On pourrait croire que l’unité de ton était, au moins pour notre théâtre, la conséquence nécessaire de cette loi de l’art qui établissait l’unité de lieu, de temps, d’action : Qu’en un lieu, qu’en un temps, un seul fait accompli Tienne, jusqu’à la fin, le théâtre rempli. […] Revenons à l’état historique de la langue et des lettres à la fin de la 6e période du xviie siècle. […] On souriait avec dédain à l’idée qu’on pût se permettre de dire : qu’une poésie est bien châtiée ; qu’un souris est fin, qu’un souris est amer ; qu’un mauvais poète est un bâtard d’Apollon ; que les peintres sont des poètes muets ; que le soleil est l’époux de la nature.
Ils avaient, sinon toujours, au moins souvent, un sens bien à eux, un timbre distinct, un accent de fin poète. […] Seulement ils ne sont pas muets, eux, et leur meule, le plus souvent de pierre, ils l’ont au cou ou sur le cœur… II Tel ne s’élève point, comme la Tour seule, à toute page du livre d’aujourd’hui (et on le regrette), le poète qui souvent y poind cependant fin, acéré, brillant comme l’aiguille solitaire d’un dôme caché encore par le terrain et qui perce le ciel, en rayant au loin l’horizon ! […] Par l’aube éternelle guidée, Entrevoyant d’autres beautés, L’âme, au sort commun décidée, S’acclimate aux vives clartés Et se fait à la grande idée, Voit la terre avec d’autres yeux, Se prépare au voyage étrange, Laisse à tout d’intimes adieux, S’observe, s’écoute, se range, Se tourne souvent vers les cieux ; Se concentre dans elle-même Laissant déborder par moments Dans l’amitié de ceux qu’elle aime Les précurseurs épanchements De la fin prochaine et suprême !
C’est d’abord dans l’univers romain, à la fin de l’Empire, c’est ensuite et surtout dans l’Europe et l’Amérique modernes. […] Par exemple, si l’on voulait expliquer pourquoi la différenciation a crû dans les sociétés modernes, pourquoi les groupements partiels s’y sont multipliés et entrecroisés, il faudrait tenir compte non pas seulement de l’augmentation du nombre des hommes agglomérés, mais des fins diverses qu’ils se sont fixées, et des moyens que la nature ou l’industrie a mis à leur disposition pour réaliser ces fins.
Je suis las à la fin de tant de léthargie. […] à la fin du IV. […] A la fin du III. […] A la fin du dîner, elle était faite. […] Il y a une grâce dans la bonté et une mélancolie atténuée et fine qui sont des charmes.
C’est très fin. […] Enfin je te reverrai fin juillet à la mer. […] C’étaient des acclamations et des trépignements sans fin. […] que cette fin d’acte est belle ! […] A la fin, les voisins se sont émus : ils prévinrent le commissaire de police.
XVII Fin de juin 1843. […] Le fin mot de mon article, c’est que nous sommes dans un 15 avril universel ; en politique, sous M.
de Latena ; il a sur ce sujet des remarques fines, spirituelles et souriantes. […] Nous reproduisons ici la suite et la fin de cet article que M.
Certes, il la fuit, cette banalité, serait-ce parfois aux dépens de la clarté, de la régularité, de la forme ; tant pis pour les césures, pour les rimes, il s’élance résolument, cingle sans pitié son Pégase fin de siècle et arrive au but ; enfant de race habitué à réaliser tous ses caprices, les obstacles ne comptent pas pour lui ; rien ne l’arrête, il forge les mots que la langue ne lui donne pas, prend ses aspirations parfois d’une assonance ou d’une consonance, mais il dit tout ce qui lui vient à la tête, et, s’il y passe des choses un peu surprenantes, il y passe aussi, et le plus souvent, d’exquises… L’idée maîtresse du Chef des odeurs suaves, la dominante de cette œuvre de délicat, de raffiné, c’est l’influence qu’exercent sur nos sens les objets qui nous environnent. […] Remy de Gourmont Avec la moitié des Hortensias bleus, on ferait un tome, encore très dense, qui serait presque tout entier de fine ou de fière ou de douce poésie.
Ainsi je me féliciterais que la nature vous ait créé — non seulement narrateur, soit enclin à formuler, pour les sentir plus largement et mieux en détail, les légendes écloses en votre imagination — mais encore, et auparavant, et éminemment voyeur (pour ne pas dire sensuel ou sensible, mots dont la signification s’est trop épandue), oui, regardeur, écouteur, gourmet, nez fin, avec toutes ces particularités compliquées de mémoire (souvenir des paysages, gestes, odeurs, etc.), à seule fin que se manifestent en réalités immédiatement reconnaissables lesdites cérébrales éclosions.
C’est que le premier au milieu de ses phrases emphatiques, avoit de l’harmonie, de l’élégance & cette sorte de pompe qui flatte les oreilles ; c’est que le second avoit naturellement l’esprit délicat & fin : mérite qui ne s’accorde pas toujours avec le goût, mais qui répandoit des agrémens jusques sur ses plus mauvaises Lettres. […] Les Lettres galantes du Chevalier d’Her** sont moins remarquables par quelques traits délicats & fins que par les fadeurs monotones & les plaisanteries entortillées qui les caractérisent.
Un autre livre de Nibelle, mais qui nous a paru très inférieur aux Légendes de la Vallée, est un petit volume de Récits antiques réunis sous le titre collectif et assez mystérieux de la Fin d’un Songe 7… Nous acceptons le titre comme excellent s’il veut dire que ces récits n’ont pas d’autre valeur qu’un rêve de rhétorique, et que l’auteur, éveillé de cette griserie au souper de Nicias, n’y reviendra plus. […] Les Légendes de la Vallée ; Fin d’un songe (Pays, 8 septembre 1853) 5.
Le critique présente deux romans d’Edmond Jaloux : la prose de La Fin d’un beau jour est proche selon lui de la décharge nerveuse. […] Paul de Musset, à la fin de la biographie de son frère, nous a transmis un texte précieux sur la fantaisie qu’il est bon de rappeler ici. […] Avec La Fin d’un beau jour au contraire le moteur est au point et le livre prend son vol. […] La Fin d’un beau jour est un livre que hante comme une présence invisible le sens du mystère spirituel des êtres. […] Tous nos sentiments ne sont que l’image d’eux-mêmes, ils viennent comme des flammes lécher, sans pouvoir s’y tenir, leur propre vérité, il y a toujours entre nous-mêmes et notre âme une fine, une décourageante différence.
Il leur a suffi, pour cette fin, de faire renaître les sensations visuelles. […] Et, après ces maîtres, ce fut la fin artistique du drame. […] Toutes vont à cette fin par un progrès continu, dont j’ai naguère noté les lois dominantes. […] Et sur la nature de cette fin, encore, maintes contradictions : parfois, M. Renan la dit fortuite, et il cite l’exemple du semeur aveugle : parfois cette fin du monde est la vertu ; parfois, la vertu même est un moyen, une duperie de la nature, pour nous obliger à réaliser une fin différente.
Je tousse encore un peu, mais c’est la fin du ramonage. […] TITI — Je n’resterai pas jusqu’à la fin. […] Droz est plutôt une étude consciencieuse de la fin du siècle dernier qu’un roman. […] Quelle circonstance mit fin à sa carrière politique ? […] Ce n’est pas la fin.
C’est peut-être le seul reproche fondé que s’attire le caractère : de se démentir à la fin. […] L’estampe japonaise est fresque orientale ici (de très loin, fine miniature persane) : mais j’y salue une même volonté d’art. […] Il est entré dans la littérature française sur la fin du moyen-âge, tel un joli trouvère naïvement musical. […] elle eût paru banale la fin d’un Molière à même les planches, celle du vieux Corneille conséquent jusqu’au dernier jour avec son espagnolisme héroïque, la fin de ceux qui n’ont sacrifié à rien leur art — auprès de la claustration orgueilleuse et prématurée d’un Racine « rentrant dans le Christ ». […] Là, plus qu’ailleurs encore, cette vérité apparaît, qu’un mouvement trop répété donne à la fin l’impression de l’immobilité complète.
Bien que le style en soit appuyé, engorgé et lourd, le contraire exactement du style de Montesquieu, on parvient aujourd’hui à la fin du livre de Mme de Staël avec bien moins de peine qu’à la fin de l’Esprit des Lois. […] En une autre direction, il s’amincit et se cisèle en une pointe fine de poésie pure. […] — sont les familiers des chambres secrètes de la poésie, de vrais précurseurs critiques du plus fin Sainte-Beuve. […] C’est la fine pointe sous laquelle une poésie moins pure fait poids et nombre. […] Hugo l’a fait à sa place dans la Fin de Satan.
Ils tiennent au dualisme de la fin et des conditions, et à la mobilité capricieuse de la matière. […] Elle se présente à nous tout d’abord comme une fin de non-recevoir. […] L’être doué d’une âme n’est pas seulement une fin, comme l’être doué de vie : il est capable de se proposer une fin et d’imaginer des moyens propres à la réaliser. […] Il peut aller jusqu’à se proposer des fins absurdes, telles que le néant. […] Pourquoi, toutefois, Spencer maintient-il l’individualisme comme fin de la société ?
Au contraire, c’est la fine fleur des grands seigneurs pour l’esprit, pour le tact, pour l’éloquence, pour la grâce, le courage et le bon goût […] À la fin donc ce beau drame était retrouvé tout entier ! À la fin il se montrait à nous dans toute sa sévère et sombre physionomie. […] C’est un homme d’un goût si fin et si habile ce M. […] À peine mort, il devint le sujet de louanges sans fin… le héros de mille apothéoses !
Ce ne fut que plus tard, et surtout vers la fin de l’Empire, que l’idée de la Constitution anglaise la saisit. […] Ces articles sont remplis, au reste, de détails justes et fins. […] Si le livre de la Littérature avait produit un tel effet, le roman de Delphine, publié à la fin de 1802, n’en produisit pas un moindre. […] Cette fin de non-recevoir élevée contre les talents survenants remonte un peu haut, et jusqu’au sein du pur Louis XIV, comme le remarquait M. […] Dans cette disposition d’esprit plus fine et railleuse qu’on ne l’aimerait, furent écrites par lui quelques pages qu’on trouvera au Livre des Cent-et-Un, tome VII.
Shirley, l’un des derniers, à la fin de sa carrière, est contraint de redevenir instituteur. […] que Faust vive en enfer mille années, cent mille années, mais qu’à la fin il soit sauvé ! […] — À la fin, tout s’est découvert, et les deux amants savent qu’ils vont mourir. […] — Toujours trompé, il la blesse encore ; elle tombe mourante, mais sans colère. — « Voici la fin. […] ‘Tis a fine deceit To pass away in a dream !
Le Comte — fine silhouette tenant du muguet, de l’abbé de cour, du dandy, du lieutenant de hussards et de l’artiste peintre affable, reçoit l’Enquêteur. […] Quel autre poème que « la Mort du Loup » se pourrait, par exemple, comparer à la fin du Vieux Moissonneur ? […] Puis, scandalisé, un Anglais, déambulant sur l’avenue, clame le mot de la fin.) […] Et sur cette image aussi juste que curieuse, notre conversation prit fin ; mais, avant de nous quitter, M. […] Tout ce qui n’est pas dit de façon fine et brève Est importun !
Michelet (suite et fin.) […] Michelet, ailleurs, a durement parlé de Louis XVI, on peut dire qu’il lui a fait réparation ici en la personne du duc de Bourgogne, cette ébauche et cette épreuve anticipée du même caractère, et une épreuve bien plus soignée, bien plus fine de traits assurément.
Théophile Gautier C’est un talent fin, discret, un peu timide que celui de Theuriet ; il a la fraîcheur, l’ombre et le silence des bois, et les figures qui animent ses paysages glissent sans faire de bruit comme sur des tapis de mousse, mais elles vous laissent leur souvenir et elles vous apparaissent sur un fond de verdure, dorées par un oblique rayon de soleil. […] Mais, si des rayons paisibles et calmes indiquent déjà le doux déclin de la fin septembre, ces clartés indécises, ces lueurs pâlissantes et qui luttent encore, nous laissent voir, malgré tout, un dernier épanouissement qui conserve sa force et son énergie… L’intimité qui anime les vers de M.
Là, sans quitter le théâtre, il rapporte ses observations, toujours fines et quelquefois profondes. […] Voyez la note C à la fin du volume.
Il y a là de la tenue d’écrivain, de l’élégance, de la netteté, et souvent une fine ironie, toutes choses excellentes, mais qu’il faudrait utiliser dans une composition plus vaste qu’une simple et courte monographie. […] En vérité, ces exagérations d’économistes rappellent, à leur manière, les exagérations d’un autre genre dont on s’est tant moqué, quand les hommes de la fin du xviiie siècle, hébétés par le matérialisme, proclamaient que la Révolution française était toute dans le déficit financier.
Le livre très distingué d’Alcide Dusolier : Nos gens de lettres, leur caractère et leurs œuvres 25, promet un critique de plus à cette fin de siècle, dont le caractère intellectuel, qui se précise de plus en plus, tend à devenir éminemment critique. […] Rien n’est plus charmant de coloris doux, de nuances fines et émues… Ce n’est, je le veux bien, que des dessus déportés, faits aux trois teintes, avec du gris de lin, du bleu de ciel et du rose pâle ; mais c’est délicieux, et qui peint ainsi le dessus de porte a droit au lambris !
Ainsi, même pour les fins humaines, le christianisme est supérieur à toutes les religions : il unit la sagesse de l’autorité à celle de la raison, et cette dernière, il l’appuie sur la plus saine philosophie et sur l’érudition la plus profonde. Après avoir observé dans ce Livre comment les sociétés recommencent la même carrière, réfléchissons sur les nombreux rapprochements que nous présente cet ouvrage entre l’antiquité et les temps modernes, et nous y trouverons expliquée non plus l’histoire particulière et temporelle des lois et des faits des Romains ou des Grecs, mais l’histoire idéale des lois éternelles que suivent toutes les nations dans leurs commencements et leurs progrès, dans leur décadence et leur fin, et qu’elles suivraient toujours quand même (ce qui n’est point) des mondes infinis naîtraient successivement dans toute l’éternité.
L’ironie la plus légère, la plus fine, fût-ce celle de Voltaire, est toujours grave au fond, quelque enjouée qu’en soit la forme. […] Dans Le Légataire de Regnard, un pauvre vieillard, accablé d’infirmités, touche à sa fin ; des scélérats le tourmentent pour son héritage, et fabriquent en son nom un faux testament pendant qu’ils le croient à l’agonie. […] Cela est d’un comique franc et en même temps très fin. […] Mais les arguments nous en apprennent la fin. […] Molière, né pour la farce, a voulu faire une fine comédie ; il a produit une œuvre bâtarde, qui n’est ni une fine comédie, ni une farce.
Ce qui avait semblé une fin, une chute suprême, n’était plus qu’une phase d’essai, une tentative, une magnanime expérience étouffée alors, et qui, après un intervalle de plus de trente-cinq ans, reprenait son cours. […] Cette fin vaut mieux qu’un séjour prolongé dans cette île avec l’avenir qui m’y attend. […] un peu trop prodigués, deux ou trois images de convention (lauriers, cyprès, par exemple) qui sont comme égarées dans ce style simple, ne sauraient faire oublier, je ne dis pas à l’homme impartial et sensé, mais à l’homme de goût, tant de pages vives, courantes, du français le plus net, le plus heureux, d’une langue fine, légère, déliée, éminemment spirituelle, voisine de la pensée et capable d’en égaler toutes les vitesses.
Il a trouvé sa forme, qu’il n’emprunte à personne, dans ce genre sobre et fin de la notice littéraire. […] Parmi les poëtes dont les extraits font l’honneur et l’agrément du volume, il me prend envie d’en mentionner trois ou quatre à peu près au hasard : ce sera une occasion pour moi de citer d’eux quelques échantillons de rare et fine poésie. […] On l’a oublié ; on n’a pas assez remarqué dans le temps et signalé au passage deux recueils de lui (1840, 1847), pleins de fines galanteries, de rares et voluptueuses élégances.
J’ai là devant moi quantité de numéros de la Presse, renfermant des articles de lui, dont je voulais me souvenir, et sur l’un de ces numéros j’ai écrit : « Voici de ces jolies choses, dites en courant, que je crains que Saint-Victor ne conserve pas et ne recueille pas dans les volumes d’articles revus qu’il prépare ; il s’agit de je ne sais quelle petite pièce à couplets : « Ces chansons du vieux temps, Mlle Déjazet les dit de sa petite voix grêle et fine de cigale anacréontique ivre de rosée. — « Tu ne subis point la vieillesse », — dit à la cigale le poëte de Téos, — « frêle enfant de la terre, toi qui aimes les chansons. » Et dans un autre feuilleton encore : « Les rides, si jamais elles viennent, iront à sa petite figure spirituelle et impertinente comme les craquelures à la porcelaine. » Ces charmants hasards de plume valent pour moi de plus grands traits, et je ne veux pas que le feuilleton, sous prétexte qu’il devient livre et qu’il se fait plus grave, me les ôte et me les supprime. […] Je ne pense pas que Théophile Gautier, de qui on a souvent rapproché M. de Saint-Victor, et qui, en effet, a pu être son maître un moment, soit aussi neutre, aussi indulgent, aussi placide d’impression qu’on veut bien le dire : il est facile, quand on lit Gautier avec intelligence, de saisir sa vraie impression et de la discerner, comme un sable fin, au fond de ce beau lac d’indifférence où il se joue ; mais enfin M. de Saint-Victor se distingue absolument de lui par la vivacité avec laquelle il articule et accuse en toute rencontre ses affections ou ses répugnances. […] La politique et le souffle enflammé des passions régnantes l’enlevèrent trop tôt à ce culte exclusif des lettres ; mais dans la dernière partie de sa vie il avait cherché une consolation dans l’amour des arts proprement dits, et il était devenu un connaisseur fin en peinture.
Delmare, se montrèrent de prime abord comme d’attachantes nouveautés qui réalisaient nos propres réminiscences, et que plus d’un profil entrevu, plus d’une aventure ébauchée, les situations qu’on rêve, celles qu’on regrette ou qu’on déplore, se ranimèrent pour nous et se composèrent à nos yeux dans un émouvant tableau, autour d’une romanesque, mais non pas imaginaire créature, alors on s’est laissé aller à aimer le livre, à en dévorer les pages, à en pardonner les imperfections, même les étranges invraisemblances vers la fin, et à le conseiller aux autres sur la foi de son impérieuse émotion : « Avez-vous lu Indiana ? […] Si en effet quelques traits de style et de pinceau, aux endroits particulièrement descriptifs et littéraires, dénotent plus de fermeté et d’habitude qu’il n’est naturel d’en accorder à une femme toute seule, dans un premier essai d’aussi longue haleine, une foule d’observations fines et profondes, de nuances intérieures, de sensations progressives ; l’analyse du cœur d’Indiana, de ses flétrissants ennuis, de son attente morne, fiévreuse et désespérée, pauvre esclave ! […] Il y a cependant quelque ironie peu fidèle à nous montrer vers la fin Raymon, si frais, si beau, si calme, au centre des pauvres destinées égarées dont il est le fléau, et n’ayant pas gagné une ride, pas perdu un cheveu.
Mme de Staël avait uni à des dons puissants d’imagination et de sensibilité un coup d’œil politique et philosophique fort étendu ; mais elle faisait exception dans son sexe, et, depuis elle, la prétention de nos femmes, même les plus distinguées, s’était restreinte à des chants suaves, à de délicates peintures, à une psychologie fine et tendre sous l’aile du christianisme. […] Sténio se moque de lui vers la fin ; Magnus ne l’attend pas pour faire son crime. […] Les jours où je me sentais agitée au point de ne pouvoir plus reconnaître la ligne de démarcation imaginaire tracée autour de ma prison, je l’établissais par des signes visibles ; j’arrachais aux murailles décrépites les longs rameaux de lierre et de clématite dont elles étaient rongées, et je les couchais sur le sol aux endroits que je m’étais interdit de franchir : alors, rassurée sur la crainte de manquer à mon serment, je me sentais enfermée dans mon enceinte avec autant de rigueur que je l’aurais été dans une bastille. » J’indiquerai encore dans le début toute cette promenade poétique du jeune Sténio sur la montagne, la description si animée de l’eau et de ses aspects changeants, et, au sein de la nature vivement peinte, les secrets surpris au cœur : « Couché sur l’herbe fraîche et luisante qui croît aux marges des courants, le poëte oubliait, à contempler la lune et à écouter l’eau, les heures qu’il aurait pu passer avec Lélia : car à cet âge tout est bonheur dans l’amour, même l’absence. » On pourrait, chemin faisant, noter dans Léliaune foule de ces douces et fines révélations, dont l’effet disparaît trop dans l’orage de l’ensemble.
Il a été créé pour une fin ; il a une destination ; de même chaque partie a une fin, une destination. La vie d’un être, c’est le développement de sa nature vers l’accomplissement de sa destinée ; mais tous les êtres n’ont pas conscience de la fin pour laquelle ils ont été créés.
Pour juger une littérature contemporaine, surtout quand c’est la française, il faut être là, observer les nuances, distinguer les rangs, dégager l’original de l’imitateur, séparer le délicat et le fin d’avec le déclamatoire, noter le rôle qui souvent se mêle vite à l’inspiration d’abord vraie ; il faut discerner cela non-seulement d’auteur à auteur, mais jusqu’au sein d’un même talent : de loin, il n’y a qu’à renoncer. […] Sa manière de commencer le procès qu’il nous intente par l’examen sérieux et appliqué de Paul de Kock, doit faire sourire les gens de talent qu’il inculpe, et d’un sourire plus fin et plus malicieux que l’auteur ne voudrait assurément, s’il savait sa méprise : mais il faut l’y laisser. […] M. de Vigny doit se féliciter d’avoir échappé, tant par ses drames que par ses romans, productions d’un talent si rare et si fin, à cette critique quelque peu cyclopéenne.