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786. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre III. Ben Jonson. » pp. 98-162

. —  Conditions de la raison humaine. —  Quelle est dans Shakspeare la faculté maîtresse. —  Conditions de la représentation exacte. […] Il n’a point connu tout l’homme, et il a ignoré le fond de l’homme ; il a mis en scène et rendu sensibles des traités de morale, des fragments d’histoire et des morceaux de satire ; il n’a point imprimé de nouveaux êtres dans l’imagination du genre humain. […] Parmi ces mœurs de conquérants et d’esclaves, la nature humaine s’est renversée, et la corruption comme la scélératesse y sont regardées comme des marques de perspicacité et d’énergie. […] Pareillement, les idées, une fois qu’elles sont dans la tête humaine, tirent chacune de leur côté à l’aveugle, et leur équilibre imparfait semble à chaque minute sur le point de se renverser. […] Aucun écrivain, non pas même Molière, n’a percé si avant par-dessous le simulacre de bon sens et de logique dont se revêt la machine humaine pour démêler les puissances brutes qui composent sa substance et son ressort.

787. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (3e partie) » pp. 249-336

Thiers a montré dans ces pages qu’il pouvait attendrir au besoin ; son style, très souvent technique, s’élève jusqu’au diapason de la fibre du cœur humain, qui se déchire sous la pourpre avec les mêmes gémissements que sous la bure. […] Non, cela n’est pas permis, cela n’est pas humain, cela n’est pas même vrai. […] les cieux racontent la gloire de Dieu  ; mais la terre aussi et ses grands événements racontent la gloire de Dieu dans les choses humaines. […] Goûtez-vous plus la liberté compatible avec l’ordre des sociétés humaines ? […] Cet égoïsme au fond qui semble tout remplir est un grand vide, car c’est le vide de tout droit et de toute vertu dans les choses humaines.

788. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

Pourtant Balzac n’a pas épuisé les misères de la Comédie humaine. […] Oui, le peuple imposera un jour aux Marinoni et consorts la nécessité de leur fournir une littérature non pas populaire, mais humaine. […] Il y a la littérature humaine et la religion humaine, qui sont les mêmes pour tous les cœurs et pour tous les esprits. […] N’oublions pas qu’il y a, dans toute créature humaine, un enfant qui aime les Contes bleus. […] À la laisser aux mains des purs faiseurs, nous avilissons le terreau humain d’où, cependant, doit sortir l’élite.

789. (1925) Comment on devient écrivain

Il a incarné dans ses personnages les éternelles passions humaines.‌ […] Une pareille création dépasse les possibilités du talent humain. […] Le ton humain y est ; le ton mondain n’y est pas.‌ […] Il voit humain, cela lui suffit. […] Il voit humain, cela lui suffit.

790. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins » pp. 185-304

Mais il y a une plus haute critique qui touche à la morale et qui est, pour ainsi dire, la conscience du genre humain ; c’est celle qui s’attache à l’histoire et qui, au lieu d’être une grave controverse de mots, est une sévère correction de principes. […] Confiance exclusive aux esprits pétrifiés et aux caractères têtus qui, lorsqu’ils ont une fois proféré une erreur ou une sottise, ne s’en dédisent jamais et veulent mourir, comme disait Chateaubriand, ce grand oracle du respect humain dans ce siècle, « non pas conformes à la vérité, mais conformes à eux-mêmes ». […] Tu verras tomber ce gouvernement, en rendant par sa chute la vie à la jeunesse de son peuple ; et, prodige de démence, tu verras après trente ans les peuples déifier ce consommateur de peuples et lui faire un titre de règne du plus grand abus de sang humain qui ait jamais été fait, depuis César, en Occident ! […] Tu auras vu que la gloire n’est qu’une fumée de sang humain qui monte au ciel, il est vrai, en fascinant les yeux myopes des peuples, mais qui y monte pour défier sa justice et pour provoquer sa vengeance. […] C’est là une ostentation de fausse sagesse qui n’est que la répugnance de l’orgueil humain à confesser sa faiblesse, ou bien ce n’est qu’une improbité d’esprit donnant au monde une fausse monnaie de conviction pour acheter à ce prix l’estime du vulgaire, qui s’attache à ces immutabilités d’attitude comme à des preuves de force, tandis qu’elles ne sont le plus souvent que des impuissances de l’esprit ou des fanfaronnades du caractère.

791. (1880) Goethe et Diderot « Gœthe »

La femme, c’est la source de la passion humaine, soit qu’elle l’éprouve, soit qu’elle l’inspire. […] On ne comprend pas que l’esprit de Gœthe ait pu absorber une telle masse de puérilités mythologiques pendant toute sa vie, et qu’il ait passé le temps de sa vieillesse à les éructer au nez du genre humain. […] Les Prophéties de Bacis sont la plus impertinente gageure qu’un homme ait jamais eu l’idée de proposer au genre humain. […] l’érudition fit croire à Gœthe, s’il le crut, et au public, qui le croit encore, qu’il y avait vie de poète dans ce plâtre humain, quand il n’y avait qu’une figure et qu’une apparence. […] L’idée commune y plane sur ces ailes d’oie, d’envergure de condor, qu’a l’idée commune, qui voudrait, au besoin, tasser tout l’esprit humain sous ces bêtes d’ailes.

792. (1887) Discours et conférences « Préface »

J’en ai pesé chaque mot avec le plus grand soin ; c’est ma profession de foi en ce qui touche les choses humaines, et, quand la civilisation moderne aura sombré par suite de l’équivoque funeste de ces mots : nation, nationalité, race, je désire qu’on se souvienne de ces vingt pages-là. […] Depuis que j’ai pu observer les choses humaines, j’ai vu huit ou dix écoles d’hommes d’État qui se sont crues en possession de la sagesse et ont traité ceux qui doutaient d’elles avec la dernière ironie.

793. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé au nom de l’Académie des inscriptions et belles-lettres aux funérailles de M. .Villemain »

Villemain n’eut pas de plus constante pensée que de faire rendre aux couvents grecs les chefs-d’œuvre qu’ils pouvaient receler encore, et, si cette investigation, conçue et dirigée par lui, prouva que les chefs-d’œuvre inédits sont devenus bien rares, elle rendit au moins à la science des textes de première importance pour l’histoire de l’esprit humain. […] Parmi les recherches qui conduisent l’esprit humain à la découverte de la vérité, les unes donnent la gloire et l’éclat de la vie ; les autres restent obscures ; mais toutes sont immortelles, — immortelles, même quand elles ne visent qu’à être utiles et qu’elles se renferment dans le cercle étroit des amis de la vérité ; immortelles surtout quand elles ont été, comme celles de notre confrère, éclairées par le rayon du génie.

794. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XX. Conclusion » pp. 499-500

Le jour où l’on aura su, ne fût-ce que dans la vie littéraire d’une nation, expliquer l’apparition et la disparition de tant de goûts divers, enchaîner l’une à l’autre les transformations subies par l’idée de beauté et les répercussions exercées par la littérature sur les autres branches de l’activité humaine, on aura certes accompli une œuvre dont la critique et la sociologie pourront tirer une grande utilité. […] Et ses avertissements, quand il parlera ainsi, ne seront plus de vagues et hasardeuses intuitions ; ils seront fondés sur les faits positifs et sur les lois de l’esprit humain.

795. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 234-238

On conviendra volontiers qu’en se garantissant du Pyrrhonisme qu’il affecte & veut établir sur toutes les questions, il auroit pu passer pour un Génie rare, & se rendre très-utile dans le développement des connoissances humaines. […] A quoi en seroit réduit l’esprit humain, s’il n’avoit pour se conduire, que ces lumieres incertaines qui l’abusent & le fatiguent sans le fixer ?

796. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

cet homme, le premier de notre temps pour l’esprit et pour les sentiments d’un vrai philosophe, cet ingénieux censeur de toutes les folies humaines, en a une plus extraordinaire que celles dont il se moque tous les jours ! […] Vous voulez un grand mal à la nature humaine. […] ce me sont de mortelles blessures, De voir qu’avec le vice on garde des mesures ; Et parfois il me prend des mouvements soudains De fuir dans un désert l’approche des humains. […] Les sentimens humains, mon frère, que voilà ! […] Lorsque la crainte et l’espérance sont aux prises, la passion l’emporte toujours ; c’est la marche du cœur humain.

797. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

La philosophie descendit des Édens sur la terre et l’on décora d’humaines effigies l’antique forêt panthéiste. […] Adolphe Retté sut découvrir une raison humaine. […] Et ce sont d’éternels modèles de la plastique humaine. […] Celui-ci, en effet, a une fonction humaine. […] À cause de leur extraordinaire destin, ils se placent au-dessus, sinon en dehors des conditions humaines, sociales et naturelles de la vie.

798. (1920) Action, n° 2, mars 1920

Le gorille de l’instinct s’entend avec ses frères glabres, les primates humains, pour souiller et meurtrir l’élite sublime de la beauté. […] Rien n’est plus humain et rien n’est plus au-dessus de l’homme. […] Il est humain, trop humain d’être habile, trop habile. […] Il s’agit peut-être de donner à tout acte humain une signification supra-humaine, et l’on pourrait voir là un élan vers la divinité. […] Il publie en 1918 le roman Le Vivant et en 1919 le recueil de poèmes Combattant humain.

799. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

De tout ce désordre se dégage pourtant une ligne ; le but suprême de l’historien est de reconnaître cette ligne, qui est le rythme de la volonté humaine. […] Non ; d’abord il est poète ; il est surtout le penseur toujours vivant de l’angoisse humaine. […] On a dit (dans une intention de critique) que l’Émile est le roman de l’éducation, comme le Contrat social est le roman de la société humaine ; romans ? […] Au dessèchement des uns correspond l’exaltation des autres. — C’est que la science est insuffisante à l’âme humaine qui crée par intuition et qui a soif d’amour. […] Cet effort est un fait indestructible de la civilisation, une partie intégrante de la conscience humaine.

800. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VI. De la littérature latine sous le règne d’Auguste » pp. 164-175

Descartes, Bayle, Pascal, Molière, La Bruyère, Bossuet, les philosophes anglais qui appartiennent aussi à la même époque de l’histoire des lettres, ne permettent d’établir aucune parité entre le siècle de Louis XIV et celui d’Auguste, pour les progrès de l’esprit humain. […] On ne désire point, il est vrai, ce genre de supériorité dans l’histoire ; il faut que la nature humaine y soit représentée seulement dans son ensemble, il faut que les héros y restent grands, qu’ils paraissent tels à travers les siècles. […] C’est à ces diverses considérations qu’il faut attribuer la supériorité des anciens dans le genre de l’histoire : cette supériorité tient principalement à cet art de peindre et de raconter qui suppose le mouvement, l’intérêt, l’imagination, mais non la connaissance intime des secrets du cœur humain, ou des causes philosophiques des événements30.

801. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre I. Bernardin de Saint-Pierre »

le voici : « Parce que ces deux mamelles superflues étaient destinées à être les nourrices du genre humain. » Vous doutiez-vous que « la nature oppose sur la mer l’écume blanche des flots à la couleur noire des rochers, pour annoncer de loin aux matelots le danger des écueils596 »? […] C’est lui qui a créé les symboles de la religion philosophique, le culte laïque des grands hommes et des bons hommes, dont un Élysée national rassemblerait les cendres, les bustes, les monuments ; à côté des bienfaiteurs du genre humain, y seraient reçus le laborieux pêcheur et le charbonnier vertueux. C’est lui qui a placé au milieu d’une pelouse, dans une île, agréable, un temple en forme de rotonde, entouré de colonnes dédié à l’amour dit genre humain, et tout enguirlandé d’inscriptions morales597.

802. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Samuel Bailey »

Voici la substance de ce morceau curieux, qu’il a reproduit dans ses Lettres sur la philosophie de l’esprit humain 277. […] L’économie politique nous offre des exemples encore plus nombreux ; elle est en grande partie une enquête sur l’action des motifs, et elle se fonde sur ce principe que les voûtions humaines sont sous l’influence de causes précises et déterminables. […] Les mêmes actions humaines peuvent être voulues avec une liberté parfaite par l’auteur, et prédites avec une certaine confiance par l’observateur.

803. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 8-23

Le grand Corneille sembloit avoir fixé sur lui tous les suffrages, & épuisé l’admiration par la force, la hauteur & la fécondité de son génie, qui, comme un souffle impétueux, avoit tout fait plier devant lui ; Racine ne craignit pas de paroître sur la Scène, &, prenant une autre route, il se montra bientôt digne de le remplacer : la tendresse, l’harmonie, une connoissance profonde du cœur humain, furent les nouveaux ressorts de sa Muse tragique, & le conduisirent rapidement aux mêmes succès. […] On dira peut-être que l’amour sur la Scène tragique, conduisant aux malheurs, aux crimes, & aux remords, cesse d’être dangereux, & devient un principe fécond pour développer avec succès les différentes impressions dont l’ame humaine est susceptible. […] Une observation qui a échappé aux Critiques, c’est que, dans tous les siecles littéraires, la marche de l’esprit humain a toujours été la même dans tous les genres.

804. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — V »

Leur fanatisme est de même ordre ; car ils croient l’un et l’autre qu’il existe une vérité objective, propre, à l’exclusion de toute autre conception, à assurer le bonheur humain. […] Mais cette vérité n’ayant point d’existence, ce qu’il nous faut constater, c’est que cette croyance absurde fut assez forte pour créer une réalité, pour être un moule, pour contraindre la substance phénoménale — c’est ici la mentalité humaine — à répéter à travers la durée une suite de mouvements semblables et dirigés vers un même but. […] C’est que les instincts naturels, — sentiment de la famille, amour de la liberté individuelle, attachement aux biens immédiats et à la vie présente, — formes de l’égoïsme élémentaire, représentants d’une réalité antérieure à la genèse des sociétés humaines et contemporaine des premiers stades de la biologie, c’est que ces instincts réagissent maintenant contre la contrainte que leur imposa la croyance.

805. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre III. Suite des Époux. — Adam et Ève. »

Suis-moi, je te conduirai où une ombre vaine ne trompera point tes embrassements, où tu trouveras celui dont tu es l’image ; à toi il sera pour toujours, tu lui donneras une multitude d’enfants semblables à toi-même, et tu seras appelée la Mère du genre humain. » Que pouvais-je faire après ces paroles ? […] Il ne s’élève pas au-dessus de la nature humaine, mais au-dessus de la nature humaine corrompue ; et comme il n’y a pas d’exemple d’un pareil amour, il n’y en a point d’une pareille poésie16. » Si l’on compare les amours d’Ulysse et de Pénélope à celles d’Adam et d’Ève, on trouve que la simplicité d’Homère est plus ingénue, celle de Milton plus magnifique.

806. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Lettres portugaises » pp. 41-51

Ainsi, plus tard, au xixe  siècle, n’avons-nous pas vu l’étrange fortune de ce petit roman d’Adolphe, si horriblement sec de fond et de forme, et dont personne n’eût parlé peut-être si l’auteur, plus roué qu’on ne croit, n’eût intéressé la fatuité humaine à la réussite de son ouvrage ; car tout homme, en disant que ce livre est vrai, ne semble-t-il pas révéler qu’il a connu le friand tourment d’une Ellénore ? […] nourrie jusque-là du pain eucharistique, et tombée des hauteurs de la Pureté et de la Grâce dans les fanges de la passion humaine, et demandez-vous ce que doivent être l’amour et sa faute, pour une pareille femme, sinon le plus grand des crimes, le plus affreux des adultères, l’infidélité à Dieu même, le sacrilège dans la trahison ! […] Ces lettres d’une religieuse qui n’a pas un remords, — qui n’a pas un scrupule, — qui, nous le répétons, ne parle pas une seule fois de Dieu dans sa chute, qui n’a pas même sur son front le signe de la Bête dont Dieu marque ses réprouvés, ce coup de marteau donné à l’arbre qui doit être coupé pour l’enfer ; — ces lettres à mignardises éplorées et à obscénités hypocrites sont apocryphes en nature humaine, et nous n’hésitons pas à le déclarer !

807. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pierre Dupont. Poésies et Chansons, — Études littéraires. »

ne donnait pas une très-vive envie d’entendre les sons qui devaient en sortir, les chansons ou plutôt les clameurs que devait vomir cet effroyable trou de fontaine publique, creusé en plein visage humain. […] Hégésippe Moreau, le Villon solitaire de cette époque impie, ce truand qui est quelquefois délicat comme une jouvencelle, ne serait point compté dans l’histoire littéraire, s’il ne s’était pas affranchi de la politique et de l’imitation de Béranger, qui furent sa double balbutie, par quelques pièces, éternelles et humaines, d’un accent profond comme la misère, la convoitise et la faim ! […] C’est plutôt, dans ‘la grâce d’une jeunesse qui fait tout pardonner, un de ces terribles mauvais garçons dont les guenilles ont soif de splendeur et qui serait un magnifique Sardanapale de la canaille dans le pillage du genre humain !

808. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Avant-propos de la septième édition »

La critique kantienne, sur ce point au moins, n’aurait pas été nécessaire, l’esprit humain, dans cette direction au moins, n’aurait pas été amené à limiter sa propre portée, la métaphysique n’eût pas été sacrifiée à la physique, si l’on eût pris le parti de laisser la matière à mi-chemin entre le point où la poussait Descartes et celui où la tirait Berkeley, c’est-à-dire, en somme, là où le sens commun la voit. […] Comment en serait-il autrement, si la psychologie a pour objet l’étude de l’esprit humain en tant que fonctionnant utilement pour la pratique, et si la métaphysique n’est que ce même esprit humain faisant effort pour s’affranchir des conditions de l’action utile et pour se ressaisir comme pure énergie créatrice ?

809. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

Bossuet, qui n’est pas suspect de matérialisme, insiste sur cette complexité, et ne veut pas que le moi humain se réduise à l’âme toute seule. […] En général pourtant, il faut le reconnaître, ces grands observateurs de la nature humaine, Aristote, Horace, Regnier, Boileau, Buffon, n’ont que trop raison ! […] Il entasse chefs-d’œuvre sur chefs-d’œuvre pour payer son pain de chaque jour, De là tant d’accents pathétiques et ce trésor d’émotions humaines ! […] Ils réunissent en effet les trois voix humaines. […] Deux immenses taureaux ailés, à tête humaine, doivent avoir servi de cariatides d’entrée aux portes du palais de Khorsabad.

810. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

Toutes les facultés de l’âme humaine doivent être subordonnées à l’imagination, qui les met en réquisition toutes à la fois. […] Je ne sais ; ou plutôt je serais incliné à croire qu’en ceci, comme en bien d’autres choses humaines, les deux raisons sont également acceptables. […] Or le singe seul, le singe gigantesque, à la fois plus et moins qu’un homme, a manifesté quelquefois un appétit humain pour la femme. […] Frémiet représente l’intelligence humaine portant partout avec elle l’idée de la sagesse et le goût de la folie. […] Le sculpteur comprit bien vite tout ce qu’il y a de beauté mystérieuse et abstraite dans cette maigre carcasse, à qui la chair sert d’habit, et qui est comme le plan du poème humain.

811. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre II. Les directions divergentes de l’évolution de la vie. Torpeur, intelligence, instinct. »

C’est un progrès du même genre que nous observons dans l’évolution de l’armement humain. […] Telle est l’espèce humaine, qui représentera le point culminant de l’évolution des Vertébrés. […] Au contraire, nous tenons l’intelligence humaine pour relative aux nécessités de l’action. […] C’est une représentation qui symbolise la tendance fabricatrice de l’intelligence humaine. […] On sait quels vastes territoires le langage occupe dans le cerveau humain.

812. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

L’œil humain a-t-il jamais embrassé forme plus parfaite ? […] A son titre de nourricière du genre humain, Cérès joignit celui de législatrice. […] Serait-ce donc un médiocre attentat que de retrancher l’Éloquence au genre humain ?  […] Le premier et le seul de tous les Césars, il ose retrancher au peuple sa pâture humaine. […] Chéris le genre humain, obéis à Dieu… Il faut vivre avec lui ! 

813. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 127-131

Ses Ouvrages forment une époque dans le développement des connoissances de l’esprit humain. […] En étendant les connoissances humaines, aucun Philosophe ne prouva mieux les vérités divines.

814. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre premier. Du Christianisme dans la manière d’écrire l’histoire. »

En effet, celui-là connaîtra mieux les hommes, qui aura longtemps médité les desseins de la Providence ; celui-là pourra démasquer la sagesse humaine, qui aura pénétré les ruses de la sagesse divine. […] Une telle combinaison de choses n’a point de principe naturel dans les événements humains.

815. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

et si nécessaire à la continuation de la vie sur terre, il fallait une indépendance d’esprit que certains trouveront peut-être diabolique, qui m’apparaît parfois comme telle, mais parfois aussi comme le don le plus extraordinaire dont ait été jamais doué un être humain, comme une des manifestations les plus belles, les plus puissantes du génie humain. […] Il ne faut pas croire pourtant qu’entre-temps l’inconscient dans l’être humain, toute la masse psychologique profonde, chômait. […] La nature humaine a été sollicitée par lui dans sa profondeur et amenée au grand jour, exprimée, fixée. […] Et ils prennent ainsi une sorte de vérité qui les dépasse ; ils deviennent un moment de l’âme humaine, une forme générale du sentiment. […] À mesure que le livre avance, on trouve ces lois du cœur humain exprimées sous une forme de plus en plus abstraite, et même de plus en plus didactique.

816. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 260-264

Le mérite qui distingue éminemment les Sermons de Massillon de tous les autres, est la connoissance du cœur humain qu’ils annoncent ; connoissance aussi délicate, que juste & profonde. […] On peut, & l’on doit, dans ces occasions, avoir le courage de dire la vérité ; présenter avec force la grande leçon des événemens ; humilier les grandeurs humaines au pied de la Mort qui les anéantit.

817. (1913) Le bovarysme « Deuxième partie : Le Bovarysme de la vérité — II »

Il semble en effet qu’elle ait sa source en un sentiment profond de la nature humaine, et, pour cette raison, elle peut nous révéler quelque chose d’important touchant le mécanisme de la vie. […] Condamné, c’est le terme dont useraient les philosophes pessimistes, mais on dira ici que, par la vertu de cette illusion métaphysique, l’élan humain est assuré d’une ardeur toujours renaissante.

818. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Épilogue »

La Démocratie, mère du Bas-bleuisme, le culot mal venu de tous les bâtards qu’elle a faits, la Démocratie qui, pour avant-dernier chef-d’œuvre, a métamorphosé des êtres humains en unités arithmétiques, et mis en poussière ce qui fut, dès le commencement de l’univers, le ciment social, est arrivée, par la femme, au dernier atome de cette poussière. Après celui-là, la matière que l’on croyait divisible à l’infini ne se divisera plus… À moins pourtant que dans ce monde du devenir d’Hegel et du Ça ira des Sans-Culottes, il n’entre dans la caboche humaine l’idée — très digne d’elle — qu’à l’aide de l’éducation et de la science, on peut tirer de la fange de leur animalité les chiens et les singes et les faire entrer avec nous — et au même titre que nous, — dans l’immense et imbécile farandole du Suffrage universel !

819. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque (2e partie) » pp. 81-155

« Enfin, si je manque à la parole que j’avais donnée à mes amis, ils doivent me le pardonner : c’est l’effet de cette variation attachée à l’esprit humain, dont personne n’est exempt, excepté ces hommes parfaits qui ne perdent pas de vue le souverain bien. […] Jean Visconti, archevêque et tyran de Milan, maître de toute la Lombardie, l’accueillit en prince de l’intelligence humaine. […] C’est la plus grande leçon de spiritualisme qui puisse être donnée à ceux qui pensent un peu profondément aux phénomènes humains. […] Les sonnets dans lesquels il épanche ses larmes et ses parfums sont comme des psaumes de l’amour humain et divin. […] Son sentiment est sincère, sa fiction est une histoire ; ses enthousiasmes ou ses gémissements ne sont point des déclamations, mais des soupirs ; ses larmes ne sont point puisées dans les sources antiques de Castalie ou de Blanduse, mais dans ses yeux ; elles ont le sel et l’amertume des véritables larmes humaines.

820. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre neuvième. Les idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Les successeurs d’Hugo »

Quand luira cette étoile, un jour, La plus belle et la plus lointaine, Dites-lui qu’elle eut mon amour, Ô derniers de la race humaine. […] La Justice, le Bonheur, les deux plus hautes aspirations de l’âme humaine, et dont la Nature semble s’inquiéter le moins, voilà ce qu’il a chanté, — et parfois un peu trop étudié en vers. […] Aux Grecs il a emprunté la conception d’une sorte de monde des formes et des idées qui est le monde même de l’art ; bannissant la passion et l’émotion humaines, on dirait qu’il voit toutes choses, comme Spinoza, sous l’aspect de l’éternité. […] Un impassible cœur sourd aux rumeurs humaines. […] Les émotions humaines ne sont-elles pas un des mouvements de la Nature ?

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