Quand je ne connaîtrais de Machiavel que cette lettre, il serait pour moi un homme de bronze et un homme de chair, un grand exemplaire de l’humanité, un grand ludibrium de la fortune, un homme plus italien que toute l’Italie de son temps, un de ces hommes qui ont le droit de dire, avec le sourire du dédain de Marius à l’esclave : « Va dire à Rome que tu as vu Marius assis dans la boue des marais de Minturnes, mais toujours Marius. » III Or qu’était-ce jusque-là que Nicolas Machiavel ?
Mais, avant de prêcher, il enseignait dans les collèges de sa compagnie ; il professa les humanités, la rhétorique, la théologie morale ; il y prit le pli qui ne s’effaça jamais ; après que ses supérieurs eurent découvert l’orateur qui était en lui, il resta un homme de science et d’enseignement : son éloquence fut toujours didactique, et chacun de ses discours fut un cours.
L’homme qu’il étudie, qu’il cherche en lui et dans le témoignage de l’humanité, c’est, selon ses propres paroles, cet être si grand, qui n’est produit que pour l’infinité ; qui, à l’égard du néant, est tout ; le plus prodigieux objet de la nature ; capable de connaître le bien ; grand, puisqu’il connaît sa misère ; plus noble que l’univers qui l’écraserait, parce qu’il connaîtrait qui l’écrase.
Ce sont là de belles théories qui frisent l’idéal, mais la réalité nous montre l’humanité faite de passions, et plus elles sont injustes, moins il est facile de les détruire.
Elle conduira, par une synthèse plus vaste, à faire l’historique du développement intellectuel de l’humanité, du développement même de tel organe psychique isolé.
Il cherche moins à peindre des ridicules, qu’à inspirer l’humanité.
S’il y avoit des Orateurs qui inspiroient des desseins justes & honnêtes, qui fournissoient des vues utiles pour l’avantage du genre humain, on en voyoit aussi qui ne servoient que leur ambition particuliére, qui flattoient & qui condamnoient sans raison, qui souffloient le feu de la discorde entre leurs concitoyens, qui échauffoient & éternisoient les haines nationales, au mépris de l’humanité.
, rien chez elle d’arrogant ni d’ironique contre la pauvre humanité. […] Le sentiment d’humanité dominait impétueusement chez elle, et, une fois en alarme, ne lui laissait pas de trêve.
Mais quand la chambre des communes anglaises serait si ignominieusement morte à la conscience du poids dont elle doit peser dans la constitution, quand elle aurait si entièrement oublié ses anciennes luttes et ses anciens triomphes dans la grande cause de la liberté et de l’humanité, quand elle serait si indifférente à l’objet et à l’intérêt premier de son institution originelle, j’ai la confiance que le courage caractéristique de cette nation serait encore au niveau de cette épreuve ; j’ai la confiance que le peuple anglais serait aussi jaloux des influences secrètes qu’il est supérieur aux violences ouvertes ; j’ai la confiance qu’il n’est pas plus disposé à défendre son intérêt contre la déprédation et l’insulte étrangère qu’à rencontrer face à face et jeter par terre cette conspiration nocturne contre la constitution867. […] Il apportait dans la politique une horreur du crime, une vivacité et une sincérité de conscience, une humanité, une sensibilité, qui ne semblent convenir qu’à un jeune homme.
J’en viens à ce beau génie, le plus grand de nos écrivains en prose, en qui se résument toutes les grandeurs de l’esprit français avec le moindre mélange de défauts ; encore les défauts de Bossuet semblent-ils ceux de l’humanité plutôt que ceux d’un homme. […] Là où Bossuet a manqué, c’est de l’humanité, et non d’un homme en particulier.
Passe encore si ces nobles formes étaient remplies d’humanité : elles sont vides. […] Oui, en principe : un auteur touchera la foule à proportion de l’humanité de son art.
Aussi me bornerai-je à lui emprunter quelques-uns des passages dont il s’est lui-même servi avec la plus heureuse finesse, et je commencerai par celui-ci qui est capital : le mot aux contours bien arrêtés, le mot brutal, qui emmagasine ce qu’il y a de stable, de commun et par conséquent d’impersonnel dans les impressions de l’humanité, écrase ou tout au moins recouvre les impressions délicates et fugitives de notre conscience individuelle. « (essai sur les données immédiates de la conscience, p. 99.) » M. […] Elle est comme une possibilité qui n’a pas eu de suites ; l’humanité s’est engagée en d’autres voies, celle du langage parlé et écrit.
C’est depuis que la linguistique et la philologie, dans l’éducation de l’érudit, ont usurpé ce premier rang, qui n’appartenait autrefois et qui ne devrait toujours appartenir qu’aux seules humanités. […] Après tout, s’il est vrai que Molière ait commencé ses humanités assez tard, il les fit du moins complètes et solides. […] xviie siècle a vu plus loin et plus juste que le pamphlétaire du xviiie , car, ayant traversé comme les autres les angoisses du doute et sué, dans le secret de ses méditations, l’agonie du désespoir, il a compris que, toutes choses qui tiennent de l’homme étant imparfaites, c’était trahir la cause elle-même de l’humanité que de dénoncer au sarcasme, au mépris, à l’exécration les maux dont on n’avait pas le remède. […] Hommes et choses y dépassaient la mesure commune de l’histoire et de l’humanité.
. — D’autant plus que, depuis les écrits de Rousseau et des économistes, un souffle d’humanité chaque jour plus fort, plus pénétrant, plus universel, est venu attendrir les cœurs.
Au contraire, un loup seul peut faire celle de La Fontaine, « un loup rempli d’humanité », philosophe, et qui médite le plus sérieusement du monde.
Je n’approuve pas une solitude absolue : elle me paraît contraire à l’humanité ; mais à un homme de lettres, à un philosophe, peu de gens suffisent, parce que, à la rigueur, il pourrait se suffire à lui-même.
Il n’en est pas de même des âmes grossières, et, de plus, celles qui sont d’un caractère excellent ne tombent pas en toute sorte de maladie ; rien de ce qui est férocité, cruauté, ne les attaquera ; il faut, pour trouver prise sur elles, que ce soit de ces passions qui paraissent tenir à l’humanité, telles que la tristesse, la crainte, la pitié.
« Si vous voulez bien comprendre, au contraire, que, l’esclave étant une mauvaise propriété, mais enfin une propriété légale, garantie par l’État comme toutes les autres, vous ne pouvez l’exproprier sans indemnité aux propriétaires, et sans donner en même temps aux propriétaires du sol, par votre indemnité, les moyens de payer un salaire à l’esclave émancipé pour son travail devenu libre, je reste alors et je poursuivrai persévéramment avec vous cette œuvre d’humanité et de civilisation !
Imperfection et vicissitude sont les deux termes qui définissent l’humanité ; changement est sa nature ; cette vicissitude humaine, que la raison proclame, l’expérience et l’histoire ne la proclament pas moins.
Je veux parler de lord Byron, ce proscrit volontaire de sa famille et de sa patrie, qui avait eu le courage, comme le Renaud du Tasse, de quitter mieux qu’Armide, pour voler au secours d’une ombre de peuple par amour pour l’humanité et pour ce que nous appelions alors la gloire.
Il viola tout dans une seule action : le droit des gens européens, la constitution telle qu’elle existait encore, la pudeur publique, l’humanité, la religion.
Démocratisée, elle s’efforce de suivre l’obscure ascension des masses anonymes vers le mieux être, le lent et pénible dégrossissement des nations et de l’humanité entière.
C’est la querelle des anciens et des modernes, qui n’était pas simplement une vaine dispute de préséance entre les illustres du jour et les grands hommes d’autrefois, mais qui impliquait un choix sur le sens où il convient de pousser la jeunesse, et, par elle, l’humanité.
C’est pourquoi, tôt ou tard, l’Humanité fera pour moi — que l’on traite, à cette heure, d’insensé — ce qu’elle n’a jamais fait, en vérité, pour aucun de ces précurseurs.
L’humanité à venir saura retrouver l’unité et un art synthétique.
Dans l’état actuel de l’humanité, le mécanisme natif de la vision est disposé de telle manière que la rétine est un ensemble de points sentants et, pour ainsi dire, de milliers d’yeux fondus en un seul.
Avec son contemporain et ami Carlyle, qui possédait plus de véhémence, plus de culture et d’idées, il est un excellent exemplaire de cette sorte de gens qui sont en somme les grands parleurs et les grands acteurs de l’humanité, qui lui ont fourni la plupart de ses héros secondaires de Thémistocle à Garibaldi, de ses orateurs, de ses écrivains populaires, catégorie d’êtres impulsifs, généreux, entraînants, dont il faut distinguer soit les observateurs, les artistes qui ne savent que percevoir et décrire, soit les grands hommes complets, penseurs, poètes ou conducteurs de peuples, dans l’œuvre et la carrière de qui se manifestent, en leur importance et leur subordination, la connaissance, le sentiment et la conception du monde.
Cependant, si l’humanité est une, il n’en est pas moins vrai que, selon les circonstances, les temps et les lieux, la civilisation affecte des formes très différentes.
Edgar Poe est un poète pathologique qui peut exprimer des phénomènes très particuliers à l’organisation humaine, mais les sentiments qui sont la substance invisible, le mérite de l’homme ou son crime, son bonheur ou son infortune, et qui vibrent dans l’humanité depuis Priam aux pieds d’Achille jusqu’à la dernière des mères qui sanglote et qui veille auprès d’un berceau, depuis l’amour criminel de Phèdre jusqu’au pieux amour de Pauline, ne vibrent pas dans son génie.
Il ne traitait point de superstition ce qui tend à diminuer le nombre de nos misères ; il savait que la statue populaire, que le pénate obscur qui console le malheureux est plus utile à l’humanité que le livre du philosophe qui ne saurait essuyer une larme. » Il n’était, en tout cas, qu’un impie intermittent. […] Il y a une vingtaine d’années, au temps des mystères de Maurice Bouchor et des cigognes de M. de Vogüé, on rencontrait fréquemment dans les livres, et même au théâtre, un sentiment que j’avais appelé « la piété sans la foi ». — La piété sans la foi, disais-je, consiste à bien comprendre, à respecter et à goûter, pour la bienfaisance de leurs effets, pour la beauté de leur signification et aussi pour la grâce de leurs représentations plastiques, des dogmes auxquels on ne croit pas… Cette piété n’est pourtant ni un mensonge, ni une hypocrisie… On aime les vertus et les rêves qu’a suscités la foi dans des millions et des millions de têtes et de cœurs ; on aime les innombrables inconnus qui, dans le passé profond, ont fait ces rêves et pratiqué ces vertus… On aime aussi la poésie, la douceur et tour à tour l’allégresse espérante et les lamentations des chants liturgiques ; on les aime pour ce qu’ils ont d’éternellement vrai, l’humanité étant l’éternelle suppliante. […] Ce ne sont point ici les aventures bizarres d’une divinité étrangère à l’humanité : c’est l’histoire la plus pathétique, histoire qui non seulement fait couler des larmes par sa beauté, mais dont les conséquences, appliquées à l’univers, ont changé la face de la terre. » (Au fait, cela est-il très bien écrit ?) […] Mais il n’en écrit pas moins des phrases comme celles-ci, qui sont assez pauvres, si je ne m’abuse : « … Je reviens à ma raison et je ne vois plus dans ces choses que l’accomplissement des destins de l’humanité. […] Sa principale vanité, c’est de se donner l’air d’un profond penseur ; c’est de dire, par exemple, dans la préface de la Légende des siècles : « … L’auteur, du reste, pour compléter ce qu’il a dit plus haut, ne voit aucune difficulté à faire entrevoir, dès à présent, qu’il a esquissé dans la solitude une sorte de poème d’une certaine étendue où se réverbère le problème unique, l’Être, sous sa triple face : l’Humanité, le Mal, l’Infini ; le progressif, le relatif, l’absolu ; en ce qu’on pourrait appeler trois chants : la Légende des siècles, la Fin de Satan, Dieu. » Voyez aussi les préfaces lourdement insensées de presque tous ses drames.
Cette fois, l’auteur de la Chanson des Gueux (chez Dreyfous) a agrandi son horizon ; il ne s’agit plus d’étudier tel ou tel coin de la société, c’est de l’humanité entière, de ses rêves, de ses croyances que le poète va s’occuper. […] Robur, le grand inventeur qui n’a voulu construire qu’une machine utile à l’humanité, à ses relations pacifiques a compris que les peuples étaient trop bêtes encore pour y voir autre chose qu’un nouvel engin de destruction : « Citoyens des États-Unis, dit-il, mon expérience est faite ; mais mon avis est dès à présent qu’il ne faut rien prématurer, pas même le progrès. […] Mais il ne sera pas perdu pour l’humanité. […] Disciple ardent de Schopenhauer, amer, vaincu, révolté, Robert Guérin avait passé une partie de la nuit à dire son fait à la vie, à la décrépitude sociale, à l’humanité déchue, aux vanités de la gloire… et surtout à l’amour, source empoisonnée de toutes les misères et de tous les crimes d’ici-bas… Rien n’était resté debout, sauf les institutions… Mais, dans ces vingt pages enflammées, qu’il estimait, non sans orgueil, devoir faire quelque bruit, il avait pris soin de ne point tracer une seule fois, de peur de le rendre impérissable, le nom de l’indigne Christiane. […] Caro dit d’abord : Une dernière considération est de nature à flétrir ou à décolorer la religion du progrès dans l’esprit de l’humanité, si elle devenait positiviste.
Mais, si un roman est une œuvre de science et d’art s’adressant à l’humanité tout entière, au-dessus du moment et du code social, visant à un absolu de vérité, j’ai raison. […] En quoi pourra-t-elle bien servir à l’humanité ? […] Les amis qui, avec un soin pieux, ont mis en ordre les pièces qui composent ces deux volumes ont divisé les sept cordes en sept chapitres, contenant chacun les morceaux qui chantent la nature, l’humanité, la pensée philosophique, l’art, la pensée intime, l’amour, la fantaisie.
« Dès ma première enfance, j’avais besoin de me faire un monde intérieur à ma guise, un monde fantastique et poétique… Me voilà donc, enfant rêveur, candide, isolé, abandonnée à moi-même, lancée à la recherche d’un idéal et ne pouvant pas rêver un monde, une humanité idéalisée, sans placer au faîte un Dieu, l’idéal même… Et voilà qu’en rêvant la nuit, il me vint une figure et un nom. […] Qu’il nous parle de nous-mêmes ; qu’il s’intéresse à tous les problèmes pour lesquels se passionne l’humanité ; ou qu’il se fasse créateur, qu’il compose une œuvre épique ou romanesque ; qu’il donne à ces êtres de fiction qu’il met en scène une telle intensité de vie, qu’à jamais ils resteront dans la mémoire des hommes, plus vivants qu’aucun être réel. […] Bien des poètes, en strophes désespérées, ont chanté la mort ; ils pouvaient la chanter parce qu’elle est fatale, et qu’il n’y a rien à faire contre elle ; la tombe est d’avance ouverte ; tous y viendront ; un à un les vivants sont engloutis ; c’est une chose à laquelle on assiste, un lugubre objet de contemplation, qui n’inspire pas la terreur, mais plutôt la pitié, une large pitié qui s’étend sur l’humanité entière.
Enfin pour s’excuser quand on est tombé dans quelque faute, on cite ce vers de Térence : (…), come si Térence avoit voulu dire je suis home, je ne suis point exemt des foiblesses de l’humanité, ce n’est pas là le sens de Térence. […] Il y a des homes, mais l’humanité n’est point, c’est-à-dire, qu’il n’y a point un être qui soit l’humanité.
Il était l’auteur des Chansons Joyeuses et des Poèmes de l’Amour et de la Mer, ces premières œuvres si fraîches, écrites par un adolescent étonnamment doué ; de l’Aurore, ce dramatique et douloureux combat d’une foi qui décline et d’une conscience qui aspire à s’affirmer ; des Symboles, ce puissant effort de résurrection des religions antiques, ce retour par l’émotion du cœur, par la pénétration passionnée de l’esprit, aux légendes divines qui ont guidé ou égaré, émancipé ou asservi l’humanité. […] On a dit que l’histoire humaine était l’histoire des idées ; plus exactement, n’est-elle pas l’histoire des contresens, souvent magnifiques, que fait l’humanité sur les idées ? […] Un assemblage industrieux et sans nul doute intéressant d’impressions qui n’ont pas été ressenties au contact immédiat de la nature ou de l’humanité, mais qui, notées avec discernement, chez des poètes antérieurs, Hugo, Gautier, Banville, Baudelaire, Glatigny, Leconte de Lisle et d’autres, par un goût fin, très exercé, très averti, ont été englouties plutôt qu’assimilées par la mémoire.