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527. (1897) Aspects pp. -215

Combattez chaque jour votre mère la nature ; arrachez lui ses forces. […] Nous retournerons, chassés par vous, nous perdre aux forces qui nous avaient suscités. […] Il croit toujours son livre impeccable et qu’il aura la force de le défendre. Mais sa force morale est ruinée sans qu’il s’en doute. […] — C’est notre gloire et le signe de notre force… Cela sera reconnu un jour.

528. (1890) L’avenir de la science « XII »

En résumé, il y a deux manières d’agir sur le monde, ou par sa force individuelle, ou par le corps dont on fait partie, par l’ensemble où l’on a sa place. […] Le sauvage, qui vit à peine la vie humaine, sert du moins comme force perdue. […] Ici, comme partout, il faut qu’il y ait une immense déperdition de force. […] Toute cette dépense de force intellectuelle n’est pas perdue, si ces controverses ont fourni un atome à l’édifice de la pensée moderne. […] L’humanité a tant de forces qui dépérissent faute d’emploi et de direction !

529. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

Peignez donc avec force tout ce que vous voulez m’inspirer. […] Mais si un peuple a des mœurs frivoles et légères ; si, au lieu de cette sensibilité profonde qui arrête l’âme et la fixe sur les objets, il n’a qu’une espèce d’inquiétude active qui se répande sur tout sans s’attacher à rien ; si, à force d’être sociable, il devient tous les jours moins sensible ; si tous les caractères originaux disparaissent pour prendre une teinte uniforme et de convention ; si le besoin de plaire, la crainte d’offenser, et cette existence d’opinion qui aujourd’hui est presque la seule, étouffe ou réprime tous les mouvements de l’âme ; si on n’ose ni aimer, ni haïr, ni admirer, ni s’indigner d’après son cœur ; si chacun par devoir est élégant, poli et glacé ; si les femmes même perdent tous les jours de leur véritable empire ; si, à cette sensibilité ardente et généreuse qu’elles ont droit d’inspirer, on substitue un sentiment vil et faible ; si les événements heureux ou malheureux ne sont qu’un objet de conversation, et jamais de sentiment ; si le vide des grands intérêts rétrécit l’âme, et l’accoutume à donner un grand prix aux petites choses, que deviendra l’éloquence chez un pareil peuple ? […] Ce n’est pas tout ; observez l’influence de son caractère sur ses talents, ou de ses talents sur son caractère ; en quoi il a été original, et n’a reçu la loi de personne ; en quoi il a été subjugué ou par l’habitude la plus invincible des tyrannies, ou par la crainte de choquer son siècle, crainte qui a corrompu tant de talents ; ou par l’ignorance de ses forces, genre de modestie qui est quelquefois le vice d’un grand homme ; mais surtout démêlez, s’il est possible, quelle est l’idée unique et primitive qui a servi de base à toutes ses idées ; car presque tous les hommes extraordinaires dans la législation, dans la guerre, dans les arts, imitent la marche de la nature, et se font un principe unique et général dont toutes leurs idées ne sont que le développement. […] La partie du rocher qu’il aura parcourue, offrira l’image d’une campagne cultivée ; celle qui lui restera à franchir, sera encore brute et sauvage ; cependant un serpent à demi écrasé, et ranimant ses forces, s’élancera pour piquer les flancs du cheval, et tâcher, s’il le peut, d’arrêter la course du héros. […] Mais le nombre des idées ne suffit pas pour l’éloquence : il en fait la solidité et la force : c’est le sentiment qui en fait le charme.

530. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — N. — article » pp. 403-404

La profondeur des pensées, la force du raisonnement, la noblesse & la pureté du langage, y vont toujours de pair avec la chaleur de l’imagination, la vivacité du sentiment, & l’énergie de l’expression. […] Celle du Maréchal de Belle-Isle, quoique le fruit d’un âge avancé, est marquée au coin de ses autres Productions, c’est-à-dire qu’on y retrouve cet esprit vaste qui saisit tous les points de vue d’un sujet, qui les approfondit avec pénétration, qui les énonce avec autant de grace que de force ; cet esprit enchanteur, qui donne une vie à tout, & une vie qui annonce toujours le Génie créateur.

531. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLIXe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Pierre, pour imiter gauchement Laurent, alla au-devant de Charles, commença à négocier, finit par supplier et par lui remettre lâchement Sarzana, Pietra Santa, Livourne, honneur et force de Florence. […] Dans le siècle des Médicis, la supériorité fut dans la force qui civilise les hommes. C’est cette force qui les fit rois : leur supériorité s’élève naturellement comme une végétation du sol et de la mer. […] » se mit-il à dire, et soulevant avec peine ses bras presque sans force, il me saisit et me serra les deux mains. […] » Ajouterai-je qu’à la première veille, des nuages ayant tout à coup assombri le ciel, le dôme de cette magnifique basilique, dont la coupole, par son admirable travail, surpasse la plus belle du monde entier, fut frappé d’un tel coup de foudre, que de grandes portions s’en détachèrent, et que des marbres énormes furent ébranlés par une force et un choc horribles, et principalement dans cette partie qui est en vue du palais des Médicis !

532. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre I. Le Bovarysme chez les personnages de Flaubert »

Le personnage en effet mettra toujours au service de la fausse conception qu’il se forme de lui-même, au service de l’impossible, la quantité précise de force qu’il eût employée à développer ses aptitudes naturelles. […] Elle ne perçoit pas cette commune réalité qui tient peut-être sa consistance et sa force de ce qu’elle est l’œuvre collective de tous les hommes. […] D’ailleurs cette tentative de réformer la réalité collective, selon les exigences du rêve individuel, comporte un principe d’insuccès plus essentiel encore que la disproportion même qui éclate entre les deux forces antagonistes qui se heurtent ici. […] C’est cette même force mensongère et fatale qui désorbitait les individus et qui maintenant manifeste son pouvoir sur l’espèce tout entière, contraignant l’humanité à se concevoir autre qu’elle n’est, faite pour d’autres destins, pour un autre savoir. […] À son aurore il a réalisé son désir dans la croyance religieuse ; car il possédait alors le pouvoir d’objectiver sa foi, de créer la réalité de son désir avec la force même et l’intensité de son désir.

533. (1856) Les lettres et l’homme de lettres au XIXe siècle pp. -30

Voilà donc l’homme de lettres qui abandonne la sphère des idées, où il trouvait sa force, pour celle des affaires, où il l’épuisé. […] Mais tout autre chose est le regard perçant qui du haut de la montagne découvre, au-dessus des orages, les vastes horizons de l’avenir, et la force d’un bras infatigable qui, au fond de la vallée, lutte contre les menus obstacles qu’enfante à chaque pas le présent. […] Les forces du corps ont leurs limites ; le temps, à coup sûr, a les siennes. […] C’est l’association tacite, mais fort réelle des esprits éclairés, la communion sainte des lumières de la raison, communion offerte à tous, et à laquelle tous participent plus ou moins, selon leurs forces ; en un mot, c’est la civilisation. […] Dieu a fait l’homme à son image  : l’homme refait le monde à la sienne, et par conséquent à celle de Dieu ; il introduit la discipline parmi les forces de la nature, la justice dans la société.

534. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — La solidarité des élites »

L’œuvre de Michelet, malgré ses lacunes et parfois ses faiblesses, œuvre de soleil et de force, de chaleur et de santé, marque d’une lueur éclatante l’aurore d’une vitalité nouvelle, le germe d’une pensée prenant conscience d’elle-même. […] Shelley, en déployant la richesse et l’universalité de l’amour, nous a dévoilé en lui cette force d’identification de l’univers et de l’homme qui est, pour ainsi dire, l’unique loi vivante de ce monde.‌ […] Toute force vous échappe. […] La force n’est pas, en effet, dans l’arme qui tranche : elle est dans la main qui se tend. […] Ils représentent véritablement la seule force dirigeante.

535. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

Voyez si telle idée conçue il y a trente ans, ne se trouve pas réalisée aujourd’hui ; & jugez de la force de la raison humaine. […] C’est de l’étendue du coup-d’œil que jaillit la force pénétrante de la pensée. […] Alors chacun sent la force des objections de son Adversaire & les pèse. […] Ce qui empêchera toujours les Ecrivains de devenir profonds, c’est de n’écrire point ce qu’ils sentent avec le plus de force. […] Dans les autres son pinçeau n’a plus la même force, la même élévation.

536. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre V. Sculpture. »

Un guerrier expirant au champ d’honneur, dans la force de l’âge, peut être superbe, mais un corps usé de maladies est une image que les arts repoussent, à moins qu’il ne s’y mêle un miracle, comme dans le tableau de saint Charles Borromée138. […] La peinture souffre plus facilement la représentation du cadavre que la sculpture, parce que dans celle-ci le marbre, offrant des forces palpables et glacées, ressemble trop à la vérité.

537. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

Il démonétise le génie par l’ingéniosité, la force par la truculence, le pathétique par la contorsion. […] Il s’est appuyé sur la constatation de ces forces pour proférer quelques principes absurdes et meurtriers. […] A force d’affirmer la servitude héréditaire, ces docteurs de néant ont fini par la créer. […] Or la force persuadante, et même fascinante, était, au plus haut point, en Charcot. […] Cette force n’est, aujourd’hui, ni différenciée nettement, ni mesurée.

538. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

Les ministres et les censeurs du pouvoir public ont sans cesse recours à ce livre, les uns pour justifier leurs ordres et leurs desseins, les autres pour donner plus de force à leurs opinions. […] Les vainqueurs ont été forcés de prendre les mœurs des vaincus ; la pensée a triomphé de la force ; le palais des souverains tartares a continué à être le sanctuaire de la philosophie et de la littérature. […] Tout tend en Chine à persuader la multitude que l’empereur est infiniment au-dessus des premiers lettrés par la force de son génie et par l’étendue de ses connaissances. […] Il ne dédaigne pas de raisonner et de discuter lui-même, dans de fréquents manifestes, ses actes avec eux ; il est contraint de reconnaître pour juge, non la force, mais l’intelligence. […] Je sens tout le poids du fardeau que je porte, mais je continuerai de le porter autant de temps que les forces me le permettront.

539. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIe entretien. Ossian fils de Fingal, (suite) »

Ossian, as-tu la force de ton père ? […] Uthal s’avance à pas lents, fier de sa force et de sa beauté. […] Ta force, mon cher Oscar, a-t-elle résisté au temps ? […] Réjouis-toi donc, ô soleil, dans la force de ta jeunesse. […] Je sens qu’il renaît dans toute sa force ; je revois, à sa clarté, les ombres de mes amis rassemblés sur la colline de Lora ; j’y vois Fingal au milieu de ses héros.

540. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VII »

Si je les ai séparées, ce n’est que pour faire ressortir leur unité avec plus de force. […] Wilder ait pu, avec son système, suivre le texte de Wagner autant qu’il l’a fait ; ce sont de véritables tours de force qu’il exécute. […] Puis la force s’épuise beaucoup dans le quatrième temps et dans la première moitié du premier temps de la mesure suivante. […] La sensible a plus de force que l’octave qui ne semble atteinte que pour préparer une chute en forte sur la sensible, qui vibre avec force et précision, assez pour devenir à son tour un centre d’affinités mélodiques, importance qu’elle gardera pendant toute la troisième mesure. […] Il retrouve alors sa force.

541. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Le Comte Léon Tolstoï »

Que l’on compare les procédés de notations de ses grands tableaux, d’analyse de ses grandes scènes, à ceux de nos romanciers naturalistes héritiers pour le style, des romantiques, on sera frappé du manque de force, de certitude, d’éclat, d’intérêt soutenu, d’épuisement du sujet, de la plupart des pages semées cependant de ramassements subits, qui synthétisent tout un ensemble. […] Le prince André Bolkonsky, cet homme sec, clair, acerbe, qui tient à la vie par des liens si étroits, s’inquiète, s’aigrit, vit au hasard et se déçoit de vains semblants d’envie, jusqu’au jour où une balle le jette à terre et le force à plonger ses yeux vacillants dans la paix d’un ciel que ne souillent pas la fumée, le sang et les cris des batailles. L’irréparable mort de sa femme, l’impossibilité d’expier ses duretés envers cet être frivole, le replongent dans son amertume et ses agitations, et c’est encore par un calme soir de givre et de ciel clair qu’il entend et accepte presque des paroles du prince Pierre, la promesse d’une vie future, l’existence d’un dieu personnel qui réveillent en lui la force de vivre et d’espérer. […] Quelques-uns, sortant de la compassion et de l’amour d’eux-mêmes, se sentant participants à la force en qui réside indestructiblement le principe des existences passagères, et affermis en cette certitude de persister dans le tout, apprennent à ne plus se soucier de leur sort et à ne s’affliger pas autrement de leur dissolution que la froide terre où s’ouvrira leur fosse. […] Mais tous ceux qui aiment le feu de la vie malgré l’incessante mort de ses flammes, trouveront en ces livres la plus grande et la plus vraie des images fictives de ce monde, la plus complète représentation qui soit des derniers fleurissements de la force sur ce globe.

542. (1894) Textes critiques

Johannes, orgueil fait de force suffisante solitaire, s’enroule au cartésien anneau de son intelligence. […] Pour le petit Philippe, pour ses vieux parents, pour Johannes, Kaethe de toutes ses forces « d’oiselet blessé ». […] Il en profite pour « rejeter, par ses seules forces, le joug de la supersitition », grâce aussi toutefois à Lourdes et autres œuvres de « maîtres de la pensée ». […] Dans la première partie de leur drame, les auteurs posent avec une habile précision ce Don Juan traditionnel, qui n’est qu’une quantité, mais est donc, comme toute quantité, une force. […] A l’apparition de la vierge mystique et du nouveau nombre, Don Juan abandonne Mille-et-trois, et l’on voit s’avancer l’une vers l’autre les deux forces.‌

543. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

C’était, en effet, d’organisation, un esprit délicat qu’Audin, plus charmant que puissant, et dont la force, — car il eut un jour la force et l’éclat, — fut, comme les meilleures de nos vertus, lentement acquise. […] Malgré ces commencements difficiles, Audin la fonda, cette maison, et la rendit bientôt florissante, à force d’intelligence spéciale, d’activité et de bonne foi. […] Incontestablement une société qui avait de la force au cœur et dans les bras ne pouvait accepter des conditions si accablantes et si certaines. […] Or voiler la vérité ou la taire, sous quelque prétexte que ce soit, c’est diminuer la force du poison qui neutralise, contre le poison qui doit tuer. […] Depuis quelques années, il portait le germe de cette maladie des hommes vaillants qui meurent par l’organe dont ils ont le plus vécu, et chez qui l’intelligence émue a envoyé tant de sang au cœur que le cœur périt sous cette masse de forces généreuses.

544. (1891) Esquisses contemporaines

La tempérance est un signe de justesse et un gage de force ; elle seule s’allie à la forme parfaite qu’exige l’œuvre d’art. […] Il aurait puisé dans la communion personnelle avec un Dieu personnel la force de vivre et la joie de mourir. […] Son rôle est de balancer l’impulsion désordonnée de la vie, non point d’en briser la force ou d’en rompre l’unité. […] On cherche au loin, on va d’un objet à un autre parce qu’on n’a pas la force de conclure. […] … Bien loin d’être incompatible avec la critique, la foi porte une force critique en elle-même.

545. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

Il n’est rien d’impossible aux forces cachées dans les plantes, et cependant la plupart de ces forces nous sont inconnues. […] Il ne tarde même pas à se manifester un surcroît de forces, qui demandent à être dépensées. […] force sottises. […] Aussi attaqua-t-il avec force la thèse de Rousseau sur les méfaits de la civilisation. […] Voilà la force et le charme de ce mot mystérieux.

546. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre III. De la signification de la vie. L’ordre de la nature et la forme de l’intelligence. »

Or, sa force attractive, pour ne parler que d’elle, s’exerce sur le soleil, sur les planètes, peut-être sur l’univers entier. […] Pourtant un fluide bienfaisant nous baigne, où nous puisons la force même de travailler et de vivre. […] Voici une pure opération de l’esprit, s’accomplissant par la seule force de l’esprit. […] Que le jeu pur et simple des forces physiques et chimiques puisse faire cette merveille, nous avons peine à le croire. […] Elle nous donne aussi plus de force pour agir et pour vivre.

547. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — J — Joncières, Léonce de »

C’est dire qu’on n’y trouve aucune des recherches nouvelles de rythmes et de consonances auxquelles force nous est de nous intéresser, puisque les gens de grand talent s’y emploient. […] Léonce de Joncières vient de publier et qui contient de nombreux morceaux pleins de couleur et de force descriptive.

548. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

Mais, soutenu d’une force vertueuse, il poursuivra ses travaux, comme à l’abri de toutes les attaques. […] Que font les mathématiques, si ce n’est de mesurer les forces physiques ? Les lettres nous donnent la mesure des forces morales ; et de plus, elles les produisent et les augmentent. […] par la lecture assidue des bons auteurs : elle supplée en nous à ce qui nous manque de force ou d’instruction. […] Jugez avec quelle force doit s’épancher le pathétique des discours en une telle situation.

549. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre quatrième. L’idée du temps, sa genèse et son action »

C’est qu’il y a sous l’image-attente une tendance au mouvement, une force impulsive et motrice qui n’existe nullement dans l’autre. Au moment même où je satisfais ma faim, je discerne le malaise qui diminue de force, et le bien-être qui augmente de force. […] Si nous avons, à la manière de Herbart, supposé une force inhérente aux idées, il est bien entendu que ce n’est pas pour nous une force qu’auraient en elles-mêmes des idées détachées, des représentations individualisées et à l’état atomique. La force des représentations, nous l’avons dit souvent, est celle des tendances sous-jacentes, qui elles-mêmes sont fonctions de l’état général au moment donné. Mais, dans l’ordre psychique comme dans l’ordre physique, on a le droit de symboliser les forces et de les supposer agissant séparément, quoiqu’elles agissent simultanément et solidairement.

550. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre premier. La sélection et la conservation des idées dans leur relation à l’appétit et au mouvement. »

Le souvenir douloureux a une force qui repousse toutes les représentations agréables. […] Impossible de s’expliquer cette conservation et cette reproduction des idées quand on se les représente comme purement spirituelles, sans relations avec le mouvement et avec la force motrice. […] Qu’un nouveau son éclate, l’écho reçoit une force nouvelle, et il n’a besoin que de se renforcer ainsi pour coïncider avec l’image de l’impression primitive. […] L’expérience montre que l’idée persistante d’une couleur brillante fatigue le nerf optique : cette idée implique donc une force qui produit ses effets dans les organes. […] Cette force émotionnelle de l’idée est, selon nous, d’autant plus grande que l’idée enveloppe une représentation plus distincte de mouvements et que l’émotion elle-même est plus aisément réductible à des mouvements.

551. (1904) En méthode à l’œuvre

Et il est aisé de reconnaître de quels de ses affirmations et de ses livres, dépendent certaines tendances qui semblent gagner la poésie : telles d’humanisme, d’altruisme, de sociologie, de préoccupation des travaux de la terre ou des forces mécaniques, etc… Cette édition apporte donc comme en son expression définitive, et avec de très importants développements : la Méthode dont M.  […] Non point, en leur ignorant orgueil d’hommes de l’Occident, vers les très vieilles et tout poétiques Sagesses millénaires nées de l’entre-pénétration des esprits vierges et des torrides et humides Forces, — non point vers le ressouvenir qu’en eurent les philosophes Ioniens. […] Mais le plus douée d’universalité ne l’est-elle, qui, de la Matière sensitive et sentimentale ou seulement agitée de l’éternelle propension d’inorganiques Forces, l’interprète, imite et suggère et s’épand en immatérialité sans pouvoir se résoudre autrement qu’en un immense cri, — que par ce, qu’était ignoré le vrai sens de la Parole : instrument le plus multiple d’instruments dont, idéale réalisation de la Matière, imite et suggère, et délimite, articule et prononce, la pluralité pensante. […] D’où, il apparaît vraiment une série mouvementée d’ondes de durées régies par l’Idée, déterminées par la valeur phonétique de toutes lettres, mais essentiellement par la valeur des Voyelles… Ainsi pouvons-nous voir que le Rythme, — désormais devient le mouvement même de la Pensée consciente et représentative des naturelles Forces. […] de l’idéal dessin d’ellipses nous tracent le devoir du plus-de-Volonté, les impavides et douces Forces… Et, — laissez-moi rêver !

552. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — I. » pp. 325-345

La méprise de l’Assemblée constituante fut de suivre et de favoriser de toutes ses forces ce courant, comme s’il n’y avait rien eu à craindre au lendemain, comme si l’on n’avait eu qu’à appliquer en temps paisible les conséquences rigoureuses de la raison politique, et de ne pas voir le flot de la démocratie qui montait, qui s’élevait de toutes parts, et qui allait l’emporter elle-même avec sa Constitution et ses lois : tellement que pour que la partie salutaire et juste de ces lois pût s’appliquer en réalité et être sentie de tous, il fallut qu’auparavant on repassât par l’autorité d’un seul, c’est-à-dire par ce que la Constituante avait le plus méconnu. […] Comme procureur général syndic, il était le représentant, l’homme d’action du département, lequel avait autorité sur le maire et sur la municipalité de Paris : dans le cas de résistance de cette municipalité, l’administration du département était en droit de requérir, pour la réduire, toutes les autres forces de ce département, c’est-à-dire, en ce qui était de la Seine, toutes les forces de Saint-Denis, Sceaux, Bourg-la-Reine et de la banlieue. […] C’était une gradation de faiblesses échelonnées, en quelque sorte, jusqu’à ce qu’on atteignît au niveau populaire et à la couche démocratique, où était alors la seule organisation réelle et la seule force. […] Mais toutes ces réfutations, empruntées à l’ordre économique ou à l’ordre providentiel, sont également vaines quand la société n’a pas la force en main pour appuyer les raisons. […] (Dans la démocratie il peut y avoir autant de Nérons qu’il y a d’orateurs qui flattent le populaire ; il y en a plusieurs à la fois, et tous les jours il en sort de nouveaux de dessous terre.) » Et Roederer insistait sur la force de cette expression suboriuntur, viennent de dessous les autres et de plus bas 53.

553. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

À force d’ennui, il appelait des représailles. […] C’est quand Hector, ayant repoussé les Grecs de devant les murs de Troie, les vient assiéger dans leur camp à leur tour, et va leur livrer assaut jusque dans leurs retranchements, décidé à porter la flamme sur les vaisseaux ; tout à coup un prodige éclate : un aigle apparaît au milieu des airs enlevant dans ses serres un serpent qui, tout blessé qu’il est, déchire la poitrine de son superbe ennemi et le force à lâcher prise. […] L’inspiration directe, ce fut là la ferme créance et la force de Jeanne d’Arc, comme aussi son grand crime aux yeux de ses juges. […] Elle se fût sentie de force à commander aux gens d’Église et aux prêtres, à les redresser et à les remettre dans leur chemin, tout comme elle y remettait les princes, chevaliers et capitaines. […] L’auteur, comme toujours, pousse à l’effet, il force les couleurs, il fait grimacer les personnages qui interviennent, il badine hors de propos ; il se fait gai, vif, fringant et pimpant contre nature ; il dramatise, il symbolise.

554. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Michaud, de l’Académie française. » pp. 20-40

Qu’alors un homme se présente, la force des choses ramènera les nations à refaire sous lui en grand un cours de politique élémentaire6. […] Michaud, avec sa petite santé, sa longue taille fluette et sa complexion délicate, n’eut jamais la force d’être tout à fait jeune. […] Le judicieux et louable historien n’a pas été en cela un artiste : mais même eût-il tout possédé sous sa main dès l’abord, il n’avait pas en lui la force de le devenir. […] Il lui était pénible d’écrire ; le souffle et les muscles lui manquaient, et son peu de force physique, il le mettait en entier dans son histoire. […] À force même de regarder de son coin et d’observer, il trouvait des mots politiques assez forts et assez pénétrants.

555. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre quatrième. L’expression de la vie individuelle et sociale dans l’art. »

Dans la précision des assemblages, la rareté des éléments, le poli de la surface, l’harmonie de l’ensemble, n’y a-t-il pas une vertu intrinsèque, une espèce de force divine, quelque chose d’éternel comme un principe ? […] Un des défauts caractéristiques auxquels se laisse bientôt aller celui qui vit trop exclusivement pour l’art, c’est de ne plus voir et sentir avec force dans la vie que ce qui lui paraît le plus facile à représenter par l’art, ce qui peut immédiatement se transposer dans le domaine de la fiction. […] Selon nous, un être ainsi organisé échouerait au contraire dans l’art, car il faut croire en la vie pour la rendre dans toute sa force ; il faut sentir ce qu’on sent, avant de se demander le pourquoi et de chercher à utiliser sa propre existence. […] C’est en agissant de lui-même, en créant, que l’homme sent véritablement ses forces, et c’est surtout dans le domaine de la pensée qu’il peut créer quelque chose. […] Recommencer toujours à vivre, tel serait l’idéal de l’artiste : il s’agit de retrouver, par la force de la pensée réfléchie, l’inconsciente naïveté de l’enfant.

556. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rivarol » pp. 245-272

II C’est le regret des forces perdues, ramer regret, pour qui aime les choses de l’intelligence, des chefs-d’œuvre qu’un homme pouvait faire et qu’il n’a pas faits. […] Ainsi, pour qui se rend compte, à part de leur emploi, des forces vives qu’atteste ce qui nous est resté de Rivarol, il est évident que jamais personne ne fut plus apte aux choses littéraires, et dans une proportion plus considérable et plus puissante. […] Et c’est ainsi, non pas que les salons le tuèrent, car les salons qui assassinent tant de talents n’avaient pas une atmosphère de force à tuer l’étonnant talent de Rivarol, mais qu’il se suicida lui-même en s’y épuisant de rayons ! […] C’est ainsi que le moule dans lequel il aimait le plus à couler sa pensée, finit par s’empreindre sur elle avec une telle force qu’elle se pétrifiait, violentée, sous ce moule fatal, et qu’en dehors de son étreinte elle ne pouvait plus exister. […] — contre un seul causeur de la force de Rivarol.

557. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ernest Hello » pp. 207-235

Il n’était pas tellement Trissotin, Hello, qu’il pût avaler sans grimace des déclarations de génie de cette force, et qu’il se crût sincèrement un Himalaya parce que M.  […] Tour de force dans la profondeur, il ne renverse pas tous les points de vue comme les sophistes turbulents, mais, à force de regarder les choses, il y aperçoit et il y fait voir ce que personne n’y avait vu encore, — formicaléo d’idées, qui en fait tomber des milliers en creusant. […] … Encore une fois, c’est moins un livre qu’un assemblage de forces vives, qui prouvent qu’il y a un homme sous cet Homme. […] Mais, comme on prend le taureau par les cornes, quand on n’en a pas peur et qu’on se fie à sa force, il a pris les Saints par leur auréole pour nous les montrer mieux et cela lui a porté bonheur, car il semble qu’il lui soit resté sur les mains de l’or pur de leur auréole ! […] Le surnaturel, auquel il croit avec tant de force, n’a transfiguré que son talent, mais l’homme et l’écrivain sont restés sur leurs bases humaines.

558. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Waterloo, par M. Thiers »

La somme totale de ces fautes ou de ces contretemps est ce qu’on appelle force des choses, fatalité. […] Mais ce que nous venons de mettre sur le compte de la fatalité ou de la force aveugle des choses commençait à se produire. […] Ce général, qui connaissait les Anglais pour les avoir combattus si vaillamment en Espagne, appréciait leur force, leur solidité, et, les supposant déjà massés en grand nombre aux Quatre-Bras, apprenant d’ailleurs par un des plus braves officiers de l’armée le mouvement général des Prussiens vers Fleurus, estima qu’il y aurait péril à avoir les Anglais devant soi aux Quatre-Bras et les Prussiens à dos ; mais ce retard même allait créer le danger aux Quatre-Bras, où les Anglais, assez faibles jusqu’à midi, convergeaient de toutes parts et se renforçaient à vue d’œil. […] Il crut qu’on lui demandait un suprême effort aux Quatre-Bras contre les Anglais, pour pouvoir ensuite, apparemment, se porter sur les derrières de l’autre ennemi, les Prussiens, et, au lieu de ralentir son action et de se borner, comme il le fit plus tard à la fin de la journée et après des prodiges de valeur perdue, à une solide défensive, il songea à ramasser ses forces pour porter un rude coup devant lui ; dans cette préoccupation unique et absolue, il envoya dire à d’Erlon, à ce même chef qu’un ordre de l’Empereur remis par Labédoyère dirigeait en ce moment vers le moulin de Bry, à dos de l’armée prussienne, de revenir en toute hâte aux Quatre-Bras : c’était un contresens.

559. (1874) Premiers lundis. Tome I « Alexandre Duval de l’Académie Française : Charles II, ou le Labyrinthe de Woodstock »

Duval ; maintenant en voici les effets désastreux : Comme les jeunes rédacteurs d’un journal scientifique et littéraire emploient beaucoup de talent et d’esprit à prouver que tous les ouvrages français n’ont pas le sens commun et à proposer pour modèles les étrangers, qui n’ont pas d’autre théâtre que le nôtre, il s’en est suivi : 1° que, de nos jours, tout vise à l’originalité, au bizarre ; que la vraisemblance et la raison sont bannies ; et que, à force de chercher la vérité, on arrive au trivial pour tomber bientôt dans l’absurde ; 2° que les jeunes gens, égarés par les prédicateurs des nouvelles doctrines, ne sachant plus quelle est la meilleure route, de celle qu’ont suivie nos pères ou de celle qu’on leur indique, se bornent, en attendant la solution du problème, à faire des tiers de vaudevilles, ou à mettre de petits articles dans les journaux littéraires ; et que notamment l’un d’entre eux, à force d’esprit et de savoir-faire, en est venu (ô scandale !) […] Duval la justice d’avouer que sa polémique ne franchit jamais les bornes d’une contradiction décente ; son ton est empreint de douleur plutôt que de colère ; s’il récuse et condamne les doctrines, il absout les personnes, et l’on voudrait seulement qu’il reconnût un peu plus la force efficace et paisible de la vérité dans une vogue que son indulgence attribue à je ne sais quel prestige du talent13. […] La réfutation, pour être indirecte, ne perdra rien de sa force. […] Mais c’est que l’ordre nouveau lui-même était en question jusqu’ici, et que toutes les forces sociales affluaient à la lutte d’où l’avenir dépendait.

560. (1875) Premiers lundis. Tome III « Nicolas Gogol : Nouvelles russes, traduites par M. Louis Viardot. »

Chez nous, dans la steppe, à chaque bout de champ, un Cosaque. » Ce fut une explosion de la force russe que firent jaillir de la poitrine du peuple les coups répétés du malheur. » — Tarass Boulba est un des chefs de polk ou des colonels de cette société cosaque qui offrait une organisation militaire très-simple, permanente, et dont M.  […] Nous sommes au moment où les deux fils de Tarass Boulba, qui sont allés faire leurs études au séminaire de Kiew, selon l’usage, reviennent au logis paternel pleins de force, de santé, comme de jeunes grands Cosaques qui promettent beaucoup, mais affublés encore de leurs longues robes d’étudiants. La façon dont Tarass accueille ses fils, dont il les houspille et les raille, dont il force presque l’aîné à faire, pour premier bonjour, le coup de poing avec lui, nous transporte aussitôt dans ce monde de sauvagerie et de rudesse ; la mère silencieuse, émue et navrée, qui ose jouir à peine du retour de ses fils, est touchée avec un sentiment profond et délicat : on assiste à la misérable condition de la femme en ces mœurs et en ces âges barbares. […] … « Mais, quand on l’eut approché des dernières tortures et de la mort, sa force d’âme parut faiblir.

561. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre IV. L’écrivain (suite) »

21 Une cour magnifique, des bâtiments somptueux, des académies, un superbe appareil d’armées, de vaisseaux, de routes, une administration toute-puissante, une petite élite de gens parés et polis ; par-dessous, un amas de paysans hâves qui grattent la terre infatigablement, qu’on recrute de force et par des chasses, qui mangent du pain de fougère, qui s’accrochent aux voitures des étrangers pour mendier un morceau de véritable pain ; par-dessous les fêtes et les broderies de Versailles, une populace d’affamés et de déguenillés. […] La forme même de notre civilisation nous impose ce contraste ; nous ne nous sommes développés qu’en nous disciplinant sous un gouvernement distinct du peuple, indépendant, qui absorbait toutes les idées et les forces, subsistait par sa propre énergie et nous donnait l’impulsion, au lieu de la recevoir de nous. […] Ils s’y développent, ils y agissent par leurs propres forces et d’eux-mêmes ; ils n’y sont point contraints par les passions ou les facultés qu’ils y rencontrent : ce sont des hôtes libres ; tout le soin du poëte est de ne point les gêner ; ils se remuent et il les regarde, ils parlent et il les écoute ; il est comme un étranger attentif et curieux devant le monde vivant qui s’est établi chez lui ; il n’y intervient qu’en lui fournissant les matériaux dont il a besoin pour s’achever et en écartant les obstacles qui l’empêcheraient de se former. […] Il ne la force pas, il se livre à elle ; il lui abandonne le détail de son vers comme l’ensemble de sa conception.

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