Né du peuple, malgré la particule nobiliaire qui précédait son nom, Béranger en eut tous les instincts. […] La poésie se transforme aisément en éloquence ; elle a la passion, la chaleur, l’idée, le sentiment généreux, l’instinct prophétique, et, quoi qu’on en puisse dire, cette raison haute et suprême qui plane sur les choses et ne laisse pas troubler la vérité générale par l’accident. […] Il avait charmé les instincts farouches, et l’émeute séduite venait gronder sous son balcon pour le faire sortir, le voir et l’entendre. […] Avant toute chose Louis Bouilhet était un poëte dans le sens strict du mot, et s’il aborda la scène ce ne fut pas d’un premier mouvement, comme les dramaturges d’instinct. […] Des instincts bizarres, au premier coup d’œil, viennent de ces souvenirs confus, de ces rappels d’une origine étrangère.
Ne t’étonne donc pas si, dès le seuil, ton humanité souffre, si tous tes instincts animaux tentent de te ramener en arrière. […] … Reste près de moi : elles te dévoreraient… Es-tu donc tellement faible qu’il suffise d’une chair féminine rencontrée pour que tu retournes à l’instinct ? […] Si nous nous servons de ceux qui possèdent ces qualités, mais qui ne les emploient qu’à la satisfaction exclusive de leurs instincts animaux, c’est seulement pour perpétuer, dans l’humanité, le goût de la lutte entre ces volontaires inférieurs et nos élus définitifs : ceux qui usent de leurs facultés pour le développement de leur pensée, en un mot, pour tendre à un idéal de plus en plus élevé. […] Poète, tu as l’instinct de la beauté, c’est-à-dire de l’accord entre ton âme et l’infini : lorsque tu chantes, tu es, pour un temps, mon égal, et alors je te sers avec allégresse à cause de la volupté que tu me procures. […] Luttez infatigablement pour votre Idéal ; que, grâce à vous, l’humanité se conçoive meilleure et plus belle ; abolissez, dans la mesure de vos forces, l’avidité, l’égoïsme et les instincts carnassiers de vos frères errants dans les ténèbres de l’apparence.
L’instinct chez les femmes juge mieux que le raisonnement. […] Quelques arts ont donné à l’homme des bras et des yeux de plus pour remuer les corps ou pour atteindre les extrémités du ciel ; mais ils n’ont point ajouté des ressorts à notre âme, ils n’ont point perfectionné l’instinct et découvert de nouveaux sentiments. […] Tant que cet instinct naturel se borne à chercher de nouveaux moyens de plaire, il est très excusable et même intéressant : madame de Staël pourrait mieux qu’une autre faire sentir tout ce qu’on lui doit d’agréments ; mais, s’il change d’objet, s’il veut s’allier à l’esprit de secte et de faction, alors son charme disparaît et le danger commence. […] « J’aperçois, dit-il, un jeune homme qui exécute les plus grandes choses par un instinct irrésistible, et toutefois avec une raison suivie. […] Ce désert vide aurait encore quelques convenances avec l’étendue de ses idées, la tristesse de ses passions, et le dégoût même d’une vie sans illusion et sans espérance… « Il y a dans l’homme une inquiétude secrète, un instinct mélancolique, qui le met en rapport avec les scènes de la nature.
Où se trouvait alors, est-il vrai de dire, ce rayon, ce sentiment du style poétique, si l’on excepte Le Brun, qui en avait l’instinct, l’intention, et André Chénier naissant, qui allait le retrouver ? […] Sa seule direction fut un vague instinct de mélodie et d’élégance à laquelle sa plume cédait en courant.
Soit que ces oiseaux familiers eussent de la joie de revoir leur maître, soit qu’en s’élevant très haut dans les airs ils eussent aperçu, avant les serviteurs, les armes inusitées des nombreux soldats d’Antoine répandus dans les campagnes, et se glissant comme des assassins vers les jardins de Cicéron, ils s’agitaient comme par un instinct caché. […] À ce signe de l’instinct des oiseaux, les serviteurs de Cicéron s’émurent, s’attendrirent, versant des larmes et se reprochant à eux-mêmes d’avoir, pour le salut de leur maître, moins de prudence et moins de zèle que les brutes : « Quoi !
Il en a besoin ; ce besoin, qui ne justifie pas l’homme, justifie la bête, qui n’a pas reçu de loi supérieure à l’instinct. En suivant son instinct, elle est bonne ou mauvaise par rapport à nous seulement ; il n’y a pas vouloir, c’est-à-dire choix, dans les actions animales, et par conséquent ni bien ni mal, ni paradis ni enfer.
A la différence de Montesquieu qui, au début, hésite entre les sciences et les lettres, soit égale capacité pour les deux choses, soit penchant de jeunesse vers la plus populaire, Buffon va tout d’abord aux sciences, poussé par l’instinct du génie et l’amour de la gloire. […] Lesage savait d’instinct, et par l’expérience du théâtre, que nous ne sommes guère touchés que de celles-là.
D’instinct, l’artiste aperçoit qu’aucune de ses amplifications n’atteindra aux formidables chocs que causent les atteintes de la souffrance morale. […] C’est sans doute parce qu’ils satisfont de même cet instinct émotionnel que les romans même de Dostoïewski et de Tolstoï, ont reçu l’année passée un accueil favorable du public.
Cette philosophie se combine avec l’instinct comique et romanesque. […] Quant au réel, nous y insistons, Sheakespeare en déborde ; partout la chair vive ; Shakespeare a l’émotion, l’instinct, le cri vrai, l’accent juste, toute la multitude humaine avec sa rumeur.
L’intelligence peut se tromper, le sentiment peut s’égarer ; la conscience ne peut fléchir ; c’est l’instinct absolu et incorruptible du juste et de l’injuste, du bien ou du mal, du crime ou de la vertu, instinct supérieur à nos passions mêmes et à nos fautes, et qui nous juge même en flagrant délit de nos faiblesses ou de nos iniquités.
Elle n’a pas la théosophie contemplative de l’Inde ; elle n’a pas le rationalisme obstiné, inventif et législateur de la Chine ; elle n’a pas la fécondité de chimères, l’instinct du merveilleux de l’Arabie ; elle n’a pas l’art exquis et universel de la Grèce ; elle n’a pas la constance et l’austérité de la vieille Rome ; elle n’a pas la grâce et la mollesse de l’Italie moderne ; elle n’a pas la philosophie spéculative et planante sans toucher terre de l’Allemagne ; elle n’a pas le génie du grandiose et du chevaleresque de l’Espagne ; elle n’a pas le génie des aventures épiques des Portugais ; elle n’a pas l’indélébile originalité de l’Angleterre. […] Ce qu’il aime, on l’aime ; ce qu’il rejette, on le rejette ; son jugement a l’autorité d’un instinct.
C’était évidemment là que l’Italie littéraire et poétique devait éclore, car l’esprit humain cherche par instinct les terres libres pour dérober, comme l’aigle, ses œufs à la tyrannie. […] Cette scène a dû m’impressionner cependant avec une certaine force, puisqu’elle se retrouve si complète et si vive après trente ans dans mon imagination ; mais je ne la percevais que par mes sens et par le seul instinct, car mon esprit était absorbé par la contemplation intérieure d’une tout autre nature.
« “Ô toi qui montres un si bestial instinct de haine contre celui que tu manges ainsi, dis-moi pourquoi ? […] Il ne manque là que la mère ou le souvenir de la mère absente ; mais le poète a senti avec un merveilleux instinct qu’il fallait écarter la mère de ce groupe ; sans quoi on n’aurait pas pu achever la lecture : le cœur se serait brisé à son premier sanglot ou seulement à sa première mémoire.
Toutes choses insensées, Par un vague instinct chassées, Et qui semblent si pressées D’échapper à Jéhovah ! […] ……………………………………………………… ……………………………………………………… ……………………………………………………… C’est ainsi que d’abord la nature, puis l’imagination, puis la piété, puis l’amour me donnèrent les premiers instincts, puis les premières leçons de poésie.
Le style des livres d’Audin, quand Audin est tout à fait éclos, ce style d’un carmin lumineux quand il écrit Luther ou Henri VIII, n’est pas plus la pâle forme littéraire de l’Essai que sa manière d’entendre l’histoire dans la Saint-Barthélemy n’est celle qu’il finit par dégager, lucide et vivante, du chaos sensible dans le quel elle plongea si longtemps… En se mesurant avec ce grand sujet vierge de la Saint-Barthélemy, qui n’avait encore inspiré que des déclamations ou des impostures, Audin eut plus d’instinct que de puissance, plus d’ailes pour aller à un beau et terrible sujet d’histoire que de serres pour le tenir et de regards pour le percer. […] Audin avait l’instinct de ces choses ; mais, chrétien de cœur comme il l’était d’intelligence, il avait aussi l’humilité qui s’efface et l’abnégation qui se sacrifie.
Le même instinct, en vertu duquel nous ouvrons indéfiniment devant nous l’espace, fait que nous refermons derrière nous le temps à mesure qu’il s’écoule. […] La pathologie vient d’ailleurs confirmer ici, — sur des exemples grossiers, il est vrai, — une vérité dont nous avons tous l’instinct.
Massillon plaira à celui qui a une certaine corde sensible dans le cœur, et qui préfère Racine à tous les poètes ; à celui qui a dans l’oreille un vague instinct d’harmonie et de douceur qui lui fait aimer jusqu’à la surabondance de certaines paroles.
Enfant, il aimait donc toutes sortes de déduits et d’ébats, et il s’attachait par instinct aux gens riches, à ceux qui tenaient grand état de chasse, faucons et meutes, ce qui lui semblait le signe d’une noble inclination.
Il a des pages très ingénieuses, très fines, sur l’instinct et la raison, sur les caractères qui les spécifient, perfection prompte, courte et immobile, d’un côté, perfectibilité de l’autre.
Il y a des hommes qui ne savent être qu’une chose, que de bonne heure une seule idée et une seule fumée remplit, et en qui une faculté irrésistible agit dès la jeunesse avec la force, la sagacité et aussi l’aveuglement d’un instinct.
L’assemblée des protestants, convoquée à La Rochelle, croyant les Églises menacées dans leurs garanties, dans les conditions mêmes de l’Édit de Nantes, et excitée quelle était par le vicomte de Favas, poussa à une rupture : la prudence de Rohan lui en faisait voir les périls ; le point d’honneur et l’instinct de guerrier les lui firent braver.
Chansonnier plus tard par calcul, par choix littéraire, il avait commencé bien sincèrement par l’être d’instinct et de vocation.
Or, elle l’a dit, on ne cause véritablement qu’en France et en français : « la conversation, comme talent, n’existe qu’en France. » En Angleterre on ignore cette nuance particulière et si charmante de faire sentir l’éloquence dans la conversation ; si l’on a l’instinct et si l’on se donne la peine d’être éloquent, on l’est pour les Chambres et pour la vie publique ; on passe outre au salon, on ne s’amuse pas à ce prélude devant les dames.
Royer-Collard n’était pas plus jaloux de penser à part et avec un petit nombre que ne l’est d’instinct M.
Judas, au contraire, bien qu’ignorant les liens qui l’attachent à Ruben, ne l’en tue pas moins avec tout l’instinct sanguinaire d’un scélérat ; et quand il épouse Cyborée, il sait parfaitement qu’elle est la veuve de sa victime.
Prud’homme, finit et se renverse, et où les instincts se gâtent et se dépravent.
J’accorde tout à fait que, « dès qu’on ouvre Homère, on se sent transporté dans le monde de l’instinct » ; qu’on sent qu’on a affaire à des passions du monde enfant ou adolescent ; que lorsqu’on se laisser aller au courant de ces poèmes, « c’est moins encore telle ou telle scène qui nous émeut, que le ton général et, en quelque sorte, l’air qu’on y respire et qui nous enivre. » J’accorde que « les descriptions d’Homère n’étant que des copies des impressions les plus générales, nous nous trouvons en face de ces descriptions dans la même situation qu’en face de la nature », c’est-à-dire d’un objet et d’un spectacle inépuisable : « Il est dès lors facile de comprendre pourquoi on peut toujours relire Homère sans se lasser.
Louvois surtout, par son activité et ses instincts de guerre, poussait son maître dans cette voie, si tant est qu’il eût besoin de l’y pousser.
C’est au milieu de ces luttes de chaque jour que M. de Girardin, obéissant à l’un des instincts et à l’une des lois de son esprit, s’est formé de plus en plus un système complet et radical de politique ou plutôt d’organisation de la société, qui est généralement peu compris, et qu’il ne cesse d’appliquer comme pierre de touche en toute circonstance.
Nous conseillons aux curieux de comparer ce passage avec la fin de la deuxième épître d’André Chénier ; l’idée au fond est la même, mais on verra, en comparant l’une et l’autre expression, toute la différence profonde qui sépare un poëte artiste comme Chénier, d’avec un poëte d’instinct comme La Fontaine.
Le caractère de leur style et l’allure de leurs vers sont les mêmes, et abondent en qualités pareilles ; Chénier a retrouvé par instinct et étude ce que Regnier faisait de tradition et sans dessein ; ils sont uniques en ce mérite, et notre jeune école chercherait vainement deux maîtres plus consommés dans l’art d’écrire en vers.
Nous leur nommons tel objet particulier et déterminé, et, avec un instinct d’imitation semblable à celui des perroquets et des singes, ils répètent le nom qu’ils viennent d’entendre. — Jusque-là, ils ne sont que des singes et des perroquets ; mais ici se manifeste une délicatesse d’impression toute spéciale à l’homme.
Mais cela suffit à mettre un large fossé entre Despréaux et lui, aussi longtemps du moins que Boileau ne le franchit pas, pour donner satisfaction à son instinct secret et au goût de son siècle.
Beaumarchais a mis tous ses instincts de révolte ; par la bouche de Figaro, il verse le ridicule sur tout ce qui soutenait l’ancien régime : noblesse, justice, autorité, diplomatie ; il fait une revendication insolente des libertés de penser, de parler et d’écrire, il réclame contre l’inégalité sociale ; d’un côté, la nullité et la jouissance ; de l’autre, le mérite et la peine. « Parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie ; … vous vous êtes donné la peine de naître, rien de plus ; … tandis que moi, morbleu !
Formé à l’école des Montagnards, il continua leurs traditions : mais un juste instinct l’avertit de condenser le verbiage de la tribune, et de se régler plutôt sur la nette concision des rapports et la fermeté saisissante des proclamations, où certains Jacobins avaient donné de curieux modèles d’éloquence administrative ou militaire.