Royer-Collard en 1842, lui disait, en terminant l’entretien : « La France est à la veille de se jeter dans mes bras. » Et Royer-Collard, le voyant sortir et le prenant pour un halluciné, disait : « L’orgueil béat qui s’adore !  […] Les partisans des règles établies se jetèrent avec violence sur la préface et sur les vers, qui eurent aussi leurs partisans, moins nombreux, mais aussi énergiques.

1310. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

Une fois ayant jeté les yeux sur une estampe qui représentait un soldat tué, et à côté de lui sa femme, son enfant et son chien dans la neige, tout d’un coup, involontairement, il fondit en larmes. […] Ce n’est pas impunément qu’on parvient, ni surtout qu’on veut parvenir ; nous aussi, nous avons nos vices, et la vanité souffrante en premier lieu. « Jamais cœur, dit Burns, n’a soupiré plus ardemment que le mien après le bonheur d’être distingué. » Cet amour-propre douloureux faussait son talent et le jetait dans des sottises. […] Riddel, Burns se grisa si fort qu’il insulta la dame du logis ; le lendemain, il envoya des excuses qu’on n’accepta pas, et par dépit fit des vers contre elle : lamentables excès et qui annoncent un esprit jeté hors de son assiette. […] Laidlaw, auquel il dictait Ivanhoe, je ne puis m’empêcher de vous dire que vous faites un bien immense par ces récits si attrayants et si nobles, car les jeunes gens et les jeunes personnes ne voudront plus jeter les yeux sur les drogues littéraires qu’on leur fournissait dans les cabinets de lecture1215. » Et les yeux de Walter Scott se remplirent de larmes. […] Puis l’hyacinthe empourprée, blanche ou bleue, —  qui de ses clochettes frêles jetait un carillon — de notes si délicates, si douces et si intenses, —  qu’on le sentait au-dedans des sens comme un parfum.

1311. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

Il hésitait d’abord à accepter, craignant que cela ne le dissipât et ne le jetât, comme il disait, dans l’externe, tandis qu’il sentait de plus en plus le goût des voies intérieures et silencieuses ; puis il pensa qu’il était peut-être appelé par là à rendre témoignage de sa doctrine et à briser quelque lance contre l’ennemi : Il est probable, pensait-il, que l’objet qui m’amène à l’École normale est pour y subir une nouvelle épreuve spirituelle dans l’ordre de la doctrine qui fait mon élément… Je serai là comme un métal dans le creuset, et probablement j’en sortirai plus fort et plus persuadé encore qu’auparavant des principes dont je suis imprégné dans tout mon être. […] Lorsque je vis le fils jeter de l’eau bénite sur le cercueil, je fus frappé jusqu’au vif du tableau de cette chaîne de bénédictions tantôt douces, tantôt déchirantes, qui lie toute la famille humaine et qui la liera jusqu’à la fin des choses.

1312. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — III » pp. 132-153

Comme il a vu que l’argent lui était bon, il s’est jeté dans celle d’en acquérir. […] [NdA] Pour bien comprendre cet endroit, il faut se rappeler une remarque qui revient souvent chez d’Argenson, à savoir que le courage spirituel est très distinct du courage corporel, et que Voltaire, qui a dans l’âme beaucoup de hardiesse et même de témérité, devient peureux et poltron dès qu’il s’agit du moindre danger pour son corps : il jette le gant et ne soutient pas la gageure.

1313. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe, et d’Eckermann »

Soyez donc contents une bonne fois d’avoir deux gaillards comme nous. » Et cependant la Correspondance si curieuse, si élevée, un peu trop chargée de métaphysique sans doute, mais aussi animée partout des plus nourrissantes pensées, des plus cordiaux sentiments, entre Gœthe et Schiller, n’a pu être traduite encore et publiée chez nous dans son entier ; on se méfie de notre public, on attend qu’il ait témoigné désirer plus vivement la chose : une regrettable lacune subsiste donc entre cette double traduction, d’ailleurs complète et si satisfaisante, des Œuvres de Gœthe et de Schiller ; le pont n’est pas jeté entre elles. […] Après la mort de Gœthe, resté uniquement fidèle à sa mémoire, tout occupé de le représenter et de le transmettre à la postérité sous ses traits véritables et tel qu’il le portait dans son cœur, il continua de jouir à Weimar de l’affection de tous et de l’estime de la Cour ; revêtu avec les années du lustre croissant que jetait sur lui son amitié avec Gœthe, il finit même par avoir le titre envié de conseiller aulique, et mourut entouré de considération le 3 décembre 1854.

1314. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La femme au XVIIIe siècle, par MM. Edmond et Jules de Goncourt. » pp. 2-30

MM. de Goncourt sont deux frères jeunes encore, qui ont débuté dans les lettres il y a une douzaine d’années ; qui se sont dès le premier jour jetés en pleine eau pour être plus sûrs d’apprendre à nager ; qui y ont très-bien réussi ; qui ne se sont jamais séparés, qui ont étudié, écrit, vécu ensemble ; qui ont mis tout en commun, y compris leur amour-propre d’auteur ; que cette union si étroite et qui leur semble si facile distingue et honore ; qui ont fait chaque jour de mieux en mieux ; qui, adonnés aux arts, aux curiosités, aux collections tant de livres que d’estampes, ont acquis du xviiie  siècle en particulier une connaissance intime, approfondie, secrète, aussi délicate et bien sentie que détaillée. […] C’est ainsi que M. de Talleyrand, très-jeune et à ses premiers débuts, assistant à un souper de Mme de Luxembourg, fut attaqué par elle d’une de ces questions qui auraient embarrassé tout autre : il répondit je ne sais quoi, mais de ce ton et de ce visage qu’on lui a connus depuis : quelque chose de bref et de juste, jeté d’un air de parfaite insouciance.

1315. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

S’agit-il de l’acclimatation, s’agit-il de l’agriculture et de l’élève des bestiaux, s’agit-il des haras, lisez ce qu’en écrivent journellement dans leurs rapports les administrateurs intelligents et entendus qui possèdent leur sujet ; pour moi, s’il m’arrive parfois de jeter les yeux sur ces comptes rendus, je l’avoue, ils m’attachent, ils piquent mon attention, même d’écrivain ; ils enrichissent mon vocabulaire et ma langue en même temps qu’ils m’instruisent. […] Malgré ces heureux ravitaillements, il est bien clair qu’auprès de la plupart, en cette société moderne, l’école du style, soit académique, soit non académique, perd en crédit, en importance, qu’on l’apprécie moins et qu’on s’en passe ; qu’à voir tant de gens se jeter à l’eau d’abord et apprendre ensuite d’eux-mêmes à nager, on en estime moins les préceptes de la natation, et qu’un moment viendra où (je le répète), sans être pourtant insensible à un certain tour et à un certain éclat d’expression, on ira surtout aux faits, aux idées, aux notions que portera le bien dire ou le style.

1316. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [II] »

Que s’il y a retard au perfectionnement, c’est une garantie de plus pour la force et la durée ; si la langue française a été plus lente à mûrir, elle en sera plus vivace, plus robuste, de même que les arbres qui sont lents à se décider et qui « ont longuement travaillé à jeter leurs racines ». […] Il reste à voir comment et avec quel succès Du Bellay a relevé en poète le gant qu’il avait si fièrement jeté comme critique et comme héraut d’armes.

1317. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

Ce négligent et tendre poëte d’élégies, jeté dans la retraite des champs, lut l’Évangile, les Pères du désert, le théosophe Saint-Martin, le Paroissien, et, de cette semence bien distribuée de lectures, sortit chez lui une dernière et meilleure moisson. […] A travers ces limpides voiles Que l’ombre jette autour de nous, Vois-tu ces riantes étoiles ?

1318. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

L’homme d’esprit inventif a souvent une infinité de manières possibles de se produire et de faire ; l’occasion décide ; à moins d’une volonté très-haute, on se jette du premier côté qui prête ; les envieux, les routiniers, les admirateurs même, vous y confinent ; on va toujours, et on les dément. […] Son premier feu jeté, et une fois hors de son théâtre Louvois, Picard devint faible d’assez bonne heure ; il se répéta, il s’usa vite.

1319. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

Il me semble étrange que des gens qui achèteraient au poids de l’or une douzaine de portraits originaux de cette époque pour orner une galerie, ne jettent jamais les yeux sur tant de tableaux mouvants de la vie, des actions, des mœurs et des pensées de leurs ancêtres, peints sur place, avec de simples, mais fortes couleurs. » En France, Saint-Palaye déjà l’avait rappelé à l’attention des érudits ; M. de Barante le mit en valeur pour tous15. […] Les intrigues de l’archiduc Sigismond pour récupérer la Haute-Alsace, qu’il avait cédée au duc Charles dans un moment de détresse ; l’or et surtout les paroles de Louis XI, qui le mirent à même de la racheter à l’improviste, amenèrent la première phase dans laquelle les Suisses, entraînés par Berne, et agresseurs hors de chez eux, épousèrent une querelle qui n’était pas la leur, se jetèrent à main armée entre la Franche-Comté et l’Alsace, franchirent le Jura neuchâtelois, et devinrent patemment les auxiliaires actifs d’un vieil ennemi contre un prince qui ne leur avait jamais été que loyal.

1320. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE PONTIVY » pp. 492-514

Mme de Pontivy avait senti aussi s’agiter en elle quelque chose d’inconnu ; et quand elle fut seule et qu’elle en chercha le nom, et que celui d’amour vint à sa pensée, elle s’effraya et se jeta à genoux dans son oratoire en cachant sa face dans ses mains ; et le lendemain, dans la matinée, comme, sans se rendre compte, elle embrassait plus fréquemment sa fille, l’enfant réveilla son effroi en lui disant : « Pourquoi est-ce que vous m’aimez encore plus aujourd’hui ?  […] Placée au centre d’une seule idée, elle ne voyait partout alentour que des moyens, et elle ne concevait pas qu’un goût de philosophie, judicieux ou non, une opinion quelconque sur les oracles ou les miracles, ou encore sur le chapeau de l’abbé Dubois, pût venir jeter le moindre embarras dans la chose essentielle et sacrée.

1321. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

L’élite des connaisseurs n’existe plus, en ce sens que chacun de ceux qui la formeraient est isolé et ne sait où trouver l’oreille de son semblable pour y jeter son mot. […] « Elle ne se le chante pas toujours avec des vers ou des paroles mesurées, mais avec des expressions et des images où il y a un certain sens, un certain sentiment, une certaine forme et une certaine couleur qui ont une certaine harmonie l’une avec l’autre et chacune en soi. » Par l’attitude de sa pensée, il me fait l’effet d’une colonne antique, solitaire, jetée dans le moderne, et qui n’a jamais eu son temple.

1322. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre premier »

Sorti de prison en 1526, il y fut jeté de nouveau en 1530. […] « Jugeant, dit-il39, ses inventions trop basses pour un prince de hault esprit, il les a laissées reposer, et a jeté l’oeil sur les livres latins, dont la gravité des sentences, ajoute-t-il, et le plaisir de la lecture (si peu que je y comprins) m’ont espris mes esprits, mené ma main, et amusé ma muse. » Marot, comme on le voit, n’est pas guéri du goût des pointes ; mais il indique du doigt le genre de beauté que notre littérature allait puiser au trésor des littératures anciennes ; à savoir, cette gravité des sentences que nous appelons les vérités générales.

1323. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes décadents » pp. 63-99

La décrépitude des choses torturait les nerfs, jetait au découragement et prédisposait aux confidences. […] L’élégance appliquée de du Plessys, les théories socialistes de Baju avaient bien, d’abord, jeté quelque défiance parmi cette paisible clientèle, mais on s’était vite rendu compte de nos intentions pacifiques et nos vers déclamés à mi-voix dans les coins, à la fin ne troublaient plus guère que la somnolence du garçon et de la dame de comptoir.

1324. (1890) L’avenir de la science « II »

Jamais une idée de haute et inquiète spéculation, jamais un regard profond jeté sur ce qui est. […] Ce qui maintenant ferait jeter les hauts cris n’excitait point alors une plainte.

1325. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IX. La littérature et le droit » pp. 231-249

Qui peut avoir oublié en France les sanglants démembrements opérés au nom de ce culte de la force, les rogues et froids mépris jetés à la face des vaincus par les docteurs qui représentaient cette conception naturaliste du droit international. […] C’est pourquoi les romanciers et les auteurs dramatiques se sont jetés avec avidité sur ce sujet attendrissant, et en quelques années ils ont prodigué les fictions82 où ils se sont faits les porte-parole de l’Église catholique, des esprits conservateurs ou des cœurs tendres contre la dissolution légale de la famille.

1326. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

Bossuet ne daigne pas jeter un coup d’œil sur le parterre de son évêché, au désespoir de son jardinier qui voudrait qu’on y plantât, en place de fleurs, des livres de théologie ; ils auraient au moins chance d’attirer l’attention du maître. […] Mais, en ce cas même, il semble que l’historien doive dans chaque époque, jeter en avant les genres qui ont alors le mieux réussi.

1327. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VII »

C’est à son cœur qu’il s’adresse en lui montrant la vie de Paul jetée en dehors des voies régulières, son avenir entravé par cette liaison sans issue. […] L’homme noir parti, l’enfant de chœur jette par-dessus les moulins sa calotte d’emprunt et redevient un vif et charmant jeune homme, rempli d’honneur et d’ardeur, échappé de son château de province comme d’un collège, et qui ne demande qu’à passer gaiement ses vacances.

1328. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

Quand il sut lire et pas encore écrire, s’il voyait quelqu’un décacheter une lettre et y jeter les yeux, il se figurait avec envie la joie qu’il aurait d’en pouvoir faire autant, et de correspondre par lettres avec quelque petit camarade. […] Mais l’humanité aime mieux se débarrasser et jeter à l’eau de temps en temps une bonne partie de son bagage ; elle aime mieux oublier, sauf à se donner la peine ou plutôt le plaisir de réinventer, de refaire et de redire, dût-elle redire et refaire moins bien ; mais elle veut, avant tout, avoir à exercer son activité.

1329. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

On nous a tirés d’un extrême ; nous ne nous laisserons point jeter dans l’extrême opposé ; on nous a dégagés de mille et mille petites préventions ; nous ne nous laisserons point emmailloter dans des préventions d’une autre nature. […] On avait jeté à la mer quelques portions du système, mais le vaisseau voguait et semblait défier les prochains orages.

1330. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « L’abbé de Choisy. » pp. 428-450

Dans le partage qu’il fit de la succession avec ses deux frères, il choisit de préférence les pierreries, ce qui brillait ; il se jeta naturellement là-dessus comme Achille sur les armes : Nous fûmes tous trois contents, dit-il ; j’étais ravi d’avoir de belles pierreries ; je n’avais jamais eu que des boucles d’oreilles de 200 pistoles et quelques bagues, au lieu que je me voyais des pendants d’oreilles de 10 000 francs, une croix de diamants de 5 000 francs, et trois belles bagues : c’était de quoi me parer et faire la belle. […] Il vit la mort de près, il entendit les médecins dire de lui : « Il n’en a pas pour deux heures. » L’image de sa vie passée lui apparut sous son vrai jour ; rapproche des jugements de Dieu le jeta dans l’épouvante.

1331. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

Impatiente des pourparlers qui se prolongeaient, Mademoiselle se promenait devant les remparts, excitant les gens du dedans par ses gestes et ses paroles ; puis, voyant qu’il fallait plus compter sur le menu peuple que sur les gros bourgeois, elle se jeta dans une barque que des bateliers lui offraient, fit rompre une porte mal gardée qui donnait sur le quai, et par laquelle on ne l’attendait pas : quand il y eut deux planches rompues, on la passa par le trou, et la voilà introduite, de loin suivie par ses dames qui prirent le même chemin, portée en triomphe par le peuple, et en un clin d’œil maîtresse de la place : Car, lorsque des personnes de ma qualité sont dans un lieu, dit-elle au gouverneur et à l’échevinage un peu étonnés, elles y sont les maîtresses, et avec assez de justice : je la dois être en celui-ci, puisqu’il est à Monsieur. — Ils me firent leurs compliments, assez effrayés… Arrivée à mon logis, je reçus les harangues de tous les corps et les honneurs qui m’étaient dus, comme en un autre temps. […] Il me dit : « Vous voyez un homme au désespoir, j’ai perdu tous mes amis ; MM. de Nemours, de La Rochefoucauld et Clinchamp, sont blessés à mort. » Je l’assurai qu’ils étaient en meilleur état qu’il ne les croyait… Cela le réjouit un peu, il était tout à fait affligé ; lorsqu’il entra, il se jeta sur un siège, il pleurait et me disait : « Pardonnez à la douleur où je suis. » Après cela, que l’on dise qu’il n’aime rien ; pour moi, je l’ai toujours connu tendre pour ses amis et pour ce qu’il aimait.

1332. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — II. (Lettres écrites du donjon de Vincennes.) » pp. 29-50

Mais les idées philosophiques du siècle l’avaient peu à peu refroidi de cette ardeur de la guerre ; voyant son père d’ailleurs ne songer qu’à lui fermer toutes les carrières régulièrement tracées, il s’était replié sur lui-même, et son esprit « affamé de toutes sortes de connaissances » s’était jeté sur d’autres études qu’il avait approfondies. […] Son témoignage tourne contre lui-même. — C’est ainsi que se termina à trente-cinq ans l’existence de cette Sophie que Mirabeau n’avait point enlevée, qu’il n’avait point délaissée non plus, mais qui s’était jetée vers lui par un mutuel transport, et que la force des choses avait pu seule lui arracher ; cette Sophie qu’il avait embrasée, qu’il avait enivrée d’émotions fortes, et à laquelle il laissa, en la quittant, la robe dévorante du Centaure, l’ardeur fatale qui ne s’éteint plus.

1333. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame Necker. » pp. 240-263

La nature, qui devient ainsi le garant et l’interprète de l’amour conjugal, se plaît à consacrer de son inimitable pinceau les chastes sentiments d’une femme fidèle ; et tous les regards que jette un père attendri sur des fils qui lui ressemblent, retombent sur leur mère avec une nouvelle douceur. […] qui pourrait supporter d’être jeté seul dans cette plage inconnue de la vieillesse ?

1334. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — II. (Suite.) Janvier 1830-mars 1831. » pp. 105-127

Il justifie ses collaborateurs de la veille d’être entrés d’emblée dans le gouvernement : N’ayant cessé de vouloir, de demander pour la France la royauté consentie et telle qu’elle existe aujourd’hui, il serait surprenant, remarque-t-il, que les rédacteurs du National n’eussent pu, sans démériter, s’employer à la consolidation de l’édifice dont ils peuvent passer pour avoir jeté les fondements. […] Ces mots, jetés sans trop d’arrière-pensée, n’altèrent pas encore le fond.

1335. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

qui ne jetterait un cri de douleur en la voyant ainsi dépouillée de grâces, de vertus, et même de ces nobles traits de la physionomie qui semblaient héréditaires ! […] Maintenant le jeune homme, jeté comme par un naufrage à l’entrée de sa carrière, en contemple vainement l’étendue.

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